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samedi, 20 mars 2021

Comment interpréter le concept de liberté utilisé par Freedom House?

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Comment interpréter le concept de liberté utilisé par Freedom House?

Leonid Savin

https://rebelion.org/

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Bien que Freedom House (FH) prétende être une organisation non gouvernementale, 70 à 80% de son budget total provient du gouvernement américain. Par conséquent, une grande partie du travail effectué par cette ONG est le reflet des politiques américaines. Récemment, FH a publié son dernier rapport annuel dans lequel il analyse l'état des libertés civiles dans le monde (1). Le rapport se fonde sur le concept occidental de ‘’liberté négative’’, qui conçoit la liberté comme l'absence d'obligations et de restrictions dictées par les relations sociales.

Les pays sont divisés en trois catégories: les libres, les ‘’partiellement libres’’ et les non libres. D'ici 2020, la FH prévoit qu'il y aura 82 pays libres, 59 pays partiellement libres et 54 pays non libres.

Pour avoir une idée de l'approche utilisée par Freedom House pour classer les différents États, il suffit de noter que des pays comme la Russie, la Turquie, le Kazakhstan, la Chine et le Vietnam sont considérés comme non libres, tandis que l'Ukraine, le Royaume du Maroc, le Pakistan et l'Inde sont classés comme partiellement libres ; les vaches sacrées de la démocratie sont les pays d'Europe occidentale et les États-Unis.

L'Estonie est le pays qui s'en approche le plus, avec un total de 94 points, ce qui est étrange, car cette démocratie balte est connue pour le fait qu'elle considère que la population russe ne fait pas partie de la citoyenneté estonienne, ce qui porte atteinte aux droits de l'homme pour des raisons ethniques, mais l'Estonie est considérée comme un pays libre par les employés de Freedom House. La même discrimination existe en Lettonie, mais ce pays reçoit un total de 89 points.

Le rapport note que le niveau des libertés démocratiques a sensiblement diminué au cours de l'année écoulée dans un total de 45 pays (2). La FH fait référence à plusieurs pays, notamment la Biélorussie.

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Aux États-Unis, le niveau de liberté individuelle s'est dégradé, ce qui a fait tomber ce pays loin derrière la Lettonie et l'Estonie (le score en matière de libertés civiles aux États-Unis est passé de 94 à 83 au cours de l'année écoulée), mais c'est la faute à Donald Trump.

Le rapport note également que l'épidémie de coronavirus a eu un impact négatif sur la promotion de la liberté, cela est clair en ce qui concerne des pays comme la Hongrie, la Pologne, l'Algérie, l'Égypte, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Inde, la Chine, le Canada, l'Argentine, le Brésil, le Venezuela, la Colombie, l'Iran, la Thaïlande et les Philippines. ...

Le système de classement est plutôt biaisé. Par exemple, le rapport est caractérisé par des jugements tels que ceux-ci : "Les ennemis de la liberté défendent l'idée fausse que la démocratie est entrée dans un processus de déclin parce qu'elle est incapable de répondre aux besoins du peuple. En fait, la démocratie est en déclin pour une autre raison : parce que ses représentants les plus éminents ne font rien pour la défendre. Les démocraties doivent de toute urgence commencer à se montrer solidaires les unes des autres afin de conserver leur leadership mondial. Les gouvernements qui défendent la démocratie, y compris la nouvelle administration à Washington, doivent se réunir le plus rapidement possible..."

Que signifie "ne pas faire assez pour défendre la démocratie"? Bombarder la Yougoslavie, envahir l'Irak et l'Afghanistan, détruire l'État libyen, tenter de renverser le président de la Syrie, promouvoir un coup d'État en Ukraine? Soutenir une dictature brutale au Bahreïn afin d'assurer la présence de la cinquième flotte de la marine américaine?

