Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 02 août 2025

Histoire: la bataille navale oubliée de L'Ecluse (Sluis)

bataille-de-l-ecluse-1710651463.jpg

Histoire: la bataille navale oubliée de L'Ecluse (Sluis)

Jan Huijbrechts

Source: https://www.facebook.com/jan.huijbrechts.9

Hier, je me suis arrêté un instant pour penser à l'assassinat du chef de file gantois Jacob van Artevelde. Ce meneur populaire a su tirer habilement parti du début de la guerre de Cent Ans entre l'Angleterre et la France pour non seulement protéger le comté de Flandre contre le désastre économique, mais aussi contraindre les parties belligérantes à reconnaître la neutralité de cette même Flandre.

Jacob_van_Artevelde_4-e1490731672608-1816780591.jpg

Au début de l'année 1340, Artevelde s'attira toutefois les foudres du roi de France en renonçant à cette politique de neutralité et en concluant une alliance militaire et politique avec le roi anglais Édouard III, qui revendiquait la couronne de France. Le 30 janvier 1340, Artevelde, qui avait entre-temps été nommé bailli de Flandre, reçut solennellement Édouard III sur la place du Vrijdagmarkt à Gand et le proclama roi de France et protecteur de la Flandre.

Cette provocation ne pouvait bien sûr pas rester sans réponse de la part du roi de France Philippe de Valois. À peine Édouard était-il rentré en Angleterre avec la promesse de revenir en Flandre le jour de la Saint-Jean, le 24 juin, que Philippe envoya ses troupes vers le nord. L'avance française fut toutefois stoppée près d'Audenarde par les milices urbaines flamandes rassemblées à la hâte. Après cette débâcle, Philippe sonna l'alarme générale. Il constitua une immense flotte de guerre chargée de bloquer le Zwin et donc Bruges, qui était alors la plus importante ville portuaire d'Europe occidentale, tout en empêchant une invasion anglaise sur la côte flamande. À la fin du mois de mai, la flotte de guerre française quitta Lorient pour la Flandre. 173 navires de transport de troupes français, 23 barges et 6 galères étaient suivis par plus de 30 galères génoises sous le commandement du corsaire Barbavara. Ce devait être impressionnant de voir cette flotte de plus de 800 voiles, avec à son bord 35.000 fantassins et archers, entrer dans l'embouchure du Zwin, alors beaucoup plus large. Le commandement suprême de la flotte française fut confié au trésorier du roi, Nicolas Béhuchet. Ce n'était pas vraiment un choix judicieux, car cet homme n'avait guère d'expérience militaire. Son bras droit, le chevalier originaire d'Artois qui commandait l'infanterie, en avait certes, mais il ne semblait pas vraiment doué d'un grand sens stratégique.

Le 8 juin, au lieu d'attendre les Anglais en pleine mer, les Français pénétrèrent dans le Zwin. Nicolas Béhuchet fit immédiatement débarquer une grande partie de ses troupes et prendre d'assaut Cadzand, qui était alors encore une île au large de la côte zélandaise. La poignée de maisons de Cadzand fut pillée avec un zèle professionnelle puis réduite en cendres, tandis que les habitants qui n'avaient pas réussi à s'échapper à temps furent impitoyablement passés au fil de l'épée. Les Français se dirigèrent alors vers la riche ville de Sluis (= L'Ecluse), mais les milices brugeoises, rapidement alertées et menées par Jan Breydel et Jan Schynckele, arrivèrent à temps pour mettre Sluis en état de défense. Les Brugeois virent les Français attacher trois de leurs navires les uns aux autres à l'aide de solides chaînes, puis les disposer en trois lignes de combat, en grande partie cachées par les dunes, en travers de l'embouchure du Zwin, face à Sluis. Un choix stratégique qui n'était pas évident. Non seulement la flotte française était ancrée sous les murs de Sluis, qui était aux mains des milices flamandes, mais le manque d'espace de manœuvre en cas d'affrontement pouvait s'avérer très désavantageux. De plus, le danger était réel que les Flamands puissent attaquer les Français par l'arrière.

Pendant que les Français formaient leurs lignes, les Anglais constituèrent à la hâte une flotte d'environ 150 navires de guerre qui prit la mer le 22 juin. Le lendemain, vers 15 heures, les premiers navires anglais apparurent devant le village de pêcheurs de Blankenberge. Reynald de Cobham débarqua avec quelques chevaliers pour explorer les dunes. Il ne leur fallut pas longtemps pour découvrir la flotte française qui les attendait en embuscade. Les Anglais jetèrent l'ancre pour la nuit et attendirent la marée favorable et le changement de vent pour engager le combat.

Le Génois Barbavara, qui comprit que la flotte française s'était piégée elle-même, rompit la ligne défensive dans la matinée du 24 juin et se positionna devant les Français dans l'espoir de pouvoir s'échapper en pleine mer, mais cette tentative fut repoussée par l'avant-garde anglaise sous le commandement de l'amiral Morley. À marée haute, toute la flotte anglaise entra dans le Zwin, tandis que les Flamands, qui avaient capturé des navires espagnols dans le port de Bruges, attaquaient les Français par l'arrière. Les Anglais, aidés par les Flamands, écrasèrent la flotte française qui manœuvrait désespérément et dans le désordre.

Les combats durèrent des heures, de 14 heures jusqu'au coucher du soleil – c'était le solstice d'été et donc le jour le plus long de l'année. Les Français, réalisant que tout était perdu et tentant de fuir vers la plage ou les polders, furent impitoyablement massacrés par les milices flamandes qui s'étaient positionnées sur les digues. Sur les 202 navires français, 163 furent incendiés, coulés ou capturés. Les estimations les plus réalistes des pertes françaises varient entre 20.000 et 25.000 hommes... Les Anglais et les Flamands auraient perdu entre 2000 et 3000 hommes... Edward III fut touché à la cuisse par une flèche au plus fort de la bataille, mais il continua à se battre malgré sa blessure. Hugues Quiéret fut tué et Nicolas Béhuchet, fait prisonnier, fut pendu au mât principal de son navire amiral... Ce fut un véritable massacre. Les annales rapportent : « La mer en estoit tout ensanglantée ». En Angleterre, on racontait cyniquement que « les poissons allaient désormais apprendre à parler français après avoir mangé autant de Français »... Des centaines de cadavres, souvent horriblement mutilés, continuèrent à s'échouer pendant plusieurs jours sur les plages de Knokke et de Cadzand. Jusqu'à ce que les marées finissent par emporter les « vagues de sang ».

f6d62e900a3604172431606bd9e66d1e-2354735507.jpg

Les Anglais ont attribué leur victoire éclatante à l'utilisation de l'arc à main. Lors de la bataille de Sluis (L'Ecluse), 12.000 archers anglais ont combattu. Ces archers bien entraînés, équipés de leurs superbes arcs gallois de deux mètres de haut en bois d'if et de leurs flèches de près d'un mètre de long, efficaces jusqu'à 180 mètres, pouvaient tirer jusqu'à douze coups par minute contre seulement deux pour les Français armés d'arbalètes. La pluie de flèches anglaises avait fait la différence... 38 ans après que les milices flamandes eurent écrasé la fine fleur de la chevalerie française dans les prairies de Courtrai, la flotte royale française subit une défaite encore plus cuisante dans le Zwin. Une victoire anglo-flamande qui, curieusement, a quelque peu disparu dans les replis de l'histoire et est tombée dans l'oubli...

18:36 Publié dans Belgicana, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, flandre, belgicana | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Écrire un commentaire