mercredi, 08 avril 2009
Eléments pour une "pensée-monde" européeenne
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995
Université d'été de la F.A.C.E. - 1995
Résumé des interventions
Eléments pour une «pensée-monde» européenne
(Intervention de Louis Sorel)
I. Dans quel monde vivons-nous?
Notre monde prétend refléter un «Nouvel Ordre Mondial» (NOM); pour les uns, il doit être américain, pour les autres “onusiens”. Le NOM américano-centré risque de devenir très vite une pure fiction, puisque les Américains font passer leurs problèmes domestiques avant les affaires internationales. L'internationalisme américain actuel est sélectif, dans le sens où il évite les “bourbiers”. En cas d'intervention, les USA frappent et se retirent, abandonnant ainsi le statut de puissance hégémonique pour prendre celui de puissance “prédatrice”. Quand au NOM onusien, il se recentre sur un discours “humanitaire” et se réserve le traitement des “bourbiers”.
Le monde ne vit donc pas sous un “ordre” mais dans un “désordre”: on parle de “Nouveau Désordre Mondial” (NDM). Ce NDM est une phase d'ajustement que les théoriciens du NOM prévoient pour une période de 20 à 25 ans.
Le monde actuel est caractérisé par l'interdépendance et l'interaction. Le Général Poirier utilise la notion de système-monde multipolaire et polycentrique, se déployant au sein d'un mouvement général de territorialisation. Ce monde comporte des “acteurs-Etats” et des “acteurs non étatiques”: il est donc chaotique et imprévisible. Ce monde est privé de sens, les grandes idéologies universalistes s'y essoufflent, alors que la “guerre froide” a été un affrontement idéologique pour l'appropriation du sens. Chacune des deux grandes puissances avait leur télos. La fin de la guerre froide (entre 1989 et 1991) a d'abord été interprétée comme la fin du communisme; en fait, c'est une déconstruction idéologique générale. De l'euphorie, on est passé au désenchantement.
II. Un monde oligo-polaire.
Une tendance prévaut: l'émergence de macro-régions sur la planète, de régions planétaires.
Exemples:
1. L'Union Européenne:
C'est le projet le plus ambitieux; ce n'est pas seulement une zone de libre-échange depuis 1957 mais, c'est un espace évoluant depuis 1992 vers une union monétaire et politique. C'est un ensemble spatial qui a vocation à s'élargir.
2. L'ALENA (depuis 1992):
C'est un projet modeste de libre-échange avec une monnaie commune: le dollar. Il a vocation à s'étendre à l'Amérique du Sud.
3. L'Aire de Co-Prospérité (Japon, Indonésie,...)
La Chine en est exclue. Il se construit sur un mode informel.
Ces trois pôles forment la “Triade”. Cette représentation laisse de côté l'ensemble Russie-CEI, la Chine et le Brésil. Le mouvement de “régionalisation” s'accompagne d'affrontements économiques. D'où la vogue du concept de “géo-économie”. La mondialisation n'a pas aboli la géographie. L'espace économique n'est pas un bloc. On vit dans ce qu'on appelle un archipel-monde, mais il n'est pas exclu que l'on aille progressivement vers un monde de blocs politico-économiques.
La théorie des “grands espaces” (Großräume) de Carl Schmitt, élaborée à partir de 1939, lors d'une conférence d'universitaires à Berlin, était, au départ, une critique du wilsonisme, de l'universalisme américain. Schmitt prônait un nouvel ordonnancement du monde et un équilibre entre grands espaces. Ces unités de puissance devaient, selon lui, être politiquement autocentrées et régulées.
III. Eléments pour un Grand Espace Européen (GEE):
1. Délimitation du GEE:
Ces limites ont fluctué au cours de l'histoire (Charlemagne, Napoléon, De Gaulle,...). Voir aussi les configurations institutionnelles de l'Europe (CEE, CSCE/OSCE, Conseil de l'Europe, COCONA, OTAN, UEO,...). Le Sommet d'Essen a ouvert des perspectives d'ouverture pour l'Union Européenne, qui a bien entendu vocation à s'élargir. Maastricht a réduit l'identité européenne aux quatre “D” (démocratie, dialogue, développement, droits de l'homme), vus dans une optique universaliste et non pas particulière et adaptée à l'Europe et à son histoire.
Sur le terrain, il y a deux cas qui posent problème pour déterminer les limites de l'Europe: la Russie et la Turquie.
2. L'Organisation politique du GEE:
Deux conceptions sont en lice:
a) L'Europe confédérale ou l'Europe des patries;
b) L'Europe fédérale ou l'Europe supranationale. Cette Europe fédérale n'a pas vu le jour quand a été rejetée la CED (défense) en 1954. Aujourd'hui on reste toujours dans l'optique confédérale. Il ne s'agit pas de faire de l'Europe un Super-Etat, le seul modèle qui lui convient, c'est le concept d'Empire au sens traditionnel du terme, c'est-à-dire une association hétérogène d'ethnies, de cultures que l'on n'a pas la prétention de niveler et d'homogénéiser. L'Empire est fondé sur l'allégeance.
