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mercredi, 28 février 2024

Les migrations, une question qui divise les régionalistes européens ?

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Les migrations, une question qui divise les régionalistes européens ?

Peter Logghe

Source : Nieuwsbrief Knooppunt Delta, no 187, février 2024

L'exemple de la Corse

La situation des nationalistes corses peut s'avérer intéressante pour attirer notre attention sur le contexte de cet article. Le 2 mars 2022, Franck Elong Abé, un djihadiste de 36 ans, originaire du Cameroun africain et ancien détenu des Américains à Bagram et en Afghanistan, a été nommé responsable de l'entretien de la salle de sport de la prison de la ville française d'Arles. Yvan Colonna, auteur présumé de l'assassinat du préfet français de Corse, M. Erignac, et nationaliste corse connu, est également détenu et fréquente la salle de sport de la prison. Rapidement, les deux se battent. Le nationaliste corse Yvan Colonna mourra de ses blessures à l'hôpital de Marseille le 21 mars 2022 (source : Conflits, Revue de Géopolitique, Jan-Feb 2024, no 49).

Le mouvement nationaliste corse officiel accuse le gouvernement français d'échec politique, échec qui a causé la mort de Colonna. L'islamisme djihadiste du tueur n'est pas mentionné. Une partie de la jeunesse nationaliste n'accepte plus ce silence. Olivier Battini, étoile montante de la jeunesse nationaliste, déclare: "On a essayé de nous faire taire sur les origines islamiques du tueur de Colonna, en désignant uniquement l'État français comme responsable. J'ai résisté et j'en ai tiré les conséquences en démissionnant de Femu a Corsica (parti autonomiste)". Battini a fondé le mouvement Palatinu dans la foulée. Il sait de quoi il parle, puisqu'il a lui-même été interné un temps pour une prétendue tentative d'assassinat d'un fonctionnaire français en Corse. Le Palatinu, quant à lui, a fait parler de lui pour des manifestations et des émeutes en 2023 dans des quartiers gangrenés par le trafic de drogue. Là encore, le Palatinu dénonce l'immigration comme cause possible de la désintégration sociale due à la violence et au trafic de drogue.

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Les régionalistes sont apparus pendant la période de décolonisation

La Corse est un bon exemple, car la génération nationaliste la plus âgée pense encore pleinement dans le cadre idéologique de l'émergence du nationalisme corse d'après-guerre. Les minorités ethniques européennes opprimées ont aligné leur lutte sur les soulèvements des autres continents contre le colonialisme européen, parce qu'il s'agissait d'une oppression similaire, disaient-ils. Peu à peu, cet angle d'attaque s'est estompé, notamment lorsque certains dirigeants nationalistes corses ont demandé à l'Italie d'accueillir les clandestins sauvés en mer. Dès cette époque, de jeunes nationalistes s'agitent et ne manquent pas d'en faire part à leurs dirigeants politiques.

Gilles_Simeoni_(cropped).jpgQuoi qu'il en soit, le régionalisme politique a fait du chemin. Dans le sillage de la décolonisation du tiers-monde, qui a pris son essor dans les années 1960, ces jeunes régionalistes ont glissé leur propre problématique, en douceur, dans l'idéologie de la décolonisation. Ainsi, le fils d'Edmond Simeoni, fondateur de l'ARC, Gilles Simeoni (photo), est un avocat actif à la Ligue des droits de l'homme. Les exemples sont légion.

Ces régionalistes, qui ont placé le signe de l'égalité entre la lutte pour l'indépendance algérienne et la lutte pour l'indépendance bretonne, ont été accueillis à bras ouverts par la gauche. Jusqu'au début des années 2000, cette stratégie a même semblé fonctionner dans une certaine mesure, et divers peuples d'États multinationaux comme la Grande-Bretagne, l'Espagne et la France se sont vu attribuer des compétences régionales (en matière d'éducation, de culture, de politique linguistique, etc.) Avec la création de la CECA, puis de l'UE, ils ont trouvé leur place idéologique auprès des Verts et de l'Alliance libre européenne.

Cependant, cette même UE, dont les régionalistes de gauche espéraient qu'elle remplacerait les États-nations, s'est avérée être aussi un bouchon sur la bouteille comme l'étaient et le sont les États-nations eux-mêmes. Le dernier pas des régionalistes et des autonomistes, le pas vers l'indépendance de leur région, l'Union européenne n'a pas voulu le faire (comme l'a montré la question catalane). La question de l'élargissement à l'Est (Ukraine, Géorgie, Balkans) semble bien plus importante que l'accueil de nouveaux Etats membres comme la Catalogne, l'Ecosse, la Flandre... à la table des négociations.

