mercredi, 15 octobre 2014
Paul-François Paoli
Malaise de l'Occident
par Christopher Gérard
Ex: http://archaion.hautetfort.com
Chroniqueur au Figaro et animateur d’un club de réflexion philosophique, Paul-François Paoli est l’auteur d’essais pugnaces sur des sujets qui fâchent : en témoignent La Tyrannie de la faiblesse, Les Impostures de l’égalité et, tout dernièrement, Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ?
Tout le contraire d’un distributeur d’eau tiède, Paoli porte le fer dans les innombrables plaies de la France contemporaine, malade de ses dogmes universalistes et victime d’une forme d’ethno-masochisme particulièrement aiguë, qui n’est sans doute que le pendant du triomphalisme de jadis. Droite libérale et gauche sociétale semblent communier dans un même aveuglement, dans une même incapacité à dépasser cette fracture dualiste qui empêche de penser la symbiose de l’homme et de son biotope. Dans son ensemble, la classe politique exhibe son impuissance à freiner cette course à l’ensauvagement qui frappe tout l’Occident, et la France en particulier en raison de son caractère emblématique, quasi exemplaire (si l’on ose dire), au sein d’un monde en crise, puisque l’ancienne fille aînée de l’Eglise, devenue « la République » (majuscule & trémolos), se proclame urbi et orbi le parangon du sacro-saint Progrès. Contrairement au monde anglo-saxon, où la pensée conservative compte de grands esprits qui ont voix au chapitre (par exemple Roger Scruton, dont aucun livre n’est traduit en français), la France est un pays cadenassé, où la pensée d’un Maurras est occultée et travestie, où un Alain de Benoist est privé de tribune, où les universitaires tremblent à l’idée d’être qualifiés « de droite ».
Haine de soi, oubli programmé des héritages, culture de l’indifférenciation, délires théoriques (sur le genre, par exemple) couplés à une négation perverse des lois naturelles, fascination malsaine pour le barbare ou le difforme, répulsion pour toute forme de norme et de bon sens, narcissisme funèbre et prométhéisme infantile : longue est la liste de ces maux que prônent médias corrompus et élites apeurées, sans parler même d’une classe politique d’une rare médiocrité.
Cette France en miettes où plus grand-monde n’a plus grand-chose en commun, Paoli l’observe avec lucidité ; il la décrit avec un remarquable courage civique; il en analyse les faiblesses sans cacher sa douleur. Du mythe de la Résistance et de son instrumentalisation par un establishment (souvent né après la Libération) à la disparition du gaullisme comme synthèse politique entre patrie et progrès, de l’individualisme destructeur à la critique de la démocratie en tant qu’idéologie (plus qu’en tant que praxis), Paoli aborde tous ces thèmes avec un réjouissant mépris du qu’en dira-t-on, à la hussarde mais avec une érudition de bon aloi. Stimulant et original, son Malaise de l’Occident en tant qu’exhortation à une révolution conservatrice suscite la réflexion… et aussi la controverse, par exemple quand, en raison de ses préjugés théologiques, il perd de vue ce que Tacite nommait justement l’origo eius mali, l’égalité métaphysique proclamée par Paul de Tarse fondant le présent chaos, où castes et races sont censées se fondre dans la joie et la bonne humeur. En dépit d’une lucidité et d’une honnêteté plus que bienvenues, Paoli semble oublier que le messianisme, sous toutes ses formes, est un poison pour l’intelligence comme pour la cité.
