Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 23 décembre 2024

Les Houthi et l’avenir de l’Égypte

de5a8db1a7f9031acd51831cee66223c.jpg

Les Houthi et l’avenir de l’Égypte

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/gli-houthi-e-il-futuro-dellegit...

Le leader d'Ansarallah, Abdul Malik al-Houthi, qui dirige les forces zaydites, une faction particulière du chiisme en guerre depuis longtemps contre la coalition du Golfe menée par l'Arabie saoudite, lance une alerte qui devrait nous préoccuper.

L’Égypte doit être extrêmement prudente, déclare-t-il. Elle doit se méfier d’Israël, avec lequel elle semble aujourd’hui entretenir de bonnes relations diplomatiques.

Car la situation, tant internationale qu’interne, apparaît en rapide détérioration. Et Tel-Aviv pourrait en profiter pour déstabiliser l’Égypte.

Présentée ainsi, cela pourrait sembler une invective dénuée de véritable signification, une exagération de la part d’un chef terroriste dans une région reculée.

Mais ce n’est pas le cas. Tout d'abord, car les Houthi, rebelles yéménites de confession zaidite, ne sont pas un simple groupe de terroristes que l'on pourrait juger négligeables.

Au contraire, ils représentent une force militaire notable, capable de tenir en échec depuis des années les Saoudiens et d'autres pays du Golfe. Et cela malgré l’appui aérien important que la coalition du Golfe reçoit des États-Unis et du Royaume-Uni, sans oublier une autre mission de contrôle naval à laquelle l’Italie participe aussi.

abdul-malik-al-houthi-134539941-16x9_0-1839080098.jpg

Mais, malgré ce déploiement massif de forces, les Houthi ont non seulement réussi à maintenir le contrôle de leur territoire dans le nord du Yémen, mais ils ont aussi rendu extrêmement difficile le passage par Suez. Ce passage est désormais, de fait, interdit aux navires américains et européens, contraints de contourner l’Afrique, avec les répercussions économiques que l’on peut facilement imaginer.

En outre, les Houthi se sont clairement positionnés en faveur de Gaza et des Palestiniens du Hamas, lançant à plusieurs reprises des attaques de missiles contre Israël. Ces attaques semblent inefficaces, mais suffisent néanmoins à inquiéter Netanyahu et son gouvernement, qui ripostent durement, par des attaques aériennes, et frappent les bases houthis au Yémen.

Ainsi, ce qu’a déclaré Abdul Malik doit être pris au sérieux. Terriblement au sérieux, puisqu’il semble prévoir une déstabilisation de l’Égypte, une hypothèse que nulle autre source, à ma connaissance, n’a évoquée jusqu’à présent.

Pourtant, il s’agit d’une menace réelle. Car le gouvernement d’al-Sissi semble solidement au pouvoir, mais repose en réalité sur une poudrière.

Les factions liées aux Frères musulmans bouillonnent sous une apparente tranquillité. Et elles se préparent à une revanche.

th-2516089594.jpg

Elles peuvent d’ailleurs probablement compter sur le soutien, ou du moins la connivence, des Européens et, surtout, des Américains.

Ainsi que d’Israël, qui aurait tout intérêt à voir une Égypte déstabilisée.

Une Égypte entre les mains de factions jihadistes qui, rappelons-le, n’ont jamais créé de problèmes à Tel-Aviv. Au contraire, elles ont toujours joué leur rôle pour combattre le front chiite, considéré, à juste titre, par Netanyahu, comme son principal et plus menaçant adversaire.

Une Égypte déstabilisée, ou pire, contrôlée par les Frères musulmans, serait, de fait, utile à toutes les forces qui souhaitent maintenir le monde arabe dans une position de faiblesse et de soumission. Ces forces, nombreuses, sont souvent difficiles à identifier.

Le chef des Houthi a lancé son alerte, avertissant publiquement al-Sissi.

Nous verrons dans les prochains mois s’il s’agissait simplement d’une déclaration stérile.

Sincèrement, je crains qu’il s’agisse d’un avertissement très sérieux et préoccupant.

21:00 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : houthi, actualité, yémen, égypte | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 23 décembre 2023

Le spectre de Suez

imsuezage.jpg

Le spectre de Suez

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/lo-spettro-di-suez/#google_vignette

Un spectre plane sur les ports de toute l'Europe. Un spectre qui fait perdre le sommeil aux exportateurs, aux armateurs et aux commerçants: la fermeture du canal de Suez.

Ce qui mettrait en crise l'ensemble du commerce méditerranéen. Un véritable tremblement de terre pour l'économie mondiale.

2016-636133400161913404-191.gif

FDL2a3uXsAIPZDU.jpg

Un précédent célèbre, bien qu'oublié aujourd'hui. En 1956, le raïs égyptien Nasser décrète la nationalisation de Suez, jusqu'alors contrôlé par une société anglo-française, au trafic commercial. Il pouvait le faire, même légalement, puisque le canal appartenait à l'Égypte. Mais la réaction de Londres et de Paris fut une intervention militaire. En soutenant d'abord une offensive israélienne. Puis en intervenant directement. Un conflit de quelques mois, dont on parle peu, mais qui fut sanglant. Et surtout, il changea la carte géopolitique du monde.