En outre, le mouvement de décolonisation, précédé en cela par les universités anglo-saxonnes, s'est déplacé de plus en plus vers la gauche sur le plan idéologique. A Strasbourg et à Rennes, le discours racial et le débat sur la couleur de peau ont progressivement pris le pas sur la question de la protection du breton et de l'alsacien. Le cadre de la décolonisation a pris le pas sur le culturel-linguistique.

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Le nationalisme écossais se tire une balle dans le pied, paralysant les efforts d'indépendance

Beaucoup de régionalistes européens accrochent leur charrette à un agenda socialement progressiste, avec des notions d'"intersectionnalité des luttes". À Édimbourg, le Premier ministre écossais, Humza Yousef, a célébré sa nomination au poste de Premier ministre sur Twitter par une prière islamique dans son bureau, en compagnie de sa famille. Il a fait du projet de loi sur la réforme de la reconnaissance du genre et de la reconnaissance des personnes transgenres son cheval de bataille, mais - comme tout le monde le pressentait - il a en même temps provoqué une scission au sein de son propre parti, le Scottish National Party, avec ce projet de loi. Ash Regan, ministre des collectivités, a démissionné et une pétition de protestation contre cette "révolution du genre", lancée par Kate Forbes et d'autres, a depuis été signée par des milliers de membres du parti. Plusieurs organisations féminines écossaises ont déjà fait part de leurs inquiétudes quant à l'étendue de la reconnaissance des personnes transgenres et craignent que cette reconnaissance ne se fasse au détriment des femmes écossaises. Le détournement du débat public en Écosse vers des questions sociétales ultra-minoritaires a entraîné une diminution du soutien à l'indépendance de l'Écosse. Un second référendum sur l'indépendance semble plus éloigné que jamais.

Des élections sont prévues en Écosse en 2025 et les observateurs estiment que le parti travailliste écossais pourrait revenir au pouvoir. Le parti travailliste écossais a déjà reçu des félicitations encourageantes de la part du parti parent du Royaume-Uni.

Il est temps que les régionalistes, comme en Corse, osent dire adieu à des idées qui ne font qu'alourdir, miner et démentir leur cause régionaliste. Et qu'ils osent affronter la réalité de 2024.

Peter Logghe

Conflits, Revue de Géopolitique, janv-fév 2024, n° 49, p. 21 et s.

contact@revueconflits.com

Adresse :  32, rue du Faubourg Poissonnière, F-75010 Paris

jeudi, 17 décembre 2015

Sept films à voir ou à revoir sur les Nations sans Etat

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Sept films à voir ou à revoir sur les Nations sans Etat

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Depuis la fin de la période de décolonisation amorcée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au milieu des années 1970, les notions d'éternité et d'intangibilité des frontières nationales sont durablement inscrites dans la représentation mentale collective. Or, ces derniers mois, les aspirations à l'indépendance de l'Ecosse et de la Catalogne bouleversent ces certitudes qui n'avaient pas été aussi ébranlées, au sein des Etats piliers de l'Union européenne, depuis de nombreuses décennies. De nombreux Etats européens ne masquent pas leurs craintes que ces exemples ne créent un lourd précédent. En réalité, qu'est-ce qu'une frontière continentale si ce n'est une limite issue d'un traité de guerre ou d'une union par mariage ? Ainsi, les luttes indépendantistes constituent-elles un légitime moteur de l'Histoire. Depuis la dissolution de l'ancien bloc soviétique au début de la décennie 1990, qui a favorisé l'accession ou la ré-accession à l'indépendance de nombre d'anciennes républiques soviétiques, ce ne sont pas moins de six pays qui sont parvenus à l'indépendance ces vingt dernières années : de l'Erythrée en 1993 au Soudan du Sud en 2011, en passant par le micro-Etat du Pacifique des Palaos, le Timor Oriental et le Monténégro. Il nous sera permis d'être plus circonspect concernant le sixième cas. Car si de nombreux Etats européens ne masquent pas leurs craintes de voir leurs frontières remises en cause, ces Etats-dit-Nations, si prompts à se crisper sur leur intégrité territoriale avaient su se montrer plus favorables, en 2008, à soutenir l'indépendance de l'Etat-mafieux islamiste du Kosovo-et-Métochie, au détriment du caractère de berceau originel que représente le Kosovo pour une Nation serbe qui n'avait pas voulu se plier aux injonctions du Nouvel Ordre mondial... Mauvais apprentis sorciers, les arroseurs sont aujourd'hui les arrosés. "Aujourd'hui la Serbie, demain la Seine-Saint-Denis, un drapeau frappé d'un croissant flottera sur Paris".... La chanson prophétique Paris-Belgrade du groupe de rock In Memoriam fait dramatiquement écho aux récents événements survenus dans la très jacobine Nation française.

