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mercredi, 31 janvier 2024

L'absence de soft power est une erreur stratégique pour la Chine

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L'absence de soft power est une erreur stratégique pour la Chine

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/la-mancanza-di-soft-power-e-un-errore-strategico-per-la-cina/

Tôt ou tard, la Chine devra se rendre compte qu'elle doit également s'engager dans le soft power. Ce qui ne peut se limiter à injecter des investissements dans les infrastructures ou à lancer de nouvelles initiatives industrielles. Tout cela est important, bien sûr. Et même fondamental. Mais pas suffisant. On l'a vu dans l'affaire de la mer Rouge, aux prises avec les tirs de missiles des Houthis en réponse à la boucherie israélienne à Gaza.

Les navires chinois ont multiplié les passages, presque certains de ne pas être touchés en tant que bateaux d'un "pays ami". En réalité, les grandes entreprises de Pékin préfèrent elles aussi contourner l'Afrique. On ne sait pas si c'est par choix sécuritaire ou pour ne pas afficher une trop grande proximité avec le Yémen. Mais cela laisse de la place aux navires chinois de plus petites compagnies.

En tout cas, un avantage pour le commerce de Pékin. Lequel, toutefois, évite soigneusement de jouer un rôle politique dans toute cette affaire. Préférant ne pas s'écarter de la voie économique. Un choix similaire à celui de l'ensemble des Brics, ou presque. Le seul pays qui a tenté d'aller plus loin - au-delà de la Russie avec sa gestion de la guerre - est l'Afrique du Sud, avec sa dénonciation des crimes de guerre israéliens.

Mais tous les autres sont restés muets. Pas seulement sur la question palestinienne. Inexistants dans le cinéma, la télévision, la musique, l'art, la littérature. Inexistants dans tout ce qui est utilisé par les États-Unis pour faire passer leur vision du monde dans les consciences partout dans le monde. Alors que les Brics, qui représentent près de la moitié de la population mondiale, sont incapables d'offrir une alternative qui ne soit pas strictement économique. Et même sur ce plan, la dépendance à l'égard de l'image imposée par le turbo-capitalisme atlantiste est embarrassante. Il n'y a pas d'événement alternatif à Davos qui ait la même résonance.

C'est une erreur stratégique, qui a aussi des conséquences économiques. Car le redressement de l'économie chinoise, par exemple, est présenté par les médias occidentaux comme une défaite de Xi Jinping et des dirigeants de Pékin. Cela déclenche la fuite des investisseurs. Mais la Chine, dépourvue de soft power, n'est pas en mesure de renverser le récit imposé par Washington. Cela vaut également pour Moscou et Brasilia. C'est un avertissement pour New Delhi, Riyad et Le Caire.

Ce n'est pas un hasard si, face à des choix indiens ou égyptiens, inconfortables pour les atlantistes, les médias occidentaux lancent une campagne médiatique contre Modi ou Al Sisi. Et, invariablement, l'Inde et l'Egypte sont incapables de réagir parce qu'elles n'ont jamais investi dans un système alternatif d'information, de projets culturels, d'initiatives capables de changer leur propre image construite par leurs adversaires.

vendredi, 04 août 2023

Pourquoi le soft power n'est pas applicable en Russie

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Pourquoi le soft power n'est pas applicable en Russie

Leonid Savin

Source: https://katehon.com/ru/article/pochemu-myagkaya-sila-ne-primenima-v-rossii

Du milieu des années 2000 au début des années 2020, la communauté russe des politologues et des internationalistes a connu un engouement pour le "soft power" - de nombreux articles sur le sujet ont été publiés, des thèses ont été soutenues, et les représentants d'un certain nombre d'ONG et de fondations russes ont essayé avec éloquence de convaincre que c'était eux qui s'engageaient dans le "soft power" pour promouvoir les intérêts de la Russie à l'étranger. Il faut reconnaître que l'expression inventée par Joseph Nye Jr. est effectivement séduisante. Il est vrai qu'il a également parlé de hard power, de smart power et de cyber power. Et puis il y a la force tranchante (le "sharp power" selon Christopher Walker) et la force adhérente (le "sticky power" selon Walter Russell Mead). Et les divergences de vues sur la manière exacte d'appliquer la puissance pour exercer la domination des États-Unis ont donné lieu à des polémiques entre les théoriciens des méthodologies susmentionnées.

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Mais c'est le "soft power" qui est devenu populaire en Russie. Probablement parce qu'il était opposé au "hard power". Et bien qu'en 2008, la Russie ait eu recours au hard power en Ossétie du Sud en 2008, le soft power a continué à être activement discuté.

Cette approche est généralement erronée. Au lieu de développer ses propres concepts, stratégies et doctrines, la Russie réfléchissait à des modèles qui lui étaient étrangers. Et leur analyse n'avait pas la profondeur critique suffisante pour réaliser l'importance d'une approche authentique et souveraine de la conduite des affaires internationales. C'est pourquoi une théorie russe des relations internationales n'a pas encore vu le jour, bien que des tentatives aient été faites par un certain nombre d'universitaires et de politologues russes depuis de nombreuses années.

La fascination pour l'Occident n'est pas une tendance des dernières décennies. Pendant l'ère soviétique, nous avons (hélas) également commencé à utiliser des termes et des concepts formulés par nos adversaires idéologiques. Les termes "monde bipolaire", "tiers monde" et des définitions plus spécifiques telles que "crise des missiles de Cuba" sont tous des produits de l'administration présidentielle américaine et du pool de politologues américains au service de la Maison Blanche et du Département d'État.

Le même phénomène s'est produit avec le soft power. Après avoir créé dans leur propre imagination un modèle qui, théoriquement, peut influencer les autres, les politologues nationaux ont commencé à parler de la nécessité de l'appliquer au niveau mondial.

Si l'on tient compte du fait que "la puissance douce est davantage une généralisation figurative qu'un concept exprimé de manière normative", cette approche pourrait être justifiée.

Toutefois, les positions de départ et les capacités de la Russie et des États-Unis à cet égard sont très différentes.

Premièrement, le budget utilisé par les États-Unis pour toutes sortes d'opérations psychologiques, d'influence culturelle et idéologique, de programmes scientifiques et éducatifs, ainsi que pour le maintien de leur propre personnel d'agents dans le monde entier, n'est pas comparable aux fonds dont la Russie disposerait, même dans des conditions idéales, pour mener sa politique étrangère.

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La formation de l'appareil américain de soft power a commencé dans les années 1970 et était très diversifiée. Qu'il s'agisse de l'USAID, du Peace Corps, d'organisations telles que le NDI et le Republican Institute, des projets de réseau de Saul Alinsky ou des groupes missionnaires protestants, tous travaillent depuis des décennies dans différentes régions du monde, recueillant les données nécessaires et développant des méthodes uniques d'ingénierie sociale (il convient de noter que l'école du béhaviorisme, c'est-à-dire la gestion du comportement humain, a vu le jour aux États-Unis). Des budgets de plusieurs millions de dollars ont été alloués et maîtrisés année après année par toute une armée de scientifiques, de spécialistes et d'exécutants. Les meilleures méthodes qui ont fait leurs preuves dans l'un ou l'autre pays/région ont été transposées à l'échelle mondiale.

Deuxièmement, le soft power n'existe pas en soi, mais uniquement en conjonction avec le hard power. Alors que le hard power - la capacité à contraindre - découle de la puissance militaire ou économique d'un pays, le soft power résulte de l'attrait de la culture, des idéaux politiques et des politiques d'un pays. Le hard power reste déterminant dans un monde où les États tentent d'affirmer leur indépendance. Il était au cœur de la nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'administration Bush Jr. Mais selon Nye, les néoconservateurs qui ont conseillé le président ont fait une grave erreur de calcul: ils se sont trop concentrés sur l'utilisation de la puissance militaire américaine pour forcer d'autres pays à exécuter les ordres de Washington, mais n'ont pas accordé assez d'attention au "soft power" (puissance douce). Selon Nye, c'est la puissance douce qui était censée empêcher les terroristes de recruter des partisans dans la majorité modérée. Et c'est la puissance douce qui est censée aider à résoudre les problèmes mondiaux critiques nécessitant une coopération multilatérale entre les États. Nye en parle dans son livre, publié en 2004 après l'invasion américaine de l'Irak.

Encore une fois, le budget américain consacré au hard power est des dizaines de fois supérieur à ce que la Russie a dépensé pour l'armée et la défense.

Troisièmement, nous devrions également prêter plus d'attention à la personnalité de l'auteur lui-même. Docteur en philosophie et membre de l'Académie américaine des arts et des sciences, Joseph Nye n'est en aucun cas un pacifiste ou un partisan de méthodes diplomatiques exclusivement, méthodes par ailleurs controversées. De 1977 à 1979, il a été sous-secrétaire d'État adjoint pour le soutien à la sécurité, la science et la technologie. Il a également été président du groupe d'experts du Conseil national de sécurité sur la non-prolifération nucléaire. De 1993 à 1994, il a été président du National Intelligence Council et, de 1994 à 1995, il a occupé le poste de sous-secrétaire américain à la défense pour les affaires internationales. Sa principale expérience a donc été acquise au sein des services de sécurité, et il était un décideur. En 1994, les États-Unis sont intervenus militairement en Haïti afin de rétablir dans ses fonctions le président Jean-Bertrand Aristide, qui avait violé à plusieurs reprises la constitution du pays. Bien entendu, cette intervention s'est faite sous couvert de "restauration de la démocratie" afin d'améliorer la cote de popularité de Bill Clinton. Il est intéressant de noter qu'en 2004, les États-Unis avaient déjà financé eux-mêmes le renversement d'Aristide, après avoir créé les conditions nécessaires (à la fois dans le domaine de la destruction de l'économie du pays et de la création d'une opposition contrôlée). La mention d'un tel changement d'humeur de la part des États-Unis n'est pas fortuite, car nous parlons du soft power en tant qu'outil politique. Et cette période correspond précisément à une série de révolutions colorées dans l'espace post-soviétique, derrière lesquelles se trouvaient les États-Unis. N'est-ce pas là la manifestation du "soft power" de l'homme fort et du professionnel qu'est Joseph Nye ? La communauté russe des politologues n'a compris cela que relativement récemment.

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D'ailleurs, Joseph Nye lui-même a introduit le terme "soft power" à la fin des années 1980 et l'a régulièrement utilisé dans ses travaux avant la publication de son livre portant le même titre.

Par exemple, dans un article de 1990, "Doomed to Lead : The Changing Nature of American Power", il fait valoir la nécessité de contrôler les processus internationaux, même si ce n'est pas directement, mais en défendant ses intérêts stratégiques. À cette fin, les États-Unis disposent des ressources nécessaires, qui doivent être correctement allouées - une partie pour le maintien de la puissance militaire et l'autre pour une diplomatie habile, qu'il appelle "soft power".

Nous lisons: "Les États-Unis disposent à la fois des ressources traditionnelles de la puissance dure et des nouvelles ressources de la puissance douce pour faire face à l'interdépendance transnationale. La question cruciale est de savoir s'ils auront le leadership politique et la vision stratégique nécessaires pour transformer ces ressources en influence réelle dans une période de transition de la politique mondiale. Les implications pour la stabilité à l'ère nucléaire sont énormes. Une stratégie de gestion de la transition vers une interdépendance complexe au cours des prochaines décennies exigera des États-Unis qu'ils investissent leurs ressources dans le maintien de l'équilibre géopolitique, dans l'ouverture au reste du monde, dans le développement de nouvelles institutions internationales et dans des réformes majeures visant à reconstruire les sources internes de puissance des États-Unis".

Il s'agit là d'attitudes assez évidentes en faveur de la poursuite de la domination mondiale des États-Unis. En même temps, au moment de la rédaction de cet ouvrage, l'URSS existait encore, mais Nye avait déjà mis en garde contre la nécessité d'investir dans de nouvelles structures internationales afin de gérer les processus mondiaux à travers elles.

Une autre erreur des politologues russes est d'avoir commencé à appeler la diplomatie américaine en général rien d'autre que le "soft power". On rencontre souvent des expressions telles que "la puissance douce des États-Unis dans l'espace post-soviétique", "la puissance douce des États-Unis en Asie centrale", etc. Tout se passe comme si le large éventail d'instruments d'influence diplomatique mis en œuvre par le Département d'État américain n'existait pas auparavant. Et tout cela bien avant que Joseph Nye n'invente son terme.

Selon sa définition, le soft power d'un pays repose sur trois sources: la culture, les valeurs politiques et la politique étrangère. Tout État possède ces trois sources, mais seules leur essence et leur forme diffèrent. Si les États-Unis sont fondés sur la culture religieuse protestante, l'exclusivité et la supériorité, en mettant l'accent sur le choix de Dieu (la doctrine du destin prédestiné) avec un biais moralisateur, d'autres pays et peuples ont des points de vue différents sur les affaires du monde.

Développant cette idée, Leonova note à juste titre que le "soft power" se forme sur la base de l'attractivité non seulement de la culture générale d'un pays donné, mais aussi de ses idéaux et traditions politiques. Il s'agit donc ici de la culture politique. En effet, lorsque le parcours politique d'un pays donné trouve un écho positif auprès de ses partenaires, le potentiel du soft power augmente. Par conséquent, les ressources du soft power comprennent les institutions politiques, les doctrines politiques et les concepts exprimés dans les activités du pays, tant au niveau de la politique intérieure que sur la scène internationale.

Mais la politique étrangère des États-Unis trouve-t-elle un écho positif dans d'autres pays? Bien sûr, il existe une certaine corrélation entre le soutien de l'opinion publique et les interventions militaires. Par exemple, après l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003, la cote des États-Unis a chuté dans de nombreux pays considérés comme des alliés. Cela a apparemment inquiété Joseph Nye, qui voyait dans l'attitude critique de la grande majorité des peuples du monde à l'égard de son pays une menace pour l'attractivité dans laquelle des ressources avaient été investies au cours des décennies précédentes.

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Mais l'attractivité des États-Unis est aussi liée au bien-être des citoyens qui y vivent et, dans les années 1990 et au début des années 2000, le pays était considéré comme un endroit prometteur pour vivre, travailler et faire carrière. Mais ces derniers temps, la hausse du taux de chômage, du taux de criminalité et la baisse de la qualité de vie en tant que telle aux États-Unis laissent beaucoup à désirer. Bien sûr, il existe des pays assez pauvres d'où les migrants illégaux tentent d'atteindre les États-Unis via le Mexique, mais ils le font par désespoir et parce qu'ils ont des attentes démesurées. Il est douteux que le segment des migrants illégaux qui ne sont pas hautement qualifiés et incapables de contribuer activement à l'économie américaine puisse être attribué à l'effet de "soft power".

Par conséquent, ce modèle comporte une certaine composante illusoire. Tout comme l'image des films hollywoodiens est différente de la vie réelle aux États-Unis, la culture, les valeurs politiques et l'image de la politique étrangère américaine elle-même sont déformées par l'imagination de ceux qui sont affectés par ces trois composantes.

Si nous simplifions la comparaison de la puissance douce de différents pays sur la base de ces trois composantes, nous pouvons dire que nous avons le même nom pour un plat culinaire, mais que les proportions des ingrédients et leur qualité (ainsi que le processus de préparation) seront différentes, et qu'il est donc absurde de lui donner le même nom.

Laissons les États-Unis conserver leurs forces douces, dures, intelligentes et autres. Il faut les garder à l'esprit, bien sûr, mais uniquement à travers un prisme critique et en tenant compte de la manière dont ils peuvent utiliser ces outils contre nous.

Quant à nous, nous devons développer nos propres concepts, théories et doctrines sur la base de notre histoire, de notre culture et de nos valeurs nationales, et en accord avec le moment politique actuel.

 

19:15 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, soft power, joseph nye, métapolitique, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 11 juillet 2023

Le rôle des ONG et des groupes religieux américains en Amérique latine

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Le rôle des ONG et des groupes religieux américains en Amérique latine

Source: https://katehon.com/ru/article/rol-amerikanskih-npo-i-religioznyh-grupp-v-latinskoy-amerike

L'Amérique latine est une région particulièrement intéressante pour les États-Unis, qui cherchent à exercer une influence mondiale. Cependant, les pays d'Amérique Latine sont des territoires avec leurs propres caractéristiques, évoluant dans un scénario similaire en raison de leur histoire et de leur culture communes.

Pour comprendre la spécificité de la région, il faut remonter au début du 19ème siècle, lorsque les peuples américains, littéralement "asservis" par les colonies européennes, ont commencé à lutter pour leur indépendance. Une fois libres, ils ont commencé à créer des États individuels, à établir des constitutions et à s'organiser pour résister à l'impérialisme. À cette époque déjà, les mots "liberté" et "souveraineté" n'étaient pas des mots vides de sens pour de nombreux pays. La recherche de leur propre voie a donné lieu à des politiques de gauche et de droite dans les pays d'Amérique latine. Ces politiques étaient souvent extrêmement radicales, mais les dirigeants autoritaires et rigides étaient toujours remplacés par des démocrates idéologiques et vice versa.

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À la fin du 20ème siècle, de nombreux pays d'Amérique latine se sont retrouvés dans une situation économique difficile, qu'ils ont décidé de corriger par des réformes néolibérales, provoquant un mécontentement massif parmi la population, car les mesures visant à stabiliser l'économie impliquaient des réductions des dépenses sociales, une politique d'"austérité". C'est ce qui a conduit à ce que l'on appelle le "virage à gauche". Ce processus a déclenché un rejet définitif par les États latino-américains de toute intervention américaine, qu'il s'agisse d'investissements, de financements ou même d'exportations. Cependant, la lutte contre l'impérialisme américain ne date pas d'hier. Cuba, par exemple, vit sous les sanctions américaines depuis plus de 60 ans. Tout a commencé après la révolution, lorsque Fidel Castro a décidé de nationaliser les entreprises américaines. L'effondrement de l'Union soviétique n'a fait qu'aggraver la situation, l'île de la liberté perdant son "grand frère". En fait, l'économie dévastée du pays est devenue le prétexte d'un blocus intensifié de la part des États-Unis, qui cherchent à gagner de l'influence sur l'île de la Liberté sous le prétexte de lutter contre un régime dictatorial communiste.

C'est ainsi que toutes sortes d'organisations non gouvernementales américaines sont entrées dans l'arène de la lutte pour la domination régionale. Sous le prétexte d'une aide matérielle aux pays "affligés d'une maladie dictatoriale", elles ont commencé à mettre en œuvre les politiques exigées par le gouvernement américain dans les pays d'Amérique latino-américains dans le cadre de la lutte pour les droits de l'homme et la démocratie. La méthode dite du "soft power" est toujours efficace, car elle permet de fomenter des idées révolutionnaires pour renverser le gouvernement en place dans les pays d'Amérique latine.

Ainsi, pour gagner en influence dans la région, les États-Unis ont exercé une influence complexe sur les autorités "indésirables" en appliquant des sanctions, comme à Cuba ou au Venezuela, et avec des mesures supplémentaires de la part de diverses ONG et groupes religieux, qui parrainent souvent des mouvements antigouvernementaux.

USAID, NED, NDI, IRI... Ces organisations "non gouvernementales" portent des noms différents : pour les États-Unis, elles remplissent la mission messianique d'étendre la démocratie au reste du monde. Pour l'Amérique latine, il s'agit d'ouvrir la porte à la déstabilisation financée de l'ordre politique et de l'autonomie. Le principal intérêt des ONG est le maintien d'un gouvernement loyal et dominé par les États-Unis dans les pays latino-américains. Elles jouent également un rôle majeur dans les mouvements révolutionnaires et de protestation.

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USAID

Cette organisation a été créée en 1961 pour lutter contre le communisme et aider les pays du monde entier à sauver la démocratie. Cette ONG est souvent associée à la CIA, au département d'État et au Pentagone. Mais que fait réellement l'Agence américaine pour le développement international ?

Le plus gros problème pour les États-Unis, ce sont les pays dont la politique vise à renforcer les relations avec la Russie et la Chine et à lutter contre l'hégémonie américaine. C'est pourquoi les principaux États "aidés" par l'organisation sont la Bolivie, le Venezuela, Cuba, le Mexique, le Panama, la Colombie, le Brésil et d'autres encore.

Selon un rapport du 17 mars 2023, les États-Unis prévoient d'allouer plus de 171 millions de dollars pour aider les personnes touchées par la crise politique prolongée au Venezuela. Cela comprend les migrants qui ont quitté le pays et ceux qui s'y trouvent encore, ce qui porte le total de l'organisation à environ 8 millions de personnes dans le besoin. Quelque 130 millions de dollars de financement humanitaire du département d'État sont également prévus pour les réfugiés et les migrants vénézuéliens, notamment pour l'hébergement d'urgence, l'accès aux soins de santé, l'approvisionnement en eau, l'assainissement et l'hygiène, ainsi que l'amélioration de l'accès à l'éducation ; le soutien aux moyens de subsistance ; le soutien au COVID-19 ; et la protection des groupes vulnérables, notamment les femmes, les jeunes, les LGBTQI+ et les peuples autochtones dans dix-sept pays, dont l'Argentine, Aruba, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, Curaçao, la République dominicaine, l'Équateur, la Guyane, le Mexique, le Panama, le Paraguay, Trinidad et Tobago, l'Uruguay et le Vénézuéla. Au début du siècle, l'USAID s'est associée à la NED pour fournir plus de 100 millions de dollars afin de créer plus de 300 groupes d'opposition au Venezuela. Ce travail se poursuit encore aujourd'hui.

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En réalité, il s'agit d'une manifestation de la lutte contre le régime de Maduro au détriment de la démonstration qu'il gère mal "l'état déplorable du système social du pays", qui ne peut pas assurer un bon niveau de vie aux citoyens du Venezuela. L'activité des ONG dans l'État est une tentative de faire pression sur son gouvernement sous le couvert de l'aide aux pauvres.

En outre, l'organisation est activement impliquée dans le financement des médias latino-américains. Elle se concentre donc sur Cuba, en formant des journalistes. Cependant, il est important de noter ici que sur l'île de la Liberté, les médias sont contrôlés par l'État et au service de la "révolution", alors que dans le même temps, avec l'avènement de l'internet partout en 2018, les mouvements anti-gouvernementaux sous la forme de médias d'opposition, qui sont basés à l'extérieur du pays et souvent financés par les États-Unis, ont pris de l'ampleur dans les médias sociaux. L'USAID, par exemple, a joué un rôle majeur dans les manifestations de juillet 2021. Dans son article intitulé "The Bay of Tweets : Documentos apuntan a la mano de Estados Unidos en protestas en Cuba", l'un des principaux portails d'information du pays, Cubadebate, cite des "preuves d'"activités subversives" de la Maison Blanche". L'auteur suggère que la National Endowment for Democracy et l'Agence américaine pour le développement international financent des projets antigouvernementaux à Cuba (quelque 250 millions de dollars ont été alloués pour "renverser le socialisme" à Liberty Island). Cette dernière a notamment lancé en 2010 une application appelée Zunzuneo (l'équivalent cubain de Twitter). Son nombre d'utilisateurs a atteint 40.000 à son apogée. L'idée était de créer un service qui diffuserait progressivement de la propagande en faveur d'un changement de régime et inciterait à la protestation. Creative Associates International Inc. (CAII), un autre projet de l'USAID, a travaillé sur des campagnes et a guidé des rappeurs pour engager les jeunes.

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L'USAID a également été active dans d'autres pays, en particulier au Mexique, intervenant dans la vie politique du pays, qualifiant cela de "partenariat stratégique". En 2016, l'organisation a été au cœur des nouvelles réformes constitutionnelles de l'État. "De 2020 à 2025, USAID approfondira son partenariat stratégique avec le Mexique, en ciblant les gouvernements étatiques et locaux qui démontrent leur capacité et leur engagement à lutter contre l'impunité et la violence, tout en renforçant l'alliance économique bilatérale." Mais qu'est-ce que cela signifie réellement pour le Mexique ? En réalité, le gouvernement du pays se retrouve une fois de plus mal aimé par les Etats qui, sous couvert d'aide humanitaire et avec l'aide de diverses ONG, promeuvent leur politique de "démocratie propre". Le 3 mai 2023, le président mexicain sortant, Andrés Manuel López Obrador, s'est élevé contre les ONG américaines présentes dans le pays. Les États-Unis prévoient d'augmenter le financement des ONG travaillant au Mexique, ce à quoi le chef de l'État est prêt à opposer une protestation diplomatique à son voisin du nord : "Comment allez-vous donner de l'argent à une organisation qui s'oppose ouvertement à un gouvernement légitime et démocratique ? Comment vont-ils financer des opposants de l'étranger ? C'est une violation de notre souveraineté, c'est de l'interventionnisme", a-t-il déclaré, en s'indignant du financement par les États-Unis d'organisations telles que Mexico Evaluates et Mexicans Against Corruption. Le président n'a pas non plus ignoré les activités de l'USAID qui, avec le soutien de l'administration américaine, a apporté une aide économique à des mouvements antigouvernementaux au Mexique.

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NED

National Endowment for DEMOCRACY ou DESTABILIZATION ? L'organisation a été fondée en 1983, ce qui n'est pas une surprise : aujourd'hui, elle travaille activement avec le département d'État américain et la CIA. Son objectif principal est de promouvoir la démocratie dans le monde et elle le fait par tous les moyens, même radicaux, en renversant le gouvernement en place, en fomentant des révolutions et d'autres moyens similaires.

La NED est un amalgame de plusieurs organisations : Le Centre américain pour la solidarité internationale du travail (ACILS), devenu le Centre de solidarité, le Centre pour l'entreprise privée internationale (CIPE), l'Institut national démocratique pour les relations internationales (NDI) et l'Institut républicain international (IRI), chargés d'être de connivence avec les partis et mouvements locaux de gauche et de droite respectivement. Tous ces organismes sont financés par les mêmes fonds.

Comment fonctionne la NED ? C'est très simple, l'organisation influence les jeunes, les syndicats, les ONG dans les pays où elle opère, organise des formations, influence les médias indépendants. Tous ses programmes visent à influencer directement le pays, à promouvoir des politiques pro-américaines, à interférer dans les processus électoraux et à faire passer l'agenda nécessaire par les médias sous le prétexte des libertés démocratiques.

Parmi les mesures d'influence de la NED figure l'utilisation de jeunes pour tenter d'affaiblir l'esprit des forces de sécurité et d'obtenir la soumission des nations à l'impérialisme.

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La NED a soutenu des partis politiques de l'opposition vénézuélienne, notamment Primero Justicia, Acción Democrática, Copei, Movimiento al Socialismo (MAS) et Proyecto Venezuela.

Ainsi, par exemple, le président autoproclamé du Venezuela, Juan Guaido, reçoit un soutien financier d'une organisation non gouvernementale soutenue par les États-Unis et leurs alliés. Il convient de noter qu'il représente l'opposition politique à l'actuel chef de l'État, Nicolás Maduro, qui est non seulement détesté par les États, mais qui pose également de sérieux problèmes en termes d'influence politique et de domination économique sur le pétrole vénézuélien.

Il est également prouvé que quelque 40 à 50 millions de dollars sont alloués chaque année à des activités subversives anti-étatiques dans le pays. Les programmes sont promus sous des thèmes clés tels que "l'autonomisation, la liberté, la démocratie" et autres.

Quant à Cuba, tout y est également "clair" et "transparent". Permettez-moi de vous rappeler que Liberty Island est pratiquement le seul État socialiste de l'hémisphère occidental. Le communisme a toujours été le principal ennemi des États-Unis, c'est pourquoi Cuba, ou plutôt le régime de Díaz Canel, est diabolique. Même après la révolution, Fidel Castro a décidé de nationaliser les entreprises américaines, le pays a commencé à échapper aux mains des États-Unis, de sorte que la Maison Blanche fait pression sur le pays depuis plus de soixante ans par le biais d'un blocus économique : de nombreuses sanctions dans tous les domaines de la vie.

En 2018, 4,7 millions de dollars ont été détournés au profit de mouvements et d'ONG anti-cubains. Les activités de la NED sont particulièrement visibles dans la sphère médiatique : CubaNET, Diario de Cuba, HyperMedia, Cartel Urbano, qui se présentent comme des médias "indépendants", sont financés par le gouvernement américain.

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Les médias sociaux ont joué un rôle important dans l'organisation des manifestations de 2021. Sur Twitter, les publications accompagnées du hashtag #SOSCuba ont circulé activement. La journaliste espagnole Juliana Maciasa Tovar a mené sa propre enquête et est parvenue à la conclusion suivante : "Que se passe-t-il à Cuba ? J'ai analysé plus de deux millions de tweets utilisant le hashtag #SOSCuba, qui ont commencé par une demande d'aide humanitaire impliquant des artistes, des milliers de comptes nouvellement créés et des bots, et qui se sont terminés par des manifestations dans les rues", a déclaré la journaliste citée par Telesur. Juliána Macíasa Tovar a souligné que le nombre de messages similaires (écrits comme des copies avec les mêmes erreurs) avec ce hashtag a augmenté rapidement grâce à leur diffusion par de faux comptes depuis les États-Unis : entre le 5 et le 8 juillet, il y en a eu environ 6000, et le 10 juillet, le nombre de tweets a dépassé les 500.000, ce qui explique l'"explosion" dans les réseaux sociaux le 11 juillet, le problème a pris un caractère de masse et les gens sont descendus dans la rue. "Plusieurs comptes automatisés diffusent le même tweet, avec la même référence à la personne qui a publié le texte original, y compris la vidéo qu'ils publient", a déclaré le journaliste. Il est très probable que les "bots" soient un projet d'ONG, parmi lesquelles l'USAID et la NED jouent un rôle majeur.

La Bolivie a également été touchée par le travail des ONG. En 2018, elle a reçu 908.832 dollars. Quelque 47% de cette somme ont été utilisés par l'Institut républicain international du Parti républicain, chargé de financer les partis de droite, et le Centre pour l'entreprise privée internationale, chargé de financer la chambre de commerce et d'industrie du secteur privé.

Les États-Unis ont été l'organisateur de la campagne antigouvernementale contre Evo Morales, l'ancien président du pays. L'opposition a commencé à s'opposer avec véhémence à sa réélection, et nous savons tous comment cela s'est terminé : le renversement du gouvernement légitime de la Bolivie. Les principaux diffuseurs et propagandistes sont, bien entendu, les médias, tels que l'agence de presse Fides, la plus ancienne agence de presse de Bolivie, et la Fondation pour le journalisme.

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C'est exactement le même schéma qui fonctionne en Équateur. La NED est accusée d'avoir soudoyé des groupes antigouvernementaux dans le pays en 2013 (plus d'un million de dollars à diverses personnes de l'État, à des groupes d'extrême droite, à des fonctionnaires, à des ONG), en 2016, et l'actuel président de l'État, Guillermo Lasso, reçoit des fonds de pays étrangers et a ses comptes fiduciaires aux États-Unis.

Fondation Soros

La Fondation, connue pour son financement des révolutions de couleur dans le monde, "aide" économiquement des médias connus pour leurs positions anti-cubaines et anti-vénézuéliennes.

Plus de 60 millions de dollars ont été alloués l'année dernière pour empêcher des hommes d'affaires latino-américains pro-gouvernementaux "indésirables" et des membres de diverses communautés de s'exprimer. Deux organisations ont également été liées à la Fondation Soros : Latino Media Network et Lakestar Finance, qui ont infiltré les médias de la région et versé plus de 80 millions de dollars en faveur d'un programme pro-américain.

La fondation finance également des stations de radio indépendantes diffusant à Los Angeles aux États-Unis (plus de 18 stations).

Groupes religieux

La religion a toujours été une composante importante de tout État - c'est une force centralisatrice et unificatrice dont le rôle ne peut être sous-estimé. C'est pour cette raison que diverses associations confessionnelles peuvent devenir décisives dans la sphère politique intérieure d'un État.

En 2019, nombreux sont ceux qui établissent un lien entre l'arrivée au pouvoir du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro au Brésil et le triomphe de la droite en Uruguay, le renversement du pouvoir en Bolivie et les organisations ecclésiastiques.

L'éviction présidentielle en Bolivie a été accompagnée d'un fort arrière-goût religieux, avec des dirigeants de l'opposition, notamment la présidente autoproclamée Janine Agnés, et l'homme d'affaires et chef du parti civil Comité pro Santa Cruz Luis Fernando Camacho. La Bible qu'ils tenaient entre leurs mains était le symbole de la lutte pour la liberté et la démocratie.

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Dans le même esprit, Fernando Camacho (photo), catholique et membre de l'élite politique bolivienne du district de Santa Cruz, est devenu la référence la plus importante de l'opposition locale : "Je ferai de mon mieux pour que Dieu revienne au Palais brûlé".

De même, l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro a utilisé la religion pour promouvoir ses idées d'extrême droite. Le parti politique Alliance pour le Brésil a été présenté avec le slogan suivant : "Défense de Dieu et rejet du communisme". Il existe également un groupe religieux sérieux au sein du gouvernement, le Front évangélique, qui comptait une cinquantaine de députés lors de sa création, mais qui en compte désormais 250.

Les pentecôtistes, qui sont apparus dans la région il y a plus de 100 ans, jouent un rôle important dans l'élaboration de l'agenda politique latino-américain. Aujourd'hui, le nombre de pentecôtistes dans ce pays d'Amérique latine est proche de celui des catholiques pratiquants.

Au départ, ce groupe religieux s'efforçait d'être apolitique, mais avec le temps, les choses ont commencé à changer : dans les années 1950, ils sont devenus plus civiques, essayant de se faire élire dans les parlements du Brésil et du Pérou. La première grande victoire des pentecôtistes a eu lieu en 1986, lorsque 18 représentants du groupe ont été élus au parlement. Ils ont souvent adopté une position de droite en opposition à la position de gauche de l'Église catholique.

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Convenção Geral das Assembleias de Deus no Brasil et Igreja Universal do Reino de Deus, les grandes églises pentecôtistes, ont donc une politique de droite. Elles créent leurs propres associations au sein du gouvernement, par exemple au Brésil avec le Front parlementaire évangélique (Frente Parlamentar Evangélica do Congresso Nacional, FPECN). Elles jouent donc un rôle croissant dans l'élaboration de l'agenda politique et, en soutenant des candidats de droite lors des élections, elles influencent l'équilibre des pouvoirs politiques en Amérique latine. Comme avec le président brésilien Jair Bolsonaro (19% des protestants ont déclaré avoir voté pour les candidats que l'Église leur avait signalés, tandis que 70% des évangéliques ont choisi Bolsonaro). Par conséquent, la politique de droite est "entre les mains" des États-Unis.

Outre les changements électoraux, les pentecôtistes influencent également l'humeur générale de la société en prônant des valeurs traditionnelles liées à l'idée de la famille et de l'église. Cela peut également expliquer leur virage politique à droite, Jair Bolsonaro étant connu pour ses déclarations sévères à l'égard des familles non traditionnelles, des femmes, etc. Cependant, malgré cette vision classique et correcte de la société, il ne faut pas oublier que les politiciens de droite restent fidèles aux États-Unis et cherchent souvent à établir des relations avec eux par la subordination et l'acceptation d'un cours néolibéral et de l'influence du voisin du nord sur l'économie, la politique et la société.

vendredi, 04 juin 2021

Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

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Le "soft power" russe comme élément tactique de la guerre hybride

Jonas Estrada

Ex : https://www.geopolitica.ru/es/article/el-poder-blando-rus...

Il est pertinent de mentionner le rôle de l'État russe dans sa stratégie de "guerre hybride" par la mise en œuvre du soft power comme tactique pour influencer ses actions géopolitiques et géoculturelles. Dans de nombreux documents officiels, ainsi que dans les textes d'experts universitaires dans le domaine de la géostratégie et de la géopolitique, le soft power est défini comme l'effort visant à renforcer les affinités linguistiques, culturelles, économiques et religieuses avec les États voisins et à attirer différents groupes d'intérêt. La Russie exerce son soft power par le biais de cinq instruments principaux:

(1) les relations publiques et la diplomatie publique ;

(2) les médias ;

(3) l'Église orthodoxe russe ;

(4) les commissions consacrées à la "correction de l'histoire déformée" ;

et (5) les fondations, associations, clubs et congrès destinés à coordonner une politique commune pour les "compatriotes" et à promouvoir la coopération culturelle et scientifique, la langue et la culture russes au-delà des frontières russes. Le fait qu'ils partagent une affinité culturelle et politique en tant que partie de l'empire russe facilite l'influence actuelle de Moscou.

Bien qu'aucun document de la Doctrine militaire d'État russe ne mentionne explicitement le concept de "guerre hybride", le ministère russe de la défense l'a introduit dans le Livre blanc de la défense en 2003, dans lequel Moscou a défini les conflits futurs comme "asymétriques". Les Russes utilisent trois expressions pour désigner la guerre hybride : nelineynoi voine ("guerre non linéaire") ; setovaya voina ("guerre de réseau" ou guerre en réseau) et neopredelonaya voina ("guerre ambiguë").

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Le concept de guerre hybride s'inscrit parfaitement dans la tradition originellement léniniste qui considère que la paix n'est qu'un état d'avant guerre. Sous cet angle, le soft power n'est qu'un élément tactique du hard power. Le soft power devient hard power grâce à la diplomatie. Dans le cas de l'Ukraine comme dans celui de la Géorgie, ils montrent qu'il existe sept phases de conversion du soft power en hard power qui développent la stratégie principale de la guerre hybride comme instrument clé du processus d'insubordination géopolitique révisionniste dont le but ultime est de prendre le contrôle, formel ou informel, d'un territoire.

Les trois premières phases visant à accroître la loyauté des compatriotes envers le gouvernement du Kremlin et à la diminuer envers le gouvernement local sont les suivantes:

(1) renforcer les liens linguistiques, culturels et religieux ;

(2) fournir une aide humanitaire (nourriture, médicaments et investissements économiques) ;

(3) articuler différentes politiques spécifiquement destinées aux compatriotes (organisation de congrès, coopération culturelle et scientifique, fondations pour promouvoir la culture russe).

(4) La quatrième phase représente le tournant car elle consiste en la distribution systématique de la citoyenneté russe ("passeports") et la conversion officielle des compatriotes en citoyens russes.

(5) Cette phase est souvent étroitement liée à la cinquième phase, la dezinformatsia ("désinformation"), qui, à l'époque soviétique, était définie comme "le discrédit et l'affaiblissement des opposants et la déformation de la perception de la réalité des cibles choisies". La désinformation est au cœur du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. La désinformation consiste avant tout à souligner la souffrance de la population russe en tant que minorité ethnique. Si le gouvernement du pays hôte a l'intention de se rapprocher de l'UE et/ou de l'OTAN, les Russes se sentent menacés par l'Occident et sont en danger pour leur sécurité physique.

(6) La sixième phase implique l'application de la diplomatie humanitaire, la protection. Les documents officiels (la Constitution de la Fédération de Russie) prévoient la possibilité de protéger les compatriotes si deux circonstances se présentent: (1) leur sécurité est menacée; ou (2) des compatriotes (pas nécessairement leurs représentants) demandent l'aide de la Russie.

(7) La septième et dernière phase est l'exercice d'un contrôle formel (réunification de la Crimée) ou informel sur le territoire où vivent les compatriotes (conflits gelés comme le cas de la Transnistrie).

Ces sept phases démontrent que les compatriotes, les russophones, sont le principal instrument du processus d'insubordination géopolitique révisionniste. En ce sens, comme on peut le voir sur la carte, l'Ukraine a été une cible relativement facile pour la Russie dont le plus grand succès en Crimée et dans le Donbass coïncide avec le plus grand pourcentage de population russophone (plus de 60%), ce qui ne signifie pas toujours des Russes ethniques, il y a aussi des Ukrainiens russophones et il faut noter que les Ukrainiens et les Russes sont des Slaves ethniques.

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Ukraine : pourcentage de la population ayant le russe comme langue maternelle, par macro-régions

Pour ces raisons, le principal objectif de l'UE dans les pays du partenariat oriental dans le cadre de la politique européenne de voisinage est de soutenir le développement de la démocratie et l'intégration progressive au marché européen. Les instruments pour atteindre cet objectif sont l'aide économique, les conseils politiques et le soutien à la société civile. En termes géopolitiques, cependant, l'OTAN est derrière tout cela, cherchant à encercler la Russie et à empêcher son influence dans l'"étranger proche". Tandis que la Russie, dans le but de concurrencer l'UE, a créé l'Union économique eurasienne (UEEA). Toutefois, son cadre stratégique repose sur trois concepts (utilisés tant dans les documents officiels que par la population russe):

(1) za rubiezhëm ("l'étranger proche");

(2) Ruskii Mir ("le monde russe");

et (3) sootechestvenik ("compatriote", littéralement "celui qui est avec la patrie").

