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samedi, 22 octobre 2022

Brève histoire électorale de l’Allier

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Brève histoire électorale de l’Allier

par Georges FELTIN-TRACOL

Situé au Nord-Ouest de la région Auvergne – Rhône-Alpes, le département de l’Allier est un bon indicateur du bouleversement politique survenu aux législatives des 12 et 19 juin derniers. Ce département d’environ 336.000 habitants correspond à peu près à la province d’Ancien Régime du Bourbonnais, avec quelques paroisses auvergnates et foréziennes en plus. Sur cette terre naquit la Maison capétienne de Bourbon qui régna sur la France, Naples – la Sicile, Parme et le Brésil et qui continue de régner en Espagne et au Luxembourg.

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D’une superficie de 7.340 km², le territoire comprend en son centre le Val d’Allier et la Limagne bourbonnaise. À l’Ouest, le Bocage s’élève lentement vers les plateaux de la Combraille. Au-delà commencent les dénivelés légers de La Marche et les étendues de la Sologne bourbonnaise où l’on trouve la merveilleuse forêt de Tronçais. À l’Est se dresse la Montagne bourbonnaise. Les trois principales aires urbaines sont la préfecture, Moulins (19.000 hab.), Vichy (25.000 hab.) et Montluçon (34.360 hab.). La population élevée de cette dernière par rapport aux deux précédentes se comprend par la présence d’une industrie rurale prédominante. Moulins concentre des activités tertiaires et agricoles. Vichy vit du thermalisme, activité motrice pour le tourisme local.

Historiquement plutôt de gauche et rétif au gaullisme, le département de l’Allier est une terre socialo-communiste. Entre 1958 et 2010, quatre circonscriptions législatives le couvraient. Le déclin démographique lui en a fait perdre une. Aujourd’hui, les trois circonscriptions s’organisent autour de Moulins (la 1re), de Montluçon (la 2e) et de Vichy (la 3e). En 2012, dans la foulée de l’élection de « Flamby » Hollande à l’Élysée, contre les trois candidats UMP qualifiés, le PS gagne les 1re et 2e circonscriptions tandis que son allié du PRG (Parti radical de gauche) s’empare de la 3e. En 2017, le désaveu est cinglant pour le PS et son comparse. Le PCF remporte la 1re circonscription. Les candidates LREM macroniennes triomphent en revanche dans les 2e et 3e circonscriptions.

En 2022, le PCF conserve la 1re circonscription contre le candidat présidentiel à 55,51 %. La 3e circonscription voit l’élection à 60,98 % du candidat Les Républicains aux dépens de la députée macronienne sortante. Rappelons que le tiers des députés du groupe Les Républicains est originaire d’Auvergne – Rhône-Alpes dont le conseil régional est présidé par Laurent Wauquiez qui ne brigue pas la direction de sa formation. La surprise provient de la 2e circonscription. Jorys Bovet du RN est élu contre la candidate La France insoumise à 50,22 %. L’Allier perd par conséquent deux élus de la majorité présidentielle et devient un foyer d’opposition plus ou moins franche au mal-élu de l’Élysée (pensons aux atermoiements du RN et des Républicains au Palais-Bourbon).

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Département à la fois rural et industriel, l’Allier est un condensé de cette « France périphérique » si bien décrite par le géographe Christophe Guilluy. Ce territoire pâtit de l’enclavement routier, de la fermeture des services publics, de la rareté des transports en commun. Ce tout alimente le mécontentement, voire la colère des électeurs vis-à-vis des candidats de Paris. L’électorat de la 1re circonscription préfère par habitude politique voter pour le PCF dont l’ancrage territorial demeure relativement solide même si le conseil départemental est maintenant de centre-droit (alliance UDI – Les Républicains oblige). Entre 1978 et 1993, le député de l’ancienne 3e circonscription fut le candidat communiste à la présidentielle de 1988 André Lajoinie.