C'est Washington, qui avait initialement soutenu l'initiative, qui y a mis fin. En coopération avec Moscou, qui menaçait par ailleurs d'intervenir par tous les moyens aux côtés du Caire.

La crise hongroise était également en cours et le président Eisenhower craignit sagement l'éclatement d'un nouveau conflit mondial.

Les effets de la crise furent considérables. Dévastateurs pour l'Empire britannique, qui perdit même le soutien du Commonwealth. Ruineux pour les ambitions françaises. À tel point que De Gaulle fut plus tard évincé de l'alliance militaire de l'OTAN, tout en y restant politiquement ancré.

Et le panarabisme de Nasser connut son heure de gloire.

Aden-01_499352_d5b7fe372310403e67358432fd271a0f.jpg

Mais aujourd'hui, le risque de crise à Suez n'est pas le fait d'un État, mais d'un mouvement de guérilla. Celui des Houthis du Yémen du Nord. Il s'agit de l'organisation politico-militaire des chiites-zaïdites, en lutte acharnée contre le gouvernement de Sanaa et contre les Saoudiens depuis 1993. Cette organisation s'est formée avec des coordonnées idéologiques précises. Un antiaméricanisme viscéral et un antisionisme connexe. Et avec une forte connotation de revendications sociales.

Une connotation qui découle de l'école zaïdite, également connue sous le nom de chiite pentesimain, qui a traditionnellement une vision populaire, presque "démocratique", de l'imamat. Et qui a toujours privilégié les revendications politiques et sociales sur les questions théologiques.

Les Houthis - du nom du clan des deux fondateurs, Mohammed et Hyseyn al-Houthi - sont des gens durs.

Ils résistent depuis près de trois décennies à la guerre menée contre eux par les Saoudiens, leurs ennemis politiques et religieux, qui ont toujours reçu le soutien des États-Unis.

Une guerre sanglante, un véritable génocide, passé sous silence par les médias, de la population zaïdite.

Mais les Houthis ont tenu bon. Et, finalement, Riyad a été contraint à une trêve. En raison également de la détente des relations avec Téhéran. Lequel est le grand protecteur des Houthis.

Aujourd'hui, cependant, le mouvement Zaidi a levé le drapeau de la guerre, prenant ouvertement parti contre Israël (et les États-Unis qui sont détestés) dans la crise de Gaza.

Les Houthis ne se sont toutefois pas contentés de paroles, comme la plupart des pays arabes. Ils passent à l'action en attaquant des navires marchands - israéliens, américains et généralement occidentaux - en route pour Suez. Des attaques menées à la fois par des missiles lancés depuis la terre ferme et par de véritables actes de piraterie.

La gravité de la situation peut être pleinement appréciée si l'on considère la flotte américaine - et une coalition internationale dont un navire italien fait également partie - qui se dirige vers la zone.

Toutefois, compte tenu du type de guerre hybride menée par les Houthis, il sera très difficile pour la coalition occidentale de sécuriser le passage de Suez.

Un problème pour l'Europe, avant tout. Mais aussi pour la Chine et l'Inde, qui ont besoin du Suez en toute sécurité pour leurs propres grands couloirs commerciaux.

Un problème qui, surtout, ne peut être réduit de manière simpliste à l'intempérance d'un "groupe terroriste". Comme le font les grands journaux italiens les rares fois où ils en parlent.

Il s'agit d'un problème qui doit être replacé dans le contexte de la crise globale d'équilibre que nous vivons.

Un autre moment de cette guerre mondiale anormale et asymétrique.

Et une phase extrêmement dangereuse pour notre avenir.

jeudi, 18 mai 2017

Yémen : la Russie entre en jeu !

yemencarteguerre.jpg

Bernhard TOMASCHITZ :

Yémen : la Russie entre en jeu !

Moscou cherche à jouer les intermédiaires dans le conflit du Yémen afin de trouver une solution et de se réserver une base navale en Mer Rouge

L’opinion publique internationale n’en est guère informée mais un terrible conflit secoue le Yémen depuis trois ans. Au moins 10.000 personnes y ont trouvé la mort. Plus de trois millions de réfugiés ont quitté leurs foyers. Des millions de Yéménites luttent pour leur simple survie, constate l’agence de presse Reuters. Ce conflit qui tourmente le sud de la péninsule arabique oppose le président destitué Abed Rabbo Mansur Hadi, soutenu par une partie de l’armée régulière et par des milices tribales sunnites, à l’ancien président Ali Abdullah Saleh, soutenu, lui, par les rebelles houthi d’obédience chiite.