Les principaux objectifs de la Russie dans la région sont à l'opposé de ceux de l'UE: empêcher les pays qui aspirent à se rapprocher de l'UE et de l'OTAN, les empêcher de le faire et maintenir leur "zone d'influence". Les instruments choisis pour y parvenir sont très variés. Ils oscillent entre pouvoir économique (la connexion des infrastructures soviétiques favorise les liens économiques entre la Russie et les pays indépendants), soft power, "coercition douce" (chantage économique sous forme d'embargo sur les produits agricoles en Ukraine, Moldavie et Géorgie), hard coercition (ruptures d'approvisionnement en gaz en Ukraine) et hard power (utilisation de la puissance militaire pour relancer les "conflits gelés" comme en Abkhazie et en Ossétie du Sud en Géorgie, en Transnistrie en Moldavie et au Donbass en Ukraine) et, enfin, la réunification de territoires (Crimée).

lundi, 04 janvier 2021

Le soft power américain comme instrument d'hégémonie mondiale

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Le soft power américain comme instrument d'hégémonie mondiale

Par Giuseppe Gagliano

Ex: https://moderndiplomacy.eu

Christian Harbulot, directeur et fondateur de l'Ecole de guerre économique de Paris, a consacré une grande partie de ses travaux à l'étude de la guerre économique et du rôle qu'elle a joué dans la dynamique des conflits de ce siècle. Mais à côté de la guerre économique, un instrument d'une importance similaire, qui a permis l'obtention de l'hégémonie américaine dans le monde dit multipolaire, est certainement le soft power.

En se posant comme le pays phare de la libre concurrence, les États-Unis ont réalisé la meilleure opération d'influence du XXe siècle. Ils ont réussi à déguiser leur agression économique en attirant l'attention sur la dénonciation des empires coloniaux européens. Ce tour de passe-passe rhétorique a bien fonctionné. La stigmatisation des grandes puissances dirigeantes leur a permis de déguiser leurs propres initiatives de conquête, comme cela s'est produit avec la colonisation d'Hawaï. C'est dans le même esprit qu'elles ont pu banaliser leurs multiples interventions militaires extérieures en les décrivant comme des opérations de protection de leurs citoyens durant la période cruciale entre le XIXe et le XXe siècle.

51oIV87oqdL._AC_SY400_.jpgLa puissance économique douce de l'Amérique s'est construite autour de cette idée fausse. Les États-Unis ont soutenu l'émancipation des peuples vis-à-vis de l'oppression coloniale et, en même temps, ont soutenu les notions de "porte ouverte" et de libre-échange. Une de leurs principales critiques à l'égard des empires coloniaux européens était les échanges privilégiés entre ces empires et leurs métropoles. Le Commonwealth a été particulièrement visé lors des négociations du GATT (1947) et Washington a refusé de signer la Charte de La Havane (1948) qu'il avait souhaitée mais qui maintenait le principe des "préférences impériales" entre les pays européens et leurs colonies.

En se présentant comme le garant du discours sur la libre concurrence et l'ouverture des marchés, les États-Unis se sont construit une image de "juge de paix" dans le commerce international. Cet avantage cognitif leur a permis de masquer leurs initiatives de conquête. L'emprise américaine sur les champs pétroliers du Moyen-Orient et de l'Iran a été l'illustration la plus visible de la machine de guerre économique américaine. Le département d'État, les agences de renseignement et les compagnies pétrolières ont travaillé ensemble pour imposer leur volonté aux pays intéressés et aux concurrents potentiels. Les moyens d'action utilisés étaient souvent basés sur l'usage de la force (participation indirecte puis directe à des conflits armés au Moyen-Orient, coups d'État comme le renversement de Mossadegh en Iran en 1953, déstabilisation de régimes qui soutenaient le nationalisme arabe).

Le "soft power" économique des États-Unis a pris forme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Forts de leur supériorité militaire décisive, les États-Unis cherchent à établir un processus de domination sur certains marchés vitaux. Les planificateurs du plan Marshall encouragent l'agriculture européenne à acheter du soja américain pour l'alimentation animale. Cette volonté d'établir une relation de dépendance vis-à-vis des États-Unis s'étendra par la suite à d'autres secteurs clés tels que l'industrie informatique, puis les technologies de l'information. Le stockage de données (Big Data) est l'un des domaines dans lesquels le système américain est le plus déterminé à maintenir sa primauté et sa domination. Pour "masquer" ces logiques de domination et de dépendance, les élites américaines ont eu recours à deux types d'actions.

1) Le formatage des connaissances. Les grandes universités américaines ont progressivement imposé leurs vues sur le fonctionnement du commerce mondial, en prenant bien soin de ne pas parler de luttes de pouvoir géoéconomiques. Cette omission a été lourde de conséquences car elle a privé les élites européennes d'un regard critique sur la nature de l'agression des entreprises américaines sur les marchés étrangers. Des disciplines académiques telles que les sciences de la gestion ou l'économie ont banni de leur champ de vision toute analyse du phénomène de la guerre économique, que les États-Unis ont pourtant pratiquée avec discrétion.

2) La captation de la connaissance. Pour éviter d'être submergés par des dynamiques d'innovation concurrentes, les Etats-Unis ont développé au fil du temps un système de veille très sophistiqué pour identifier les sources d'innovation dans le monde afin de contacter au plus vite les chercheurs et ingénieurs étrangers et leur proposer des solutions d'expatriation ou de financement par le biais de fonds privés. Si ce type d'acquisition de connaissances échoue, l'utilisation de l'espionnage n'est pas exclue.

3) La désinformation et la manipulation

La montée en puissance des économies européennes et asiatiques depuis les années 1970 a obligé les défenseurs des intérêts économiques américains à adapter leurs techniques de guerre économique au contexte de l'après-guerre froide. Les alliés et les principaux opposants ont dû faire face à l'émergence décisive de l'économie chinoise.

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Dans les années 1990, les États-Unis ont ouvert plusieurs fronts. Le plus visible a été la politique de sécurité économique mise en œuvre par Bill Clinton sous prétexte que les entreprises américaines à l’étranger étaient victimes de "concurrence déloyale". Les Européens ont été les premières cibles. La dénonciation de la corruption est devenue une arme favorite de la diplomatie économique américaine. Mais derrière ce principe, il y avait des opérations beaucoup plus offensives. En 1998, le groupe Alcatel a subi une série d'attaques informatiques sur Internet, par le biais de rumeurs médiatiques sur le manque de transparence financière de la direction générale. Cette campagne a conduit à la chute historique d'une action à la Bourse de Paris. Pour agir dans cedomaine, les industriels américains ont soutenu financièrement la création d'ONG telles que Transparency International. Ces partisans de la moralisation des affaires ont stigmatisé les pays qui ne respectaient pas les règles mondiales. En revanche, aucun acteur de ce mouvement ne s'est intéressé à l'opacité des modes de paiement chez les principaux protagonistes des grands cabinets d'audit, fortement impliqués dans la signature des grands contrats internationaux. L'exploitation d'un discours moralisateur connaît aujourd'hui son apogée opérationnel avec l'extra-territorialité du droit.

Mais la principale transformation du soft power américain au cours des vingt dernières années est l'exploitation totale de la société de l'information. Chacun se souvient de l'importance du système Echelon ou des déclarations de Snowden sur l'ampleur de l'espionnage américain par le biais d'Internet et des médias sociaux. En revanche, les techniques de guerre de l'information appliquées à l'économie sont encore mal connues du grand public. Les États-Unis sont aujourd'hui en guerre pour savoir comment utiliser les acteurs de la société civile pour déstabiliser ou affaiblir leurs adversaires.

lundi, 17 août 2020

La puissance de l’ingérence

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La puissance de l’ingérence

L’occidentalisme comme religion de la mondialisation heureuse périclite. L’idée même d’un modèle remportant une compétition planétaire a trouvé ses limites : il y a d’autres visions du monde qui s’implantent chacune dans leur aire géographique, culturelle ou spirituelle. L’idéologie de la fin des idéologie, plus qu’à des rhétoriques efficaces, s’est heurtée à la pluralité indéracinable des identités et des croyances.

Plus d’élection sans interférence ? Il y a quelques jours, le chef de la diplomatie américaine M. Pompeo offrait une prime de 10 millions de dollars pour qui permettrait d’arrêter un agent étranger intervenant dans les élections de novembre. Pour le NCSC (National Counterintelligence and Security Comitee), il faudrait craindre que la Chine, la Russie et l’Iran, cherchent à fausser l’élection présidentielle. Mais avec des stratégies différentes, les Chinois pour faire tomber l’actuel président (trop imprévisible), les Russes, Biden (trop bellicistes). Il y a quelques mois, d’ailleurs, le New York Times révélait que les Russes allaient secrètement jouer de leur influence pour favoriser Trump, mais qu’ils appuieraient aussi Sanders (alors candidat à l’investiture) pour créer un maximum de chaos. Dans tous les cas, quel que soit l’élu, on pourra fantasmer des manipulations numériques de puissances étrangères.

Si l’on remonte à 2016, la dénonciation des ingérences russes pro-Trump forment un leitmotiv de la vie politique américaine. Et même si la commission Mueller a conclu qu’elle ne pouvait établir de collusion avec Moscou dans l’affaire du Russiagate, une part de la classe politique n’arrive pas à s’expliquer l’échec d’Hillary autrement que vous par une opération d’infox et de déstabilisation menées depuis le Kremlin. Idem pour le Brexit. Et ne parlons pas de supposées ingérence russes dans l’élection française de 2017 (Macrongate). La « main de Moscou », qui faisait si peur du temps de la Guerre froide, va-t-elle fausser tout scrutin à venir ?

Qui ne s’ingère pas ?

Si l ‘on va par là, peut-on soupçonner que la France soit intervenue dans les élections de quelque pays africain, ou les USA dans les élections de quelque pays tout court (ce qui se serait produit 89 fois, selon des sources universitaires) ? Tout dépend évidemment de ce que l’on entend par ingérence d’un puissance étrangère.

Qu’un gouvernement manifeste une préférence dans un scrutin étranger, le fasse savoir (Hollande soutenant Clinton en 2016 p.e.) n’a rien de scandaleux. Où commence la manipulation ? Quand un chef d’État (cf. Macron au Liban) appelle un pays à chasser sa classe politique ? Quand on applaudit à une révolte locale (des printemps arabes aux révoltes de Hong Kong en passant par les révolutions de couleur) ? Quand on leur fournit des moyens de communication et d’action ? Quand on aide un guérilla ? Quand il y a un « parti de l’étranger » dans un pays ou un « parti frère » tout dévoué à Moscou ? Quand, comme les États-Unis pendant la guerre froide, on pratique la diplomatie publique (par des médias, des réseaux humains, des organisations internationales..) : défendre le modèle occidental et lutter contre l’influence communiste ? Quand un modèle s’impose par le soft power, l’influence culturelle et les alliances, par l’assistance et la formation au modèle du marché et de la démocratie ?

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Peut-on considérer que Russia Today est un « média affilié à un État » comme le fait Twitter et que BBC, F24 ou Radio Vatican ne le sont point et partant n’exercent aucune influence sur leur public international ? Que des organisations comme Open Society ou la Albert Einstein Foundation, ou autres ONG qui expliquent « comment faire tomber un dictateur… » n’aident pas, au moins techniquement, des mouvements politiques étrangers ?

L’interférence peut donc se faire sous forme de parole d’État (équivalent peu ou prou à des menaces, exhortations ou promesses) ou par les canaux non officiels, en s’adressant directement aux populations (propagande, appels au soulèvement, apprentissage des méthodes du soulèvement, instructions et facilités).

De telles opérations sont plus ou moins ouvertes, dans la mesure, par exemple où personne ne doute que CCTV ne soit favorable aux intérêts chinois, ni les ONG de la galaxie Soros hostiles à Poutine. Ni que leur logique soit binaire : aider un courant idéologique, critiquer un pouvoir… Si l’on remonte plus haut, on trouvera des recettes pour influencer des populations étrangères chez Énée le tacticien (quatre siècles avant notre ère) ou chez Sun Tzu.

Mais désormais le phénomène a pris une dimension de haute technologie. Et se joue sur les réseaux sociaux, par écrans interposés :

  • l’utilisation de faux comptes (qui se présentent comme ceux de citoyens du pays visé),
  • les techniques dites d’astro–turfing (consistant à créer un faux mouvement d’opinion en ligne),
  • la mobilisation de trolls répétant inlassablement le même message,
  • celle de hackers informatiques,
  • la diffusion de fakes contagieux et de théories complotistes,
  • l’infodémie, terme inventé par l’OMS pour désigner la diffusion de fausses nouvelles et accusations mensongères à propos de la pandémie,
  • le vol de mails confidentiels et leur propagation sur la place publique pour compromettre un candidat ou un parti (hack & leak)…

41y26i78eAL.jpgL’anonymat, la possibilité de placer de « faux drapeaux » pour faire accuser d’autres, la technicité du trucage informatique (bientôt les deep fakes), la difficulté d’attribuer une attaque, la facilité de recueillir des données sur les citoyens pour leur délivrer exactement le message qui les fera pencher d’un côté (voir l’affaire Cambridge Analytica), les techniques numériques dites de « guerre de l’attention » pour attirer les réseaux sociaux sur un thème et le rendre viral, l’économie de moyens, … tout cela facilite les actions d’influence politique par écrans interposés.

Du reste, jamais en panne de néologismes, les think tanks ont produit des concepts sensés décrire ce changement:

  • la guerre hybride (hybrid warfare), un mélange d’interventions militaires classiques, de soutien à des mouvements de rébellion armée et de propagande internationale que mènerait la Russie
  • la weaponization de l’information, c’est-à-dire sa transformation en arme de déstabilisation que ce soit sous la forme de cyberattaque ou de désinformation et intoxication
  • le sharp power (pouvoir « aigu » qu’exerceraient la Chine et surtout la Russie) équivalents négatifs ou nihilistes du soft power occidental
  • etc.

Tout un vocabulaire, qu’il serait trop long d’analyser ici, se met en place, en particulier dans les milieux proches de l’Otan pour décrire des périls inédits qui constituent autant d’explications à la marche déplorable du monde. On théorise un mystérieux pouvoir d’agir sur les esprits qu’auraient développé les puissances révisionnistes (comprenez illibérales, qui veulent réviser l’ordre mondial occidental).

On rentre alors dans une logique de causalité diabolique : les Russes et les Chinois détournent la puissance bénéfique d’Internet pour influencer nos braves populations, les faire mal voter et saboter les fondements mêmes de la confiance en la démocratie. Explication quelque peu complotiste, même si elle consiste à qualifier les théories adverses de complotistes.

On expliquera ainsi

  • le Brexit, l’élection de Trump, voire le referendum catalan…
  • l’action déstabilisatrice des réseaux populistes, écosystème des fantasmes et des rumeurs, rançon d’un technologie qui permet à chacun de s’enfermer dans sa « bulle de confirmation » en ligne avec ceux qui pensent comme lui.

Bref, on oscille entre le machiavélisme d’une intervention déloyale 2.0 et une sorte d’abaissement de l’esprit critique de la population, désormais prête à croire n’importe quoi (bullshit), entre l’inexplicable efficacité du message des méchants et la scandaleuse niaiserie du public. Un peut court.

La perte d’attractivité de nos « valeurs » d’ouverture, de libéralisme et de progrès est assimilée à une panne de la vérité (voir le thème de l’ère de la « post-vérité ») ; le faux serait devenu convaincant et le vrai ne saurait plus se faire reconnaître (en dépit du soutien des gouvernements, des experts, des élites, des médias classiques, des fact-chekers etc.). La crise du soft power ou de l’idéologie dominante ne peuvent s’expliquer ni par une manipulation d’un service fort en informatique, ni par les désordres psychiques des classes inférieures.

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Il faut repenser le nouvel équilibre international des croyances. Il y d’abord concurrence de modèles et d’influence. La Chine combine offensives de charme et de prestige avec des discours plus rassurants sur le multilatéralisme. On parle de plus en plus de soft power indien, coréen, qatari, etc., tant ces politiques d’influence se sont banalisées. Mais la conversion à des valeurs ou à des idées (à supposer que la Chine ou la Russie veuillent vraiment nous convertir à une quelconque doctrine) n’est pas seulement affaire de télévisions internationales, de trolls, de journalistes sympathisants ou d’algorithmes. Ni de bonne conduite à l’ONU. Il y a aussi des facteurs objectifs : les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance matérielle et « spirituelle » à la fois. L’occidentalisme comme religion de la mondialisation heureuse périclite. L’idée même d’un modèle remportant une compétition planétaire a trouvé ses limites : il y a d’autres visions du monde qui s’implantent chacune dans leur aire géographique, culturelle ou spirituelle. L’idéologie de la fin des idéologie, plus qu’à des rhétoriques efficaces, s’est heurtée à la pluralité indéracinable des identités et des croyances.

jeudi, 21 mai 2020

Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

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Bruno Guigue: «Pour de nombreux pays, Pékin représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante»

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Reporters : Aux invectives devenues habituelles de Donald Trump s’ajoute une méfiance croissante des Européens quant aux origines et à la gestion de la crise sanitaire par Pékin. Comment expliquer la montée de l’agressivité envers la Chine dans les discours des gouvernements occidentaux en plein épidémie du Covid-19 relayés méthodiquement par les grands médias ?

Bruno Guigue : L’avalanche de propagande contre la Chine a pris pour prétexte la crise sanitaire actuelle, mais elle figure sur l’agenda occidental depuis longtemps, et au moins depuis le deuxième mandat d’Obama. Trump a radicalisé cette hostilité, mais elle existait à l’état latent depuis une bonne décennie. Mais, aujourd’hui, la dénonciation de la Chine n’est plus seulement une posture, c’est devenu une politique. Quand on dit que la Chine est un ennemi systémique, inutile de faire un dessin.

Durant cette pandémie du Covid, la Chine s’est illustrée par une posture positive en aidant les pays amis et même certains pays européens en difficulté. La Chine, qui a géré efficacement la pandémie chez elle, a-t-elle gagné des points sur le plan géopolitique ?

Oui, bien sûr. La principale raison de l’hostilité occidentale, précisément, c’est que la coopération avec Pékin, pour de nombreux pays, représente une alternative crédible à une hégémonie occidentale défaillante. Le problème n’est pas que la Chine veut dominer le monde, ni qu’elle veut exporter son modèle. C’est faux dans les deux cas. Le problème, du moins pour l’Occident, c’est qu’elle est à la fois plus performante et moins intrusive que les Occidentaux. Cette situation était antérieure à la crise actuelle, mais celle-ci l’a exacerbée. Quand Pékin envoie une équipe médicale en Italie, la démonstration est faite que l’UE ne vaut strictement rien. Quand la Chine livre des médicaments au Venezuela, elle fait un bras d’honneur à Washington. Ce retour de la puissance chinoise dans l’arène internationale, après des décennies de discrétion, est un évènement majeur qui coïncide avec le formidable développement du pays sous l’égide du parti communiste. Le paradoxe, c’est que l’inconséquence occidentale est largement à l’origine de cette renaissance de la politique chinoise, comme si un système de vases communicants transfusait l’énergie d’un Occident délabré vers la puissance montante. De ce point de vue, la crise du Covid-19 accélère le basculement du monde.

Cette crise sanitaire mondiale exacerbée pourrait-elle aller jusqu’à provoquer une confrontation militaire entre les Etats-Unis et la Chine ?

Je ne crois pas à un affrontement militaire de grande ampleur entre les États-Unis et la Chine, pour la simple raison qu’aucun des deux n’est assuré de vaincre, et que la seule chose certaine, c’est la destruction mutuelle. Les USA adorent la guerre, mais ils la pratiquent contre plus faible qu’eux. Et même dans ce cas, ils trouvent le moyen de la perdre. Vous voyez vraiment le Pentagone se lancer à l’assaut de la Chine ? C’est risible.

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Le sentiment anti-chinois dans le monde n’a jamais été aussi fort estime un rapport de l’Institut chinois des relations internationales contemporaines révélé par Reuters. Y a-t-il réellement selon vous une désaffection envers la Chine et si ça se trouve est-elle réelle ou sciemment entretenue ?

La désaffection à l’égard de la Chine est entretenue par des médias occidentaux serviles et falsificateurs, et malheureusement les calomnies dont elle fait l’objet répandent leurs fruits empoisonnés. Mais ne prenons pas l’Occident pour le centre du monde. 80 pays coopèrent avec Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la soie. Les peuples ne sont pas aveugles. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, chacun peut voir ce que fait la Chine, la juger sur pièce, la critiquer si nécessaire, mais je doute que, globalement, son image soit plus négative que celle des puissances occidentales.

Ce séisme sanitaire mondial donnera-t-il selon vous naissance à de nouveaux équilibres dans les relations internationales ?

Sans doute, car la Chine a une longueur d’avance sur les autres pays. Elle a géré la crise sanitaire de façon magistrale, sans même se poser la question de la priorité à donner à la santé publique. Elle a accepté de payer le prix d’une brève contraction de son économie pour juguler la propagation du virus, et cette politique a porté ses fruits.

La mobilisation des moyens, sous l’égide d’un État fort, a impressionné l’opinion mondiale, et elle représente à cet égard un exemple à méditer. Le paradoxe, c’est que la pandémie semble venir de la Chine, du moins jusqu’à preuve du contraire, et on a de moins en moins de certitudes à ce sujet, et c’est la Chine qui semble tirer les marrons du feu, car elle a su imposer son propre tempo au phénomène viral sur son propre territoire en utilisant toutes les ressources de l’action publique. Le deuxième aspect de la question, c’est le redémarrage économique, qui semble aujourd’hui acquis en Chine, alors que le monde occidental s’enfonce dans un marasme sans précédent. Ce contraste entre un Occident incapable de faire face au défi de la pandémie et une Chine, et au-delà de la Chine, une Asie orientale qui réalise une performance remarquable du point de vue de la gestion publique, doit être sérieusement médité. Quand on voit la situation lamentable des États-Unis, manifestement aggravée par l’irresponsabilité de son administration, on se demande comment certains peuvent encore voir dans cette puissance, dont l’arrogance progresse au même rythme que sa déliquescence, un leader crédible pour l’Occident tout entier.

lundi, 17 février 2020

L’art contemporain est le soft power planétaire

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L’art contemporain est le soft power planétaire

Par Maximilien Friche 

Ex: http://mauvaisenouvelle.fr


Le manifeste cannibale Dada de Francis Picabia disait en 1924 « L’honneur se vend et s’achète comme le cul. » Aujourd’hui le cynisme ne fait plus scandale, il est la règle qui régit tous nos rapports sociaux et humains. Dans son dernier ouvrage, Nouvelle Géopolitique de l’art contemporain, Aude de Kerros précise : « On ne parle plus de valeur intrinsèque d’une œuvre, mais de cote, d’indice monétaire. » (p8)

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Depuis longtemps maintenant, nous constatons l’arnaque intellectuelle et morale de l’art contemporain. Depuis longtemps, nous dénonçons la convergence des oppressions entre un Etat français dirigiste et une finance internationale globalisante, au profit d’un art unique conceptuel aux messages pseudo subversifs et véritablement progressistes. Depuis peu, nous avons pris conscience que l’art contemporain était devenu un art financier, une simple monnaie. Aude de Kerros nous rappelle d’ailleurs à ce titre que les conseillers financiers recommandent d’avoir dans son portefeuille d’actifs environ 20% d’art. La rentabilité de l’art est estimée à 8%. Aucun risque. Même si c’est moche, même si c’est idiot, et surtout si ce n’est pas de l’art, cela vaut le coup. C’est ce qu’elle appelle l’innocent argent de poche de l’hyperclasse (p13) et c’est aussi bien souvent la possibilité d’un blanchiment de l’argent du crime et du trafic de drogue. C’est surtout, concernant l’art conceptuel, le lieu du délit d’initiés permanent. L’hyperclasse se met d’accord sur la valeur d’une œuvre et l’œuvre a cette valeur. Attribuer un prix est du ready made sur du ready made finalement. C’est de l’art parce qu’on l’a décidé. De la même façon, cela vaut plus ou moins cher parce qu’on le décide.

Toutes ces prises de conscience, nous les devons entre autres à Aude de Kerros au travers de ces divers ouvrages dont L'art caché : Les dissidents de l'art contemporain ; Des révélations inédites sur l'art actuel et L'imposture de l'art contemporain : Une utopie financière. Mais comme le monde est entré dans son ère trotskyste des organisations et que tout change en permanence de peur que l’on ne s’aperçoive de la bêtise de ce qui existe, il faut rester en veille. C’est ce que fait Aude de Kerros en nous expliquant désormais La nouvelle géopolitique de l’art contemporain.

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New-York : seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire

Le livre s’ancre dans l’histoire en rappelant la guerre froide et l’invention du soft power américain. Tout est venu de la CIA et de la guerre froide. Le coup de génie a été de récupérer les artistes en les achetant finalement, en les transformant en valeur marchande. « Un artiste de gauche peut librement, par ses œuvres, exprimer ses idées, sa critique de la société, et en même temps être promu, acheté, institutionnalisé. » Nous avons là, en définitif le premier exemple d’« en même temps » machiavélique, bien avant que notre algorithme de président n’en abuse à tour de bras. Une hégémonie américaine a suivi l’effondrement du bloc soviétique. Les USA ont utilisé l’art contemporain comme une arme pour globaliser le monde et effacer les identités culturelles et civilisationnelles. En art, la globalisation impliquerait un processus de « décivilisation » ? Ce n’est pas une conséquence non souhaitée, mais un objectif revendiqué. Nathalie Obadia avoue que l’art contemporain comme soft power, est un outil indispensable à la paix dans le monde et à la concorde universelle. En gommant les civilisations, en standardisant la culture, on supprime selon cette idéologie le risque de guerre et on peut imposer cette autre dictature à visage humain. « New York souhaiterait exercer sans partage son pouvoir de consécration et d’exclusion, bref de décider seul les critères de “l’art contemporain”. Sans identité, sans esthétique, seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire. » (p137) Seulement, l’hégémonie passée, certaines civilisations peuvent prouver qu’elles ne sont pas mortes et il faut bien avouer que l’art contemporain s’essouffle, comme une éternelle et gâteuse avant-garde (p15). « La martingale dérision-mépris-sidération-confusion-inversion semble avoir atteint ses limites. » (p258)

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La Russie, la Chine : tant de vie !

Aude de Kerros montre qu’aujourd’hui la géopolitique de l’art contemporain est celle des places pétrolières, des grandes places financières et des Gafam. Pour autant, la géopolitique de l’art tout court, est plus complexe. Ainsi, alors que le marché de l’art contemporain est avant tout un marché de l’offre, la Chine s’inscrit, elle, dans un marché de demande correspondant davantage à un désir anthropologique. Et il faut bien avouer que le carcan conceptuel et froid aurait bien du mal à contenir tant de vie culturelle. De la même façon, en Russie, art contemporain signifie art libre et non uniquement conceptuel. La vie artistique n’y est quasiment pas subventionnée, donc quasiment pas contrôlée, elle est de fait plus créative, plus imprévisible. En Chine, la seule contrainte est la non critique ouverte du gouvernement, ce qui laisse tout de même beaucoup plus de possibilités d’expression artistique qu’en Occident.

Paris au service du soft power américain

« Paris depuis vingt ans ne sert plus sur le marché mondial que de présentoir publicitaire gratuit en offrant ses monuments pour exposer des produits en voie de cotation extrême. » (p57) Notre vocation est donc d’être la tête de gondole de l’art contemporain, la caution culturelle et intellectuelle d’un art qui en est intrinsèquement dépourvu. « La politique d’influence française met en permanence les institutions françaises au service du soft power américain. » Cet alignement officiel de l’Etat, cette soumission à la globalisation, n’a pas détruit l’art en France, il a simplement conduit les artistes à aller peindre dans leurs grottes. Ainsi existe-t-il depuis 1981 un art caché, sorte d’exception française. L’ironie fut que cet art caché français reçut un temps le soutien de la Chine avant que cette dernière utilise la route de la soie, pour mieux ceinturer les échanges et se concentrer sur ses frontières.

L’art contemporain sera multipolaire ou …

Pour Aude de Kerros, l’art contemporain international est devenu total : hybride, commercial, financier, intellectuel, juridique, monétaire, patrimonial, visant le succès populaire mondial, transcendant les cultures et les classes sociales. Le global kitsch et le flashy pop art a pris la tête des blue chips de l’art contemporain, embarquant le peuple dans l’achat de produits dérivés. » (p218) Et aujourd’hui les pays critiques vis-à-vis de cette globalisation qui nie les civilisations sont les anciens pays communistes. Ils se lancent dans la promotion de leur art civilisationnel. En effet, grâce aux œuvres d’art, l’identité des pays qui ont connu la guerre, le totalitarisme se recompose. « Paradoxalement, les arts civilisationnels, mis au ban du globalisme, sont aujourd’hui plus ouverts que l’art contemporain soumis à sa boucle d’asservissement financier. » (p258)

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On peut donc refermer ce livre avec un peu d’optimisme, car, derrière la globalisation, se cache la multiplication des soft power particuliers et enracinés. Qu’attend donc la France pour les rejoindre ? Aujourd’hui, l’art contemporain, l’art conceptuel, admet à ces côtés de l’art pour bénéficier de sa réputation. La peinture que l’on croyait perdue revient de ce double effet des soft power enracinés et d’un épuisement de l’art conceptuel. L’art est devenu un moment de l’art contemporain, pour paraphraser Debord qui savait que dans un monde où tout est faux, le vrai est un moment du faux.

mercredi, 13 mars 2019

Les 10 fonctions de l’USAID, la méga agence « humanitaire » de la CIA

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Les 10 fonctions de l’USAID, la méga agence « humanitaire » de la CIA

Auteur : Nazanín Armanian
Ex: http://www.zejournal.mobi

Les camions de charité de l’USAID destinés au Venezuela restent stationnés à la frontière avec la Colombie, tandis que Donald Trump, l’homme qui incarne la solidarité, menace le pays sud-américain d’une attaque militaire : il veut que des milliers de Vénézuéliens qui vont mourir des conséquences des bombes et des balles le fassent avec leur ventre plein de biscuits qu’il ne pourrait pas vendre sur les marchés des pays développés, peut-être parce qu’on a utilisé des graines modifiées pour les faire, ou parce qu’ils allaient expirer.

L’Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) a été créée en 1961 dans le but d’étendre le « Plan Marshal » aux pays stratégiques du monde, en canalisant ses politiques pour

1) empêcher les forces communistes, renforcées par la défaite du fascisme pendant la Deuxième Guerre Mondiale, de prendre le pouvoir et

2) ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises étatsuniennes.

Le lien entre l’USAID et le Bureau de Sécurité Publique, alors dirigé par l’agent de la CIA Byron Engle, a été renouvelé année après année : en 2015, Barack Obama a nommé Gayle Smith, directrice du Conseil de Sécurité Nationale de la Maison Blanche, à la tête de l’agence.

Selon WikiLeaks, entre 2004 et 2006, l’USAID a mené plusieurs actions au Venezuela et fait un don de 15 millions de dollars à des dizaines d’organisations civiles, afin de faire avancer la stratégie de l’ancien ambassadeur de Washington William Brownfield, basée sur la provocation d’une fracture du Chavisme et l’organisation des secteurs mécontents des réformes du Parti Socialiste Uni du Venezuela.

Les fonctions de l’USAID

1- Choisir le bon pays pour le projet préparé par le Secrétaire d’État, et évidemment ce n’est pas toujours le pays le plus utile. Ensuite, l’agence doit décider dans quel secteur elle sera impliquée, bien que ses secteurs préférés soient l’énergie, l’éducation, la santé, la sécurité et l’agriculture. Dans ce secteur, la production de cultures vivrières est généralement remplacée par des cultures commerciales. Elle place ensuite ses troupes dans des positions clés pour subvertir les économies locales. Les fois où elle embauche des gens de valeur solidaires indigènes, c’est pour réduire ceux qui devraient militer dans les partis politiques pour un changement fondamental dans la gestion de la charité.

En Irak colonisé, l’USAID injecte l’économie néolibérale, impose des privatisations massives, y compris une partie de l’industrie pétrolière, et force la théocratie fantoche installée à comparer les grains transgéniques de Monsanto.

Au Pérou, l’agence a donné 35 millions de dollars dans les années 1990 à la campagne de Alberto Fujimori, dont les mesures économiques ont plongé le pays dans la misère. La solution du protégé de l’USAID n’était pas de réduire la pauvreté mais de réduire les pauvres : Fujimori a stérilisé de force 300 000 femmes autochtones.

2- Affaiblir et même éliminer les institutions du pays d’accueil, en créant des réseaux et des entités parallèles, en favorisant la dénationalisation des secteurs fondamentaux en faveur « d’entrepreneurs ». Évidemment, l’intérêt de la bourgeoisie étatsunienne n’est pas dans l’autosuffisance des autres pays, bien au contraire.

3- Faciliter à la CIA le « placement de ses hommes dans la police de pays stratégiques à travers le monde« , explique AJ Langguth, ancienne correspondante du New York Times. En fait, le budget de l’USAID est en partie le financement caché des agences de renseignement américaines.

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4- Renforcer la domination des États-Unis sur la finance mondiale. En Inde, pays d’accueil de la Chine pour Washington, l’USAID, en coordination avec le gouvernement d’extrême droite de Narendra Modi, a mis en œuvre la « numérisation de l’économie », forçant des dizaines de millions de personnes des classes les plus pauvres du pays à abandonner le paiement en espèces en faveur du numérique, leur donnant seulement un mois – novembre 2016 – pour livrer leurs grosses coupures à la banque, lorsque la plupart ne détenaient aucun compte bancaire. Et qu’a obtenu l’USAID ?

a) Servir les intérêts des Technologies de l’Information (TI), des fournisseurs de services de paiement et des sociétés émettrices de cartes de crédit MasterCard, Visa et la Fondation Gates qui a promis en échange de donner un généreux chèque à l’ONU.

b) Appauvrir les Indiens en détruisant les économies de nombreux petits commerçants et producteurs, qui n’arrivaient pas à déposer leur argent.

c) Obtenir les données des utilisateurs.

d) En réduisant l’utilisation des liquidités à l’échelle mondiale, elle permet aux États-Unis de renforcer le dollar par la domination de leurs entreprises sur les finances internationales.

e) Surveiller le commerce mondial : Washington peut ainsi sanctionner, par exemple, les entreprises qui travaillent avec l’Iran, comme Huawei en Chine.

5- Former les forces de répression d’un État, en les préparant à démanteler la résistance de la population. Dan Mitrione, un homme de l’USAID en Uruguay, a donné des cours dans les années 1970 sur « l’art complexe de l’interrogatoire » et la manière dont les détenus devraient être torturés, en utilisant des hommes et des femmes « vivants » sans abri comme cobayes humains. L’USAID, avec les Bérets verts et la CIA, est impliqué dans la torture, le meurtre et la disparition de milliers d’hommes et de femmes guatémaltèques progressistes après avoir formé près de 30 000 policiers et des groupes paramilitaires pour cette mission.

Au Brésil, le Bureau des Initiatives de Transition (OTI), un contractant de l’USAID chargé de déstabiliser les gouvernements non alliés, a agi de la même manière. L’une de ses victimes était Dilma Rousseff, arrêtée et torturée pour être une étudiante marxiste.

6- Créer des milliers d’emplois pour les ONG étatsuniennes et leur fournir d’énormes fonds publics et privés pour servir les intérêts de donateurs tels que Rockefeller, Soros, Gates, Ford et Omidyar, tout en ouvrant les marchés aux sociétés des États-Unis. L’USAID elle-même prétend retourner dans son pays près de 80% de l’argent investi dans cette organisation.

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Une fois que Bush et ses alliés ont transformé l’Irak en décombres avec des mensonges en 2003, un des contractants de l’USAID, Creative Associates International Inc. (CAII) a remporté un contrat de 157 millions de dollars pour l’achat de tableaux noirs et de craie pour des écoles qui avaient été détruites par des missiles étatsuniens. Un autre, International Relief and Development (IRD), a reçu 2,4 milliards de dollars pour les mêmes fins, et Halliburton et Bechtel ont reçu la même somme.

En Afghanistan, principal bénéficiaire de l’aide américaine, où des centaines « d’experts en genre » occidentaux ont débarqué pour « sauver les femmes », l’USAID a alloué 216 millions de dollars en 2018 pour autonomiser 75 000 femmes : selon l’Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan, seulement 50 environ ont été employées et l’argent des contribuables a disparu. 89,7 millions de dollars de plus ont disparu. Arnold Fields, son directeur, a été forcé de démissionner par le Congrès.

La « Démocratisation de l’Afghanistan » menée par Bush-Cheney et 300 000 soldats de l’OTAN et des dizaines de milliers de sous-traitants « djihadistes » du Pentagone, en plus de tuer presque un million d’Afghans et de pousser des millions de familles à quitter leur foyer, a eu pour effet de faire oublier la mémoire historique du pays des manuels scolaires : peu se souviennent que la République démocratique d’Afghanistan (1978-1992), dirigée par les communistes, a éliminé l’usure, la culture de l’opium, légalisé les syndicats, établi une loi sur le salaire minimum, a établi la négociation collective, l’égalité entre hommes et femmes, qui a permis que pour la première fois 40% des médecins soient des femmes ainsi que 60% des professeurs de l’université de Kaboul. L’éducation a été déclarée gratuite et universelle, de même que les soins de santé, et les lits d’hôpitaux ont été doublés.

Selon la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), le nombre de civils tués ou blessés lors d’attaques de l’OTAN en 2017 a augmenté de 50 % par rapport à 2016, les deux tiers du total étant des femmes et des enfants. Aujourd’hui, les écoles de l’USAID n’enseignent pas les valeurs de la collectivité, mais l’individualisme le plus pervers du « chacun pour soi ».

7- Déstabiliser la résistance à l’impérialisme et aux dictatures alliées, dans les pays en tension, en soulageant la faim de manière ponctuelle et dans des moments concrets par des aumônes, empêchant la population de s’organiser pour exiger la justice sociale. En Égypte, à la fois sous le régime Moubarak et aujourd’hui sous le despotisme du général al Sisi, Washington oblige le Caire à acheter des armes alors que des milliers de personnes vivent dans des cimetières, puis envoie l’USAID pour distribuer du pain dans les quartiers qui se sont levés pendant le « printemps » de 2011, déstabilisant ainsi la résistance.

Il a fait la même chose en Haïti : dans les quartiers où les ouvriers avaient organisé des « pots publics » pour demander justice, il distribue de misérables sacs de nourriture, cherchant une loyauté : « Tout le monde embrasserait les mains qui leur donne de la nourriture« , ont-ils pensé.

8– Provoquer des protestations populaires contre les gouvernements qu’elle répudie sous la bannière de la « Promotion de la démocratie ». L’USAID a été expulsée de Russie, des pays de l’ALBA (Bolivie, Cuba, Équateur, Dominique, Nicaragua et Venezuela) et du Burkina Faso. Ici, le président Thomas Sankara, le Che Guevara du Burkina Faso, a été renversé par un coup d’État parrainé par la France et assassiné en 1987 en punition de ses grandes mesures visant l’autosuffisance de la nation. La Libye, l’un des pays les plus développés d’Afrique, est aujourd’hui le meilleur exemple de ce type de « libération ».

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9- Créer ses propres médias apparemment dépolitisés (sports, comédies musicales, etc.) envoyant des messages subliminaux au profit de l’économie de marché, de la consommation, du manque de solidarité, etc. L’USAID, par le biais de l’OTI, a introduit à Cuba en 2010 un système de messagerie similaire à Twitter appelé ZunZuneo. Tout en recueillant les données personnelles de centaines de milliers d’utilisateurs par le biais de leur téléphone portable, il a tenté d’organiser des dissidences dans le réseau et aussi dans les rues. Creative Associates International Inc. (CAII), un autre contractant de l’USAID, a parrainé des rappeurs pour capter les jeunes.

10- Recevoir plus de subventions par plus de destruction à cause de la guerre : en mars 2017, les États-Unis ont « par erreur » bombardé un bâtiment à Mossoul tuant 105 civils irakiens : deux jours plus tôt l’USAID avait déposé sa demande de nouveau budget pour la reconstruction de l’Irak : marchés « guerre-construction » ? Pompiers pyromanes ? Toute ressemblance avec la scène du film « Child » où Charlot propose à son fils de casser les fenêtres du quartier afin de gagner de l’argent en installant du nouveau verre n’est que pure coïncidence !

Si la guerre et la pauvreté n’étaient pas aussi rentables, elles seraient interdites par la loi.

Traduit par Pascal, revu par Martha pour Réseau International


- Source : Publico (Espagne)

lundi, 05 mars 2018

David Petraeus – ex-chef de la CIA, nouveau magnat des médias en Europe de l’Est

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David Petraeus – ex-chef de la CIA, nouveau magnat des médias en Europe de l’Est. L’enquête complète

Ex: https://www.ojim.fr

Cette enquête a été réalisée dans les Balkans dans le dernier trimestre 2017. Cette investigation, exclusivité de l’Observatoire du journalisme, a été financée par nos lecteurs.