41mCM01+eUL.jpgPlutôt tourné vers la gauche, le département de l’Allier a néanmoins été marqué par l’action du maire de Moulins de 1971 à 1989, Hector Rolland, député gaulliste de la 1re circonscription de 1968 à 1981 et de 1986 à 1988. Né en 1911 à Neuilly-sur-Seine, c’est un enfant abandonné. Surnommé « Spartacus » et ayant l’habitude de déclamer ses poèmes dans les hémicycles du Palais-Bourbon et de Strasbourg de 1983 à 1984 avec son accent chantant de paysan, il se rapproche au début des années 1970 d’un jeune loup appelé Jacques Chirac. En 1974, il contribue à l’« Appel des 43 » parlementaires gaullistes qui soutiennent Valéry Giscard d’Estaing contre le candidat gaulliste Jacques Chaban-Delmas. Son enthousiasme envers le député de Corrèze – maire de Paris s’émousse très vite. Paru en 1990, ses Souvenirs dérangeants d'un godillot indiscipliné (Albin Michel, 215 p.) se montrent accablants pour le catastrophique Chirac.

Hector Rolland adhère en 1984 au Cercle Renaissance de Michel de Rostolan, futur député FN de l’Essonne en 1986. Favorable à l’Europe des États nationaux et à un rapprochement entre le RPR – UDF et le FN, Hector Rolland condamne l’IVG. En 1986, avec la députée UDF – barriste Christine Boutin et Michel de Rostolan, il veut créer à l’Assemblée nationale un groupe destiné à l’accueil de la vie que Chirac désapprouve et torpille aussitôt. Dans la perspective de la présidentielle de 1995, l’ancien député – maire de Moulins se rallie à Édouard Balladur. Mais il décède en mars, quelques semaines avant le premier tour.

Parmi les deux sénateurs de l’Allier, mentionnons l’ancien maire de Vichy, Claude Malhuret. Naguère militant soixante-huitard au PSU (Parti socialiste unifié) et président pendant huit ans de Médecins sans frontières, il devient secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des Droits de l'homme de 1986 à 1988 dans le gouvernement de cohabitation de Chirac, et se remarque par sa vindicte contre Jean-Marie Le Pen et le FN. Il milite aujourd’hui au parti d’Édouard Philippe, Horizons, d’où son zèle covidien remarqué…

Département méconnu, l’Allier, on le voit, recèle cependant une histoire politique contemporaine trépignante dont il faudra suivre avec attention les prochaines péripéties.

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 47, mise en ligne le 18 octobre 2022 sur Radio Méridien Zéro.

jeudi, 24 juin 2021

Au milieu, le Massif

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Au milieu, le Massif

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

En étudiant la topographie de la France, les géographes remarquent que son relief s’ordonne autour d’une diagonale inclinée du Nord-Ouest vers le Sud-Est. Au-delà de cette ligne s’étend un ensemble de régions basses marquées par les Bassins aquitain et parisien ainsi que par la plaine du Nord qui se prolonge à travers toute l’Europe septentrionale jusqu’à l’Oural. En-deçà se dressent des montagnes plus ou moins élevées. Au milieu de cette diagonale géophysique s’impose le Massif Central.

D’une superficie de 80.000 km², ce vaste donjon hydrographique complexe au relief compact et contrasté est, avec le Puy de Sancy à 1885 m d’altitude, le plus élevé et le plus étendu des massifs anciens d’Europe occidentale. Vaste plan incliné vers le Couchant, fortement redressé à l’Est, anciennement marqué par un volcanisme désormais en sommeil, le Massif Central domine de plus de mille mètres le Sillon rhodanien et la plaine du Languedoc et s’abaisse vers le Nord-Ouest vers les plateaux du Limousin dont le plus célèbre reste en Corrèze celui des Millevaches, c’est-à-dire des mille sources d’eau. Son centre correspond à plusieurs systèmes volcaniques enchevêtrés. Le plus étendu correspond au département du Cantal. Son contour administratif évoque l’insigne de l’Ordre de la Toison d’Or. Par les effets du volcanisme, certains paysages frappent par leurs similitudes avec les hautes-terres de Mongolie : le Cézallier, la Margeride et l’Aubrac (où on trouve un nombre considérable de menhirs ou de pierres levées, preuves indéniables d’un habitat préhistorique).

