« Il y a eu le développement d'internet, l'accès facile à des scènes pornographiques, le fait que les jeunes peuvent se filmer avec des téléphones portables en train d'avoir des relations sexuelles reproduisant ces scénarios. Sans qu'aucun adulte ne leur dise que le porno, ce n'est pas la réalité, que l'acteur joue, qu'il est dopé. … Il fallait donc se demander ce qui avait changé pour qu'une petite minorité croissante de jeunes se comporte de cette manière. Des études sont en train d'être menées, notamment sur le contenu des téléphones portables. A Zurich, elles ont démontré que 60% des garçons interrogés, mais aussi 40% des filles, détenaient de la pornographie. (...)
Certaines valeurs, en particulier le respect de l'enveloppe charnelle, peuvent être altérées chez des individus n'ayant pas les outils et les accompagnements nécessaires pour gérer ce type d'images. Un certain nombre de garçons se mettent en scène comme de véritables machos. Et certaines filles consommant du porno adoptent cette image. Elles se considèrent comme un morceau de viande, un consommable.
Je parle dorénavant de pornophagie. Il y a une cinquantaine d'années, la pornographie était relativement confidentielle. Des hommes allaient au sex-shop pour en consommer. Avec l'apparition du magnétoscope et des cassettes vidéo, le porno est entré dans les foyers, l'homme l'imposant à sa conjointe. Actuellement, avec internet, il y a suroffre. On surconsomme, ce qui mène à la surstimulation, puis au mimétisme… (...) Il s'agit d'une sexualité désincarnée, sans amour. Le viol est relativement rare entre adolescents. Souvent, la fille acceptera ce que les garçons lui imposent, pour se faire adopter par le groupe. (...) On est dans une sexualité débridée, car exempte de valeurs. C'est le modèle du macho et de la salope sur MTV. (...) Pour voir quelle était la place de la pornographie chez les jeunes, je me suis intéressé à ce qu'ils achètent : du rap. Sur internet, j'ai trouvé des centaines de groupes de rap utilisant des actrices porno pour tourner des clips ! Le porno est devenu un argument marketing sur le marché jeune, ça fait vendre. (...)
Beaucoup de jeunes transportent en outre sur leur téléphone portable des images de pornographie illicite. Récemment dans le district de Boudry, trois mineurs arrêtés détenaient une vingtaine de films, dont la moitié contenaient des actes de torture ou de zoophilie. (...) Pourquoi ne pas mettre la pression sur les providers internet, afin de les contraindre à mettre à disposition de leurs clients des abonnements familiaux, avec des filtres installés automatiquement afin d'éviter les contenus pornographiques ou violents ? »
Olivier Guéniat, chef de la police de sûreté neuchâteloise, interviewé par L’Express, 21 novembre 2008