La carrière fulgurante de David Petraeus, tour à tour commandant en chef des forces internationales en Irak et Afghanistan, directeur de la CIA, dirigeant du géant financier KKR et magnat des médias, incarne une nouvelle forme de pouvoir militaire-sécuritaire-financier-médiatique.

Une carrière qui semblait pourtant connaître une fin abrupte quand un scandale à caractère sexuel avait contraint Petraeus à démissionner de la CIA en 2012. Adultère aggravé par le fait que le général quatre étoiles avait menti pendant l’enquête, et surtout, qu’il avait fait fuiter des secrets d’État à sa maîtresse. Il sera condamné à deux ans de prison avec sursis et à 100.000 dollars d’amende – une bagatelle en comparaison avec des cas similaires, dont celui d’Edward Snowden, qui affirme avoir divulgué des informations beaucoup moins confidentielles.

Petraeus s’en remettra. Six mois après le scandale, il sera recruté par le fonds d’investissement mastodonte Kohlberg, Kravis, Roberts & Co. L. P. (KKR) pour diriger son Global Institute nouvellement fondé.

Les Barbares de Wall Street

Dans les années 70 et 80, KKR était le pionnier du LBO, ou “opération d’acquisition par effet de levier” – c’est-à-dire par dette massive. L’inventeur du concept, Jerome Kohlberg, bientôt inquiété par une avidité écrasante qui imprègne la vie des affaires, quittera le fonds qu’il avait créé, en ne laissant que son K à la tête du sigle. Après son départ, c’est le deuxième K, Henry Kravis, qui fera exploser les LBO  méritant à KKR le surnom peu flatteur de « Barbares de Wall Street » (le best-seller et le film “Barbarians at the Gate” sont dédiés à leur LBO historique sur RJR Nabisco). Ils resteront les champions de cette méthode, bien qu’elle aboutisse souvent au dépècement, voire à la faillite des entreprises rachetées, comme ce fut le cas de leur autre LBO historique : Energy Future Holdings. La même méthode est aujourd’hui pratiquée par Patrick Drahi (photo) qui a bâti son empire médiatique sur une dette colossale.

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Fin 2016, la candidature de Petraeus a été envisagée par Donald Trump au poste de chef de la diplomatie américaine, mais il restera chez KKR, désormais en tant partenaire. Kravis et Petraeus sont aussi membres du Council on Foreign Relations et participants réguliers aux réunions de Bilderberg. Kravis était classé 38e sur la liste des Juifs les plus riches du Jerusalem Post.

L’invasion commence

Dès son passage dans le monde d’affaires, l’ex-fonctionnaire fait ses preuves en étendant le portefeuille déjà impressionnant de KKR. En 2013, le fonds fait son premier investissement direct dans la région de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est en rachetant United Group (SBB/Telemach) pour une somme jamais divulguée mais estimée supérieure à un milliard d’euros. United Group réunissait les principaux opérateurs du câble, du satellite et d’internet dans l’ex-Yougoslavie avec presque deux millions abonnés:

  • SBB (Serbia Broadband) – le plus grand câblo-opérateur et fournisseur d’accès à internet en Serbie avec 700.000 abonnés ;
  • Telemach – le principal câblo-opérateur et fournisseur d’accès à internet en Slovénie et Bosnie-Herzégovine ;
  • Total TV – le premier réseau de télévision par satellite en Serbie, présent dans les six pays de l’ex Yougoslavie ;
  • NetTV Plus – le principal fournisseur de services de télécommunications sur Internet ;
  • United Media – les chaines de télévision Sport klub, Cinemania, Ultra, Mini ultra, Lov i ribolov ;
  • CAS Media – la plus grande agence d’achat d’espaces publicitaires pour la télévision du câble et du satellite.

L’année suivante en 2014, KKR affermit son emprise. Via United Group, il achète le géant du divertissement « turbo-folk » Grand Production et acquiert la participation de contrôle du câblo-opérateur monténégrin BBM. Il devient copropriétaire du 1er site d’information en Serbie Blic.rs en rachetant 49% de Ringier Digital SA, la filiale numérique du groupe de presse suisse.

Finalement, KKR lance sa propre chaine de télévision régionale, N1 TV, partenaire exclusif de CNN, avec studios à Belgrade, Zagreb et Sarajevo. Par cette opération controversée, United Group réunit la distribution comme la production de contenu.

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En 2015, le groupe crée un autre précédent avec la première acquisition d’un réseau mobile – Tušmobil slovène – par un opérateur du câble. En 2017, il rachète les activités de Central European Media Enterprises (CME) en Croatie et Slovénie, parmi lesquelles TV Nova, la chaine la plus regardée des Croates, dont le journal du soir réalise les meilleures audiences du pays ; ainsi que POP TV dont le journal 24ur est le principal programme d’information slovène. Pendant ce temps, United Group continue d’élargir ses activités à la téléphonie fixe et mobile et d’absorber ses concurrents, parmi lesquels BHB Cable TV (Bosnie-Herzégovine), M-kabl (Monténégro), et Ikom (Serbie).

Qui cache qui ?

Les « barbares financiers » commandés par Petraeus ont érigé un véritable empire médiatique, mais ils l’ont fait très discrètement, à l’abri de tout examen public. Quelques enquêtes rares, frileuses et tardives ont quand même fini par révéler quelques détails.

En 2015, un rapport sur la structure de propriété et le contrôle des médias en Serbie émanant du Conseil pour la lutte anti-corruption de Serbie identifiait le manque de transparence de la propriété des médias comme le problème prioritaire. L’année suivante, la structure de la propriété d’United Group a fait l’objet d’une investigation par le journal slovène Delo en coopération avec Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP). Leur article « Du côté obscur de Telemach »  a finalement permis à la population de la région de jeter un coup d’œil derrière les coulisses de leur plus grande source d’informations. Ils y ont trouvé un labyrinthe de sociétés offshore fantômes, qui champignonnaient dans les paradis fiscaux pour cacher les propriétaires originaux et leurs circuits financiers.

Une demie révélation : le cache sexe est serbe

La grande cible de cette enquête était le serbe Dragan Solak (photo). En 2000, il avait fondé KDS, un câblo-opérateur local à Kragujevac (Serbie) et pendant que sa start-up montait en flèche, devenant SBB en 2002, SBB/Telemach en 2012 et United Group en 2013, il a toujours pu en garder les rênes managériales. Il n’y avait là rien de secret. La vraie découverte de l’investigation est qu’il aurait également gardé 20% des actions, caché derrière la société Gerrard Enterprises qu’il aurait fondée en 2001 sur l’Île de Man.

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Ce « roi du câble », régulièrement « pas disponible pour les médias », nouveau magnat de l’entreprise dans un paysage économique dévasté, est un nouveau-riche flamboyant parmi ses compatriotes appauvris, avec ses jets privés, sa villa au Lac de Genève et son terrain de golf ayant appartenu au roi de Yougoslavie (le train de vie de Petraeus faisait jaser aussi, jusqu’aux articles du HuffPost et Washington Post). Serbe dans une région où les rivalités nationales sont toujours d’actualité, illusionniste ouvrant trois société offshore par jour et faisant disparaitre puis réapparaitre des millions d’euros hocus-pocus, tout cela sans payer d’impôts – autant de raisons pour que les journalistes de Delo et ceux qui marchèrent dans leur pas (NacionalJutarnji listEkspres…) braquent le projecteur sur Solak. Le risque était moindre que celui de suivre les traces du gros gibier.

Le rôle des ambassadeurs américains

L’investigation de Delo pour démêler les divers tentacules de la structure de propriété d’United Group a rendu une chose claire : les propriétaires se dissimulaient derrière une succession de paravents. Il était moins clair de savoir si Solak faisait partie des propriétaires ou était un simple paravent.

Solak n’opérait pas seul. Ses financiers d’outre-Atlantique, dont KKR, étaient partenaires majoritaires dans toutes les opérations. Ce sont eux qui le laissaient à la tête d’United Group et qui veillaient sur sa montée en flèche depuis le début, comme témoigne un télégramme de l’ambassade des États-Unis à Belgrade révélé par Wikileaks. Il est dommage que cette source, bien que facilement trouvable sur internet, n’ait pas été considérée jusqu’ici.

Le télégramme de 2007 est dédié spécifiquement à la situation de SBB, à partir de son titre « Serbia Broadband opérant dans l’environnement hostile ». Solak y figure comme le principal interlocuteur de l’ambassade, à un point tel qu’on peut se poser des questions sur la nature de sa relation avec la diplomatie américaine. Le signataire, l’ambassadeur Michael Polt, transmet les inquiétudes de Solak à Washington, en y joignant son rapport sur les efforts américains – diplomates et investisseurs confondus – afin d’y remédier. Leur prétexte : combattre la domination du marché par l’opérateur public Telekom qui « utilise tactiques agressives et influence politique » pour assurer sa position monopolistique. Aujourd’hui on comprend que l’ambassadeur faisait exactement ce dont il accusait Telekom, mais au profit de SBB. Le télégramme date du 1er juin 2007. Le 27 juin on annonçait la conclusion historique du premier LBO en Serbie : l’acquisition de SBB par Mid Europa Partners.

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Le successeur de Polt, Cameron Munter (photo), continua sa carrière post-diplomatique auprès de Mid Europa comme conseiller de SBB-Telemach lors des négociations avec Petraeus en 2013. Le prédécesseur de Polt, le fameux William Montgomery, le premier à être nommé après l’intervention de l’OTAN en 1999 et la révolution de couleur du 5 octobre 2000, influent à la manière d’un proconsul impérial, était partenaire commercial de Brent Sadler. Ce dernier, correspondant de CNN à Belgrade à l’époque des bombardements est à présent président de N1 TV, la chaîne phare d’United Group, filiale exclusive de CNN en Europe de l’Est.

Des ennemis devenus compagnons

Le cabinet de conseil Montgomery Sadler Matić & associates (MSM & associates) rassemblait un trio invraisemblable : l’ex-ambassadeur et l’ex-reporter américains sont devenus compagnons de Goran Matic, ministre fédéral yougoslave de l’information en 1998 et 1999. Son homologue serbe dans la même période était l’actuel président de Serbie Aleksandar Vucic.

Juste avant les bombardements, Matic critiquait des médias au service des maitres étrangers : « la situation est très claire – le propriétaire paye, le propriétaire demande la diffusion de certaines informations ». Quand l’OTAN attaqua, c’est lui qui déclara à CNN : « Nous sommes prêts à combattre l’agresseur ». Quand les frappes rasèrent la Radio-télévision de Serbie le 23 avril 1999, faisant 16 morts, BBC relayait sa déclaration : « C’est un crime monstrueux sans précédent dans l’histoire ». Dans le rapport moins prolixe de son futur compagnon Sadler sur CNN, cette citation sera réduite en deux mots : « acte criminel ». Tony Blair rétorquera que le bombardement de la télévision était « entièrement justifié ». Le 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, l’OTAN rasera encore une télévision, la Radio-télévision de Novi Sad.

Depuis, les deux ex-ministres de l’information ont fait volte-face par rapport à leur ancien ennemi, celle de Vucic étant particulièrement spectaculaire. Son parti a d’ailleurs engagé Montgomery comme conseiller et, une fois au pouvoir, leur gouvernement fit de même avec Tony Blair, alors qu’en 1999 ces mêmes personnalités le traitaient de bête noire. Encore en 2005, Vucic écrivait une recension favorable au sujet d’une monographie élégamment intitulée Le pet pédé anglais Tony Blair (sic). L’ex-nationaliste cultive également une chaude amitié avec d’autres protagonistes de l’agression contre son pays, Gerhard Schroeder et Bill Clinton.

Les généraux-investisseurs

Quant à Petraeus, il arbore une médaille de l’OTAN pour l’ex-Yougoslavie. En 1999, il assiste en tant qu’aide de camp le général Hugh Shelton, chef d’état-major des armées des Etats-Unis, dans la planification et la coordination des bombardements. Avant de revenir comme investisseur, Petraeus était déjà présent dans la région en 2001-2002 comme chef d’état-major adjoint de la force de stabilisation (SFOR) de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine et comme commandant adjoint d’une unité clandestine contreterroriste chargée de capturer les serbes recherchés par la Haye, avant que le 11 septembre ne vienne perturber la donne en transformant les alliés djihadistes en ennemis suprêmes. « C’est là que son évolution future fut tracée » affirme Fred Kaplan dans sa biographie The Insurgents: David Petraeus and the Plot to Change the American Way of War (2013, p. 65).

Son collègue quatre étoiles, Wesley Clark, commandant en chef de l’OTAN pendant les bombardements de la Yougoslavie, a lui aussi pantouflé dans le monde de la grande entreprise (comme Odierno, McChrystal ou Mullen. Rappelons que dès 1961, Eisenhower avait mis en garde contre le complexe militaro-industriel). Wesley Clark préside le groupe canadien Envidity Energy Inc. qui négocie, au milieu des controverses, l’exploration de très importants gisements de charbon du Kosovo « libéré » par ses troupes. Bien qu’en catimini, Petraeus était le principal négociateur du fonds KKR dans la reprise d’United Group en 2013. Il a rencontré le premier ministre serbe Aleksandar Vucic plusieurs fois, publiquement comme en privé.

Les millions de Soros ou comment monter en flèche

event_event_43.jpgLe télégramme de Wikileaks comporte aussi une référence à un moment charnière dans l’ascension d’United Group. En 2002, la petite start-up de Solak a eu une chance tout à fait extraordinaire. Elle réussit à attirer un investissement de 10 millions dollars de Southeastern Europe Equity Fund (SEEF). Le gestionnaire du fonds était Soros Investment Capital Management, renommé plus tard Bedminster Capital Management, fondé par George Soros.

Ce milliardaire activiste, partage avec Kravis (du fonds KKR) quelques traits accidentels, comme une villégiature au bord de l’Atlantique où les deux sont voisins, ou moins accidentels comme une passion pour la collection de câblo-opérateurs balkaniques.

C’est à partir de l’investissement de Soros que commence la croissance exponentielle de SBB et sa plongée vertigineuse dans les méandres opaques de la finance internationale. Après Soros, c’est la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) qui suit et relance, en investissant 15 millions euros en 2004. Cette banque « européenne » dont le plus grand actionnaire est les États-Unis restera copropriétaire et co-investisseur d’United Group à ce jour fin 2017.

Le fonds de Soros se démultipliera en SEEF I et II, qui figureront en même temps comme acheteur et vendeur lors de la reprise de SBB en 2007 par Mid Europa. En 2014, cette société d’investissement privée dirigée par d’ex hauts fonctionnaires de la Banque Mondiale et du FMI se vantait d’avoir triplé ses investissements grâce au montant exorbitant payé par KKR.

George Soros (né Schwartz) a vu son nom de famille changé par un père espérantiste. Le mot « soros » signifierait dans cette langue « je monterai en flèche ». Un bon augure pour le petit György, ainsi que pour la start-up de Solak qu’il a soutenue avec autant de prévoyance.

Mais qui a aidé Soros au début de sa carrière ? La mise de fonds initiale pour sa start-up, Double Eagle Fund, renommée par la suite Quantum Fund, avait été fournie par Georges Karlweiss de la Banque Privée S.A. de Lugano, détenue par le baron Edmond de Rothschild (voir l’article supprimé du Washington Times). D’après Time Magazine, « bientôt les Rothschild et autres riches européens y rajoutaient 6 millions dollars ». De quoi monter en flèche comme l’avenir le prouvera.

Investissements prodigues en médias déficitaires

Même les financiers sans foi ni loi obéissent à une loi sacrosainte : réaliser des profits. Or, le retour sur l’investissement de KKR dans les médias balkaniques ne pointe pas à l’horizon. Le secteur éprouve de telles difficultés que même les acquisitions phares comme SBB en Serbie et Nova TV en Croatie sont connues pour dégager des pertes consécutives.

Dans le cas de SBB, l’investissement astronomique de KKR en 2013 n’a pas amélioré la situation. Au contraire, les rapports annuels disponibles montrent une progression constante des pertes. En millions d’euros: 33M en 2010, équilibre en 2011 puis 10,5M de pertes en 2012 et 1,4M en 2013. Enfin 29M en 2014, 33M en 2015 et 35M en 2016. On voit que l’année 2016 bat les records avec trente-cinq millions d’euros de perte.

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L’explication ? En achetant des médias, Petraeus achetait de l’influence. La question se pose alors : quel type d’investisseur souscripteur se réjouirait d’entendre son fonds lui expliquer : « Nous n’avons plus ni le milliard que vous avez engagé, ni le profit que nous avons promis, mais nous avons gagné de l’influence médiatique en l’Europe de l’Est ». On a du mal à imaginer que des retraités du fonds de pension de l’Oregon en seraient ravis. En revanche, plus d’une connaissance de Petraeus au Bilderberg pourrait s’en accommoder.

Une autre explication : les dépenses seraient gonflées pour déclarer des pertes qui n’existent pas vraiment. Grâce à son bilan négatif, SBB n’a pas payé un centime d’impôt depuis des années, malgré un revenu de 170 millions euros rien qu’en 2016. Le dommage pour le budget national serbe pourrait atteindre les huit chiffres en euros.

L’Etat ne se mêle pas de ses affaires

Les grands perdants de se schéma douteux sont tout d’abord les citoyens, qui sont les principaux créateurs de la richesse qu’United Group draine vers les paradis fiscaux et qui eux, payent leurs impôts. Ensuite c’est la concurrence qui n’a aucune chance de rivaliser avec le poids lourd privilégié du marché avec sa capacité financière, sa taxation zéro, sa cartellisation transfrontalière et sa programmation CNN. In fine ce sont les Etats qui renoncent à percevoir les taxes. Pour ne rien dire de leur obligation de protéger la libre concurrence comme les citoyens.

Les Etats seraient les plus aptes à inspecter les activités de KKR. Eux seuls seraient capables de sanctionner les pratiques illégales et de combler les lacunes de la législation.

Les Etats choisirent plutôt de se boucher les yeux. A ce jour, les seules révélations sur l’empire médiatique de KKR ont été faites par des organismes et des individus de la sphère non gouvernementale. En ce qui concerne les changements législatifs, ils n’ont fait qu’élargir les lacunes, comme le montre le rapport de South East European Media Observatory au titre explicite « Les grandes puissances ont adapté la législation serbe sur les médias aux besoins de la ‘CCN balkanique’ ».

L’Union Européenne comme groupe de pression

En 2014 l’Etat serbe et KKR semblent voués à l’affrontement. KKR prévoit le lancement de sa nouvelle chaine N1 TV sur son réseau SBB Telemach, au sein de sa société de tête United Group. En même temps, le gouvernement publie ses projets de lois sur les médias. Or, l’un exclut l’autre, car les lois interdisent à un distributeur d’être aussi créateur de contenu. L’interdiction semble logique : le distributeur favoriserait ses chaines au détriment de la concurrence. Quelques années auparavant le même principe était imposé par l’Union Européenne à la télévision publique RTS qui a dû renoncer à son réseau de distribution.

Pourtant, cette fois l’avis de Bruxelles sera inverse, ou plus précisément inversé par le lobbying de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (copropriétaire d’United Group) et du cabinet Gide Loyrette Nouel engagé pour l’occasion. Après une nouvelle rencontre avec Petraeus, le premier ministre serbe tranche sommairement : la N1 est bienvenue en Serbie. L’état démissionne.

C’est le nouveau texte de loi, dicté par les banquiers et les avocats via l’administration bruxelloise, et non pas l’original issu d’un processus électoral et participatif, qui sera voté en aout 2014. Exit le peuple, entre l’oligarchie financière transnationale, qui tord le bras d’une assemblée qui ne songe même plus à se défendre.

Epilogue : N1 TV sera lancée dès l’octobre 2014. En mars 2017, le câblo-opérateur SBB enlève la télévision la plus regardée, la chaine publique RTS1, de la première position dans la numérotation des chaines. Il donne sa place, incontestée depuis les débuts de la télévision, à N1 TV.

Le propriétaire influence-t-il ses médias ?

Quand l’OTAN a bombardé RTS en 1999, son argumentation était basée sur l’idée qu’une télévision émettait nécessairement la propagande de son propriétaire. Comme ce propriétaire était l’Etat ennemi, et que la propagande faisait partie de la guerre, l’OTAN conclut que la télévision était une arme de guerre et, par conséquent, une cible légitime.

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N1, elle aussi, a des propriétaires. Il y a même un général qui fût engagé dans la même guerre. Quant à la propagande, ses communiqués au sujet du changement de la numérotation fournissent des exemples scolaires de manipulation. Le titre « Pression politique grandissante pour abaisser N1 sur le réseau SBB » (N1, 2017) laisse supposer que la chaine de KKR est défavorisée alors qu’elle est choyée. N1 se fait aussi la championne du bobard « calculette ». En 2016, ses rapports quadruplent la participation à une manifestation supportée par des ONG américaines, tandis que le nombre de manifestants anti-OTAN est divisé par trente (sic). Lors des présidentielles serbes de 2017 la télévision se fait bureau de communication de certains candidats, en en omettant entièrement d’autres.

Guerrier des perceptions

La défénestration de la démocratie par KKR au profit de sa « CNN balkanique » sera expliquée par Petraeus en termes de « développement des valeurs démocratiques ». C’est la seule fois qu’un patron de N1 s’explique sur N1, et il le fait exclusivement devant les journalistes de N1. Sans sourciller, il souligne leur objectivité et leur indépendance.

Si ses déclarations se trouvent aux antipodes de la réalité, on retrouve là le spécialiste des guerres des perceptions.

« Pratiquement rien n’est plus important dans les affaires internationales que les représentations historiques et les perceptions que les hommes portent dans leurs têtes. » Cette citation ouvre le premier article académique de Petraeus en 1986, ainsi que sa thèse doctorale, défendue l’année suivante à Princeton. Depuis, le militaire-savant se fait champion d’une réorientation de l’armée étasunienne. La priorité devrait passer de la guerre conventionnelle à la contre-insurrection (counterinsurgency ou Coin en anglais), sous la devise « gagner les cœurs et les esprits ». En 2006, il expose sa doctrine dans un manuel militaire qui fait date (FM 3-24 Counterinsurgency). Irak et Afghanistan seront des laboratoires où il mettra ses théories en œuvre en y assumant le commandement suprême de 2007 à 2011. Mission accomplie, il ne lui reste plus qu’à quitter l’armée qu’il a révolutionnée après une carrière très bien pensée. Cadet de West Point, il fait la cour à la fille du surintendant, ce qui lui vaut la moquerie de ses camarades et la main de la demoiselle. Il progresse ensuite dans l’ombre des commandants Galvin, Vuono et Shelton. Avant le scandale à caractère sexuel de 2012, il est le chouchou des médias qui lui réservent des articles élogieux (gentiment appelés « fellations » dans l’argot journalistique américain). Son charme ne rencontre que quelques détracteurs, comme l’amiral Fallon, qui l’aurait traité de “petit lèche-cul dégonflé”.

Conquérir les cœurs et les esprits

Correspondant de Marcel Bigeard et lecteur avide des « Centurions » de Jean Larteguy, Petraeus admet volontiers ses influences françaises, notamment celle du théoricien David Galula. Cela n’empêche pas un compagnon d’armes français, le général Maurice Druart, de dénoncer sa devise « gagner les cœurs et les esprits » comme « une démarche de merchandising oppressive sur la population » (voir l’excellente étude de l’armée française Gagner les cœurs et les esprits, CDEF, 2010, p. 57).

Le sens véritable de cette expression est défini par le manuel FM 3-24 de manière suivante : « “Cœurs” signifie persuader la population que son meilleur intérêt est servi par le succès de la contre-insurrection. “Esprits” signifie convaincre la population que la force peut les protéger et que la résistance est inutile. Notons que la sympathie de la population pour les troupes d’occupation n’y a pas d’importance. Ce qui compte, ce n’est pas l’émotion, mais le calcul d’intérêt ». La section « Les médias et la bataille des perceptions » offre des préceptes quasi orwelliens : « Choisissez les mots avec soin… Par exemple, la force de contre-insurrection est-elle un libérateur ou un occupant ? »

Expérimenté dans ce type de double pensée, Petraeus persiste à parler d’une « victoire » en Iraq quand l’intervention est une catastrophe incontestable. Alors que la région est plongée dans le chaos, les raisons d’engagement invoquées initialement se sont révélées fausses et les objectifs déclarés n’ont pas été atteints. Dans les faits, le modèle Petraeus de contre insurrection associe grande manipulation et grande violence: guerre civile, frappes aériennes, raids nocturnes, attaques de drones, torture. Cette réalité émerge difficilement dans les médias qui semblent eux aussi obéir au manuel de Petraeus (section « Exploiter un narratif unique »).

L’année 1986 sera une année charnière pour Petraeus : il devient théoricien de la contre insurrection, membre du Council on Foreign Relations et fait la connaissance de James Steele, vétéran du programme Phoenix au Vietnam. En communication directe avec Petraeus, Steele formera les escadrons de la mort et des centres de torture en Irak.

Espionnage et manipulations sur la toile

En 2010 Petraeus recrute la première armée de trolls sur internet (L’opération d’espionnage étasunienne manipule les réseaux sociaux, Guardian, 2011). Son commandement CENTCOM lance un appel d’offres pour un logiciel de gestion d’identités en ligne qui permettrait à 50 utilisateurs d’employer 500 comptes faux nez (sock-puppets) « sans crainte d’être découvert par des adversaires sophistiqués ».

Quelques années après, les pratiques identiques de la Russie sont dans le collimateur de nombreux journalistes mais l’exemple américain fondateur est régulièrement omis. Ainsi un article de l’Obs-Rue89 énumère-t-il cinq pays impliqués, en omettant les Etats-Unis dans la liste.

Le militaire dans Petraeus comprend très bien que les technologies d’information sont indispensables aux opérations d’information. Chef de la CIA, il avertit : « on vous espionnera à travers votre lave-vaisselle » (Wired, 2012). En magnat des médias, il reste aussi belliqueux que jamais : « Le cyberespace est un domaine de guerre entièrement nouveau » (BBC, 2017). Il milite surtout pour un contrôle toujours plus grand de l’internet.

À ce propos, KKR contrôle un grand nombre d’entreprises de l’internet, dont Optiv (cybersécurité), GoDaddy (hébergement), First Data (argent numérique) et naturellement, les fournisseurs d’accès à internet d’United Group.

La surveillance massive d’internet par les services de renseignement anglo-américains, révélée par Edward Snowden, bat son plein alors que Petraeus dirige la CIA. On y trouve des projets comme PRISM, qui permet un accès direct aux serveurs des géants Google, Facebook, Apple, Microsoft et alii ; ou Muscular et Tempora qui infiltrent directement les câbles de fibre optique.

Dans les Balkans, une grande partie du trafic internet passe par les fournisseurs achetés par Petraeus. Une étude serbe sur les « infrastructures invisibles » a établi que tout le trafic menait à un seul point : « Si l’on souhaite examiner, filtrer ou conserver tout le trafic national transitant par le réseau de SBB, on peut le faire en n’utilisant que ce point unique ». Il se trouve que ce point est en la possession de KKR.

Pourquoi infiltrer, si l’on peut posséder ?

Argent public et argent privé

Les guerres de Petraeus représentent des coûts considérables non seulement en termes de vies humaines, mais aussi pour les contribuables. Ces coûts ne sont plus estimés en milliards, mais en billions de dollars, du jamais vu. Des sommes sans précédent ont également fini dans les mains des corporations privées (Sous-traitants privés récoltent 138 milliards de dollars de la guerre en Irak, Financial Times, 2013) pour des services civils (Halliburton-KBR) mais aussi militaires (Blackwater) ou d’intelligence (Bell Pottinger). La guerre s’est privatisée, d’où la section « Multinationales et sous-traitants » dans le manuel de Petraeus.

Commandant en chef, Petraeus disposait déjà de fonds colossaux et traitait directement avec les corporations privées. Mais qui commande vraiment quand la plus grande force militaire se surendette pour payer ses guerres : le commandant ou le financier ?

Conclusion : de l’armée à la finance, une promotion

Toute sa vie, Petraeus a développé sa carrière en courtisant le pouvoir le mieux placé. Son passage des sommets de l’armée et du renseignement au rang des financiers est d’habitude vu comme une sorte de retraite ou de démission. On est plutôt tenté d’y voir une promotion.

La carrière de David Howell Petraeus suit la même ligne ascendante et le même fil rouge : la manipulation des perceptions. Son cas illustre un changement radical du monde de l’information. Avant lui, nul ne pouvait imaginer un ancien chef de service de renseignements à la tête des médias d’un pays qu’il avait contribué à détruire. Général ennemi, chef de service secret et spécialiste de la propagande, il s’impose dans les médias de la nation agressée, sous prétexte d’y garantir une information objective, un véritable tour de force. Mais rien ne choque les cœurs et les esprits conquis.

vendredi, 02 février 2018

Histoire du soft power américain

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Histoire du soft power américain

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

1. De la guerre froide à Obama

Aux USA, l’influence est pensée depuis longtemps comme technique à finalité stratégique: une guerre pour désarmer l’hostilité, une guerre à la guerre en somme qui fera du monde « un endroit plus sûr pour les États-Unis » selon la formule de Wilson. Ce dernier partait du principe que les démocraties ne se combattent pas par les armes. Il entrevoyait déjà un apaisement général par propagation des principes politiques américains.

D’où l’idée récurrente d’influencer l’autre pour le rendre un peu moins « autre » et éventuellement un peu plus démocrate, un peu plus amoureux de la liberté à l’américaine, davantage désireux d’en adopter le mode de vie. Cela repose sur une certaine confiance en la valeur universelle du système et sur la conviction que celui qui le combat ne peut être qu’en proie à illusion doctrinale, à une méconnaissance de la réalité ou à une passion contraire à la nature humaine : il s’agit donc de le guérir. Par une contre-offensive idéologique.

Durant la guerre froide, la CIA conçoit un plan de «guerre culturelle» et conduit, notamment à travers le Congrès pour la Liberté Culturelle, une politique de subventions à des journaux, des livres, des conférences, des manifestations artistiques. Tout cela est censé sauver l’intelligentsia du giron du communisme et offrir une alternative culturelle, politique et morale aux populations de l’Est ou des pays tiers. L’affrontement est clairement idéologique.

L’agence s’emploie à diffuser les auteurs antistaliniens, fussent-ils de gauche, mais aussi le jazz, la peinture abstraite, toutes les formes d’une culture distractive, « jeune », antitotalitaire qui font contraste avec le pesant réalisme socialiste : des gens qui lisent Koestler, sifflent l’air de Porgy and Bess ou aiment la peinture abstraite ne seront jamais de vrais Rouges, pense-t-on à l’Agence. De la concurrence des idées on passe à celle des cultures.

Diplomatie publique

L’entreprise eut un prolongement. Eisenhower créa en 1953 l’United States Information Agency qui devait fonctionner jusqu’en 1999 pour mener une politique de vitrine médiatique. Elle lança des publications et manifestations et surtout des radios dont Voice of America émettant en 45 langues et Radio Free Europe, destinée à l’autre côté du rideau de fer. Le but était projeter une « bonne image » des USA, d’offrir à des audiences étrangères des informations auxquelles elles n’avaient pas accès, de promouvoir certaines valeurs en particulier culturelles. L’USIA se chargeait d’entretenir des réseaux d’amis des USA : journalistes et personnalités invités à visiter le pays, boursiers (notamment le programme Fullbright) et contacts avec d’anciens étudiants des universités américaines…

Le tout fut baptisé en 1970 : « diplomatie publique », une diplomatie qui soutient les objectifs politiques en s’adressant directement à l’opinion extérieure. Mais pas au public domestique : l’US Information and Educational Exchange Act de 1948 connu comme Smith-Mundt Act, interdisant de faire de la propagande destinée aux citoyens américains.
Dans la décennie 90, la notion devait tomber en désuétude faute d’ennemi à combattre, l’USIA finit par se « fondre » dans le département d’État).

voice-of-america-labyrinth.jpgPendant un demi siècle, relayée par l’USIS (United State Information Service), la diplomatie publique avait ainsi produit ou exporté des milliers d’heures d’émission, de films, de livres,…, mais aussi établi des contacts avec des milliers de gens pour «raconter au monde l’histoire vue d’Amérique».

Son bilan sera discuté : l’USIA est parfois vue comme un agence de propagande coûteuse qui faisait mal ce que l’autre camp réalisait plus efficacement en sens inverse, relayé par des intellectuels progressistes et profitant du courant de la contre-culture.
Second reproche à la diplomatie publique : était-il vraiment utile de payer des fonctionnaires pour rendre l’Amérique plus populaire alors que James Dean, Marilyn Monroe, Elvis Presley , la MGM, puis CNN y parvenaient de cause de façon plus crédible et en rapportant des devises ? D’autres se demandent pareillement si la chute du Mur de Berlin n’est pas à porter au crédit de la télévision de RFA reçue en RDA : elle propageait une image bien plus positive de l’Occident que tout service officiel.

Dans les années qui séparent la fin de l’URSS du 11 septembre, la politique d’influence US semble se confondre au moins dans l’esprit de ses promoteurs avec un « élargissement » du modèle occidental, pour ne pas dire avec le mouvement de l’Histoire. Il s’agit pour les USA de « contrôler la mondialisation » (shapping the globalization), donc d’encourager une mondialisation qui repose autant sur les droits de l’homme et le marché que sur les technologies de la communication et la mondialisation des cultures.

Cette politique quasi pédagogique prend de multiples formes. Ce peut être l’accompagnement du passage à la démocratie des anciens pays socialistes par ONG ou think tanks interposés, aussi bien que l’apologie des autoroutes de l’information comme « agora planétaire ». Le tout dans un contexte où l’influence US semble sans rivale.

Le contrôle de la globalisation

Pour une part, l’influence se privatise. Elle devient une dimension fondamentale de l’intelligence économique. Elle sert d’abord à la conquête des marchés ; là encore, les Américains comprennent qu’il faut combiner soutien politique, imitation des modes de vie, prépondérance des les standards techniques ou juridiques et un imaginaire culturel rendant désirable le made in USA. D’autres facteurs jouent telle la complexité croissante des normes internationales de production, donc le rôle des instances internationales et partant l’intérêt du lobbying.

Citons aussi le poids de mouvements d’opinion concernés par des dimensions écologiques, sociales ou sécuritaires de l’activité économique donc le rôle des ONG et des « parties prenantes », les facteurs d’image et de réputation dans la compétitivité des firmes… Autant de raisons pour les entreprises de se lancer à dans une politique internationale d’influence positive, voire agressive. Elles sont à la merci d’une rumeur sur Internet, d’une mise au pilori par une ONG, d’une attaque médiatique, d’une offensive informationnelle : elles doivent se préserver d’une influence déstabilisatrice comme une « e-rumeur ».

Parallèlement, une notion prend de l’importance dans les années 90 : celle d’affaire, action ou coopération civilo-militaires (qui donnent toujours le sigle ACM). Elle est liée à des conflits typiques de la fin du XX° siècle : des États disloqués, en proie à des guerres civiles, ou des situations indécises entre guerre et paix où des violences armées sont menés sporadiquement par des groupes ethniques, politiques, criminels voire mêlant les trois. L’intervention des forces occidentales, avec ou sans mandat des Nations Unies appelle une politique de reconstruction de la paix ou de la nation (peace building, nation building) ou, pour le moins, la gestion d’une situation indécise. À rebours de leur fonction traditionnelle (affronter symétriquement une autre troupe en uniforme jusqu’à la victoire politique scellée par le traité de paix), les troupes sont confrontées à des situations où il s’agit de contrôler l’exercice de la violence pour en freiner l’escalade. Il est tout aussi nécessaire de recréer les conditions d’une vie « normale » sur des territoires livrés au chaos.

Surtout dans la période qui mène à la mise en place d’autorités civiles reconnues, les troupes sont de facto chargées de tâches humanitaires, économiques administratives, politiques, bref non militaires. Cela les met au contact de civils, d’ONG, d’organisations internationales, de forces politiques, d’autres armées, d’entreprises… et bien sur des médias . Cette quête pratique n’est pas forcément désintéressée : les ACM peuvent rapporter des dividendes en termes d’image, de contrats de reconstruction pour ses entreprises, d’adoption de normes favorables à ses industries, …. Intérêts publics et privés peuvent se trouver liés comme civils et militaires. Mais l’objectif immédiat est surtout de contribuer à la stabilité du pays par des relations fiables avec les autres acteurs, un mélange entre action d’urgence et relations publiques.

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La quête du soft power

Aux USA et dans la même période que l’influence trouve son nouveau nom : soft power. L’expression lancée par le doyen Joseph S.Nye gagne le statut de concept clé des relations internationales. Elle exprime une attractivit américaine qui repose sur la séduction de sa culture de masses (blockbusters hollywwodiens, séries TV, Mc Donald, basket, etc.), plus excellence scientifique et universitaire, plus les succès de sa technologie surtout numérique (les GAFA et la Silicon Valley), plus médias internationaux, plus influence intellectuelle de ses essayistes et de ses think tanks, plus américanisation des élites mondiales, plus image démocratique du pays, plus popularité de l’american way of life, plus...

Si l’Amérique prédomine dans le domaine du hard power, en particulier militaire, dit en substance Nye, elle doit aussi son statut d’hyperpuissance à sa capacité de séduire et d’attirer. La notion recouvre le rayonnement de l’Amérique, dû à sa technologie, à sa réputation, à ses artistes, à son cinéma, à ses université, … et autres choses où le gouvernement a peu de responsabilité, mais elle repose aussi sur sa diplomatie, sa capacité de convaincre et d’entraîner dans les organisations internationales. Amener les autres à désirer ce que vous voulez « sans carotte ni bâton » : voilà qui est tentant mais résonne un peu comme un vœu pieux.

Ce débat plutôt abstrait avant le 11 septembre prend une tout autre tournure en 2001. L’Amérique découvre alors la haine qu’elle suscite. Pour une part, les néo-conservateurs qui tenaient en réserve leurs plans contre les États voyous, leur guerre « préemptive » voire leur « quatrième guerre mondiale » contre le terrorisme jouent la carte du dur.

Parallèlement le recours à l’influence douce semble redevenir un saint Graal de la géopolitique US ou une ressource mystérieuse que l’Amérique devrait retrouver pour mettre fin à l’animosité.

L’appel à rétablir un soft power submergé par l’antiaméricanisme et décrédibilisé par une guerre contreproductive devient une des constantes du discours critique contre G.W. Bush. Ce slogan résonne souvent comme un pathétique « Aimez nous ». Ainsi, lorsque Francis Fukuyama rompt avec le camp néo conservateur, l’ancien chantre de la fin de l’histoire oppose la mauvaise méthode, la promotion de la démocratie par les armes, à la «bonne», celle qui consisterait à restaurer le soft power. Il ne faudrait pas renoncer au principe wilsonien, mais, parallèlement recommencer à négocier, à rechercher le consensus de ses alliés, à mener une action à travers des ONG et des organisations internationales régionales. Il est tentant de traduire : se rendre aimable, en somme.

Il serait caricatural de faire du soft power un monopole des démocrates, et de croire les républicains forcément partisans du «hard». La nuance entre diplomatie publique, soft power et influence renseigne davantage sur le locuteur que sur le contenu de la politique qu’elle recouvre.

Ainsi, quand Nye déclare que "l'Amérique doit mélanger le pouvoir dur et soft en un "pouvoir intelligent" (smart power), comme elle le faisait du temps de la guerre froide.", pareille nostalgie ne caractérise pas exactement un progressiste. Du reste, dans le camp conservateur, beaucoup en appellent à une grande politique qui tarirait les sources de l’extrémisme religieux et restaurerait une image de leur pays dont les sondages –ils en sont grands consommateurs - montrent la dégradation depuis six ans.

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Une des premières réactions de l’administration Bush en 2001, fut de recréer un sous-secrétariat d’État à la diplomatie publique. Il fut d’abord confié à la publicitaire Charlotte Beers ; elle s’employa à produire des vidéos démontrant la liberté de culte dont jouissent les musulmans aux USA. Au fur et à mesure des guerres d’Afghanistan et d’Irak apparurent des radios arabophones et même une télévision, al Hurrah, censée concurrencer al Jazeera, mais avec un succès modéré dans le monde arabe. Parallèlement, l’administration Bush créa un Bureau d’Influence Stratégique (Office of Strategic Influence): il fallut le dissoudre lorsque la presse révéla qu’il risquait de mener des actions de désinformation qui toucheraient les citoyens américains.

Mais la diplomatie publique n’est pas seulement l’affaire des hauts fonctionnaires : le secteur privé intervient dans la promotion de l’Amérique. Ainsi Walt Disney produisant avec le département d’État des films présentant le pays à ses visiteurs ou les entreprises qui créent des « cercles d’influence » avec des groupes de journalistes ou des chambres de commerce. De la même façon, nombre d’opérations sont sous-traitées à des « agences de communication » ou assimilées qui, suivant le cas, «vendent» l’opposition à Saddam et la thèse des armes de destruction massive (comme le groupe Rendon) avant la guerre d’Irak ou, après, s’assurent de la bonne orientation de la presse locale (comme le Lincoln Group).

