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mardi, 10 juillet 2007

Les Etats-Unis et le pétrole d'Afrique occidentale

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Les Etats-Unis et le pétrole d'Afrique occidentale

par Stefano Liberti

Le Golfe de Guinée est riche en pétrole et plus stable que le Moyen-Orient; c’est une région de haut intérêt stratégique pour les Etats-Unis. Ils pensent y installer une base militaire.

Au moment même où ils s’implantent dans le Golfe Persique, les Etats-Unis mènent une autre bataille stratégique en silence, dans un autre golfe, à quelques milliers de kilomètres de là, plus exactement dans le Golfe de Guinée, leur futur point d’appui en Afrique occidentale. Riche en pétrole, plus facile à contrôler du point de vue politique, cette région suscite des convoitises croissantes de la part de l’administration américaine.

Tout a commencé au lendemain du 11 septembre 2001, quand de nombreuses voix demandaient une diminution de la dépendance énergétique vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, pays dont provenaient 13 des 19 terroristes suicidaires qui ont commis les attentats de New York et Washington. Une conférence, organisée le 25 janvier 2002 par l’”Institute for Advanced Strategic and Political Studies” (IASPS) ouvre la danse; l’IASPS est un “think tank”, dont le siège se trouve à Jérusalem, dont l’objectif est de bétonner l’alliance entre les “faucons” du Likoud et les extrémistes néo-conservateurs qui ont désormais la cote au Pentagone. Le colloque s’est tenu dans le siège de Washington de l’IASPS et y ont participé de nombreux fonctionnaires de l’administration, des membres du Congrès, des responsables de sociétés pétrolières américaines et les ambassadeurs de presque tous les pays producteurs de brut sur le continent noir. L’allocution d’ouverture fut prononcée par Walter Kansteiner, à l’époque sous-secrétaire d’Etat en charge des questions africaines. Il a déclaré, sur un ton solennel, que le pétrole sub-saharien constituait désormais “un intérêt stratégique pour les Etats-Unis”.

A la fin des travaux, les congressistes ont décidé de former un “Groupe d’initiative sur la politique pétrolière africaine”, l’AOPIG, soit “African Oil Policy Initiative Group”. Il s’agit d’un véritable lobby qui s’est formé là, sans craindre les conflits d’intérêts, et où se trouvent réunis des responsables de l’administration Bush, des représentants du Congrès, des sociétés pétrolières, des sociétés d’investissement et des consultants internationaux. Ce lobby est dirigé par Paul Michael Whibey, membre en vue de l’IASPS, convaincu de la nécessité d’abandonner le pétrole du Moyen Orient parce qu’il sert à financer les ennemis d’Israël. L’AOPIG s’est ensuite présenté au grand public par le truchement d’un “livre blanc” intitulé “African Oil, A Priority for US National Security and African development” (“Le pétrole africain : une priorité pour la sécurité nationale des Etats-Unis et pour le développement de l’Afrique”). Ce texte pose comme objectif de faire passer l’idée, auprès des dirigeants américains, que l’Afrique occidentale, jusqu’ici négligée, doit devenir une zone de première importance dans la hiérarchie des intérêts américains. Pour atteindre cet objectif, l’IASPS n’est nullement isolé; à peine quatre jours après le colloque de Washington, l’influent “Council on Foreign Relations” organise un séminaire dont l’inspiration est similaire : “La riposte de l’Amérique au terrorisme : gérer les profits du pétrole africain dans un climat global mouvant”.

Le “climat global mouvant” impose, disaient-ils, un redressement et une rupture que l’administration américaine, dominée par les pétroliers, imprimera lentement mais sûrement à son propre agenda. En rendant publiques, au mois de mai suivant, les lignes directrices de la politique énergétique nationale, le Vice-Président Dick Cheney déclarait : ”Le pétrole africain, vu sa qualité élevée et son taux réduit de soufre, représente un marché en plein développement pour les raffineries de la côte est”.

La Guinée équatoriale, colonie américaine

Depuis lors, la présence américaine dans la région s’est soudainement renforcée. En juillet 2002, une délégation l’AOPIG a visité le Nigéria, où elle s’est entretenue avec le Président Olusegun Obasanjo pour chercher à le convaincre de la nécessité de sortir de l’OPEP et de se soustraire à ses mécanismes de contrôle de la production et des prix. Au cours du mois de septembre suivant, Colin Powell s’est rendu au Gabon : c’était la première visite d’un secrétaire d’Etat américain dans ce pays. Pendant l’été, Bush débarque au Nigéria, après avoir rencontré à plusieurs reprises à Washington les ambassadeurs des pays d’Afrique occidentale. A la mi-octobre, les Etats-Unis réouvrent leur ambassage à Malabo, capitale des la Guinée Equatoriale, alors qu’elle avait été fermée pendant huit ans. Depuis lors, la Guinée Equatoriale est devenue une véritable colonie américaine.

