jeudi, 01 novembre 2007
Bouddhistes et chrétiens en Corée
Bouddhistes et chrétiens en Corée
Lorsque, récemment, une vingtaine de Coréens ont été enlevés par les Talibans en Afghanistan, la plupart des téléspectateurs occidentaux se sont étonnés que ces orientaux s’y activaient au titre de missionnaires chrétiens.
Les propagandistes de la « Bonne Nouvelle », ne sont-ce pas des pères blancs affublés de longues barbes, qui arrivent toujours avec les caravanes et les canonnières colonialistes ? Dans les pays asiatiques aussi, les polémiques anti-chrétiennes avaient véhiculé l’image de zélotes chrétiens aux phénotypes occidentaux ou, du moins, de protégés ou d’agents des puissances occidentales et de leurs intérêts. Cette image est aujourd’hui un anachronisme.
Les groupes les plus nombreux de zélotes de la foi chrétienne en Asie sont désormais issus des régions fraîchement christianisées ou de vieux centres chrétiens qui ont dû résister pendant des siècles au milieu de masses non chrétiennes. Exemples : les Philippines ou l’Etat du Kerala au sud-ouest de la fédération indienne, pour les vieux centres chrétiens, et la Corée du Sud pour les terres récemment christianisées. Dans ce dernier pays, plus de la moitié de la population se déclare membre de l’une ou l’autre église chrétienne, dans la plupart des cas des communautés évangéliques dont le quartier général se situe évidemment aux Etats-Unis.
Ce poids du christianisme date de l’armistice de 1953, qui mit fin à la guerre de Corée. Pour immuniser la Corée du Sud contre le communisme, les Américains ont prodigué de l’aide à tous niveaux (matériel, médical, enseignement) et les fonds de cette aide ont été canalisés via des réseaux missionnaires connaissant la langue du pays et les ressorts de sa société.
La population s’est mise à associer christianisme et charité, bien-être et technologie occidentale. Des millions de Coréens se firent baptiser.
Le Bouddhisme coréen
La montée en force du christianisme se fit principalement au détriment du bouddhisme. Le bouddhisme coréen est vieux d’environ dix-sept siècles. Dans les couches populaires, il se mêle au chamanisme indigène, qui continue, lui aussi, à exister sous des formes pures, non mixées. Mais le bouddhisme en Corée a surtout été une religion de l’élite et, pendant les mille premières années de son existence, fut même religion d’Etat. En 1392, la dynastie Yi, qui monte et prend le pouvoir, emmène dans son sillage des lettrés néo-confucéens, qui se moquent du bouddhisme, en le traitant de superstition bizarre. Les moines sont alors expulsés des villes et se retirent dans des ermitages en montagne (nous avons affaire là à un cas non voulu de « retour aux racines »).
Le bouddhisme fut formellement remis à l’honneur, dans la plénitude de sa gloire d’antan, lorsque les Japonais annexèrent la Corée en 1910. Mais, malgré cela, cette époque fut dure pour les bouddhistes coréens car les autorités japonaises les obligèrent à s’affilier à des sectes nippones et à en reprendre les pratiques. Ainsi, par exemple, les moines furent contraints de prendre femme, en suivant l’exemple des ordres japonais de moines mariés, qui sont en fait des prêtres gardiens de temple, dont la fonction est héréditaire.
Lorsque les missionnaires protestants lancèrent leur grande offensive prosélyte à partir de 1953, le bouddhisme n’était guère en mesure de se défendre : il n’était plus représenté que par une communauté mal organisée de moines qui, dans la plupart des cas, avaient subi une formation très pauvre et sommaire, et par des laïcs profanes dont les doctrines n’avaient aucun fondement solide.
La situation en Corée était donc bien différente de celle qui régnait en Thaïlande, au Myanmar et au Sri Lanka, où le bouddhisme s’est défendu systématiquement contre les missions, si bien que celles-ci n’ont pas pu avancer et prospérer, même sous le colonialisme. Ceux qui, aujourd’hui en Occident, associent le christianisme à de pâles et molles figures comme le Cardinal Daneels (Primat de Belgique) ou avec le dolorisme fataliste des chrétiens du Moyen Orient qui ont tenté de survivre pendant des siècles sous le knout des musulmans, seront certainement effrayés de constater le fanatisme des « Evangelicals », formés à l’américaine, qui sévissent dans les « Etats du front de la foi », comme en Corée.
Il ne pourrait guère en être autrement, car il faut en effet être animé d’une solide dose de fanatisme de néophyte pour s’en aller en Afghanistan et y dire, au nez et à la barbe des Talibans, que l’islam est une erreur. Le même zèle et la même vigueur se retrouvent chez les nouveaux chrétiens de Corée quand il s’agit d’affronter les bouddhistes, plus inoffensifs jusqu’ici.
Matérialisme
Dans un rapport qu’adressent les bouddhistes aux organisations qui défendent les droits de l’homme au niveau international, on apprend que des enseignants persécutent des élèves non baptisés, que des officiers forcent les recrues à se faire baptiser, que des festivités bouddhistes sont perturbées et que le feu est parfois bouté à des temples bouddhistes.
Bien que seulement une petite minorité de ces nouveaux chrétiens se livrent à de telles extrémités, la vaste communauté chrétienne coréenne soutiendrait passivement ces comportements. On cite dans ce contexte un converti, ancien bouddhiste devenu protestant : « Lorsque je pense à ces gens qui détruisent les idoles, je pense que je suis, moi, un lâche, parce que je ne fais pas la même chose. Ils sont de meilleurs chrétiens que moi ».
Cependant la christianisation totale de la Corée du Sud n’est pas chose faite, loin s’en faut. A une échelle encore modeste, on constate que des nouveaux chrétiens se reconvertissent au bouddhisme. Mais le principal danger qui guette l’âme coréenne demeure le matérialisme. Un récent sondage de Gallup oblige à constater que plus de la moitié des chrétiens en titre de Corée du Sud ne sont en fait plus croyants. Oui, dans ce pays du « Front de la foi » aussi, la sécularisation progresse. On voit les mêmes conséquences de la sécularisation qu’en Europe : haut taux de suicides, taux bas de fécondité. A cela s’ajoute une spécificité régionale, contre laquelle le christianisme (et surtout le catholicisme) protège : l’avortement sélectif qui supprime les fillettes avant la naissance. Cette coutume provoque un déséquilibre patent entre les sexes, sur le plan quantitatif. La future génération de garçons coréens reprochera bien amèrement à la génération actuelle d’avoir tourné le dos à la foi.
MOESTASJRIK/ ‘t PALLIETERKE.
(article tiré de « ‘t Pallieterke », Anvers, 10 octobre 2007).00:30 Publié dans Eurasisme, Géopolitique, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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