On verra aussi l’appareil d’État américain s’engager dans un combat quasi spirituel : il faut contrer « l’extrémisme violent » (comprenez le djihadisme), lancer un contre-discours, montrer que cela n’a rien à voir avec le vrai islam, contrer la propagande mensongère d’al Qaïda puis celle, plus moderne, plus efficace, et plus « Web 2.0 » de Daech.

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La stratégie d’influence américaine comporte aussi un volet « subversif » : l’aide aux mouvements dits de la socité civile qui luttent contre des régimes autoritaires et, comme par hasard, antiaméricains,. Ceci vaudra sous les présidences successives de G.W. Bush et de Obama, mais prend la suite du bons vieux système de regime change consistant à aider l’oppostion dans certains pays. S’inspirant de l’expérience du renversement de Milosevic et des méthodes du groupe OTPOR, il y aura la révolution des roses en Géorgie (2003), orange en Ukraine (2004), des tulipes au Kirghizistan, « en jean » en Biélorussie (2005), du cèdre au Liban (2005). Ne parlons pas de la vague verte d’Iran (2009) ni de l’enthousiasme que déclenchera le printemps arabe de 2011 (ça y était, le monde arabe, évitant le double péril de l’islmamisme et des autocraties, allait se convertir au modèle démocratique occidental). Chaque fois on retrouve des fonds (d’ailleurs pas dut tout occultes- de l’US AID, du département d’État, du National Endowment for Democracy, de l’Institut pour la paix, etc. Des Ong finançant et formant les activistes démocratiques comme l’Albert Einstein Institute et la fondation Soros Open Society soutiennent les révoltes. Nous ne sommes pas en train de dire que les services américains ou quelques ONG renversent les gouvernement à leur guise partout sur la planète, mais qu’il jouent ouvertement la carte du soutien aux forces réputées modernes et ouvertes, donc pro-occidentales.

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Soft Obama

Les années Obama ont-elles changées la pratique de l'influence stratégique d'État ?

La personnalité même du président devenu star internationale avant son élection et nobelisé au seul bénéfice de l'image fut en soi un exemple de "branding". Il "était" la marque USA dans toute sa splendeur, et rendait visible l'idée de soft power, comme s'il lui suffisait d'apparaître pour réconcilier l'Amérique avec le monde. La communication de la Maison Blanche exploita largement l'effet de contraste : elle opposait sa pratique apaisée à la brutalité de G.W. Bush. Très vite Hillary Clinton, au Département d’État, prit le relais, elle qui se réclame de Joseph Nye et de son smart power : la nouvelle Amérique utilisant suivant le cas sa puissance militaire, diplomatique, économique... mais aussi culturelle pour accomplir ses objectifs internationaux ; le moindre n'était pas de lutter contre les djihadistes et de dissiper les fantasmes dont est sensé se nourrir l'antiaméricanisme. Bien entendu, l'enthousiasme des débuts se heurtera aux réalités assez vite.

Si le soft power est un état idéal ou un résultat désiré, l'influence, la lutte idélogique, la présence médiatique, la "com", la mise en valeur de l'image américaine (éventuellement à travers celle de son président) en furent les moyens. Du coup, le terme "diplomatie publique" perdit ses connotations de Guerre foide et d'anti-communisme républicain. On se mit à parler d'une "nouvelle diplomatie publique" qui reposerait moins sur l'utilisation de grands médias émettant vers l'étranger (telle la télévision arabophone al Hurrah) que sur la présence sur les réseaux sociaux, le prestige culturel, la coopération avec les ONG et la société civile pour véhiculer le bon message... La propagande d’État devait passer par les réseaux sociaux et par les organisations de la société civile.

L'administration Obama a joué de ses atouts comme ses bonnes relations avec les entreprises de la Silicon Valley. Sa stratégie devient ostensiblement "2.0". Tandis que l'armée (qui ne fait désormais plus de "psyops" mais des "Military Informations Strategic Operations", ce qui sonne moins redoutable), la diplomatie américaine devient "e-diplomacy". Les représentants des USA, militaires ou diplomates, sont invités à être très présents sur les réseaux sociaux, à y faire du "storytelling" et à délivrer y compris à des audiences étrangères leur message de soutien aux objectifs de leur pays.

hillary-caricature-large.jpgParallèlement l'Amérique affiche sa volonté de soutenir les cyberdissidences et de lutter pour que s'épanouisse en ligne une société civile sans frontières. Hillary Cliton, en particulier, présente le droit de se connecter comme un droit de l'homme et milite pour des "technologies de libération" : l'extension d'Internet, échappant au contrôle des régimes étatiques est sensée apporter à la fois des bénéfices économiques, politiques (favoriser la démocratie pluraliste) aussi favoriser l'épanouissement d'une indispensable société civile. Du coup la cause universelle du Net se confond avec les intérêts des USA, première société de l'information de la planète (comme pendant la Guerre froide, ils se confondaint avec la défense universelle des libertés politiques).

La lutte pour la liberté du Net, se concrétise par le refus de principe de laisser des entreprises américaines vendre des techniques de censure à des gouvernements dictatoriaux mais aussi la volonté de fournir aux "blogueurs démocrates" de la formation ou des outils et logiciels pour échapper à la police. Même si les mauvais esprits font remarquer que les États Unis changent d'attitude lorsqu'il s'agit de lutter contre Wikileaks ou Megaupload... Ou contre Snowden.

Par ailleurs, en 2011, Obama crée le Center for Strategic Counterterrorism Communications qui doit mener la lutte pour la déradicalisation et la réfutation de la propagande djihadiste. Preuve que l’on en revient aux méthodes de guerre froide, ou plutôt d’affrontement idéologique à l’échelle de la planète. En 2016 le CSCC se transforme en Global Engagement Center sensé lutter avec des partenaires (ONG; écoles, leaders religieux...) contre le jihad dans les têtes. Mais, o surprise, juste avant que quitter son bureau ovale, Obama rajoute aux compétences du GEC la lutte contre la propagande et les interférences étrangères : Chine, Corée et surtout Russie.

Counter-speech (la contre-propagande contre le djihad, smart power, "nouvelle" diplomatie publique : le vocabulaire change, mais les fondamentaux restent les mêmes : l'Amérique retrouve spontanément sa tentation de convertir le reste du monde à ses valeurs pour sa propre sécurité (en vertu du vieux principe kantien que les démocraties ne se font pas la guerre), mais aussi pour sa prospérité. Et elle tend facilement à se persuader que les outils de la communication garantissent la liberté et l'harmonie des peuples, ce qui est très exactement la définition de l'idéologie de la communication.

SPFBH-4trump.jpg2. Trumpisme et « sharp power »

Peu de gens nieraient que le soft power américain ait diminué : un président qui traite les autres pays de trous à merde n’incarne pas exactement l’attractivité et la persuasion.

Si l’on s’en réfère à des sources comme le classement annuel des pays « The soft power 30 » du centre de diplomatie publique de Portland - qui range les nations selon leur capacité à « attirer, construire et mobiliser des réseaux d’acteurs pour agir en commun », les États-Unis sont passés en troisième position, dépassés par la France (grâce à l’élection de Macron qui nous aurait sauvés du péril populiste) et le Royaume-Uni (en dépit du Brexit). Les U.S.A. continuant à prédominer dans le domaine de l’excellence universitaire, de l’influence culturelle, de la technologie, etc. souffriraient de la déplorable image (y compris personnelle) et de la rhétorique de Trump qui affirme sans complexe vouloir poursuivre les intérêts de son pays et non des valeurs ou des buts universels. On accordera sans trop chicaner : la perception de la nouvelle présidence est désastreuse. Une fois que nous avons dit cela, nous n’avons pas dit grand chose.
On pourrait aussi analyser la supposée crise du soft power U.S. comme traduisant - au-delà de la perte d’attractivité d’un modèle qui se prenait pour celui de la fin de l’Histoire - la concurrence d’autres pouvoirs nationaux d’influence.

Si l’on parle concurrence, et en mettant de côté des pays qui peuvent avoir une bonne image internationale comme la Suisse ou l’Australie mais ne pèsent guère sur les affaires du monde, on pense immédiatement à la Chine. Qu’il s’agisse de la prolifération des instituts Confucius, de l’accueil d’étudiants étrangers, de l’engagement économique en Afrique, d’opérations de communication spectaculaires comme le thème des Routes de la Soie, de l’image globale de ses performance, la Chine progresse dans l’opinion hors frontière et développe une diplomatie efficace. L’autre grande puissance qui entend développer son soft power (miagkaïa sifa dans sa langue) est la Russie, même si l’idée même que Moscou puisse faire quoi que ce soit de doux semble hérisser beaucoup de commentateurs.

L’influence russe est largement idéologique ; elle passe, en synergie avec sa diplomatie, par l’affirmation d’un pôle « illibéral », contre-modèle à la mondialisation à l’occidentale. Son message préconise les valeurs traditionnelles, les identités et souverainetés ; il prône une alternative multilatérale (on aurait dit autrefois impérialistes) au modèle occidental, atlantiste, unipolaire. L’influence russe se manifeste largement par les médias et les réseaux, réalisant ainsi une performance assez paradoxale dans le domaine de la public diplomacy et du cyberpower où l’Amérique était censée être imbattable. La Russie est en effet présente à travers des médias internationaux (RT qui vient de lancer une chaîne francophone, Spoutnik, etc.) et sur le Web 2.0. D’où un contre-discours accusant la Russie, ses pompes, ses œuvres et sa disinformatsya, d’être derrière les mouvements populistes et à l’origine de la diffusion des fake news, d’asphyxier les médias 2.0 avec des armées de trolls (pour la propagande) et de hackers (pour saboter, voler des données confidentielles et éventuellement les publier comme dans le cas des mail du parti démocrate américain), d’avoir des agents et des réseaux politiques et intellectuels partout, de fausser les élections, ... Ces accusations de subversion, souvent plus violentes que ce que l’on disait pendant la guerre froide de l’influence occulte des agents bolchevik, se ramènent à l’idée d’une sorte de gigantesque sabotage. Poutine tenterait en somme de provoquer le chaos politique et, plutôt que d’attirer en faveur de son modèle idéologique, de saboter les démocraties (on ne dit plus le monde libre) par le chaos électoral, idéologique et politique. Cette influence « alternative » destinée à casser le monopole médiatique et idéologique des sociétés « ouvertes » est donc présentée comme purement négative pour ne pas dire nihiliste. D’où apparition d’un néologisme sharp power, qui désignerait ce pouvoir « aigu » de la Chine et de la Russie ; elles chercheraient à nous blesser : moins à persuader de l’excellence de leurs régimes autoritaires qu’à affaiblir l’adversaire occidental. De The Economist qui dénonce en couverture le sharp power chinois, à Foreign Affairs qui soupçonne Moscou de favoriser toutes les tendances antidémocratiques qui peuvent affaiblir l’Otan, l’UE ou les USA. Ce serait donc une nouvelle façon de désigner une guerre subversive de l’information et même Joseph Nye, l’homme qui a lancé les notions de soft et smart power, se joint au concert contre ces opérations occultes. Profitant de l’asymétrie des forces et de nos faiblesses (donc de la liberté d’informer occidentale, du libéralisme et du pluralisme, comme de notre manque de pugnacité idéologique), deux États seraient donc en train de nous manipuler et de nous diviser.

Le concept-valise de sharp power ne traduit pas seulement le retour d’une rhétorique de guerre froide (les agents de l’étranger s’en prennent à nos valeurs et diffusent de fausses informations subversives), il est la traduit en termes de causalité diabolique (l’action des méchants pervertissant le meilleur des mondes possibles) des faiblesses de l’idéologie. Et la plus grave d’entre elles : être incapable de penser que l’on s’oppose à elle autrement que par méchanceté ou par naïveté.

samedi, 16 décembre 2017

Trump : la fin du soft power U.S. ?

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Trump : la fin du soft power U.S. ?

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

Trump peut-il détruire le soft power américain ? Dans tous les cas, il suffit d’ouvrir un journal ou une télévision n’importe où dans le monde pour être au courant de sa provocation quotidienne, des manifestations ou des déclarations qui se déchaînent contre lui, des indignations qu’il suscite. Nixon au moment des bombardements du Vietnam ne provoquait pas plus de rejet, ou, pour employer un mot à la mode, n’était pas plus clivant. Et le contraste entre les mois Trump et les années Obama, dont le passage en France vient de montrer l’incroyable popularité hors frontières souligne le contraste.

Bien entendu, que l’image d’un homme ou d’une politique repousse n’implique pas que l’on parle moins anglais à travers le monde, que l’on porte moins de Nike ou que l’on programme moins de blockbusters, ni même que nos mœurs politiques ou autres s’américanisent moins en profondeur comme le montre Régis Debray dans Civilisation. Mais, si l’on considère que le soft power comprend un volet d’attraction spontanée, celle d’un mode de vie, d’une culture, des goûts des populations(au sens du mainstream, de ce qui plaît à tout le monde, sur toute la planète) mais aussi une part de stratégie délibérée de séduction, de réseaux et de persuasion, le second volet fait singulièrement défaut.

Au-delà du caractère d’un homme ou de l’image d’une politique, l’influence ne se réduit pas au fait d’être gentil ou de bien communiquer.
Comme on le sait, le terme « soft power » a été « inventé », ou au moins popularisé, par Jospeh Nye dans un livre de 1990, Bound to Lead.

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L'émergence de ce concept-valise dans cette période s'inscrivait dans un contexte de soulagement (disparition de l’ennemi) et d'optimisme (la mondialisation heureuse). Il fait la synthèse d'une pluralité d'éléments :

- l'assimilation des industries culturelles américaines à un modèle universel : l'irrésistible attirance du contenu "mainstream" prolonge la prédominance politique et économique de l'hyperpuissance

- l'exemplarité du mode de vie US, que l'on cherche à imiter partout sur la planète, l'admiration pour une société ouverte et prospère

- plus largement encore, la notion qu'une sorte de sens de l'histoire qui menait l'humanité à adopter un même modèle politique, économique et culturel, favorisé par la fin de la grande confrontation Est Ouest et par l'émergence des nouvelles technologies

- le triomphe des valeurs occidentales confirmé par leur victoire contre le communisme

- et la stratégie qui semblait en découler : chercher le plus possible à obtenir le consensus, l'alliance et le soutien de autres nations. Bref, ne pas se montrer autoritaire pour rester séduisant.

Le tout repose sur deux éléments : l'absence de réelle compétition face à un modèle présumé triomphant, et la fin inéluctable de l'hostilité. Contrairement à la vision volontariste et agressive de la diplomatie publique antérieure (la lutte idéologique contre le communisme menée depuis les années 60 sous l’étiquette « diplomatie publique »), il ne s’agissait plus de gagner une compétition entre deux visions du monde ou de déstabiliser l'autre, mais d'assurer paisiblement une transition heureuse sur fond de pax americana. De ne pas contrarier un mouvement auquel tendent les lois de l'économie et de la technique (via la révolution de l'information ). Et d'attirer encore davantage vers ce que tous tendent naturellement à admirer.

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Le 11 septembre bouleversa tout. Autant que la révélation de sa fragilité, l'Amérique fut frappée par le retour du tragique et du conflit. La figure de l'Ennemi revient et avec elle le principe de compétition idéologique. Dans un réflexe presque pavlovien, l'une de premières réactions de l'administration Bush fut de recréer un sous secrétariat d'État à la Diplomatie Publique. Ses missions : répondre à l'angoissante question "Mais pourquoi nous haïssent-ils ?", rétablir l'image de l'Amérique en lançant de nouveaux médias arabophones cette fois (et, modernité oblige quelques sites Internet), mener une politique de séduction envers le monde arabe en séparant ceux avec qui l'Amérique a "des valeurs communes" de "ceux qui haïssent notre liberté et notre mode de vie". Plus tard, on s’essaiera au contre-discours et à la déradicalisation comme réponse psychologique à un problème géopolitique. On commencera aussi à pratiquer quelques interventions pour soutenir des mouvements politiques de type révolutions de couleurs qui devaient liquider les derniers autocrates de la planète, avec de l’argent, des médias et une formation à l’activisme non violent.

 Les schémas de guerre froide trouvent une nouvelle jeunesse dans une perspective de guerre au terrorisme (que l'administration Obama rebaptisera pudiquement "combat contre l'extrémisme violent"). Avec la même notion sous-jacente d'un malentendu : si les gens nous connaissaient vraiment, ils nous aimeraient. L'anti-américanisme est évoqué en termes de "misperception", comme si tout était affaire de mauvaise compréhension. Une bonne communication « basée sur les faits », qu’elle passe par des chaînes internationales ou par les réseaux sociaux (où va se déployer une diplomatie numérique) doivent y porter remède.

Durant les années Obama, l’image du personnage - celle qui lui permet, par exemple, d’avoir été le président américain qui a fait le plus de guerres et le plus longtemps pendant ses mandats tout en ayant la réputation d’être l’archange de la paix - occulte bien des choses.

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D’abord la multiplicité des acteurs qui s’essaient au jeu du soft power. Les autres grandes Nations qui adoptent des stratégies d'image (on parle désormais de "Nation branding") et de communication. La prolifération des chaînes internationales d'information (y compris qatarie, saoudienne, vénézuelienne, russe...) en est un bon symptôme. La Chine, la Russie adoptent les mêmes méthodes : développement de médias internationaux, réseaux d’influence, protections de leur espace Internet et intervention sur celui des autres.

Mais les États ne sont pas seuls à jouer le nouveau jeu : les lobbies internationaux, les mouvements d'idées, les ONG, les groupes activistes transnationaux, etc. sont aussi entrés en lice avec des moyens de dénonciation, d'inspiration, de mobilisation jusque là inconnus. Ils sont désormais à même d'imposer leur thématique, leurs débats, leurs exigences à des États courant souvent derrière l'évolution de l'opinion pour reprendre le contrôle de leur agenda et l'initiative politique. Même les mouvements terroristes (après tout le terrorisme, "propagande par le fait" est aussi un moyen d'influence) fonctionnent avec des moyens d'expression nouveaux que ce soit sur le Net ou à travers des médias classiques (voir le Hezbollah se dotant d'une chaîne de télévision par satellite).

- Les réseaux numériques perturbent la donne. En interne, ils affaiblissent le contrôle des États : la critique venue de l'extérieur ou de l'intérieur, l’appel à la résistance et à l’action se développent avec le Web 1.0 puis 2.0. Tandis que dans le camp des démocraties, le discours officiel est contredit par le journalisme citoyen, la fuite ou le "whistle blowing" (de la circulation des images de sévices à Abou Graibh aux révélations à très grande échelle de Wikileaks). La tendance lourde d'Internet s'est exaspérée (une capacité de communiquer avec la planète entière à la portée de chacun, pourvu qu'il parvienne à mobiliser les réseaux de l'indexation, de la citation, de la recommandation etc, qui permettront à son message d'émerger et d'attirer l'attention de l'opinion en situation de surinformation). Du coup, ce qui enchantait l’Occident au moment du printemps arabe - l’État ne peut contrôler l’expression, les réseaux se jouent des frontières, l’information est produite par tout un chacun, émetteur et prescripteur à la fois - change de signe au moment de l’Ukraine et surtout de l’année de l’élection présidentielle US. C’est désormais la subversion 2.0 que l’on craint.

Avec la propagande djihadiste, les États-Unis ont découvert la résistance de croyances « archaïques » face aux effets sophistiqués des machines à produire du consensus global. En clair le fondamentalisme islamique se renforce du spectacle de nos démocraties et de nos modes de vie. Et, surprise, voilà que se développent des courants populistes, des idéologies « illibérales », assumées à l’est de l’Europe, et que la Russie recommence à exercer attraction et influence hors de ses frontières.

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Le phénomène arroseur arrosé culmine en 2016 et 2017 quand l’appareil d’État américain se met à dénoncer la désinformation et les manipulations que subiraient les U.S.A. L’ingérence venue du froid est devenue une machine à expliquer la conduite des peuples qui votent mal (Brexit, Trump, Catalogne)... Moscou utiliserait conjointement les réseaux humains (sa cinquième colonne) et les réseaux virtuels pour répandre théories conspirationnistes et fake news. Pire, les Russes attaquent sur tous les fronts (cela s’appelle la guerre hybride) : interventions militaires et soutiens à des gouvernements ou mouvements armés, propagande par des médias internationaux (Russia Today et Radio Spoutnik), trolls et pirates en ligne, intrusions dans les ordinateurs du Parti démocrate ou de Macron pour faire fuiter des informations compromettantes, alimentation des réseaux de fausses nouvelles...

Que Trump se fiche du soft power, c’est une évidence. Il s’adresse bizarrement à son électorat, à des gens qui hurlent de joie chaque fois qu’il choque les médias et les élites, des gens qui l’ont, après tout, élu sur un programme isolationniste. Mais derrière Trump cause, il y a Trump symptôme. Celui d’une Amérique qui avait déjà perdu le monopole des moyens et de l’ambition de séduire la planète. Idéologiquement, en tout cas.

vendredi, 04 novembre 2016

Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

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Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

Recension:
The Future of Power
Éditeur : PublicAffairs
320 pages / 12,97 € sur
 
Résumé : Avec ce nouvel ouvrage, l'internationaliste américain poursuit sa réflexion sur la notion du pouvoir étatique au XXIe siècle. Après avoir défini le soft et le smart power , comment Joseph Nye voit-il le futur du pouvoir ?
 
Ex: http://www.nonfiction.fr

Nye.jpgEn Relations Internationales, rien n'exprime mieux le succès d'une théorie que sa reprise par la sphère politique. Au XXIe siècle, seuls deux exemples ont atteint cet état : le choc des civilisations de Samuel Huntington et le soft power de Joseph Nye. Deux théories américaines, reprises par des administrations américaines. Deux théories qui, de même, ont d'abord été commentées dans les cercles internationalistes, avant de s'ouvrir aux sphères politiques et médiatiques.

Le soft power comme réponse au déclinisme

Joseph Nye, sous-secrétaire d'Etat sous l'administration Carter, puis secrétaire adjoint à la Défense sous celle de Bill Clinton, avance la notion de soft power dès 1990 dans son ouvrage Bound to Lead. Depuis, il ne cesse de l'affiner, en particulier en 2004 avec Soft Power: The Means to Success in World Politics. Initialement, le soft power, tel que pensé par Nye, est une réponse à l'historien britannique Paul Kennedy qui, en 1987, avance que le déclin américain est inéluctable . Pour Nye, la thèse de Kennedy est erronée ne serait-ce que pour une raison conceptuelle : le pouvoir, en cette fin du XXe siècle, a muté. Et il ne peut être analysé de la même manière aujourd'hui qu'en 1500, date choisie par Robert Kennedy comme point de départ de sa réflexion. En forçant le trait, on pourrait dire que l'Etat qui aligne le plus de divisions blindées ou de têtes nucléaires n'est pas forcément le plus puissant. Aucun déclin donc pour le penseur américain, mais plus simplement un changement de paradigme.

Ce basculement de la notion de puissance est rendu possible grâce au concept même de soft power. Le soft, par définition, s'oppose au hard, la force coercitive, militaire le plus généralement, mais aussi économique, qui comprend la détention de ressources naturelles. Le soft, lui, ne se mesure ni en « carottes » ni en « bâtons », pour reprendre une image chère à l'auteur. Stricto sensu, le soft power est la capacité d'un Etat à obtenir ce qu'il souhaite de la part d'un autre Etat sans que celui-ci n'en soit même conscient (« Co-opt people rather than coerce them » ).

Time to get smart ?

Face aux (très nombreuses) critiques, en particulier sur l'efficacité concrète du soft power, mais aussi sur son évaluation, Joseph Nye va faire le choix d'introduire un nouveau concept : le smart power. La puissance étatique ne peut être que soft ou que hard. Théoriquement, un Etat au soft power développé sans capacité de se défendre militairement au besoin ne peut être considéré comme puissant. Tout au plus influent, et encore dans des limites évidentes. A l'inverse, un Etat au hard power important pourra réussir des opérations militaires, éviter certains conflits ou imposer ses vues sur la scène internationales pour un temps, mais aura du mal à capitaliser politiquement sur ces « victoires ». L'idéal selon Nye ? Assez logiquement, un (savant) mélange de soft et de hard. Du pouvoir « intelligent » : le smart power.

Avec son dernier ouvrage, The Future of Power, Joseph Nye ne révolutionne pas sa réflexion sur le pouvoir. On pourrait même dire qu'il se contente de la récapituler et de se livrer à un (intéressant) exercice de prospective... Dans une première partie, il exprime longuement sa vision du pouvoir dans les relations internationales (chapitre 1) et s'attache ensuite à différencier pouvoir militaire (chapitre 2), économique (chapitre 3) et, bien sûr, soft power (chapitre 4). La seconde partie de l'ouvrage porte quant à elle sur le futur du pouvoir (chapitre 5), en particulier à l'aune du « cyber » (internet, cyber war et cyber attaques étatiques ou provenant de la société civile, etc.). Dans son 6e chapitre, Joseph Nye en revient, une fois encore, à la question, obsédante, du déclin américain. La littérature qu'il a déjà rédigée sur le sujet ne lui semblant sûrement pas suffisante, Joseph Nye reprend donc son bâton de pèlerin pour nous expliquer que non, décidément, les Etats-Unis sont loin d'être en déclin.

Vers la fin des hégémonies

Et il n'y va pas par quatre chemins : la fin de l'hégémonie américaine ne signifie en rien l'abrupte déclin de cette grande puissance qui s'affaisserait sous propre poids, voire même chuterait brutalement. La fin de l'hégémonie des Etats-Unis est tout simplement celle du principe hégémonique, même s'il reste mal défini. Il n'y aura plus de Rome, c'est un fait. Cette disparation de ce principe structurant des relations internationales est la conséquence de la revitalisation de la sphère internationale qui a fait émerger de nouveaux pôles de puissance concurrents des Etats-Unis. De puissants Etats commencent désormais à faire entendre leur voix sur la scène mondiale, à l'image du Brésil, du Nigeria ou encore de la Corée du sud, quand d'autres continuent leur marche forcée vers la puissance comme la Chine, le Japon et l'Inde. Malgré cette multipolarité, le statut prééminent des Etats-Unis n'est pas en danger. Pour Joseph Nye, un déclassement sur l'échiquier n'est même pas une possibilité envisageable et les différentes théories du déclin américain nous apprendraient davantage sur la psychologie collective que sur des faits tangibles à venir. « Un brin de pessimisme est simplement très américain » ) ose même ironiser l'auteur.

Même la Chine ne semble pas, selon lui, en mesure d'inquiéter réellement les Etats-Unis. L'Empire du milieu ne s'édifiera pas en puissance hégémonique, à l'instar des immenses empires des siècles passés. Selon lui, la raison principale en est la compétition asiatique interne, principalement avec le Japon. Ainsi, « une Asie unie n'est pas un challenger plausible pour détrôner les Etats-Unis » affirme-t-il ). Les intérêts chinois et japonais, s'ils se recoupent finalement entre les ennemis intimes, ne dépasseront pas les antagonismes historiques entre les deux pays et la Chine ne pourra projeter l'intégralité de sa puissance sur le Pacifique, laissant ainsi une marge de manœuvre aux Etats-Unis. Cette réflexion ne prend cependant pas en compte la dimension involontaire d'une union, par exemple culturelle à travers les cycles d'influence mis en place par la culture mondialisée . Enfin, la Chine devra composer avec d'autres puissances galopantes, telle l'Inde. Et tous ces facteurs ne permettront pas à la Chine, selon Joseph Nye, d'assurer une transition hégémonique à son profit. Elle défiera les Etats-Unis sur le Pacifique, mais ne pourra prétendre porter l'opposition sur la scène internationale.

De la stratégie de puissance au XXIe siècle

Si la fin des alternances hégémoniques, et tout simplement de l'hégémonie, devrait s'affirmer comme une constante nouvelle des relations internationales, le XXIe siècle ne modifiera pas complètement la donne en termes des ressources et formes de la puissance. La fin du XXe siècle a déjà montré la pluralité de ses formes, comme avec le développement considérable du soft power via la culture mondialisée, et les ressources, exceptées énergétiques, sont pour la plupart connues. Désormais, une grande puissance sera de plus en plus définie comme telle par la bonne utilisation, et non la simple possession, de ses ressources et vecteurs d'influence. En effet, « trop de puissance, en termes de ressources, peut être une malédiction plus qu'un bénéfice, si cela mène à une confiance excessive et des stratégies inappropriées de conversion de la puissance » ).

softpoweer14DUBNWQEL.jpgDe là naît la nécessité pour les Etats, et principalement les Etats-Unis, de définir une véritable stratégie de puissance, de smart power. En effet, un Etat ne doit pas faire le choix d'une puissance, mais celui de la puissance dans sa globalité, sous tous ses aspects et englobant l'intégralité de ses vecteurs. Ce choix de maîtriser sa puissance n'exclue pas le recours aux autres nations. L'heure est à la coopération, voire à la copétition, et non plus au raid solitaire sur la sphère internationale. Même les Etats-Unis ne pourront plus projeter pleinement leur puissance sans maîtriser les organisations internationales et régionales, ni même sans recourir aux alliances bilatérales ou multilatérales. Ils sont voués à montrer l'exemple en assurant l'articulation politique de la multipolarité. Pour ce faire, les Etats-Unis devront aller de l'avant en conservant une cohésion nationale, malgré les déboires de la guerre en Irak, et en améliorant le niveau de vie de leur population, notamment par la réduction de la mortalité infantile. Cohésion et niveau de vie sont respectivement vus par l'auteur comme les garants d'un hard et d'un soft power durables. A contrario, l'immigration, décriée par différents observateurs comme une faiblesse américaine, serait une chance pour l'auteur car elle est permettrait à la fois une mixité culturelle et la propagation de l'american dream auprès des populations démunies du monde entier.

En face, la Chine, malgré sa forte population, n'a pas la chance d'avoir de multiples cultures qui s'influencent les unes les autres pour soutenir son influence culturelle. Le soft power américain, lui, a une capacité de renouvellement inhérente à l'immigration de populations, tout en s'appuyant sur « [des] valeurs [qui] sont une part intrinsèque de la politique étrangère américaine »(« values are an intrinsic part of American foreign policy » (p.218))). Ces valeurs serviront notamment à convaincre les « Musulmans mondialisés »  de se ranger du côté de la démocratie, plutôt que d'Etats islamistes. De même, malgré les crises économiques et les ralentissements, l'économie américaine, si elle ne sert pas de modèle, devra rester stable au niveau de sa production, de l'essor de l'esprit d'entreprise et surtout améliorer la redistribution des richesses sur le territoire. Ces enjeux amèneront « les Etats-Unis [à]redécouvrir comment être une puissance intelligente » ).

Le futur du pouvoir selon Joseph Nye

L'ouvrage de Joseph Nye, s'il apporte des éléments nouveaux dans la définition contemporaine de la puissance, permet également d'entrevoir le point de vue d'un Américain - et pas n'importe lequel... - sur le futur des relations internationales. L'auteur a conscience que « le XXIe siècle débute avec une distribution très inégale [et bien évidemment favorable aux Etats-Unis] des ressources de la puissance » ). Pour autant, il se montre critique envers la volonté permanente de contrôle du géant américain. Certes, les forces armées et l'économie restent une nécessité pour la projection du hard power, mais l'époque est à l'influence. Et cette influence, si elle est en partie culturelle, s'avère être aussi politique et multilatérale. Le soft power prend du temps dans sa mise-en-œuvre, notamment lorsqu'il touche aux valeurs politiques, telle la démocratie. Ce temps long est gage de réussite, pour Joseph Nye, à l'inverse des tentatives d'imposition par Georges Bush Junior, qui n'avait pas compris que « les nobles causes peuvent avoir de terribles conséquences » ).

Dans cette quête pour la démocratisation et le partage des valeurs américaines, la coopération interétatique jouera un rôle central. Pour lui, les Etats-Unis sont non seulement un acteur majeur, mais ont surtout une responsabilité directe dans le développement du monde. La puissance doit, en effet, permettre de lutter pour ses intérêts, tout en relevant les grands défis du XXIe siècle communs à tous, comme la gestion de l'Islam politique et la prévention des catastrophes économiques, sanitaires et écologiques. Les Etats-Unis vont ainsi demeurer le coeur du système international et, Joseph Nye d'ajouter, « penser la transition de puissance au XXIe siècle comme la conséquence d'un déclin des Etats-unis est inexact et trompeur [...] L'Amérique n'est pas en absolu déclin, et est vouée à rester plus puissant que n'importe quel autre Etat dans les décennies à venir » ).

Comment dès lors résumer le futur des relations internationales selon Joseph Nye ? Les Etats-Unis ne déclineront pas, la Chine ne les dépassera pas, des Etats s'affirmeront sur la scène mondiale et le XXIe siècle apportera son lot d'enjeux sans pour autant mettre à mal le statut central des Etats-Unis dans la coopération internationale. Dès lors, à en croire l'auteur, le futur de la puissance ne serait-il pas déjà derrière nous ?

 
Théo CORBUCCI, Pierre-William FREGONESE

mardi, 26 avril 2016

Etats-Unis: Une offensive judiciaire globale

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Etats-Unis: Une offensive judiciaire globale

par Jean-Michel Quatrepoint

Source : Fondation Res Publica, Jean-Michel Quatrepoint

Accueil de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste économique, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica, auteur de “Alstom, un scandale d’État – Dernière liquidation de l’industrie française” (Fayard : août 2015), au colloque “L’extraterritorialité du droit américain” du 1er février 2016.

L’exportation du droit américain, l’extraterritorialité des lois américaines est un processus qui ne date pas d’aujourd’hui. Voilà des années, voire des décennies que les États-Unis développent une stratégie globale d’hyperpuissance en s’appuyant sur un arsenal juridique et en imposant leurs lois, leurs normes, au reste du monde. Il aura fallu l’amende colossale infligée à BNP Paribas (8,9 milliards de dollars) et celle qui, infligée à Alstom (772 millions de dollars), fut la véritable cause, quoi qu’en dise le PDG d’Alstom, de la vente de la division « énergie » à General Electric, pour que nos dirigeants découvrent la réalité d’une guerre économique engagée depuis des décennies. Ils ont ainsi découvert, tardivement, le caractère meurtrier d’un arsenal juridique dont la mise en place remonte à plus d’un quart de siècle.

Dans la décennie 90, après l’effondrement du communisme, les États-Unis vont se doter d’une série de lois qui concernent les entreprises américaines mais aussi toutes les entreprises étrangères. La majorité de ces lois, Trade Acts ou embargos, permettent aux responsables américains du commerce d’identifier et de sanctionner les comportements « injustes et déraisonnables » des acteurs économiques rivaux des Américains.

On peut classer ces textes dans quelques grands chapitres :
Le plus connu aujourd’hui est la lutte contre la corruption, le fameux Foreign Corrupt Practices Act(FCPA) qui s’appliquait aux entreprises américaines qui versaient des pots de vin aux fonctionnaires et aux hommes politiques pour obtenir des contrats. En 1998, ce FCPA est étendu aux entreprises étrangères et il va servir de modèle à la convention OCDE censée réprimer la corruption, notamment en matière de grands contrats.

Symposium Brochure.jpgLe second chapitre est une batterie de lois qui criminalisent le commerce avec les États sous embargo américain. Certaines de ces lois sont bien connues, telles les lois Helms-Burton et D’Amato qui sanctionnent les entreprises commerçant avec l’Iran, Cuba, la Libye, le Soudan etc. (au total il y aura 70 embargos américains à travers le monde). En 2006, un banquier britannique, un des dirigeants de la Standard Chartered, dira : « Putains d’Américains, qui êtes-vous pour nous dire et pour dire au reste du monde que nous ne devons pas travailler avec les Iraniens ? ». Quelques années plus tard la Standard Chartered devra payer 700 millions de dollars d’amende pour avoir commercé avec l’Iran.

Autre chapitre, une batterie de lois criminalisent le commerce avec les pays sous embargo ONU.
Ensuite viendra le blanchiment de l’argent sale des terroristes ou des narcotrafiquants.

Le Patriot Act, édicté en 2001 après l’attaque sur les Twin towers, sous couvert de lutte contre le terrorisme, donne des pouvoirs élargis aux différentes agences pour accéder aux différentes données informatiques.

Enfin la loi Dodd-Frank de juillet 2010 confère à la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme américain de la bourse, le pouvoir de réprimer toute conduite qui, aux États-Unis, concourt de manière significative à la commission de l’infraction, même lorsque la transaction financière a été conclue en dehors des États-Unis et n’implique que des acteurs étrangers. Cela va donc très loin.

Cerise sur le gâteau, en 2014, le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) donne au fisc américain des pouvoirs extraterritoriaux qui contraignent les banques étrangères à devenir ses agents en lui livrant toutes les informations sur les comptes et avoirs des citoyens américains dans le monde. Si elles n’obtempèrent pas, 30 % de leurs revenus aux États-Unis sont confisqués et, plus grave encore, elles peuvent se voir retirer leur licence. Or, pour une banque, notamment les plus grandes, ne plus pouvoir travailler aux États-Unis et ne plus pouvoir compenser en dollars équivaut à un arrêt de mort. On a souvent voulu voir derrière le FATCA le moyen pour les Américains de faire enfin plier les banquiers suisses, les « gnomes de Zurich », les obliger à abandonner leur sacro-saint secret bancaire. C’est vrai… mais c’est l’arbre, moral et médiatique, qui cache la forêt. Ainsi, BNP Paribas a été contrainte de fournir dans le cadre de son amende la liste des comptes de ses clients américains et franco-américains. C’est ainsi que des personnes fort respectables, qui ont la malchance d’avoir la double-nationalité mais qui ont toujours gagné et déclaré leur argent en France, sans avoir de revenus aux États-Unis, sont sommées par l’Internal Revenue Service (IRS), le fisc américain, de fournir toutes leurs déclarations d’impôts. Si jamais elles ont payé moins en France que ce qu’elles auraient payé aux États-Unis, l’IRS leur réclame la différence. Cela s’appelle du racket.

Avec le recul, on s’aperçoit qu’il est très difficile de contester chacune de ces mesures : Qui va s’élever contre le fait de lutter contre la corruption… ? De même qui n’est favorable à la répression des narcotrafiquants et du blanchiment de leur argent ? Il en est de même du terrorisme. C’est là toute l’habileté du projet américain théorisé en 2004 par Suzanne Nossel, laquelle a inspiré Hillary Clinton lorsque cette dernière était secrétaire d’État.

C’est la théorie non du soft power mais du smart power, affirmation par les États-Unis d’une vision universelle au nom de leur compétence universelle.

Les États-Unis se vivent comme le nouveau peuple élu. Leurs victoires contre les forces du mal (en 1945 contre le nazisme, plus tard contre le communisme), leurs performances économiques, témoignent de la supériorité de leur modèle. Il est donc normal que tous les autres peuples adoptent ce modèle car la globalisation implique l’uniformisation. Les États-Unis énoncent donc de grands principes, valables pour tous et que tous sont contraints de respecter à travers un arsenal juridique, à travers la puissance du dollar, à travers les technologies qui permettent de tout savoir (on pense à la NSA). Le tout, bien sûr, pour le bien commun.

Cette compétence universelle, par définition, s’applique à toutes les activités humaines. L’offensive contre la FIFA et Sepp Blatter (et par ricochet contre Michel Platini), a été menée par les Anglo-saxons, par les Américains. Une offensive fort habile car chacun sait que la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), comme le CIO (Comité international olympique), sont des lieux où le népotisme et la corruption règnent en maîtres. Pour les Américains, il s’agit de faire exploser ce système et de le remplacer par un autre où la puissance américaine sera dominante et imposera ses règles.

Il est très difficile de s’opposer à ce smart power, véritable idéologie qui s’appuie sur la défense des droits de l’homme, la libre concurrence non faussée, le droit des consommateurs, le droit des minorités etc.