À peu près au même moment où le rapport de Freedom House a été publié, le directeur du renseignement national des États-Unis a rendu public un rapport spécial sur l'implication du gouvernement saoudien dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Le meurtre s'est produit en octobre 2018 au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Le rapport indique que le prince héritier Mohammed bin Salman a donné le feu vert à une opération visant à capturer et à tuer ce journaliste saoudien, mais les États-Unis n'ont imposé aucune sanction contre l'Arabie saoudite ou contre le prince héritier (Washington s'est limité à imposer quelques sanctions contre l'ancien chef des services de renseignement saoudiens Ahmad al-Asiri).

Il n'est pas non plus important que les employés de Freedom House écrivent sur l'état des libertés civiles dans les pays non libres (comme l'Arabie saoudite), puisque ces pays sont, dans l'ensemble, des vassaux des États-Unis. Les vassaux sont autorisés à faire certaines choses que les autres ne peuvent pas faire, et ces choses doivent inclure la suppression des libertés civiles, comme cela se passe actuellement en Ukraine avec l'approbation du gouvernement américain (3).

Notes :

  1. (1) https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2021/democracy-under-siege
  2. (2) https://freedomhouse.org/explore-the-map?type=fiw&year=2021
  3. (3) https://www.fondsk.ru/news/2021/03/01/ozhestochennaja-borba-so-svobodoj-...

Source : https://www.fondsk.ru/news/2021/03/07/o-nesvobodnoj-rossii-i-otnositelno...

mercredi, 04 janvier 2012

La machine propagandiste américaine “Freedom House”

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Bernhard TOMASCHITZ:

La machine propagandiste américaine “Freedom House”

L’organisation “Freedom House” est-elle véritablement une organisation indépendante, consacrant ses efforts à la promotion d’une vraie démocratie et d’une liberté authentique? Plus que jamais, le doute est permis!

Récemment, l’ONG américaine “Freedom House” a célébré son 70ème anniversaire. Dans le monde, on connait surtout cette “Maison de la Liberté” pour son rapport annuel sur les progrès de la démocratie et de la liberté de la presse dans le monde. Dans l’univers médiatique occidental, cette “Freedom House” est très souvent citée, sous prétexte qu’elle serait indépendante. Ce qui, en revanche, est nettement moins connu, ou est plutôt sciemment tu, c’est que la “Freedom House” reçoit environ 80% de son budget, de manière directe ou indirecte, d’instances américaines officielles. Les quelque onze milliards de dollars, dont a bénéficié cette fondation au cours de l’année 2011, proviennent en grosse partie du ministère américain des affaires étrangères, de l’autorité US s’occupant d’aide au développement (l’USAID) ou de la NED (“National Endowment for Democracy”) qui n’est autre que le “bras civil” des services secrets, en d’autres mots de la CIA.

Il nous paraît nécessaire de jeter un regard rétrospectif sur l’histoire de cette fondation et sur le contexte de sa création. Rapidement, on s’aperçoit qu’il n’est nullement question d’indépendance par rapport à l’Etat américain. Ce fut surtout l’épouse du Président américain de l’époque, Eleanor Roosevelt, qui présida à sa naissance pendant l’automne 1941. En coulisses, c’était évidemment son mari qui tirait toutes les ficelles. L’objectif de la fondation, au moment de sa création, n’était pas tant la diffusion planétaire de la “démocratie libérale” selon le modèle américain, mais la création, par propagande systématique, de toutes les conditions nécessaires pour faire participer directement  les Etats-Unis à la seconde guerre mondiale. La “Freedom House” ne dissimule nullement cette intention de départ et, sur son site de l’internet, son émergence est justifiée par la nécessité “après la fusion entre deux groupes fondés avec le soutien tacite du Président Roosevelt, d’obtenir l’assentiment public à une participation des Etats-Unis à la guerre, à une époque où les préjugés isolationnistes donnaient le ton”. La propagande belliciste a donc été une caractéristique constante de la “Freedom House”, jusqu’à date très récente. On a ainsi pu constater qu’en mars 2003 la “Freedom House” a soutenu, avec toutes la virulence voulue, la guerre américaine contre l’Irak, contraire au droit des gens. Une déclaration l’atteste: “Du plus profond de notre coeur, nous espérons que ces efforts de guerre, où les forces américaines seront impliquées, se dérouleront au mieux et que la tyrannie de Saddam Hussein tombera en coûtant le minimum en vies humaines”.

