Moins de 20 ans après l'effondrement de l'URSS, force est pourtant de constater que le titre du Financial Times est plus que d'actualité alors que le pays se prépare a choisir ses nouveaux dirigeants. Une guerre défensive de cinq jours, habilement gagnée par la Russie dans le sud Caucase suffit a totalement enrayer le processus d'extension de l'OTAN. Pour la première fois, une puissance contrecarrait militairement les Etats-Unis d’Amérique. En ce mois d'août 2008, les tanks russes qui défendirent Tsinvali venaient de faire chanceler le vieux monde, unilatéral et néo-libéral. (...)
Depuis la chute de l'URSS et du mur de Berlin, l'OTAN n'a plus lieu d'être. Incapable de venir a bout des "terroristes" et du trafic d'opium afghan, l'OTAN est devenue une organisation désuète, frappée du sceau de l'échec et qui ne reflète plus les intérêts européens. En effet la menace soviétique et le pacte de Varsovie ayant disparus et la nouvelle menace terroriste (due a un Ben Laden formé par la CIA) considérablement moins élevée (voir inexistante) sans une participation récurrentes aux actions de l'OTAN a travers le monde. Les Européens doivent aujourd'hui se rendre compte que leurs soldats font office de supplétifs de l'armée américaine, se faisant tuer pour des guerres qui ne sont pas les leurs ! Pire, en collaborant avec l'OTAN, l'Europe se met en position conflictuelle avec des acteurs essentiels a la stabilité et la paix que cela soit dans le monde musulman (où l'OTAN est perçue comme une alliance de croisés modernes) mais également dans le monde eurasiatique, ou l'OTAN est vue comme un outil Américain, facteur de trouble, par les grandes puissances de demain comme la Russie, la Chine, l'Inde ou l'Iran, toutes ces puissance étant liées entre elles au sein de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS).
Ce nouvel ordre multipolaire semble se configurer via l'émergence de grands ensembles civilisationnels et identitaires (UE, Chine, Russie, Inde). Ce phénomene de regroupement sur-régional est a l'opposé du mouvement de morcellement auquel œuvre l'Amérique en Europe, morcellement destiné a la constitution de petits ensembles facilement contrôlables économiquement et dépendants militairement (Yougoslavie, Tchécoslovaquie, projet de morcellement en trois de la Russie..). Morcellements au passage fomentés par l'OTAN et dogmatiquement attribués à l'effondrement post-soviétique. Ces nouveaux regroupements auto-centrés n'ont pas lieu qu'en Eurasie mais bel et bien sur tous les continents, que ce soit en Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Venezuela et Bolivie), sur le continent africain, ou dans le monde musulman, arabe ou pan-turc. Ces regroupements s'opèrent via des cœurs historiques, civilisationnels et économiques. Ces cœurs impériaux sont de facon très génerale les grandes capitales ethno-culturelles des zones concernées, à savoir Pékin pour la Chine, Tokyo pour les Japonais, Caracas ou Rio pour l'Amérique du sud, les musulmans hésitants depuis longtemps entre La Mecque, Téhéran et Istanbul, avec une montée en puissance des musulmans d'Asie. Il est à noter la place absolument unique de la Russie, au carrefour de tous les mondes, islamique via sa position a l'OCI, occidental via le COR, européen par essence ou encore asiatique de par sa géographie et sa participation a l'OCS.
De ces ensembles qui représentent de potentiels concurrents économiques voir militaires, l'Amérique en craint un bien plus que les autres : la grande Europe, ce front continental, colosse économique et militaire, gigantesque empire de Reykavik a Vladivostok, étalé sur onze fuseaux horaires et potentiel leader économique et militaire planétaire. La division voulue et souhaitée par les stratèges américains date et va dans ce sens : tout faire pour empêcher tout unité pan-européene ! De John O'Sullivan qui en 1845, dans "Our Manifest Destiny" écrivait : "Avec l'anéantissement de l'Europe, l'Amérique deviendra la maîtresse du monde" ou l'ouvrage de 1890, "Our Country" qui précise que "l'Europe vieillissante n'a plus les moyens de sauvegarder les valeurs civilisatrices de l'Occident, reprises par une Amérique dynamique émergente" et conclut par la fameuse formule "Europe must perish ! " soit l'Europe doit périr. (...)
La Russie endormie sous Eltsine s'est réveillée, devenant aujourd'hui l'hyper-centre de résistance à l'américanisation forcée et à l'extension agressive et criminelle de l'OTAN. La Russie nous a prouvé récemment qu'elle était prête à défendre ses intérêts mais également à collaborer avec l'Europe et à participer activement à un projet de société pacifique, multilatéral et fondé sur la concertation. Comme les Russes de 1999, les Européens de 2008 doivent sortir de leur sommeil et se libérer, tout d'abord des chaines de l'OTAN, qui s'étendent jusqu'aux frontières ukrainiennes et biélorusses et pourrait les mener a un conflit avec leurs frères Russes.
L'Europe se situe sur le continent eurasien, dont elle occupe la façade atlantique, tandis que la Russie elle occupe la majorité des terres, et la façade pacifique. L'Europe et la Russie sont intrinsèquement liés et appartiennent au même continent, l'Eurasie ! L'Eurasie est la maison commune des Européens et des Russes, de Reykavik à Vladivostok. Grâce à la Russie, une autre Europe, eurasiatique se dresse face à la Petite-Europe atlantiste de Bruxelles. Apres Athènes, Byzance, Aix la Chapelle et Constantinople, Moscou est la nouvelle capitale de l'Europe. »
Alexandre Latsa, Dissonance, 29 novembre 2008