Cette stratégie s’appuie également sur les ONG anglo-saxonnes. Ce sont elles qui sont à l’origine de l’affaire Volkswagen. Loin de moi l’idée de défendre Volkswagen et l’industrie automobile allemande mais il est intéressant d’observer comment cette affaire s’est déroulée. Au départ, le lobby automobile européen, dominé par les industriels allemands, avait de très bonnes relations avec la Commission européenne et, évidemment, les normes de pollution et de consommation en Europe ont été fixées avec l’assentiment des constructeurs automobiles. Nous avons tous pu constater que l’affichage des consommations des véhicules ne correspond absolument pas à la réalité sur le terrain. Il se trouve que Volkswagen avait misé sur le diesel, invention essentiellement européenne, pour pénétrer le marché américain. Or, aux États-Unis, les normes anti-pollution pour le diesel sont beaucoup plus rigoureuses qu’en Europe, notamment pour les particules fines (on pourrait parler d’une norme protectionniste). Volkswagen a décidé, pour pénétrer le marché américain avec ses véhicules diesel, d’installer secrètement un logiciel fourni par Bosch. Logiciel qui permettait de masquer la réalité de émissions de particules. Ce truquage est découvert par une ONG américaine qui dévoile l’affaire en 2014 et transmet le dossier à l’agence fédérale de protection de l’environnement. C’est alors que l’affaire commence. Volkswagen, qui a effectivement triché, est piégée. Les media s’en mêlent, la machine s’emballe (48 Class actions, dans 48 États différents). La machine de guerre judiciaire américaine s’est mise en branle et le coût pour Volkswagen, indépendamment du coût pour son image, va se chiffrer en dizaines de milliards de dollars. Volkswagen (tout comme sa filiale Audi) avait énormément misé sur les États-Unis : le marché américain devait être le nouvel eldorado pour le constructeur automobile allemand qui espérait s’implanter aux États-Unis, bénéficier du dollar, d’une main d’œuvre moins chère qu’en Europe pour réexporter ensuite des modèles ou des sous-ensembles sur le marché européen et sur l’Asie. Ambition que l’industrie automobile américaine, en plein renouveau, grâce aux subventions données notamment à General Motors, ne voit pas d’un très bon œil. Est-ce un hasard si l’affaire du petit logiciel de Volkswagen a émergé ? Ce qui va se passer sur l’affaire Volkswagen est important car, si les Allemands plaident coupables, ils ont cependant commis un crime de lèse-majesté début janvier en refusant aux prosecutors et aux enquêteurs américains l’accès à leurs données, notamment sur le sol allemand. En effet, quand la machine judiciaire américaine est en branle (les entreprises qui sont « passées dans la moulinette » en savent quelque chose), les enquêteurs américains déboulent et ont accès à tout, mails, documents etc. Or les Allemands, invoquant la German law, qui interdit la communication de données à des puissances étrangères extérieures à l’Union Européenne, ont refusé de donner l’accès aux documents et aux mails internes à leur siège social. Les Allemands iront-ils jusqu’au bout du bras de fer, refuseront-ils d’obéir aux injonctions de la justice américaine? Cela peut se terminer par l’obligation pour Volkswagen de fermer ses usines aux États-Unis. On est là dans un processus lourd de conséquences.

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Les États-Unis, forts de leur puissance, ont donc développé un arsenal juridique tous azimuts. Ils décident qui peut commercer avec qui. Ils peuvent décider aussi d’éliminer les concurrents. Les entreprises françaises en savent quelque chose avec l’Iran. À la différence de ce qui se passait dans les années 80-90, ils bénéficient de la position du dollar: 78 % des transactions mondiales se font en dollars et tout est compensé par les États-Unis. Comme toutes les transactions en dollars transitent par les États-Unis, toute transaction en dollars est soumise à la loi américaine. Ils ont aussi les écoutes : on a découvert que la NSA et les services américains écoutaient systématiquement tout, y compris les chefs d’État… et personne n’a protesté. Et surtout, cette extraterritorialité devient un extraordinaire businessqui profite d’abord aux Américains. Les amendes proprement dites commencent à atteindre des montants conséquents. Pour les banques, le total des amendes infligées par la justice américaine est de 125 milliards de dollars, dont une bonne partie concerne les banques américaines. Mais les banques américaines ont été condamnées pour les affaires de subprimes (aucun banquier américain n’a fait de prison) tandis que les banques européennes et japonaises ont été condamnées pour avoir violé des embargos. Les banques suisses ont payé un très lourd tribut pour ne pas avoir communiqué à temps un certain nombre de données.

On en est aujourd’hui à 35 milliards de dollars d’amendes pour les banques étrangères et une demi-douzaine de milliards de dollars pour les groupes industriels. Sur les dix premières amendes infligées, notamment pour des affaires de corruption, aux groupes industriels, neuf concernent des groupes étrangers. Le record va à Siemens (800 millions de dollars) suivi par Alstom (772 millions de dollars).

Cet argent sert d’abord à l’auto-alimentation du système judiciaire américain (la SEC, le Trésor, le DOJ etc.) dont les coûts annexes sont considérables. Le système judiciaire américain, les centaines de milliers de lawyers des cabinets, sont embauchés par les entreprises et vivent « sur la bête ». L’argent des amendes fait donc vivre le système judiciaire américain au sens large. S’y ajoute la contestation de brevets etc. L’application de ce système de l’extraterritorialité est un formidable business qui alimente la machine judiciaire et juridique américaine.

Les gens de BNP Paribas seront sans doute heureux d’apprendre qu’une partie de leur amende va servir à indemniser les citoyens américains qui avaient été victimes de la prise d’otages à l’ambassade des États-Unis à Téhéran en 1979. Plus de cinquante personnes, retenues pendant 444 jours, n’avaient jamais été indemnisées parce que, dans l’accord entre l’Iran et Ronald Reagan, l’Iran avait refusé de payer quelque indemnité que ce soit (l’une des raisons pour lesquelles les Iraniens avaient pris en otage les personnels de l’ambassade américaine était la « prise en otage » par les Américains des compte iraniens à la Chase Manhattan Bank…). Le Congrès a l’intention d’utiliser 1 à 2 milliards de dollars, pris sur l’amende de BNP Paribas, pour indemniser ces ex-otages américains.

Plus grave : les accords que les entreprises étrangères sont contraintes de signer s’accompagnent généralement de la mise sous tutelle de fait de ces entreprises qui, de par le settlement, l’accord passé avec la justice américaine, subissent pendant six mois, un an, trois ans… la présence de contrôleurs indépendants chargés de vérifier que l’entreprise condamnée se conforme bien à toutes les règles de la compliance américaine. Alcatel Lucent avait été condamnée il y a quelques années à une amende pour corruption à propos d’affaires qui remontaient au début des années 2000 (le montant, moins important que celui infligé à Alstom, s’élevait quand même à 170 millions de dollars). Contrainte d’accepter pendant trois ans la présence d’un contrôleur indépendant, Alcatel Lucent devait lui donner toutes les informations que ce contrôleur jugeait utiles à la réalisation de sa mission. D’aucuns disent que Alcatel Lucent a été ainsi pillée pendant quelques années par la justice américaine. Les secrets de fabrication et un certain nombre de données essentielles peuvent être transférés ainsi à une puissance étrangère.
L’extraterritorialité du droit américain permet à la puissance américaine, sur les secteurs qu’elle estime stratégiques, d’asseoir sa domination.

Merci.

Source : Fondation Res Publica, Jean-Michel Quatrepoint, 01-02-2016

lundi, 11 avril 2016

La educación como instrumento de la geopolítica de los EEUU

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La educación como instrumento de la geopolítica de los EEUU

 
Ex: http://katehon.com

Observaciones preliminares

Al considerar los mecanismos mediante los que la política exterior de Estados Unidos se pone en práctica en el contexto de la educación, es necesario determinar de inmediato una taxonomía de trabajo.

La educación, en este caso, no es sólo un sistema de colegios, institutos y universidades, donde se preparan los jóvenes estadounidenses, sino también los programas gubernamentales para estudiantes internacionales, la enseñanza y la formación de los ciudadanos estadounidenses en el extranjero, la concesión de subvenciones a través de la sociedad civil, la propagación masiva de los centros educativos y de investigación estadounidenses en otros países, y además, la coordinación entre organismos de las autoridades competentes. Estos se adaptan constantemente también a las nuevas condiciones en paralelo a la promoción de los valores e intereses que son considerados fundamentales para la cultura y la estructura del Estado norteamericano. También está la cultura popular, que es la mejor representada por la cinematografía de Hollywood.

En otras palabras, la educación está destinada a crear una imagen ideal de los Estados Unidos, tanto para el consumo interno como para el mundo exterior, independientemente de que se utilice como un activo atractivo o aterrador.

Estos aspectos se unifican e interconectan dentro de la política estadounidense en su conjunto, como se ejemplifica en la agenda oficial que está disponible en el Departamento de Estado y en el sitio web de la Casa Blanca.

La ideología en el sistema educativo de EE.UU.

En el centro de la doctrina educativa de Estados Unidos, en su manifestación, está la exclusividad y el elitismo de la ideología estadounidense tanto en un contexto histórico como en relación con el día de hoy. Esto está perfectamente representado en la declaración de Woodrow Wilson al Congreso de Estados Unidos el 2 de abril de 1917: "Hay principios norteamericanos, políticas norteamericanas. No debemos apoyarnos en ningún otro. Y también son los principios y las políticas de hombres y mujeres progresista de todas partes, de todas las naciones modernas, de toda comunidad ilustrada" [1].

En realidad, en este momento se presentó a la justificación para la intervención global en los asuntos de otros países, ya que, como Henry Kissinger comentó acertadamente: "El aspecto procesal del equilibrio de poder, su neutralidad en cuanto al mérito moral de las partes contendientes era, por lo tanto, inmoral, así como peligroso. No sólo era la democracia la mejor forma de gobierno, también era la única garantía para la paz permanente" [2].

Además de la exclusividad, hay varias características de la ideología americana que penetran en el sistema educativo. Este "superioridad" de los EE.UU. se funda en una posición de moralidad histórica (la república constitucional) y desarrollo económico (el capitalismo); una oposición al económicamente inferior y moralmente decadente tipo de modelo económico "totalitario" y "colectivista"; y en oposición, en general, al derecho internacional (o la ONU) y las leyes que restringen a los EE.UU., subrayando esa promoción de la excepcionalidad estadounidense. También se basa en el orientalismo y la anglofilia, promoción del A5 + 1 como una "tribu" (Inglaterra, Estados Unidos, Canadá, Australia, Nueva Zelanda e Israel); y el miedo a lo eslavo, a Oriente Medio y a los países asiáticos (excepto a los japoneses). La "rusofobia" (y anteriormente el anticomunismo) y la islamofobia por razones de civilización; la legitimación de la hegemonía estadounidense como un luchador contra el totalitarismo (el comunismo, el fascismo) y el radicalismo islámico; y la legalidad de despliegue de militar estadounidense en cualquier parte del mundo para la "seguridad nacional", son otros motivos más sobre los que se fundamenta y se manifiesta la ideología estadounidense en la educación.

De hecho, la educación es una guerra de ideas. Pero, al mismo tiempo, el enemigo a menudo no se da cuenta de que está tomando parte en una confrontación. Además, la formación de instrumentos en la guerra de las ideas no tiene prácticamente ninguna alternativa como la de la escuela primaria o secundaria. A uno se le da la información que se presenta como la única versión correcta, y las notas y las pruebas se emiten por el propósito de que el alumno asimile ese material.

¿Qué es una guerra de ideas? Es un choque de visiones, conceptos e imágenes, y especialmente de su interpretación. La violencia física, en este caso puede ser mínima, ya que la guerra de las ideas está dirigida a objetivos políticos, sociales, culturales o económicos, pero de cualquier manera, tienen intención hostil o actos hostiles. La guerra de las ideas puede tomar muchas formas, pero se ha sugerido que la guerra de las ideas se divide en cuatro categorías generales: (a) debates intelectuales, (b) guerras ideológicas, (c) guerras por dogma religioso, y (d) campañas de publicidad. Todas ellas son esencialmente sobre el poder y la influencia, al igual que las guerras por el territorio y los recursos materiales, y sus apuestas puede ser muy altas [3]. A través de este tipo de guerras ideológicas, la sociedad estadounidense ha pasado su historia. Por lo tanto, este enfoque es bastante cercano a los propios estadounidenses.

A mediados del siglo XX, los intelectuales norteamericanos establecieron los fundamentos de la conducción de tales guerras en la política exterior a través de la noción del excepcionalismo norteamericano, que fue fundado mucho antes, comenzando con la idea de la frontera y el protestantismo anglicano. En el siglo XIX, sin embargo, adquirió un pronunciado tinte político.

El politólogo estadounidense Robert Strausz-Hupe, conocido por su trabajo en el proyecto secreto "M" creado por Roosevelt en 1941, dijo que nos enfrentamos a la creación de la imagen del enemigo mundial, que ha de ser presentado como un amigo. Los principales métodos de esta propaganda incluyen: (1) el uso selectivo de las declaraciones de doctrina y de propaganda enemiga como ilustraciones de una intencionalidad secreta; (2) atribuciones de coherencia y de diseño, siguiendo un plan preestablecido para la conquista del mundo, en la política exterior del enemigo; (3) demandas contradictorias respecto a que las creencias del enemigo son irracionales y diabólicas pero super-inteligentes y calculadas; y (4) un tono jeremíaco generalizado acerca de la necesidad de los EE.UU. para revelar la naturaleza "real" de la amenaza a la que se hace frente [4].

Estas técnicas se aplican en un contexto en el que parecen "naturales", como los imperativos de la política exterior de Estados Unidos y los intereses nacionales son flexibles. Si durante la Guerra Fría se presentó la amenaza del comunismo como una justificación suficiente, a continuación, después del colapso de la Unión Soviética, George Bush padre comenzó a redirigir el foco a la amenaza del tráfico de drogas. Después del 11S, se convirtió en una guerra global contra el terrorismo, que a menudo es utilizada como una justificación para hacer cumplir los intereses de Washington [5].

Cabe señalar que las autoridades estadounidenses han considerado la llamada guerra contra el terrorismo, lanzada en 2002, como una combinación de esfuerzos que involucra tanto elementos físicos como ideológicos, siendo el último factor más importante, teniendo incluso una importancia decisiva en comparación con la del primero. Este énfasis sugiere que los Estados Unidos se ve a sí mismo como un sujeto que apuesta por el segundo tipo, la guerra de las ideas, mientras que la fuerza física, es decir, los militares, desempeña un papel de apoyo.

La importancia de la guerra de las ideas se refleja en una serie de políticas nacionales de los Estados Unidos (seguridad, asuntos internos, defensa, etc.) que por lo general se actualizan cada cuatro o cinco años.

Los medios de comunicación juegan un papel importante en estas estrategias, ya que reproducen una representación virtual de la realidad. Es una forma simbiótica de la interacción estratégica, una combinación de poder blando y duro, conocida como poder inteligente. Como resultado, tenemos un marco dinámico y comprensivo del esquema que forma tanto las fronteras físicas, mentales y psicológicas como los límites de los grupos, las audiencias o las comunidades, que no son necesariamente conscientes de los efectos de esta estructura.

Por lo tanto, el espacio virtual de la información (al que diversas agencias estadounidenses prestan mucha atención) construye un marco contextual o, lo que puede llamarse el marco principal o "marco maestro", a través del engaño estratégico. El objetivo es reorientar al público objetivo o las masas críticas a través del proceso de conversión en formas que generan una dinámica en los movimientos sociales y de oposición fragmentados en los diferentes países, al servicio de de los intereses políticos de la hegemonía [6].

Anteriormente, el estratega militar británico Basil Henry Liddell Hart llamó a esto "acción indirecta", y Hans Morgenthau describió este fenómeno como "imperialismo cultural".

Los programas educativos de los Estados Unidos son los más adecuados para una política de este tipo, y, más recientemente, en relación con la posibilidad de estudiar en el extranjero o el "aprendizaje a distancia", se promueven vigorosamente.

El Programa Nacional de Educación

En primer lugar, vamos a echar un vistazo de cerca a la política interna de EE.UU. [7]

En primer lugar, el establishment norteamericano utiliza la educación para promover la ideología liberal. El sistema educativo se presenta como una parte de la sociedad en general, que reinterpreta las lecciones ideológicas, incluyendo sus aspectos económicos y sociales.

De hecho, el adoctrinamiento en los Estados Unidos comienza en la edad preescolar, en la guardería, a la edad de 3, 4 y 5 años de edad.

El sistema se basa en 1) las excepciones, que son numerosas; 2) los procesos suaves, en los cuales se crean los individuos liberales de una sociedad liberal, ya que el núcleo interno de la ideología liberal se encuentra en el centro de la conciencia, por no decir en la conciencia social de Estados Unidos. Todos estos factores se reflejan en los programas escolares, las normas, los libros de texto, los enfoques de los maestros, y se basan en un enfoque de "sentido común" hacia la educación y la actitud general hacia la escolarización.

A la edad preescolar y en la escuela primaria (de 6 a 12 años), se practican dos métodos principales liberales en la educación en los Estados Unidos. Dado que los niños estadounidenses tienen diferentes maestros para cada clase, y, debido a que durante la transición de una clase a otra los niños a menudo están en constante cambio, estos métodos en cierta medida se mezclan.

Se ha practicado durante mucho tiempo la idea de los primeros conceptos de la pedagogía y de la infancia de la izquierda posmoderna, donde se elogia al mismo nivel cualquier resultado producto de la creatividad y del progreso de los niños, como la falta de resultados o avances. Por lo tanto, al final, todos los resultados son iguales, y el enfoque se basa en la autoestima.

Los defensores de estas ideas llegaron a ser conocidos como el movimiento de la autoestima. Esta tendencia encuentra sus fundamentos en el libro de Nathaniel Brandon, publicado en 1969, llamado “Psychology of self-esteem” ["Psicología de la autoestima"]. En la década de 1980, las ideas de Brandon se convirtieron en la tendencia dominante en la pedagogía de los Estados Unidos, que se considera un elemento fundamental del liberalismo. La Asamblea del Estado de California, por ejemplo, creó incluso un grupo para la autoestima en las escuelas. Aunque la concepción global del éxito sea antisocial en el paradigma liberal, es poco adecuada a las necesidades humanas básicas a un nivel emocional, psicológico, social o espiritual. Por lo tanto, se ve reforzada por el segundo método, modificada por la necesidad de mantener la autoestima durante los "años formativos de la infancia", ya que presta un potencial psicológico para el éxito en el trabajo, la carrera y la vida.

Cabe señalarse que California ha actuado tradicionalmente como uno de los sitios principales para los experimentos liberales estadounidenses. El sistema de educación general conocido como K-12, fue probado inicialmente en este estado. La reforma de salud, que recibió el nombre de Obama-care, también se puso en marcha en California.

Como puede verse, la moda de la "autoestima" en la educación recientemente ha llegado a ser popular en muchos países, lo que indica la aparición de ciertas ideas pedagógicas norteamericanas en diferentes sociedades.

El segundo método liberal, más antiguo y más estrechamente asociado con América Central, se centra en el trabajo y en la disciplina como las claves del éxito. Las clases más bajas son más patriotas y están más ligadas al concepto local de virtud cívica. Pero, al mismo tiempo, el énfasis se pòne en el individuo como elemento principal del "éxito". Las clases medias y altas son más individualistas y están más orientadas hacia los negocios, con un enfoque del éxito, incluso si éste se produce a expensas del bienestar de la población en general (es, de hecho, antisocial). Tal desprecio por el resto de la sociedad se asocia con la idea de que el paradigma liberal se basa en la realidad en un juego de suma cero en la economía.

Además, el imperativo común de la educación en Estados Unidos es el anti-intelectualismo. Para los niños mayores y los adolescentes, la introducción del paradigma liberal puede rastrearse más claramente volviendo al punto de vista ideológico basado en trabajos específicos de algunos de los autores del modernismo clásico. Estos incluyen, por regla general: Maquiavelo, Hobbes, Rousseau y Locke, y con frecuencia Bentham y Mill. Los epicúreos ingleses se les enseña brevemente en las universidades (con edades entre los 18-22 años de edad), junto con los fundadores de la Constitución de Estados Unidos. Marx y Nietzsche se presentan como filósofos de la Europa continental, muy influyentes e importantes de leer, pero siguiendo un errónea e incorrecto modelo "totalitario" de Europa (el comunismo y el fascismo).

Por lo tanto, las mentes de los estudiantes son adoctrinadas con una fórmula que afirma que la Europa continental dio lugar a proyectos totalitarios y dictatoriales, mientras que Gran Bretaña y los Estados Unidos están relacionados con las ideas del liberalismo y la libertad.

Por supuesto, para la continuidad del personal que trabaja en la introducción de las ideas norteamericanas en el exterior, se utilizan famosas universidades de Estados Unidos. El U.S Diplomacy Center funciona a través del Departamento de Estado.

Una serie de conocidos politólogos son también profesores de liderazgo en instituciones educativas estadounidenses que trabajan intensamente en la implantación de esta matriz ideológica en la mente del estudiante.

La educación y la Política Exterior

Mientras tanto, desde la década de 1960, la experiencia de Estados Unidos ha empezado a extenderse a otros países. En Europa, el primer país que pasó por la americanización fue Finlandia. El sistema de la escuela primaria de Finlandia (Peruskoulu, de 1-9 clases) fue toamdo del modelo estadounidense de áreas sociales (es decir, desfavorecidas), donde el estadounidense promedio no envía a educar a sus hijos. Este sistema fue introducido por los políticos finlandeses de izquierda del Partido Comunista, el Partido Socialdemócrata, el Partido de los Trabajadores y otros (todas estos partidos son en sí mismos anti-intelectuales y estaban en contra de los enfoques académicos eruditos). Es significativo que los sistemas de clasificación que alaban la alta calidad de la educación finlandesa como "la mejor del mundo" los realiza una agencia estadounidense a través del presupuesto de Finlandia.

En general, la ideología liberal progresista, cosmopolita, en la educación refuerza los siguientes temas de la política exterior:

1) la uniformidad de los derechos legales y morales alrededor del mundo;

2) la uniformidad de las necesidades de las personas;

3) la idea de que Estados Unidos se basa fundamentalmente en buenas ideas, pero que simplemente cometió muchos errores e injusticias (la guerra contra los nativos americanos y mexicanos, la esclavitud, las leyes de Jim Crow, el macartismo, el imperialismo -Vietnam, etc.);

4) la percepción de que Estados Unidos es un "proceso", es decir, que la democracia es un proceso que comprende sus propios errores del pasado y se permite legalmente enseñar al resto del mundo cómo solucionar los problemas;

5) la idea de que Estados Unidos, como potencia mundial, y teniendo en cuenta los cuatro primeros puntos, tiene la doctrina R2R, la "responsabilidad de proteger" los derechos humanos o cualquier otra cosa en todo el mundo usando la fuerza militar;

6) la supuesta legalidad de la hegemonía estadounidense, ya que los EE.UU. supuestamente actúa en nombre de los "derechos humanos" a través de la ONU y las ONG que también contribuyen activamente a la creación de las leyes internacionales de acuerdo con los intereses de los Estados Unidos.

El papel del Departamento de Estado de los EE.UU.

El Departamento de Estado de Estados Unidos llevó a cabo directamente una serie de programas científicos y educativos en la segunda mitad del siglo XX.

En general, su objetivo es la constante formación y la preparación de las futuras élites potencialmente leales entre los jóvenes de otros países. Algunas iniciativas tienen dos características: los estudiantes estadounidenses van al extranjero, y los jóvenes de otros países vienen a los Estados Unidos.

El ejemplo más famoso de este tipo es el programa Fulbright, que fue creado por iniciativa del senador William Fulbright en 1946. Dentro de este marco, se conceden anualmente ocho mil becas a los estadounidenses que viajan al extranjero, así como para los estudiantes extranjeros que llegan a los Estados Unidos. Este programa opera en 160 países. Es interesante seguir la preferencia geográfica de las iniciativas del programa Fulbright. En la década de 1990, se dirigía a los países post-soviéticos, pero en los últimos años el enfoque cambió a Oriente Medio y Asia Central. Recientemente, se lanzó la iniciativa del Ártico, lo que muestra claramente el contexto geopolítico del programa.

Entre las más destacadas iniciativas internacionales del Departamento de Estado están el Alumni Program, el Global Youth Issues, y el EducationUSA, que comenzó la iniciativa llamada "LGBTI CAMPUS LIFE". El trabajo dentro de este marco apunta a la creación de un "pool" de estudiantes de diferentes países en el mundo que se identifican como homosexuales. El moderador del programa es el director del Centro de Recursos LGBT de la Universidad George Washington.

Aquí podemos recordar las ideas de Saul Alinsky en su libros Rules for Radicals [8], donde dice que "la ética debe ser flexible". La ex secretario de Estado estadounidense, Hillary Clinton, a menudo cita a Alinsky, así como el actual presidente Barack Obama, quien por primera vez dijo que uno de los imperativos de la política exterior de Estados Unidos es la protección de los derechos de las minorías sexuales de todo el mundo.

Tales programas y éste en particular también gozan de una amplia difusión en todo tipo de cursos de formación de activistas políticos que se celebran en los Estados Unidos o en el territorio de sus aliados. Hay reuniones y seminarios especiales para los ciberdisidentes, por ejemplo, cuyas actividades están dirigidas principalmente a trabajar en Internet. Por regla general, este tipo de formación tiene como objetivo preparar a las personas para llevar a cabo golpes de Estado, también llamadas "revoluciones de color".

Aplicación en bloque

Además del "poder blando", los servicios de seguridad y los militares, como un bloque, son utilizados activamente en el módulo educativo para sus propios fines.

Hubo casos en que estudiantes Fulbright y voluntarios del Peace Corp, ciudadanos estadounidenses, fueron solicitados por la Embajada de Estados Unidos para espiar y enviar la información adquirida de nuevo a la embajada [9].

En 2005, la Ley de Inteligencia proporcionó 4 millones de dólares para el Programa de Estudios de Inteligencia Pat Roberts, un programa piloto conocido como PRISP. Debe su nombre al presidente del Senado y miembro del Comité Selecto de Inteligencia, Pat Roberts. La esencia de este programa consistió en preparar estudiantes para una carrera en los servicios de seguridad. Al cabo de dos años, se les dio becas de 50.000 dólares, y tuvieron que completar al menos una pasantía de verano en la CIA o en cualquier otra agencia [10]. El programa se llevó a cabo en secreto. Nadie sabía los nombres de los estudiantes, y por lo menos 100 jóvenes de las diversas universidades de Estados Unidos ya se han integrado en los servicios de inteligencia. Naturalmente, todos los recién llegados se sumergieron en la cultura corporativa de la CIA, que es conocida por su desconfianza y por la búsqueda de enemigos internos y externos.

El Departamento de Defensa de Estados Unidos, así como otras agencias de seguridad, trabajan activamente en una serie de programas educativos. Esto no sólo se aplica a la mejora continua de tales sistemas y métodos, sino también a trabajar con aliados y en las relaciones entre civiles y militares. En 2015, el principal fondo donante que trabajar con los gobiernos extranjeros, USAID, publicó un nuevo memorándum que declararó que las organizaciones no gubernamentales deben interactuar con las estructuras del Pentágono. Esto se manifiesta en la militarización del conocimiento estadounidense que trabaja a través de las relaciones internacionales. En general, la cultura militar de Estados Unidos puede ser descrita por la analogía de la buena oveja que debe ser protegida de los lobos malos, y alguien debe llevar a cabo esta función. Especial atención se presta por parte de la comunidad militar a las operaciones psicológicas y de convicción ideológica.

En cuanto a las reclamaciones estadounidenses relativas a ser el centro científico del mundo, el Science Citation Index California es un ejemplo demostrativo. Siendo publicado requiere avances en su escala científica en la mayoría de los países. Además, hay otros índices varios que tienen una naturaleza política distinta, pero que se utilizan comúnmente como estadísticas objetivas. La mayoría de estos índices son cercanos a los centros de análisis de los EE.UU., así como a centros universitarios. Estos incluyen el índice global de centros de reflexión [o "think tank" (de la Universidad de Pensilvania), el índice de estados frágiles y fallidos (de la Carnegie Endowment for International Peace y a revista Foreign Policy), y el índice de seguridad nuclear (Nuclear Threat Initiative), etc.

Teniendo en cuenta todos estos componentes que en conjunto representan un conglomerado integral y en red de los distintos departamentos y organismos sintetizados en la cultura estratégica nacional estadounidense, podemos decir que actualmente no existe un gobierno que sea capaz de resistir de manera efectiva al "poder blando" estadounidense proyectado a través de los proyectos educativos. No obstante, la consolidación de los esfuerzos de aquellos países que abogan por un orden mundial multipolar en esta esfera es absolutamente necesario.

[1] Wilson, Woodrow. Mensaje al Congreso, Abril 2,1917.

[2] Kissinger, Henry. World Order, Penguin books, 2014, P. 149.

[3][3] Antulio J. Echevarria II, Wars of Ideas and The War of Ideas. Strategic Studies Institute, June 2008.

[4] Andrew Crampton, Gearoid o Tuathail. Intellectuals, institutions and ideology: the case of Robert Strausz-Hupk and ‘American geopolitics’// Political Geography, Vol. 15,N o. 617, pp. 533-555, 1996.

[5] Ver más en: Savin L. New Means Waging War. How does America build the Empite? S.-Petersburg. 2016.

[6] Amr G.E. Sabet. Geopolitics of Deception: Media, Framing, and War by Other Means. ECSSR, 2014.

[7] Agradezco a Joaquín Flores, de Fort Russ por sus importantes observaciones acerca de la política de la educación doméstica en EE.UU.

[8] Saul Alinsky. Rules for Radicals. A Practical Primer for Realistic Radicals. Random House, Inc., New York, 1971.

[9] http:? //abcnews.go.com/Blotter/story id = 4262036 & page = 1

[10] http: //www.democracynow.org/2005/8/3/the_intelligence_university...

 

jeudi, 03 mars 2016

La quête du soft power

La quête du soft power

Une notion clé de la stratégie US
 
par François-Bernard Huyghe
Ex: http///www.huyghe.fr

image.php.jpgL’inventeur de l’expression est Joseph S. Nye, sous-secrétaire d’État à la Défense sous Clinton. Pour lui, les États-Unis prédominent déjà grâce au pouvoir « hard », celui de la carotte (les récompenses) ou du bâton (la menace) autrement dit le dollar et l’US Army. Mais une action indirecte peut amener les autres pays à se comporter conformément aux désirs et intérêts US. Dans "Bound top lead", Nye affirmait que cette façon de diriger soft, et qui retraduisait peu ou prou la notion européenne d’influence diplomatique et stratégique, était la voie de l’avenir.

Désormais un État ne prédominerait plus par la contrainte, mais par son attractivité, et sa capacité d’incarner des valeurs universelles. En somme, le soft power suppose que l’autre veuille suivre un modèle, s’allier avec un gouvernement et croie en son discours et en son système.

Cette façon d’inciter autrui à « vouloir ce que vous voulez » suppose, ajoute-t-il, la capacité de «faire l’agenda de la politique mondiale et d’attirer les autres ». Le soft power combine donc initiative diplomatique, séduction d’une image et propagation de valeurs. L’aspect diplomatique concerne la capacité américaine de trouver des alliés pour soutenir ses initiatives et défendre ses thèses dans les organisations internationales, bref de faire apparaître sa politique comme moins unilatérale. La politique d’image consiste à donner une « vraie vision » de la réalité américaine ou de l’american way of life et à combattre les légendes que répandent ses adversaires, notamment en se dotant de médias s’adressant directement aux populations concernées par dessus la tête de leurs gouvernements : c’est l’idée qui a présidé à la création de radios comme Radio Free Europe ou de télévisions comme la chaîne arabophone al Hurrah. Quant à la diffusion des valeurs, de liberté, de démocratie, de confiance dans le marché et dans l’initiative, d’optimisme technologique, etc., il s’agit là d’une véritable conquête idéologique et culturelle . Guerre pour laquelle les Américains croient disposer d’atouts avec l’industrie de la communication et la culture "mainstream", à commencer par Hollywood,

Cette notion de soft power née dans la décennie 1990, en reflète la confiance en l’élargissement (enlargment) du modèle politique, économique et culturel US. Mais, malgré les récents conflits et la "guerre globale contre le terrorisme", la notion de soft-power reste centrale dans le débat stratégique outre-Atlantique (et d'ailleurs dans pas mal de pays dont la Chine ou l'Inde qui ont importé la notion).

19722559.jpgLa vision du soft power se heurte ou se mélange souvent à une autre notion plus populaire chez les Républicains, celle de "diplomatie publique". Cette dernière renvoie aux méthodes de guerre idéologique contre l'Urss employée dès la présidence d'Eisenhower et auxquelles Reagan prêtait un grand rôle dans sa victoire dans la guerre froide : créer des radios qui émettent dans la langue de l'adversaire et jusque sur son territoire (Voice of America, Radio Free Europe...), encourager les mouvements intellectuels anticommunistes, accueillir et garder le contact avec de jeunes étrangers prometteurs (young leaders)supposés pro-Américains. Évidemment la diplomatie publique a retrouvé une nouvelle jeunesse après le onze septembre.

Et, chez les démocrates, on prône désormais un "smart power", une autre idée d Nye, une stratégie mêlant les deux éléments de puissance et d'influence. Mais que l’on parle de soft power ou de diplomatie publique, ces notions relèvent un peu de l’incantation. Il ne suffit pas de proclamer que l’on renonce au pouvoir « hard » de la coercition pour qu’effectivement l’attraction du modèle US suffise à aplanir toutes les difficultés.

Cela supposerait des progrès dans au moins trois domaines :

1 L’attraction du modèle américain (on peut souhaiter atteindre le niveau de prospérité ou de technologie de l’hyperpuissance sans en imiter les moeurs ou la culture, et moins encore s’aligner sur sa politique).

2. La capacité de la diplomatie US de recueillir des soutiens en faveur de ses objectifs. Or après les expériences de la « vitrine démocratique » que les USA voulaient établir au Moyen Orient ou les faux espoirs du printemps arabe, il n’est pas sûr que cette capacité s’accroisse.

3. La promotion de l’image des USA, à la façon d’une marque dont il faut faire la « com » et dont on améliore l’image. Or l’antiaméricanisme n’a jamais été aussi puissant dans le monde.

samedi, 06 juin 2015

‘Human Rights’ and Soft Power in Russia

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Author: Eric Draitser

‘Human Rights’ and Soft Power in Russia

The news that Lyudmila Alekseyeva, head of the Russian Non-Governmental Organization (NGO) the Moscow-Helsinki Group, will be returning to the Presidential Council for Human Rights, has been heralded by many in the liberal establishment in Russia as a victory for their cause. Indeed, as an adversary of President Putin on numerous occasions, Alekseyeva has been held as a symbol of the pro-Western, pro-US orientation of Russian liberals who see in Russia not a power seeking independence and sovereignty from the global hegemon in Washington, but rather a repressive and reactionary country bent on aggression and imperial revanchism.

While this view is not one shared by the vast majority of Russians – Putin’s approval rating continues to hover somewhere in the mid 80s – it is most certainly in line with the political and foreign policy establishment of the US, and the West generally. And this is precisely the reason that Alekseyeva and her fellow liberal colleagues are so close to key figures in Washington whose overriding goal is the return of Western hegemony in Russia, and throughout the Eurasian space broadly. For them, the return of Alekseyeva is the return of a champion of Western interests into the halls of power in Moscow.

Washington and Moscow: Competing Agendas, Divergent Interests

Perhaps one should not overstate the significance of Alekseyeva as an individual. This Russian ‘babushka’ approaching 90 years old is certainly still relevant, though clearly not as active as she once was. Nevertheless, one cannot help but admire her spirit and desire to engage in political issues at the highest levels. However, taking the pragmatic perspective, Alekseyeva is likely more a figurehead, a symbol for the pro-Western liberal class, rather than truly a militant leader of it. Instead, she represents the matriarchal public face of a cohesive, well-constructed, though relatively marginal, liberal intelligentsia in Russia that is both anti-Putin, and pro-Western.

There could be no better illustration of this point than Alekseyeva’s recent meeting with US Assistant Secretary of State Victoria Nuland while Ms. Nuland was in Moscow for talks with her Russian counterparts. Alekseyeva noted that much of the meeting was focused on anti-US perception and public relations in Russia, as well as the reining in of foreign-sponsored NGOs, explaining that, “[US officials] are also very concerned about the anti-American propaganda. I said we are very concerned about the law on foreign agents, which sharply reduced the effectiveness of the human rights community.”

There are two distinctly different, yet intimately linked issues being addressed here. On the one hand is the fact that Russia has taken a decidedly more aggressive stance to US-NATO machinations throughout its traditional sphere of influence, which has led to demonization of Russia in the West, and the entirely predictable backlash against that in Russia. According to the Levada Center, nearly 60 percent of Russians believe that Russia has reasons to fear the US, with nearly 50 percent saying that the US represents an obstacle to Russia’s development. While US officials and corporate media mouthpieces like to chalk this up to “Russian propaganda,” the reality is that these public opinion numbers reflect Washington and NATO’s actions, not their image, especially since the US-backed coup in Ukraine; Victoria Nuland herself having played the pivotal role in instigating the coup and setting the stage for the current conflict.

So while Nuland meets with Alekseyeva and talks of the anti-US perception, most Russians correctly see Nuland and her clique as anti-Russian. In this way, Alekseyeva, fairly or unfairly, represents a decidedly anti-Russian position in the eyes of her countrymen, cozying up to Russia’s enemies while acting as a bulwark against Putin and the government.

And then of course there is the question of the foreign agents law. The law, enacted in 2012, is designed to make transparent the financial backing of NGOs and other organizations operating in Russia with the financial assistance of foreign states. While critics accuse Moscow of using the law for political persecution, the undeniable fact is that Washington has for years used such organizations as part of its soft power apparatus to be able to project power and exert influence without ever having to be directly involved in the internal affairs of the targeted country.

From the perspective of Alekseyeva, the law is unjust and unfairly targets her organization, the Moscow-Helsinki Group, and many others. Alekseyeva noted that, “We are very concerned about the law on foreign agents, which sharply reduced the effectiveness of the human rights community… [and] the fact the authorities in some localities are trying more than enough on some human rights organizations and declare as foreign agents those who have not received any foreign money or engaged in politics.”

While any abuse of the law should rightly be investigated, there is a critical point that Alekseyeva conveniently leaves out of the narrative: the Moscow-Helsinki Group (MHG) and myriad other so-called “human rights” organizations are directly supported by the US State Department through its National Endowment for Democracy, among other sources. As the NED’s own website noted, the NED provided significant financial grants “To support [MHG’s] networking and public outreach programs. Endowment funds will be used primarily to pay for MHG staff salaries and rental of a building in downtown Moscow. Part of the office space rented will be made available at a reduced rate to NGOs that are closely affiliated with MHG, including other Endowment grantees.” The salient point here is that the salary of MHG staff, the rent for their office space, and other critical operating expenses are directly funded by the US Government. For this reason, one cannot doubt that the term “foreign agent” directly and unequivocally applies to Alekseyeva’s organization.

But of course, the Moscow-Helsinki Group is not alone as more than fifty organizations have now registered as foreign agents, each of which having received significant amounts from the US or other foreign sources. So, an objective analysis would indicate that while there may be abuses of the law, as there are of all laws everywhere, by and large it has been applied across the board to all organizations in receipt of foreign financial backing.

It is clear that the US agenda, under the cover of “democracy promotion” and “NGO strengthening” is to weaken the political establishment in Russia through various soft power means, with Alekseyeva as the symbolic matriarch of the human rights complex in Russia. But what of Putin’s government? Why should they acquiesce to the demands of Russian liberals and allow Alekseyeva onto the Presidential Council for Human Rights?

The Russian Strategy

Moscow is clearly playing politics and the public perception game. The government is very conscious of the fact that part of the Western propaganda campaign is to demonize Putin and his government as “authoritarian” and “violators of human rights.” So by allowing the figurehead of the movement onto the most influential human rights-oriented body, Moscow intends to alleviate some of that pressure, and take away one of the principal pieces of ammunition for the anti-Russia propagandists.

But there is yet another, and far more significant and politically savvy reason for doing this: accountability. Putin is confident in his position and popularity with Russians so he is not at all concerned about what Alekseyeva or her colleagues might say or do on the Council. On the other hand, Putin can now hold Russian liberals accountable for turning a blind eye to the systematic violations of human rights by the Kiev regime, particularly in Donbass.

One of the primary issues taken up by the Presidential Council for Civil Society and Human Rights in 2014 was the situation in Ukraine. In October 2014, President Putin, addressing the Council stated:

[The developments in Ukraine] have revealed a large-scale crisis in terms of international law, the basic norms of the Universal Declaration of Human Rights and the Convention on Prevention and Punishment of the Crime of Genocide. We see numerous violations of Articles 3, 4, 5, 7 and 11 of the 1948 UN Universal Declaration of Human Rights and of Article 3 of the Convention on Prevention and Punishment of the Crime of Genocide of December 9, 1948. We are witnessing the application of double standards in the assessment of crimes against the civilian population of southeastern Ukraine, violations of the fundamental human rights to life and personal integrity. People are subjected to torture, to cruel and humiliating punishment, discrimination and illegal rulings. Unfortunately, many international human rights organisations close their eyes to what is going on there, hypocritically turning away.

With these and other statements, Putin placed the issue of Ukraine and human rights abuses squarely in the lap of the council and any NGOs and ostensible “human rights” representatives on it. With broader NGO representation, it only makes it all the more apparent. It will now be up to Alekseyeva and Co. to either pursue the issues, or discredit themselves as hypocrites only interested in subjects deemed politically damaging to Moscow, and thus advantageous to Washginton. This is a critical point because for years Russians have argued that these Western-funded NGOs only exist to demonize Russia and to serve the Western agenda; the issue of Ukraine could hammer that point home beyond dispute.