Terres d’enracinement

Dans ces espaces de moyennes montagnes courent bien des récits ancestraux à la fois folkloriques et symboliques. Ce n’est pas un hasard si Alexandre Vialatte (1901 – 1971), chroniqueur au quotidien La Montagne et traducteur de Nietzsche, de Thomas Mann ou de Gottfried Benn, vante L’Auvergne absolue. François Mitterrand aimait à chaque Pentecôte gravir avec ses fidèles la roche de Solutré, un autre site à l’habitat fort ancien. Le président ex-Cagoulard de la République de 1981 à 1995 tenait le massif septentrional du Morvan, en particulier le Mont Beuvray, pour un haut-lieu de l’imaginaire gaulois. Le « pape des escargots » d’Henri Vincenot (1912 – 1985) rapporte bien des souvenirs celtiques tandis qu’un autre Bourguignon, Johannès Thomasset (1895 – 1973) exalte l’héritage burgonde, revient sur le « Grand Duché d’Occident » à la fin du Moyen Âge et prône l’alliance franco-allemande pour sauver l’Europe. Ce n’est pas un hasard si au début des années 1970, Jean-Claude Valla et Pierre Vial ont animé un éphémère bulletin intitulé Grande Bourgogne

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Auteur de Gaspard des Montagnes, Henri Pourrat (1887 – 1957) rédige ses récits à partir de sa récolte des fables locales du Livradois, cette forêt montagneuse autour d’Ambert qui servait de frontière médiévale entre l’Auvergne vassale du roi de France et le comté de Forez, terre d’Empire. Mitoyens aux Monts du Livradois, les Monts du Forez forment le décor somptueux et sauvage de l’œuvre majeure d’Honoré d’Urfé au XVIIe siècle, L’Astrée. Près de la limite départementale entre la Loire et le Puy-de-Dôme au col de l’Homme mort, se trouve au bord de la route une auberge nommée « Au Roi perdu ». S’agit-il d’une discrète allusion à l’évasion de la prison parisienne du Temple en 1794 du jeune roi Louis XVII grâce à la fameuse filière de Thiers ? Le fils de Louis XVI y aurait-il trouvé refuge dans cette région réputée être sous la période révolutionnaire, mais un terrain fertile pour la chouannerie locale ? L’histoire officielle l’ignore, mais pas les érudits locaux…

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Bien plus au Sud, en Bas-Vivarais, a vécu à Saint-Marcel-d’Ardèche le philosophe paysan Gustave Thibon (1903 – 2001). Aujourd’hui, dans ce même département, mais dans sa partie montagneuse et cévenole, on peut encore rencontrer l’agronome et penseur rural Pierre Rabhi. Tous ont noté dans leurs écrits la prégnance mystique des paysages. Même s’il pense dans La Colline inspirée (1913) à la bosse lorraine de Sion – Vaudémont, Maurice Barrès se souvient très bien du bourg de Saugues dans le Gévaudan d’où provenait une partie de sa famille et où il séjournait enfant pendant la saison estivale. Le Gévaudan, aujourd’hui partagé entre la Lozère et la Haute-Loire, acquiert une réputation effroyable dans toute l’Europe à la fin du XVIIIe siècle avec les méfaits d’une bête tueuse de femmes et d’enfants. Bien des hypothèses ont circulé autour de cet animal mystérieux et sanguinaire. L’auteur de polar, Pierric Guittaut a, au terme d’une enquête passionnante dans La Dévoreuse. Le Gévaudan sous le signe de la Bête 1764 – 1767 (Éditions de Borée, 2017), montre que la bête en question n’est qu’un loup-cervier de forte taille.

