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mardi, 31 octobre 2017

Quelle est la situation des gens en Allemagne?

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Quelle est la situation des gens en Allemagne?

par Elisabeth Koch, Allemagne

Ex: http://www.zeit-fragen.ch

Angela Merkel proclame «Nous allons bien en Allemagne». Cependant, maintenant, après les élections, les médias soulèvent la question de savoir pourquoi tant de gens sont mécontents de la situation en Allemagne, avec le gouvernement actuel. Les protestations lors des réunions électorales d’Angela Merkel étaient bien distinctes, pas seulement en Allemagne orientale. Depuis des années déjà, de nombreuses personnes expriment leur mécontentement. On ne les a pas pris au sérieux – tout au contraire. Les citoyens formulant leur désaccord sont considérées comme des personnes névrotiques: Mme Merkel utilise à tout moment les termes «craintes et inquiétudes», comme si elle était une psychiatre à la recherche d’une méthode de soins pour des patients refusant de coopérer. Rita Süssmuth, CDU, par exemple, a expliqué à la Radio suisse alémanique,1 que les gens n’avaient «pas compris» que nous avions besoin des réfugiés comme main-d’œuvre. «Nous n’étions pas assez bons dans l’écoute et dans nos explications», a-t-elle déclaré. «Nous», c’est elle et ses collègues, une élite planant comme un «vaisseau spatial» au-dessus du peuple. Cette élite sait tout, alors que nous, les citoyens, sommes des ignorants, auxquels il faut tout expliquer trois fois. Les politiciens promettent, de mieux «s’occuper» de nous, de nous «prendre avec eux».2 Ces gens ont oublié, qu’ils sont nos représentants, qu’ils doivent nous demander quels sont nos vœux et souhaits, comment nous voyons les choses. Au XXIe siècle, nous ne voulons plus, en tant que citoyens, tout accepter sans broncher ou croire que tout ce que «les puissants» nous présentent constitue la panacée. En tant que personnes éclairées, nous sommes tout à fait en mesure d’observer ce qui se passe, de nous informer, de reconnaître les liens entre les évènements et d’en tirer les conclusions nécessaires.

Sources de données: Organes statistiques fédéraux et des Länder ainsi que la Banque fédérale.

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«Qu’en est-il des Allemands de l’Est?»

L’interview accordée à un journal suisse par Petra Köpping, ministre d’Etat de la Saxe (SPD) représente une exception positive. Concernant les manifestations ayant eu lieu en Allemagne orientale lors de réunions électorales de Mme Merkel, on lui posa la question: «Qu’en est-il des Allemands de l’Est?» Et Mme Köpping de répondre: «Ceux qui crient, provoquent et sifflent sont une minorité. La majorité est tranquille – cela ne signifie pas pour autant qu’elle est satisfaite de sa situation.»3 Cela est déjà assez étonnant, car à la télévision, on ne nous montre d’ordinaire que ceux qui manifestent de manière bruyante et indignée. C’est rare d’entendre des prises de paroles raisonnables; on ne nous présente que des personnes s’exprimant de manière maladroite et souvent enragée. Mme Köpping a expliqué, que beaucoup d’Allemands de l’Est ont été trompés pour toute leur vie lors de la réunification, car malgré une bonne formation, leurs qualifications professionnelles ne valaient d’un jour à l’autre plus rien et ils ont perdu leur emploi et leur reconnaissance. En réalité, 75% des habitants en Allemagne de l’Est ont perdu leur place de travail. Nombreux sont ceux qui avaient auparavant une situation convenable et qui, soudainement, s’appauvrissaient, car leurs connaissances professionnelles n’étaient plus demandées. La formation scolaire en Allemagne de l’Est était excellente, notamment dans les domaines scientifiques et mathématiques. Mais jusqu’à aujourd’hui même des anciens professeurs diplômés doivent gagner leur pain avec des petits travaux ne correspondant nullement à leur niveau de formation. Mme Köpping déplore à juste titre que jusqu’à nos jours «les membres de 17 groupes professionnels reçoivent une rente beaucoup trop petite. Mais le gouvernement fédéral ne s’intéresse pas à ces personnes». A titre d’exemple: la rente moyenne en Allemagne se situe à 1176 euros par mois, en Allemagne orientale elle s’élevait en 2015 seulement à 984 euros en moyenne – donc de nombreuses personnes obtiennent encore moins de rente.4

