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dimanche, 18 mai 2008

Anticapitaliste et identitaire

Anticapitaliste et identitaire

Image Hosted by ImageShack.us“Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces mais de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leurs créer des besoins factices. ” Paul Lafargue Extrait de Le droit à la paresse

La question se pose, peut’on être anticapitaliste lorsque l’on se situe a “l’extrême droite” de l’échiquier politique?

“Extrême-droite”, qui dans le cerveau lobotomisé de l’antifasciste moyen, est bien souvent assimilé à une force politique au service du grand capital. Et pourtant, d’Edouard Drumont à Charles Maurras, de Maurice Barrès à Jacques Doriot, l’anticapitalisme est de tradition au sein d’une “extrême droite” fort diverse.

Quand les catholiques sociaux, monarchistes dans l’âme, privilégient les moyens légaux pour convoiter le pouvoir ou se faire entendre, un républicain comme Déroulède, le sanguin et chauvinisme meneur de la ligue des patriotes, préfère s’appuyer sur la rue. Les deux courants ne partagent pas la même logique. Lorsque René de la tour du Pin, critiquant le monde capitaliste, fustige “une ploutocratie née du libre jeu des institutions et des mœurs, et qui ne peut que s’accroître parce qu’elle est la conséquence d’un système, celui-là même de la Révolution, qui crut affranchir l’homme et n’affranchit que le capital”, son analyse ressemble trait pour trait à celle d’un Drumont. Pourtant si l’auteur de La France Juive reconnaît en Albert de Mun, principal représentant à la chambre du catholicisme social, “une figure qui fait honneur non seulement à un parti, à une cause, mais au pays tout entier”, il n’en regrette pas moins que l’ancien officier de cavalerie n’ait pas profité de son prestige pour “former une ligue prête à profiter de toutes les circonstances”.

Le nationalisme de tradition anticapitaliste est donc traversé par deux courants bien distincts, l’un se référent à une conception traditionnelle et monarchiste de la société, le second élabore une stratégie politique populiste, pour tout dire républicaine et démocrate, au vrai sens du terme. Un Maurice Barrès ne se ralliera jamais à la monarchie, revendiquera toujours l’héritage révolutionnaire. Subissant les deux influences, Drumont datera de 1789 le début de la décadence, mais attendra toujours l’homme providentiel, le condottiere capable de forcer le destin. Le clivage entre ces deux tendances est important: il ne disparaîtra pas.

Les deux tendances pourront cohabiter: elles ne se rejoindront jamais tout à fait. On respecte les uns, on étudie les autres…Même lorsque le royalisme descendra dans la rue et visera à renverser le régime “par tout les moyens même légaux”, au temps des camelots du roi, la fracture s’accusera plus nette encore qu’au début du siècle, entre héritiers de la révolution et contre-révolutionnaires. Drieu La Rochelle avertira: “la réaction croit que les révolutions sont inutiles. Nous croyons joyeusement qu’elles sont nécessaires. La réaction s’oppose à de nouvelles révolutions, du moins qui prolongeraient pour quelque coté les précédentes. Nous les voyons en marche et nous nous en réjouissons.”

Les divergences sont moins tranchées qu’il n’y paraît. Autour du général Boulanger, idole des ligues financées par les salons, se dessine une première synthèse, qui se résume bien au sein de l’équipe de la cocarde, fondée par Barrès et à laquelle collaborent blanquistes, royalistes, et républicain nationaux. Les blanquistes, il est vrai, ont hérité du jacobinisme un fort sentiment patriotique qui peut, à cette époque, les rapprocher des nationalistes qui se réclament aussi volontiers à l’instar de Barrès, du socialisme. Cette dernière étiquette est ambiguë. Charles Maurras et le courant traditionaliste ne considère pas que le socialisme suppose obligatoirement “la destruction et le partage de la propriété privée”.

Comme l’écrit l’historien israélien Zeev Sternhell, “Les solutions marxistes ou marxisantes sont finalement de peu de poids dans le socialisme national des années 80. C’est encore sur la solidarité «capital-travail» que l’on compte pour résoudre la question sociale: en fait, on croit plus, à la participation des ouvriers à des sociétés par action qui ne sont pas autre chose que le moyen indirect de morcellement de l’usine”. La distinction entre gauche et droite ne signifie parfois plus grand chose. Nombre de personnalité de la gauche révolutionnaire se laissent tenter, par un nationalisme qu’ils influencent en retour, c’est le cas d’un Rochefort, d’un Sorel, d’un Valois comme cela sera plus tard celui des chefs du fascisme.