CVT_La-Devoreuse-Le-Gevaudan-sous-le-signe-de-la-bet_116.jpgEn Auvergne – Bourbonnais

Née de la fusion au XVIIe siècle des cités rivales de Montferrand et de Clermont d’où partit en 1095 l’appel du pape Urbain II à la Première Croisade, la ville de Clermont-Ferrand doit sa prospérité économique à partir de la seconde moitié du XIXe siècle à l’essor des machines agricoles et de la fabrication du caoutchouc avec l’entreprise Michelin. Inspirée par la doctrine sociale de l’Église catholique, la famille éponyme pratique le paternalisme social et finance la construction de nombreux logements sociaux. Les syndicalistes parisiens ou lyonnais prennent alors l’habitude de se moquer les Clermontois qui « vivent, grandissent, travaillent et meurent chez Michelin ». Au-dessus de l’ancienne Augustonemetum (« le sanctuaire d’Auguste »), premier nom de la ville auvergnate, s’élève le Puy de Dôme, ses installations de radio-diffusion et son centre de communication militaire. À leur proximité se visitent toujours les ruines d’un temple dédié au dieu Mercure. Depuis son sommet, on y contemple un large panorama dont les Combrailles à l’Ouest et le Bourbonnais au Nord. Se conformant à peu près au département de l’Allier, le deuxième département de France qui compte le plus grand nombre de châteaux, le Bourbonnais est le berceau de la dynastie française, puis européenne, des Bourbons. Si sa deuxième ville, Vichy, devient la capitale de l’État français entre 1940 et 1944, son chef-lieu, Moulins, est déjà le cœur politique du pays sous Charles VIII (1470 – 1483 – 1498). Sa sœur aînée, Anne de Beaujeu (ou de Bourbon) qui hérita de l’intelligence politique de leur père Louis XI, exerce plusieurs fois la régence et s’impose face aux grands féodaux.

Au XVIe siècle, le principal seigneur du Massif Central est son gendre, le connétable Charles III de Bourbon (1490 – 1527). L’historiographie officielle française le fait passer pour un traître. Le Connétable de Bourbon voit ses intérêts patrimoniaux de grand féodal contestés par la mère de François Premier, Louise de Savoie. Malgré sa prestance physique et sa grande taille, le roi de France reste un petit garçon devant sa mère. Il lui cède et fomente des procès truqués contre le Connétable. Furieux, celui-ci en tant que prince de Dombes va servir son autre suzerain Charles Quint. Charles de Bourbon meurt à la tête des lansquenets protestants de l’Empereur au moment de la prise de Rome. Dominique Venner appréciait cette figure altière et incomprise.

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Territoire favorable aux sourcières, l’ancien Bourbonnais voit s’installer différentes communautés proches de l’anthroposophie. Ces terres centrales facilitent une implantation communautaire tenace. Dans le Morvan, en Sologne bourbonnaise, en Auvergne autour de la ville coutelière de Thiers et non loin de là dans les Bois noirs des Monts du Forez s’implantèrent les parsonniers (ou les pariers ou encore les parciers) aussi qualifiés de « communautés taisibles ». Ces communautés rurales d’origine familiale élargie ignoraient la propriété privée individuelle. À la suite des recherches du sociologue conservateur Frédéric Le Play (1806 – 1882), historiens, micro-économistes et anthropologues étudient ces groupes coutumiers qui ont perduré jusqu’au début du XXe siècle. Détentrices d’alleux, ces communautés taisibles n’hésitaient pas à tenir tête au seigneur du coin au point que le voisinage paysan les considérait comme une forme de « noblesse populaire ». Équivalents aux bourgades nobiliaires d’Espagne du Nord et des communautés villageoises aristocratiques d’origine militaire des confins polonais, ces structures collectives originales formaient de véritables « monastères de laboureurs mariés » respectant l’obéissance aux aïeux, la pauvreté individuelle et la chasteté conjugale.