And so, the return of Alekseyeva, far from being a victory for the NGO/human rights complex in Russia, might finally force them to take the issue of human rights and justice seriously, rather than using it as a convenient political club to bash Russians over the head with. Perhaps Russian speakers in Donetsk and Lugansk might actually get some of the humanitarian attention they so rightfully deserve from the liberals who, despite their rhetoric, have shown nothing but contempt for the bleeding of Donbass, seeing it as not a humanitarian catastrophe, but a political opportunity. Needless to say, with Putin and the Russian government in control, the millions invested in these organizations by Washington have turned out to be a bad investment.

Eric Draitser is an independent geopolitical analyst based in New York City, he is the founder of StopImperialism.org and OP-ed columnist for RT, exclusively for the online magazine “New Eastern Outlook”.

jeudi, 21 mai 2015

L’Empire invisible : Soft-Power et domination culturelle

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L’Empire invisible: Soft-Power et domination culturelle

par Pierre-Antoine Plaquevent

Guerre cognitive

A notre époque qui est celle de l’information globalisée (on parle d’âge de l’information, comme il y a eu un âge industriel, ou encore un âge de l’agriculture), ce qu’on appelle la guerre cognitive    est au cœur   des enjeux contemporains de la puissance.

La guerre cognitive – appelée aussi guerre de l’information – est un élément essentiel pour la compréhension des enjeux contemporains de la lutte planétaire qui oppose actuellement les    puissances        œuvrant à l’édification d’un ordre unipolaire du monde, à celles qui tendent de leur côté, à la mesure de leur capacité de résistance, à une multi-polarité du monde et à un nouveau    non-alignement.

Ainsi peut-être demain la France et l’Europe, redevenues maitresse de leur destin politique. Nous exposerons régulièrement sur ce site certains des concepts essentiels de cette guerre qui ne dit pas son nom   mais qui ne cesse jamais. Concepts nécessaires à une meilleure compréhension de la réalité de notre époque et de ses enjeux stratégiques dissimulés sciemment ou simplement occultés par le « bruit »    informationnel constant émis par les acteurs contemporains du « choc des puissances »(1).

Connaître afin d’anticiper. Anticiper pour résister.

Nous traiterons ici du concept de « soft-power » et de quelques pistes existantes pour une insurrection cognitive.

Soft-Power

Le concept de « soft power » (ou « puissance douce ») est un concept utilisé en relations internationales et en géopolitique pour désigner la capacité qu’a un acteur politique (Etat, société multinationale, minorité agissante, ONG, réseau ou autre) d’influencer indirectement un autre acteur afin de l’amener à adopter son propre point de vue, voire à suivre ses buts, sans lui donner le sentiment de la coercition. Le soft-power regroupe ainsi l’ensemble des forces d’influence idéologiques douces mais offensives que peuvent être : la culture, le mode de vie ou juste l’image que l’autre (celui à influencer) perçoit de cet acteur.

Le soft power consiste en la capacité de mobiliser des ressources basées sur la séduction et l’attractivité que l’on exerce sur l’autre afin de l’influencer et de le contraindre en douceur.

Le soft power combiné au hard power, qui désigne la force coercitive classique (armée, diplomatie, pressions économiques), participe à la consolidation de la puissance politique et géopolitique d’une nation. Quand celle-ci arrive à se hisser au rang d’empire, la vassalité et la dépendance des autres nations ou groupes humains dépendent directement de sa capacité à user de sa « puissance douce ». Comprendre cette notion de soft power, c’est donc comprendre qu’aucun rayonnement culturel n’est réellement neutre si on l’analyse sous un angle géopolitique et qu’il accompagne et camoufle généralement une volonté et une capacité de puissance.

Puissance « douce » et Empire

« La capacité à être perçu comme modèle organisateur politico-social ou porteur de valeurs universelles, est aujourd’hui un facteur essentiel de toute politique de puissance » (Lorot-Thual « La Géopolitique »).

En géopolitique comme en histoire, les théories et concepts dépendent directement de la puissance, de la position et de la situation qu’occupe dans le monde celui qui les énonce. De nos jours si l’on pense à une capacité d’induction de comportement chez l’adversaire et à une influence culturelle modelante, on pense de fait aux Etats-Unis, première puissance mondiale actuelle, cœur et réceptacle de l’Empire. S’agissant de cette notion de puissance douce, le principal théoricien du soft power est justement un américain : Joseph Nye, professeur à Harvard puis secrétaire adjoint à la défense sous Clinton.

D’après Nye, si le leadership américain après la seconde guerre mondiale a dans un premier temps reposé essentiellement sur la puissance militaire et économique des Etats-Unis, c’est désormais autant sur le pouvoir d’attraction et la diffusion de son modèle que l’Amérique fonde sa puissance. Chez Joseph Nye transparaît l’appréhension de la situation précaire de l’Amérique comme puissance globale, fragile quant à la légitimité de son empire. S’ensuit donc la nécessité de bien communiquer en usant du pouvoir attractif de l’Amérique sur ceux qui sont ses vassaux de fait.

Ainsi explique-t-il : « Il convient de distinguer notre capacité offensive de notre capacité de défense. Celle-ci ne se limite pas à notre pouvoir coercitif (hard power), mais se fonde principalement sur notre pouvoir attractif (soft power). Aujourd’hui, le plus important ce n’est pas notre armée, mais le fait qu’un million et demi d’étrangers viennent chez nous suivre des études, que des millions d’autres souhaitent voir des films américains et adopter l’ « american way of life ».

Ceux sur qui nous exerçons une fascination ne nous feront jamais la guerre, au contraire ceux sur qui nous n’exerçons aucun pouvoir attractif (les islamistes, par exemple) peuvent constituer une menace. Dans l’histoire, c’est le pouvoir coercitif qui donne aux États la confiance en eux-mêmes qui les rend attractifs. Mais le pouvoir attractif peut persister au-delà du pouvoir coercitif. Ainsi, malgré la perte de son pouvoir temporel, le Vatican dispose encore d’un des plus puissants pouvoirs attractifs ».

Analyse qui rejoint celle du géopoliticien et homme d’influence Z.Brzezinski (2), qui est à la fois théoricien (« Le Grand Echiquier ») et acteur -il est l’un des fondateurs de la Commission Trilatérale- de l’hégémonie américaine contemporaine : « L’Amérique exporte aujourd’hui son mode de vie et sa culture comme Rome autrefois le droit ».

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L’« american way of life » n’est donc pas qu’un simple mode de vie qui aurait gagné l’Europe puis une grande partie du monde depuis l’après-guerre mais bien un outil de guerre idéologique pensé stratégiquement dans une perspective de soumission culturelle et politique des adversaires potentiels de l’Empire mais plus encore de ses alliés. Alliés qui furent généralement d’anciens adversaires vaincus d’abord par la guerre directe et le hard-power. Ainsi l’Europe occidentale après la défaite des fascismes puis l’Europe de l’Est après celle du communisme(3) ou encore le Moyen-Orient après l’échec du pan-arabisme (4).

Pour nous, européens, ce « soft-power » impérial est donc bien l’arme d’une guerre qui ne cesse pas et qui, partout et tout le temps, est l’un des foyers originaires de notre perte d’identité et de notre incapacité de résistance politique face à la destruction de notre civilisation. Cette « vieille Europe » comme la désignait avec mépris Donald Rumsfeld à l’époque de l’administration Bush.

L’Empire invisible : puissance « douce » mais conséquences dures

Ce n’est pas pester en vain contre l’Empire que de reconnaître son emprise sur nos vies ; c’est en fait reconnaître comme telle la force et les moyens d’une puissance qui travaille à maintenir son hégémonie, cela afin de savoir les utiliser dans le sens de la promotion de notre combat qui est celui de l’indépendance et de la souveraineté des peuples. Souveraineté qui passe nécessairement par une résistance spirituelle et culturelle face à l’hégémon américain et sa vision du monde matérialiste et utilitariste. Vision du monde pesante et sans grâce, faite de mauvais films et de sous-culture rap et pop qui avilit l’âme de l’homme et l’enchaîne à une réalité obscène créée de toutes pièces pour dévaster nos fonctions premières de résistances morales et politiques.

Car qu’est-ce que représente concrètement le soft-power atlantique pour le citoyen européen lambda ? Des illustrations de cette emprise « douce » sur nos vies peuvent être relevés dans notre quotidien le plus trivial -précisément le plus trivial, cible naturelle du soft-poweraméricanomorphe- peut-être par exemple quand votre voisine vous raconte le dernier épisode de « Desperate Housewives », quand vos parents sifflotent une chanson des « Rolling-Stones » qui leur rappelle leur jeunesse ou quand des jeunes répètent machinalement des airs de rap sans réfléchir plus avant au sens des paroles en anglais.

Cette même jeunesse qu’on rabat comme bétail à l’abattoir de l’intelligence pour aller voir le dernier « block-buster » américain. Dans ses conséquences concrètes, le soft power de l’Empire s’exerce aussi quand par exemple des parents amènent leurs enfants fêter leur anniversaire au fast-food ou dans ces grands hypermarchés où l’on va s’enfermer même les jours de grand beau temps ! Et combien de braves gens l’ont fait autour de nous, preuve de la force d’imprégnation et de propagande culturelle modelante qu’a le soft power pour maintenir une hégémonie culturelle et politique.

L’Empire soumet ainsi les puissances concurrentes en s’attaquant d’abord à leur esprit par la conquête idéologique et par des représentations sous-culturelles corrosives, puis directement au « bios » du peuple et à sa santé physique par la malbouffe et la destruction des savoir-vivre ancestraux et des coutumes alimentaires.

Tranquillement et continuement, c’est ainsi que notre quotidien d’européens occidentalisés est devenu sans que l’on s’en rende bien compte, une gigantesque machine d’acculturation permanente qui a pour fonction première de nous faire vivre dans un plasma sous-culturel omniprésent et paralysant. Ainsi inhibés et acculturés, les Européens – et tous les peuples du monde touchés de prêt ou de loin par le démon de l’occidentalisation – se retrouvent sans anticorps face à ce processus de mort lente mais programmée de l’esprit puis de la chair.

C’est ainsi que les souvenirs et la vie des gens (de nos gens, des nôtres, et de nous-mêmes) sont parasités en permanence par une sous-culture avilissante et déstructurante utilisée par le vainqueur de la seconde-guerre mondiale et de la guerre-froide comme une arme de guerre contre nos peuples ; comme une arme de destruction massive, une bombe radiologique au rayonnement continu, diffus, permanent et mortel contre les peuples.

medmout.jpgCette influence géopolitique et culturelle a donc pour fonction de créer un cadre de vie totalement intégré, une soumission quotidienne que l’on ne remarque même plus tellement elle constitue l’arrière plan et le décor de nos vies. L’Empire sous une forme occultée mais omniprésente, presque immanente et consubstantielle au quotidien du citoyen de Cosmopolis, le « village » global.

Et même si partout dans le monde, des résistances à ce processus d’intégration monoculturel se font jour, le plus effrayant reste la passivité des populations face à l’intériorisation forcée des modes de vie promut par le libéralisme impérial anglo-saxon ; passivité d’autant plus inquiétante de la part de ceux des peuples qui ont à subir le plus directement son influence délétère.

Il s’agit donc pour nous d’ouvrir les yeux sur la réalité d’une colonisation culturelle et idéologique qui est bien proche d’avoir réussi à anéantir notre culture, non plus par les moyens classiques de la guerre d’agression –comme encore en Irak, en Serbie ou en Afghanistan- mais plus insidieusement par l’imprégnation quotidienne d’une sous-culture « pop » imposée de l’étranger (5) qui n’est pas une culture naturellement populaire, c’est-à-dire issue du peuple et donc émanation naturelle de ses joies et de ses peines, comme par exemple les chansons populaires de nos aïeux, mais bien l’un des vecteurs principaux de notre décadence actuelle promu à dessein pour permetrre notre sujetion.

Une autre illustration d’un « soft power » très puissant était hier celui de l’U.R.S.S. Cette « puissance douce » qui prônait chez nous par le biais de ses réseaux et relais (parti, associations, syndicats, lobbys, éducation nationale, personnalités etc.) tout l’inverse de ce qui était entrepris et promu chez elle pour le maintien de sa puissance, c’est-à-dire : désarmement, pacifisme exacerbé, rejet des valeurs patriotiques, etc. Aujourd’hui effondré, l’aile gauche du mondialisme militant imprègne encore l’Occident d’une idéologie qui faisait hier le jeu de l’influence soviétique sur l’Europe et qui continue encore par inertie historique d’exercer son influence délétère par endroit. Cela alors même que la source originelle de sa vitalité, l’Union Soviétique, a cessé d’être depuis longtemps.

De nos jours, d’autres acteurs émergent au niveau de l’utilisation d’un « soft-power » propre à leurs vues. Ainsi la « puissance douce » d’un islamisme militant sous influence mondialiste rayonne aussi quand par exemple un jeune accroche à son rétroviseur un chapelet de prière musulman ou quand un jeune français porte ostensiblement un t-shirt « 113 » ou « Médine » et jure sur une Mecque qu’il n’a jamais vu… Puissance « douce » se heurtant bien souvent avec celle des réseaux protestants évangéliques américains visant à concurrencer immédiatement l’Islam ou le Catholicisme sur ses propres terres. (6) Comme actuellement en France où l’enjeu pour les prochaines années est la prise en main des futures élites issues de l’immigration nord-africaine par l’Empire. (7)

On peut donc considérer que le « soft power » agit quand l’homme déraciné contemporain croit qu’il est libre de ses choix, opinions et actes alors qu’il est justement, plus que jamais, la proie des réseaux et des champs de force idéologiques des puissances qui s’entrechoquent et qui ont pour champ de bataille les consciences et les représentations des peuples et des individus.

L’individu contemporain est victime d’une guerre qui ne dit pas son nom aux civils mais qui est clairement théorisée et instrumentalisée par les états-majors : la guerre cognitive. Nul part où fuir, le champ de bataille est ubique et les azimuts proliférant : consumérisme, mondialisme, américanisation, droit-de-l’hommisme, fondamentalismes, sectarismes, New-Âge etc. Furtivement l’ennemi se dissimule partout où l’enjeu est le contrôle des populations par la propagande indirecte.

C’est, avec la mondialisation des échanges et la révolution technologique permanente, la globalisation des rayonnements idéologiques et culturels des acteurs de la puissance et l’anéantissement de fait des zones de neutralité, des zones de paix. C’est la fin de l’époque des trêves entre deux guerres car ici la guerre ne cesse pas. C’est aussi la fin de la sphère intime de l’homme et de son intériorité car cette mainmise idéologique par les différents « soft-powers » en présence s’infiltre sans discontinuer dans son esprit aux travers du foisonnement des moyens de communication contemporains.

Finalement, c’est l’habitant du village global qui est pris pour la cible permanente d’une guerre idéologique qui ne s’avoue pas comme telle et qui, s’appuyant sur l’individualisme et le narcissisme de masse, a fait débordé la guerre de ses limites classiques depuis bien longtemps. Le « viol des foules par la propagande » n’aura donc été que la répétition d’une méthode aujourd’hui bien plus perfectionnée : nous faire désirer ce qui nous tue et nous faire associer notre bien être à notre sujétion. (8)

NTIC et « soft-power proliférant » : une résistance en avant-garde

Conceptualisé et instrumentée au départ par la puissance hégémonique actuelle : l’Amérique-Monde ou l’« Occidentisme » comme l’appelle le dissident russe Zinoviev, le soft-power est devenu l’un des piliers de l’extension de l’Empire et de la tentative d’Etat universel auquel veulent aboutir les élites financières et politiques du G20. Pour autant, comme toujours en histoire, il n’est pas sûr que ce concept ne se retourne pas finalement contre ses créateurs car avec la révolution technologique en cours et le développement rapide des médias et circuits d’informations non-alignés, les résistants à l’Empire et au processus d’intégration mondialiste peuvent encore arriver à retourner les armes de l’oppression contre l’oppresseur.

Ce processus de résistance au rayonnement idéologique de l’Empire s’est bien vu en ce qui concerne le combat pour la vérité historique autour des attentats du onze septembre 2001. Ainsi, alors qu’une version officielle fut rebattu sans cesse par les principaux médias occidentaux, c’est par l’utilisation d’une contre-information citoyenne (ou plus politique) que des acteurs indépendants (certains parfois lié à des puissances non-alignés au bloc occidental) (9) ont pu amener une grande partie des opinions publiques à ne plus croire à la version officielle de ces attentats, ceci malgré toute l’artillerie classique de la propagande médiatique. Propagande qui allait de l’accusation de « complotisme » jusqu’au chantage à l’antisémitisme le plus hystérique (10). Arrivant même à influencer certaines personnalités publiques qui furent immédiatement lynchées par les mêmes médias qui les portaient aux nues peu avant.

111.jpgLa résistance cognitive qui a eu lieu face à la version officielle des attentats du onze septembre nous donne une illustration que, contrairement à ce que beaucoup trop de personnes pensent, l’Empire ne peut tout contrôler en même temps. Dans le chaos que génèrent l’avancée du Nouvel ordre mondial, se créent ainsi des interzones informationnel qui échappent par endroit à l’Empire et où il nous faut nous installer pour résister. Autant de « bandes de Gaza » idéologiques et cognitives où la tyrannie de l’Empire vient s’embourber malgré tout.

L’œil cyclopéen qui veut le contrôle de nos vies ne peut tout arraisonner parfaitement, c’est certes son vœux le plus cher et le but vers lequel tendent tous ces capacités mais il n’est pas encore réalisé ; et face à son phantasme de contrôle absolu nous pouvons encore lever des barricades dans la guerre de l’information. Le Nouvel ordre mondial se déconstruit à mesure qu’il progresse. Comme l’Empire Romain sur sa fin, l’Empire actuel trébuchera peut-être sur son gigantisme. A mesure que l’Empire avance et détruit, il ouvre aussi sous ses pas de nouvelles lignes de fractures qui peuvent devenir autant de lignes de front pour de possibles résistances et renaissances populaires.

Introduisons ici une notion qui pourrait servir de contrepoids à la toute puissance impériale en matière de domination informationnelle : la notion de soft-power proliférant. Les géopolitologues occidentaux appellent « puissances proliférantes », les puissances considérées utiliser des armes non-conventionnelles comme le terrorisme ou la guérilla pour pallier à leur faiblesse face aux puissances dominantes. Mais si cette accusation d’Etat terroriste ou « voyou » peut être aisément renversée et retournée à l’envoyeur dans la plupart des cas, la résistance anti-mondialiste peut prendre exemple sur la manière dont ces puissances proliférantes savent manier des thématiques mobilisatrices pour les opinions publiques ou utiliser les faiblesses des dogmes et versions officielles de l’adversaire.

Ainsi l’Iran avec l’arme du révisionnisme historique ou la Russie qui relaye massivement chez elle les travaux des chercheurs indépendants ou non-alignés sur la réalité des évènements du onze septembre 2001. (11) La résistance Palestinienne constitue aussi un bon exemple de « soft-powerproliférant », elle qui a su utiliser à partir des années 80-90, l’intifada et le martyr des enfants palestiniens pour retourner une opinion internationale au départ plutôt encline à voir dans le palestinien en lutte, un Fedayin preneur d’otages de Septembre Noir.

Tout en gardant bien soin de rester ancrés sur nos réalités et problématiques nationales et civilisationnelles, les réseaux et mouvements anti-mondialistes et alter-nationalistes peuvent aisément faire leurs, les méthodes de guerre cognitive utilisés par ces acteurs géopolitiques qui savent utiliser la guerre médiatique indirecte pour contrer la propagande à vocation universelle de l’impérialisme mondialiste.

Face à un géant on ne peut utiliser la force directe, il nous faut donc adopter la stratégie de la mouche qui agace le lion jusqu’à le vaincre par épuisement. Face à la guerre cognitive de l’Empire : l’insurrection et la guérilla de l’information sont des armes stratégiques majeures. Chaque mensonge déboulonné, chaque vérité diffusée sont autant d’entailles dans la carapace idéologique du Léviathan qui pourront peut-être un jour se révéler mortelles à force d’acharnement. A nous donc de développer notre propre « puissance douce » de militants anti-mondialistes et alter-nationalistes face au moloch globalisé. Ceci par des actions de lobbying, par l’action sociale et culturelle, par des actions d’influence sur la société ou des campagnes de réinformation. (12)

Par le méta-politique en appui du politique, par le « soft power » et la « réinfosphère » (13) en appui de notre « hard power » qui constituerai lui en la création de réseaux de résistances et l’organisation concrète de l’autonomie populaire.

Pierre-Antoine Plaquevent

pour Egalité & Réconciliation et les-non-alignes.fr

Notes:

(1) Nous reviendrons ultérieurement sur cette notion de « choc des puissances » qui nous parait plus pertinente et moins instrumentalisable que celle, plus ambigu, de « choc des civilisations ». Nous empruntons ce terme à un colloque tenu par l’Ecole de Guerre Economique au Sénat en 2007 et qui avait pour titre : « le Choc des puissances ». http://www.infoguerre.fr/evenements…

Nous pensons essentiel de concevoir le monde politique contemporain et les relations inter-Etats, non pas comme le lieu d’une guerre entre des civilisations nettement différenciés en lutte pour leur hégémonie : le « choc des civilisations » ; mais plutôt comme le lieu de l’affrontement entre des ensembles civilisationnels, politiques, culturels et identitaires contraints de s’agréger de force à un processus d’intégration économique mondialisé. Processus totalitaire conduit à marche forcée par les instances dirigeantes d’organismes économiques transnationaux tel le FMI ou l’OMC et sous tendu par une mystique et un projet cosmocratique à vocation planétaire : la création d’un gouvernement mondial. Projet d’une sortie de l’histoire définitive en gestation chez nos « élites » qui le désignent sous le nom de Nouvel ordre mondial et que ses opposants appellent souvent « Empire ». Terme générique désignant tous les aspects de ce projet : spirituel et philosophique, politique et économique.

Même si pour nous, patriotes européens, il y aurait beaucoup à dire sur ce double usage du terme d’Empire selon qu’il désigne le projet cosmocratique universel mondialiste ou bien son opposé : l’Empire comme unité de destin continentale des peuples européens. On évoquera ici qu ’à cet “empire invisible” expansionniste et démonique des mondialistes s’opposent un “Empire intérieur”, tel que théorisé en son temps par Alain de Benoist par exemple. Empire intérieur du cœur et de l’orthodoxie, de la liberté et de la personnalité face au néant du libéralisme et de l’individualisme.

Pour nous, ce qui se révèle juste dans le paradigme « Huntingtonnien » – principalement les heurts inter-ethniques dans les cités ghettos du village global et de son mode de développement unique – relèverait peut-être plus exactement de frictions identitaires plus que d’un réel choc de civilisations. Frictions participant pour beaucoup de cette intégration forcée des civilisations – ou de leurs survivances – et de leurs populations à ce projet de Nouvel ordre mondial comme le désigne les élites qui le portent. Il en va de même pour les déplacements massifs de populations soumises aux logiques ultra-libérales de développement économique. Logiques ultra-libérales qui prennent la forme de vrais dictats économiques comme ceux du FMI ou de L’OMC qui imposent aux nations du Tiers-Monde, principalement en Afrique (mais aussi partout où l’Empire se montre plus direct comme en Afghanistan et en Irak), le pillage des ressources naturelles et la fuite des populations de leur pays d’origine. Empêchant ainsi toute forme de souveraineté nationale et populaire réelle d’émerger. Souveraineté nationale empêchée par l’Empire dans les pays du tiers-monde mais aussi dans ceux considérés comme développés. Il est ainsi significatif pour un pays comme la France d’accueillir des réfugiés politiques d’Afghanistan au moment même où nos soldats s’y font tuer pour les intérêts américains. Plus d’américanisation c’est donc bien plus d’immigration et au final plus d’Islamisation de l’Europe. N’en déplaise aux néo-conservateurs d’Europe et d’ailleurs.

(2) Z.Brzezinski fût aussi le conseiller du président Carter et aujourd’hui l’un de ceux d’Obama. Adepte d’une vision dite « réaliste » des rapports que doivent entretenir les USA avec le reste du monde, il s’est opposé à celle trop clairement agressive des néo-conservateurs américains, allant jusquà dévoiler leur intention d’organiser éventuellement de faux attentats sur le sol américain afin de provoquer une réponse contre l’Iran.

http://video.google.fr/videoplay?do…

Il est vrai qu’il est aussi un connaisseur en matière de manipulation, s’étant lui-même vanté d’avoir fait tomber l’URSS dans le piège afghan, lui offrant ainsi son Vietnam.

http://contreinfo.info/article.php3…)

Il est aussi l’un des théoriciens de la notion de « titytainment ». Notion centrale dans les stratégies de l’Empire pour la domination et l’arraisonnement des masses humaines hétérogènes qui peuplent « Cosmopolis », l’Urbs mondialisée de ce début de XXI ème siècle.http://fr.wikipedia.org/wiki/Tittyt…

(3) Dans le cas de la guerre froide, et surtout à partir des années 80, c’est pour beaucoup par leSoft-Power et le travail des opinions de l’Europe de l’Est que le communisme a pu être démantelé. L’image d’un occident opulent et « libre » -au sens où prend ce mot dans les démocraties de marché- a autant fait pour mettre à genoux la puissance soviétique que la guerre perdu en Afghanistan ou la nouvelle course au réarmement relancée par l’administration Reagan. Face aux files d’attente devant les magasins d’alimentation, rien ne fût plus désagrégateur du soutien de l’opinion au régime -soutien déjà légitimement au plus bas- que les images d’abondance en provenance de l’occident.

Là encore la sous-culture pop d’importation américaine joua son rôle dans les désordres qui précédèrent et suivirent la fin du bloc communiste. On peut penser notamment à ce concert géant des groupes américains « Metallica » et « AC/DC » qui réunirent dans une Russie à peine « désoviétisée » entre cinq cent mille et un million de personnes accourus de tout le pays pour assister à ce spectacle. On dénombra alors des dizaines de morts et une centaine de viols durant les festivités. La culture américaine venait de prendre pied sur le sol russe. Les membres de ces groupes jouant devant un océan humain déchainé ont ainsi surpassé tous les rassemblements totalitaires du XX ème siècle. Le néo-libéralisme est bien la forme finale du totalitarisme dont le national-socialisme et le communisme ne furent que des répétitions balbutiantes.

(4) Pan-arabisme dont on ne peut que souhaiter la renaissance réelle (même sous une forme islamique non expansionniste) au moment où nous écrivons ces lignes au cœur des bouleversements actuels dans le monde arabe.

(5) Le libéralisme anglo-saxon a effectué ici un détournement du sens sémantique originel du mot : « populaire ». Ainsi l’usage d’un terme tel que : « pop-music », répété machinalement par des générations de français, retrouve son vrai sens une fois énoncé dans notre langue natale : musique populaire. « Musique populaire » cela sonne un peu comme « démocratie populaire ». Déclaration programmatique d’un contrôle politique qui s’auto-justifie et s’auto-promeut en captant à son compte une volonté populaire que l’on n’a jamais consultée auparavant.

Comme dans tout système totalitaire, asseoir la légitimité de son emprise politique et de son contrôle passe par l’appropriation et l’usage abusif du mot peuple. Voir sur ce sujet de la « pop-music » comme instrument d’hégémonie et de contrôle des masses par l’Empire des multinationales : les travaux du groupe de musique Slovène Laibach, et le film visionnaire de Peter Watkins : “Privilège”. Nous reviendrons ultérieurement sur la nécessité vitale d’une contre-culture de qualité comme terreau d’une résistance réelle au système.

(6) Cela alors même que le nombre de catholiques augmentent en permanence aux Etats-Unis par la démographie galopante et l’immigration des latinos du sud. Latinos dont les ancêtres furent eux-mêmes convertis il y a plusieurs siècles par le Soft-Power de l’Eglise et de ses missions…

(7) Phénomène qui est loin d’être du phantasme et qui m’a été confirmé par plusieurs musulmans français. Dans nos banlieues, la guerre des réseaux d’influence bat son plein : les sectes évangéliques, l’église de scientologie ou la franc-maçonnerie se disputent les personnalités émergeantes afin de capter ces nouvelles ressources humaines et de les orienter dans le sens de leurs intérêts. Sens qui n’est pas vraiment celui de la souveraineté française on s’en doute… Se superposant au mépris de la culture française enseignée dans les écoles et avec la perspective du chômage de masse, on imagine que la perspective d’une telle carrière doit en attirer plus d’un. On est pourtant surpris de rencontrer ça et là des français d’origine nord-africaine conscientisés et réfractaires à l’Empire des multinationales, comme ce camarade qui me racontait avoir voyagé tous frais payés aux Etats-Unis et qui expliquait à ses mécènes qui enrageaient, combien il était Gaulliste et combien la France était son pays qu’il ne trahirait pas !

Un paysage de ruine se dessine donc sous nos yeux : alors que les migrants se massent à nos frontières et pénètrent en France par tous les moyens imaginables, les américains cooptent et « dénationalisent » au même moment ceux des « afro-européens » qui sont eux nés en France. Notre pays n’est réellement plus que le fragment territorial sans pouvoir et en ruine d’un empire invisible. Invisible ou tout du moins occulté pour la plus grande partie de nos compatriotes.

Sur ce sujet : http://archives-fr.novopress.info/2…

(8) « le Viol des foules par la propagande politique » Serge Tchakhotine 1952

(9) On peut raisonnablement penser que Thierry Meyssan par exemple a été appuyé dans ses premiers travaux par des sources des services de renseignement français voulant « tacler » avec leurs moyens le rouleau compresseur de l’Empire qui allait bientôt s’abattre sur le monde arabe et annihiler au passage nombre d’intérêts de la France et de la « Chiraquie » au Moyen-Orient. Il a d’ailleurs affirmé lui-même qu’à l’époque de sa première tournée des pays arabes, il a été protégé personnellement du Mossad par le Président Chirac. Le même qui aurait d’ailleurs fait, toujours d’après Thierry Meyssan, décoller la chasse française comme un avertissement à l’armée israélienne lors de la dernière guerre d’Israël contre le Liban. Chirac contre l’Empire ! Voire …

(10) Ceci alors même que la théorie officielle relève bien d’une théorie du complot… islamiste !

(11) “Le 12 septembre 2008, la 1ère chaîne de TV russe ORT diffusa en prime time le film “Zéro – Enquête sur le 11 Septembre” de l’euro-député Giulietto Chiesa suivi d’un débat contradictoire sur les attentats du 11 septembre 2001 regardé par plus de 32 millions de téléspectateurs. Le débat réunissait notamment des architectes, ex-agents du KGB, experts, ainsi que Léonid Ivashov (chef d’état major des armées russes en poste en 2001) et Chiesa” :

http://www.dailymotion.com/video/x8…

Source : http://www.ReOpen911.info

(12) Un autre exemple de soft-power « proliférant » porté par des résistants au Nouvel ordre mondial peut être trouvé chez les militants nationalistes de Casapound. Au départ centre social pour des familles de travailleurs italiens en difficulté et structure de combat culturel avant-gardiste, cette maison du peuple est devenu un véritable réseau militant alternatif qui essaime dans toute l’Italie et se développe sans discontinuer par le croisement d’une action de terrain concrète quotidienne et d’une contre-culture, jeune, active et contemporaine.

Un bon exemple de l’influence du soft-power de Casapound a été donné à l’Europe entière quand le réalisateur italien de gauche Michele Placido, venu retirer son prix au festival du film de Venise, a affirmé en direct à la télé qu’il espérait d’être invité dans « les cercles culturels de Casapound » car c’est seulement là, d’après lui, qu’existe une activité culturelle qui est morte à gauche. Une gauche alternative italienne qui a perdu le contrôle de la culture jeune à Rome et dans nombre de grandes villes italiennes faute de projet politique et de vision de la société réellement contemporaine et positive. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si récemment Casapound a subi les attaques d’une extrême gauche rétrograde et manipulée et, plus grave, si l’un des animateurs principaux de Casapound a essuyé des tirs de pistolets dans les jambes. Le système sait reconnaître ses ennemis réels. http://cafenero.ilcannocchiale.it/?…

(13) Nous désignons par réinfosphère toute la mouvance qui dénoncent les “médias-mensonges” des mass-médias comme les désigne Michel Colon, mouvance qui lutte pour la réinformation et la diffusion d’une vérité médiatique et historique objective. La réinfosphère se développe sur internet en grande partie depuis les attentats du onze septembre 2001 et la remise en cause de la version officielle qui a suivi.

Un grand nombre de militants anti-mondialistes actuels doivent leur prise de conscience à la remise en cause de ces évènements par des groupes citoyens comme l’association Reopen911 ou Egalité et Réconciliation. En moins d’une décennie c’est une partie non négligeable de l’opinion qui a ainsi été gagné par le doute sur ces évènements et d’autres eu égard aux moyens dérisoires de la réinfosphère comparés à ceux des « médias-menteurs » du système.

lundi, 03 février 2014

Syrie, CentrAfrique, Ukraine : la stratégie des bons sentiments

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Halte à l’impérialisme démocratique!

Syrie, CentrAfrique, Ukraine : la stratégie des bons sentiments

Jean Bonnevey
Ex: http://metamag.fr

Il n’y a pas de révolution spontanée. La conférence de Genève prouve que la guerre civile syrienne est bien une guerre internationale. La reprise des émeutes en Ukraine montre l’extrémisme des manifestants sans nier la répression du régime. L’élection d’une femme à la présidence à Bangui ne gomme pas les  racines religieuses et ethniques d’un bourbier africain.

Dans chacun  de ces conflits, l’occident atlantique a décrété le bien et le mal par rapport au dogme démocratique. Il se condamne à être partial et à n’avoir qu’une compréhension partielle des problèmes. Partout on reproduit les erreurs inexpiables du Rwanda ou de l’Irak et on ne tire leçon de rien. Il aura fallu des mois à la communauté internationale pour convaincre la Coalition nationale syrienne (CNS), principal conglomérat de l'opposition syrienne à l'étranger, de se retrouver dans la même pièce que le régime syrien.

Genève 2 est avant tout une tentative pour l'ONU et les grandes puissances de masquer leur incapacité à enrayer la descente aux enfers de la Syrie depuis près de trois ans. L’opposition très divisée au régime d'Assad veut obtenir un départ du pouvoir qu’il refuse et l'un des participants régional majeur du conflit, l’Iran, est exclu, ce qui est objectivement une erreur.

Si les débats entre le régime syrien et l'opposition se dérouleront à huis clos à partir de vendredi, la séance d'ouverture de la conférence de paix sur la Syrie, baptisée Genève II, a permis de donner une idée plus précise de l'empoignade à venir. Et ceux qui spéculaient sur la bonne volonté de Damas pour négocier un transfert du pouvoir à une autorité de transition sont désormais fixés.

En position de force sur le terrain face à une rébellion en proie à de graves querelles intestines, 1400 morts dans une guerre interne en un mois, le chef de la diplomatie syrienne a rejeté tout départ de Bachar el-Assad. En réponse au secrétaire d'État américain John Kerry, qui venait de rappeler que le président syrien ne ferait pas partie d'un gouvernement de transition, Walid Mouallem a répondu vertement : «Monsieur Kerry, personne au monde n'a le droit de conférer ou de retirer la légitimité à un président [...], sauf les Syriens eux-mêmes». Qui peut dire le contraire.

En Ukraine, le gouvernement qui pensait avoir repris la main a commis une erreur. En promulguant la loi contre les rassemblements, il n'a fait que provoquer une radicalisation. Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de maîtriser cette contestation du régime.
 
De son côté, l'opposition est dépassée par la radicalisation du mouvement. Ils pensaient passer par la voie légale pour trouver une issue à la crise, mais ils se demandent s'ils ne vont pas être obligés de suivre les manifestants dans leur mouvement. C'est la légitimité du pouvoir qui est mise en cause, alors que Viktor Ianoukovitch vise clairement la réélection, notamment avec la signature des accords avec la Russie. La Russie est en fait l'objectif des occidentaux avec une volonté de diaboliser Poutine avant les Jeux Olympiques de Sotchi.

Quand au Centrafrique, une femme est élue à la présidence pour la joie des journalistes femmes et féministes, dont acte, mais cela ne résoudra pas le fond du problème. Il est ailleurs. Dans ce pays, où la France est intervenue le 5 décembre, «nous avons sous-estimé l'état de haine et l'esprit revanchard, l'esprit de représailles», a admis le ministre français Le Drian. «Il y a un mandat des Nations unies qui prévoit en particulier que les forces africaines de la Misca se renforcent pour arriver à 6.000 militaires», a rappelé M. Le Drian. «Elles sont en train de se constituer, même si ça a pris un peu de temps, et je pense qu'avec l'arrivée des soldats rwandais et des soldats du Burundi, on aura là une force significative», a dit le ministre.

Dans chaque cas les forces auto-proclamées du bien sous-estiment la haine des autres et font donc des analyses fausses aux conséquences terrifiantes pour les populations concernées. L'impérialisme démocratique est peut-être démocratique, mais c’est avant tout un impérialisme et le pire qui soit, celui de l idéologie au mépris des réalités.
 

samedi, 01 février 2014

Le dessous des ONG, une vérité cachée : Amnesty International

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Le dessous des ONG, une vérité cachée : Amnesty International

 
 
 
 
Par l’AEGE
 
Certains gouvernements, comme les États-Unis, ne se cachent d’ailleurs pas de cette instrumentalisation des Organisations « non-gouvernementales ».
 
Ainsi, l’ancien secrétaire d’État Colin Powell, dans un discours adressé aux ONG au début de l’Operation Enduring Freedom(l’invasion de l’Afghanistan), en octobre 2001, déclarait :

 

«Les ONG sont un démultiplicateur de force pour nous, une partie tellement importante de notre équipe combattante.»1
L’ONG Amnesty International a été créée par le britannique Peter Benenson. Avant d’exercer le métier d’avocat, il a travaillé au bureau du ministère de l’information et de la presse britannique lors de son service pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il a ensuite travaillé au Bletchley Park qui était le centre de décryptage anglais, où il était affecté à la «Testery». Peter Brenenson était chargé de déchiffrer les codes allemands.
 
« En 1960, Benenson est choqué par un article de journal qui relate l’arrestation de deux étudiants condamnés à sept ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté pendant la dictature de Salazar. Révolté, il lance dans le journal l’Observer (dont le rédacteur était David Astor) un appel en faveur « des prisonniers oubliés » dans lequel on a utilisé pour la première fois la notion de « prisonnier d’opinion ».
 
L’avocat reçoit alors des milliers de lettres de soutien. L’appel, repris dans les journaux du monde entier, demandait aux lecteurs d’écrire des lettres pour protester contre l’arrestation des deux jeunes hommes. Pour coordonner cette campagne, Benenson fonde en juillet 1961 l’association Amnesty International avec l’aide, entre autres, de Sean MacBride et d’Eric Baker. » (2)
 
Depuis, Amnesty s’est vu reconnaître le caractère d’organisme à voix consultative auprès de l’ONU,auprès, notamment, de son Conseil économique et social, de l’UNESCO, de l’Europe et de l’Organisation des États américains. Elle jouit également d’un statut d’observateur auprès de l’Union Africaine. Par plusieurs actions, l’organisation s’est illustrée par sa partialité.
 
A ce titre, la critique de l’intervention de l’armée française au Mali, trois semaines après son commencement, reposant sur une étude « exhaustive » de dix jours, illustre bien l’attention que l’organisation accorde à ce sujet. Amnesty International est une ONG qui prône son indépendance financière grâce aux dons faits par une majorité d’anonymes. Cependant un doute plane quant à la nature des financements de l’organisme.
 
Le financement.
 
En premier lieu nous pouvons voir que l’ONG dispose de plusieurs strates. Amnesty International est la première façade mais derrière nous retrouvons Amnesty International Charity Limited qui est une association enregistrée comme charitable et c’est par celle-ci que passe les financements d’États et de groupes corporatistes. Georges Soros, milliardaire notamment accusé de délit d’initiés en France par la Société Générale est à la tête de la fondation Open Society Institute, qui promeut la démocratie, est l’un des plus gros donateurs d’Amnesty International Charity Limited.
 
Il a déjà investi plus de 100 millions de dollars au sein de l’ONG. (Peut-être dans un souci de conscience et de transparence vis à vis des États) Il y a deux ans, un autre « scandale » financier éclaboussait l’ONG. L’ancienne directrice d’Amnesty, Irene Khan, s’est vue octroyer une indemnité de départ de plus de 600 000€, étrange venant de cette femme qui avait activement lutté contre la pauvreté dans le monde (3).
 