Des problèmes sociaux aussi en Allemagne de l’Ouest

Dans certaines parties d’Allemagne occidentale, notamment la région de la Ruhr ou de la Sarre, le nombre de personnes ayant perdu leur emploi qualifié et prétendument garanti est également élevé. Le fait que le taux de chômage en Allemagne soit malgré tout assez bas, est probablement dû au fait que de plus en plus de personnes gagnent leur vie dans des emplois incertains à bas salaires. Ainsi, entre temps, presque la moitié de tous les contrats de travail conclus sont limités.5 Même une partie des enseignants, ayant auparavant toujours eu un emploi garanti en tant que fonctionnaire, se font licencier.6 Il n’est pas difficile de s’imaginer les incertitudes que cela signifie pour les pères et mères de famille: aurais-je encore mon emploi l’année prochaine, puis-je encore m’offrir une maison, m’installer dans un appartement. Dois-je déménager? Devons-nous nous séparer, pour trouver un emploi dans une autre partie du pays, afin de pouvoir subvenir aux frais de la famille? De nombreux chômeurs doivent accepter plusieurs jobs, travaillent dans des «jobs à 1 euro» et n’arrivent toujours pas à gagner assez. Même des retraités doivent se trouver un travail pour avoir assez à vivre. De telles situations de travail précaires mènent à une pauvreté accablante chez un nombre de personnes beaucoup trop élevé. L’infographie ci-dessus illustre comme depuis 2006, le taux de pauvreté en Allemagne grimpe en même temps que le PIB. Cela prouve que dans certains pans de la société, on gagne bien sa vie. Mais qui est-ce? Manifestement, il y a beaucoup de perdants.

Qui paye? Le «Mittelstand»!

Entre temps, on sait que bon nombre de personnes bien formées de la classe moyenne soutiennent le parti AfD (Alternative für Deutschland) par contestation. Les petites et moyenne entreprises, notamment dans les domaines de l’artisanat, du commerce de détail ou de la production – représentant le «Mittelstand» – génèrent la plus grande partie de l’argent en Allemagne. Ils garantissent notre prospérité, ils emploient la majorité des salariés, ils forment notre jeunesse. Mais on leur demande de plus en plus d’impôts. Prenons l’exemple des millions de nouveaux migrants ayant besoin de logements, de nourriture, de vêtements. C’est naïf de croire, que grâce à notre «culture d’accueil», le ciel nous offrira la manne. Les charges fiscales en découlant sont essentiellement assumées par les entreprises du «Mittelstand». Au niveau de l’UE, les transferts aux Etats membres en difficultés telles la Grèce, l’Espagne etc. sont couverts par les revenus étatiques réalisés par le «Mittelstand». En outre, celui-ci est inondé par de la main-d’œuvre et des produits bon marché arrivant de l’étranger. Les directives de l’UE obligent les entrepreneurs à pratiquer un effort bureaucratique croissant. Puis, il y a les sanctions contre la Russie affaiblissant notamment l’économie européenne. Récemment, le Handelsblatt a écrit qu’«entre temps plusieurs Länder, telles la Saxe, la Basse-Saxe et la Saxe-Anhalt, réclament des aides étatiques pour les entreprises affectées par les sanctions contre la Russie». Martin Wand­leben, directeur de la Chambre allemande de commerce et d’industrie (DIHK), exige, compte tenu des nouvelles sanctions prévues, «que l’Europe toute entière s’oppose aux plans américains».7 Jusqu’à présent, on n’entend peu ou rien concernant la prise en compte de cette demande.

L’agriculture sous pression

Concernant ces questions soulevées, les agriculteurs n’ont guère voix au chapitre. Car eux, ils ne souffrent pas seulement des intempéries, mais surtout de la bureaucratie bruxelloise et des marchés agricoles globalisés. Ils sont nombreux à lutter contre leur déchéance économique. La constante diminution du nombre d’exploitations illustre qu’il y a beaucoup de perdants. Les terres arables n’ont guère diminué en Allemagne depuis 1991. C’est-à-dire que les agriculteurs restant ont dû agrandir leur entreprise. Cela signifie qu’ils sont confrontés à une montagne de dettes suite à l’achat des terres et à de nouvelles machines agricoles. Ils en ont un grand besoin, puisque le nombre d’emplois dans le domaine de l’agriculture a également diminué.8 Que pensent les paysans en entendant la formule incantatoire «la situation de l’Allemagne n’a depuis longtemps plus été aussi bonne»?

