Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : La Tradition juridico-religieuse romaine: la pensée de Julius Evola et l'idéologie du droit natur

La Tradition juridico-religieuse romaine: la pensée de Julius Evola et l'idéologie du droit naturel

pontifex-maximus-1155x1500.jpg

La Tradition juridico-religieuse romaine: la pensée de Julius Evola et l'idéologie du droit naturel

Giandomenico Casalino

* Essai publié dans la revue Vie della Tradizione n. 178/179 (janvier-décembre 2020)

Source: https://www.paginefilosofali.it/la-tradizione-giuridica-religiosa-romana-il-pensiero-di-julius-evola-e-lideologia-del-diritto-naturale-giandomenico-casalino/

Dans ses écrits, Julius Evola a explicité en termes morphologiquement universels et donc exhaustifs ce qu'il faut entendre par Loi et Droit dans le monde de la Tradition universelle ; et par conséquent, il a également traité de la signification du Droit dans la sphère de la culture traditionnelle de l'Occident helléno-romano-germanique, en le considérant comme un aspect essentiel de la nature même des lignées indo-européennes, dans la valorisation de leurs événements plus mythiques-symboliques [1] qu'historiques. Ici, ne voulant pas nous étendre sur ce sujet, nous allons le considérer comme un "donné" acquis et, l'assumant, nous nous intéresserons à un aspect de la vision du Droit chez Evola qui, loin d'être secondaire ou marginal, est au contraire préparatoire à la compréhension de la polarité [2] (typique alors de la Denkform indo-européenne...) intrinsèque à sa propre vision de la réalité.

La polarité dont nous parlons se manifeste de manière évidente dans la façon dont Evola affronte le "quaestio" de la soi-disant Loi naturelle, dans un chapitre dense et articulé de L'arc et la massue [3], intitulé : "Idée olympique et Loi naturelle". Notre intention est de prouver, de manière documentée et donc incontestable, que la position d'Evola, son opinion très critique du "mythe" de l'ancien Droit Naturel et "a fortiori" du droit naturel, est non seulement cohérente avec la vision traditionnelle et organique du monde et de la vie, mais est substantiellement la même que celle qui, pour un œil attentif, semble émerger de la culture juridico-religieuse romaine, comme une "forma mentis" contenue dans les sources mêmes du Droit romain.

Il est cependant bon, de manière préliminaire, d'essayer de mettre de l'ordre autour des valeurs sémantiques des mots que nous utiliserons dans cet article, à la lumière de leur étymologie. Il n'est pas possible, en effet, d'entrer dans la "valeur" de ce que la doctrine traditionnelle, et donc Evola lui-même, entendent lorsqu'ils utilisent le terme nature, sans effectuer un authentique "opus remotionis" des incrustations de significations chrétiennes et/ou modernes qui dissimulent et mystifient le discours original. L'"incipit" de Révolte contre le monde moderne [4] est d'une clarté solaire à cet égard : il y a un infernal (c'est-à-dire inferior.... Il y a une nature obscure infernale (c'est-à-dire inférieure...) et il y a une nature lumineuse supérieure ; il y a une nature chthonique, terrestre et il y a une nature céleste ; mais, en termes splendidement platoniciens, pour Evola aussi, le Tout est Phylysis, c'est-à-dire les Dieux, les démons, les hommes, les plantes et les animaux, les forces "subtiles", les Réalités Divines psychiques et objectives en tant qu'états supérieurs de l'Être, les Idées au sens platonicien ; et Hegel, également à la manière platonicienne, conclut en affirmant que "le Tout est le Vrai ! ".

Ici, il n'y a pas de dualismes entre le ciel et la terre, ni de "spiritualisme" ou de "matérialisme", ni de "sujet" et d'"objet", pour le monde traditionnel gréco-romain et sa sagesse, de telles absurdités n'existent pas, elles n'auraient eu aucun sens: voici les premières fictions modernes dont il faut se débarrasser lorsqu'on aborde cette question. La Physique d'Aristote, B, 1, et le commentaire de Heidegger [5] sur le même passage, sont, propédeutiquement et pédagogiquement, clarifiants afin aussi et surtout au fait que, étant à la fois le Timée platonicien et la Physique aristotélicienne, les livres fondamentaux de l'Occident, ils incluent aussi la soi-disant (par nous) "métaphysique" où, Il est bien connu qu'en ce qui concerne l'ensemble des écrits aristotéliciens qu'Andronicus a mis en ordre et placés après la Physique, ce ne sont que des notes de cours scolaires portant non plus sur la Phyosophie en général (c'est-à-dire la Physique) mais sur "l'être en tant qu'être" qui en émerge toujours et qui est toujours là, résidant en elle. Dans la Grèce archaïque et classique (certainement pas dans l'illumination maçonnique de l'intellectualité sophistique...) Physis [6] n'est donc absolument pas la nature physique au sens moderne et donc mécaniste et grossièrement matérielle [7], mais c'est l'Ordre divin du monde, Themis, donné "ab aeterno", où le nòmos de la Cité s'identifie avec lui. Un trait distinctif de la spiritualité grecque traditionnelle est le fait que pour l'Hellène, Physis en tant qu'Ordre cosmique, étant le donné, est comme voulu [8], dans le sens où l'ordre humain est l'imitation, nécessaire et implicite de la Loi, de celle-ci, l'adaptation à celle-ci dans une tension essentiellement héroïque et dans la conviction que le nòmos est dikàios = juste, seulement si et dans la mesure où il est "mimesis" de la Physis : "La souveraineté de la loi est semblable à la souveraineté divine, tandis que la souveraineté de l'homme accorde beaucoup à sa nature animale... la loi est une intelligence sans passions..." (Aristote, Politique, III, 16, 1278a). Puisque nous savons que la Divinité pour les Grecs, et pour Platon et Aristote en particulier, est dans le Cosmos [9] il est évident que si la Loi est semblable à la souveraineté Divine, la même Loi est celle visuelle des Dieux de la Lumière et du Ciel lumineux. La Cité est ordonnée selon le nòmos qu'est dìke, la fille divine de Zeus et Thémis, c'est-à-dire la justice universelle des Dieux olympiques dans sa mise en œuvre humaine [10] et non selon le nòmos des Dieux chtonei et maternels, ce dernier ordre qui a précédé celui des Hellènes et qui lui est hiérarchiquement soumis. En effet, selon les mots d'Aristote, il y a l'essence de la grécité : le monde est une manifestation à la Lumière des Formes de l'Être et de la Vie (comme le dit W. F. Otto), distincte, définie, et de l'essence du monde grec. Otto), distinct, défini, dépourvu de passions et si tel est, en termes mythiques, l'Ordre que la royauté cosmique de Zeus impose aux Puissances primordiales de l'Être qu'il vainc par son avènement [11], en termes platoniciens, c'est la fonction archétypale de Dieu en tant que "mesure de toutes choses" [12] qui est le Bien-Un en tant que Mèghiston Màthema = Connaissance suprême qui est Apollon;  tandis que chez le Stagirite, c'est la Divinité en tant qu'Harmonie invisible du monde, Pensée de la Pensée.

* * *

auguren-antike-rom.jpg

Ce qui oppose radicalement la culture juridico-religieuse romaine à la spiritualité hellénique est l'attitude différente, en termes anthropologiques, que le Romain a envers le monde, envers le "donné". Pour le Romain, en effet, le monde n'existe pas "a priori" et de toute éternité ; c'est plutôt le principe inverse qui s'applique : le voulu est comme le donné [13] (alors que nous avons expliqué précédemment que dans le monde grec, le donné est comme le voulu).

Le Romain, donc, avec l'action rituelle, fait, crée le cosmos qui est la Res Publica, l'ordre des Dieux, en particulier Jupiter, Dieu de la Fides, de la Loi et des accords, la divinité suprême de la fonction primaire qui est magico-légale.

Il est l'État romain [14], qui est la conquête et l'ordonnancement culturels d'un "datum" antérieur biologique et chaotique, en un mot naturel, c'est-à-dire le ius gentium. En observant la Romanité d'un point de vue encore plus universel, ainsi que du point de vue de sa métaphysique, nous croyons avoir démontré ailleurs [15] et en développant toujours, par la méthode traditionnelle de l'analogie et de l'anagogie [16], certains aspects de la connaissance évolienne de la symbologie hermétique et de la Tradition, que l'essence la plus intime, et donc ésotériquement "cachée" pour la plupart, de la Romanité réside dans la présence de deux Réalités Divines : Vénus (Énée) et Mars (Romulus). Le sens ultime du cycle romain, ainsi que de l'apparition de la Cité elle-même, comme sa sortie de l'Immanifesté vers le manifesté, du Prémonadique vers le monadique (l'Ergriffenheit, selon Kerenyi), Tout cela consiste dans le Mystère du Rite comme Ascèse de l'Action qui, se projetant sur Vénus, la transforme en Mars (et c'est l'apparition de Rome-Romulus) et avec cette puissance agite et fixe Mercure (la Force vitale qui se déchaîne) pour obtenir Jupiter (et c'est la Voie Héroïque vers le Sacré et vers la Somme de la Romanité au moyen de la Guerre Sacrée) réalisant finalement Saturne comme Roi Primordial de l'Age d'Or (la Pax Romana, symbolisée par Auguste, Imperator et Pontifex Maximus). De cette vision, nous dirions bachofénienne, de l'ensemble de la romanité, émerge ce qu'Evola lui-même indique à propos de la morphologie générale du Rite qui : "[...] met en œuvre le Dieu à partir de la substance des influences convenues [...] nous avons ici quelque chose comme une dissolution et un resucrage. C'est-à-dire que le contact avec les forces infernales qui sont le substrat d'une divinisation primordiale est renouvelé de manière évocatrice, mais aussi la violence qui les a arrachées à elles-mêmes et les a libérées sous une forme supérieure [...]" [17]. Ce passage, déjà cité par nous à une autre occasion, malgré son énorme importance, n'a pas été suffisamment mis en évidence par les spécialistes de l'œuvre d'Evola. En elle s'exprime la loi universelle du processus et la finalité même de l'action rituelle qui, renouvelant l'Ordre, fait les Dieux et, donc, par analogie, du Rite juridico-religieux romain [18]. Il découle de ce qui a été dit que, loin d'accepter une "nature" préconstituée (même si elle est toujours comprise en termes non matériellement modernes) et loin d'agir après avoir accepté le datum comme dans la grécité, le Romain commence son entrée dans l'histoire en la sacralisant avec le Rite et avec lui, ou plutôt, en vertu de ses effets dans l'Invisible qui se répercutent dans le visible, il transforme le chaos en cosmos et, par cette métaphysique pratique, il réalise le Fas du Ius, c'est-à-dire le Dharman du rtà, comme il est dit dans le RgVeda [19]. Le Romain a un concept "pauvre" de la nature, puisque l'Ordre complexe des formes qui émerge des profondeurs de la nature, qui est la Phylysis des Grecs, n'existe pas pour son esprit et devant ses yeux ; il ne pense à la nature que lorsqu'elle est ordonnée par le Ius civil [20], avec une action culturelle précipitée qui est, par essence, cultuelle, c'est-à-dire rituelle. De telle sorte que la nature et la loi s'avèrent être la même chose, mais pas "a priori" comme pour le grec, mais "a posteriori", c'est-à-dire après que la forme, le sceau, le sens, l'Ordre (la Loi) soit imprimé sur la nature (qui n'existe pas... et est de la cire informe). C'est donc le Droit qui crée littéralement la nature à son image, puisqu'il n'y a pas "deux" réalités mais une seule réalité : la nature qui est pensée juridiquement, c'est-à-dire selon l'ordre du Ius civil, qui est le Ius romanorum. Le Romain écoute, voit et sait et, par conséquent, agit dans les termes dans lesquels la Loi est la nature ordonnée dans le cosmos !

Evola a intuitionné et exprimé tout cela dans toute son œuvre et le discours que nous menons n'est rien d'autre que le développement logique (évidemment pas en termes de logique abstraite, c'est-à-dire moderne...) ainsi que comparatif avec d'autres études (Kerenyi, Eliade, Dumézil, Sabbatucci, Bachofen et Altheim) de ses arguments, également apparemment sans rapport avec la question que nous traitons. Cela dit, l'idée même d'un "droit naturel", même dans les termes stoïciens que nous mentionnerons, est totalement étrangère à la mentalité juridico-religieuse romaine, et ce depuis l'âge archaïque jusqu'à l'Antiquité tardive pré-chrétienne. Il est en effet impossible pour le Romain, qu'il soit magistrat, prêtre ou juriste, de penser à une "nature" a priori, de quelque manière que ce soit, qui dicte et indique déontologiquement les normes fondamentales de la Res Publica auxquelles le Ius civil doit se conformer. C'est impossible, car, étant donné les prémisses mentionnées ci-dessus, une telle logique aurait été la dénaturation de l'âme même de la romanité ; en effet, nous pourrions dire que, si par l'absurde, elle l'avait fait sienne, elle aurait causé sa mort (ce qui s'est en fait produit ponctuellement avec l'avènement de l'Empire désormais christianisé et la lente infiltration dans le corps du droit romain post-classique de l'idéologie chrétienne dualiste).

La preuve supplémentaire du caractère étranger à la mentalité romaine traditionnelle de la culture et de la pensée même d'un Droit conforme à une prétendue nature, considérée comme une réalité physique ou "morale" donnée "ab aeterno", réside dans un célèbre passage d'Ulpianus/Ulpien, qu'il est nécessaire de citer intégralement : "[...] ius naturale est, quod natura omnia animalia docuit : nam ius istud non umani generis proprium, sed omnium animalium, quae in terra quae in mari nascuntur, avium quoque commune est, hinc descendit maris et feminae coniunctio, quam nos matrimonium appellamus, hinc liberorum procreatio, hinc educatio : videmus etenim cetera quoque animalia, feras, istius iuris peritia censeri" [21] (Digest 1. 1.1.3 e 4).

vestal-virgins--priestesses-in-ancient-rome--wood-engraving--published-1880-687096894-5b6e0b9846e0fb00251be731.jpg

Il y apparaît de manière solaire que le "chaos" dont nous avons parlé, c'est-à-dire la nature comme néant acosmique que le Romain avec le rite juridico-religieux change en Cosmos selon le Fas du Ius, n'est rien d'autre que la Loi naturelle identifiée à la coutume des animaux = more ferarum. Ulpien dit, et en lettres claires, que le Ius naturale est ce que la nature biologique-physique indique, impose à tous les animaux et certainement pas à l'homme, sinon dans sa dimension strictement et proprement naturaliste au sens biologique, comme des rythmes de vie qui, toutefois, sont régis et ordonnés de manière subordonnée et hiérarchisée par une sphère culturelle précise qui ramène toujours et uniquement au monde de l'Esprit qui est celui du Ius civile et qui est essentiellement de nature religieuse. Cet exposé d'Ulpien, qui est, ne l'oublions pas, un juriste du IIIe siècle de notre ère (et qui, on le suppose, a pu assimiler toute la littérature, tant strictement philosophique sur le sujet que la pensée même des juristes qui l'ont précédé), est si éclairant qu'il n'a pas été apprécié par un juriste-philosophe comme Guido Fassò, de formation culturelle catholique, qui reproche même [22] à Ulpianus une conception excessivement "naturaliste" (sic !) du Droit Naturel qui, de toute évidence, n'est pas conforme aux principes du droit naturel, ce qui ne convient évidemment pas à l'idée que Fassò lui-même veut transmettre, conformément à son inspiration chrétienne.

Ulpianus.jpg

Nous croyons, par contre, pouvoir utiliser "au contraire" les mêmes censures faites par Fassò à l'encontre d'Ulpien et dire que, loin de se limiter ou de s'écarter de la pensée du juriste romain et loin de monter sur les miroirs d'une vaine bataille herméneutique, d'ailleurs clairement intolérante parce que non respectueuse de la source elle-même et de ses significations, précisément du passage cité ci-dessus il ressort combien est historiquement véridique, parce qu'idéologiquement cohérent, ce que nous avons essayé d'expliquer ici. La conception de la "loi naturelle" comme ordre moral auquel le droit positif des hommes doit se conformer, non seulement n'a jamais existé dans la culture juridico-religieuse romaine (Cicéron, en fait, lorsqu'il semble parler de cette manière, dans "De Republica" 3,22,33 et "De Legibus" 2,4,8, même si c'est d'une manière stylistiquement valable, ne fait rien de plus que présenter au public romain érudit, des théo

Lire la suite

dimanche, 03 avril 2022 | Lien permanent

La pensée de Julius Evola au Brésil

Evola-Drawing-1.jpg

La pensée de Julius Evola au Brésil

par César Ranquetat Jr

Ex : http://legio-victrix.blogspot.com/

Nous allons essayer de démontrer, dans cet article, la présence de la pensée de Julius Evola en terre brésilienne. À cette fin, nous mentionnerons des articles, des livres, des magazines et des sites où l'on fait référence au penseur italien. Dans un deuxième temps, nous exposerons brièvement la vision que certains groupes "alternatifs" ont de la figure et de l'œuvre de Julius Evola.

Un rapide panorama de la vie intellectuelle au Brésil aujourd'hui

Pas très différent de ce qui se passe dans d'autres pays d'Amérique latine ! On peut observer une hégémonie intellectuelle de la gauche progressiste au Brésil. Une grande partie des universités (dans les domaines des sciences sociales, de l'histoire, de la philosophie, de la littérature), des centres de recherche, des magazines, des journaux, des chaînes de télévision et de radio et des maisons d'édition sont sous le contrôle direct d'"intellectuels" liés à divers courants de pensée classés à gauche. Il y a peu de voix qui s'élèvent, dans ce pays, contre le monopole culturel progressiste. Pour aggraver les choses, le pays a été gouverné par un parti de gauche, le PT (Parti des travailleurs). Il n'y a pas de parti politique "de droite" d'expression nationale dans le pays et pas un seul magazine culturel qui défende des principes intellectuels qui s'opposent au discours de gauche inspiré par Gramsci. Dans ce contexte, les courants de pensée et les intellectuels anti-progressistes n'ont pas leur place et sont pratiquement inconnus. Les étudiants universitaires (qui semblent plutôt être un univers de ‘’pigeons’’) dans le domaine des ‘’sciences humaines’’, connaissent Bourdieu, Foucault, Derrida, Gramsci, Marx, Habermas etc, mais interrogez-les, ainsi que leurs maîtres, pour savoir qui étaient Eric Voegelin, Carl Schmitt, Joseph de Maistre, Marcel de Corte, Oswald Spengler, Ernst Jünger, René Guénon, Frithjof Schuon et d'autres…, et vous n’aurez aucune réponse. Si ces penseurs "conservateurs" sont pratiquement inconnus dans les universités brésiliennes, que dire de Julius Evola, qui fut le critique le plus radical de la modernité, du progressisme et du rationalisme des Lumières.

