samedi, 15 mars 2008
G. Nivat: Vers la fin du mythe russe
A lire:
Georges NIVAT : Vers la fin du mythe russe. Essais sur la culture russe de Gogol à nos jours, L'Age d'Homme, Lausanne, 1988, 22,87 Euro, (pas d'ISBN mentionné dans l'ouvrage).
Oblitéré par une soviétologie généralement insuffisante, le savoir sur la Russie, en Occident, est réduit à des clichés inopérants. Le grand souffle de l'histoire russe ne trouve aucun écho dans nos médias, si ce n'est pour le dénigrer et le criminaliser. Cette lacune du savoir historique a des conséquences très graves aujourd'hui: les Européens de l'Ouest ne se rendent absolument pas compte que toutes les attaques concentrées contre le territoire russe aujourd'hui sont des attaques contre l'Europe dans son ensemble. Des notions géographiques aussi essentielles que les Balkans, le Caucase, l'Asie centrale, la Mer Noire ne font rien vibrer chez nos concitoyens. Georges Nivat, philologue slave de nationalité française, comble évidemment cette lacune, du moins potentiellement, car les médias n'évoquent guère son œuvre titanesque. Vers la fin du mythe russe est un ouvrage de 403 pages, très dense, mais dans lequel nous conseillons plus particulièrement le chapitre 9, intitulé "'Du panmongolisme au mouvement eurasien", afin de bien connaître les tentatives russes de théoriser cet espace noyau, que le géographe britannique McKinder nommait le "Heartland". L'idéal du "mobilisme" mongol a effectivement hanté les esprits, et pas seulement celui de ce baron germano-balte, Fiodor von Ungern-Sternberg, Commandeur d'une "division de cavalerie asiatique", lancée aux trousses des bolcheviques de Trotski dans les immensités sibériennes. A signaler également, les chapitres 16 et 17, où Nivat évoque deux figures importantes, Pierre Pascal, traducteur d'Evola, auteur d'un ouvrage sublime sur les martyres japonais après 1945, qui est un russophile, mais un russophile réprouvé, auquel on ne donnait aucun accès aux grands médias. Ensuite, il nous parle d'Alain Besançon, ponte de la lourdeur "soviétologique" aux temps de la Guerre Froide, qui a oblitéré par des vérités propagandistes, made in USA, la dynamique de l'histoire russe, si bien que nous ne sommes plus en mesure de comprendre l'actualité tragique qui se déroule aujourd'hui sous nos yeux. Le chapitre 21 traite de la notion de "fratrie russo-européenne", chère à Vladimir Volkoff. Le chapitre 29 analyse le fondement de la pensée de Soljénitsyne : les fortifications du moi, qu'il s'agit pour nous d'intégrer en nos fors intérieurs, pour lutter contre la dictature médiatique, exactement comme les "chevaliers du Goulag" avaient lutté contre leurs tourmenteurs. Enfin, à lire également, le chapitre 35, consacré à Zinoviev, féroce analyste d'un réel, devenu irréel sous les coups répétés d'une idéologie schématique, qui réduit tout à ses tristes dimensions. S'abstraire de ce monde inique passe par la satire la plus féroce, une satire bien perceptible dans l'histoire littéraire russe.
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