À la source du plus long fleuve de France

À cheval entre la Haute-Loire et l’Ardèche, le Vivarais – Lignon est surnommé par ses habitants le « plateau de la Burle », du nom de ce vent du Nord hivernal qui érige en quelques minutes des congères de quatre à cinq mètres de haut. Sur ce plateau d’origine volcanique existent dans des coins isolés des fermes tenues par une autre communauté spirituelle, les darbystes (ou des Frères de Plymouth, un courant protestant). Deux points saillants marquent le plateau aride de la Burle : le Mont Gerbier-de-Jonc au pied duquel surgissent les sources « véritable » et « authentique » de la Loire, le plus grand fleuve français, et le Mont Mézenc qui se caractérise par deux sommets jumeaux. Les pilotes d’avions redoutent cette zone, théâtre de divers accidents aériens mortels. Les journalistes locaux parlent d’un « triangle des Bermudes terrestre », car les pierres volcaniques perturberaient les instruments de navigation aérienne. D’autres y recherchent le trésor caché de Vercingétorix avant sa défaite à Alésia. Le plateau connaît en 1833 le scandale de l’« Auberge de Peyrebeille » sise sur la route entre Montélimar et Le Puy-en-Velay. Le réalisateur Claude Autant-Lara en fait en 1951 un film, L’Auberge rouge, avec Fernandel. La justice et le voisinage accusèrent le couple d’aubergistes et leur serviteur d’avoir tué des voyageurs. Condamnés à mort, les trois furent guillotinés sur place, ce qui est exceptionnel. Pourquoi ? Des historiens du dimanche y ont vu une forme de sacrifice et insistent sur la proximité du Meygal, le massif montagneux au centre du Velay (ou de la Haute-Loire) dont bien des villages abritaient des forgerons quelque peu alchimistes…

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Point de départ pour le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, la cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay se distingue, d’une part, des autres bâtiments de France romane et gothique par son style byzantin et, d’autre part, par la présence ancienne d’une vierge noire, émanation chrétienne d’antiques cultes telluriques féminins. La cathédrale massive se trouve encadrée de deux promontoires rocheux. Se tient sur le rocher Corneille une statue de la Vierge Marie érigée en 1860 avec la fonte du fer de deux cent treize canons venant de la prise de Sébastopol en 1855 pendant la Guerre de Crimée (1853 – 1856). En face de la cathédrale à dix minutes de marche est édifiée sur un neck, le rocher d’Aiguilhe, de 82 mètres de hauteur, une église de style roman dédiée à Saint-Michel accessible par un escalier de 268 marches. Le folklore qualifie ce promontoire de « fiente de Gargantua ». L’église paraît répondre au rayonnement mystique de l’abbaye normande du Mont Saint-Michel. Dans son court roman Pop Conspiration (Auda Isarn, 2013), Arnaud Bordes y place le siège d’une très vieille société secrète. À cinq kilomètres du Puy surplombe depuis un large éperon rocheux l’immense forteresse médiévale de Polignac, longtemps propriété de la maison du même nom dont une branche cadette a perpétué par mariage avec la dernière héritière la dynastie princière des Grimaldi de Monaco.

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Dans la France en crise des années 1930, la Haute-Loire rejette les compagnies de l’électricité qui profitent d’un monopole de fait. Élu en 1929 maire de Vorey-sur-Arzon, Philibert Besson (1898 – 1941) mène la rébellion. Élu député en 1932, il s’associe avec l’ingénieur – agriculteur Joseph Archer, maire de Cizely (Nièvre). Inspirés des analyses d’économistes proches des non-conformistes de la décennie 1930, Philibert Besson et Joseph Archer défendent les États fédérés d’Europe dotés d’une monnaie continentale, l’europa, dont la valeur représente trente centigrammes d’or, cent grammes de cuivre, deux kilogrammes d’acier, deux kilogrammes de blé, deux cents grammes de viande, cinquante centilitres de vin à dix degrés, deux cents grammes de coton, dix kilowatt-heure, une tonne kilométrique et trente minutes de travail. Déchu de son mandat parlementaire et poursuivi par une justice aux ordres, Philibert Besson vit une année en clandestinité protégé et hébergé par les paysans vellaves. En 1936, il se présente à la députation comme le président du Parti capitaliste-travailliste et se déclare partisan du fascisme. Battu, il prévoit la Débâcle de 1940. Interné dans un asile psychiatrique, il décède de mauvais traitements à Riom.

On pourrait continuer à arpenter ces territoires riches en symbolisme populaire et en forts caractères. Oui, Maurice Barrès a raison d’écrire dans La Colline inspirée qu’« il est des lieux où souffle l’esprit. Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse ». Le Massif Central ou la clé de voûte de la France spirituelle, héroïque et paysanne au sein de notre civilisation albo-européenne.

Georges Feltin-Tracol

• D’abord mis en ligne sur Vox NR – Les Lansquenets, le 29 avril 2021.