vendredi, 03 avril 2015
Lee Kwan Yew
LEE KWAN YEW
Un homme s’en est allé
Auran Derien
Ex: http://metamag.fr
Auran Derien
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Lee Kwan Yew, souvent qualifié de despote éclairé, n’est plus. A la tête de Singapour pendant trente et un an, le cloaque qu’était la ville du temps de la colonisation s’est métamorphosé en un phare mondial de la civilisation.
Un parti dominant pour assurer la stabilité
Singapour compte à peu près 5,5 millions d’habitants et la direction est assurée par une petite équipe, rappelant la métaphore de l’orchestre, chère à la tradition asiatique. Lee Kwan Yew avait quitté le devant de la scène en 1990, après 31 ans de responsabilités et, en 2004, son fils Lee Hsien Loong devint premier ministre, une fois qu’il eut prouvé ses capacités en surmontant la crise financière de 1997-1998 et la pandémie de SRAS. Le népotisme a été explicitement rejeté par le grand homme qui déclarait, à la manière des vieux romains, qu’on ne saurait sacrifier le bien commun aux intérêts familiaux. Chacun doit montrer ses aptitudes avant d’être promu, car seul le mérite compte.
Le système du parti dominant est fondamental pour assurer une évolution à long terme, affirmait le leader. Il expliquait volontiers que la cité-État avait dû se construire à partir d’éléments hétérogènes. Il avait fréquemment développé sa pensée sur le multiculturalisme et il affirmait que cela conduisait les personnes à voter pour leur secte ou leur ethnie de sorte que le désordre et la corruption en résultaient nécessairement.
L’ordre à Singapour, cette dimension fondamentale de toute vie collective de qualité, s’inspire de la tradition antique, tant chinoise que romaine ; il est une discipline du comportement obtenue à travers l’étiquette, le code qui indique les droits et devoirs de chacun. Cela permet de comprendre le rôle de la police dont la plus grande partie des membres agit en civil ; elle surveille toute entorse au code, de manière plus efficace. Le taux de criminalité de Singapour figure parmi les plus bas du monde, les rues étant sûres à toute heure, comme il en était ainsi en Europe jusqu’aux années quatre vingt.
Un Etat stratège
La politique de Lee Kwan Yew s’appuya sur le principe fondamental qu’il n’est de richesse que d’hommes. Pour nettoyer les écuries qu’il trouva à son arrivée au pouvoir, des lois furent promulguées qui surtaxaient les enfants des femmes sans éducation et favorisaient la fécondité des femmes de niveau universitaire. Il en résulte qu’aujourd’hui cette cité-État possède le plus haut Quotient Intellectuel moyen par habitant. L’enseignement est privilégié, à travers la présence de nombreuses universités de classe internationale.
La création de l’ASEAN en 1967 fut une initiative de cet homme. Son successeur direct Goh Chok Tong a été à l’origine du premier “sommet euro-asiatique” de Bangkok en 1996. La multiplicité des accords signés avec des groupes capables de contribuer au développement de la Ville témoigne d’une lucidité et d’une largeur de vue qui a fui l’Europe actuelle, lieu d’un obscurantisme qui prépare le grand silence des cimetières.
Préoccupation pour la beauté
La qualité de vie d’une population urbaine est liée à la beauté de son environnement, en particulier la propreté des lieux publics. De grosses contraventions sont imposées aux personnes qui jettent des papiers et déchets, qui crachent ou qui urinent dans les endroits ouverts au public. Par exemple, manger et boire sont interdits dans les bus et dans le métro. La vente de chewing-gum a été prohibée en 1992, mais pas l’usage. Depuis mai 2004, date d'un accord commercial avec les États-Unis, la vente de chewing-gum pour des usages médicaux ou dentaires est autorisée, pourvu que le client présente à la pharmacie un document d’identité.
Tranquillité des transports
Les propriétaires de voitures sont soumis à de fortes taxes. Il leur est demandé d’acquérir un “Certificat d'ayant droit” à un prix élevé. Il s’agit d’une autorisation, rendue obligatoire, pour utiliser une voiture librement. Il a été installé un système automatique de péage, appelé « péage urbain électronique » fonctionnant à certaines heures pour réguler efficacement le trafic routier. Enfin, le prix d’achat des voitures les transforme en objet de luxe. Singapour, malgré sa petite surface ne connaît que très peu de bouchons.
La civilisation des mœurs
Les manifestations sans autorisation, de même que les grèves, sont interdites. Un type précis de censure est pratiqué ouvertement. Certains magazines et journaux n’ont qu’une distribution restreinte et la possession d’antennes paraboliques est interdite au profit de la distribution par câble. Des objets à signification politique ou susceptibles de nuire à l'harmonie religieuse et culturelle sont prohibés.
La pornographie est bannie. Les représentations touchant au sexe sont soumises à restrictions, éliminant de la libre-circulation des journaux trop spécialisés. En général, les films qui comportent des scènes de nudité, d’érotisme et de violence sont classés.
Selon la sagesse asiatique, le vice étant une dimension de l’homme, il convient de l’organiser pour éviter qu’il ne se répande et salisse tout. La prostitution est donc autorisée dans des districts bien précis. En contrepartie le comportement vis-à-vis des femmes, notamment en public, ne doit jamais être équivoque. Sur simple dénonciation, la police peut procéder à des arrestations pour "attentat à la pudeur". Des Européens de passage à Singapour se retrouvent ainsi régulièrement bloqués pour ce motif. On les garde au frais une quinzaine de jours avant qu’ils ne comparaissent devant un tribunal.
La vente d'alcool et de tabac est interdite aux personnes de moins de 18 ans. Les lois anti-drogues sont très strictes. Quiconque est pris en possession de plus de 14 gr. d'héroïne, plus de 28 gr de morphine ou 480 gr de cannabis est passible de la peine de mort. La possession d’ustensiles en permettant la consommation (pipes, seringues, etc...) est interdite.
Dans ses déclarations, Lee Kwan Yew n’a jamais caché que la politique qu’il suivit à Singapour consistait à appliquer des vertus que les Européens avaient possédées et pratiquées en d’autres temps. Pour leur plus grande disgrâce, ils les avaient oubliées ou leurs nouveaux maîtres les leur avaient fait détester.
La voie de Singapour, depuis l’auto-contrôle individuel jusqu’à la sélection de la population, le bien commun considéré comme supérieur aux obsessions individuelles et l’espace public protégé des vilainies de quelque secte que ce soit, reste ouverte aux Européens qui voudraient se réveiller du cauchemar dans lequel les a poussé l’oligarchie financière occidentale.
00:05 Publié dans Actualité, Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, hommage, singapour, asie, affaires asiatiques, lee kwan yew, bonne gouvernance | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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