La présence de Julius Evola dans les livres, les magazines, les journaux et sur Internet

Jusqu'à présent, un seul livre d'Evola a été publié au Brésil : Le Mystère du Graal, publié par la maison d'édition Pensamento en 1986. Cette même maison d'édition a publié deux livres de René Guénon, La Grande Triade et Les symboles de la science sacrée, et de Frithjof Schuon L'ésotérisme comme principe et comme voie. Il convient de mentionner que Le Mystère du Graal avait déjà été publié en langue portugaise par la maison d'édition Vega au Portugal en 1978. Ce même éditeur portugais a publié A Metafísica do Sexo en 1993. Deux autres livres d'Evola ont été publiés au Portugal Revolta contra o mundo moderno en 1989, par la maison d'édition Dom Quixote, dans une collection intitulée Tradition-Bibliothèque d'ésotérisme et d'études traditionnelles et A Tradição hermética chez l’éditeur 70, en 1979. L'édition portugaise de Revolta contra o mundo moderno est suivie d'une brève note sur la vie de Julius Evola et sur l'œuvre de cet auteur au Portugal, par Rafael Gomes Filipe qui déclare : "Un ouvrage d'Antônio Marques Bessa, Ensaio sobre o fim da nossa idade (Edições do Templo, 1978) met en exergue une certaine assimilation de la pensée d'Evola, même si cet auteur est cité en épigraphe. Antônio Quadros, pour sapart, a fréquemment fait référence à des œuvres de Julius Evola, notamment au Portugal dans Razão e Mistério et dans Poesia e Filosofia do Mito Sebastianista  volume 2º [...]".

rcmm.jpg

En 2000, l'éditeur portugais Hugin a publié une courte biographie d'Evola, écrite par le Français Jean - Paul Lippi qui est l'auteur d'une étude intitulée Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Je fais cette rapide exposition sur les livres d'Evola au Portugal, car de nombreux Brésiliens ont été en contact avec cet auteur par le biais de traductions portugaises.

Il est très probable que la première référence à Julius Evola dans un livre au Brésil ait été faite par Fernando Guedes Galvão, qui était le traducteur et l'introducteur de René Guénon dans notre pays et qui a entretenu une longue correspondance avec Guénon. Guedes Galvão a traduit en 1948 pour la maison d'édition Martins Fontes A crise do mundo moderno. L'édition traduite par Guedes Galvão comporte un intéressant appendice avec une exposition synthétique des principales œuvres de René Guénon. À un certain moment, le traducteur du métaphysicien français traite de la campagne de silence autour de l'œuvre de Guénon et déclare, en citant Evola : "Julius Evola s'exprime ainsi : "Guénon est combattu en France par tous les moyens et de toutes les manières ; on essaie même de faire disparaître ses livres de la circulation".

Il ne fait aucun doute que René Guénon est plus connu que Julius Evola en terre brésilienne. La raison est liée au fait que le métaphysicien français fait montre d’une considération apparemment plus positive envers le catholicisme.

unnamedRGCMM.jpgL'IRGET (Institut René Guénon d'études traditionnelles), fondé en 1984 dans la ville de São Paulo par le journaliste Luiz Pontual, se consacre à l'étude et à l'enseignement de l'œuvre de René Guénon, comme l'indique la page d'accueil de cet institut. Il est intéressant de noter que Luiz Pontual est également un admirateur de l'œuvre d’Evola, reconnaissant son opposition tout aussi radicale au monde moderne. Cependant, sur le site de l'IRGET, Pontual déclare : "D'autre part, les partisans d'Evola nous reprochent de ne pas le mettre à niveau ou de le placer au-dessus de Guénon. À ces derniers, nous faisons référence à Evola lui-même, qui a écrit dans ses livres, plus d'une fois, la fierté d'être un Kshatrya (porteur du pouvoir temporel) et reconnaissait en Guénon le figure d’un Brahmane (détenteur de l’autorité spirituelle). Cela nous dispense de toute autre explication". Le journaliste Luiz Pontual montre qu'il ne connaît pas l'œuvre d'Evola en profondeur, car le penseur italien affirme que, dans les temps primordiaux, à l'âge d'or, il n'y avait pas de séparation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel. La figure de la royauté sacrée, du roi-prêtre, du pontifex, du divin empereur dans les civilisations traditionnelles, atteste la présence d'une autorité supérieure à la caste des prêtres et à celle des guerriers.

Le journaliste et philosophe Olavo de Carvalho, dans sa page d'accueil, mentionne le livre d'Evola La tradition hermétique comme l'un des grands livres qui formeront sa vision du monde. Olavo de Carvalho est un intellectuel qui a écrit plusieurs articles dans des journaux et des magazines, où il exprime sa révolte contre l'hégémonie intellectuelle de la gauche. Sa pensée a une certaine influence dans certains groupes conservateurs brésiliens. Le livre Jardim das Aflições écrit par Olavo de Carvalho en 2000, fait une référence intéressante à Evola, que nous présentons ici : "Il est intéressant que le conflit de priorité spirituelle entre les castes sacerdotale et royale soit reproduit, à l'échelle discrète qui convient en ce cas précis, entre les deux plus grands écrivains ésotériques du XXe siècle : René Guénon et Julius Evola". Olavo de Carvalho est un érudit spécialiste de Guénon et d'autres auteurs traditionalistes". Dans ce livre, il traite, entre autres, de la relation entre l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel.

L'Editora Revisão, qui se consacre à la publication de livres révisionnistes sympathiques à l’endroit nazisme, a publié en 1996 un curieux ouvrage intitulé Le lien secret d'Hélio Oliveira. Le livre en question cherche à démontrer quelles sont les forces cachées qui conduisent l'Histoire. La thèse centrale de l'auteur est que, derrière tout, il y a l'action du judaïsme et de la franc-maçonnerie. Vision réductionniste bien sûr, incapable de réaliser que le judaïsme lui-même et la maçonnerie moderne sont les instruments de forces qui leur sont supérieures. Mais ce qui nous intéresse, c'est la citation qu'Hélio Oliveira fait d'Evola, lorsqu'il traite des Protocoles des Sages de Sion ; il déclare : "Certains écrivains juifs se sont exprimés sur la fiabilité du livre. Pour Julius Evola, "Aucun livre au monde n'a fait l'objet d'un boycott aussi important que les Protocoles des Sages de Sion. On peut dire sans effort, que même si elles sont fausses et que leurs auteurs sont des agents provocateurs, elles reflètent en elles des idées typiques de la loi et de l'esprit d'Israël". La citation d'Evola est authentique, mais Helio Oliveira prétend que l'auteur italien est juif... ce qui n'est évidemment pas vrai.

Olavo_de_Carvalho_em_2019_(cropped).jpg

Olavo de Carvalho.

Il faut souligner ici le livre de l'historien américain Nicolas Clarke, auteur de The Black Sun publié par l’éditeur Madras en 2004 ; ce livre traite des relations entre le nazisme et l'occultisme, ainsi que de l'influence de certains penseurs "damnés" dans la formation de certains groupes néo-nazis et néofascistes. L'auteur consacre un chapitre entier à Julius Evola. Dans ce chapitre, Clarke cherche à synthétiser les principaux aspects de la pensée évolienne. Outre Evola, d'autres chapitres sont consacrés à Savitri Devi, Miguel Serrano et Francis Parker Yockey. La synthèse faite par Clarke est raisonnable, cependant l'auteur insiste sur le caractère païen et anti-chrétien de Julius Evola. Le livre a eu un certain succès auprès de certains groupes néo-païens brésiliens.

L'anthropologue Denise Maldi, aujourd'hui décédée, a écrit un article pour la Revista de Antropologia en 1997. L'article est intitulé – ‘’Des confédérés aux barbares : la représentation de la territorialité et de la frontière indigène aux XVIIIe et XIXe siècles’’. En abordant le concept de nationalité, elle se réfère à Evola, citant un passage de La révolte contre le monde moderne que nous transcrivons ici directement de son article : "Le Moyen-Âge connaissait les nationalités, pas les nationalismes. La nationalité est une donnée naturelle, qui circonscrit un certain nombre de qualités élémentaires communes, de qualités qu'elle maintient à la fois dans la différenciation et dans la participation hiérarchique, auxquelles elles ne sont nullement opposées". À la fin de l'article, l'anthropologue se réfère à nouveau à Evola : "En ce sens, le projet de construction de l'État (l'auteur traite de l'État-nation moderne) impliquait également une antinomie par rapport à la diversité, dans des moules complètement différents du projet colonisateur, dans lequel le naturel a cédé la place à la nationalité et l'ethnie a cédé la place au demos, comme l'a souligné Julius Evola (1989). Cela signifie le dépassement de la diversité au sein de l'idéologie de l'État et l'homogénéisation des différences ethniques en faveur de l'unité juridique et de la citoyenneté". L'anthropologue veut montrer que l'État national moderne est une construction artificielle, anti-naturelle, et que le nationalisme est un produit de la modernité en s'appuyant sur la distinction qu'Evola établit dans Révolte contre le monde moderne entre le principe des nationalités, d'origine médiévale, et le nationalisme moderne.

412o++q43CL._SX195_.jpgLe 14 mai 1995, le journal Folha de São Paulo, l'un des plus grands journaux du pays, a publié un article de l'écrivain italien Umberto Eco. L'article était intitulé "La nébuleuse fasciste". Le célèbre écrivain italien a tenté d'élaborer un ensemble de traits, de caractéristiques, de ce qu'il a appelé "protofascisme ou fascisme éternel". Parmi les traits énumérés par Eco figure le culte de la tradition, le traditionalisme. À ce propos, il déclare : "Il suffit de jeter un coup d'œil aux parrains de n'importe quel mouvement fasciste pour trouver les grands penseurs traditionalistes. La gnose nazie se nourrissait d'éléments traditionalistes, syncrétiques et occultes. La source théorique la plus importante de la nouvelle droite italienne, Julius Evola, a fusionné le Saint Graal et les Protocoles des Sages de Sion, l'alchimie et le Saint Empire romain-germanique". L'opposition d'Eco à la pensée d'Evola est évidente. L'écrivain italien n'a pas connaissance des critiques de Julius Evola sur le fascisme [2] dans des ouvrages tels que Le fascisme vu de droite et Notes sur le Troisième Reich. Dans ces deux livres, Julius Evola démontre les aspects anti-traditionnels du fascisme italien et du national-socialisme allemand, tels que le culte du chef, le populisme, le nationalisme, le racisme biologique, etc. Quant à la Nouvelle Droite italienne, elle ne se nourrit que de quelques aspects de l'œuvre d'Evola. En tout cas, l'article d'Eco, largement lu par l'intelligentsia brésilienne, ne sert qu'à dénigrer l'image d'Evola et à déformer sa pensée.

Plus récemment, le 26 décembre 2003, l'historien de l'UFRJ (Université fédérale de Rio de Janeiro), Francisco Carlos Teixeira da Silva, bien connu dans le milieu universitaire, a publié un petit article dans le Jornal do Brasil, l'un des journaux les plus importants du pays, sous le nom de -Statesman ou ‘’berger des âmes’’. L'article en question a pour but de ternir la figure du pape Pie XII. L'historien soutient que Pie XII était silencieux face à l'Holocauste et était essentiellement un philo-nazi. À la fin de l'article, il déclare : "D'un point de vue purement théologique et philosophique, les fascismes (allemand ou italien, peu importe) sont absolument incompatibles avec le christianisme. La base raciale et le culte de la violence se heurtent inévitablement à la solidarité chrétienne, un fait constamment rappelé par les idéologues du fascisme, tels que Julius Evola ou Alfred Rosenberg, qui considéraient le christianisme comme une religion mise en place par des mendiants, des prostituées et des esclaves". Julius Evola, n'a jamais été un idéologue du fascisme, à aucun moment il n'a fait partie du parti fasciste et de plus, il a écrit plusieurs textes où il s'est clairement opposé à certains aspects du fascisme. En 1930, Evola crée le magazine La Torre, d'orientation clairement traditionaliste. Le magazine n'a eu que cinq mois d'existence et a été interdit sur ordre de certains éléments du gouvernement fasciste qui n'étaient pas d'accord avec les critiques du fascisme formulées dans les pages de La Torre. Deuxièmement, Evola n'a jamais fait référence au christianisme de la manière dont l'historien Francisco Teixeira veut le voir. S'il est vrai qu'Alfred Rosenberg, dans son Mythe du XXe siècle, a radicalement opposé la tradition catholique-chrétienne, l'associant à l'universalisme et au judaïsme, et défendant une nouvelle religion du sang et de la race, Evola ne pensait pas de cette façon. Le baron Evola établit une distinction entre le simple christianisme des origines, qui confortait une spiritualité lunaire et sacerdotale, et le catholicisme. En cela, il a reconnu certains aspects positifs et supérieurs au catholicisme européen. Selon Evola, la tradition catholique romaine aurait subi l'influence des traditions celtique, nordique, germanique, romaine et grecque.

Le point de vue des traditionalistes catholiques brésiliens, des "pérennistes" et l'influence d'Evola dans les milieux occultistes et néo-païens

Evola est peu connu dans les milieux traditionalistes catholiques brésiliens, qui se regroupent dans des

Lire la suite

vendredi, 19 février 2021 | Lien permanent

Julius Evola on Tradition and the Right

Julius Evola on Tradition and the Right
(La Vera Destra)

evola01.jpgBaron Julius Evola (1899-1974) was an important Italian intellectual, although he despised the term. As poet and painter, he was the major Italian representative of Dadaism (1916-1922). Later he became the leading Italian exponent of the intellectually rigorous esotericism of René Guénon (1886-1951). He enjoyed an international reputation as the author of books on magic, alchemy and eastern religious traditions and won the respect of such important scholars as Mircea Eliade and Giuseppe Tucci. His book on early Buddhism, The Doctrine of Awakening,[1] which was translated in 1951, established his reputation among English-speaking esotericists. In 1983, Inner Traditions International, directed by Ehud Sperling, published Evola’s 1958 book, The Metaphysics of Sex, which it reprinted as Eros and the Mysteries of Love in 1992, the same year it published his 1949 book on Tantra, The Yoga of Power.[2]

The marketing appeal of the topic of sex is obvious. Both books, however, are serious studies, not sex manuals. Since then Inner Traditions has reprinted The Doctrine of Awakening and published many of Evola’s esoteric books, including studies of alchemy and magic,[3] and what Evola himself considered his most important exposition of his beliefs, Revolt Against the Modern World.[4]

In Europe Evola is known not only as an esotericist, but also as a brilliant and incisive right-wing thinker. During the 1980s most of his books, New Age and political, were translated into French under the aegis of Alain de Benoist, the leader of the French Nouvelle Droite.[5] Books and articles by Evola have been translated into German and published in every decade since the 1930s.[6]

Discussion of Evola’s politics reached North America slowly. In the 1980s political scientists Thomas Sheehan, Franco Ferraresi, and Richard Drake wrote about him unsympathetically, blaming him for Neo-Fascist terrorism.[7] In 1990 the esoteric journal, Gnosis, devoted part of an issue to Evola. Robin Waterfield, a classicist and author of a book on René Guénon, contributed a thoughtful appreciation of his work on the basis of French translations.[8] Italian esotericist Elémire Zolla discussed Evola’s development accurately but ungenerously.[9] The essay by Gnosis editor Jay Kinney was driven by an almost hysterical fear of the word “Fascist.” He did not appear to have read Evola’s books in any language, called the 1983 edition of The Metaphysics of Sex Evola’s “only book translated into English” and concluded “Evola’s esotericism appears to be well outside of the main currents of Western tradition. It remains to be seen whether his Hermetic virtues can be disentangled from his political sins. Meanwhile, he serves as a persuasive argument for the separation of esoteric ‘Church and State.’”[10]

With the publication of Men Among the Ruins: Post-War Reflections of a Radical Traditionalist,[11] English speakers can read Evola’s political views for themselves. They will find that the text, in Guido Stucco’s workman-like translation, edited by Michael Moynihan, is guarded by a double firewall. Joscelyn Godwin’s “Foreword” answers Jay Kinney’s hysterical diatribe of 1990. Godwin defends publishing Evola’s political writings by an appeal to “academic freedom,” which works “with the tools of rationality and scholarship, unsullied by emotionality or subjective references” and favors making all of Evola’s works available because “it would be academically dishonest to suppress anything.” Godwin’s high praise for The Doctrine of Awakening implicitly condemns Kinney’s ignorance. Evola’s books on esoteric topics reveal “one of the keenest minds in the field . . . The challenge to esotericists is that when Evola came down to earth, he was so ‘incorrect’ – by the received standards of our society. He was no fool; and he cannot possibly have been right . . . so what is one to make of it?”

Godwin’s “Preface” is followed by an introduction of more than 100 pages by Austrian esotericist H. T. Hansen on “Julius Evola’s Political Endeavors,” translated from the 1991 German version of Men Among the Ruins,[12] with additional notes and corrections (called “Preface to the American Edition”). Hansen’s introduction to Revolt Against the Modern World[13] is, with Robin Waterfield’s Gnosis essay, the best short introduction to Evola in English. His longer essay is essential for serious students, and Inner Traditions deserves warm thanks for publishing it. The major book on Evola is Christophe Boutin, Politique et Tradition: Julius Evola dans le siècle (1898-1974).[14]

Readers of books published by Inner Traditions might have guessed Evola’s politics. The Mystery of the Grail,[15] first published in 1937, praises the Holy Roman Empire as a great political force, led by Germans and Italians, which tried to unite Europe under the Nordic Ghibellines. Esotericists will probably guess that the title of Revolt Against the Modern World is an homage to Crisis of the Modern World,[16] the most accessible of René Guénon’s many books. The variation is also a challenge. Evola and Guénon see the modern world as the fulfillment of the Hindu Kali Yuga, or Dark Age, that will end one cosmic cycle and introduce another. For Guénon the modern world is to be endured, but Evola believed that real men are not passive. His praise of “The World of Tradition” with its warrior aristocracies and sacral kingship is peppered with contempt for democracy, but New Age writers often make such remarks, just as scientists do. If you believe you know the truth, it is hard not to be contemptuous of a system that determines matters by counting heads and ignores the distinction between the knowledgeable and the ignorant.

Visionary Among Italian Conservative Revolutionaries

Evola was not only an important figure in Guénon’s Integral Traditionalism, but also the leading Italian exponent of the Conservative Revolution in Germany, which included Carl Schmitt, Oswald Spengler, Gottfried Benn, and Ernst Jünger.[17] From 1934-43, Evola was editor of what we would now call the “op-ed” page of a major Italian newspaper (Regime Fascista) and published Conservative Revolutionaries and other right-wing and traditionalist authors.[18] He corresponded with Schmitt,[19] translated Spengler’s Decline of the West and Jünger’s An der Zeitmauer (At the Time Barrier) into Italian and wrote the best introduction to Jünger’s Der Arbeiter (The Worker), “The Worker” in Ernst Jünger’s Thought.[20]

Spengler has been well served by translation into English, but other important figures of the Conservative Revolution had to wait a long time. Carl Schmitt’s major works have been translated only in the past few decades.[21] Jünger’s most important work of social criticism, Der Arbeiter, has never been translated.[22] The major scholarly book on the movement has never been translated, either.[23] It is a significant statement on the limits of expression in the United States that so many leftist mediocrities are published, while major European thinkers of the rank of Schmitt, Jünger, and Evola have to wait so long for translation, if the day ever comes. It is certainly intriguing that a New Age press has undertaken the translation and publishing of Evola’s books, with excellent introductions.

The divorced wife of a respected free market economist once remarked to me, “Yale used to say that conservatives were just old-fashioned liberals.”[24] People who accept that definition will be flabbergasted by Julius Evola. Like Georges Sorel, Oswald Spengler, Whittaker Chambers, and Régis Debray, Evola insists that liberals and communists are in fundamental agreement on basic principles. This agreement is significant, because for Evola politics is an expression of basic principles and he never tires of repeating his own. The transcendent is real. Man’s knowledge of his relationship to transcendence has been handed down from the beginning of human culture. This is Tradition, with a capital T. Human beings are tri-partite: body, soul, and spirit. State and society are hierarchical and the clearer the hierarchy, the healthier the society. The worst traits of the modern world are its denial of transcendence, reductionist vision of man and egalitarianism.