Christopher Gérard
Paul-François Paoli, Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ?, Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 22.90€
Malaise de l'Occident
de Paul-François Paoli
Les ravages de la religion laïque
La France est-elle au bord de la guerre civile ainsi que le clament de manière unanime l’ensemble des médias, toutes tendances confondues ? Le mal profond dont souffre le pays résulte de plusieurs fractures dépassant de loin la « fracture sociale » dénoncée par Jacques Chirac il y a 20 ans. Ainsi les grandes manifestations contre le « mariage pour tous » ont témoigné du fossé existant désormais entre une France affiliée à une certaine vision « naturaliste » de la famille et le monde parisien où les partisans du « mariage pour tous » sont très majoritaires. Cette fracture est extrêmement profonde car dépassant les affiliations politiques: il s'agit, ni plus ni moins, d'une vision de l'homme, de la femme et de l'enfant. Une autre question, tout aussi dramatique par sa violence, a trait à l'identité de la France et de la République. D’un côté, la gauche a réussi à imposer, à travers les discours récurrents de Peillon, Hamon, Taubira ou Hollande, une vision de "l'homme universel" dont, nous autres Français, aurions, en quelque sorte, déposé l'imprimatur depuis la Révolution Française. Là encore il s'agit d'une spécificité française, marquée par la culture jacobine, mais aussi par les idéaux du Grand Orient de France auxquels moult ministres socialistes sont affiliés. Cet universalisme idéologique n'est pas aussi partagé qu'on le croit et son affirmation autoritaire instaure un clivage dans un pays marqué par le morcellement croissant des identités. La troisième fracture découle de l'histoire d'une Résistance marquée par l'influence communiste. Au point que toute contestation de sa vision passe pour une forme de collaborationnisme. La pensée gaullienne, nationale dans son essence, a été, en fin de compte, occultée au bénéfice d'un humanisme messianique dont Stéphane Hessel est devenu, ces dernières années, le parangon médiatique. Occultation qui est la raison d'être fondamentale de l'apparition du FN dans les années 80, lequel se construit sur les ruines du gaullisme politique. Aux yeux d'un De Gaulle, la légitimité de l'Etat français est fondée sur un peuple; le peuple français, dont la francité n'est pas réductible à la citoyenneté , prônée à toute force par la République officielle de Peillon et consorts, mais relève aussi d'un sentiment d'affiliation historique et culturelle.. . Toutes ces fractures ont pour enjeu la survie même du pays. A l'heure où émergent ces grands blocs que constituent l'Inde et la Chine et où se radicalise l'Islam, il semble vain de se nourrir d'illusions sur le rôle, par définition universel, de la France dont l'influence, désormais scellée par l'entreprise européenne, s'est amoindrie depuis la fin de l'Empire colonial. Alors quelle révolution s’impose-t-elle sinon, celle qu’on appellera « conservatrice » ?
Points forts
- Une passionnante mise en perspective du mal français hérité de l’histoire de la Résistance
- Les ravages d’une déformation : la confiscation des valeurs gaulliennes par la gauche
- Le clivage entre conservatisme et libéralisme : deux France qui s’affrontent
- La re-lecture des derniers évènements les plus retentissants (ex : Mariage pour tous) à la lumière du sursaut national et d’une analyse sociologique sans complaisance
- Un solide arrière-plan philosophique
Paul-François Paoli
est chroniqueur au Figaro-littéraire et auteur de nombreux essais, parmi lesquels La Tyrannie de la faiblesse, publié chez François Bourin, qui a obtenu le prix des écrivains combattants en 2012 et Pour en finir avec l'antiracisme idéologique chez le même éditeur.
Photo G. R.
Paul-François Paoli. Sans aucun complexe
Il se qualifie de souverainiste proche des idées de Patrick Buisson, le très controversé conseiller de Nicolas Sarkozy. Paul-François Paoli, journaliste et écrivain de 52 ans, livre un essai dérangeant. «Pour en finir avec l'idéologie antiraciste» illustre également une réflexion qui traverse aujourd'hui une partie de la droite se voulant plus «décomplexée».
Selon vous, dans les années 1980, la gauche aurait délibérément fait naître une idéologie antiraciste afin de disqualifier, en les taxant de racisme, ceux qui s'opposaient à la modernité. C'est bien ça?