Tenant compte d’une production quotidienne de 500.000 barils de brut (un par habitant), Bush n’a eu aucun scrupule à renouer des contacts avec le dictateur guinéen Teodoro Obiang, que la CIA décrivait pourtant comme “un dirigeant sans foi ni loi qui a saccagé l’économie nationale”. Aujourd’hui, les deux tiers des concessions pétrolières de la Guinée sont aux mains des sociétés américaines et les gisements sont défendus par des garde-côte formés par une société privée, la Military Professional Ressources Inc, dirigée par d’anciens officiers du Pentagone.

Plus au Nord, les activités américaines ne sont pas de moindre envergure: en l’espace d’une année, en un temps record, s’est achevée la construction d’un oléoduc d’un peu plus de 1000 km, partant de Doba, dans le Sud du Tchad, pour aboutir à la ville côtière de Kribi au Cameroun; il devrait acheminer 225.000 barils de brut par jour. Cet oléoduc a coûté 3,5 milliards de dollars et a été inauguré le 10 octobre 2003. Son financement provient d’un consortium américain et malaisien, comprenant les trois principales multinationales du pétrole : ExxonMobil, Chevron Texaco et Petronas. La construction a également bénéficié de fonds provenant de la Banque mondiale.

Un trésor off-shore

Cette frénésie est pleinement justifiée : les données sur les potentialités énergétiques de l’Afrique occidentale sont pourtant peu impressionnantes. Les réserves certaines sont aujourd’hui de quelque 24 milliards de barils. Mais le rythme auquel on découvre de nouveaux gisements fait dire aux experts qu’en réalité les pays riverains du Golfe de Guinée possèderaient plus de 100 milliards de barils. La production, qui atteint aujourd’hui 4 millions de barils par jour (quantité équivalente à la production quotidienne du Mexique, du Venezuela et de l’Iran) devrait augmenter considérablement et atteindre, selon des prévisions réalistes, le niveau de 10 millions de barils par jour d’ici à 2010.

Le Golfe de Guinée devrait bientôt fournir 15% des importations américaines de brut, soit la quantité qu’ils importent aujourd’hui d’Arabie Saoudite. Ensuite, selon les projections effectuées par divers analystes, ce chiffre devrait atteindre les 20% en deux ou trois années à peine.

Les avantages du brut du Golfe de Guinée sont importantes et diverses : les coûts de transport sont beaucoup moindres, vu la proximité relative des côtes américaines. L’instabilité politique y est de moindre ampleur. L’OPEP y exerce une influence mineure (parmi tous les producteurs de la région, seul le Nigéria en fait partie et décidera un jour d’en sortir, comme l’a fait le Gabon). Les pays de la région sont aussi plus réceptifs à l’égard des investissements étrangers. Il n’y a pas là-bas de concurrents politiques et économiques suffisamment aguerris, comme la Russie. La France, avec TotalElfFina, même si elle peut bénéficier des liens politiques et économiques tissés à l’époque coloniale, n’est pas en mesure de faire face aux ressources financières dont disposent les géants américains Chevron et ExxonMobil. Enfin, dernier avantage, incontournable, des nouveaux gisements du Golfe de Guinée : leur position. Ces réserves, en effet, sont, pour l’essentiel “off-shore”, donc éloignée de toutes turbulences politiques et sociales éventuelles.

Pour sécuriser et contrôler la région, les Etats-Unis songent à installer un commandement militaire permanent dans le petit archipel de Sao Tomé & Principe, lui aussi très riche en pétrole et, de surcroît, position stratégique en plein centre du Golfe. C’est exactement ce que Wihbey entendait réaliser dans un rapport publié à la fin de l’année 2001. Les Etats-Unis s’apprêtent à concrétiser le contenu de ce rapport, car, récemment, des experts militaires ont rendu visite à Sao Tomé. En somme, l’avenir de l’Afrique occidentale est bel et bien inscrit dans les directives dictées par l’AOPIG, dont l’idéologie repose sur deux piliers fondamentaux : exploitation et militarisation.

(article tiré du site : www.disinformazione.it )

 

04:40 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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