These traits come together in what Evola called “la daimonìa dell’economia,” translated by Stucco as “the demonic nature of the economy.”[25] Real men exist to attain knowledge of the transcendent and to strive and accomplish heroically. The economy is only a tool to provide the basis for such accomplishments and to sustain the kind of society that permits the best to attain sanctity and greatness. The modern world denies this vision.

In both individual and collective life the economic factor is the most important, real, and decisive one . . . An economic era is already by definition a fundamentally anarchical and anti-hierarchical era; it represents a subversion of the normal order . . . This subversive character is found in both Marxism and in its apparent nemesis, modern capitalism. Thus, it is absurd and deplorable for those who pretend to represent the political ‘Right’ to fail to leave the dark and small circle that is determined by the demonic power of the economy – a circle including capitalism, Marxism, and all the intermediate economic degrees. This should be firmly upheld by those today who are taking a stand against the forces of the Left. Nothing is more evident than that modern capitalism is just as subversive as Marxism. The materialistic view of life on which both systems are based is identical.[26]

Most conservatives do not like the leftist hegemony we live under, but they still want to cling to some aspect of modernity to preserve a toehold on respectability. Evola rejected the Enlightenment project lock, stock, and barrel, and had little use for the Renaissance and the Reformation. His books ask us to take seriously the attempt to imagine an intellectual and political world that radically rejects the leftist worldview. He insists that those really opposed to the leftist regime, the true Right, are not embarrassed to use words like reactionary and counter revolutionary. If you are afraid of these words, you do not have the courage to stand up to the modern world.

He also countenances the German expression, Conservative Revolution, if properly understood. Revolution is acceptable only if it is true re-volution, a turning back to origins. Conservatism is valid only when it preserves the true Tradition. So loyalty to the bourgeois order is a false conservatism, because on the level of principle, the bourgeoisie is an economic class, not a true aristocracy. That is one reason why at the end of his life, Evola was planning a right-wing journal to be called The Reactionary, in conscious opposition to the leading Italian conservative magazine, Il Borghese, “The Bourgeois.”

For Evola the state creates the nation, not the opposite. Although Evola maintained a critical distance from Fascism and never joined the Fascist Party,[27] here he was in substantial agreement with Mussolini and the famous article on “Fascism” in the Enciclopedia Italiana, authored by the philosopher and educator, Giovanni Gentile. He disagreed strongly with the official philosophy of 1930’s Germany. The Volk is not the basis of a true state, an imperium. Rather the state creates the people. Naturally, Evola rejected Locke’s notion of the Social Contract, where rational, utilitarian individuals come together to give up some of their natural rights in order to preserve the most important one, the right to property. Evola also disagreed with Aristotle’s idea that the state developed from the family. The state was created from Männerbünde, disciplined groups entered through initiation by men who were to become warriors and priests. The Männerbund, not the family, is the original basis of true political life.[28]

Evola saw his mission as finding men who could be initiated into a real warrior aristocracy, the Hindu kshatriya, to carry out Bismarck’s “Revolution from above,” what Joseph de Maistre called “not a counterrevolution, but the opposite of a revolution.” This was not a mass movement, nor did it depend on the support of the masses, by their nature incapable of great accomplishments. Hansen thinks these plans were utopian, but Evola was in touch with the latest political science. The study of elites and their role in every society, especially liberal democracies, was virtually an Italian monopoly in the first half of the Twentieth century, carried on by men like Roberto Michels, Gaetano Mosca, and Vilfredo Pareto. Evola saw that nothing can be accomplished without leadership. The modern world needs a true elite to rescue it from its involution into materialism, egalitarianism and its obsession with the economy and to restore a healthy regime of order, hierarchy and spiritual creativity. When that elite is educated and initiated, then (and only then) a true state can be created and the Dark Age will come to an end.

Egalitarianism, Fascism, Race, and Roman Catholicism

Despite his criticism of the demagogic and populist aspects of Fascism and National Socialism, Evola believed that under their aegis Italy and Germany had turned away from liberalism and communism and provided the basis for a return to aristocracy, the restoration of the castes and the renewal of a social order based on Tradition and the transcendent. Even after their defeat in World War II, Evola believed that the fight was not over, although he became increasingly discouraged and embittered in the decades after the war. (Pain from a crippling injury suffered in an air raid may have contributed to this feeling.)

Although Evola believed that the transcendent was essential for a true revival, he did not look to the Catholic Church for leadership. Men Among the Ruins was published in 1953, when the official position of the Church was still strongly anti-Communist and Evola had lived through the 1920s and 1930s when the Vatican signed the Concordat with Mussolini. So his analysis of the Church, modified but not changed for the second edition in 1967, is impressive as is his prediction that the Church would move to the left.

After the times of De Maistre, Bonald, Donoso Cortés, and the Syllabus have passed, Catholicism has been characterized by political maneuvering . . . Inevitably, the Church’s sympathies must gravitate toward a democratic-liberal political system. Moreover, Catholicism had for a long time espoused the theory of ‘natural right,’ which hardly agrees with the positive and differentiated right, on which a strong and hierarchical State can be built . . . Militant Catholics like Maritain had revived Bergson’s formula according to which ‘democracy is essentially evangelical’; they tried to demonstrate that the democratic impulse in history appears as a temporal manifestation of the authentic Christian and Catholic spirit . . . By now, the categorical condemnations of modernism and progressivism are a thing of the past . . . When today’s Catholics reject the ‘medieval residues’ of their tradition; when Vatican II and its implementations have pushed for debilitating forms of ‘bringing things up to date’; when popes uphold the United Nations (a ridiculous hybrid and illegitimate organization) practically as the prefiguration of a future Christian ecumene – this leaves no doubt in which direction the Church is being dragged. All things considered, Catholicism’s capability of providing an adequate support for a revolutionary-conservative and traditionalist movement must be resolutely denied.[29]

Although his 1967 analysis mentions Vatican II, Evola’s position on the Catholic Church went back to the 1920s, when after his early Dadaism he was developing a philosophy based on the traditions of India, the Far East and ancient Rome under the influence of Arturo Reghini (1878-1946).[30] Reghini introduced Evola to Guénon’s ideas on Tradition and his own thinking on Roman “Pagan Imperialism” as an alternative to the Twentieth Century’s democratic ideals and plutocratic reality. Working with a leading Fascist ideologue, Giuseppe Bottai (1895-1959), Evola wrote a series of articles in Bottai’s Critica Fascista in 1926-27, praising the Roman Empire as a synthesis of the sacred and the regal, an aristocratic and hierarchical system under a true leader. Evola rejected the Catholic Church as a source of religion and morality independent of the state, because he saw its universalistic claims as compatible with and tending toward liberal egalitarianism and humanitarianism, despite its anti-Communist rhetoric.

Evola’s articles enjoyed a national succès de scandale and he expanded them into a book, Imperialismo Pagano (1928), which provoked a heated debate involving many Fascist and Catholic intellectuals, including, significantly, Giovanni Battista Montini (1897-1978), who, when Evola published the second edition of Men Among the Ruins in 1967, had become the liberal Pope Paul VI. Meanwhile, Mussolini was negotiating with Pope Pius XI (1857-1939) for a reconciliation in which the Church would give its blessings to his regime in return for protection of its property and official recognition as the religion of Italy. Italy had been united by the Piedmontese conquest of Papal Rome in 1870, and the Popes had never recognized the new regime. So Evola wrote in 1928, “Every Italian and every Fascist should remember that the King of Italy is still considered a usurper by the Vatican.”[31] The signing of the Vatican Accords on February 11, 1929, ended that situation and the debate. Even Reghini and Bottai turned against Evola.[32]

Evola later regretted the tone of his polemic, but he also pointed out that the fact that this debate took place gave the lie direct to extreme assertions about lack of freedom of speech in Fascist Italy. Evola has been vindicated on the main point. The Catholic Church accepts liberal democracy and even defends it as the only legitimate regime. Notre Dame University is not the only Catholic university with a Jacques Maritain Center, but neither Notre Dame nor any other Catholic university in America has a Center named after Joseph de Maistre or Louis de Bonald or Juan Donoso Cortés. Pope Pius IX was beatified for proclaiming the doctrine of the Immaculate Conception, not for his Syllabus Errorum, which denounced the idea of coming to terms with liberalism and modern civilization.

Those who want to distance Evola from Fascism emphasize the debate over Pagan Imperialism. For several years afterwards Fascist toughs harassed Evola, until he won the patronage of Roberto Farinacci, the Fascist boss of Cremona. Evola edited the opinion page of Farinacci’s newspaper, Regime Fascista, from 1934 to 1943 in an independent fashion. Although there are anecdotes about Mussolini’s fear of Evola, the documentary evidence points in the opposite direction. Yvon de Begnac’s talks with Mussolini, published in 1990, report Mussolini consistently speaking of Evola with respect. Il Duce had the following comments about the Pagan Imperialism debate:

Despite what is generally thought, I was not at all irritated by Doctor Julius Evola’s pronouncements made a few months before the Conciliation on the modification of relations between the Holy See and Italy. Anyhow, Doctor Evola’s attitude did not directly concern relations between Italy and the Holy See, but what seemed to him the long-term irreconcilability of the Roman tradition and the Catholic tradition. Since he identified Fascism with the Roman tradition, he had no choice but to reckon as its adversary any historical vision of a universalistic order.[33]

Mussolini’s strongest support for Evola came on the subject of race, which became an issue after Italy’s conquest of Ethiopia in 1936. Influenced by Nazi Germany, Italy passed Racial Laws in 1938. Evola was already writing on the racial views consistent with a Traditional vision of mankind in opposition to what he saw as the biological reductionism and materialism of Nazi racial thought. His writings infuriated Guido Landra, editor of the journal, La Difesa della Razza (Defense of the Race). Landra and other scientific racists were especially irritated by Evola’s article, “Scientific Racism’s Mistake.”[34] Mussolini, however, praised Evola’s writings as early as 1935 and permitted Evola’s Summary of Racial Doctrine to be translated into German as Compendium of Fascist Racial Doctrine to represent the official Fascist position.[35]

Evola accepts the Traditional division of man into body, soul, and spirit and argues that there are races of all three.

While in a ‘pure blood’ horse or cat the biological element constitutes the central one, and therefore racial considerations can be legitimately restricted to it, this is certainly not the case with man, or at least any man worthy of the name . . . Therefore racial treatment of man can not stop only at a biological level.[36]

Just as the state creates the people and the nation, so the spirit forms the races of body and soul. Evola had done considerable research on the history of racial studies and wrote a history of racial thought from Classical Antiquity to the 1930’s, The Blood Myth: The Genesis of Racism.[37] Evola knew that in addition to the tradition of scientific racism, represented by Gobineau, Houston Stewart Chamberlain, Alfred Rosenberg, and Landra was one that appreciated extra- or super-biological elements and whose adherents included Montaigne, Herder, Fichte, Gustave Le Bon, and Evola’s contemporary and friend, Ludwig Ferdinand Clauss, a German biologist at the University of Berlin.[38]

Hansen has a thorough discussion of “Evola’s Attitude Toward the Jews.” Evola thought that the negative traits associated with Jews were spiritual, not physical. So a biological Jew might have an Aryan soul or spirit and biological Aryans might – and did – have a Semitic soul or spirit. As Landra saw, this was the end of any politically useful scientific racism. The greatest academic authority on Fascism, Renzo de Felice argued in The Jews in Fascist Italy that Evola’s theories are wrong, but that they have a distinguished intellectual ancestry, and Evola argued for them in an honorable way.[39] In recent years, Bill Clinton was proclaimed America’s first black president. This instinctive privileging of style over biology is in line with Evola’s views.

Hansen does not discuss Evola’s views on Negroes, to which Christophe Boutin devotes several pages of Politique et Tradition.[40] In his 1968 collection of essays, The Bow and the Club,[41] there is a chapter on “America Negrizzata,” which argues that, while there was relatively little miscegenation in the United States, the Telluric or Negro spirit has had considerable influence on the quality of American culture. The 1972 edition of Men Among the Ruins ends with an “Appendix on the Myths of our Time,” of which number IV is “Taboos of our Times.”[42] The two taboos discussed forbid a frank discussion of the “working class,” common in Europe, and of the Negro. Although written thirty years ago, it is up-to-date in its description of this subject and notices that the word “Negro” itself was becoming taboo as “offensive.”[43] La vera Destra, a real Right, will oppose this development. This appendix is not translated in the Inner Traditions or the 1991 German editions, confirming its accuracy.

At the end of Men Among the Ruins, instead of the Appendix of the 1972 edition, stands Evola’s 1951 Autodifesa, the speech he gave in his own defense when he was tried by the Italian democracy for “defending Fascism,” attempting to reconstitute the dissolved Fascist Party” and being the “master” and inspirer” of young Neo-Fascists.[44] Like Socrates, he was accused of not worshipping the gods of the democracy and of corrupting youth. When he asked in open court where in his published writings he had defended “ideas proper to Fascism,” the prosecutor, Dr. Sangiorgi, admitted that there were no such passages, but that the general spirit of his works promoted “ideas proper to Fascism,” such as monocracy, hierarchism, aristocracy or elitism. Evola responded.

I should say that if such are the terms of the accusation,[45] I would be honored to see, seated at the same bank of accusation, such people as Aristotle, Plato, the Dante of De Monarchia, and so on up to Metternich and Bismarck. In the same spirit as a Metternich, a Bismarck,[46] or the great Catholic philosophers of the principle of authority, De Maistre and Donoso Cortés, I reject all that which derives, directly or indirectly, from the French Revolution and which, in my opinion, has as its extreme consequence Bolshevism; to which I counterpose the ‘world of Tradition.’ . . . My principles are only those that, before the French Revolution, every well-born person considered sane and normal.[47]

Evola’s Autodifesa was more effective than Socrates’ Apology, since the jury found him “innocent” of the charges. (Italian juries may find a defendant “innocent,” “not guilty for lack of proof,” or “guilty.”) Evola noted in his speech, “Some like to depict Fascism as an ‘oblique tyranny.’[48] During that ‘tyranny’ I never had to undergo a situation like the present one.” Evola was no lackey of the Fascist regime. He attacked conciliation with the Vatican in the years before the 1929 Vatican Accords and developed an interpretation of race that directly contradicted the one favored by the German government and important currents within Fascism. His journal, La Torre (The Tower), was closed down in 1930 because of his criticism of Fascist toughs, gli squadristi. Evola, however, never had to face jail for his serious writings during the Fascist era. That had to wait for liberal democracy. Godwin and Hansen are absolutely correct to emphasize Evola’s consistency and coherence as an esoteric thinker and his independence from any party-line adherence to Fascism. On the other hand, Evola considered his politics a direct deduction from his beliefs about Tradition. He was a sympathetic critic of Fascism, but a remorseless opponent of liberal democracy.

Inner Traditions and the Holmes Publishing Group[49] have published translations of most of Evola’s esoteric writings and some important political books. Will they go on to publish the rest of his oeuvre? Joscelyn Godwin, after all, wrote, “It would be intellectually dishonest to suppress anything.” Evola’s book on Ernst Jünger might encourage a translation of Der Arbeiter. Riding the Tiger[50] explains how the “differentiated man” (uomo differenziato) can maintain his integrity in the Dark Age. It bears the same relation to Men Among the Ruins that Aristotle’s Ethics bears to his Politics and, although published later, was written at the same time.Riding the Tiger[51] There are brilliant essays in The Bow and the Club, but can a book be published in contemporary America with an essay entitled “America Negrizzata?” Pagan Imperialism is a young man’s book, vigorous and invigorating.

The most challenging book for readers who enjoy Men Among the Ruins is Fascism Seen from the Right, with its appendix, “Notes on the Third Reich,”Riding the Tiger[52] where Evola criticizes both regimes as not right-wing enough. A world respectful of communism and liberalism (and accustomed to using the word “Fascist” as an angry epithet) will find it hard to appreciate a book critical, but not disrespectful, of il Ventennio (the Twenty Years of Fascist rule). I would suggest beginning with the short pamphlet, Orientamenti (Orientations),[53] which Evola composed in 1950 as a summary of the doctrine of Men Among the Ruins.

Hansen quotes right-wing Italians who say that Evola’s influence discourages political action because his Tradition comes from an impossibly distant past and assumes an impossibly transcendent truth and a hopelessly pessimistic view of the present. Yet Evola confronts the modern world with an absolute challenge. Its materialism, egalitarianism, feminism, and economism are fundamentally wrong. The way out is through rejecting these mistakes and returning to spirit, transcendence and hierarchy, to the Männerbund and the Legionary Spirit. It may be discouraging to think that we are living in a Dark Age, but the Kali Yuga is also the end of a cosmic cycle. When the current age ends, a new one will begin. This is not Spengler’s biologistic vision, where our civilization is an individual, not linked to earlier ones and doomed to die without offspring, like all earlier ones.[54]

We are linked to the past by Tradition and when the Dark Age comes to an end, Tradition will light the way to new greatness and accomplishment. We may live to see that day. If not, what will survive is the legionary spirit Evola described in Orientamenti:

It is the attitude of a man who can choose the hardest road, fight even when he knows that the battle is materially lost and live up to the words of the ancient saga, ‘Loyalty is stronger than fire!’ Through him the traditional idea is asserted, that it is the sense of honor and of shame – not halfway measures drawn from middle class moralities – that creates a substantial, existential difference among beings, almost as great as between one race and another race. If anything positive can be accomplished today or tomorrow, it will not come from the skills of agitators and politicians, but from the natural prestige of men both of yesterday but also, and more so, from the new generation, who recognize what they can achieve and so vouch for their idea.[55]

This is the ideal of Oswald Spengler’s Roman soldier, who died at this post at Pompeii as the sky fell on him, because he had not been relieved. We do not need programs and marketing strategies, but men like that. “It is men, provided they are really men, who make and unmake history.”[56] Evola’s ideal continues to speak to the right person. “Keep your eye on just one thing: to remain on your feet in a world of ruins.”

End Notes

[1]. La dottrina del risveglio, Bari, 1943, revised in 1965.

[2]. Lo Yoga della potenza, Milan, 1949, revised in 1968, was a new edition of L’Uomo come Potenza, Rome, 1926; Metafisica del sesso, Rome, 1958, revised 1969.

[3]. Introduzione alla magia quale scienza del’Io, 3 volumes, Rome, 1927-29, revised 1971, Introduction to Magic: Rituals and Practical Techniques for the Magus, Rochester, VT: 2001; La tradizione hermetica (Bari, 1931), revised 1948, 1971; The Hermetic Tradition, Rochester, VT: 1995.

[4]. Rivolta contro il mondo moderno, Milan, 1934, revised 1951, 1969.

[5]. Robin Waterfield gives a useful bibliography at the end of his Gnosis essay (note 8, below) p. 17.

[6]. Karlheinz Weissman, “Bibliographie” in Menschen immitten von Ruinen, Tübingen, 1991, pp. 403-406, e.g., Heidnischer Imperialismus, Leipzig, 1933; Erhebung wider die moderne Welt, Stuttgart, 1935; Revolte gegen die moderne Welt, Berlin, 1982; Den Tiger Reiten, Vilsborg, 1997.