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LA BATAILLE DE CULLODEN

Titre original : The Battle of Culloden

Film anglais de Peter Watkins (1964)

16 avril 1746, à Culloden, des membres des différents clans rebelles écossais des Highlands, menés par le Prince Charles Edouard Stuart, font face aux troupes anglaises du Roi George II de Grande-Bretagne, que commande le Duc de Cumberland. Il ne faut pas plus d'une heure pour que le destin de la bataille soit scellé. Les Ecossais, mal organisés, sont mis en pièce par l'armée royale mieux équipée. Le combat terminé, la pacification du gouvernement britannique est d'une férocité sans nom. L'objectif avoué est de totalement annihiler le système clanique et, ainsi, de prévenir toute nouvelle rébellion dans les Hautes terres. Ils seront plus de deux mille Ecossais à périr dans la lande marécageuse ce jour-là...
Watkins a curieusement opté pour un montage singulier. Aussi, le film se présente-t-il comme un documentaire d'actualités tourné caméra à l'épaule. Le réalisateur se balade donc sur le champ de bataille et interviewe les combattants çà-et-là sans manquer pas de commenter le déroulé de la bataille en voix off. Choix risqué mais, ô combien, magistralement réussi ! Tourné avec des comédiens amateurs et un maigre budget, on est loin de la grande production peu avare en mélodrame. Et voilà tout le charme de Watkins, le drame brut l'emporte sur le pathos, finalement assez anachronique. Culloden, c'est un peu un Braveheart réussi ! Un chef-d'œuvre !

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BRAVEHEART

Film américain de Mel Gibson (1995)

En cette fin de treizième siècle, l'Ecosse est occupée par les troupes d'Edouard 1er d'Angleterre. Rien ne distingue un certain William Wallace de ses frères de clan lorsque son père et son frère meurent opprimés. Bien au contraire, Wallace souhaite avoir le moins d'ennuis possibles avec la soldatesque anglaise et s'imagine parfaitement en modeste paysan et époux de son amie d'enfance, Murron MacClannough. C'est en secret que les amoureux se marient afin d'épargner à la belle de subir le droit de cuissage édicté par la couronne anglaise. Mais Murron est bientôt violentée par un soldat anglais, provoquant la fureur de Wallace. La jeune femme est étranglée devant ses yeux. Wallace ne pense plus qu'à se venger. La garnison britannique du village est massacrée, première bataille d'une longue série de reconquête des clans écossais à l'assaut des Highlands...
Oui, Braveheart est un beau film ! Oui, les scènes de bataille sont fabuleuses ! Oui, le personnage de Wallace, imaginé et interprété par Gibson, ferait se soulever n'importe quel militant et s'enhardir du courage nécessaire lorsqu'il n'y a plus d'autre solution que le combat. Oui, Wallace est un héros nationaliste qui ne laisse pas indifférent. Oui, Gibson maîtrise toutes les ficelles du Septième art dès son deuxième long métrage. Oui, il est normal que vous ayez irrésistiblement eu une furieuse envie de casser la figure de Darren, brave étudiant londonien en Erasmus, qui vous tient lieu de pourtant si amical voisin. Oui, oui, oui et pourtant... Braveheart ne parvient pas au niveau de la réalisation de Watkins. La faute à un pathos romantique trop exacerbé et une idylle absolument mal venue avec Isabelle de France, bru du Roi Edouard 1er. Il est néanmoins impensable de ne pas le voir et l'apprécier.

