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mercredi, 26 septembre 2012

L’OTAN abandonne les Afghans

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Ferdinando CALDA:

Trop d’infiltrés: l’OTAN abandonne les Afghans

 

L’ISAF a décidé de réduire en nombre les opérations conjointes avec les forces de sécurité afghanes

 

L’OTAN en Afghanistan a décidé de réduire de moitié les opérations conjointes qu’elle menait avec les forces de sécurité locales, pourtant entraînées par le contingent international. Cette décision survient suite à une succession toujours croissante d’incidents dits “green on blue”, l’expression codée signifiant qu’un soldat ou un policier afghan tire sur ses collègues étrangers. Au cours de cette année 2012, ce type d’incident a causé la mort de plus de cinquante militaires occidentaux. Le commandant de l’ISAF vient de l’annoncer, tout en spécifiant bien que la majeure partie des patrouilles communes sont menée à l’échelle du bataillon, voire d’unités plus grandes, tandis que la coopération entre unités plus réduites sera appréciée “au cas par cas et approuvée par les commandants régionaux”. Cette décision arrive juste après que les Etats-Unis, pour endiguer la multiplication des “attaques internes”, ont suspendu le programme d’entraînement des milices faisant fonction de police locale (ALP), tandis que l’OTAN continuait son propre travail avec l’armée (ANA) et la police (ANP) aghanes, tout en lançant simultanément une campagne de “nettoyage” des effectifs à l’intérieur des forces de sécurité afghanes. Une initiative qui, selon les renseignements fournis par le gouvernement de Kaboul, a conduit à l’expulsion ou à l’arrestation d’environ 700 personnes parmi les soldats et les policiers afghans.

 

Une mesure temporaire?

 

Le commandement de l’OTAN a cherché à minimiser l’alarme déclenchée à propos des infiltrés, en précisant que la réduction des opérations conjointes ne constitue qu’une “mesure temporaire”, adoptée surtout pour “répondre au niveau élevé de menace dû à la diffusion du vidéo-clip ‘The Innocence of Muslims’”, le petit film controversé et satirique qui s’en prend au prophète Mohammed et qui a surexcité la rue dans les villes musulmanes du monde entier ces derniers jours. D’après les estimations, seulement un quart des “attaques internes” serait à mettre au compte d’insurgés infiltrés, même si d’autres officiers parlent d’une moitié. Le reste des incidents serait alors imputable à des remontrances personnelles et surtout à un effet ou un autre du “choc des civilisations”. Les incidents de type “green on blue”, par exemple, auraient eu lieu suite à la crémation d’un Coran dans une base militaire américaine ou à la diffusion de vidéos montrant des marines outrageant des cadavres d’Afghans, tués au cours d’un combat.

 

Toutefois, il est vrai aussi que la hâte de l’OTAN et des Etats-Unis à augmenter les effectifs des forces de sécurité afghanes —qui, en théorie, devraient garantir la sécurité après le départ des troupes étrangères en 2014— a eu une influence négative sur la sélection et le recrutement des militaires et policiers qui, souvent, sont corrompus, toxicomanes ou analphabètes; en outre, ces troupes se font aisément infiltrer par les talibans ou d’autres insurgés.

 

Le grave incident de Camp Bastion

 

D’après ce que vient de déclarer Leon Panetta, secrétaire américain à la défense, les attaques contre les forces de l’OTAN perpétrées par des policiers ou des soldats indigènes constituent une tactique “de la dernière chance”, parce que les talibans sont désormais “incapables de reconquérir le terrain perdu”. Malgré cette déclaration optimiste, les insurgés ont réussi à infliger quelques dommages importants aux troupes étrangères qui n’attendent plus qu’une chose: rentrer à la maison. Vers la mi-septembre 2012, une quinzaine de miliciens ont attaqué Camp Bastion, une base militaire de l’ISAF, dans laquelle ils ont pu pénétrer. Cette base se situe dans la province d’Halmand, sous contrôle britannique. Les miliciens afghans étaient armés d’armes automatiques, de lance-missiles RPG et munis de gilets bourrés d’explosifs. Le bilan de l’attaque, selon les sources de l’ISAF, est de six appareils Harrier AV-8B (à décollage vertical) complètement détruits et de deux autres gravement endommagés. Trois stations de ravitaillement ont également été détruites. Six hangars ont été sérieusement endommagés. Il semble donc que les membres du commando ont pu se vêtir d’uniformes américains et aient bénéficié d’une aide intérieure.

 

Echec du “parcours de transition”

 

Cet épisode a contribué, à coup sûr, à précipiter la décision des commandants de l’ISAF de réduire la coopération avec les Afghans, ce qui augmentera le clivage, déjà sourdement existant, entre les militaires de l’OTAN et les troupes indigènes. Cette mesure traduit l’échec du fameux “parcours de transition”, pour lequel on avait déployé une propagande tapageuse, dans les milieux otanesques et américains. Il fallait absolument prouver que, dans l’euphorie et la plus franche des camaraderies, les forces internationales et les troupes afghanes combattaient côte à côte contre le même ennemi taliban ou insurgé. Et que cette situation idyllique allait perdurer jusqu’à ce que l’OTAN et les Américains passent le flambeau. Mais si les instructeurs de l’OTAN ne peuvent plus collaborer étroitement avec les Afghans par crainte de mettre en péril leur propre intégrité, il s’avèrera bien difficile d’atteindre, à terme, l’objectif ambitieux de créer une armée afghane bien structurée et efficace.

 

Ferdinando CALDA

( f.calda@rinascita.eu )

(article paru dans “Rinascita”, Rome, 19 septembre 2012; http://rinascita.eu/ ).