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Criminalité croissante

La situation critique de l’économie n’est certainement pas la seule raison du mécontentement régnant, d’autres domaines en politique et dans la société se trouvent également dans une situation critique. Toujours est-il qu’une discussion est mal vue, surtout quand il s’agit de la politique migratoire. La majorité des Allemands n’est pas hostile aux étrangers. L’Allemagne a toujours su intégrer des personnes venues d’ailleurs, tels les Polonais, les Italiens et les Turcs. Beaucoup d’entre eux se sont bien intégrés et font partie de la société et de l’Etat allemand.


Bien sûr, en tant que citoyens allemands, nous respectons le droit à l’asile: quiconque est en danger de vie est le bienvenu et on l’aidera. Aucun parti allemand n’a remis cela en question. Mais, il est inconcevable de provoquer partout dans le monde des guerres détruisant l’existence des gens puis de les inciter à s’enfuir en Europe. Que font le gouvernement allemand, les partis politiques établis, les médias etc. pour empêcher ces guerres scandaleuses? Plus ou moins tous soutiennent ces guerres entreprises en violant le droit international: pensons à la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye ou la Syrie. On nourrit artificiellement des conflits et des émeutes dans une grande partie de l’Afrique. Des hommes politiques corrompus sont placés ou soutenus au pouvoir. Tout cela afin de pouvoir plus facilement exploiter les matières premières telles le coltan, les pierres précieuses etc. Car un peuple se trouvant sans cesse en guerre n’est pas capable d’établir un Etat de droit, d’installer des autorités judiciaires et des forces de police pour s’opposer aux pillards. Maltraité et martyrisé, le Congo (RDC) en est un parfait exemple.
Dans d’autres pays, comme en Libye, on a renversé un gouvernement stable et fonctionnant. Il y avait des structures garantissant du travail, un système de santé publique, l’éducation des jeunes et un système judiciaire plus ou moins opérationnel. Aujourd’hui, tout est détruit et la Libye est un «Etat en déliquescence». Il ne peut plus aider à résoudre la crise migratoire, puisque il en fait partie.


Ce n’est pas le moment de faire l’analyse de l’implication de l’Allemagne dans ces conflits et ces guerres. Il paraît pourtant clair que l’Europe ne peut pas accueillir tous ceux qui en souffrent. Sinon ce sera l’Allemagne qui finira par s’écrouler. D’abord sur le plan économique mais aussi en ce qui concerne l’intégration de toutes ces personnes. Actuellement, il est évident que seule une petite partie des réfugiés pourra être intégrée dans le marché du travail. Cependant, tout refugié reconnu a le droit à un logement pour lui et sa famille. La crise de logement existait déjà bien avant le flux migratoire.

Actuellement, on construit partout des logements. De nombreux Allemands réalisent que les refugiés obtiennent souvent des appartements qu’eux-mêmes ne pourraient pas se payer. Ils savent également que tout cela doit être payé par quelqu’un et que ce sont les citoyens allemands qui passent à la caisse par leurs impôts. Il est indéniable que cela mène au mécontentement.


Beaucoup de personnes arrivant chez nous pensent que nous roulons tous sur l’or. Cela crée une attitude exigeante que de nombreux citoyens réalisent et cela ne leur plaît pas non plus. Le taux de criminalité augmente, bien que ces méfaits soient commis par une minorité des étrangers, on ne peut plus le cacher et souvent les gens le vivent quotidiennement ou en sont même touchés personnellement. Parler avec condescendance d’«angoisses diffuses» de la part de la population suscite une indignation qui ne doit pas étonner. En plus, il faut savoir que la plupart des réfugiés dans notre pays n’ont pas la moindre idée, ni de notre démocratie, ni de notre Etat de droit. Pourtant, pour garantir la cohésion sociale, il est nécessaire que les habitants et les citoyens d’un pays en acceptent et soutiennent la législation. Tout cela prouve que les grands problèmes mondiaux demandent d’autres solutions que l’accueil en Europe de tous les déshérités.