[7]. Thomas Sheehan, “Myth and Violence: The Fascism of Julius Evola and Alain de Benoist,” Social Research 48: 1981, pp. 45-73; Franco Ferraresi, “Julius Evola: tradition, reaction and the Radical Right,” Archives européennes de sociologie 28: 1987, pp. 107-151; Richard Drake, “Julius Evola and the Ideological Origins of the Radical Right in Contemporary Italy,” in Peter H. Merkl, (ed.), Political Violence and Terror: Motifs and Motivations, Berkeley, 1986, pp. 61-89; idem, The Revolutionary Mystique and Terrorism in Contemporary Italy, Bloomington, 1989.

[8]. Robin Waterfield, “Baron Julius Evola and the Hermetic Tradition,” Gnosis 14:1989-90, pp. 12-17.

[9]. Elémire Zolla, “The Evolution of Julius Evola’s Thought,” Gnosis 14: 1989-90, pp. 18-20.

[10]. Jay Kinney, “Who’s Afraid of the Bogeyman? The Phantasm of Esoteric Terrorism,” Gnosis 14: 1989-90, pp. 21-24.

[11].. Gli uomini e le rovine, Rome, 1953, revised 1967, with a new appendix, 1972.

[12]. H. T. Hansen, “Julius Evolas politisches Wirken,” Menshen immitten von Ruinen (note 6, above) pp. 7-131.

[13]. H. T. Hansen, “A Short Introduction to Julius Evola” in Revolt Against the Modern World, Rochester, VT, 1995, ix-xxii, translated from Hansen’s article in Theosophical History 5, January 1994, pp. 11-22.

[14]

Lire la suite

lundi, 08 février 2010 | Lien permanent | Commentaires (1)

La Tradition dans la pensée de Martin Heidegger et de Julius Evola

Le primordial et l’éternel :
La Tradition dans la pensée de Martin Heidegger et de Julius Evola

par Michael O'Meara 

Ex: http://www.counter-currents.com/

heidegger.jpgL’opposé de la tradition, dit l’historien Dominique Venner, n’est pas la modernité, une notion illusoire, mais le nihilisme [1]. D’après Nietzsche, qui développa le concept, le nihilisme vient avec la mort des dieux et « la répudiation radicale de [toute] valeur, sens et désirabilité » [2]. Un monde nihiliste – comme le nôtre, dans lequel les valeurs les plus élevées ont été dévaluées – est un monde incapable de canaliser les courants entropiques de la vie dans un flux sensé, et c’est pourquoi les traditionalistes associés à l’éternalisme guénonien, au traditionalisme radical, au néo-paganisme, au conservatisme révolutionnaire, à l’anti-modernisme et à l’ethno-nationalisme se rassemblent contre lui.

La tradition dont les vérités signifiantes et créatives sont affirmées par ces traditionalistes contre l’assaut nihiliste de la modernité n’est pas le concept anthropologique et sociologique dominant, défini comme « un ensemble de pratiques sociales inculquant certaines normes comportementales impliquant une continuité avec un passé réel ou imaginaire ». Ce n’est pas non plus la « démocratie des morts » de G. K. Chesterton, ni la « banque générale et le capital des nations et des âges » d’Edmund Burke. Pour eux la tradition n’avait pas grand-chose à voir avec le passé comme tel, des pratiques culturelles formalisées, ou même le traditionalisme. Venner, par exemple, la compare à un motif musical, un thème guidant, qui fournit une cohérence et une direction aux divers mouvements de la vie.

Si la plupart des traditionalistes s’accordent à voir la tradition comme orientant et transcendant à la fois l’existence collective d’un peuple, représentant quelque chose d’immuable qui renaît perpétuellement dans son expérience du temps, sur d’autres questions ils tendent à être en désaccord. Comme cas d’école, les traditionalistes radicaux associés à TYR s’opposent aux « principes abstraits mais absolus » que l’école guénonienne associe à la « Tradition » et préfèrent privilégier l’héritage européen [3]. Ici l’implication (en-dehors de ce qu’elle implique pour la biopolitique) est qu’il n’existe pas de Tradition Eternelle ou de Vérité Universelle, dont les vérités éternelles s’appliqueraient partout et à tous les peuples – seulement des traditions différentes, liées à des peuples différents dans des époques et des régions culturelles différentes. Les traditions spécifiques de ces histoires et cultures incarnent, comme telles, les significations collectives qui définissent, situent et orientent un peuple, lui permettant de triompher des défis incessant qui lui sont spécifiques. Comme l’écrit M. Raphael Johnson, la tradition est « quelque chose de similaire au concept d’ethnicité, c’est-à-dire un ensemble de normes et de significations tacites qui se sont développées à partir de la lutte pour la survie d’un peuple ». En-dehors du contexte spécifique de cette lutte, il n’y a pas de tradition [4].

Mais si puissante qu’elle soit, cette position « culturaliste » prive cependant les traditionalistes radicaux des élégants postulats philosophiques et principes monistes étayant l’école guénonienne. Non seulement leur projet de culture intégrale enracinée dans l’héritage européen perd ainsi la cohésion intellectuelle des guénoniens, mais il risque aussi de devenir un pot-pourri d’éléments disparates, manquant de ces « vues » philosophiques éclairées qui pourraient ordonner et éclairer la tradition dont ils se réclament. Cela ne veut pas dire que la révolte de la tradition contre le monde moderne doive être menée d’une manière philosophique, ou que la renaissance de la tradition dépende d’une formulation philosophique spécifique. Rien d’aussi utilitaire ou utopique n’est impliqué, car la philosophie ne crée jamais – du moins jamais directement – « les mécanismes et les opportunités qui amènent un état de choses historique » [5]. De telles « vues » fournissent plutôt une ouverture au monde – dans ce cas, le monde perdu de la tradition – montrant la voie vers ces perspectives que les traditionalistes radicaux espèrent retrouver.

Je crois que la pensée de Martin Heidegger offre une telle vision. Dans les pages qui suivent, nous défendrons une appropriation traditionaliste de la pensée heideggérienne. Les guénoniens sont ici pris comme un repoussoir vis-à-vis de Heidegger non seulement parce que leur approche métaphysique s’oppose à l’approche historique européenne associée à TYR, mais aussi parce que leur discours possède en partie la rigueur et la profondeur de Heidegger. René Guénon représente cependant un problème, car il fut un apostat musulman de la tradition européenne, désirant « orientaliser » l’Occident. Cela fait de lui un interlocuteur inapproprié pour les traditionalistes radicaux, particulièrement en comparaison avec son compagnon traditionaliste Julius Evola, qui fut l’un des grands champions contemporains de l’héritage « aryen ». Parmi les éternalistes, c’est alors Evola plutôt que Guénon qui offre le repoussoir le plus approprié à Heidegger [6].

Le Naturel et le Surnaturel

Etant donné les fondations métaphysiques des guénoniens, le Traditionalisme d’Evola se concentrait non sur « l’alternance éphémère des choses données aux sens », mais sur « l’ordre éternel des choses » situé « au-dessus » d’elles. Pour lui Tradition signifie la « sagesse éternelle, la philosophia perennis, la Vérité Primordiale » inscrite dans ce domaine supra-humain, dont les principes éternels, immuables et universels étaient connus, dit-on, des premiers hommes et dont le patrimoine (bien que négligé) est aujourd’hui celui de toute l’humanité [7].

La « méthode traditionaliste » d’Evola vise ainsi à recouvrer l’unité perdue dans la multiplicité des choses du monde. De ce fait il se préoccupe moins de la réalité empirique, historique ou existentielle (comprise comme un reflet déformé de quelque chose de supérieur) que de l’esprit – tel qu’on le trouve, par exemple, dans le symbole, le mythe et le rituel. Le monde humain, par contre, ne possède qu’un ordre d’importance secondaire pour lui. Comme Platon, il voit son domaine visible comme un reflet imparfait d’un domaine invisible supérieur. « Rien n’existe ici-bas », écrit-il, « …qui ne s’enracine pas dans une réalité plus profonde, numineuse. Toute cause visible n’est qu’apparente » [8]. Il refuse ainsi toutes les explications historiques ou naturalistes concernant le monde contingent de l’homme.

Voyant la Tradition comme une « présence » transmettant les vérités transcendantes obscurcies par le tourbillon éphémère des apparences terrestres, Evola identifie l’Etre à ses vérités immuables. Dans cette conception, l’Etre est à la fois en-dehors et au-delà du cours de l’histoire (c’est-à-dire qu’il est supra-historique), alors que le monde humain du Devenir est associé à un flux toujours changeant et finalement insensé de vie terrestre de sensations. La « valeur suprême et les principes fondateurs de toute institution saine et normale sont par conséquent invariables, étant basés sur l’Etre » [9]. C’est de ce principe que vient la doctrine évolienne des « deux natures » (la naturelle et la surnaturelle), qui désigne un ordre physique associé au monde du Devenir connu de l’homme et un autre ordre qui décrit le royaume métaphysique inconditionné de l’Etre connu des dieux.

Les civilisations traditionnelles, affirme Evola, reflétaient les principes transcendants transmis dans la Tradition, alors que le royaume « anormal et régressif » de l’homme moderne n’est qu’un vestige décadent de son ordre céleste. Le monde temporel et historique du Devenir, pour cette raison, est relégué à un ordre d’importance inférieur, alors que l’unité éternelle de l’Etre est privilégiée. Comme son « autre maître » Joseph de Maistre, Evola voit la Tradition comme antérieure à l’histoire, non conditionnée par le temps ou les circonstances, et donc sans lien avec les origines humaines » [10]. La primauté qu’il attribue au domaine métaphysique est en effet ce qui le conduit à affirmer que sans la loi éternelle de l’Etre transmise dans la Tradition, « toute autorité est frauduleuse, toute loi est injuste et barbare, toute institution est vaine et éphémère » [11].

La Tradition comme Überlieferung

Heidegger suit la voie opposée. Eduqué pour une vocation dans l’Eglise catholique et fidèle aux coutumes enracinées et provinciales de sa Souabe natale, lui aussi s’orienta vers « l’ancienne transcendance et non la mondanité moderne ». Mais son anti-modernisme s’opposait à la tradition de la pensée métaphysique occidentale et, par implication, à la philosophie guénonienne de la Tradition (qu’il ne connaissait apparemment pas).

La métaphysique est cette branche de la philosophie qui traite des questions ontologiques majeures, la plus fondamentale étant la question : Qu’est-ce que l’Etre ? Commençant avec Aristote, la métaphysique tendit néanmoins à s’orienter vers la facette non-physique et non-terrestre de l’Etre, tentant de saisir la transcendance de différents êtres comme l’esprit, la force, ou l’essence [12]. En recourant à des catégories aussi généralisées, cette tendance postule un royaume transcendant de formes permanentes et de vérités inconditionnées qui comprennent l’Etre d’une manière qui, d’après Heidegger, limite la compréhension humaine de sa vérité, empêchant la manifestation d’une présence à la fois cachée, ouverte et fuyante. Dans une formulation opaque mais cependant révélatrice, Heidegger écrit : « Quand la vérité [devient une incontestable] certitude, alors tout ce qui est vraiment réel doit se présenter comme réel pour l’être réel qu’il est [supposément] » – c’est-à-dire que quand la métaphysique postule ses vérités, pour elle la vérité doit se présenter non seulement d’une manière autoréférentielle, mais aussi d’une manière qui se conforme à une idée préconçue d’elle-même » [13]. Ici la différence entre la vérité métaphysique, comme proposition, et l’idée heideggérienne d’une manifestation en cours est quelque peu analogue à celle différenciant les prétentions de vérité du Dieu chrétien de celles des dieux grecs, les premières présupposant l’objectivité totale d’une vérité universelle éternelle et inconditionnée préconçue dans l’esprit de Dieu, et les secondes acceptant que la « dissimulation » est aussi inhérente à la nature polymorphe de la vérité que l’est la manifestation [14].

Etant donné son affirmation a-historique de vérités immuables installées dans la raison pure, Heidegger affirme que l’élan préfigurant et décontextualisant de la métaphysique aliène les êtres de l’Etre, les figeant dans leurs représentations momentanées et les empêchant donc de se déployer en accord avec les possibilités offertes par leur monde spécifique. L’oubli de l’être culmine dans la civilisation technologique moderne, où l’être est défini simplement comme une chose disponible pour l’investigation scientifique, la manipulation technologique et la consommation humaine. La tradition métaphysique a obscurci l’Etre en le définissant en termes essentiellement anthropocentriques et même subjectivistes.

Mais en plus de rejeter les postulats inconditionnés de la métaphysique [15], Heidegger associe le mot « tradition » – ou du moins sa forme latinisée (die Tradition) – à l’héritage philosophique occidental et son oubli croissant de l’être. De même, il utilise l’adjectif « traditionell » péjorativement, l’associant à l’élan généralisant de la métaphysique et aux conventions quotidiennes insouciantes contribuant à l’oubli de l’Etre.

Mais après avoir noté cette particularité sémantique et son intention antimétaphysique, nous devons souligner que Heidegger n’était pas un ennemi de la tradition, car sa philosophie privilégie ces « manifestations de l’être » originelles dans lesquelles naissent les grandes vérités traditionnelles. Comme telle, la tradition pour lui n’est pas un ensemble de postulats désincarnés, pas quelque chose d’hérité passivement, mais une facette de l’Etre qui ouvre l’homme à un futur lui appartenant en propre. Dans cet esprit, il associe l’Überlieferung (signifiant aussi tradition) à la transmission de ces principes transcendants inspirant tout « grand commencement ».

La Tradition dans ce sens primordial permet à l’homme, pense-t-il, « de revenir à lui-même », de découvrir ses possibilités historiquement situées et uniques, et de se réaliser dans la plénitude de son essence et de sa vérité. En tant qu’héritage de destination, l’Überlieferung de Heidegger est le contraire de l’idéal décontextualisé des Traditionalistes. Dans Etre et Temps, il dit que die Tradition « prend ce qui est descendu vers nous et en fait une évidence en soi ; elle bloque notre accès à ces ‘sources’ primordiales dont les catégories et les concepts transmis à nous ont été en partie authentiquement tirés. En fait, elle nous fait oublier qu’elles ont eu une telle origine, et nous fait supposer que la nécessité de revenir à ces sources est quelque chose que nous n’avons même pas besoin de comprendre » [17]. Dans ce sens, Die Tradition oublie les possibilités formatives léguées par son origine de destination, alors que l’Überlieferung, en tant que transmission, les revendique. La pensée de Heidegger se préoccupe de retrouver l’héritage de ces sources anciennes.

Sa critique de la modernité (et, contrairement à ce qu’écrit Evola, il est l’un de ses grands critiques) repose sur l’idée que la perte ou la corruption de la tradition de l’Europe explique « la fuite des dieux, la destruction de la terre, la réduction des êtres humains à une masse, la prépondérance du médiocre » [18]. A présent vidé de ses vérités primordiales, le cadre de vie européen, dit-il, risque de mourir : c’est seulement en « saisissant ses traditions d’une manière créative », et en se réappropriant leur élan originel, que l’Occident évitera le « chemin de l’annihilation » que la civilisation rationaliste, bourgeoise et nihiliste de la modernité semble avoir pris » [19].

La tradition (Überlieferung) que défend l’antimétaphysique Heidegger n’est alors pas le royaume universel et supra-sensuel auquel se réfèrent les guénoniens lorsqu’ils parlent de la Tradition. Il s’agit plutôt de ces vérités primordiales que l’Etre rend présentes « au commencement » –, des vérités dont les sources historiques profondes et les certitudes constantes tendent à être oubliées dans les soucis quotidiens ou dénigrées dans le discours moderniste, mais dont les possibilités restent néanmoins les seules à nous être vraiment accessibles. Contre ces métaphysiciens, Heidegger affirme qu’aucune prima philosophia n’existe pour fournir un fondement à la vie ou à l’Etre, seulement des vérités enracinées dans des origines historiques spécifiques et dans les conventions herméneutiques situant un peuple dans ses grands récits.

Lire la suite

lundi, 08 avril 2013 | Lien permanent

Julius Evola on Race

 

Ex: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Evola.html#TS


 

Julius Evola on Race

Tom Sunic

May 1, 2010 

Growing interest in English speaking countries for the Italian philosopher Julius Evola may be a sign of the revival of the awesome cultural legacy of the Western civilization (see here and here). This legacy is awkwardly termed the “traditional –revolutionary – elitist – anti-egalitarian – postmodern thought.” But why not simply call it classical thought?  

The advantage of Evola, in contrast to many modern scholars of the same calibre, may be his staggering erudition that goes well beyond the narrow study of race. Evola was just as much at ease writing thick volumes about religion, language and sexuality as writing about legal issues related to international politics, or depicting decadence of the liberal system. His shortcomings are, viewed from the American academic perspective, that his prose is often not focused enough and his narrative often embraces too many topics at once. Evola was not a self-proclaimed “expert” on race — yet his erudition made him compose several impressive books on race from angles that are sorely missing among modern sociobiologists and race experts. Therefore, Evola’s works on race must be always put in a lager perspective. 

In this short survey of Evola’s position on race I am using the hard cover of the French translation of Indirizzi per una educazione razziale (1941) (Eléments pour une éduction raciale, 1984) and the more expanded Sintesi di dottrina della razza (1941), (“Synthesis of the racial doctrine”), translated into German by the author himself and by Annemarie Rasch and published in Germany in 1943. To my knowledge these two books are not available in English translation. His and Rasch’s excellent German translation of Sintesi had received (in my view an awkward and unnecessary) ‘political’ title; Grundrisse der faschistischen Rassenlehre (“Outlines of the fascist racial doctrine”) and is available on line.

Race of the Body vs. Race of the Spirit   

Evola writes that race represents a crucial element in the life of all humans. However, while acknowledging the clear-cut physical and biological markers of each race, he stresses over and over again the paramount importance of the spiritual and internal aspects of race — two points that are decisive for genuine racial awareness of the White man. Without full comprehension of these constituent racial parts — i.e., the “race of the soul” and the “race of the spirit” — no racial awareness is possible. Evola is adamantly opposed to conceptualizing race from a purely biological, mechanistic and Darwinian perspective. He sees that approach as dangerously reductionist, leading to unnecessary political and intellectual infighting.  

Diverse causes have contributed until now to the fact that racism has become the object of propaganda entrusted to incompetent people, to individuals who are waking up any day now as racists and anti-Semites and whose simple sloganeering has replaced serious principles and information. (Eléments pour une éduction raciale, p. 15) 

Evola freely uses the term ‘racism’ (razzismo) and ‘racist’ (razzista).  This was quite understandable in his epoch given that these words in Europe in the early thirties of the 20th century had a very neutral meaning with no dreaded symbols of the absolute evil ascribed to them today. The same can be said of the word ‘fascism’ and even ‘totalitarianism’ —  words which Evola uses in a normative manner when depicting an organic and holistic society designed for the future of the Western civilization. For Evola, the sense of racial awareness is more a spiritual endeavor and less a form of biological typology.      

And in this respect, we need to repeat it; we are dealing here with a formation of a mentality, a sensibility, and not with intellectual schemes or classifications for natural science manuals. (Eléments p. 16) 

For Evola, being White is not just a matter of good looks and high IQ, or for that matter something that needs to be sported in public. Racial awareness implies a sense of mysticism combined with the knowledge of one’s family lineage as well as a spiritual effort to delve into the White man’s primordial and mythical times. This is a task, which in the age of liberal chaos, must be entrusted only to élites completely detached from any material or pecuniary temptation.