Amnesty international se prévaut de l’acte Transparency International, ce dernier est un indice de perception de la corruption. Mais il n’y a aucun détail des dons. Un don peut être un don d’Etat ou de particulier. Où sont ces détails ? Pourquoi ne sont-ils pas déclarés officiellement ? Peut-on se considérer comme transparent dans ces moments là ? Toutes ces questions laissent planer des doutes au-dessus de l’ONG.
 
Amnesty, une indépendance relative
 
Après s’être penché sur l’indépendance financière douteuse, les financements opaques d’Amnesty International, il paraît primordial d’analyser la partie influence et collusions qu’entretient l’ONG avec certaines entités (pays, entreprises, autres ONG). De cette « indépendance », aussi bien politique que financière dont elle s’est fait le porte-parole, Amnesty International apparait, par certains égards, être le contraire de ce qu’elle prône. En effet, comment ne pas voir un conflit d’intérêts lorsque Suzanne Nossel, Directrice d’Amnesty International USA de 2012 à 2013 a été l’assistante personnelle d’Hillary Clinton aux affaires étrangères américaines ?
 
Cette même personne est à l’origine de la création du terme « Smart Power », soit la conjugaison entre une manière douce (soft) d’influencer, d’imposer sa puissance et une manière dure (hard) par la puissance militaire. Le « Smart Power » est dorénavant le cheval de bataille de l’administration Obama. Après son passage d’une année à la tête d’Amnesty International USA, Suzanne Nossel a pris la direction de l’association PEN American Center (4).
 
Certains détracteurs internes d’Amnesty International lui ont reproché des orientations stratégiques trop proches de la politique étrangère américaine. Mais que ces détracteurs se rassurent Franck Jannuzi a été choisi pour assurer l’intérim de Suzanne Nossel. Le choix d’Amnesty International USA de M Jannuzi pour le poste de directeur exécutif adjoint à Washington DC est d’ailleurs étonnant, lorsque l’on s’intéresse à sa carrière.
 
M Jannuzi a travaillé pour le bureau du renseignement et recherche en tant qu’analyste politico-militaire sur la région d’Asie de l’est. Ce dernier est maintenant chargé d’établir des orientations stratégiques adaptées à l’évolution de la politique étrangère américaine pour Amnesty International USA (5).
 
Mais cette solution est-elle si récente entre le gouvernement américain et Amnesty International ? Deux cas prouvent que ce lien existe depuis plus d’une vingtaine d’années. Avant le début de la première guerre du Golfe, l’administration américaine relayait une information décrivant des soldats irakiens, arrivés dans un hôpital koweïti, vidant plus de 300 couveuses qui abritaient des enfants prématurés.
 
Les enfants étaient jetés à même le sol, les couveuses rapatriées en Irak. Cet évènement a été prépondérant dans le retournement de l’opinion publique américaine, au départ non favorable à une intervention au Moyen-Orient. Amnesty International a joué un rôle clé en se faisant l’écho du gouvernement américain tout au long de l’opération.
 
Plus récemment, Amnesty International a lancé une campagne publicitaire pour soutenir l’intervention de l’OTAN en Afghanistan « Enduring Freedom » avec un engagement majoritaire des forces américaines. Amnesty International a publié lors du sommet de l’Otan en mai 2012 des affiches stipulant :
« Droits humains pour les femmes et les jeunes filles en Afghanistan : OTAN, continuez les progrès ! ».
Les chiffres des pertes civiles durant le conflit en Afghanistan sont pourtant sans équivoque, à la fin du mois d’août 2009, le nombre de victimes civiles était estimé à 9 500 tués (6).
 
A ce titre, il est étonnant que le conflit en Afghanistan n’ait pas suscité les mêmes critiques que l’intervention française au Mali.
 
Ces interventions sont pourtant toutes les deux destinées à combattre le terrorisme et la répression de population par les islamistes.
Où est passée la ferveur d’Amnesty International à rétablir la vérité, à dénoncer les auteurs de ces crimes, de ce non-respect des droits humains ?
Ainsi lorsqu’Amnesty International part enquêter sur le bien-fondé de l’intervention française au Mali, à peine une semaine après le début de l’offensive : doit-on y voir une démarche louable soucieuse de défendre les droits de l’Homme ou une manœuvre subversive visant à nuire à l’image de l’armée française et malienne ?
 
Au regard de la participation de personnes liées au gouvernement américain au sein de la direction d’Amnesty International, on peut légitimement se questionner quant à l’indépendance et l’impartialité de cette organisation.
 
Au-delà de la défense des droits de l’Homme et de la dignité humaine comme objectif premier, ne faut-il pas un voir un objectif second qui vise à devenir le relais de l’influence culturelle américaine ?
Ceci, afin d’installer sur le long terme un terreau qui serait favorable aux ambitions stratégiques américaines ?
Notes
(1) Michael Mann, Incoherent Empire, Verso, 2003
(2) http://fr.inforapid.org/index.php?search=Peter%20Benenson
(3) http://www.dailymail.co.uk/news/article-1358537/Revealed-Amnesty-Internationals-800-000-pay-offs-osses.html#ixzz1EdIXunkv
(4) http://www.pen.org/press-release/2013/01/16/pen-american-center-names-suzanne-nossel-executive-director
(4) http://www.amnestyusa.org/
(6)http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/8143196.stm&title=[41]

mardi, 28 janvier 2014

Soft power russe : relire d’abord Tchakhotine…

Soft power russe : relire d’abord Tchakhotine…

par Philippe Migault

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

33969_2651874.jpgRien n’est plus fluide, plus insaisissable et plus puissant que cette influence diffuse que l’on nomme Soft power. Sans bruit, sans démonstration de force, elle pénètre les esprits, vainc par la conviction, d’autant plus redoutable qu’elle joue sur les registres de l’empathie, du débat d’idées, de la culture...


Il est de bon ton, depuis un an, d’évoquer sans cesse en France et ailleurs le Soft power russe.


Bien entendu ce dernier est présenté en « Occident » comme la nouvelle stratégie du Kremlin pour imposer sa supposée politique de puissance sur la scène internationale, dans la lignée du « bourrage de crâne » pratiqué autrefois par l’URSS vis-à-vis des opinions publiques européennes. Suscitant critiques et méfiance, le Soft power russe n’en est pourtant qu’aux prémices de son déploiement. De ce constat nous pouvons tirer une leçon : La Russie doit concevoir sa stratégie d’influence avec beaucoup de doigté et de professionnalisme afin de ne pas prêter le flanc aux attaques des agents d’influence adverses.

Il convient en premier lieu de définir quels seront les meilleurs agents de ce Soft power. Il est évident selon certains que le Soft power russe est déjà une réalité. Tant du point de vue culturel que scientifique, la Russie n’a plus à faire la preuve de son attractivité. Pourtant est-ce une forme efficace d’influence ? Il est permis d’en douter. Il suffit d’observer le cas français pour s’en convaincre. Le Français est une des langues les plus pratiquées au monde. La culture française, notre modèle de civilisation, de Voltaire à Chanel en passant par Versailles ou notre gastronomie constitue toujours un vrai potentiel de séduction et d’attractivité. Mais celui-ci s’adresse essentiellement aux élites étrangères, qui ont les moyens d’accéder à sa connaissance. Combien d’Américains du Middle West ou de Chinois du Shaanxi sont-ils capables de placer correctement la France sur une carte ou connaissent-ils Camus ? Bien peu. Il en va de même pour l’écrasante majorité de la population française et européenne vis-à-vis de Pouchkine, de Rachmaninov ou de Mendeleïev… Aux côtés de milliers d’amoureux de la culture russe, les masses ignorent tout de la Russie. Seule la culture américaine qui base son rayonnement sur le plaisir du plus grand nombre, les joies simples, le divertissement, est par essence populaire, voire populiste et conquiert les populations dans le monde entier.

Si la culture ne suffit pas, il faut lui adjoindre d’autres éléments civilisationnels et politiques afin de former un outil de Soft power efficient, efficience dont la pérennité nécessite un constant perfectionnement par l’agrégation de nouveaux arguments, de nouveaux idéaux...Nous connaissons ceux affichés par les Etats-Unis : Individualisme, liberté d’entreprendre, liberté de conscience, foi en l’avenir…le rêve américain. De quoi, sur le papier, séduire bien des esprits. Mais cela ne suffit pas nécessairement non plus. Le cas français le démontre une fois encore. Depuis deux siècles nous nous érigeons en champions des Droits de l’Homme et de certaines valeurs « universelles. » Or, indépendamment du fait qu’il n’a jamais pu être démontré, du point de vue du raisonnement philosophique, que de telles valeurs existent, force est de constater que les idéaux vantés par la France sont de plus en plus vécus dans le monde comme un néo-colonialisme moral. Il faut donc se méfier des valeurs qu’on met en avant. Celles-ci peuvent séduire comme provoquer un effet boomerang.

A cette aune la Russie, qui par la voix de Vladimir Poutine vient de se proclamer comme le défenseur des valeurs traditionnelles ou conservatrices, Dieu, la famille, la patrie…vise-t-elle juste ? Oui, dans la mesure où on assiste en Europe à une montée des partis aux discours identitaires, patriotiques, exaltant des idéaux identiques. Non, dans la mesure où elle va susciter le raidissement des « progressistes ». Immanquablement, l’offensive conservatrice de Moscou provoquera une contre-attaque virulente des médias « occidentaux » qui, pour la plupart, ne se reconnaissent nullement dans le modèle de société vanté par les autorités russes mais cultivent d’autres idéaux : Individualisme, matérialisme, hédonisme, insoumission aux autorités, quelle que soit leur nature. Promis au pilori le modèle russe, qu’on ne manquera pas de rapprocher du fameux « Orthodoxie, autocratie, génie national » d’Ouvarov, sera d’autant plus contesté qu’il est, aux yeux des leaders d’opinion « occidentaux » aussi contestable sur le fond qu’approximatif sur la forme.

Car il n’y a pas de secrets : Un Soft power efficace passe par une bonne communication. Or les autorités russes accusent de graves lacunes en la matière vis-à-vis de nos sociétés de l’image et des faux-semblants. On peut penser ce que l’on veut de Nadejda Tolokonnikova. On peut juger scandaleuse son action dans la cathédrale du Christ Sauveur. Mais il y a une chose qu’on ne saurait lui dénier : un incontestable talent en matière de communication vis-à-vis de sa vraie cible , les médias, notamment « occidentaux ». Sexy, souriante, « guerrière » au poing levé ou affichant sa moue boudeuse dans son Tee-Shirt « No pasaran », clin d’œil à tous les éléments de la gauche européenne, elle a tout compris des règles du marketing politique et de ce ton entre insolence et  indignation qui fait les stars à Paris ou à Londres. C’est à ce type de talent, celui de cette « classe créative », de ces « fils de pub » maîtrisant parfaitement les codes de notre société post-moderne, vide de réflexion mais avide de slogans, que l’on doit confier « l’habillage » politique du Soft power conservateur. A défaut celui-ci ne sera pas « vendeur ». Il sera « ringard » et inaudible. Pour convaincre « l’Occident », il faut d’abord relire Tchakhotine.

Philippe Migault

Source: Ria Novosti

mardi, 15 octobre 2013

RIP, soft power

RIP, soft power

Ex: http://www.dedefensa.org

Soft-power-Joseph-S-Nye.jpg

Au départ, il y a donc l’idée du soft power, identifiée et théorisée par Joseph S. Nye dans les années 1990 et sans cesse réaffirmé depuis. Le concept est largement analysé par Wikipédia. On se permettra d’en retenir cette approche générale : «Soft power is a concept developed by Joseph Nye of Harvard University to describe the ability to attract and co-opt rather than coerce, use force or give money as a means of persuasion. Nye coined the term in a 1990 book, Bound to Lead: The Changing Nature of American Power. He further developed the concept in his 2004 book, Soft Power: The Means to Success in World Politics. The term is now widely used in international affairs by analysts and statesmen. For example, in 2007, CPC General Secretary Hu Jintao told the 17th Communist Party Congress that China needed to increase its soft power, and the US Secretary of Defense Robert Gates spoke of the need to enhance American soft power by “a dramatic increase in spending on the civilian instruments of national security – diplomacy, strategic communications, foreign assistance, civic action and economic reconstruction and development.”

»According to the IfG-Monocle Soft Power Index the United Kingdom currently holds the top spot in soft power thanks to a combination of international perception, global reach of British media, inventions like the world wide web and the Internet, architecture, international diplomacy, students seeking to study in the UK, cultural missions and the number of highly publicized international events held there.»

Sur ce dernier point du Soft Power Index (SPI), nous signalerons les précisions suivantes. Le IfG-Monocle Soft Power Index est dressé (en collaboration de diffusion et de promotion par le magazine Monocle) par l’Institute For Government (IFG), évidemment britannique. (Le Soft Poser Index est présenté sur le site de l’IFG.) Bien entendu et sans nécessité d’enquête approfondie, on comprendra que cette référence SPI/IFG est du même type que les agences de cotation financière : faites par les Anglo-Saxons, à l’instigation des Anglo-Saxons, selon les critères des Anglo-Saxons, et pour les Anglo-Saxons. Le prétendu Soft Power Index n’est en rien une mesure objective (!) des positions du soft power chez les uns et les autres, mais un instrument de soft power mis au service des Anglo-Saxons par les Anglo-Saxons, c’est-à-dire au service de leurs conceptions assises sur la puissance, ou brute force (force brute).

Pour poursuivre à propose de cet index SPI, – le croiriez-vous ? Oui, sans la moindre difficulté ni imagination nécessaire, vous le croirez : derrière les évidents Britanniques comme premiers incontestables dans la création et le maniement du soft power puisqu’ils sont jugent d'eux-mêmes, on trouve... les USA. Ô miracle, la France est quatrième (l’Allemagne en troisième position), – et bien entendu, et ceci expliquant cela pour dissiper le diagnostic de “miracle”, il s’agit de la France de Sarkozy et de Hollande. Le bloc BAO domine le monde, influence le monde, convainc le monde, est aimé du monde et ainsi de suite. (Précision pour éclairer certains des propos qui suivent : la Russie est 28ème.) Cela suffit pour comprendre de quoi il s’agit : le faux-nez du soft power au service de l’“idéal de puissance”. (Tout cela dans la dernière édition (2012) du SPI.)

Maintenant, passons aux choses sérieuses. La première d’entre elles est affaire de définition. Nous réfutons l’expression de soft power comme produit typique d’une pensée développée selon ce même concept d’“idéal de puissance” qui baigne le Système, et qui prétendrait offrir une alternative à l’usage de force brute qui a établi l’hégémonie de la puissance (brute force, celle du système du technologisme) en proposant une “stratégie” alternative (en fait, une tactique au service toujours de la même stratégie). Le but reste l’acquisition du pouvoir par une force qui a toujours considéré le pouvoir du point de vue de l’“idéal de puissance”, c’est-à-dire selon le concept de brute force. D’où la tournure oxymorique bien anglo-saxonne dans le concept de Nye : l’étrange cohabitation de “doux” et de “puissance” (dito, “puissance” née de la brute force). Ce concept de soft power étant selon nous vicié comme nous l’avons décrit, nous lui préférons l’expression de “système de la communication” selon les diverses définitions que nous avons développées (voir le Glossaire.dde du 14 décembre 2012 et, surtout, la quatrième Partie du premier tome de La Grâce de l’Histoire). C’est par le système de la communication et selon ses modalités de fonctionnement que se développent l’influence, et donc l’équivalent de l’esprit du soft power tel qu’on nous le suggère en général (pouvoir d’influence, etc.), transcrit en termes objectifs, débarrassés de cette connotation de “puissance hégémonique” anglo-saxonne (US).

Cette approche permet de mieux comprendre la situation actuelle du point de vue de l’influence active, dynamique, c’est-à-dire l’influence du type “conquête des cœurs et des esprits” qui est le slogan offrant la définition de l’application opérationnelle du soft power développé durant la guerre en Irak. (Toujours l’univers oxymorique : offrir l’opérationnalisation d’une concept “doux” en développant les guerres les plus imposteuses, les plus destructrices et les plus brutales, les plus barbares-postmodernistes et les plus déstructurantes enfin, qu’on puisse concevoir dans l'état actuel de cette civilisation-Système.) Quelques exemples rapportés ici et là, mais tous centrés autour de l’Amérique Latine, permettent d’avoir une bonne mesure de ce l'état actuel de l’influence US par les temps exceptionnels qui courent, et donc de mesurer l’échec que nous diagnostiquons. (Nous parlons de l’Amérique Latine, nous pourrions parler du Moyen-Orient après la performance US de la séquence de crise paroxystique [syrienne] des 21 août-10 septembre. Nous pourrions parler de l’influence réelle des USA en Asie, à l’heure où Obama annule ses rendez-vous de reconquête du continent à cause du government shutdown (voir un article de Pépé Escobar sur la question, renseigné par notre lecteur Pascal B., dans sa traduction française du 4 octobre 2013.) Nous allons présenter trois informations et analyses concernant directement ou indirectement l’Amérique Latine et nous conduisant effectivement à cette constatation de la chute libre de l’influence des USA, c’est-à-dire, stricto sensu, de l’échec complet du soft power.

Russia Today présente, le 4 octobre 2013, une interview du président équatorien Correa, dont le thème est la fameuse question de l’“exceptionnalisme” US soulevée par l’article du New York Times de Poutine. Correa estime que les réaffirmations d’“exceptionnalisme” qui ont suivi, notamment de la part d’Obama, apparentent les USA au régime nazi, du point de vue dans tous les cas de la communication ... «Referring to US President Barack Obama’s statement that “America is exceptional” because it stands up not only for its own “narrow self interest, but for the interests of all,” Correa said: “Does not this remind you of the Nazis’ rhetoric before and during World War II? They considered themselves the chosen race, the superior race, etc. Such words and ideas pose extreme danger,” President Correa said on RT Spanish’ Entrevista program.

Correa s’étend sur un point particulièrement sensible pour l’Équateur, dont les effets au niveau de la communication (du soft power en tant qu’outil d’influence) sont désastreux. Il s’agit des entraves de brute force (refus de visas) mises à la venue d’une délégation équatorienne à l’ONU pour présenter le cas de la monstrueuse affaire de la destruction de l’environnement équatorien par Texaco dans les années 1970-1990. «Correa pointed out that the scale of the disaster in Ecuador is 85 times higher than the BP oil spill in the Gulf of Mexico, and 18 times higher than the Exxon Valdez spill in Alaska. “But they decided that if it happened in the Amazon region of Ecuador, then there is nothing to worry about.”

»The case against Chevron-Texaco has been ongoing for two decades, and stems from the oil company’s operations in the Amazon, which date back to the period between 1972 and 1990. In February 2011, a judgment by a provincial court in Ecuador produced a multi-billion dollar award against Chevron. However, as the company currently has no holdings in Ecuador, the plaintiffs have instead attempted to force payment in Canada, Brazil, and Argentina. The $19 billion verdict was the result of a 1993 lawsuit filed in New York federal court by a group of American attorneys – including Steven Donziger - on behalf of 88 residents of the Amazon rainforest. In the intervening period, Texaco was acquired by Chevron in 2001, and plaintiffs re-filed their case in Ecuador in 2003. For its part, Chevron insists that it was absolved of responsibility for the environmental damages by a 1995 cleanup agreement. The oil company places responsibility for the damages on Petroecuador, Ecuador’s national oil company.w

»At the end of September, Ecuador’s foreign ministry announced that the US had seemingly denied visas to a delegation that was set to travel to the UN General Assembly in New York to present their case regarding an ongoing dispute against Chevron-Texaco.»

• Dans une analyse pour strategic-Culture.org le 6 octobre 2013, de Nil Nikandrov, spécialiste des questions d’Amérique Latine, il est fait une description de l’action US en Amérique Latine, – qui se heurtent à de plus en plus de déboires, et qui est faite, justement de brute force, alors que la politique officielle US d’influence est toujours présentée selon le concept de soft power. (Voir aussi le 7 octobre 2013.)

«The conflict situation which has arisen between Brazil and the United States due to espionage by the NSA, the CIA and other intelligence agencies has highlighted the existence of deep crisis tendencies in the relations between the “only superpower” and Latin America. The provocation of wars in Africa and Asia in order to establish control over hydrocarbon-rich countries, the early successes of this aggressive strategy and the illusion that they can get away with anything has made the U.S. ruling elite rather giddy with success. Washington's emphasis on brute force has led to a noticeable “dumbing down” (there's no other word for it!) of its foreign policy, using threats instead of constructive dialog and reasoned arguments. Even outward political correctness has become a useless anachronism for American diplomats.

»This explains the hard-line response of Brazilian president Dilma Rousseff to the Obama administration's virtual refusal to apologize for its espionage in the country and guarantee that it would not occur again in the future. To the Brazilian leadership, all Washington's attempts to avoid concrete discussion of the problem are equivalent to a display of imperial haughtiness and hostility. If the Brazilians had any hopes for an “equal partnership” with the United States in the 21st century, they are now gone. Theoretically, it is just such a partnership that could have helped Washington to maintain its position in South America. However, the Obama administration fumbled its chance, thus guaranteeing the further penetration of extra-regional powers into the continent.

• Le dernier élément que nous présentons est une interview de George Galloway, le député britannique notablement “dissident”, qui est interrogé, après l’intervention de Correa, sur le même thème de l’exceptionnalisme US par la station TV russe Russia Today. (Le 5 octobre 2013). Galloway parle de diverses appréciations, s’opposant évidemment à ce concept d’exceptionnalisme. C’est la réponse à l’avant-dernière question qui nous intéresse, parce qu’elle porte directement sur la capacité d’influence actuelle des USA.

Russia Today: «Well, you’re there in London, and many countries – including of course the UK (particularly the UK) – really do propagate this image of US exceptionalism. Why is that? They clearly assume there is some substance in it.

Georges Galloway: «Well, it’s a cultural cringe in part, in the UK. I believe that we are Greece, and America is Rome, and our best policy is to cringe along behind them in the hope of picking up some of the spoils – some of the glory. But there’s less and less glory from that kind of thing. The US moral standing in the world has shrunk almost to vanishing point. They still have a lot of hard power – thousands of nuclear weapons, chemical weapons, lots of it. Indeed, they abrogated their obligations under the chemical weapons treaty - talking about Syria – so that they could keep their chemical weapons stockpile for a decade or more longer. They have a lot of hard power. But their soft power is diminishing rapidly. Let me just give you one example: people all over the world tonight are watching Russia Today, but they’re not watching Fox News all over the world. Indeed, anyone with half a brain in the US is not watching Fox News. The soft power of Russia, and in time of many other countries, will overhaul the US soft power. And without soft power, you’re really reduced to being a big bully with a big stick. Nobody likes that; it’s not an attractive look.»

Le Graal quantitatif et soft

Cette théorie du soft power, qui est devenue une étiquette convenue, qui est régulièrement citée comme révolutionnaire, comme recette du renouvellement de l’hégémonie US, etc., est au contraire une preuve sublime du vice de l’inversion fondamentale de la psychologie US complètement infectés par l’“idéal de puissance”, – cette émanation théorique directement issue du “déchaînement de la Matière”, – et de l’incompréhension totale du monde par les esprits qui en dépendent. (Les autres, le bloc BAO et même ROW, the Rest Of the World où l’on trouve les pays “émergents” ou les puissances alternatives, qu’on devrait trouver en posture d’affrontement des USA et qui ne le sont pas vraiment, sont obligées par les pressions du Système omniprésent d’adopter les protocoles du Système mais ne comptent pas vraiment dans son orientation. Lui, le Système, est tout entier baigné dans l’“idéal de puissance” comme Obélix tombé dans la marmite de la la potion magique à sa naissance.)

Ce n’est pas pour rien que nous parlons d’un oxymore, et d’un oxymore si révélateur, en faisant cohabiter le concept sacré pour le Système de power avec le qualificatif bien incertain, comme une concession du bout des lèvres, de soft. Plus haut, nous traduisions power par “puissance” alors qu’il signifie également “pouvoir”, sinon “autorité”, c’est-à-dire un concept principiel (l’autorité) qui devrait être d’une essence différente de la puissance/brute force selon ce que nous en entendons, qui n’est que simple “déchaînement de la Matière”... Pour les Anglo-Saxons dans leur état actuel d’enchaînement au Système, le pouvoir, et même l’autorité qui est un concept principiel fondamental, signifient d’abord “puissance” dans sa signification extrême de brute force ; tout cela est donc fonction de la force et de rien d’autre en vérité. Cette fusion jusqu’à la confusion des substances explique “l’inversion fondamentale de la psychologie... [...] et l’incompréhension totale du monde par les esprits qui en dépendent”.

Lorsque Nye proposait le soft power, il ne proposait nullement une révolution des mentalités, encore moins de la psychologie dont il était et est lui-même prisonnier. C’eût été le cas s’il avait proposé une modification fondamentale du pouvoir et de la définition de la puissance où le facteur “brute force” par accumulation quantitative se serait trouvé remplacé par le facteur “finesse” par perfectibilité élective, et par conséquent une modification à mesure de l’autorité qui doit caractériser le pouvoir pour assurer sa légitimité, donc de l’influence qu’il exerce, donc éventuellement de l’influence hégémonique consentie qu’il assurerait. Nye proposait un nouvel outil, rien d’autre, au service de la même puissance, de la même brute force, toujours au service de l’“idéal de puissance” et du “déchaînement de la Matière”. Simplement, l’enveloppe, l’apparence, la fonction, la musique de marketing seraient “douces” (soft) ... Même cela d’ailleurs, c’est-à-dire le facteur soft comme outil, même cela les américanistes ne savent pas faire ; lorsqu’ils font du software pour leurs technologies, où apparaît le mot soft, ils le font si massivement, confirmant qu’ils restent plus que jamais dans la logique de la quête du mythe d’une sorte de Graal quantitatif, avec les lignes de code (l’aspect soft) caractérisées par leur massivité, accumulées par millions et dizaines de millions (Graal quantitatif). Ainsi aboutissent-ils au monstre-JSF que personne ne comprend plus tant il est monstrueux, symbole impeccable de l’impasse de la puissance/brute force, y compris dans ce domaine soft. (De même, plus personne ne comprend ni ne contrôle la NSA, autre monstre-soft qui mène la charge à la recherche du même mythe pesant du même Graal quantitatif et se fait affreusement tacler, dans un superbe contrepied en pleine course, par l’inimitable “freluquet de 30 ans”, Snowden, gamin soft par excellence.)

De même, les américanistes n’ont rien compris au “système de la communication” dont ils ont inventé réellement et par inadvertance les fondements dans les années 1920 (les roaring twenties, expression suggérant toujours la puissance par la force). Ils développèrent directement et par réflexe pavlovien dirait-on le “système de communication” au service d’une influence de force : invasion massive des produits commerciaux, du crédit pesé en masses de dollars, de l’hollywoodisme où la quantité de bandes incultes de la movie industry supplée à la qualité du cinéma lorsqu’il prétend à l’art, des relations publiques et de la “réclame”, et ainsi de suite. Nous disons bien “n’ont rien compris” en même temps qu’“ils ont inventé réellement” pour signifier qu’ils ont effectivement inventé quelque chose qu’ils ont pris pour le “système de communication” créateur de puissance, alors qu’ils inventaient en vérité les prémisses du “système de la communication” qui produit quelque chose qui lui est spécifique, qui n’est pas la puissance/brute force et qui s’avère supérieur à la puissance/brute force.

Les américanistes ont toujours ignoré la véritable nature de ce qu’ils ont inventé parce qu’ils sont incapables de comprendre que le “de la” de la chose (“système de la communication”) détermine quelque chose de tout à fait différent, qui prit du temps pour maturer et atteignit sa maturité dans les années 1990, en révélant sa capacité à créer, à partir de sources d’une “puissance” infiniment faible, des événements, des “bruits de communication” (voir le 25 septembre 2013) qui bouleversent la psychologie et impliquent des événements politiques de renversement aux effets d’une prodigieuse importance. (La crise de la NSA, la crise syrienne, la crise du government shutdown, qui sont autant de coups portés au Système [à Washington] sont tous l’effet du système de la communication dans son exercice de manipulation de la “puissance” de l’autre à son avantage [voir la tactique du “faire aïkido”, citée notamment le 2 juillet 2012].) L’ironie de cette chronologie est qu’ils ont inconsciemment utilisé les premières créations du “système de la communication” pendant la Guerre froide, car c’est bien cette capacité d’invention alors énigmatique qui leur donna cette position de supériorité morale par influence sur l’URSS (le mythe du “monde libre”) et nullement leur puissance technologique.

C’est dire si, selon nous, arrivés où nous en sommes, le “système de la communication” et sa dimension de Janus jouant à plein, définitivement écœuré par la crudité obscène de l’“idéal de puissance” qui emprisonne complètement le système de l’américanisme, est bien en train de choisir décisivement son camp, qui est celui de l’antiSystème. Les divers exemples présentés en première partie de cette analyse, les nombreux événements de communication mentionnés qui témoignent de la défaveur accélérée de la réputation des USA essentiellement, entérinent à notre sens ce constat. Ce grand tournant antiSystème du système de la communication se paie, dans la bataille de la crise d’effondrement du Système et dans le chef du Système trahi de toutes parts, de l’agonie chaotique où s’abîme le système du technologisme.

Les USA, nantis de leur certitude type soft power, confondant cela avec le système de la communication alors qu’ils ne faisaient que recycler selon un habillage soft leur obsession de puissance/brute force dans le chef du système du technologisme, ont, depuis les leçons théoriques de Nye, appliqué systématiquement tous les principes de la communication dans le sens de l’inversion la plus complète. En affirmant remplacer la “dureté” par la “douceur”, ils ont donné une impulsion de plus à la puissance/brute force qui reste l’instrument favori de la déstructuration et de la dissolution, et qui ne cesse de se retourner contre eux dans une réaction antiSystème typique du système de la communication. Depuis la fin de la Guerre froide et la trouvaille trompeuse de Nye, au plus ils ont œuvré pour renforcer décisivement leur influence grâce à la puissance/brute force, au plus ils l’ont détruite, dans une sorte de flux contradictoire logique de vases communicants justifiant la perception oxymorique de la chose. Il y a bien un exceptionnalisme américaniste, qui est celui de la constance dans l’erreur de l’inversion absolue, qui est finalement la recette principale, pour les USA, d’un recyclage constant de leur dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction.

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mardi, 12 février 2013

Influence : la vision américaine - Diplomatie publique, soft power...

softpower.jpg

Influence : la vision américaine

Diplomatie publique, soft power...

Ex: http://www.huyghe.fr/

Aux USA, l’influence est pensée comme technique visant une finalité stratégique: une guerre pour désarmer l’hostilité, une guerre à la guerre en somme qui fera du monde « un endroit plus sûr pour les États-Unis » selon la formule de Wilson. Ce dernier partait du principe que les démocraties ne se combattent pas par les armes. Il entrevoyait déjà un apaisement général par propagation des principes politiques américains.
D’où l’idée récurrente d’influencer l’autre pour le rendre un peu moins « autre » et éventuellement un peu plus démocrate, un peu plus amoureux de la liberté à l’américaine, davantage désireux d’en adopter le mode de vie. Cela repose sur une certaine confiance en la valeur universelle du système américain et sur la conviction que celui qui le combat ne peut être qu’en proie à illusion doctrinale, à une méconnaissance de la réalité ou à une passion contraire à la nature humaine : il s’agit donc de le guérir. Par une contre-offensive idéologique.

Durant la guerre froide, la CIA conçoit un plan de « guerre culturelle » ,et conduit, notamment à travers le Congrès pour la Liberté Culturelle, une politique de subventions à des journaux, des livres, des conférences, des manifestations artistiques. Tout cela est censé sauver l’intelligentsia du giron du communisme et offrir une alternative culturelle, politique et morale aux populations de l’Est ou des pays tiers.

L’agence s’emploie à diffuser les auteurs antistaliniens, fussent-ils de gauche, mais aussi le jazz, la peinture abstraite, toutes les formes d’une culture distractive, « jeune », antitotalitaire qui font contraste avec le pesant réalisme socialiste : des gens qui lisent Koestler, sifflent l’air de Porgy and Bess ou aiment la peinture abstraite ne serontt jamais de vrais Rouges, pense-t-on à l’Agence.

Diplomatie publique

L’entreprise eut un prolongement. Eisenhower créa en 1953 l’United States Information Agency qui devait fonctionner jusqu’en 1999 pour mener une politique de vitrine médiatique. Elle lança des publications et manifestations et surtout des radios dont Voice of America émettant en 45 langues et Radio Free Europe, destinée à l’autre côté du rideau de fer. Le but était projeter une « bonne image » des USA, d’offrir à des audiences étrangères des informations auxquelles elles n’avaient pas accès, de promouvoir certaines valeurs en particulier culturelles. L’USIA se chargeait d’entretenir des réseaux d’amis des USA : journalistes et personnalités invités à visiter le pays, boursiers (notamment le programme Fullbright) et contacts avec d’anciens étudiants des universités américaines…

Le tout fut baptisé en 1970 : « diplomatie publique », une diplomatie qui soutient les objectifs politiques en s’adressant directement à l’opinion extérieure. Mais pas au public domestique : l’US Information and Educational Exchange Act de 1948 connu comme Smith-Mundt Act, interdisant de faire de la propagande destinée aux citoyens américains.
Dans la décennie 90, la notion devait tomber en désuétude faute d’ennemi à combattre, l’USIA finit par se « fondre » dans le département d’État).
Pendant un demi siècle, relayée par l’USIS (United State Information Service), la diplomatie publique avait ainsi produit ou exporté des milliers d’heures d’émission, de films, de livres,…, mais aussi établi des contacts avec des milliers de gens pour «raconter au monde l’histoire vue d’Amérique».

Son bilan sera discuté : l’USIA est parfois vue comme un agence de propagande coûteuse qui faisait mal ce que l’autre camp réalisait plus efficacement en sens inverse, relayé par des intellectuels progressistes et profitant du courant de la contre-culture.
Second reproche à la diplomatie publique : était-il vraiment utile de payer des fonctionnaires pour rendre l’Amérique plus populaire alors que James Dean Marilyn Monroe, Elvis Presley , la MGM, puis CNN y parvenaient de cause de façon plus crédible et en rapportant des devises ? D’autres se demandent pareillement si la chute du Mur de Berlin n’est pas à porter au crédit de la télévision de RFA reçue en RDA : elle propageait une image bien plus positive de l’Occident que tout service officiel.

Dans les années qui séparent la fin de l’URSS du 11 septembre, la politique d’influence US semble se confondre au moins dans l’esprit de ses promoteurs avec un « élargissement » du modèle occidental, pour ne pas dire avec le mouvement de l’Histoire. Il s’agit pour les USA de « contrôler la mondialisation » (shapping the globalization), donc d’encourager une mondialisation qui repose autant sur les droits de l’homme et le marché que sur les technologies de la communication et la mondialisation des cultures.
Cette politique quasi pédagogique prend de multiples formes. Ce peut être l’accompagnement du passage à la démocratie des anciens pays socialistes par ONG ou think tanks interposés, aussi bien que l’apologie des autoroutes de l’information comme « agora planétaire ». Le tout dans un contexte où l’influence US semble sans rivale.

Le contrôle de la globalisation

Pour une part, l’influence se privatise. Elle devient une dimension fondamentale de l’intelligence économique. Elle sert d’abord à la conquête des marchés ; là encore, les Américains comprennent qu’il faut combiner soutien politique, imitation des modes de vie, prépondérance des les standards techniques ou juridiques et un imaginaire culturel rendant désirable le made in USA. D’autres facteurs jouent telle la complexité croissante des normes internationales de production, donc le rôle des instances internationales et partant l’intérêt du lobbying.

Citons aussi le poids de mouvements d’opinion concernés par des dimensions écologiques, sociales ou sécuritaires de l’activité économique donc le rôle des ONG et des « parties prenantes », les facteurs d’image et de réputation dans la compétitivité des firmes… Autant de raisons pour les entreprises de se lancer à dans une politique internationale d’influence positive, voire agressive. Elles sont à la merci d’une rumeur sur Internet, d’une mise au pilori par une ONG, d’une attaque médiatique, d’une offensive informationnelle : elles doivent se préserver d’une influence déstabilisatrice comme une « e-rumeur ».

Parallèlement, une notion prend de l’importance dans les années 90 : celle d’affaire, action ou coopération civilo-militaires (qui donnent toujours le sigle ACM). Elle est liée à des conflits typiques de la fin du XX° siècle : des États disloqués, en proie à des guerres civiles, ou des situations indécises entre guerre et paix où des violences armées sont menés sporadiquement par des groupes ethniques, politiques, criminels voire mêlant les trois. L’intervention des forces occidentales, avec ou sans mandat des Nations Unies appelle une politique de reconstruction de la paix ou de la nation (peace building, nation building) ou, pour le moins, la gestion d’une situation indécise. À rebours de leur fonction traditionnelle (affronter symétriquement une autre troupe en uniforme jusqu’à la victoire politique scellée par le traité de paix), les troupes sont confrontées à des situations où il s’agit de contrôler l’exercice de la violence pour en freiner l’escalade. Il est tout aussi nécessaire de recréer les conditions d’une vie « normale » sur des territoires livrés au chaos. Surtout dans la période qui mène à la mise en place d’autorités civiles reconnues, les troupes sont de facto chargées de tâches humanitaires, économiques administratives, politiques, bref non militaires. Cela les met au contact de civils, d’ONG, d’organisations internationales, de forces politiques, d’autres armées, d’entreprises… et bien sur des médias . Cette quête pratique n’est pas forcément désintéressée : les ACM peuvent rapporter des dividendes en termes d’image, de contrats de reconstruction pour ses entreprises, d’adoption de normes favorables à ses industries, …. Intérêts publics et privés peuvent se trouver liés comme civils et militaires. Mais l’objectif immédiat est surtout de contribuer à la stabilité du pays par des relations fiables avec les autres acteurs, un mélange entre action d’urgence et relations publiques.

La quête du soft power

Aux USA et dans la même période que l’influence trouve son nouveau nom : soft power. L’expression lancée par le doyen Joseph S.Nye gagne le statut de concept clé des relations internationales. Si l’Amérique prédomine dans le domaine du «hard power», en particulier militaire, dit en substance Nye, elle doit aussi son statut d’hyperpuissance à sa capacité de séduire et d’attirer. La notion recouvre le rayonnement de l’Amérique, dû à sa technologie, à sa réputation, à ses artistes, à son cinéma, à ses université, … et autres choses où le gouvernement a peu de responsabilité, mais elle repose aussi sur sa diplomatie, sa capacité de convaincre et d’entraîner dans les organisations internationales. Amener les autres à désirer ce que vous voulez « sans carotte ni bâton » : voilà qui est tentant mais résonne un peu comme un vœu pieux.

Ce débat plutôt abstrait avant le 11 septembre prend une tout autre tournure en 2001. L’Amérique découvre alors la haine qu’elle suscite. Pour une part, les néo-conservateurs qui tenaient en réserve leurs plans contre les États voyous, leur guerre « préemptive » voire leur « quatrième guerre mondiale » contre le terrorisme jouent la carte du dur.

Parallèlement le recours à l’influence douce semble redevenir un saint Graal de la géopolitique US ou une ressource mystérieuse que l’Amérique devrait retrouver pour mettre fin à l’animosité.
L’appel à rétablir un soft power submergé par l’antiaméricanisme et décrédibilisé par une guerre contreproductive devient une des constantes du discours critique contre G.W. Bush. Ce slogan résonne souvent comme un pathétique « Aimez nous ». Ainsi, lorsque Francis Fukuyama rompt avec le camp néo conservateur, l’ancien chantre de la fin de l’histoire oppose la mauvaise méthode, la promotion de la démocratie par les armes, à la «bonne», celle qui consisterait à restaurer le soft power. Il ne faudrait pas renoncer au principe wilsonien, mais, parallèlement recommencer à négocier, à rechercher le consensus de ses alliés, à mener une action à travers des ONG et des organisations internationales régionales. Il est tentant de traduire : se rendre aimable, en somme.
Il serait caricatural de faire du soft power un monopole des démocrates, et de croire les républicains forcément partisans du «hard». La nuance entre diplomatie publique, soft power et influence renseigne davantage sur le locuteur que sur le contenu de la politique qu’elle recouvre.
Ainsi, quand Nye déclare que "l'Amérique doit mélanger le pouvoir dur et soft en un "pouvoir intelligent" (smart power), comme elle le faisait du temps de la guerre froide.", pareille nostalgie ne caractérise pas exactement un progressiste. Du reste, dans le camp conservateur, beaucoup en appellent à une grande politique qui tarirait les sources de l’extrémisme religieux et restaurerait une image de leur pays dont les sondages –ils en sont grands consommateurs - montrent la dégradation depuis six ans.