Les enfants n’apprennent plus assez

Suite aux résultats de diverses élections régionales de cette année, il s’est avéré qu’un grand nombre de parents sont mécontents du fait que leurs enfants apprennent de moins en moins à l’école. En Rhénanie du Nord-Westphalie et au Bade-Wurtemberg, les électeurs viennent de passer un savon aux responsables gouvernementaux. Et cela bien que les habitants de l’Allemagne de l’Ouest soient déjà habitués depuis bien trop longtemps à des programmes scolaires farfelus. Après la Réunification, le nouveau système éducatif a provoqué un choc dans l’Est de l’Allemagne. Les habitants de l’ancienne RDA (appelés «Ossis») sont de bons observateurs et sont habitués à penser historiquement. Ils savent parfaitement que l’éducation en RDA – mise à part l’influence idéologique – était meilleure et plus solide, surtout dans les domaines des mathématiques et des sciences. Il n’est pas nécessaire d’avoir la nostalgie de la RDA pour s’en rendre compte.

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De nouveaux modèles familiaux?

Pour la plupart des habitants des nouveaux «Länder», la famille est centrale. C’était semblable à l’époque du communisme. Se retrouvant dans une liberté inconnue, ils se rendirent rapidement compte que l’Ouest propageait des modèles familiaux bizarres et qu’on leur demandait de les soutenir. Sinon, ils étaient marginalisés, exclus et insultés. D’ailleurs, beaucoup d’Allemands de l’Ouest ne sont pas non plus d’accord, mais ils n’osent plus le dire à haute voix.


Les familles dans les nouveaux «Länder» voient leurs jeunes partir à l’Ouest parce qu’il n’y a pas assez de travail chez eux. Même des pères de famille travaillent à l’Ouest pendant la semaine pour retourner chaque week-end chez leur famille en Saxe ou en Thuringe. En 2016, 327 000 pendulaires faisaient la navette entre leur domicile et leur lieu de travail.9 Est-ce vraiment ce qu’on entend par une meilleure vie? Les Allemands de l’Est réalisent pertinemment qu’il y a pour les Allemands de l’Ouest des non-dits, une dictature de l’opinion, des lignes rouges à ne pas franchir. Un jour, l’un d’eux m’a dit: «En RDA, on savait ce dont on avait le droit de parler et ce dont il ne fallait pas parler. On savait aussi qui tirait les ficelles. Tout était clair et transparent. Maintenant, après la Réunification, la dictature de l’opinion est beaucoup plus compliquée et opaque et il y a de multiples pièges. Tout se passe sous couvert et il est très difficile d’identifier les responsables.»
Ce ne sont que quelques sujets qu’il faut mettre sur la table. Il y a certainement encore davantage de problèmes à résoudre, et ce ne sont pas pour tous les citoyens les mêmes. Cependant, une chose est claire: il faut pouvoir en débattre ouvertement. Et en plus: les citoyens ne veulent pas seulement avoir le sentiment d’être pris au sérieux, il veulent réellement être pris au sérieux. Cela signifie: avoir son mot à dire. Il n’y pas d’alternative à la démocratie directe!     •

(Traduction Horizons et débats)

1    SRF, Echo der Zeit, Interview de Rita Süssmuth du 26/9/17
2    p. ex. Manuela Schwesig, SPD, dans une discussion télévisée le soir des élections, 24/9/17
3    «Luzerner Zeitung» du 20/9/17
4     www.focus.de/finanzen/altersvorsorge/rente/kontostand/dur...
5    cf. «Fast jeder zweite neue Arbeitsvertrag ist befristet» in: Zeit online du 12/9/17
6    cf. magazin.sofatutor.com/lehrer/2016/11/03/infografik-arbeit...
7    «Deutsche Industrie fürchtet Russlandsanktionen». Spiegel online du 4/8/17
8    cf. Données de base de l’agriculture allemande: www.veggiday.de/landwirtschaft/deutschland/220-landwirtsc...
9    cf. www.manager-magazin.de/politik/deutschland/pendler-fahren...

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