Thus, racism invigorates and renders tangible the concept of tradition; it  makes the individual get used to observing in our ancestors not just a series of the more or less illustrious “dead,” but rather the expression of something still alive in ourselves and to which we are tied in our interior.  We are the carriers of a heritage that has been transmitted to us and that we need to transmit  – and in this spirit it is something going beyond time, something indicating,  what we called elsewhere, ‘the eternal race.’ (Eléments, p.31) 

In other words race is at a same time a heritage and a collective substrate. Irrespective of the fact that it expresses itself among all people, it is only among few that it attains its perfect realization and it is precisely there that the action and the significance of the individual and the personality can assert themselves. (Eléments, p.34) 

Evola offers the same views in his more expanded Sintesi (Grundrisse), albeit by using a somewhat different wording. Racial awareness for Evola requires moral courage and impeccable character and not just physical prowess. It is questionable to what extent many White racists today, in a self-proclaimed “movement” of theirs, with their silly paraphernalia on public display, are capable of such a mental exercise.       

Race means superiority, wholeness, decisiveness in life. There are common people and there are people “of race”. Regardless of which social status they belong to, these people form an aristocracy(Grundrisse, p.17).

In this particular regard, the racial doctrine rejects the doctrine of the environment, known to be an accessory to liberalism, to the idea of humanity and to Marxism. These false doctrines have picked up on the theory of the environment in order to defend the dogma of fundamental equality of all people. (Grundrisse, p. 17) 

And further Evola writes: 

Our position, when we claim that race exists as much in the body as in the spirit, goes beyond these two points of view. Race is a profound force manifesting itself in the realm of the body (race of the body) as in the realm of the spirit (race of the interior, race of the sprit).  In its full meaning the purity of race occurs when these two manifestations coincide; in other words, when the race of the body matches the race of the spirit and when it is capable of serving the most adequate organ of expression. (p.48) 

Racial-Spiritual Involution and the present Dark Ages  

Evola is aware of the dangerous dichotomy between the race of the spirit and the race of the body that may occur within the same race — or, as we call it, within the same ingroup. This tragic phenomenon occurs as a result of selecting the wrong mates, miscegenation, and genetic flaws going back into the White man’s primordial times. Modern social decadence also fosters racial chaos. Evola argues that very often the “race of the body” may be perfectly pure, with the “race of the spirit” being already tainted or destroyed. This results in a cognitive clash between a distorted perception of objective reality vs. subjective reality, and which sooner or later leads to strife or civil war. 

Evola harbors no illusions about master race; he advocates racial hygiene, always emphasizing the spiritual aspect of the race first. On a practical level, regarding modern White nationalists, Evola’s words are important insofar as they represent a harsh indictment of the endless bickering, petty sectarianism and petty jealousy seen so often among Whites. A White nationalist may be endowed with a perfect race of the body, but his racial spirit may be dangerously mongrelized.  

Studying racial psychology is a crucial task for all White racialists — an endeavor in which Evola was greatly influenced by the German racial scholar and his contemporary Franz Ludwig Clauss.

Furthermore, a special circumstance must be singled out, confirming the already stated fact that races that have best biologically preserved the Nordic type are inwardly sometimes in a higher degree of regression than other races of the same family. Some Nordic nations — especially the Anglo-Saxons — are those in which the tradition-conditioned normal relationship between the sexes has been turned upside down. The so-called emancipation of woman — which in reality only means the mutilation and degradation of woman — has actually started out among these nations and has been most widespread among them, whereas this relationship still retains something of a tradition-based view among other nations, regardless of it its bourgeois or its conventional echo.(Grundrisse p. 84).

Evola is well aware of the complexity of understanding race as well as our still meager knowledge of the topic. He is well aware that race cannot be just the subject of biologists, but also of paleontologists, psycho-anthropologists and mystics, such as the French mystic René Guenon, whom he knew well and whom he often quotes.  

Following in Evola’s footsteps we may raise a haunting question. Why individuals of the same White race, i.e. of the same White in-group frequently do not understand each other? Why is it that the most murderous wars have occurred within the same race, i.e. within the same White ingroup, despite the fact that the European ingroup is more or less biologically bonded together by mutual blood ties?  One must always keep in mind that the bloodiest wars in the 20th century occurred not between two racially opposed out-groups, but often within the same White ingroup. The level of violence between Whites and Whites during the American civil war, the savagery of the intra-White civil war in Spain from 1936 to 1939,  the degree of mutual hatred amidst White Europeans during WWII, and not least the recent intra-White barbarity of the Yugoslav conflict, are often incomprehensible for a member of the non-European outgroup. This remains an issue that needs to be urgently addressed by all sociobiologists. It must be pondered by all White nationalist activists all over the world.

There are actually too many cases of people who are somatically of the same race, of the same tribe, indeed who are fathers and sons of the same blood in the strict sense of the word and, yet who cannot “understand” each other. A demarcation line separates their souls; their way of feeling and judging is different and their common race of the body cannot do much about it, nor their common blood.  The impossibility of mutual understanding lies therefore on the level of supra-biology (“überbiologische Ebene”). Mutual understanding and hence real togetherness, as well as deeper unity, are only possible where the common "race of the soul" and the "spirit" coexist. (Grundrisse, 89) 

In order to understand his political and moral predicament, the White man must therefore delve into myths of his prehistory and look for his faults. For Evola, we are all victims of rationalism, Enlightenment and positivistic sciences that keep us imprisoned in a straitjacket of “either-or,” always in search for causal and rational explanations. Only by grasping the supraracial (superraza) meaning of ancient European myths and by using them as role models, can we come to terms with the contemporary racial chaos of the modern system.  

It is absolutely crucial to grasp the living significance of such a change of perspectives inherent to racist conceptions; the superior does not derive from the inferior. In the mystery of our blood, in the depth of our most abysmal of our being, resides the ineffaceable heredity of our primordial times. This is not heredity of brutality of bestial and savage instincts gone astray, as argued by psychoanalysis, and which, as one may logically conclude, derive from “evolutionism” or Darwinism. This heredity of origins, this heredity which comes from the deepest depth of times is theheredity of the light. (Eléments  72–73) 

Briefly, Evola rejects the widespread idea that we have evolved from exotic African monkeys, as the standard theory of evolution goes, and which is still widely accepted by modern scientists. He believes that we have now become the tainted progeny of the mythical Hyperborean race, which has significantly racially deteriorated over the eons and which has been adrift both in time and space. Amidst the ruins of the modern world, gripped by perversion and decadence, Evola suggest for new political elites the two crucial criteria, “the character and the form of the spirit, much more than intelligence.” As a racial mystic, Evola warns:

Because the concept of the world can be much more precise with a man without instruction than with a writer; it can be more solid with a soldier, or a peasant loyal to his land, than with a bourgeois intellectual, professor, or a journalist. (quoted in Alain de Benoist’s, Vude droite, 1977, p. 435)

We could only add that the best cultural weapons for our White “super-race” are our common  Indo-Aryan myths, our sagas, our will to power — and our inexorable sense of the tragic. 

Tom Sunic (http://www.tomsunic.info; http://doctorsunic.netfirms.com) is author, translator, former US professor in political science and a member of the Board of Directors of the American Third Position. His new book, Postmortem Report: Cultural Examinations from Postmodernity, prefaced by Kevin MacDonald, has just been released. Email him 

Permanent link: http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Evola....

Lire la suite

vendredi, 07 mai 2010 | Lien permanent

Métaphysique de la tranchée - Julius Evola et la guerre

284150893986b24891f5c43e01b1c672.jpg

Métaphysique de la tranchée - Julius Evola et la guerre

par Giuseppe Scalici, Chargé de cours en histoire et philosophie

Source: https://www.centrostudipolaris.eu/2018/11/01/metafisica-della-trincea-julius-evola-e-la-guerra/

    C'est un équilibre dynamique entre le détachement des choses du monde et la volonté d'agir dans un sens pratique-opérationnel dans le monde, à tous les niveaux.

    Telle est la voie, déjà indiquée par la tradition indo-européenne, du guerrier.

    Un guerrier comme Arjuna, le héros de la Bhagavadgita, qui est poussé par le divin, incarné par Krsna, à se battre, sans scrupules ni faiblesses, en suivant la Loi intérieure de son propre être et, pourrait-on dire, de son propre destin, sans se soucier de la victoire ou de la défaite, sans regarder les gains personnels possibles, sans penser aux conséquences de l'action elle-même.

    La dignité profonde, en fait, n'a rien à voir avec le succès ou l'échec dans la dimension de l'être conditionné.

Aux origines de la pensée européenne, nous préférons nous référer à notre horizon et non à ce qu'on appelle l'Occident, proclamait avec autorité Héraclite d'Éphèse (6e-5e siècle avant J.-C.) :

"Polemos [la guerre] est le père de toutes choses et de tous les rois ; il révèle les uns comme des dieux et les autres comme des hommes, il rend les uns esclaves, les autres libres" (1). La guerre, non pas comme un simple exercice de violence visant à détruire un ennemi, telle est la conception moderne, mais comme un principe premier, l'hypostase [ce qui "se trouve en dessous" et détermine la dimension transitoire de l'apparence phénoménale]. Le conflit concerne donc à la fois la sphère des événements historiques "objectifs", qui peuvent être analysés à l'aide de méthodologies scientifiques, et, nous aimerions le dire avant tout, la dimension intérieure profonde de chaque individu. Là où Polemos est absent, il y a stase, fixité, conditions qui préfigurent la mort, l'annihilation, la fin de toute référence ultérieure, de tout 'ailleurs'".

Une dimension transfigurée et essentielle

Dans l'histoire spirituelle complexe de Julius Evola, la réflexion, qui n'est certainement pas abstraite ou intellectualiste mais comprise comme Erlebnis [expérience vécue], occupe une position particulièrement importante et ne se limite pas à l'imposition de situations contingentes particulières.

41YtZhjOx7L._SX195_.jpgDans Le chemin du Cinabre (2), nous trouvons, bien que ce ne soit pas dans les termes d'une simple évocation mémorielle ou réductrice, la 'revisitation spirituelle' par le philosophe de sa participation à la Grande Guerre d'Italie de 1915-1918, à propos de laquelle, au moins d'un point de vue strictement historico-objectif, son jugement serait, tel qu'il a été exprimé dans les années suivantes, pas vraiment flatteur. La Première Guerre mondiale, en effet, en raison d'une exaltation nationaliste superficielle, avait détruit l'ethos, fondé sur l'ordre, l'esprit hiérarchique et la discipline, des Empires centraux, déterminant ainsi une nouvelle étape dans la décadence de la civilisation européenne, étroitement liée à son éloignement de cette condition spirituelle "normale", orientée vers la domination transcendant la sphère humaine, une configuration typique du "monde de la tradition".

bg1.png

Evola, alors tout jeune sous-lieutenant d'artillerie de montagne, déployé avec son régiment sur le front d'Asiago (1917-1918), alors qu'il était encore en cours de formation intérieure/spirituelle, fait l'expérience de la guerre dans le sens le plus absorbant du terme, même s'il ne s'est jamais trouvé, comme il l'aurait écrit lui-même, dans des situations de combat extrêmes, comparables, par exemple, à celles vécues par une autre grande figure du XXe siècle, Ernst Jünger. Néanmoins, la période passée au front représente, pour le philosophe romain, l'ouverture d'une dimension transfigurée et essentielle, que seul le contact direct avec la "possibilité" ultime et définitive, la mort, peut déterminer de manière indélébile.

www.mondadrobmeljeoristore.it.jpgRoberto Melchionda, dans son Introduction aux écrits d'Evola de la période 1935-1950 sur la valeur métaphysique et métahistorique de la guerre (3), met en évidence un texte du philosophe écrit pour la revue UR, sous le pseudonyme de Jagla, datant de 1928 : il s'agit d'un souvenir de guerre indiqué par l'auteur comme "Quota neutra del Cimone1917", mais les références spatio-temporelles semblent complètement hors de propos.

"[...] un souvenir qui ne s'effacera jamais, celui d'une nuit de guerre. J'étais loin, dans le détachement brillant. L'alarme, tout d'un coup. Je me saisis à nouveau. Je suis sur mes pieds. Je suis sur la ligne de la batterie. Ce qui s'est alors déchaîné dans les profondeurs, ce qui m'a soutenu, ce qui m'a porté miraculeusement à travers des heures d'enfer, ce qui a agi dans la lucidité surnaturelle de chaque geste, de chaque pensée, de chaque ordre, des sens qui ont saisi chaque perception avant la perception (et le "hasard" a peut-être été de rester indemne en se tenant debout - je me sentais capable de me tenir debout - avec des grenades qui éclataient tout près), je ne pourrais jamais le dire. Mais ce qu'ont pu être les dieux homériques immortels qui sont descendus au sein des fortunes épiques des hommes, je l'ai certainement esquissé ; et je savais ce que les hommes ne savent pas dans leur pauvre discours sur les idoles".

La guerre comme chemin vers l'illumination

Il n'est certainement pas facile pour quiconque, y compris l'auteur bien sûr, qui n'a pas vécu des expériences existentielles aussi extrêmes, d'en comprendre pleinement la signification.

On peut toutefois deviner une référence de première grandeur : alors que pour la pensée dominante de la philosophie occidentale, au moins jusqu'au XIXe siècle, la prééminence de l'âme sur le corps est postulée, on note, dans le souvenir "transfiguré" d'Evola, âgé de 19 ans, l'intuition, rendue par l'emploi d'expressions non "rationnelles", de l'idée d'une interpénétration très étroite entre l'âme et le corps, idée qui, à y regarder de plus près, n'est pas étrangère à la Weltanschauung européenne originelle, présente dans la spéculation présocratique et reprise par d'autres courants de pensée pertinents (5). La perception du monde extérieur, dit Evola, se produit "avant la perception" elle-même. Face à l'élémentaire, la dimension rassurante du ratio s'effondre. Et il n'y a pas de mots adéquats pour décrire cet état d'Être. Celui qui est totalement immergé dans le conflit-polemos est soumis à une sorte d'illumination intérieure "décisive". Même en continuant à vivre, ce ne sera plus la même existence "bourgeoise", ordinaire et tranquille, mais quelque chose d'absolument "autre" se produira. Rien ne sera plus comme avant.

DrJVV2iX4AAFFEr.jpg

Tout cela s'applique, en premier lieu, à l'individu "différencié", comme l'affirmera Evola lui-même, dans des années chronologiquement éloignées de la Grande Guerre: cela s'applique à celui qui, en dehors de toute rhétorique, peut être défini comme un "héros". Mais, d'une certaine manière, cette transformation intérieure peut également se retrouver à des niveaux inférieurs, si l'on pense à l'incapacité du vétéran, du survivant du champ de bataille, à se réadapter à la dimension vide et répétitive de la vie civilisée.

En d'autres termes, pour ceux qui ont profondément vécu la guerre, il ne peut plus jamais y avoir de paix.

fdfbd00c-381a-47ff-9f26-de800a2382b8.jpg

Revenant sur l'immense conflit, dans un autre article paru dans UR à la même époque, Evola-Jagla écrit :

"Je suis allé vers ma mort. L'environnement psychiquement saturé de la guerre et de la hauteur a propulsé l'aventure, et lui a peut-être donné une direction qu'elle n'aurait pas réussi autrement. Je suis passé à autre chose (6)".

La guerre, donc, si elle est vécue en termes non liés à des situations contingentes, peut représenter, dans sa nature élémentaire impitoyable, une voie vers l'illumination, dans le sens d'un dépassement et d'une transfiguration de la vie immédiate. Le "dépassement" va, selon nous, vers cette dimension que le philosophe aurait appelée "plus que la vie". Elle impose donc la domination de la perspective "verticale" par opposition à la perspective "horizontale" des individus ordinaires, qui peuvent, dans des conditions exceptionnelles, adopter un comportement héroïque en apparence, mais de manière totalement inconsciente.

L'équation personnelle

Il ne fait aucun doute que l'illumination, dans le sens de "l'éveil" de ce qui est profond, concerne la partie essentielle et authentique de l'âme, ce Grund der Seele auquel faisait allusion le grand mystique allemand Meister Eckhart au 14e siècle. Il s'agit également de quitter la condition ordinaire, basse et répétitive de la vie pour se connecter spirituellement à la "transcendance". L'"aventure" vers la Vision du monde qu'Evola mûrira et consolidera dans la période entre les deux guerres est née précisément sur les champs de bataille.

Dans Le chemin du Cinabre, l'auteur indique cette "équation personnelle", pressentie dès son plus jeune âge, qui marquera toute son existence. C'est un équilibre dynamique entre le détachement des choses du monde et la volonté d'agir dans un sens pratique-opérationnel dans le monde, à tous les niveaux. Tel est le chemin, déjà indiqué par la tradition indo-européenne, du guerrier. Un guerrier comme Arjuna, le héros de la Bhagavadgita, qui est poussé par le divin, incarné par Krsna, à se battre, sans scrupules ni faiblesses, en suivant la Loi intérieure de son propre être et, pourrait-on dire, de son propre destin, sans se soucier de la victoire ou de la défaite, sans regarder les gains personnels possibles, sans penser aux conséquences de l'action elle-même. La dignité profonde, en fait, n'a rien à voir avec le succès ou l'échec dans la dimension de l'être conditionné.

12379.jpg

Evola reviendra à la Bhagavadgita entre 1935 et 1942 à l'occasion d'une série d'articles, mentionnés précédemment, sur l'esprit de la guerre et du combat, écrits pour Diorama, le supplément hebdomadaire de Regime Fascista, le quotidien de Farinacci, et pour La difesa della razza de Telesio Interlandi (7). La tentative d'Evola, également évidente dans la célèbre conférence en langue allemande: Die Arische Lehre von Kampf und Sieg (8) , était de distinguer, au nom de la cohérence avec les principes originels des Indo-Européens, les aspects contingents, transitoires et profanes du conflit, liés à la condition matérielle et décomposée de l'existence, de ce qui constitue une valeur immuable et éternelle et, en tant que telle, capable d'orienter toute action. C'est la condition intérieure spirituelle qui conduit la volonté de l'individu à se battre même sur des positions perdues: en tant que héros, donc.

La_doctrine_aryenne_du_combat_et_de_la_victoire.jpgDans les textes cités, le philosophe fait également référence à la distinction, présente dans la tradition islamique, entre petite et grande guerre sainte. Si la "petite guerre" est la guerre matérielle vers l'extérieur, qui ne peut ignorer les considérations politiques et l'alliance avec d'autres individus, la "grande guerre sainte" est justifiée par l'effort vertueux (djihad) dirigé contre les tendances négatives, dégénérées et passionnelles visant à forcer le combattant. L'idée fondamentale est d'amener au niveau de la petite guerre l'esprit de la grande. Tout se passe au niveau d'une intériorité qui, en tout cas, ne se plie pas à des formes de contemplation simple et passive du Vrai et de l'Absolu. S'il s'agit d'une ascèse, au sens du rejet de toute forme illusoire dissuasive, cette ascèse vise l'action concrète. Il est donc central, selon Evola, de réactualiser dans le temps présent un ethos dont la valeur s'impose à tout contexte factuel.

Une guerre aux caractéristiques profanes

Ces positions évoliennes, qui se conforment aux doctrines sapientielles traditionnelles, ont été soutenues avec constance, tant pendant la période fasciste que dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale (9).