La qualité des membres du conseil de supervision de la “Freedom House” nous permet aussi de  dégager une image significative de la nature intrinsèque de l’ONG: d’après elle, ce conseil comprendrait “des dirigeants d’entreprises et de syndicats, d’anciens fonctionnaires gouvernementaux, des universitaires, des écrivains et des journalistes”. Cependant, parmi les anciens membres de ce conseil de supervision, on trouve une proportion, supérieure à la moyenne, de faucons néo-conservateurs comme Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz ou Jeanne Kirkpatrick. Ces trois personnalités, tout comme un des nouveaux membres de ce conseil de supervision, Kenneth Adelman, étaient tous des partisans virulents de l’attaque contre l’Irak.

Après la victoire des alliés occidentaux en 1945 et au début de la Guerre Froide, la “Freedom House” s’est muée en un instrument de la politique américaine d’endiguement de l’Union Soviétique. Le premier objectif était surtout de lier durablement les petites puissances d’Europe occidentale à Washington. “C’est pour cette raison que la Freedom House a soutenu très activement l’alliance atlantique de notre après-guerre ainsi que des stratégies et des institutions comme le Plan Marshall ou l’OTAN”. Après que les Etats-Unis aient pu aligner comme ils le voulaient leurs “partenaires” d’Europe occidentale, les efforts de la Freedom House se sont focalisés sur la lutte contre les Etats marxisants du Tiers Monde; après la fin de la Guerre Froide et l’effondrement de l’Union Soviétique, la Freedom House est revenue en Europe, pour en faire son théâtre d’intervention principal. Il s’agissait surtout, dans un premier temps, de lier aux structures euro-atlantiques les anciens Etats communistes d’Europe centrale et orientale. Ou pour s’exprimer d’une autre manière: les anciens satellites de l’Union Soviétique devaient faire de Washington leur nouveau centre de gravitation.

Pour faire d’une pierre deux coups, la première antenne extérieure de la Freedom House est installée en 1993 en Ukraine, sous prétexte de “travailler à l’organisation d’élections libres et justes et de renforcer la société civile”. D’autres antennes sont installées ailleurs en Europe dans les années suivantes, notamment en Serbie et en Hongrie. Mais c’est l’Ukraine qui recevra la priorité dans les efforts de la Freedom House. Pourquoi? Parce que l’Etat territorialement le plus vaste d’Europe est, d’une part, le pays par où transite le gaz naturel russe: il revêt dès lors une importance stratégique cruciale; d’autre part, la maîtrise de l’Ukraine, si elle devenait fait avéré, constituerait une avancée capitale dans le projet américain d’affaiblir définitivement la Russie. Par conséquence, la Freedom House, pour réaliser ces objectifs, a soutenu la “révolution orange” à Kiev en 2004/2005, partiellement avec le soutien de la Fondation “Open Society” du spéculateur en bourse Georges Sörös. Dans ce contexte, Ron Paul, membre du Congrès à Washington, critiquait la politique suivie en décembre 2004, en soulignant que l’argent américain “servait surtout à soutenir un seul candidat, au détriment des autres”. Ron Paul désignait ainsi le vainqueur des élections de l’époque, Victor Youchtchenko, fidèle vassal de Washington qui entendait faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN. Ron Paul a encore été plus précis quand il a dénoncé l’immixtion patente des Etats-Unis dans le processus électoral ukrainien: “Nous savons que le gouvernement américain, via l’USAID, a octroyé des millions de dollars provenant de l’organisation PAUCI (“Poland-America-Ukraine Cooperation Initiative”), laquelle est administrée par la Freedom House. Suite à cela, l’organisation PAUCI a réparti les subsides gouvernementaux américains parmi d’innombrables ONG ukrainiennes”.