L’évolution du socialisme, qui glissant vers la démocratie libérale en vient à “se poser comme le plus solide gardien des libertés bourgeoises”, note toujours Sternhell, encourage ce passage à la droite nationaliste. C’est ainsi que ” ces transfuges finiront par abandonner tout ce en quoi ils avaient cru; tout, sauf la volonté de casser coûte que coûte, la démocratie libérale”. Sternhell exagère sur bien des points, l’anticapitalisme des nationalistes ressemble a celui de l’ultra-gauche. Qu’on écoute plutôt Déroulède, tonnant à la chambre pour demander l’amnistie des grévistes “la solidarité des travailleurs augmente de jour en jour: ils se comptent et ils vous comptent, et, faute par vous de vous montrer pitoyables et bons, faute d’avoir été équitables et prévoyants, vous serez réveillés quelques beau matin par un déchaînement cent fois plus violent que celui de 1793, plus terrible et plus juste aussi”.

Bientôt au contraire vont s’imposer à gauche les thèses marxistes, qui drainent deux idées inacceptables pour l’extrême droite: d’une part la lutte des classes d’autre part la collectivisation. Les nationalistes, au contraire, pourraient faire leur le programme du mouvement jaune de Biétry: “Réaliser la renaissance nationale en créant la réconciliation des classes sur un programme de justice sociale”. Face au péril, la meilleure solution à la question sociale reste bien le corporatisme. Mais au lieu d’être l’organisme libre que conçoivent les héritiers des catholiques sociaux, maurrasiens ou Croix De Feu, la corporation devient une courroie de transmission d’un état absolu. Si la tradition réunit dans la critique du système les nationalismes, leurs propositions de rechange communautaires pour les uns, étatiques pour les autres, différent grandement. Dans leur diversité, elles restent actuellement cultivées, parfois réactualisées, au sein des divers groupes nationalistes.

Néanmoins pour répondre à la barbarie de l’état capitaliste il est important que le nationalisme de demain se rattache directement à cette mise en accusation du système pour réactualiser une critique du capitalisme. Participant de cette manière par son recrutement et ses thèmes de campagne a la longue tradition populaire et anticapitaliste du nationalisme.

Source: DEVENIR.

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Respect de la force

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Louis VINTEUIL:
Respect de la force

Charles Maurras croyait en la variabilité et l’inégalité de la nature humaine. C’est ce qui ressort de son conte « Des serviteurs » : « Les âmes des hommes n’ont pas été tirées de la même origine. Les filles de l’argile ne s’élèveront point au rang de celle que les dieux ont conçues dans les lits de pourpre ». En effet si l’on croyait en l’accomplissement de la perfectibilité humaine et si les hommes étaient des dieux, il serait facile et loisible de constater qu’ils pourraient vivre tranquillement dans la concorde et la paix harmonieuse, sans éprouver la moindre mauvaise pulsion personnelle. Mais, au fond, les hommes ne sont ce qu’ils sont avec leur cortège de défauts et de qualités, d’une nature bonne ou mauvaise, et de cette dualité, il leur faut se protéger les uns des autres. Les bêtes à l’état de nature s’en remettent à la loi du plus fort, les prédateurs et les espèces les plus faibles campant sur leurs propre position. L’homme a un double visage : visage de loup, visage de dieu, l’héritage douloureux de la « natura lapsa »; porté vers le bien comme vers le mal, il faut percevoir l’ensemble pour le saisir tout entier. En supposant que les hommes ont dépassé le stade animal, malgré la persistance d’une certaine mentalité atavique de cueilleurs chasseurs, ils ont progressivement ressenti la nécessité de s’en remettre à une puissance supérieure indépendante au service du bien être commun, puissance qui soit juste armée et capable de châtier les injustices et fauteurs de troubles .

Ainsi toute société humaine repose sur l’institution d’un pouvoir arbitraire de dernier recours et dont la force coercitive et répressive vient régir les rapports de force, rapports d’esclaves à maître, qui ne sont que la transposition des rapports de dominance à l’échelon social. Dans le monde moderne, la brutalité vient à être remplacée par la ruse qui n’est nullement la démonstration d’une moralisation de l’être humain. C’est ce que Georges Sorel avait annoncé : « La férocité ancienne tend à être remplacée par la ruse et beaucoup de sociologues estiment que c’est là un progrès sérieux ; quelques philosophes qui n‘ont pas l’habitude de suivre les opinions du troupeau, ne voient pas très bien en quoi cela constitue un progrès au point de vue de la morale ». Il existait certainement, chez les anciens peuples, un degré supérieur de droiture, de sincérité, le respect de la sainteté des moeurs. Hartmann constate « que nous voyons régner aujourd’hui le mensonge, la fausseté, la perfidie, l’esprit de chicane, le mépris de la propriété, le dédain de la probité instinctive et des moeurs légitimes, dont le prix souvent n’est plus compris. Le mensonge, la ruse augmentent malgré la répression des lois dans une proportion plus rapide que ne diminuent les délits grossiers et violents comme le pillage, le meurtre, le viol ».