La ferme volonté d'action d'Evola est évidente et directe. Sa demande d'être envoyé au front comme volontaire au début de la Seconde Guerre mondiale est bien connue, une demande rejetée parce que le philosophe n'était pas inscrit au PNF, tout comme il n'a pas demandé de carte de membre du PFR. Néanmoins, Evola a poursuivi son combat contre les forces de la subversion même après le 8 septembre. Bien qu'il ne se reconnaisse pas dans les idéaux socialistes du fascisme réorganisé, il veut apporter une contribution active à une guerre que l'on sait désormais vouée à la défaite sur le plan matériel. Présent au quartier général d'Hitler à Rastenburg, il accueille Mussolini, ainsi que d'autres personnalités qui n'ont pas répudié le Régime, après la libération de Campo Imperatore.

Engagé, ensuite, à Rome, où il réussit, in extremis, à échapper à l'arrestation par les services secrets américains immédiatement après l'occupation de la ville (10) nous le retrouvons à Vienne en contact avec les milieux traditionalistes allemands plongés dans l'étude de la franc-maçonnerie internationale et de ses complots. Emblématique, pour appuyer l'attitude spirituelle d'Evola, est l'épisode de janvier 1945. Le philosophe est sorti calmement de sa maison pendant un bombardement, presque comme s'il voulait défier le destin avec un détachement héroïque. L'onde de choc d'une déflagration lui

Lire la suite

vendredi, 10 juin 2022 | Lien permanent

Julius Evola pour tous (les hommes différenciés)

evola-pln.png

Julius Evola pour tous (les hommes différenciés)

par Thierry DUROLLE

L’un des plus célèbres penseurs de la Droite radicale européenne fait toujours parler de lui, quarante-quatre ans après sa disparition. Ce penseur est Julius Evola. Nous préférons le qualifier de penseur plutôt que d’intellectuel, terme originellement péjoratif et qui d’ailleurs ferait bien de recouvrir sa définition initiale. Gianfranco de Turris, président de la Fondation Evola en Italie et auteur d’un magistral Elogio e difesa di Julius Evola, nous rappelle qu’Evola fut « peintre et philosophe, poète et hermétiste, morphologue de l’histoire et politologue, critique des mœurs et sexologue, orientaliste et mythologue, spécialiste des religions et de la Tradition. Mais ce fut aussi un alpiniste chevronné,il fut journaliste, conférencier et universitaire (p. 6) ».

Julius Evola est-il toujours actuel ? N’a-t-il pas été relégué dans la poubelle de l’Histoire par les forces de la subversion ? Et, est-ce que ses idées demeurent pertinentes encore aujourd’hui ? « Au début de l’année 2018, le 12 février, le principal quotidien italien de gauche, La Repubblica, publia en première page un article au titre exceptionnel et extravagant : “ Evola et le fascisme inspirent Bannon, le cerveau de Trump. ” […] Le philosophe et politologue russe Alexandre Douguine admit dans plusieurs interviews que sa pensée avait été profondément influencée par celle de Julius Evola […]. Or, le fait est que Douguine est assez proche du président russe, et fut même présenté comme son “ conseiller ” (p. 8). »

Deux exemples plutôt maladroits pour tenter de justifier de l’actualité de la pensée du Baron. Deux éminences grises déchues, l’un publiciste, l’autre « Raspoutine de sous-préfecture », pour reprendre l’amusante expression d’un traducteur à l’ego hypertrophié. Deux agents de l’anti-Europe, l’un national-libérale (sioniste ?) et l’autre néo-eurasiste pan-russe, deux formes de soumission politiques et spirituelles. Bref, rien d’évolien là-dedans. À noter qu’un certain Jason Horowitz s’émut, dès février 2017, de la possible influence d’Evola sur Bannon dans un article intitulé « Steven Bannon cited Italian thinker who inspired fascists ». La pensée de Julius Evola représente toujours un danger pour l’ennemi.

Il est évident que l’œuvre de Julius Evola reste d’actualité, puisqu’elle met en exergue notre européanité d’une part (sur les plans mythologiques, culturels, spirituels, et politiques) et la Tradition d’autre part. « Ses » idées sont d’actualité aussi car il fut un temps où elles furent la norme, l’évidence même. Ceux qui connaissent bien les différents écrits d’Evola peuvent témoigner de la présence constante de la Tradition comme principe ordonnateur et, en ce sens, cosmique. La pensée de Julius Evola est authentiquement de Droite, d’une Droite métaphysique, éternelle, verticale, ordonnée du haut vers le bas. La cohérence entre le verbe et l’action chez Evola suscite le respect et l’admiration : rares sont ceux qui unirent les deux à un tel niveau.

Pénétrer la pensée protéiforme du penseur italien n’est pas forcément chose aisée. Cela peut demander une certaine persévérance mais aussi une entrée adéquate. Par où commencer ? En ce qui nous concerne, nous avons toujours conseillé, dans la mesure du possible, de lire en premier Révolte contre le monde moderne pour avoir, au minimum, le « décor » de la pensée évolienne. Puis Orientations et Les hommes au milieu des ruines nous semblaient être deux ouvrages politiques fondamentaux à lire à la suite du maître-ouvrage mentionné. Mais il s’agit là d’une première approche au caractère politique. Elle ne permet pas d’avoir une vue d’ensemble des thèmes évoliens.

C’est là que toute la pertinence du Petit livre noir s’offre aux néophytes. Et nous ne pouvons que nous réjouir de la réédition augmenté de ce vade mecum grâce à la toute jeune maison d’édition helvète Lohengrin ! Clin d’œil anti-marxiste-maoïste au malheureusement célèbre Petit livre rouge, ce recueil de citations représente probablement l’une des meilleures façons d’aborder l’œuvre d’Evola dans son intégralité. Les extraits – qui furent soumis en leur temps à l’auteur – sont classés dans onze catégories distinctes et sont issus de quasiment tous les ouvrages d’Evola, dont certains toujours en attente d’une traduction française (!) en plus d’articles et de divers entretiens.

La préface de Gianfranco de Turris se veut aussi synthétique que le contenu de l’ouvrage. Turris fait une présentation de l’homme et ses idées qui, ici aussi, sera idéale pour les nouveaux venus. Enfin, la couverture bien que de noire vêtue, arbore dorénavant un magnifique portrait de Julius Evola signé Jacques Terpant, illustrateur et peintre de grand talent. En quatrième de couverture cette citation d’Evola fait figure de programme : « Seule un retour à l’esprit traditionnel dans une nouvelle conscience unitaire européenne pourra sauver l’Occident. » Gageons que la lecture du Petit livre noir éveille une nouvelle génération d’Européens à un tel impératif.

Thierry Durolle

• Julius Evola, Le petit livre noir, édition augmentée, Éditions Lohengrin, 2019, 175 p., 18 €.

Lire la suite

lundi, 01 avril 2019 | Lien permanent

L'influence de J. J. Bachofen sur Julius Evola

BachofenDDFFF.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

Robert Steuckers:

L'influence de J.J. Bachofen sur Julius Evola:

 

Outre les nombreuses références à l'œuvre de J.J. Bachofen qu'il trouve dans Révolte contre le monde moderne,  le lecteur d'Evola découvre l'importance du théoricien suisse du matriarcat primitif dans un article paru dans Nuova Antologia  en 1930 (cf. J. Evola, «Aspetti del movimento culturale della Germania contemporanea», in I saggi della Nuova Antologia,  Ed. di Ar, Padova, 1982; trad. franç.: «Aspects du mouvement culturel de l'Allemagne contemporaine», in Totalité,  23, automne 1985) et dans son livre Sintesi di dottrina della razza  (Ed. di Ar, Padova, 1978). Dans sa préface, le traducteur de la nouvelle version française de Révolte contre le monde moderne  (L'Age d'Homme, 1991), Philippe Baillet, souligne à juste titre que l'œuvre de Bachofen est tout aussi importante pour la maturation des idées de Julius Evola que celle du pur traditionaliste français René Guénon. En effet, après sa période philosophique et dadaïste, Evola a recherché le socle extra-philosophique solide, tangible et réel pour asseoir sa métaphysique traditionnelle, étant entendu que ce socle pré-philosophique précède, de par son immuabilité, toute spéculation philosophique et échappe aux dégénérescences du devenir et du bavardage en chambre. Ce socle s'est constitué chez Evola par un double recours: d'une part, au bouddhisme et à la doctrine de l'éveil (laquelle implique notamment l'Abgeschiedenheit,  le détachement par rapport aux vanités du monde, aux vanités de ceux qui ne savent dompter ni leur corps ni leur esprit); d'autre part, à l'œuvre de J.J. Bachofen. Celui-ci a mis en lumière, la «signification spirituelle et la mission de la romanité classique» (cf. art. cit., Totalité, 23, p. 18), en posant comme acquise l'existence de deux cultures universelles, l'une reposant sur le principe féminin (la culture méditerranéenne et pélasgique des origines, avec son culte de Démeter ou d'Isis, de Cybèle ou d'Ashtart, etc.); l'autre reposant sur le principe masculin, qui apparait dans le bassin méditerranéen par l'avènement du culte «thrace-hyperboréen» de l'Apollon delphique et de celui des héros solaires (Thésée, Jason, Cadmos, Héraklès). La lumière, «principe incorporel dépourvu de génération, immortel en soi en tant qu'essence simple et identique» se place au centre de ce nouveau «monde ouranien», propre de ceux qui «sont», par opposition à ceux qui «deviennent». La culture grecque classique, matrice de l'«Occident», procède donc, pour Evola, de ce principe héroïco-ouranien, mis en exergue par Bachofen. Pour ce qui concerne la romanité, Bachofen, dans son ouvrage sur la légende de Tanaquil (Die Sage von Tanaquil,  Heidelberg, 1870), oppose une culture démétrico-tellurique portée par les anciennes cultures pré-romaines (étrusques, sabines, etc.) à une culture portée par des conquérants romains (nordiques), une culture virile, quiritaire et militaire. Pour Bachofen, et à sa suite Evola, la dynamique de l'histoire antique repose sur cet antagonisme irréductible entre principe féminin et principe viril. Cette vision transparaît clairement dans Révolte contre le monde moderne,  et, dans une moindre mesure comme le souligne Philippe Baillet (op. cit.), dans Métaphysique du sexe.

Révolte contre le monde moderne  est rigoureusement construit sur des schémas dérivés de Bachofen: civilisation du Père/civilisation de la Mère, spiritualité olympienne et solaire/spiritualité tellurique et lunaire, etc. (cf. Ph. Baillet, op. cit.). Evola tire donc de Bachofen, une «clef herméneutique» qu'il va appliquer à tous les niveaux de la réalité et à toutes les cultures (Baillet, op. cit.). L'opposition des deux mythes est présent au sein de toutes les cultures et, pour que celles-ci demeurent, ne chavirent pas dans l'«infra-humain démonique», il faut que triomphe le principe viril, solaire et ouranien; il faut qu'il apporte forme à la matière féminine. Pour souligner l'importance de sa dette à l'égard de Bachofen et pour marquer les différences qui existent entre les conclusions et l'approche de Bachofen, d'une part, et les siennes, d'autre part, Evola écrit, dans Le chemin du Cinabre  (Ed. Arché/Ed. Arktos, Milan/Carmagnola, 1982; trad. franç.: Ph. Baillet): «Avec ces approches  [celles de Bachofen] s'ouvrait pour moi un vaste et nouveau domaine dans lequel on pouvait appliquer et développer sur un arrière-plan grandiose de mythologies et d'interprétation de l'histoire la théorie des "deux voies". Il fallait unir, dans une synthèse articulée, les apports de Guénon, de Wirth et justement de Bachofen. Mais je repoussai le schéma évolutionniste de Bachofen. Le savant suisse avait en effet supposé un passage progressif de l'humanité antique d'un stade de promiscuité primoridale à la civilisation démétérienne de la Mère et de la Femme Divine, et puis un dépassement graduel de celle-ci dans la civilisation héroïco-paternelle liée à des cultes et des mythes ouraniens et héroïques et à une société positivement organisée (Bachofen avait vu là la "naissance de l'Occident" contre l'"Asie"). Au contraire, je fis remarquer la nécessité d'introduire une conception dynamique et de faire correspondre aux phases évolutives présumées d'une race humaine unique des influences opposées portées par des races différentes, agissant et réagissant l'une sur l'autre. En second lieu, on devait selon moi contester le caractère plus récent (de dernier "stade évolutif") de la civilisation ouranico-patriarcale et virile. En effet, cette civilisation se rattacha toujours, directement ou indirectement, à la tradition primordiale hyperboréenne elle-même, et on ne peut parler de son caractère plus récent que dans un sens relatif et local, dans les cas où cette tradition apparut et s'affirma, à travers des migrations, dans des régions qui se trouvaient auparavant sous le signe de la vision opposée de la vie et du sacré...»  (p. 90).

Dans Sintesi di dottrina della razza,  Evola puise également dans la carrière bachofenienne pour élaborer sa propre typologie raciale, induisant une hiérarchisation qui privilégie les types solaires/ouraniens, générateurs de cultures. Citons cet extrait significatif, p. 161: «En traitant des différentes gradations de la virilité et de la solarité, tout spécialement dans l'orbite des mystères antiques et des traditions connexes de la Méditerranée, Bachofen distingue opportunément le stade apollinien et le stade dionysiaque. Ici aussi, les analogies cosmiques lui servent de base. Il existe en effet deux aspects de la solarité. L'un est celui de la lumière en tant que telle, ce qui revient à dire qu'il participe d'une nature lumineuse immuable et céleste; tel est le symbole apollinien ou olympique, que l'on retrouve par exemple dans le culte delphique; on doit le considérer comme un filon de la pure spiritualité hyperboréenne, s'élançant jusqu'à la Méditerranée; tel est le stade qui, comme nous l'avons vu, définit la race de l'homme solaire. L'autre aspect de la solarité est celui d'une lumière qui nait et s'estompe, qui meurt et ressuscite, puis meurt une nouvelle fois et connait une nouvelle aurore, qui est, en somme, une loi du devenir et de la transformation. Au contraire du principe apollinien, nous avons affaire ici à la solarité dionysiaque. C'est une virilité qui aspire à la lumière au travers d'une passion, qui ne peut pas se libérer de l'élément sensuel et tellurique ni de l'élément extatique-orgiastique, propre aux formes les plus basses du cycle démétérien  [Evola ajoute en note que c'est sur cette solarité-là que se base la conception de Ludwig Klages, qu'il qualifie de vitaliste et d'irrationaliste]. Le fait que l'on ait associé, dans le mythe et dans le symbole de Dionysos des figures féminines et lunaires est, de ce point de vue, assez significatif. Dionysos n'achève pas son trépas, ne change pas de nature. Il représente une virilité qui est encore terrestre, malgré sa nature lumineuse et extatique. Le fait que les mystères dionysiaques et bacchiques ont été associés à ceux de Démeter, plutôt qu'au mystère purement apollinien, indique clairement le point final de l'expérience dionysiaque: c'est un "mourir et devenir", non sous le signe de cette infinitude, qui est au-delà de toute forme et de toute finitude, mais bien plutôt de cette autre infinitude, qui se réalise et dont on jouit en détruisant formes et finitudes, et qui se rapporte, en conséquence, aux formes de la promiscuité tellurico-démétérienne... Du point de vue racial, on ne s'étonnera pas de constater que l'homme dionysiaque, sous les oripeaux du romantique, est très largement présent dans les races nordiques, qu'elles soient germaniques ou anglo-saxonnes. Ce qui nous confirme, une fois de plus, qu'il faut bien distinguer la race primoridale nordico-aryenne des races nordiques des époques plus récentes»  (pp. 162-163).

Dans la revue La Torre,  qu'Evola a dirigée en 1930 et dont il est sorti dix numéros (entre le 1er février et le 15 juin), trois extraits de l'œuvre de Bachofen ont été traduits et publiés: «Il simbolo» (n°7; extrait de Urreligion und antike Symbole,  Leipzig, 1926, b.1, pp. 283-284 ); «La donna regale e la nascita di Roma» (n°9; extrait de Die Sage von Tanaquil,  Heidelberg, 1870; trad. it. du Dr. Otto Lanz); et «La missione occidentale di Roma» (n°10; suite de l'article précédent).

Ces trois extraits ont été jugés fondamentaux par leurs traducteurs, Otto Lanz et Evola lui-même. Dans «Il simbolo», nous lisons: «Les mots rendent fini l'infini; les symboles conduisent l'esprit au-delà des frontières du monde fini en devenir, dans le monde infini et réel. Ils suscitent des pressentiments, sont signes de l'indicible et, comme l'indicible, ils sont inépuisables; (...) En cela réside la dignité occulte du symbole et la puissance des représentations mythiques qui y sont liées...».   Dans cette définition, nous retrouvons la quête de l'Evola traditionaliste qui a succédé à l'Evola philosophe qui ne trouvait pas de socle ni de certitude affirmée, capable de transcender le nihilisme en marche, dans les spéculations philosophiques conventionnelles. Le mythe, surplombant le grouillement du devenir, insensible au nihilisme qui se déploie, suggère infinité et réalité immuable et intangible.

A la fin du second extrait de Die Sage von Tanaquil,  nous lisons: «Rome, la cité aux origines aphroditiques prend peur d'avoir négligé pendant si longtemps la Mère et de s'être  presque entièrement consacrée au principe viril de l'Imperium... Avec Pompée, Brutus, Cassius et Antoine, l'Orient subjugue l'Occident et, à leur chute, s'accomplit la ruine de l'Asie».

Evola rappelle, dans Le chemin du Cinabre  (p.90), qu'il a traduit une série d'extraits de l'œuvre de Bachofen, 250 pages en tout, qui n'ont pu paraître qu'en 1949 chez l'éditeur Bocca sous le titre Les Mères et la virilité olympienne - Etudes sur l'histoire secrète du monde méditerranéen antique.  Dans la préface qu'il a rédigée pour ce recueil (reproduite dans Alfred Bäumler, Nietzsche e Bachofen,  Ed. Lupa Capitolina, Padova, 1985; cette introduction a également constitué un article dans la revue Via Solare),  Evola résume toute la dette qu'il doit à l'explorateur suisse des cultes antiques grecs et romains. Jugeons-en par ces quelques extraits: «Chez Bachofen, ce qui est intéressant, en tout premier lieu, c'est la méthode. Cette méthode est neuve et révolutionnaire par rapport au mode général, scolaire et académique de prendre les civilisations, les cultes et les mythes antiques en considération, précisément parce que ceux-ci sont "traditionnels" au sens supérieur. Nous voulons dire par là que le mode par lequel l'homme appartenant à toute civilisation traditionnelle, parce qu'il est anti-individualiste et anti-rationaliste, aborde le monde de la religion, des mythes et des symboles est plus ou moins le même mode que celui par lequel Bachofen a cherché à découvrir le secret du monde des origines. La prémice fondamentale de toute l'œuvre de Bachofen, c'est d'affirmer que le symbole et le mythe sont des témoignages, dont doit tenir compte sérieusement toute science historique complète. Ce ne sont pas des créations arbitraires, des projections venues de l'extérieur ou de la fantaisie poétique: ce sont, bien au contraire, des "représentations des expériences propres à une race et interprétées à la lumière d'une religiosité spécifique", obéissant à une logique et à une loi bien déterminées. Par ailleurs, le symbole, la tradition, la légende ne doivent pas être pris en considération et évalués à l'aune de leur "historicité", au sens le plus restreint du terme (...) Ce qui doit être interrogé, c'est leur signification certaine en tant que fait de l'esprit, non leur signification à la fois problématique et historique. Là où l'événement enregistré et le document "positif" cessent de parler pour eux-mêmes, nous rencontrons le mythe, le symbole et la légende et nons pénétrons dans une réalité plus profonde, secrète et essentielle: dans une réalité dont les visages extérieurs, historiques et tangibles, que sont les sociétés, les races et les civilisations antiques ne sont que les conséquences».  Evola ajoute qu'un événement peut laisser ou ne pas laisser de traces. De même, sa signification intérieure peut demeurer ou non. Historiens et archéologues ont donc affaire à des événements enregistrés, dont ils ne peuvent plus comprendre la signification intérieure, et à des événéments non consignés, ni par l'écrit ni par la trace archéologique, dont la signification intérieure demeure mais à un niveau métaphysique. Deuxième point, souligné par Evola: Bachofen inaugure une typologie des civilisation antiques. «En observant les mouvements propres aux diverses formes qui assumaient, dans le monde antique, les rapports entre les sexes, la recherche de Bachofen met en lumière l'existence de certaines formes typiques et distinctes de civilisation qui peuvent être reconduites à autant d'idées centrales, liées à leur tour à des attitudes générales, témoignant, elles, d'autant de visions du monde, du destin, de l'au-delà, du droit, de la société. De telles idées ont quasiment la valeur d'"archétypes" au sens platonicien: ce sont des forces qui donnent forme, en rapport étroit d'analogie avec les grandes forces inhérentes aux choses».

