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mardi, 02 avril 2024

"La beauté éternelle et intemporelle est préfigurée par l'éphémère". Jünger et les insectes

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"La beauté éternelle et intemporelle est préfigurée par l'éphémère". Jünger et les insectes

par Michele (Blocco Studentesco)

Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/03/21/bs-eterna-bellezza-senza-tempo-junger/

les_prochains_titans-26608-264-432.jpg"Observer la vie de la nature, dans le petit comme dans le grand, est un spectacle incomparable, une occupation qui me procure de la sérénité". C'est ainsi qu'Ernst Jünger a expliqué sa passion pour l'entomologie aux journalistes italiens Antonio Gnoli et Franco Volpi lors d'une série de conversations datant de 1995, qui ont ensuite été rassemblées et publiées sous le titre Les prochains Titans. Un intérêt qui est bien plus qu'une curiosité, mais que l'auteur allemand considère comme égal à celui pour la littérature : "D'habitude, tout le monde me considère comme un écrivain et considère mes intérêts entomologiques comme une extravagance. Pour moi, ce sont deux passions tout aussi épanouissantes l'une que l'autre, et je ne les sépare pas".

L'entomologie est une branche de la zoologie qui étudie les insectes. Jünger a été attiré par cette discipline dès son plus jeune âge, lorsque son père lui a donné, ainsi qu'à ses frères, le matériel nécessaire pour les capturer et les classer. Cette passion l'accompagnera tout au long de sa vie, des journées oisives à la campagne après avoir fait l'école buissonnière, aux brefs moments de répit pendant la guerre juste à côté des tranchées, en passant par les longs voyages autour du monde, en Asie comme en Méditerranée. L'intérêt de Jünger n'était pas seulement celui d'un amateur ou le résultat d'une improvisation, mais pouvait s'appuyer sur des bases scientifiques solides et lui valut plusieurs satisfactions, dont celle d'avoir donné son propre nom à deux nouvelles espèces qu'il avait découvertes : le Carabus saphyrinus juengeri et le Cicindela juengeri juengerorum.

Parmi les nombreuses variétés d'insectes, Jünger s'est surtout consacré aux coléoptères et en particulier aux cicindèles. Une prédilection qu'il justifie ainsi dans Chasses subtiles (1967), en la comparant à celle, plus courante, pour les papillons : "Les coléoptères ne s'offrent pas à l'œil avec autant de grâce. Ils sont plus matériels, plus durs et, en tant que joyaux de la terre, plus proches des fruits que des fleurs, plus proches des coquillages et des cristaux que des oiseaux. Ils ne déploient pas leur beauté d'un coup d'aile. Il est donc facile de comprendre pourquoi ceux qui les aiment sont plus constants que les "amateurs de papillons".

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C'est précisément dans Chasses subtiles que l'auteur allemand s'engage davantage dans ces thèmes, en évoquant ses souvenirs et ses expériences personnelles et en les entremêlant de réflexions plus profondes. L'observation de la nature est pour Jünger bien plus qu'un passe-temps. C'est un viatique pour accéder aux couches les plus profondes de la réalité, là où se trouve le domaine de la forme, là où l'éternel se cache derrière le visible, là où, pendant de brefs instants, l'être resplendit : "Ces passions ne dépendent pas du rang des créatures, mais du choix de leur adorateur et de l'endroit où il se trouve. C'est précisément de là qu'il peut apercevoir, dans la mer des phénomènes, l'éclat d'une vague sur laquelle se brise la lumière, et c'est par cette petite fenêtre qu'il peut jeter un regard sur la magnificence de l'univers".