En effet, le monde moderne est caractérisé par la prolifération d’une société de crime organisé, dont les conséquences dévastatrices ne peuvent être enrayées par le dispositif « préventif » législatif des systèmes permissifs de l’appareil judiciaire et policier. Dans l’ordre ancien, on considérait que pour être incontestée, qu’il suffisait donc à la puissance tutélaire et légitime qu’elle fût supérieure. Au fil du temps, ils voulurent que cette puissance devienne une autorité suprême, indivisible et une, et s’imposant à tous. Cette autorité ne serait que l’expression d’une force, d’une sagesse, d’une vertu qui respecteraient tous le sujets. Les leçons tirés des faits, de la nature et de l’histoire démontrent que le monde est résolument hétéronomique et holiste : c’est à dire que chaque infime partie du corps social, conçu tel un organisme vivant, a sa propre fonction et obéit à une autre, supérieure, pour le bien commun de tous. La force qui fonde l’autorité n’est pas la tyrannie, elle sait et devrait s’appuyer sur l’adhésion volontaire des subordonnés.

Ainsi le droit public n’est pas fondé sur une quelconque abstraction. Seule la force et les faits sont à la source du droit public. C’est ce que Albert Sorel confirmera : « Le doit public est fondé sur des faits. Pour le connaître, il  faut savoir l’histoire, c’est l’âme de cette science, comme de la politique en général. Dans le droit public, il  y a une notion fondamentale, celle de l’Etat : elle domine et régit toute la politique. C’est l’Etat selon l’esprit de Rome : être collectif, maître souverain et absolu ». L’absolutisme de Bossuet incarnera de façon remarquable le concept de cette souveraineté, de cette autorité légitime tirée de la force, que de nous jours nous avons perdu . Dans la « politique tirée des propres paroles de l’Ecriture sainte », Bossuet ne fait que confirmer la nature faible de l’homme , la précarité de sa condition et l’essentielle finitude des êtres humains. L’humanité s’engage dans un processus involutif, s’éloignant davantage de ses origines. « Dans le progrès de leur âge, les années se poussent les unes les autres comme des flots, leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle ; et enfin après avoir fait, ainsi que des fleuves, un peu plus de bruit les unes les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où l’on ne trouve plus ni rois ni princes, ni capitaines ».

L’omniprésence du mal justifie la légitimité et l’existence d’un Etat fort, garant et exécutant une vraie grande politique. Weber affirmait : « Il faut concevoir l’Etat contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime ». Pour Bossuet, le droit de conquête qui commence par la force ne se réduit pas pour ainsi dire au droit commun et naturel. Son singulier « absolutisme » quasi mystique imprégné de “hobbesisme”, pour se conserver, doit être un instrument au service de la fin qui le transcende : qui réside dans la justice, le bien commun et la protection des sujets. En effet lorsque les idées dégénèrent, lorsqu’elles sont vouées à un processus de dissolution et ne sont plus nourries par un certain héroïsme, la force, afin de maintenir ses effets et acquis, devra inéluctablement se consolider par le consentement. Il ne suffit pas de conquérir, il faut savoir conserver ; les Etats s’affaiblissent en se dispersant. La violation des engagements d’un Etat conduira à sa perte. Les maximes de la modération, on les retrouve chez Rabelais , Montesquieu et Frédéric II. Ainsi pour conserver la légitimité de son pouvoir, Machiavel recommandait au Prince de régner par les lois autant que par les armes et de se faire une réputation de vertu. La « politique du renard », qui s’ensuit, étant la continuation de la « politique du lion ». Mais ces calculs l’engagent sur le chemin de la vertu, proclamant que le prince doit « faire toujours bien s’il peut et entrer au mal par contrainte ». Le respect de la propriété, la constance, la magnanimité sont les moyens appropriés pour défendre l’Etat contre ses ennemis de l’extérieur, en leur enlevant tout appui de trahison.

Ainsi l’idée de gouvernement et d’autorité, et de droit légitime, quelle que soit la nuance qu’elle revête, s’oppose toujours nettement à l’idée d’un empire de conventions, de compromissions et le règne du nombre et de la quantité. Tout le progrès du droit et la légitimité de l’autorité, la pérennité de l’Etat se réalise par l’affinement et la stabilisation de la force. Le poète Hugues Rebell exprimera cette haute idée de gouvernement dans « l’union des trois aristocraties » : « Soyons donc habiles : la lyre d’Orphée est impuissante pour le moment à attendrir les viles brutes qui nous entourent ; saisissons l’épée ou la caducée ; ayons la ruse, pratiquons la violence ; nous devons être tour à tour des combattants, des apôtres, des proxénètes. Que l’artiste ait le culte de l’or. Il ne s’agit point de sacrifier sa pensée, mais de l’imposer. A défaut de protections princières, la fortune reste le meilleur moyen de dominer les hommes ».

Louis VINTEUIL.

 

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