«Le monde que Bachofen prend en considération est essentiellement celui des civilisations antiques du bassin méditerranéen. La multiplicité chaotique des cultes, mythes, symboles, formes juridiques et coutumes que ce monde méditerranéen présente, laisse transparaître finalement, dans l'œuvre de Bachofen et sous des formes variées, l'efficacité de deux idées fondamentalement antithétiques: l'idée olympienne-virile et l'idée tellurique-féminine. Une telle polarité peut s'exprimer au travers des oppositions suivantes: la civilisation des Héros et la civilisation des Mères, l'idée solaire et l'idée chtonique-lunaire, la droit patriarcal et le matriarcat, l'éthique aristocratique de la différence et la promiscuité orgiastique-communiste, l'idéal olympien du "surmonde" et le mysticisme panthéiste, le droit positif de l'imperium et le droit naturel. Bachofen a découvert l'"ère gynécocratique", c'est-à-dire l'ère dans laquelle le principe féminin est souverain. Cette époque correspond à un stade archaïque de la civilisation méditerranéenne, lié aux peuples pelasgiques ainsi qu'à un groupe de gentes du bassin méridional-oriental et asiatique de la Méditerranée. Bachofen a très justement relevé le fait qu'aux sources, un ensemble d'éléments, variés mais en concordance, rappelle sans cesse ces peuples à l'idée centrale, selon laquelle, à l'origine et à l'apogée de toute chose, se trouve un principe féminin, une Déesse ou une Femme Divine, incarnant les valeurs suprêmes de l'esprit; face à elle, se place non seulement le principe mâle mais aussi celui de la personnalité et de la différence, lequel apparaît alors comme secondaire et contingent, comme sujet aux lois du devenir et de la déliquescence, tout à l'opposé de l'éternité et de l'immuabilité propres à la grande Matrice cosmique, à la Mère de la Vie. Cette Mère, en tant que telle, est la Terre, ou, en d'autres mots, la loi de la nature conçue comme un fait auquel même les dieux sont soumis». «La gynécocratie, c'est-à-dire la souveraineté de la femme, reflète la valeur mystique qui est attribuée à celle-ci dans la conception du monde gynécocratique. Par ailleurs, cette conception peut avoir pour contrepartie (dans ses formes les plus basses), l'égalitarisme du droit naturel, l'universalisme et le communisme. La non pertinence de tout ce qui est différence, l'égalité de toute singularité face à la Matrice cosmique, au principe maternant et "tellurique" (de tellus, la terre) de la nature dont provient toute chose et tout être et en laquelle, à nouveau, ils se dissolveront après une existence éphémère: voilà ce qui est à la base de la promiscuité communiste comme de la promiscuité orgiastique des fêtes, au cours desquelles, dans l'antiquité, on célébrait justement le retour à la Mère et à l'état de nature, et pendant lesquelles toutes les distinctions sociales étaient temporairement abolies. Le principe masculin n'a pas d'existence propre, outre la sienne individuée. Sur le plan matériel, il n'est que l'instrument de la génération, assujetti à la femme ou obscurci par la luminosité démétérienne des mères». «En opposition nette à cette vision, nous avons, dans le monde antique méditerranéen, le cycle de la civilisation olympienne-ouranienne. Dont le centre ne peut être constitué par les symboles de la Terre ou de la Lune, mais, au contraire, par ceux du Soleil et des régions célestes ("ouraniques", du terme grec ouranos); ni par ceux de la réalité naturaliste-sensuelle mais par ceux de l'immatérialité; ni par ceux du giron maternel ni, encore moins, de la virilité phallique qui en est la contrepartie, mais par ceux de la virilité ouranienne, liée au symbole du Soleil et de la Lumière; ni par ceux de la Nuit et de la Mère mais par ceux du Jour et du Père. L'idéal suprême, dans une telle civilisation, s'incarne précisément dans le monde "ouranien", compris comme celui des êtres lumineux, immuables, détachés, privés de naissance, opposés au monde inférieur des êtres qui naissent, deviennent, trépassent après une vie éphémère parce que toujours mélangée à la mort. Tel est le plus haut point de référence de la religion d'Apollon et de Zeus: c'est la spiritualité "olympienne", c'est la virilité immatérielle, c'est la "solarité" des dieux détachés de tout lien qui les lierait à la femme et à la mère et qui possèdent des attributs de paternité et de don».        

Cette dualité métaphysique et religieuse de l'antiquité, mise en évidence par Bachofen à la fin du siècle dernier, Evola l'a transposée dans son époque. Voulant incarner le principe solaire, mettant sa personnalité au service d'un avivage de la tradition virile/solaire, Evola transpose dans le monde moderne l'argumentation de Bachofen, qui étudiait des réalités antiques. «L'époque moderne est "tellurique", non seulement dans ses aspects mécanistiques et matérialistes, mais aussi, et essentiellement, dans ses différents aspects "activistes", dans ses diverses religiosités de la vie, de l'irrationnel et du devenir, qui sont toutes antithèses, précisément, de ces conceptions classiques et olympiques du monde. Keyserling, du reste, a cru pouvoir parler de ce caractère "tellurique"  —c'est-à-dire irrationnel, lié essentiellement à des formes de courage, de sacrifice, d'élan et d'attachement privées de toute référence véritablement transcendante—  que présente ce mouvement moderne des masses, que l'on appelle, en fait, "révolution mondiale". Avec la démocratie, le marxisme et le communisme, l'Occident a pu réexhumer, dans des formes sécularisées et matérialisées, l'antique droit naturel, les lois niveleuses et anti-aristocratiques émanant de la Mère chtonienne, laquelle stigmatise l'injustice qu'est d'office toute différence: et le pouvoir conçu sur de telles bases, soit sur l'élément collectiviste, semble justement rétablir l'antique insignifiance du singulier, propre des conceptions "telluriques". Avec le romantisme moderne, resurgit Dionysos: c'est le même amour pour l'informe, le confus, l'illimité et la même promiscuité entre sensation et esprit, la même antithèse par rapport à l'idéal viril et apollinien de la clarté, de la forme, de la limite. Finalement, Nietzsche, qui exalte Dionysos, est une preuve vivante et tragique de l'incompréhension moderne pour cet idéal, et de la "telluricité" de diverses provenances. En outre, après avoir lu Bachofen, il n'est pas difficile de constater le caractère "lunaire" propre au type plus diffus de la culture moderne: nous entendons par là une culture basée sur un pâle intellectualisme creux, une culture inféconde détachée de la vie, s'épuisant dans la critique, dans la spéculation et dans la vaine créativité esthétisante: soit une culture qui se trouve en étroite relation avec une civilisation qui a élevé le raffinement de la vie matérielle à de formes extrêmes (dans la terminologie bachofénienne, on dirait: aphroditiques) et dans laquelle la femme et la sexualité elle-même sont devenues des thèmes prédominants, au point d'atteindre un degré pathologique et obsessionnel».  Concrètement, la critique évolienne/bachofénienne des faits de civilisation d'ordre tellurique, débouche sur une critique de l'américanisme, sommet de la modernité: «Dans la civilisation anglo-saxonne, et surtout en Amérique, l'homme  épuise sa vie et son temps dans le monde abrutissant des affaires et dans la chasse à la richesse  —à une richesse qui, pour une bonne part, sert à payer le luxe, les caprices, les vices et les subtilités féminines—  un tel homme, qui, tout au plus, s'intéresse au sport, a cédé volontairement à la femme le privilège, sinon le monopole, de s'occuper des choses "spirituelles". C'est surtout pourquoi, nous voyons, dans cette civilisation, pulluler les sectes "spiritualistes", spiritistes et occultistes, où la prédominance numérique de l'élément féminin est déjà en soi significative (deux femmes, Madame Blavatsky et Madame Besant, par exemple, ont fondé et dirigé la dite "Société Théosophique")...».  Nous voyons que ce jugement, dérivé d'une lecture de Bachofen annonce la critique évolienne de l'américanisme et des pseudo-spiritualités contemporaines (Masques et visages du spiritualisme contemporain, Pardès, 1991).      

Cette opposition constante, que Julius Evola, à la suite de Bachofen, perçoit dans l'histoire des civilisations antiques du bassin méditerranéen, entre un principe nordique/solaire/viril/ouranien et un principe autochtone/tellurique/féminin trouve une sorte d'équivalent dans les théories de Günther sur la nordicisation, puis la dénordicisation, du Sud de l'Europe, consignées dans ses deux ouvrages sur Rome et la Grèce (Lebensgeschichte des hellenischen Volkes,  Franz von Bebenburg Verlag, Pähl, 1965; Lebensgeschichte des römischen Volkes,  même éditeur, 1966). Les civilisations grecque et romaine déclinent, pour Günther, quand disparaissent progressivement l'hellénité (Hellenentum)  et l'italicité (Italikertum),  porteuses du «pantragisme» (Pantragismus)  propre aux Indo-Européens selon Günther, au principe viril/solaire selon Evola.

Mais la réflexion sur l'œuvre de Bachofen plonge Evola dans un vaste débat intellectuel qu'on ne saurait occulter ici. Les thèses de Bachofen sur le matriarcat primitif ont suscité bon nombre de controverses au sein des cénacles de gauche: chez Friedrich Engels, qui en parle dans L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat;  chez August Bebel, le théoricien social-démocrate allemand qui en déduit une théorie de la femme dans le socialisme; chez Max Horkheimer, qui voit dans le déclin du matriarcat antique, l'origine de la société autoritaire; chez Ernst Bloch, qui voit dans le culte de Gaia-Thémis une des sources (et non pas la seule comme chez Bachofen) des principes qui feront ultérieurement le droit naturel.

Bachofen a également influencé Ludwig Klages, dans sa théorie de l'«Eros cosmogonique» et de la «Magna Mater». Contrairement à Evola, qui affirme de manière tranchée l'opposition entre les polarités solaire/virile et lunaire/maternelle, Klages évoque une sorte de ying et de yang mêlant la lumière apollinienne, fécondante, et les symboles matriciels, tels l'œuf ou la cellule vitale primoridale, et oppose, d'une part, les forces de la vie, solaires et lunaires confondues, au créationnisme hébraïque: «En opposition tranchée au mythe juif de la création,qui veut que le monde ait été fait sur ordre d'un Dieu mâle, la Magna Mater émerge, selon la religiosité païenne, sur le mode d'une naissance, soit que la Terre, conçue comme une mère, l'a mise au monde, comme elle met arbres et plantes au monde, soit par partition de l'œuf primordial... Une terra mater et, en tant que telle, une pantwn mhthr, est la Pachamama des Péruviens, est Centeotl chez les Aztèques, (Yin chez les Chinois), Prthivi chez les Indiens, Isis et Neith chez les Egyptiens, Gaia et Déméter chez les Grecs, Tellus et Ceres chez les Romains, Nerthus chez les Germains et Belisana chez les Celtes»  (cf. Ludwig Klages, «Die Magna Mater. Randbemerkungen zu den Entdeckungen Bachofens», in Hans-Jürgen Heinrichs, Materialien zu Bachofens »Mutterrecht«,  Suhrkamp, Frankfurt am M., 1975, pp. 114-130). Annonçant les travaux de Jan De Vries et de Georges Dumézil, Ludwig Klages explique la symbolique de la couleur noire, attribuée à la troisième fonction productrice, dont les divinités sont souvent telluriques et féminines: «Noire est la couleur de la profondeur de la terre tout comme du giron maternel. C'est ainsi que l'on explique la noirceur de la Demeter Hippia arcadienne des Phigaléens, dont le surnom était Melainh; c'est ainsi que s'explique également le noircissement des visages, coutume, d'après Strabon, que pratiquent, avec grand soin, les femmes des Troglodytes, organisés selon les principes du matriarcat. Ces noirceurs font tout autant référence à la terre humide des champs qu'à la luxuriante puissance fécondante des marais et à l'obscurité de la tombe souterraine,...»  (Ibid.). Klages opère la distinction entre l'esprit juridique matrilinéaire et l'esprit juridique patrilinéaire: « L'enfant né est mis au même niveau que le fruit qui a mûri et qui est tombé de l'arbre, naissance qui constitue la fin d'une série de procès, qui n'a été qu'entamée par l'ensemencement; de cette façon, la mise au monde de l'enfant est placée côte à côte avec la moisson, ce qui fait disparaître dans l'insignifiance l'acte de l'homme qui a lancé la semence. Bachofen, pour ce qui concerne la légitimité des enfants telle que la concevaient les doctrinaires du droit dans l'antiquité romaine, a prouvé que la signification attribuée par le droit d'Etat au moment de la conception, était totalement inconnue dans le "jus naturale". D'après le système naturel, la prima origo  correspond à la naissance entièrement accomplie. Devenir et être accompli ont ici la même signification. Dans le système patrilinéaire, au contraire, on opère la distinction entre les deux et la prima origo commence avec l'ensemencement, non avec le fruit... Avec le principe de paternité, c'est l'idée de commencement qui est responsabilisante, tandis que dans le principe de maternité, c'est celui d'accomplissement-maturation. C'est là l'ensemencement et, ici, le fruit et la récolte qui sont pris en considération. Là, le devenir, c'est le commencement, ici, c'est la fin du développement. Là, il y a un avenir, ici, il n'y a qu'un passé; là, il y a un début, ici, seulement une fin... D'après le droit matriarcal, c'est la maturation du blé qui est sa prima origo (et) sa moisson est en même temps naissance et disparition-mort (...). D'après le droit patriarcal, au contraire, l'origine se situe dans l'ensemencement, non dans la moisson; d'après ce droit patriarcal, on prend l'espoir en considération; le droit matriarcal, ne prend, lui, que l'accomplissement en considération. Sur le plan cosmique, la mise sur pied d'égalité entre l'accouchement et l'accomplissement-maturation s'exprime par le rapport que faisaient les Anciens avec la dernière phase de la lune. En effet, selon la croyance commune des Anciens et de bon nombre de tribus primitives, les déesses de la lune sont presque toutes des déesses de l'accouchement et les filles viennent plus facilement au monde pendant les nuits de pleine lune».

Et Klages poursuit, en citant Bachofen: « Le droit matrilinéaire ne connaît que des ancêtres; le droit patrilinéaire ne connaît, lui, que des descendants... Le Père y apparaît comme le prwton kinoun, c'est-à-dire comme la première impulsion d'un mouvement, qui s'étendra devant lui, tout comme le fleuve s'écoule au départ de la source. La mère, au contraire, n'est jamais principium, mais toujours fin. Dans la longue succession des mères, chacune est représentante de la Terre, mère originelle». «Dans les générations successives, la Mère originelle se porte vers l'avant: c'est pourquoi on l'appelle mhthr isodromh, c'est-à-dire la Terre, Mère originelle, qui suit pas à pas le rythme de la succession des générations; incarnée dans les plus jeunes générations, elle constitue la fin, non le départ, de la longue lignée; c'est pourquoi, dans ce système, ce sont les plus jeunes, oploterh, ceux qui ont avancés le plus loin, qui ont la préférence, et non les plus anciens»  (Ibid.). Dans un autre ouvrage fondamental, Vom kosmogonischen Eros  (éd. actuelle: Bouvier Verlag, Bonn, 1972), Klages revient sur la question du droit naturel: «Bachofen a prouvé jusque dans le détail, qu'il existe un "droit naturel" se situant "au-delà du bien et du mal" et qui n'est troublé par aucun arbitraire légal (Gesetzeswillkür);  ce droit naturel préserve le lien le plus intérieur, le plus profond, qui lie l'homme au monde et les hommes entre eux»  (p.227).  Les idéaux dérivant de l'esprit (Geist:  instance que Klages oppose à la vie et à l'âme, Seele)  finissent par oblitérer ce "droit naturel", voire le dénaturent. Pour Klages, les conceptions matrilinéaires, telluriques, symbolisées par l'Œuf primoridal, source d'une inépuisable fécondité, préservent l'intériorité la plus intime de l'homme, préservent les ressorts vitaux qui sont en lui. L'intellectualisme de l'esprit brise ces ressorts et remplace tous les réflexes organiques, naturels, par des déductions logiques et arbitraires, portées par une volonté de dominer. Ces quelques extraits de l'œuvre de Ludwig Klages montrent que certains cercles de la «Révolution conservatrice» plongent leurs arguments dans une «telluricité», dont la définition remonte notamment aux travaux de Bachofen sur la société «pélasgique». Ce culte allemand de la terre remonte bien évidemment au romantisme et à l'anthropocosmomorphisme de Carus. C'est dans ce recours à des valeurs telluriques que réside la grande différence entre l'approche philosophique/métaphysique de la Révolution conservatrice post-romantique et l'approche évolienne. A l'époque nationale-socialiste, Alfred Bäumler, disciple et préfacier de Bachofen, ennemi de Heidegger et membre de la NSDAP, relancera le débat en distinguant le «chtonique» du «dionysiaque» et de l'«apollinien». Embrayant sur son pari pour le «mythe» contre le «logos», Bäumler commence par souligner l'importance de l'œuvre de Bachofen, dans des termes semblables à ceux qu'utilisait Evola pour reconnaître sa dette envers le premier grand théoricien du matriarcat, sauf dans la conclusion, où il valorisait les réflexes «maternels», en même temps qu'il entonnait un plaidoyer pour le retour aux mythes: «Bachofen est éloigné de toute historicisation du mythe. Il fait le contraire: il "mythise" l'histoire» (...). Lorsque Bachofen déclare que le mythe est histoire»,  ... il veut dire «qu'il ne faut pas considérer que le contenu du mythe est fiction de poète, mais constitue un vécu réel de l'humanité historique (...). [Bachofen] veut avoir affaire à l'histoire intérieure de l'humanité, à la mutation qui s'opère dans les sentiments et dans les modes de penser. Ce sont les expériences vécues les plus anciennes de la race humaine, que nous transmet le mythe. (...) Maternel est le passé, dans le giron duquel repose tout ce qui a été, en opposition à l'avenir, paternel et agité, dont il faut causer l'advenance; maternel est le mythe en opposition au logos paternel; et maternelle est avant toutes choses la nature, qui englobe l'homme, indifférente au fait qu'il ait fait des efforts pour s'élever ou non, et qui couche tous les hommes dans le même repos. La mère donne la vie, la mère apporte la mort; elle est le destin incarné  —et la "nature" des romantiques n'est finalement qu'un autre mot pour désigner le destin. La maternité, en tant qu'essence, ne tolère aucune division, fragmentation ou autonomisation. Elle est tout en une fois. Le mythe est maternel, parce qu'il nous donne d'un coup la totalité. La poésie et le droit sont saisis comme des expressions de la vie, qui est une; poésie et droit relèvent donc du mythe, parce que l'unité de la vie ne peut être saisie que par le mythe»  (Alfred Bäumler, «Bachofen, der Mythologe der Romantik. Einleitung zu Der Mythos von Orient und Occident. Eine Metaphysik der alten Welt», aus den Werken von J.J. Bachofen, hg. v. Manfred Schröter, München, Beck'sche Verlagsbuchhandlung, München, 1926, 2ième éd., 1965, pp. CLXXXVI-CXCVI; repris in: Hans-Jürgen Heinrichs, op. cit.). Cette approche de Bäumler, nous allons le constater, est différente de celle de Klages qui, à la suite de son inspirateur visionnaire et exalté, Alfred Schuler, voit l'histoire comme un processus d'Entlichtung  (d'assombrissement, littéralement de «dé-lumiérisation»), qui enclenche une série de processus catamorphiques: parcellarisation de l'humanité, fin de l'androgynité primitive, domination des femmes par les hommes, avènement de la volonté linéaire évolutive, donc de l'individualisme, de l'égoïsme et du subjectivisme qui atomisent l'humanité. Pour Schuler comme pour son disciple Ludwig Klages, l'Entlichtung  contribue à fermer, à verrouiller, à étouffer la «vie ouverte», marquée par un temps cyclique, par l'éternel retour, par le règne des mères, par le temps des fêtes et de la joie collective (Cf. Robert Steuckers, «Alfred Schuler», in Encyclopédie des Œuvres philosophiques,  PUF, à paraître en 1992). Schuler et Klages nient toute valeur à l'histoire, tandis que Bäumler, philosophe politisé, et Krieck, le théoricien et historien de la pédagogie, également ennemi de Heidegger, raisonnent en termes vitalistes; ils définissent tous deux la Vie comme un «cosmos vivant», un All-Leben. Mais cet All-Leben  n'est pas irénique: c'est un monde de tensions perpétuelles, de luttes, de dynamique incessante. C'est le Mittgart (ou Midgard) de la mythologie scandinave; il désigne un monde intermédiaire entre l'Asgard (le monde des Ases, le monde de lumière) et l'Utgard (le monde de l'obscurité). Ce Mittgart est soumis, dit Krieck, au devenir (urd)   et aux caprices des Nornes, figures mythologiques féminines qui tissent le destin de chacun des hommes. Les périodes de paix, rares, qui ensoleillent le Mittgart, lieu de résidence des hommes, lieu où se déroule l'histoire, sont de brefs répits succédant à des victoires jamais définitives sur les forces du chaos, émanant de l'Utgard. Pour Krieck, chez les Germains, une force agissante et fécondante, désigné par la notion de Heil, anime la communauté nationale. Ce Heil   induit un flux ininterrompu de force qui avive la flamme vitale d'une communauté ou d'une personne et accroît ses prestations, permettant, dans la sphère politique, de fonder et d'organiser un Reich, un Etat, un espace politique, pour accoucher de l'histoire. Attentif aux forces émanant de l'All-Leben,  l'élite politique doit dresser les énergies du Volk,  rentabiliser au maximum l'héritage qu'il véhicule dans ses gènes et ses institutions, car l'absence de dressage (Zucht)  conduit au mixage indifférencié et à la dégénérescence des instincts et des formes (cf. Robert Steuckers, «Ernst Krieck», in Encyclopédie des Œuvres philosophiques, PUF, à paraître en 1992).

