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mercredi, 26 février 2014

Sur la liberté d'expression...

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Sur la liberté d'expression...

par Robert Redeker

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un texte de Robert Redeker, cueilli sur le blog de cet auteur et consacré à la liberté d'expression...

La liberté d'expression implique le droit de déranger les associations, les corporations, les communautés, les Etats et les personnes. Mieux, la liberté d'expression s'accompagne du devoir de déranger. Or, la croyance contraire s'est répandue : la liberté d'expression se ramènerait au droit de dire et d’écrire des choses qui ne dérangent, ne choquent, ni ne blessent personne. Elle ne se conçoit que sur un mode insipide. On la veut dormitive, comme les journaux télévisés qui ne parlent que de sport et du temps qu’il fait !  Mille associations — celles qui attaquèrent  Charlie Hebdo, par exemple, lorsque cet hebdomadaire a repris les caricatures danoises de Mahomet, celles qui aujourd’hui s’en prennent à Renaud Camus, à Alain Finkielkraut, à Nicolas Canteloup, à cent autres — voient dans la liberté d'expression le droit de dire ce qui ne les dérange pas. Il est recommandé — par l'idéologie ambiante, l'air du temps — de ne point s'en servir jusqu'au bout. Adhérer à cette moitié d'idée, c'est postuler que la liberté d'expression doit demeurer une liberté simplement formelle, muséifiée, ne bousculant rien ni personne. Qu’elle doit demeurer une liberté exposée dans une vitrine fermée à clef. L'essence de la liberté d'expression repose dans le devoir de déranger.  
 
 
Il suffit de se mettre à l’écoute des nouvelles de notre pays pour se rendre compte que nous vivons un néo-maccarthysme délirant, qu’aucune force ne paraît plus en mesure d'arrêter. Qu’il sera bientôt un ouragan ravageur auquel rien ne sera en mesure de résister. Nous vivons désormais dans le pays de la surveillance et de la dénonciation généralisées, clone postmoderne de la RDA de jadis. Le politiquement correct, confondu avec la morale dont il usurpe la place, y tient le rôle de la ligne du parti. Demain sans doute, les enfants devront-ils dénoncer leurs parents à leurs maîtres d'école pour des propos et des attitudes politiquement incorrects (sur l'homme et sur la femme, sur les races humaines, sur le mariage, sur les homosexuels)! Les enfants seront les policiers du Bien, à l'intérieur des familles. L'origine de cette situation pathologique est à chercher dans le suicide de la gauche, dans ce moment des années quatre-vingts où celle-ci décida de substituer la moraline des bons sentiments à la lutte des classes, de remplacer l'ouvrier par l'immigré, le peuple par la mosaïque des identités.
 
Nous vivons une étrange et inattendue dictature : celle des associations. Beaucoup d’esprits paresseux s’inquiètent de la répétition des années trente, se laissent aller à comparer les époques. Tant de bêtise, il est vrai, n’étonne pas ! C’est l’intelligence qui est une exception, non la bêtise, partagée par tous, surtout en démocratie. Mais comme l’a dit Nietzsche, l’histoire n’avance pas comme les écrevisses à reculons. Le mal ne se répètera pas, il prendra d’autres formes ; plus : il partira peut-être de ceux dont la raison d’être est de le combattre, de ceux qui se donnent pour les vigiles et les sentinelles ennemis d’un mal dont ils veulent préserver le corps social; il croîtra peut-être en leur sein comme un cancer malicieux. Il n’est pas impossible qu’il vienne des défenseurs des droits de l’homme, des gardiens des mémoires, de ceux qui se croient « les bons », « les humains », qui se tiennent pour « les vrais hommes », tout en se regroupant dans de nouvelles ligues, différentes de celles de l'entre-deux-guerres, les ligues de vertus et les associations. Comme un voleur dans la nuit, le criminel arrive par où nul ne s’attend à l’y voir. Existèrent la tyrannie de la majorité, le totalitarisme d’Etat ; existera: l’impitoyable dictature des associations. Le crime nous reviendra en entrant par cette porte. L’actualité nous en offre chaque jour le triste augure.
 
 
Robert Redeker (Journal en ligne de Robert Redeker, 8 février 2014)

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