Une des premières réactions de l’administration Bush en 2001, fut de recréer un sous-secrétariat d’État à la diplomatie publique. Il fut d’abord confié à la publicitaire Charlotte Beers ; elle s’employa à produire des vidéos démontrant la liberté de culte dont jouissent les musulmans aux USA. Au fur et à mesure des guerres d’Afghanistan et d’Irak apparurent des radios arabophones et même une télévision, al Hurrah, censée concurrencer al Jazeera, mais avec un succès modéré dans le monde arabe. Parallèlement, l’administration Bush créa un Bureau d’Influence Stratégique (Office of Strategic Influence): il fallut le dissoudre lorsque la presse révéla qu’il risquait de mener des actions de désinformation qui toucheraient les citoyens américains.

Mais la diplomatie publique n’est pas seulement l’affaire des hauts fonctionnaires : le secteur privé intervient dans la promotion de l’Amérique. Ainsi Walt Disney produisant avec le département d’État des films présentant le pays à ses visiteurs ou les entreprises qui créent des « cercles d’influence » avec des groupes de journalistes ou des chambres de commerce. De la même façon, nombre d’opérations sont sous-traitées à des « agences de communication » ou assimilées qui, suivant le cas, «vendent» l’opposition à Saddam et la thèse des armes de destruction massive (comme le groupe Rendon) avant la guerre d’Irak ou, après, s’assurent de la bonne orientation de la presse locale (comme le Lincoln Group).

Soft Obama

Les années Obama ont-elles changées la pratique de l'influence stratégique d'État ?

La personnalité même du président devenu star internationale avant son élection et nobelisé au seul bénéfice de l'image est en soi un exemple de "branding". Il "était" la marque USA dans toute sa splendeur, et rendait visible l'idée de soft power, comme s'il lui suffisait d'apparaître pour réconcilier l'Amérique avec le monde. La communication de la Maison Blanche exploite largement l'effet de contraste : elle oppose sa pratique apaisée à la brutalité de G.W. Bush. Très vite Hillary Clinton prend le relais, elle qui se réclame de Joseph Nye et de son smart power : la nouvelle Amérique utilisera suivant le cas sa puissance militaire, diplomatique, économique... mais aussi culturelle pour accomplir ses objectifs internationaux dont le moindre n'était pas de lutter contre "l'extrémisme violent" et de dissiper les fantasmes dont est sensé se nourrir l'antiaméricanisme. Bien entendu, l'enthousiasme des débuts se heurtera aux réalités assez vite.

Si le soft power est un état idéal ou un résultat désiré, l'influence, la lutte idélogique, la présence médiatique, la "com", la mise en valeur de l'image américaine (éventuellement à travers celle de son président) en sont les moyens. Du coup, le terme "diplomatie publique" perd ses connotations de Guerre foide et d'anti-communisme républicain. On parle désormais d'une "nouvelle diplomatie publique" qui reposerait moins sur l'utilisation de grands médias émettant vers l'étranger (telle la télévision arabophone al Hurrah) que sur la présence sur les réseaux sociaux, le prestige culturel, la coopération avec les ONG et la société civile pour véhiculer le bon message...

Plus précisément, l'administration Obama joue de ses atouts comme ses bonnes relations avec les entreprises de la Silicon Valley. Sa stratégie devient ostensiblement "2.0". Tandis que l'armée (qui ne fait désormais plus de "psyops" mais des "Military Informations Strategic Operations", ce qui sonne moins redoutable), la diplomatie américaine devient "e-diplomacy". Les représentants des USA, militaires ou diplomates, sont invités à être très présents sur les réseaux sociaux, à y faire du "storytelling" et à délivrer y compris à des audiences étrangères leur message de soutien aux objectifs de leur pays.

Parallèlement l'Amérique affiche sa volonté de soutenir les cyberdissidences et de lutter pour que s'épanouisse en ligne une société civile sans frontières. Hillary Cliton, en particulier, présente le droit de se connecter comme un droit de l'homme et milite pour des "technologies de libération" : l'extension d'Internet, échappant au contrôle des régimes étatiques est sensée apporter à la fois des bénéfices économiques, politiques (favoriser la démocratie pluraliste) aussi favoriser l'épanouissement d'une indispensable société civile. Du coup la cause universelle du Net se confond avec les intérêts des USA, première société de l'information de la planète (comme pendant la Guerre froide, ils se confondaint avec la défense universelle des libertés politiques).

La lutte pour la liberté du Net, se concrétise par le refus de principe de laisser des entreprises américaines vendre des techniques de censure à des gouvernements dictatoriaux mais aussi la volonté de fournir aux "blogueurs démocrates" de la formation ou des outils et logiciels pour échapper à la police. Même si les mauvais esprits font remarquer que les États Unis changent d'attitude lorsqu'il s'agit de lutter contre Wikileaks ou Megaupload...

Smart power, "nouvelle" diplomatie publique : le vocabulaire change, mais les fondamentaux restent les mêmes : l'Amérique retrouve spontanément sa tentation de convertir le reste du monde à ses valeurs pour protéger sa propre sécurité (en vertu du vieux principe kantien que les démocraties ne se font pas la guerre), mais aussi sa prospérité. Et elle tend facilement à se persuader que les outils de la communication garantissent la liberté et l'harmonie des peuples, ce qui est très exactement la définition de l'idéologie de la communication.

dimanche, 13 janvier 2013

La Turchia e la Primavera Araba: una analisi del soft power turco

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La Turchia e la Primavera Araba: una analisi del soft power turco

Antonio Cocco 

Ex: http://www.geopolitica-rivista.org/ 

La diffusione dei movimenti di protesta contro i regimi autoritari del Nord Africa e del Vicino e Medio Oriente ha creato nuovi spazi per il dispiegarsi dell’influenza turca nella regione. I partiti politici saliti al potere dopo la cacciata dei tiranni hanno cercato una piena legittimazione internazionale annunciando come il loro modello sarebbe stata la Turchia, indicata come felice esempio di conservatorismo, capitalismo e partecipazione democratica. Ankara ha così guadagnato una forte presa sulle società arabo-islamiche, che le ha permesso di accrescere il tanto proclamato soft power posto alla base della sua politica estera. Ciononostante i recenti sviluppi della guerra civile siriana e la possibilità che tale crisi si allarghi sino a diventare un conflitto regionale rischiano di riportare nuovamente la Turchia al suo tradizionale ruolo di gendarme della regione mediorientale. Date tali premesse questo articolo vuole analizzare gli effetti che la Primavera Araba e in particolare la crisi siriana hanno avuto sul soft power turco nella regione mediorientale.

La Primavera Araba: una sfida alla politica estera turca

Quando il suicidio del giovane Mohamed Bouazizi in una piazza di Tunisi nel dicembre 2010 ha dato inizio alla rivolta contro il regime del Presidente Ben Ali, la Turchia si trovava ad avere ottimi legami economici e politici con tutti i paesi dell’area mediorientale. In quella fase la politica estera turca si poneva come principale guardiano dello status quo. Il suo fine era quello di limitare al minimo tutti i possibili rischi di eventi traumatici per l’ordine esistente, ponendosi in maniera antagonista contro chi quell’ordine voleva o si presumeva volesse modificare. In quest’ottica possono essere analizzati sia il netto no espresso dal parlamento di Ankara al passaggio di truppe statunitensi in territorio turco all’epoca dell’invasione dell’Iraq nel 2003, sia il raffreddamento dei rapporti con Israele (visto come un continuo fomentatore di turbolenze e instabilità regionale). Questa che è stata una politica di real politik mal si adattava alla premesse teoriche che lo stesso capo della diplomazia turca, il Ministro degli Esteri Ahmet Davutoğlu, aveva definito in numerosi suoi saggi. Infatti, a suo dire il fine ultimo della politica estera della Turchia sarebbe dovuto essere quello di promuovere la tutela dei diritti umani e la diffusione di forme di governo maggiormente rappresentative nei paesi islamici, e il potenziamento del soft power di una Turchia forte della sua storia, della sua economia e della sua società libera e dinamica sarebbe stato il migliore mezzo per raggiungere tale scopo1.

Lo scoppio della Primavera Araba ha trovato Ankara (in maniera non dissimile dalle altre capitali europee e occidentali) impreparata a gestire una crisi di tale portata e quindi nell’immediato costretta a porsi in maniera attendista verso una situazione in continua evoluzione. Mentre in una prima fase l’appoggio ai movimenti di protesta è stato cauto e a tratti titubante, anche al fine di preservare i buoni rapporti con i regimi al potere, l’aumento delle violenze ha costretto la Turchia ad attuare una forte scelta di campo. Le condanne provenienti da Occidente nei confronti della repressione dei regimi al potere hanno fatto il paio con la spinta attuata dall’Arabia Saudita e Qatar nell’appoggio delle rivolte contro regimi laici considerati un avversario ideologico del conservatorismo wahhabita. Posta fra queste forze contrapposte, la politica estera turca rischiava di essere considerata una politica di puri interessi economici e strategici, così negando sia la sue premesse teoriche sia il suo potenziale ruolo di modello a livello regionale. In questa chiave è quindi possibile spiegare il progressivo irrigidimento dell’establishment turco verso i regimi arabi laici di Tunisia, Libia, Egitto e Siria.

Il caso della Siria, a differenza dei precedenti, si caratterizza per particolari elementi che lo rendono una insidia per la diplomazia turca. Infatti esso contiene al suo interno diverse aspetti, da quelli relativi alla tutela dei diritti umani e della libertà di espressione, a quelli prettamente settari rilevabili nel confronto fra sciiti e sunniti e riferibili al contesto regionale di “Guerra Fredda” fra l’Iran e il cosiddetto asse sunnita, sino a quello interno legato ai problemi di sicurezza nazionale che la crisi siriana pone in particolare rispetto all’azione del PKK che mantiene basi arretrate in Siria dalle quali potrebbe destabilizzare l’incerto equilibrio delle regioni orientali dell’Anatolia.

In questa chiave è necessaria una analisi dei diversi aspetti relativi al soft power turco in riferimento agli ambiti precedentemente indicati, sintetizzabili all’appetibilità del modello turco rispetto ai paesi arabi; alle implicazioni sul soft power di Ankara in riferimento alla contrapposizione sciiti-sunniti, sino alla valutazione dei risvolti interni che un inasprimento della crisi siriana che la trasformi in un conflitto regionale possa avere sulle più importanti linee guida della politica estera turca.

Una premessa teorica: il concetto di soft power

Il soft power è stato e continua ad essere un termine di largo uso in materia di politica internazionale, sin dalla sua prima definizione nel lontano 1990 ad opera dello studioso statunitense Joseph S. Nye. Nye indica come il soft power sia dato dalla capacità di uno stato di raggiungere “the outcomes it prefers in world politics because other states want to follow it or have agreed to a situation that produces such effects”2. Il concetto di soft power non è certo un concetto totalmente nuovo. Secondo Morghenthau, la lotta per il potere a livello internazionale è anche una lotta per la mente degli uomini: “la potenza di uno stato dipende non solo dall’abilità della sua diplomazia e dalla forza del suo esercito; ma anche da quanto riesca a conquistarsi le simpatie degli altri stati”3. Il soft power è dunque il potere di blandire e affascinare altri individui, soggetti di qualsiasi natura, popoli e stati al fine che essi agiscano secondo le proprie preferenze. Le principali risorse del soft power sono tre: l’attrazione che la cultura di un paese esercita nei confronti degli altri popoli; l’ideologia che esso incarna e le istituzioni internazionali gestite o egemonizzate dallo stato in questione.

Il rapporto fra soft power e hard power è punto essenziale. Nye indica come il soft power sia “a second aspect of power”, con ciò riprendendo la tradizionale concezione del potere espressa da Morgenthau che lo vede come un concetto onnicomprensivo che “può comprendere tutto ciò che stabilisce e mantiene il controllo dell’uomo sull’uomo”4. Ciò implica come fra le due declinazioni del potere vi sia una differenza nei mezzi e nelle modalità di azione ma non negli obiettivi, che consistono nell’aumento della potenza dello stato. Quale rapporto esiste fra le due tipologie? Esse sono distinte nei loro ambiti oppure ognuna di esse determina degli effetti sull’altra? Un eccessivo ricorso all’hard power può limitare la possibilità di fare ricorso al soft power e viceversa?

In via preliminare è possibile sostenere come fra le due tipologie di potere vi sia un rapporto che può andare dall’influenza (positiva o negativa) dell’una sull’altra alla reciproca indifferenza. Lo stesso Nye indica come il rapporto fra hard e soft power generalmente non sia un gioco a somma zero. Può infatti accadere che uno stato che fondi la sua politica estera sulla forza e sui successi militari della propria macchina bellica riesca a produrre un soft power basato sull’aura di invincibilità che si è guadagnato. Ciò non significa comunque che il soft power dipenda, in alcun modo, dall’hard power. Nye cita l’esempio del Vaticano, che detiene un forte soft power a dispetto dell’essere completamente privo di forza militare.

Il rapporto fra hard power e soft power è quindi un rapporto complesso. A volte i due poteri possono favorirsi, altre volte ostacolarsi a vicenda. In alcuni casi un eccesso di hard power può consumare il patrimonio di simpatia e di appeal che un paese detiene nel panorama internazionale. Ciò è avvenuto con l’invasione anglo-americana dell’Iraq, quando gli USA perdettero molta della simpatia guadagnata a livello globale in conseguenza degli attentati dell’undici settembre 2001.

Ritornando al caso di specie, è necessario valutare quali siano stati gli effetti di un sempre maggior ricorso all’hard power da parte della Turchia nel grande fenomeno che ha preso il nome di Primavera Araba. L’appoggio, economico e militare, dato ai ribelli libici prima, e ora all’opposizione siriana potrebbero avere intaccato il grande patrimonio di influenza che la Turchia aveva guadagnato nella regione. Di converso tale influenza potrebbe essere aumentata in alcuni settori, come ad esempio le fazioni politiche uscite vittoriose dalle rivolte, mentre potrebbe essere scemata in altri.

Date queste premesse teoriche è necessario analizzare il contesto specifico della politica estera turca per valutare se e come gli avvenimenti della Primavera Araba abbiano aumentato o meno e in quale ambito il soft power della Turchia.

Primavera Araba e soft power turco

Date le caratteristiche intrinseche del soft power, si vuole analizzare il soft power turco in due ambiti distinti. Il primo ambito è quello dei paesi del Nord Africa e in particolare quelli attraversati dalla “Primavera Araba”. Il secondo ambito è quello regionale del Medio Oriente allargato, dove si contrappongono differenze settarie fra sciiti e sunniti, e dove il bilancio riguardante il soft power turco appare maggiormente a tinte grigie.

1. Nord Africa

L’attrazione che la Turchia esercita nei confronti dei paesi nordafricani attraversati dalla Primavera Araba è senza dubbio aumentata rispetto al passato. La Turchia è sempre più percepita come modello che sintetizza le istanza democratiche e quelle sociali riferite allo sviluppo economico e alla preservazione dell’identità religiosa.

Se il soft power può essere misurato, almeno in maniera parziale, dai flussi commerciali, che danno un’idea dell’appeal per i prodotti, la società e la cultura del paese di provenienza, si scopre come la Turchia abbia esteso in maniera massiccia la sua influenza in particolare in Egitto. Infatti, secondo i dati forniti dall’ente turco di statistica, Turkstat, nel periodo aprile-settembre 2012 la Turchia ha ampiamente superato i dati sull’export relativi allo stesso periodo del 2011, attestandosi alla cifra record di quasi 2,8 miliardi di dollari, con un incremento del 40%5. L’Egitto sembra essere il paese più promettente per una diffusione dell’influenza turca seppure questo processo non sembra essere scevro da difficoltà interne. Nel nuovo rapporto fra Ankara e Il Cairo sono da annoverare, nel campo politico, il sempre maggiore feeling fra le leadership dei due paesi, col presidente turco Erdogan e il suo omologo egiziano Morsi impegnati in una stretta partnership in particolare nella recente crisi di Gaza. Nel campo economico la Turchia ha voluto dare il suo contributo al rafforzamento della sofferente economia egiziana garantendo un prestito di 1 miliardo di dollari al governo de Il Cairo, con il quale ha stretto una partnership anche nel campo della difesa che ha visto le forze armate turche ed egiziane impegnate in esercitazioni congiunte nel Mediterraneo orientale.

A livello politico la replicabilità del modello turco sembra ancora essere al di là dal venire. Infatti non vi è stata alcuna omologazione ideologica verso l’AKP del braccio politico della Fratellanza Musulmana, il Partito Giustizia e Libertà del Presidente Morsi. Infatti, se si eccettua la costituzione di un piccolo partito che si richiama direttamente all’AKP, costituito da fuoriusciti della Fratellanza, la Corrente Egiziana, la politica egiziana resta caratterizzata da un forte nazionalismo, che determina il rifiuto di qualsiasi modello esterno. Tale nazionalismo è confermato dal sondaggio condotto dalla Gallup6, secondo cui solo l’11% degli egiziani sarebbe favorevole all’adozione del modello turco, a fronte di una metà del campione che non mostra alcuna preferenza per il ricorso a modelli esterni. Il rapporto fra l’Egitto e la Turchia è visto da parte degli egiziani come una partnership fra due potenze regionali in ascesa, soprattutto dopo che l’appeal degli Stati Uniti è fortemente calato nel paese. Infatti, secondo il sondaggio Gallup7 del marzo 2012 il 60% degli egiziani valuta come positive le relazioni con la Turchia, mentre il rapporto con gli Stati Uniti, che rimangono il più grande finanziatore del Cairo, è valutato positivamente solo dal 28% degli intervistati (con un calo del 13% dalla rilevazione del dicembre 2011). Ciò dunque non significa che gli egiziani vogliano abdicare al loro tradizionale ruolo di potenza regionale in favore di Ankara. Secondo lo stesso sondaggio solo il 37% sarebbe disposto ad una leadership turca nella regione mediorientale, mentre il 44% si mostra contrario.

La Tunisia ha mostrato anch’essa una certa predilezione per il modello turco. Secondo l’attuale dirigenza tunisina impersonata da Ghannouchi, presidente del Partito Ennahda, vicino anch’esso alla Fratellanza Musulmana, “Turkey not only offers a model to emulate, but also has become an inspiration for Tunisians”, che furono sempre orgogliosi “to be part of the Ottoman Empire”8. La Turchia ha cercato di tessere forti legami commerciali con la Tunisia, che per caratteristiche istituzionali, economiche e sociali sembra essere, fra le nazioni nordafricane, la più vicina alla realtà turca9. La Turchia ha patrocinato la costituzione di un “Turkey-Tunisia-Libya tripartite forum on business”, riunitosi nel gennaio 2012 ad Hammamet, per favorire e potenziare gli investimenti turchi nell’area, e dove si è discussa la costituzione di una zona industriale turca a circa 100 km dal confine libico. Riguardo la Libia, la nuova dirigenza politica guarda alla Turchia come un fratello maggiore, ristabilendo lo stretto legame che legava i vilayet di Tripoli, Cirenaica e Fezzan all’Impero Ottomano10. La nuova Libia ha ipotizzato di applicare il modello educativo turco e di ispirarsi alla costituzione turca nei lavori di redazione della nuova costituzione. Per converso la Turchia si è impegnata nell’addestramento della polizia e nell’assistenza all’esercito libico11.

2. Medio Oriente

A livello regionale la Turchia ha perseguito una politica volta a raggiungere un ruolo di central country, nella veste di potenza regionale e di più importante rappresentante dei paesi musulmani. Questa politica a tratti “ecumenica” della Turchia, esemplificata dal principio guida della “zero problem policy towards neighbours” si è scontrata con i tradizionali problemi mediorientali legati alle differenze etniche, religiose e alle storiche contrapposizioni dell’area, che ne hanno impedito un’apprezzabile affermazione. La Primavera Araba è stata forse l’elemento dirimente per la valutazione del parziale insuccesso di tale politica in quanto ha riportato a galla le tradizionali contrapposizioni che la politica estera turca ambiva a voler superare. Con la Primavera Araba si è in parte sancita una diminuzione del soft power turco a livello regionale, in particolare a causa dell’interventismo in Siria, che ha alienato i favori di parte della popolazione di fede sciita che teme si tratti della manifestazione di una politica settaria. La durezza della politica turca nei confronti del regime di Assad fa infatti il paio con la minore enfasi indirizzata verso la repressione della primavera araba in Bahrein, dove le proteste dei manifestanti – a maggioranza sciita – contro la famiglia regnante di religione sunnita sono finora rimaste inascoltate. Il Bahrein pare essere l’esempio di una contrapposizione fra un asse sunnita, composto da Arabia Saudita e Qatar con la parziale partecipazione turca, e un blocco sciita, a guida iraniana, del quale fanno parte Hezbollah, il regime alawita di Assad e al quale sembra guardare con favore il nuovo Iraq post Saddam.

A corroborare questa ipotesi vi sono i dati del sondaggio The Perception of Turkey in the Middle East 2012 presentato dal TESEV, che mostra un calo della popolarità della Turchia nella regione mediorientale nel 2012. Infatti se solo nel 2011 la Turchia si classificava prima, raccogliendo il 78% di consenso, nel 2012 ha perso 9 punti percentuali, arrivando al 69%. Tale diminuzione ha una intensità maggiore in particolare nei paesi di religione sciita o dove gli sciiti costituiscono una importante minoranza. L’ammontare delle opinioni favorevoli è scesa dal 44 al 28% in Siria, dal 74 al 55% in Iraq, dal 78 al 63% in Libano e dal 71 al 59% in Iran12.

Il trend negativo si ripete anche riguardo le opinioni sul ruolo della Turchia nella Primavera Araba. Infatti mentre nel 2011 il 56% degli intervistati aveva espresso il suo favore verso la politica estera turca, nel 2012 tale percentuale è scesa al 42%.

Considerazioni sugli effetti della Primavera Araba in Siria sul sistema di soft power turco

La militarizzazione delle proteste in Siria ha creato non pochi problemi alla politica estera turca. Da un punto di vista esterno si è determinato il pericolo che la Turchia venga vista come uno stato che porta avanti una politica estera settaria, volta alla difesa della popolazione sunnita a discapito degli altri orientamenti religiosi. Ciò diminuisce la sua influenza sulle popolazioni di religione sciita, e di conseguenza limita le possibilità del paese di guadagnarsi il ruolo di potenza rappresentante dei musulmani nel mondo. L’attivo ruolo nella crisi siriana, oltre alla politica di vicinanza al popolo palestinese, ha fatto guadagnare alla Turchia i favori della popolazione sunnita come nel caso dell’Egitto, anche se non bisognerebbe sottovalutare la possibilità che il nazionalismo arabo possa impedire alla Turchia di assurgere al ruolo di più importante potenza regionale.

Nel campo interno, invece, l’acuirsi della crisi siriana ha fatto assurgere un problema di politica estera al livello di una questione di sicurezza interna turca, col rischio di veder indebolito lo stesso ambito applicativo dell’approccio basato sul soft power. Infatti la presenza di un conflitto agli immediati confini, le relative problematiche riguardanti il flusso di profughi e rifugiati e la presenza di basi arretrate in territorio siriano del Partito dei lavoratori del Kurdistan, il PKK, potrebbe spingere la Turchia ad abbandonare la sua predilezione per il soft power, così da riacquisire il suo tradizionale approccio basato sulla sicurezza. Infatti la crisi siriana, in particolare nel caso essa raggiunga un maggiore grado di conflittualità fra lealisti e ribelli, potrebbe presto trasformarsi in un conflitto regionale, una guerra sporca come quella combattuta in Libano durante gli anni Ottanta, nella quale si confronterebbero i diversi attori mediorientali. In questo scenario le basi del PKK in territorio siriano potrebbero divenire una vera e propria spina nel fianco, dal quale potrebbero essere alimentate attività di guerriglia e terroristiche. Una ulteriore militarizzazione del conflitto creerebbe una sorta di processo a catena che vedrebbe i militari turchi guadagnare un sempre maggiore ruolo nei processi decisionali al fine di preservare la sicurezza nazionale. Ciò potrebbe determinare una involuzione dell’approccio turco basato sul soft power, danneggiando il maggior cambiamento adottato dalla Turchia nella conduzione della politica estera e nella visione delle relazioni internazionali.


NOTE:
Antonio Cocco è dottore magistrale in Relazioni internazionali (Università degli Studi di Cagliari.

1. Per una visione del pensiero di Ahmet Davutoğlu sulla politica estera turca: A. Davutoğlu, Turkey's Foreign Policy Vision: An assessment of 2007, Insight Turkey, vol.10/No.1/2008, pp. 77-96; A. Davutoğlu, Turkey's Zero-problems Foreign Policy, Foreign Policy, 20 May, 2010.
2. Joseph S. Nye, Jr., Soft power, Foreign Policy, No 80, Twentieth Anniversary, Autumn 1990, p.166.
3. Hans J. Morgenthau, Politica tra le nazioni, Il Mulino, Bologna, 1997, p. 238.
4. Hans J. Morgenthau, op. cit., p. 17.
5. Nostra elaborazione su dati provenienti dal Turkish Statistical Institute.
6. Mohamed S. Younis, Turkish Delight? The Feasibility of The “Turkish Model” For Egypt, Turkish Policy Quarterly, Winter 2012, p. 107.
7. Ahmed Younis, Mohamed Younis, Egyptians Sour on U.S., Eye Closer Ties to Turkey, Iran, Gallup, March 23, 2012.
8. AA.VV., Ennahda leader says Turks are model, inspiration for Tunisia, Today’s Zaman, 15 July 2012.
9.Stefano Maria Torelli, The “AKP Model” and Tunisia's al-Nahda: from Convergence to Competition, paper presentato al BRISMES Annual Conference London School of Economics and Political Science 26-28 March 2012.
10.Libya's first political party looks to AK Party as model, Today’s Zaman, 28 December 2011.
11. AA.VV., Libya and Turkey in military deal: report, Libya Herald, 20 May 2012; AA.VV., Turkey Boosts Role in Libya by Training Police, Libya-businessnews.com, 28 July 2012.
12. Una consistente diminuzione delle opinioni favorevoli si è avuta anche in paesi quali la Tunisia (dal 91% del 2011 all’80% del 2012) e l’Arabia Saudita (dall’89% del 2011 al 77% del 2012), anche se non si rileva una tendenza univoca che giustifichi questo trend.

samedi, 12 janvier 2013

Soft power nell’era di Internet: si può parlare di imperialismo culturale nordamericano?

Soft power nell’era di Internet: si può parlare di imperialismo culturale nordamericano?

Luca Francesco Vismara
 
 
Soft power nell’era di Internet: si può parlare di imperialismo culturale nordamericano?

Il termine Imperialismo fa parte della sola grammatica politica riferente al periodo classico delle dominazioni delle grandi potenze oppure esso risulta termine attuale per comprende il nuovo esercizio di potere del governo di Washington orientato allo sviluppo di strategie di soft power attraverso il controllo dei media e Internet? Se l’imperialismo odierno non può essere compreso semplicemente come un sistema economico-militare di controllo e sfruttamento, esso si configura attraverso il potere delle comunicazione quale veicolo culturale del XXI secolo? Indubbiamente la fin troppo celebrata fine del periodo unipolare americano non risulta tale in termini di proiezione di potere.

 

Gli Usa e l’imperialismo

Quando si analizza il binomio Usa-imperialismo ci si imbatte in un rapporto complesso, ricco di significati e sfaccettature, piuttosto differente dall’esercizio e dalle pratiche di “conquista” europee, che deve ben tenere in considerazione le diverse stagioni dell’imperialismo storico che ha visto Washington protagonista. Interrogandoci sul ruolo dei protagonisti della vita delle relazioni internazionali dell’epoca d’oro del cosiddetto ”imperialismo classico”, caratterizzante la fine del XIX e parte del XX secolo, si vedrà, tra di essi, potenze quali Germania, Inghilterra, Francia, Giappone e Italia e in misura minore gli stessi Usa. Se le prime costituivano i propri domini impiegando l’uso della forza militare al fine di stabilire ivi un controllo economico-politico diretto, quest’ultima utilizzava altre “armi” rispetto a quelle del vecchio continente: colpi di stato, attacchi militari su commissione molto spesso non dichiarati, operazioni di intelligence e uso della propria politica di potenza per influenzare la condotta di interi paesi (sebbene vi fu una parentesi espansionista, riconducibile al modello europeo di conquista, corrispondente alla fase di post-unione delle tredici colonie fondanti il nuovo stato, con guerre di annessione sul finire del XIX secolo). Dal lato europeo, dunque, esercitare una forma di controllo e sfruttamento funzionale ai disegni economico-geopolitico delle potenze occidentali, dall’altro prediligere operazioni indirette e mascherate piuttosto che dichiarar guerra aperta. La forma di dominio era non dichiarata, talvolta poco visibile, ma funzionale al disegno di influenza Usa.

Con la fine della seconda guerra mondiale, tale forma di imperialismo a stelle e strisce ha continuato ad esistere, nei modi e nelle pratiche analizzate, affiancandosi al riuscito tentativo di imporre un modello valoriale Usa nel mondo. Infatti da quel periodo storico in avanti Washington decise di gettare i primi semi per la nascita di un nuovo Ordine Mondiale che si lasciasse alle spalle gli orrori del conflitto appena conclusosi, inaugurando un’epoca incentrata su uno spirito interstatale cooperativo, prettamente capitalista e meno dichiaratamente aggressivo (tuttavia funzionale ai propri scopi). L’architettura sovranazionale dell’Onu, più efficace della precedente Società delle Nazioni, il Gatt e la conseguente liberalizzazione e incremento degli scambi commerciali, sono solo alcune “invenzioni” americane che hanno tolto spazio ad un imperialismo, quello occidentale, basato sulle vecchie politiche di potenza, al fine di espandere sempre più i valori universali americani.

L’esprit economique si propagò rendendo le guerre di conquista sempre meno appetibili e popolari; questa nuova “formula” avrebbe dato i suoi frutti a cominciare dalla periodo storico della Guerra Fredda. Essa infatti si identificò come una nuova stagione dell’imperialismo che vedeva scontrarsi, come in un duello, i protagonisti del nuovo “mondo bipolare”. Questa parentesi storica aggiungeva nuovi elementi alla definizione di imperialismo arricchendola e in parte confondendola: la matrice ideologica divideva il mondo in zone di influenza e non in territori dominati. Le guerre non si tradussero più in conquiste territoriali ma furono azioni militari volte ad ottenere nuovi alleati e a sottrarne al proprio nemico. Nonostante lo scontro freddo tra le due superpotenze, il dominio del mondo non si basava sulla conquista pura ma sul controllo indiretto di alleati sempre più ex-colonie e sempre più spesso “paesi in via di sviluppo”. Con la successiva vittoria incontrastata della superpotenza americana aveva inizio la “conquista” del mondo senza più avversari.

L’imperialismo divenne dichiaratamente parte integrante della nuova grammatica di conquista geopolitica di Washington del nuovo periodo unipolare. Ma quale imperialismo? Se l’epoca delle grandi guerre coloniali era ormai un vecchio ricordo e lo scontro per l’ideologia era stato vinto, quale forma di “dominio” possibile? Era chiaro fin da subito al governo di Washington che essa avrebbe dovuto fondarsi su differenti presupposti poiché il mondo diveniva sempre più interdipendente-globale, i costi della politica risultavano sempre maggiori, le politiche stesse sempre più contestate dalla società civile in ascesa e i protagonisti della politica internazionale con cui dialogare erano i cosiddetti ex-paesi in via di sviluppo. Si scelse la matrice culturale-valoriale attraverso la promozione e la diffusione del modello e dei valori Usa e dell’ordine che progressivamente si stava instaurando (riprendendo in parte il disegno del Nuovo Ordine economico post-seconda guerra mondiale e focalizzandosi sempre più verso il paradigma culturale). La fine della Guerra Fredda fu il momento storico Usa di massima espansione del modello americano di democrazia e capitalismo, i quali furono solo alcuni dei principi ai quali le potenze fecero affidamento per la (ri)costruzione del nuovo mondo post-guerra fredda.

L’immagine di potenza Usa non solo scoraggiava potenziali nemici ma fece esultare il mondo intero per la “fine della storia”. Si gridò alla morte dell’imperialismo poichè non c’erano più avversari da combattere. Questo termine in realtà cessò d’esistere nella sua connotazione di mera conquista armata ridefinendosi per adeguarsi agli inizi degli anni ’90 come la vittoria del modello Usa su quello Urss. In quegli anni, nel pieno della vittoria unipolare, Nye coniò il termine ormai divenuto celebre di soft power, quale potere soffice di benevolenza e “imitazione” nei confronti del modello americano. Tutto ciò fa comprendere quanto fosse radicata la convinzione che questo stato sarebbe divenuto il poliziotto garante della costruzione del mondo-unipolare.

Tuttavia questo sogno di egemonia ha lasciato presto spazio, soprattutto con riferimento all’ultimo decennio e al periodo post-11 settembre, ad uno scenario differente: crisi economica mondiale, guerra-pantano stile Vietnam in Afghanistan, nuove potenze regionali-mondiali che di fatto divengono players di un mondo nuovamente tendente al multipolarismo. La domanda è dunque, alla luce di questi ostacoli, come è stato ridefinito il dominio Usa in termini di soft power con l’avvento dell’era informatica, della diffusione in termini di ciber-potere che di fatto permette ad attori non statali di partecipare alla vita politica internazionale e l’importanza chiave dell’uso della comunicazione politica in un mondo in cui gli stessi Stati Uniti non possono più operare quale guida solitaria?

Il soft power americano 2.0 e i suoi “prodotti”

Come anticipato, Nye, agli inizi degli anni ‘90, coniò il termine di soft power definendolo “l’altra faccia del potere” rispetto al più “costoso” hard power americano. Questo termine identifica la cultura popolare e i media quali fonti di “potere delicato”, che si affiancano alla più “comune” diffusione di una lingua nazionale o di un particolare insieme di strutture normative. “Una nazione con un ampio accumulo di soft power e con la benevolenza che genera può ispirare gli altri all’acculturazione” sosteneva Nye. Se in quel decennio tale studio sul potere era ancora tutto da analizzare, rapportato alla nuova stagione unipolare, agli inizi del nuovo decennio dell’anno 2000 tale termine ha acquisito un’importanza chiave per il futuro dell’agenda di politica estera di Washington. Sebbene, come accennato, la nuova parentesi storica post-11 settembre abbia messo in luce per certi versi un declino dell’attore Usa non più egemone globale, parimenti la proiezione di questo potere, sempre più importante nelle relazioni interstatali, non tende a diminuire ma dalla stagione unipolare ad oggi ha registrato una crescita.

L’importanza del potere soffice non deriva solo dalla nuova struttura tridimensionale di potere (un potere militare ancora marcatamente unipolare, una dimensione economica sempre più multipolare e relazioni di potere transnazionale che favoriscono il proliferare di nuovi attori della politica internazionale) che vede gli Usa non più poliziotto indiscusso dell’ordine globale; la stessa pratica di “portare guerra” – sempre più impopolare, i cui costi in termini di hard power risultano sempre più elevati rispetto alla benevolenza del soft power -, la rivoluzione informatica e l’importanza dei mass media rendono quest’ultima risorsa chiave per rafforzare ed esportare la propria immagine. Durante gli anni ’90 il potere americano aveva invaso gli spazi pubblici, politici e sociali altrui, con l’obiettivo di ri-orientare le scale di valori, condotte, istituzioni e identità dei paesi oppressi (culturalmente e non) per farli coincidere con gli interessi della classe governativa di Washington. Una forma culturale nella cui etichetta rientravano la lingua e gli ideali americani di democrazia, capitalismo e libertà economico-sociale tipici del periodo pre- e inizio post-Guerra Fredda.

Quello dell’era di Internet non ha mutato la sua natura di “potere invisibile” ma si è inevitabilmente ridefinito a causa di nuove sfide/opportunità della rivoluzione tecnologica delle telecomunicazioni. Come operano gli Usa in un’epoca ove la nuova benevolenza e persuasione vanno ricercate sempre più nel mondo cyber-artificiale del web nella vendita di prodotti sempre più all’avanguardia? Il marchio Usa sta elaborando strategie di marketing “culturale”? Nel mondo contemporaneo, Apple, Facebook, Twitter sono alcuni dei prodotti nuovi del brand americano. In particolare Facebook è divenuto uno strumento “indispensabile” per la vita di tutti i giorni. Non è possibile non trascorrere almeno un’ora al giorno ad aggiornare il proprio profilo e curiosare, commentando, quello altrui, di conoscenti e non. Twitter sta prendendo sempre più piede in Italia ma non gode ancora del successo del prodotto americano del giovane Mark Zuckerberg. Questi sono indubbiamente i nuovi veicoli di acculturazione per eccellenza, come li definirebbe il Nye degli anni ’90. Essi operano più o meno vistosamente uniformandoci a un prodotto, quello Usa, che con l’ascesa di Twitter promuoverà sempre più il nuovo modello stampo “Grande Fratello” come Orwell predisse in una delle sue opere più famose.

Apple e i suoi “i-products” rinnovano l’immagine Usa di una società che può avere tutto a portata di mano – basta un’app e un paio di dita della mano – e la cui tecnologia non incontra limiti. Tutto il mondo fa la fila ore e ore per un’oggetto tascabile simbolo del soft power americano indispensabile per la nostra vita di tutti i giorni. Da non dimenticare gli stessi videogiochi di ultima generazione (Giappone e Usa si spartiscono sostanzialmente il mercato legato alle ultime console), soprattutto quelli di guerra che trasformano il nemico in un iracheno da massacrare oppure in un islamico terrorista da eliminare con foga. Le menti dei più giovani vengono inevitabilmente influenzate, quasi fossero territori da colonizzare. Internet e la comunicazione “miscelata al marketing” sono le risorse principale per coloro i quali vogliono imporre un soft power, il quale risulta sempre più importante per comprendere le politiche dei grandi player mondiali la cui immagine-reputazione risulta la pietra miliare.

La comunicazione, per chi possiede prodotti d’informazione globali e piuttosto attraenti quali la CNN, spesso diviene disinformazione o mal-informazione; a tal riguardo nello stallo siriano si tacciono i finanziamenti americani a favore di presunte Ong siriane atte ad operare in favore di un più grande cambiamento del Medio-Oriente pro-Washington. E i media occidentali diffondono il messaggio americano spesso dimenticandosi di essere più obiettivi possibili e di non dare giudizi a priori e avventati. Più i mezzi di comunicazione sono influenti più è possibile autogiustificare le proprie azioni mascherandosi dietro la propria reputazione creata ad hoc dall’uso del soft power. Quest’ultimo si manifesta anche grazie alla tirannia delle agenzie di rating che danno giudizi spesso non convincenti per usare un eufemismo (recente il caso Italia) sul rischio paese; non solo, esse influenzano e prendono possesso del mercato operando spesso in qualità di mass media disinformante. Nell’era di Internet e delle telecomunicazioni fare una certa politica estera è sempre più possibile attraverso la condivisione di simboli e messaggi che devono piacere al pubblico mondiale.

Conclusione: si può parlare di imperialismo culturale Usa?

Non è semplice affermare se esista o meno un imperialismo culturale 2.0 di stampo Usa; è tuttavia innegabile che il soft power americano non trovi avversari credibili (Cina e il Beijing Consensus?) verso la propria ascesa e diffusione. Prova ne sono il potere d’informazione e i messaggi veicolati in tutto il mondo funzionali all’immagine Usa; non solo, i prodotti a marchio stelle e strisce risultano all’avanguardia e altamente appetibili. Nell’era di Internet, Facebook e Twitter sono veri e propri strumenti di acculturazione; tuttavia il cyberspazio è geograficamente più esteso e sconosciuto e gli Usa non hanno il dominio (per usare un termine imperialista) di tale spazio, sebbene stiano cominciando a comprenderne l’importanza. Chi riuscirà a prendere possesso e a capire le dinamiche di questo nuovo spazio di potere sarà veramente in grado di divenire il nuovo “imperialista”? Sicuramente aumenterà le proprie risorse di potere e dovrà maneggiarle con cura per trasformarlo in soft power. Il cyberspazio è il luogo della diffusione del potere, ove le barriere d’ingresso sono talmente basse che chiunque può “partecipare” alla vita della politica internazionale.

Possedere mass media influenti significava di fatto porre barriere altissime alla entrata di nuovi players che potessero “contrastare” i messaggi veicolati. E con l’avvento di Internet? La situazione si capovolge poiché il web permette a tutti di creare e gestire reti sociali transnazionali, fare politica e informazione. Gli spazi di potere si allargano, gli attori protagonisti sono sempre più sfuggenti e la rete non favorisce un vero e proprio controllo ma favorisce la diffusione. Ne deriva che per alcuni versi è possibile parlare di imperialismo Usa per quanto riguarda l’importanza di un soft power che non è ancora soft power 2.0. I prodotti a marchio Usa accompagnati dalla forza della tele-informazione costituiscono ancora oggi il nucleo del potere soffice, mentre, sebbene Facebook e Twitter siano risorse di potere non indifferenti, il dominio del web è lungi dall’essere realtà.


NOTE:
Luca Francesco Vismara è dottore in Relazioni internazionali (Università degli Studi di Milano) e collabora col Programma di ricerca "Economia e relazioni internazionali" dell'IsAG.