En comparant ce qu'Evola, Klages, Schuler, Bäumler et Krieck tirent de leur lecture de Bachofen, nous nous replongeons dans l'un des débats essentiels qui a sous-tendu la «Révolution conservatrice» et nous constatons une oscillation permanente de la pensée entre les pôles maternels (Klages) et paternels (Evola), dont Krieck semble en avoir compris et pensé l'invariance et la pérennité. Son recours à l'All-Leben  est proche du culte des mères chez Klages et Schuler; sa volonté de fonder une pédagogie disciplinante, pour contrer le chaos et l'indifférenciation, le rapproche du culte solaire et du culte des formes que l'on retrouve chez Stefan George et Julius Evola.     

Lire la suite

lundi, 07 septembre 2009 | Lien permanent

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

spengler.jpg

 

 

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

L'influence d'Oswald Spengler sur Julius Evola

par Robert Steuckers

 

«Je traduisis de l'allemand, à la demande de l'éditeur Longanesi (...) le volumineux et célèbre ouvrage d'Oswald Spengler, Le déclin de l'Occident. Cela me donna l'occasion de préciser, dans une introduction, le sens et les limites de cette œuvre qui, en son temps, avait connu une renommée mondiale».  C'est par ces mots que commence la série de paragraphes critiques à l'égard de Spengler, qu'Evola a écrit dans Le Chemin du Cinabre  (op. cit.,  p. 177). Evola rend hommage au philosophe allemand parce qu'il a repoussé les «lubies progressistes et historicistes», en montrant que le stade atteint par notre civilisation au lendemain de la première guerre mondiale n'était pas un sommet, mais, au contraire, était de nature «crépusculaire». D'où Evola reconnaît que Spengler, surtout grâce au succès de son livre, a permis de dépasser la conception linéaire et évolutive de l'histoire. Spengler décrit l'opposition entre Kultur  et Zivilisation, «le premier terme désignant, pour lui, les formes ou phases d'une civilisation de caractère qualitatif, organique, différencié et vivant, le second les formes d'une civilisation de caractère rationaliste, urbain, mécaniciste, informe, sans âme»   (ibid., op. cit., p.178). 

Evola admire la description négative que donne Spengler de la Zivilisation,  mais critique l'absence d'une définition cohérente de la Kultur,  parce que, dit-il, le philosophe allemand demeure prisonnier de certains schèmes intellectuels propres à la modernité. «Le sens de la dimension métaphysique ou de la transcendance, qui représente l'essentiel dans toute vraie Kultur, lui a fait défaut totalement»  (ibid., p. 179). Evola reproche également à Spengler son pluralisme; pour l'auteur du Déclin de l'Occident,  les civilisations sont nombreuses, distinctes et discontinues les unes par rapport aux autres, constituant chacune une unité fermée. Pour Evola, cette conception ne vaut que pour les aspects extérieurs et épisodiques des différentes civilisations. Au contraire, poursuit-il, il faut reconnaître, au-delà de la pluralité des formes de civilisation, des civilisations (ou phases de civilisation) de type "moderne", opposées à des civilisations (ou phases de civilisation) de type "traditionnel". Il n'y a pluralité qu'en surface; au fond, il y a l'opposition fondamentale entre modernité et Tradition.

Ensuite, Evola reproche à Spengler d'être influencé par le vitalisme post-romantique allemand et par les écoles "irrationalistes", qui trouveront en Klages leur exposant le plus radical et le plus complet. La valorisation du vécu ne sert à rien, explique Evola, si ce vécu n'est pas éclairé par une compréhension authentique du monde des origines. Donc le plongeon dans l'existentialité, dans la Vie, exigé par Klages, Bäumler ou Krieck, peut se révéler dangereux et enclencher un processus régressif (on constatera que la critique évolienne se démarque des interprétations allemandes, exactement selon les mêmes critères que nous avons mis en exergue en parlant de la réception de l'œuvre de Bachofen). Ce vitalisme conduit Spengler, pense Evola, à énoncer «des choses à faire blêmir» sur le bouddhisme, le taoïsme et le stoïcisme, sur la civilisation gréco-romaine (qui, pour Spengler, ne serait qu'une civilisation de la "corporéité"). Enfin, Evola n'admet pas la valorisation spenglérienne de l'«homme faustien», figure née au moment des grandes découvertes, de la Renaissance et de l'humanisme; par cette détermination temporelle, l'homme faustien est porté vers l'horizontalité plutôt que vers la verticalité. Sur le césarisme, phénomène politique de l'ère des masses, Evola partage le même jugement négatif que Spengler.

Les pages consacrées à Spengler dans Le chemin du Cinabre  sont donc très critiques; Evola conclut même que l'influence de Spengler sur sa pensée a été nulle. Tel n'est pas l'avis d'un analyste des œuvres de Spengler et d'Evola, Attilio Cucchi (in «Evola, la Tradizione e Spengler», Orion,  n°89, Février 1992). Pour Cucchi, Spengler a influencé Evola, notamment dans sa critique de la notion d'«Occident»; en affirmant que la civilisation occidentale n'est pas la civilisation, la seule civilisation qui soit, Spengler la relativise, comme Guénon la condamne. Evola, lecteur attentif de Spengler et de Guénon, va combiner éléments de critique spenglériens et éléments de critique guénoniens. Spengler affirme que la culture occidentale faustienne, qui a commencé au Xième siècle, décline, bascule dans la Zivilisation,  ce qui contribue à figer, assécher et tuer son énergie intérieure. L'Amérique connaît déjà ce stade final de Zivilisation  technicienne et dé-ruralisée. C'est sur cette critique spenglérienne de la Zivilisation  qu'Evola développera plus tard sa critique du bolchévisme et de l'américanisme: si la Zivilisation  est crépusculaire chez Spengler, l'Amérique est l'extrême-Occident pour Guénon, c'est-à-dire l'irreligion poussée jusqu'à ses conséquences ultimes. Chez Evola, indubitablement, les arguments spenglériens et guénoniens se combinent, même si, en bout de course, c'est l'option guénonienne qui prend le dessus, surtout en 1957, quand paraît l'édition du Déclin de l'Occident  chez Longanesi, avec une préface d'Evola. En revanche, la critique spenglérienne du césarisme politique se retrouve, parfois mot pour mot, dans Le fascisme vu de droite  et Les Hommes au milieu des ruines. 

Le préfacier de l'édition allemande de ce dernier livre (Menschen inmitten von Ruinen,  Hohenrain, Tübingen, 1991), le Dr. H.T. Hansen, confirme les vues de Cucchi: plusieurs idées de Spengler se retrouvent en filigrane dans Les Hommes au milieu des ruines;  notamment, l'idée que l'Etat est la forme intérieure, l'«être-en-forme» de la nation; l'idée que le déclin se mesure au fait que l'homme faustien est devenu l'esclave de sa création; la machine le pousse sur une voie, où il ne connaîtra plus jamais le repos et d'où il ne pourra jamais plus rebrousser chemin. Fébrilité et fuite en avant sont des caractéristiques du monde moderne ("faustien" pour Spengler) que condamnent avec la même vigueur Guénon et Evola. Dans Les Années décisives (1933), Spengler critique le césarisme (en clair: le national-socialisme hitlérien), comme issu du titanisme démocratique. Evola préfacera la traduction italienne de cet ouvrage, après une lecture très attentive. Enfin, le «style prussien», exalté par Spengler, correspond, dit le Dr. H.T. Hansen, à l'idée évolienne de l'«ordre aristocratique de la vie, hiérarchisé selon les prestations». Quant à la prééminence nécessaire de la grande politique sur l'économie, l'idée se retrouve chez les deux auteurs. L'influence de Spengler sur Evola n'a pas été nulle, contrairement à ce que ce dernier affirme dans Le chemin du Cinabre. 

 

 

Lire la suite

mercredi, 15 avril 2009 | Lien permanent

Julius Evola ou la mystique du détachement

jev.jpg

Julius Evola ou la mystique du détachement

par

À mi-chemin entre le métaphysicien et le samouraï, Julius Evola a élaboré une vision de la politique et de la Tradition qui l’éloigne de la plupart des théoriciens politiques et des tenants du traditionalisme. Son approche repose sur un principe intangible : se détacher du monde tel qu’il est.

À l’âge de vingt-trois ans, alors qu’il est décidé à mettre fin « librement » à ses jours, à la façon des philosophes Otto Weininger et Carlo Michelstaedter, Julius Evola a une illumination en lisant un texte du Majjhima Nikaya : « Celui qui prend l’extinction comme extinction, qui pense l’extinction, qui pense à l’extinction, qui pense ‘L’extinction est mienne’ et se réjouit de l’extinction, celui-là, je le dis, ne connaît pas l’extinction. » Evola comprend que la liberté par laquelle il désire en finir est encore un lien, une ignorance opposée à la vraie liberté. Dès lors, il sent naître en lui une « fermeté capable de résister à toute crise » existentielle et, plus largement, à la crise du monde moderne.

Julius Evola soumettra ainsi ses connaissances et expériences, si diverses, à cette seule discipline : le détachement ferme. Lorsqu’il sera victime d’un bombardement à Vienne, qui lui causera une lésion partielle et une paralysie des membres inférieurs, il ne se sentira pas particulièrement touché par cette incapacité physique, son activité spirituelle et intellectuelle n’en étant en aucune façon compromise. Il manifestera également très tôt une insensibilité, voire une certaine froideur d’âme, envers la manière de vivre de ses contemporains. Son souci de considérer les arts, la philosophie, la politique, le sacré, malgré son détachement intérieur, s’expliquent par ce qu’il appelle son « équation personnelle » : une impulsion, dès sa prime jeunesse, vers la transcendance ; et une disposition de kshatriya, terme hindou désignant un type humain « guerrier », enclin à l’action et à l’affirmation, par opposition au brahmâna, type sacerdotal ou contemplatif. Ces deux tendances détermineront entièrement Evola dans son rapport au monde.

De l’Individu absolu à la Tradition

jev$_35.JPGOn retrouve nettement dans ses écrits l’influence de trois philosophes : Carlo Michelstaedter, sur la question de l’autonomie de l’être (Phénoménologie de l’Individu Absolu) ; Otto Weininger, sur sa lecture de la déviation matriarcale de la spiritualité (Révolte contre le monde moderne) ; et enfin Friedrich Nietzsche, dans sa vision antibourgeoise de l’homme différencié (Chevaucher le tigre).

Si Evola naît dans une famille catholique et bourgeoise, il en rejette rapidement ces deux aspects. Le catholicisme, moral et sentimental, lui semble étranger à une véritable sacralité et une haute ascèse, loin de l’idéal « viril et aristocratique » du bouddhisme aryen. Son mépris de la vie bourgeoise lui fait refuser une chaire universitaire.

En marge de l’existentialisme, Evola développe une phénoménologie complexe de l’Individu absolu. Introduction philosophique à un monde non philosophique, il s’agit d’un retour à l’être transpersonnel, « sous le signe de la liberté réelle et de la puissance ». Selon Evola, la philosophie, qui culmine dans l’idéalisme transcendantal, fait inévitablement banqueroute dans l’idéalisme magique. Son idée consiste donc à penser à un développement qui, sans retomber dans la philosophie, fait franchir un pas, le dernier pas, à la spéculation occidentale. La théorie de l’Individu absolu est une sorte d’existentialisme positif. L’homme n’y est pas brisé par sa situation métaphysique.

Après un intérêt vif pour le tantrisme et le paganisme, Julius Evola découvre l’œuvre de René Guénon. Si son équation personnelle l’éloigne de l’orientation essentiellement intellectuelle de Guénon, il comprend néanmoins l’intérêt d’une critique cartésienne du monde moderne, le monde anormal, et la contre-partie positive de cette critique : le monde normal au sens supérieur, celui de la Tradition. Le monde de la Tradition, dont les différentes traditions particulières pré-modernes sont des émanations, des reflets ou des adaptations, désigne la civilisation organique, hiérarchisée, où toutes les activités humaines sont orientées vers le haut, avec à sa tête une élite qui incarne l’autorité légitime et impersonnelle. Dès lors, Evola cherche non seulement à concilier l’idée de l’Individu absolu, « sans lois, destructeur de tout lien », avec l’idée de Tradition, qui lui semble opposée ; mais aussi à recourir davantage dans son œuvre à l’idée de mythologie, à travers l’origine nordique, hyperboréenne, de la Tradition primordiale.

jev815b580768e60befa324a4.jpgEvola emprunte à Johann Jakob Bachofen sa lecture de la morphologie des civilisations, en rejetant l’aspect évolutionniste, y préférant la thèse involutive de Guénon. Tout au long de l’histoire connue, on a assisté à une altération du monde de la Tradition, avec notamment la dissociation entre autorité spirituelle et pouvoir temporel, inséparables aux origines. La civilisation, à l’origine, est patriarcale, héroïque, solaire, olympienne, virile ; elle se détériore sous les influences altératrices de la civilisation matriarcale, lunaire, tellurique, chtonienne, et aboutit à l’âge sombre, au kali-yuga.

De la révolte à l’apoliteia

Pour Evola, l’idée de Tradition est, surtout au sein du monde moderne, proprement révolutionnaire. S’il a d’abord vu dans le fascisme et le national-socialisme de possibles moyens d’expression des valeurs de la Tradition hyperboréenne, il ne ménage guère ses critiques envers les deux tendances. Dans un ouvrage au titre amusant, Le fascisme vu de droite, il ira même jusqu’à leur reprocher, outre leur nationalisme étriqué et leur racisme biologique, leur culte typiquement plébéien du travail. Après un procès dans lequel on l’accuse d’être le maître à penser de mouvements activistes néo-fascistes, Evola, relaxé, rédige un ouvrage dans lequel il transpose politiquement les idées de la Tradition. Son objectif est de promouvoir la formation d’un rassemblement de Droite authentique (au sens spirituel, pas uniquement politique), par rattachement aux principes contre-révolutionnaires. Cependant, malgré la bonne réception de l’ouvrage au sein de la droite radicale, Evola ne croit plus en la solution politique.

jevTIUL320_SR226,320_.jpgSon ouvrage Chevaucher le tigre est un bilan de ses expériences, et un constat de réalisme ferme : rien ne peut être fait, ni artistiquement, ni religieusement, ni politiquement, pour provoquer un bouleversement positif au sein du monde moderne. Le seul horizon, c’est le chaos. Ce livre s’adresse aux hommes différenciés, ceux qui n’appartiennent pas intérieurement au monde moderne, qui sont de l’autre civilisation. Selon une image extrême-orientale, « si l’on réussit à chevaucher un tigre, on l’empêche de se jeter sur vous et, […] en outre, si l’on ne descend pas, si l’on maintient la prise, il se peut que l’on ait, à la fin, raison de lui. » Evola s’adresse aux « convives de pierre », aux Individus absolus, ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se détacher du monde actuel, et qui sont prêts à y vivre « sous les formes les plus paroxystiques ». Evola y examine, sous formes d’orientations existentielles, les possibilités d’émancipation totale de l’être par la mise en confrontation avec les processus destructeurs du monde moderne.

Mais surtout, on retrouve là, comme magnifiée, la constante du cheminement spirituel et intellectuel de Julius Evola, le détachement, expression parfaite de son équation personnelle : inclination à l’action, détachement affectif. Pour Evola, l’homme différencié doit faire ce qui doit être fait, de façon impersonnelle, sans égard pour la victoire ou la défaite d’une action, sans le souci d’être approuvé ou désapprouvé. Une « action sans désir ». Dans Chevaucher le tigre, Evola recourt au principe d’apoliteia, « l’irrévocable distance intérieure à l’égard de la société moderne et de ses valeurs ». Le refus du « moindre lien spirituel ou moral » avec elle. Avant d’être un penseur de la Tradition et un théoricien politique, Julius Evola est avant tout un apôtre de la mystique du détachement.

Lire la suite

samedi, 28 mai 2016 | Lien permanent

Page : 1 2 3 4 5 6