Mai1968 amanifesté le recul historiquedu Parti communiste et le déclin du discours de lutte des classes, progressivement remplacé parla référence aux minorités, aux jeunes et auxfemmes. Quand, dans les années 80, lagauche au pouvoirreconnaît la victoire ducapitalisme sur le socialismed'État encore envigueur à l'Est, ilfaut bienqu'elletrouve quelque chose de substantiel pour se démarquer du libéralisme ambiant. Le discours antiracistearrive à point nommé. Les nouveaux exclus ne sont plus les ouvriers qui se sont intégrés à la société consumériste. Le nouvel exclu, c'est l'immigré qui va remplacer l'ouvrier françaisde souche, «ringardisé» par l'évolution des moeurs.
Les 6,4millions de voix obtenues par le Front national ne démontrent-elles pas que cette idéologie antiraciste, si tant est qu'elle existe, n'a, en tout cas, pas d'effet sur les électeurs?
Le succès de Marine Le Pen devrait faire réfléchir les promoteurs de l'idéologie que jedéconstruis dans mon livre. Le racisme est un fléau. Mais l'antiracismebien pensant que l'on a connu ces dernières annéesest un leurre dangereux. Qui peut croire qu'il y a des millions de racistes et d'extrémistes en France? L'électorat de Marine Le Pen, c'est aujourd'hui Monsieur tout le monde, notamment parmi les plus jeunes. Rama Yade, en s'inscrivant en faux contre l'idée que la progression du FN signifiait que le racisme progressait en France, a eu, à ce sujet, des propos très justes. Comment ne pas se rendre compte que ce score massif est sans doute aussi l'expression d'une profonde exaspération contre un certain état d'esprit, très répandu dans les médias, qui consiste à affubler du qualificatif de racistetoute personne qui s'inquiète des progrèsdel'immigration ou de la dynamique d'un islam agressif?
Dans votre essai, vous tapez avec régularité sur une gauche «bien pensante», qui nierait le réel. Mais le pouvoir était bien entre les mains de la droite depuis 2002?
J'explique que le grand récit universaliste républicain quistructure le socle idéologique de la gaucheest essoufflé. Les Républicains fondamentalistes, comme Mélenchon, n'ontpascompris que leur jacobinisme est historiquement périmé. Par exemple, ils sous-estiment la dynamique identitaire de l'islam en France. Pour eux, il s'agitavant tout d'un problème social, ce qui procède d'une incompréhension du phénomène religieux, voire d'une espèce de mépris inconscient. Quant à la droite, elle est dans le désarroiet n'a pas d'autre discours que la rhétorique rassurante sur les «valeurs de laRépublique».
À propos de l'affaire Hortefeux («Quand il y en a un, ça va...»), vous qualifiez ses propos «d'indélicats». Il a pourtant été condamné pour «injure raciale» par la justice. Jusqu'où peut-on libérer la parole raciste?
Il estdangereux de judiciariser la parole. Tous les humains peuventtenir, dans une situation donnée, des propos qui excèdent leur pensée.Quand j'entends de bravesgensdire que les Corses sont des fainéants ou des voyous, sanssavoir que je suis corse, faut-il que je porte plainte? Si avait régné, voici trente ans, l'état d'espritqui règne aujourd'hui, De Gaulle, qui étaitinquiet des proportions prises par l'immigrationmusulmane, aurait été condamné pour avoir parlé de «Colombey-les-deux-Mosquées». Cette inflation juridique à l'américaine va à contresens d'unetradition gauloise libertaire. Mieux vaut un excès de liberté qu'une restriction hypocrite.
Vous dites craindre des violences prochaines. C'est-à-dire ?
La violenceadvient quand les hommesse sentent contraints de vivre ensemble dans un monde sans espoir ni perspective. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de guerre civile en 1968 ? Parce qu'il n'y avait pas ladésespérance qui règne aujourd'hui etque des valeurs,notamment celles issues du syndicalisme, ducatholicisme ou dugaullisme,structuraient la société. Aujourd'hui, la situation est tout autre. Franz-Olivier Giesbert arécemment écritque «nous sommes des Grecs qui s'ignorent»...
00:05 Publié dans Entretiens, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, france, entretien, paul françois paoli | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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