Après la « Grande Catastrophe » qui a vu sombrer dans le chaos l’ancien système politico-économique du fait de la convergence de désastres de toutes natures, ont subsisté des bulles de survie, sortes de baronnies qui se sont ensuite rapprochées les unes des autres. La nouvelle structure regroupait dans une Communauté des Etats Européens, les anciennes régions de l’Europe Occidentale dotées d’une très large autonomie. Mais de graves problèmes internationaux resurgirent avec de nouvelles menaces. La Russie et ses pays satellites proposèrent alors à la Communauté des Etats européens de fusionner pour assurer l’unité et la défense des « peuples apparentés »: la Fédération Eurosibérienne était née.
La Fédération comporte 125 états autonomes comme les Etats autonomes de Bretagne ou d’Ile de France, la République Romaine et le Royaume d’Albanie, etc. qui s’entendent sur les « questions principales »: quel est l’ennemi commun ? Quel est l’ami commun ? Ils sont représentés face au Gouvernorat impérial installé à Bruxelles, par le Directorat central de la Fédération.
Les litiges internes entre les États de la Fédération sont résolus par un Conseiller plénipotentiaire auprès du Tribunal-Inter-États de Saint Petersbourg et son Prévôt auquel il doit rendre compte, et qui dépend aussi du Gouvernorat impérial de Bruxelles où sont ses bureaux.
Dans la Fédération, on tente de concilier deux principes: l’autorité absolue et la rapidité de décision de l’autorité politique centrale, le Gouvernorat élu par le Sénat Impérial; et une grande liberté d’organisation laissée aux Régions-Etats.
Chacune des Régions-Etats autonomes est libre dans les domaines où elle n’est pas soumise aux compétences du Gouvernorat Impérial, d’organiser ses institutions comme elle l’entend. Elle doit simplement, par les moyens qu’elle désire, désigner un nombre de députés fixé en proportion de sa population au Sénat Fédéral d’Empire.
L’ idéologie officielle de la Fédération est le « constructivisme vitaliste ».
La nouvelle économie techno-scientifique n’est plus, comme autrefois au XXe siècle, destinée à toutes les zones de la Terre ni à tous les humains. Seulement 10 % de l’ humanité en bénéficient, en général regroupés dans les villes, beaucoup moins étendues et peuplées qu’autrefois. Dans la fédération, 20% de la population vit dans une économie industrielle techno-scientifique; ce qui a permis de repeupler les zones rurales désertées et résolu les problèmes de pollution et de gaspillage énergétique.
L’innovation scientifique est très dynamique bien qu’elle ne repose plus sur un énorme marché mondial et ne concerne donc qu’une minorité de la population, les autres étant revenus à une économie rurale, artisanale et pastorale de type médiéval. L’explication de ce dynamisme est simple: le volume global de l’investissement et des budgets publics et privés n’ont plus à se préoccuper des besoins de toutes natures de 80% de la population vivant dans des communautés néo-traditionnelles, selon un système socio-économique archaïque, qui se débrouillent seules et librement pour leur production et leurs échanges, et pour nombre desquelles le solstice d’été est un moment fort
La Fédération Eurosibérienne pratique le libre-échange intérieur, mais ses frontières extérieures sont protégées par des barrières douanières très élevées. Les flux financiers et spéculatifs internationaux n’existent plus.
Dans l’élite, 18% des naissances sont assurées par l’ingénierie génétique: gestations en incubateurs, sans grossesse pour les femmes, avec « amélioration programmée du génome ». Mais cette technique est rigoureusement prohibée dans les communautés néo-traditionnelles et, ailleurs, soumise à l’approbation du Comité Eugénique Impérial. Les enfants issus de cette procréation artificielle sont souvent consacrés « pupilles d’Empire » et placés dans des centres d’éducation qui les transforment en cadres ultra-performants. Seuls les dirigeants et les cadres de la Fédération ont accès au réseau d’informations, l’ EKIS « Euro Kontinent Information Service ». Le système des médias, ouvert à tous, en cours au XXe siècle, a entièrement disparu car, pense-t-on, il aboutissait paradoxalement à la désinformation, à la désagrégation de l’esprit public et créait des paniques.
Les véhicules électriques sont généralisés, les automobiles interdites aux particuliers avec retour aux tractions hippomobiles, prohibition des véhicules à moteur dans les communautés rurales néo-traditionnelles, abandon des autoroutes sur le tracé desquelles ont été construites des lignes de chemin de fer classiques rapides pour le transport des camions et des containers (« ferroutage »), limitation progressive des transports aériens au profit des planétrains, introduction de dirigeables-cargos pour le fret et les transports civils, restauration du réseau des canaux, utilisation mixte des énergies nucléaires et éoliennes pour les transporteurs maritimes, etc.
(dessins de Schuiten)
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