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Documentaire français de Hubert Béasse (2013)

En quatorze années d'existence, de 1966 à 1980, le Front de Libération de la Bretagne a commis pas moins de deux centaines d'attentats. Par tous les moyens, les F.L.B. entreprennent de défaire l'annexion de la Bretagne à la France, héritée du mariage de la Duchesse Anne, alors seulement âgée de douze ans, et du Roi de France Charles VIII. Les nombreux attentats visent l'ensemble des pouvoirs régaliens et symboliques de la France. Le plasticage de l'antenne de retransmission télévisée de Roc'h Trédudon, privant la Bretagne de télévision pendant plus d'un mois, et le dynamitage de la Galerie des glaces du château de Versailles comptent parmi les actions les plus spectaculaires menées par les mouvements indépendantistes en France. Evidemment, la répression ne tarde pas à frapper l'Emsav...
Divisé en deux parties, Les Années De Gaulle et Les Années Giscard, le remarquable documentaire de Béasse donne la parole à nombre d'anciens F.L.B., dont le témoignage est assorti de nombreux documents inédits. Provenant d'horizons politiques, parfois les plus opposés, l'extension du F.L.B. ne pouvait que rimer avec scission. S'ouvrant aux thèses socio-économiques anticapitalistes, l'Armée Révolutionnaire Bretonne entend marier ses initiales au sigle F.L.B. et lutter pour une Bretagne plus progressiste. Béasse, par bonheur, entend tendre le micro à toutes les tendances des F.L.B., et ce, avec une objectivité appréciable dans le traitement des témoignages. Les pendules sont remises à l'heure pour ceux qui ont la mémoire courte ou la dent dure sur la réalité du mouvement breton. Parfaitement intéressantes que ces deux heures documentaires.

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GENERATION FLNC

Documentaire français de Samuel Lajus (2004)

fnlc$_35.JPGEté 1975 sur l'Ile de beauté, Edmond a finalement choisi entre la canne à pêche et le fusil. Dès l'année suivante, différents groupuscules unissent leurs forces et créent le Front de Libération Nationale Corse et célèbrera joyeusement sa naissance par une spectaculaire nuit bleue. Le sigle F.L.N.C. se popularise très rapidement au-delà des côtes corses et inquiète fortement les services français. Les nombreuses arrestations et mises en détention n'entament en rien la progression de l'idée nationaliste en Corse. Aussi, est-il inconcevable de ne pas attribuer au Front les avancées des revendications corses. Si la lutte armée contre le trafic de drogue divise la population, tous les Corses, à l'exception de certains propriétaires fonciers peu regardants, approuvent le plasticage des résidences construites sur le littoral, afin que la Corse ne devienne pas la Costa del Sol. Pourtant, les tensions grandissent et les nationalistes s'engluent dans les affaires jusqu'à l'assassinat du préfet Erignac qui consomme un certain divorce entre partisans de la lutte armée et peuple corse.
Il est dit que l'omerta règne en Corse. Pas dans ce passionnant et poignant documentaire en tout cas. De nombreuses images d'archives enrichissent les témoignages d'une trentaine d'ex-militants quinquagénaires du Front, de représentants du nationalisme corse mais également de hautes personnalités, tel le commissaire Robert Broussard, Jean-Louis Debré ou Charles Pasqua. La langue de bois n'est ainsi pas de mise, y compris sur les sujets les plus sensibles, des règlements de compte entre partisans de la même cause aux négociations secrètes entre les clandestins et l'Etat, mais aussi sur la dérive mafieuse de certaines factions. Finalement, ce sont les représentants de l'Etat qui en disent le moins ; tant il est vrai qu'ils n'ont pas les fesses complètement propres sur ces sujets. Deux années de tournage pour achever ce document, extraordinaire de décorticage d'un sentiment identitaire. Indispensable pour qui s'intéresse au sujet.

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L'ORDRE ET LA MORALE

Film français de Mathieu Kassovitz (2011)