3. Un modèle de sécurité pan-européen:
Il faut se référer au réseau des systèmes de sécurité existants en Europe (des schémas clairs et didactiques sont parus dans Le Monde du 23 juin 1992): CSCE/OSCE, OTAN, COCONA, CEI. Il y a concurrence entre la CSCE et l'OTAN (avec ses émanations); de même, entre l'OTAN et l'UEO sur le plan de la défense. François Mitterand a dit un jour: «On a besoin d'une nouvelle théorie des ensembles». Ce qui est exact. Les Etats-Unis essayent par tous les moyens de pousser l'OTAN, qui est leur instrument majeur au niveau de l'Europe.
Dans cet imbroglio, quel est notre choix, minimal dans un premier temps? Développer l'OSCE où l'emprise des Etats-Unis est moindre et qui accorde toute sa place à la Russie, sans la marginaliser. Exiger le retour à une Alliance Atlantique rénovée, dégagée de la trop forte tutelle des Etats-Unis. Promouvoir l'Union de l'Europe Occidentale. Comme la Russie refuse l'élargissement de l'OTAN, élargir l'UEO aux pays d'Europe centrale et orientale. Clarifier les rapports entre l'Union Européenne et l'UEO.
Conclusion:
- La mondialisation n'implique pas obligatoirement le mondialisme.
- La mondialisation est plutôt une macro-régionalisation.
- On peut considérer que le climat international est beaucoup plus porteur qu'auparavant.
- L'enjeu: faire de l'Europe un ensemble légitime en recouplant sens et puissance.
- Faire prévaloir la logique politique sur la logique économique.
Notre travail intellectuel de projectualisation de l'Europe est entré dans une phase beaucoup plus constructive.
(Résumé d'Etienne LOUWERIJK).
00:05 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, politique, politique internationale, monde, stratégie, europe, conflits | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 02 mai 2008
La vraie crise mondiale, c'est l'alimentation
Oubliez le pétrole, la vraie crise mondiale, c’est l’alimentation |
Une nouvelle crise alimentaire mondiale est en train d’émerger, et elle pourrait être bien plus dramatique que tout ce que le monde a connu par le passé. La crise du crédit et les conséquences de l’envol du prix du pétrole seront peu de choses en regard de ce qui nous attend. Telles sont les prévisions dont Donald Coxe, un gestionnaire du fonds BMO Financial Group, a fait part aux investisseurs réunis à Toronto par l’Empire Club. « Il ne s’agit pas de si mais de quand », a-t-il averti son auditoire avant de prévenir que « cela va frapper fort cette année. » M. Coxe estime que les fortes hausses des denrées alimentaires observées l’année dernière allaient s’intensifier durant les années à venir, en raison de la demande accrue de viande et de produits laitiers des classes moyennes en Chine et en Inde et de la forte demande de l’industrie des biocarburants. « Le plus grand défi mondial ce n’est pas le pétrole à 100 dollars, c’est d’obtenir assez de nourriture pour que les nouvelles classes moyennes puissent vivre de la même façon que les nôtres le font, et cela signifie que nous devons accroître considérablement la production ». L’impact d’un marché de produits alimentaires plus tendu est déjà évident sur le prix des produits bruts qui ont augmenté de 22% l’an passé. M. Coxe a déclaré que cette envolée serait ressentie dans les prix à la consommation dans les 6 prochains mois. Les consommateurs ont déjà dépensé 6,5% de plus pour l’alimentation l’année dernière. Le prix du blé a bondi de 92% en 2007 et a clôturé hier à 9,45 dollars le boisseau de 35 litres à la bourse de Chicago. Au cœur de cette catastrophe imminente se trouve le maïs, qui est la première ressource utilisée par l’industrie des biocarburants. Son prix a augmenté de 44% durant les 15 derniers mois, clôturant hier à 4,66 dollars à Chicago, au plus haut depuis juin 1996. Ces impacts ne se font pas seulement ressentir sur les prix des nourritures à base de céréales, mais influent également sur le prix de la viande, en entraînant une augmentation du prix des aliments pour le bétail. « Il va y avoir de vrais problèmes dans les pays qui sont importateurs de nourriture, car nous voyons déjà se développer des embargos sur l’exportation de la part de pays qui auparavant tentaient à tout prix de vendre à l’étranger », note-t-il, en citant la Russie et l’Inde à titre d’exemples. « Ceux qui ont de la nourriture vont avoir un avantage énorme » : avec 54% du maïs mondial cultivé dans les états du Middle-West, les USA feront partie de ces pays avantagés. Mais M. Coxe avertit que les exportations de maïs sont en danger d’ici trois ans si le pays continue de subventionner la production d’éthanol. On s’attend à ce que les biocarburants aient accaparé un tiers de la production de grain en 2007. Selon lui, les stocks de réserves de céréales américains sont au niveau le plus bas jamais enregistré, comparativement à la consommation. Il existe une vingtaine de ces stocks de par le monde, qui vont définir le futur contour de l’offre mondiale, et dit-il « ces stocks prendront une valeur précieuse avec le temps qui passe ». M.Coxe estime que les rendements du maïs dans le monde devront tendre vers ce que l’on observe dans l’Illinois, qui produit 500 boisseaux l’hectare, alors que la moyenne mondiale n’est que de 75 boisseaux. « Cela sera possible avec plus d’engrais, plus d’OGM, et grâce à une mécanisation et une technologie de pointe », prévoit-il. Alia McMullen, Financial Post, 7 janvier 2008 |
00:13 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, alimentation, monde | | del.icio.us | | Digg | Facebook