La “Freeedom House” n’a pas caché sa satisfaction pendant la présidence de Youchtchenko à Kiev mais a changé radicalement d’attitude lorsque son rival de longue date, Victor Yanoukovitch, a été élu chef de l’Etat au début de l’année 2010. Yanoukovitch a opéré un nouvau rapprochement russo-ukrainien en commençant par renouveler le bail pour les ports de Crimée où mouille la flotte russe de la Mer Noire. Le bail, accordé aux navires de guerre russes, est prolongé jusqu’en 2041. Comme Yanoukovitch ne veut pas entendre parler d’une inféodation de son pays aux structures euro-atlantistes, la “Freedom House” a fait descendre la cote de l’Ukraine: de “pays libre”, elle est devenue “pays partiellement libre”. De plus, la Freedom House déclare que règnent en Ukraine “des abus de pouvoir” comme on n’en avait plus vu depuis 2004.

Dans le collimateur des “diffuseurs de démocratie” établis à Washington se trouve aussi désormais la Hongrie. La raison de placer la nation hongroise dans le collimateur de Washington réside principalement dans la politique du Premier Ministre Viktor Orbàn, qui entend ne défendre que les seuls intérêts de la Hongrie. De plus, le parti Fidesz au pouvoir dispose de suffisamment de sièges, pour la première fois dans la Hongrie post-communiste, pour permettre à Orbàn de nationaliser les caisses privées de pension et de faire renaître la tradition de la “Couronne sacrée”, fondement du “cadre constitutionnel pré-moderne” de la Hongrie.

La Hongrie appartient à cette catégorie de “pays en transition”, comme par ailleurs l’Ukraine et d’autres pays de l’ancienne zone communiste, où il s’agit de faire triompher l’influence américaine et de l’ancrer définitivement. L’obstacle majeur à ce projet est évidemment la Russie, car, premièrement, ce grand pays est dirigé de manière autoritaire par Vladimir Poutine et Dimitri Medvedev, ce qui gène le travail de la Freeedom House et d’autres fondations américaines influentes; deuxièmement,   la Russie exerce une influence sur ses voisins immédiats, ce qui est jugé “nuisible” à Washington. Raison pour laquelle une collaboratrice en vue de la Freedom House, Jennifer Windsor, déclare, très sérieusement, que, “de fait, la démocratie a échoué dans bon nombre de pays ayant appartenu à l’Union Soviétique et que cet échec est dû partiellement à l’exemple russe d’un autoritarisme en phase ascendante”. Voilà pourquoi cette dame réclame: “Les Etats-Unis et l’Europe doivent forcer la Russie à jouer un rôle constructif dans le soutien aux modes de comportement politiques démocratiques, tant à l’intérieur de la Fédération russe elle-même qu’à l’étranger”.

La pression qui s’exerce aujourd’hui sur Moscou ne se justifie pas, en fin de compte, par un souci de démocratie ou de droits de l’homme, qui tenaillerait les personnalités politiques et économiques américaines et euro-atlantistes, mais bien plutôt par des intérêts économiques et commerciaux sonnants et trébuchants. La Russie, en effet, comme chacun le sait, est immensément riche en matières premières, tout comme l’Iran (celui du Shah hier comme celui d’Ahmadinedjad aujourd’hui) est riche en pétrole et en gaz naturel ou comme la Chine qui ne cesse de croître sur le plan économique. Ces trois pays sont de nos jours les cibles privilégiées du soft power américain en action. Outre leurs matières premières ou leurs atouts industriels, ils ont un point commun: ils refusent de suivre les injonctions des cercles politiques américains et de Wall Street et n’adoptent pas la marche qu’on tente de leur dicter en politique comme en économie.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°45/2011; http://www.zurzeit.at ).