1988, loin de l'hexagone, sur l'île kanake d'Ouvéa, quatre gendarmes sont abattus dans l'assaut de leur caserne et vingt-sept autres retenus par des membres du mouvement indépendantiste du Front de Libération National Kanak et Socialiste. La situation se dégradait depuis de nombreux mois. Trois cents militaires sont dépêchés sur l'île calédonienne pour libérer les otages. Philippe Legorjus, patron de l'élite des gendarmes d'intervention, et Alphonse Dianou, leader des preneurs d'otages, partagent bien des valeurs communes, l'honneur surtout. Legorjus sent qu'il peut maîtriser la situation sans effusion de sang mais la France est alors à deux jours du premier tour des élections présidentielles. Dans le combat qui opposera Jacques Chirac et François Mitterrand en pleine cohabitation, la morale ne semble pas être la première préoccupation des deux candidats.
Tiré de l'ouvrage La Morale et l'action de Legorjus, le film ne manqua pas de faire scandale. Film militant pro-indépendantiste selon les partisans de la vérité d'Etat, film inutile pour de nombreux Kanaks estimant la réouverture des cicatrices inutile. C'est certainement Legorjus qui constitue la source la plus fiable pour expliquer ce bain de sang. Manipulation des faits pour de basses considérations électives, réalité d'un néo-colonialisme français, fortes rivalités entre de hauts gradés, la prise d'otages de la grotte ne pouvait connaître d'issue sereine. Les exécutions sommaires de militants indépendantistes fait prisonniers sont là pour le rappeler. Parfois manichéen dans sa caricature des militaires français, le film de Kassovitz demeure néanmoins extrêmement convaincant. A voir absolument !

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15 FEVRIER 1839

Film québécois de Pierre Falardeau (2001)

14 février 1839, sous le régne de la Reine Victoria, deux héros québécois de la lutte pour l'indépendance, Marie-Thomas Chevalier de Lorimier et Charles Hindelang, apprennent que la sentence de mort par pendaison sera appliquée le lendemain. Voilà deux années que ces hommes comptent parmi huit cents détenus emprisonnés à Montréal dans des conditions dégradantes après l'échec de l'insurrection de 1837, dont une centaine a été condamnée à mort par les autorités colonialistes anglaises. Entourés de leurs compagnons d'infortune, vingt-quatre heures les séparent de leur funèbre destin. De vagues sursauts d'espoir affrontent la peur et le doute. Une seule chose est sûre, affronter la mort sera leur dernier combat. Et ils ne regrettent rien...
Malgré une parenté historique et linguistique évidentes, que connaît-on aujourd'hui du Québec en France et de son aspiration à la liberté ? Inspiré de faits réels, Falardeau rompt avec sa filmographie satirique et a à cœur de rendre hommage aux luttes indépendantistes qui ont enflammé le pays québécois au 19ème siècle. Le réalisateur livre un huis-clos sombre de toute beauté. D'un parti pris indépendantiste évident, le film a légitimement été fortement égratigné par la critique anglophone dénonçant un déferlement de haine antibritannique. Quelques approximations historiques ne nuisent pas à un ensemble prodigieux.

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SALVATORE GIULIANO

Film italien de Francesco Rosi (1961)

5 Juillet 1950, le corps criblé de balles du bandit indépendantiste sicilien Salvatore Giuliano est découvert dans la cour d'une maison du village de Castelvetrano. Si l'homme était traqué par la police et l'armée italiennes, il semblerait qu'il ait été retrouvé avant eux. Le constat du décès est dressé par un commissaire tandis que les journalistes sont à l'affût du moindre renseignement. La mort achève une existence intrépide commencée en 1945 lorsque Giuliano s'engage dans la lutte violente, avec l'appui de la Mafia, pour l'indépendance de son île. Le 1er mai 1947, il avait été notamment impliqué dans l'assassinat de militants socialistes. Son corps est bientôt exposé dans sa commune natale de Montelepre, où sa mère et les habitants viennent se recueillir avec une dévotion non simulée. Tous les regards convergent alors vers Gaspare Pisciotta, lieutenant de Giuliano, que tous soupçonnent de l'avoir trahi et assassiné...
Film subversif et engagé à plus d'un titre ! Rosi utilise un curieux procédé scénographique pour évoquer la vie de ce curieux personnage historique sicilien, moitié bandit indépendantiste, moitié Robin des Bois dont le souhait était de voler les riches pour donner aux pauvres et arracher l'île à la domination italienne pour en faire le quarante-neuvième Etat d'Amérique. Ainsi, le récit anarchique de Rosi parvient-il à ne pas être brouillon sans aucun ordre chronologique. Autre point fort, Rosi est l'un des premiers à dénoncer les rapports étroits de la Cosa nostra avec le pouvoir politique sicilien. Enfin, le réalisateur n'a pas hésité à faire appel à des acteurs non-professionnels, renforçant le caractère authentique de l'œuvre. Un grand film politique par l'un des maîtres du cinéma italien.

Virgile / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.