Mais, on doit dire que la guerre qui sévit au Yémen est plutôt un conflit par clans interposés. Les rebelles houthi peuvent compter sur le soutien de l’Iran, tandis qu’une alliance militaire soutenue par l’Arabie saoudite intervient dans le pays depuis mars 2015. Cette alliance bénéficie à son tour du soutien logistique des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. Cette alliance a pour objectif de réduire toute influence de l’Iran dans la région. L’Occident et ses alliés accusent en outre l’Iran de déstabiliser le Yémen. Le 19 avril 2017, le nouveau ministre américain de la défense, James Mattis, un faucon, déclarait : « Nous allons freiner tous les efforts de l’Iran visant à déstabiliser des pays tiers et de soutenir une milice semblable à celle du Hizbollah au Liban. L’essentiel est que nous sommes en bonne voie de le faire ».

Les Etats-Unis ne se bornent pas à soutenir l’Arabie saoudite dans sa guerre contre le Yémen voisin mais interviennent eux-mêmes militairement dans le conflit. La revue spécialisée en questions militaires et diplomatiques National Interest écrit : «A peine deux semaines après son accession au pouvoir, le Président Donald Trump a ordonné une attaque militaire parce qu’il subodorait des menées d’Al-Qaeda dans le pays ». Fin mars, le Washington Post relatait qu’au sein du gouvernement américain, le ministre de la défense Mattis insistait pour que les Etats-Unis mettent un terme aux limites que le Président Obama avait imposées à tout soutien militaire aux pays du Golfe qui participaient à la guerre du Yémen. De plus, dans un mémorandum adressé au conseiller national en matière de sécurité, H. R. McMaster, Mattis demandait à ce qu’un soutien soit apporté « dans une certaine mesure » à l’opération menée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis au Yémen. Ce soutien devait aussi avoir pour but de « reconquérir un port important dans la Mer Rouge ». En fin de compte, dixit Mattis, il s’agit « d’aider à combattre une menace commune ».

En tenant compte de la perspective d’une aggravation du conflit yéménite, la Russie offre ses services pour un règlement à l’amiable. Fin avril, le caucus néoconservateur « American Enterprise Institute » a sorti un rapport intitulé « Critical Threats Project » dans lequel on pouvait lire que la Russie, sans passer par l’intermédiaire de l’ONU, cherchait en fait une solution politique à la guerre du Yémen afin de se réserver une base navale dans ce pays. Les Emirats arabes unis ont joué un rôle-clef dans ces négociations parce qu’ils estimaient qu’un éventuel accord de paix constituait une voie commode pour bloquer l’influence iranienne au Yémen sans devoir encore soutenir les frais d’une guerre. Récemment les liens entre la Russie et les Emirats arabes unis sont devenus plus étroits qu’auparavant. Ce nouveau partenariat informel est décrit par la boite à penser américaine « Atlantic Council » qui explique que Moscou utilisera dans l’avenir les Emirats comme plaque tournante pour se tailler des créneaux au Yémen, dans d’autres parties du Proche et du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Asie. Les Emirats, de leur côté, cherchent, en s’appuyant sur la Russie, leur nouveau partenaire stratégique, à augmenter leur poids dans la région, pour se positionner comme des intermédiaires incontournables.

yrmrnhouthi.jpg

L’ancien président du Yémen, Saleh, contrôle la partie occidentale du pays avec ses milices houthi. Il a promis à la Russie de soutenir ses demandes d’un point d’appui naval dans le pays, estime l’ « American Enterprise Institute ». Si ce scénario se concrétise, alors, effectivement, le poids de Moscou dans le Proche et Moyen Orient augmentera considérablement : « Ce point d’appui permettra à la Russie d’exercer sa puissance sur les voies maritimes les plus fréquentées du globe et sur le Détroit de Bab El Mandeb, qui, comme on le sait, est un goulot d’étranglement hautement stratégique ». L’ « Atlantic Council », très lié au Pentagone, commente, lui aussi, les plans attribués au Kremlin.

Selon cette boite à penser américaine, la Russie obtiendrait un port d’attache à Aden, lui octroyant du même coup une base supplémentaire entre la Mer Méditerranée et la Mer d’Arabie. A cela s’ajoute que la Russie envisage de se doter d’une marine de haute mer légère, rapide et moderne. Avec le point d’appui potentiel qu’elle acquerra, le cas échéant, à Aden, « sa stratégie sera considérablement consolidée dans toutes les opérations navales dans la région du Proche et du Moyen Orient ».

Dans l’ensemble, on peut dire que ces tractations signifient le grand retour de la Russie aux extrémités méridionales de la péninsule arabique. En effet, au début des années 1990, l’Union Soviétique possédait des points d’appui au Sud-Yémen (avant la réunification yéménite), qui était un Etat communiste et vassalisé.

Il faudra dorénavant observer avec la plus grande attention quelles seront les réactions américaines. Une chose est sûre : pour Washington, ce grand retour est un cauchemar géostratégique. Si Moscou réussit à s’incruster au Yémen, les Russes contrôleront partiellement la Mer Rouge.

Bernhard Tomaschitz.

(article paru dans « zur Zeit », n°19/2017, Vienne, http://www.zurzeit.at ).