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vendredi, 27 avril 2018

John Charmley et la very-British bêtise de Churchill

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John Charmley et la very-British bêtise de Churchill

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

JCH-ch1.jpgBrute impériale, raciste humaniste, boutefeu impertinent, affameur et bombardier de civils, phraseur creux et politicien incapable en temps de paix, américanophile pathétique, Winston Churchill est naturellement le modèle de cette époque eschatologique et de ses néocons russophobes (Churchill recommanda l’usage de la bombe atomique contre les russes à Truman). On laisse de côté cette fois Ralph Raico et on évoque cette fois le brillant historien John Charmley qui l’analysa d’un point de vue british traditionnel : Churchill anéantit l’empire, choisit le pire et a guerre, varia d’Hitler (le moustachu puis Staline) et humilia l’Angleterre transformée en brillant troisième des USA. Autant dire que Charmley n’est pas bien vu en bas lieu. Il écrit en effet que l’Angleterre ruina deux fois l’Europe pour abattre une Allemagne qui finit par la dominer économiquement ! Niall Ferguson a reconnu aussi les responsabilités britanniques dans la Première Guerre mondiale.

Coup de chance pour nous, un autre livre de Charmley a été traduit par Philippe Grasset pour les éditions Mols il y a quelques années. Dans Grande alliance Charmley notre historien montre le progressif abaissement matériel et moral de l’Angleterre – menée au suicide de civilisation par le boutefeu préféré de notre presse au rabais. Et cela donne :

« Les Britanniques voulaient-ils un geste montrant qu’on se préoccupait d’eux ? Roosevelt leur livrait cinquante vieux destroyers, pour lesquels les Britanniques payeraient avec la cession de leurs bases des Caraïbes. Churchill pouvait voir ce qui lui plaisait dans ce geste mais l’échange fut décrit de façon plus précise par le secrétaire au Foreign Office, Anthony Eden, comme « un sérieux coup porté à notre autorité et, finalement ... à notre souveraineté ». Le fait qu’en janvier 1941, l’Angleterre n’avait reçu que deux des fameux cinquante destroyers faisait, pensait-il, qu’« on pouvait raisonnablement regarder ce marché comme un marché de dupes ».

Très vite, pendant la Guerre, on sent que l’empire britannique va, grâce à Churchill, changer de mains :

« Un commentateur dit justement qu’ « aucun officiel américain n’aurait jamais proclamé grossièrement que l’un des buts essentiels de notre politique extérieure serait l’acquisition de l’empire britannique » ; mais Cordell Hull déclara tout de même qu’il utiliserait « l’aide américaine comme un canif pour ouvrir cette huître obstinément fermé, l’Empire ». 

Parfois le gros homme devenait lucide :

« La version finale de la requête britannique, transmise le 7 décembre 1940, mettait en évidence le sérieux de la situation économique du pays. Le ton de la lettre de Churchill était grave et d’une prescience inattendue. Il dit à Roosevelt qu’il croyait que son interlocuteur « accepterait l’idée qu’il serait faux dans les principes et mutuellement désavantageux dans les effets si, au plus haut de cette bataille, la Grande Bretagne devait être privée de toutes ses possessions dans une mesure où, après avoir vaincu grâce à notre sang ... nous nous retrouverions dépouillés jusqu’aux os ». C’était une affirmation superbe et émouvante mais elle ne détourna en rien les Américains dans leur détermination d’utiliser la situation dramatique de l’Angleterre pour obtenir des concessions qui garantiraient qu’elle ne se trouverait pas sur la voie de la paix qu’ils voulaient. »

WC-c1.jpgLes Britanniques devaient livrer leur or eux-mêmes :

« Le 23 décembre, FDR dit à l’amiral Stark, le chef de la Navy, qu’il voulait un navire de guerre « pour récupérer les [réserves] d’or [britanniques] en Afrique » ; non seulement Roosevelt entendait se payer sur les vastes avoirs britanniques d’outre-mer mais il entendait également que les Britanniques assurent le paiement du transport… La première réaction de Churchill fut de dire à FDR que ce marché lui rappelait « un sheriff qui saisit les derniers biens du débiteur sans protection »

En vain Lord Beaverbrook se réveille et houspille :

« Dans une lettre furieuse à Churchill, à la fin décembre, il accusa les Américains de « n’avoir rien concédé » et d’avoir « obtenu un gain maximum de tout ce qu’ils ont fait pour nous. Ils ont pris nos bases sans autres considérations. Ils prennent notre or. » Les livraisons américaines étaient rares, contrairement aux promesses faites. »

Charmley en conclut logiquement une chose :

« Rien ne dit que FDR ait jamais considéré l’Angleterre comme son principal allié…façon dont Churchill traça le portrait de FDR : si la réalité de l’accord sur les destroyers et sur le lend-lease avait été révélée et la réalité des ambitions de FDR pour l’Amérique mise en lumière, Churchill aurait passé pour une dupe de plus du Président. »

Pour une fois Lord Cherwell, réfugié juif allemand (Lindeman) chargé des bombardements de la population civile allemande (un million de morts sus les bombes contre 17000 à l’Angleterre), a raison :

« Comme son conseiller scientifique nouvellement ennobli Lord Cherwell le dit à Churchill, « les fruits de la victoire que Roosevelt nous prépare semble se résumer à la sauvegarde de l’Amérique et la famine virtuelle pour nous ». Ce n’était pas « une nouvelle très enthousiasmante à annoncer au peuple anglais ». Bien que le Chancelier jugeât les prévisions de Cherwell pessimistes, le fait est que, dans l’après-guerre, l’Angleterre allait être confrontée à un choix que ses hommes politiques jugeraient insupportable. »

On fait le maigre bilan de cette guerre que ne voulait pas Hitler (lisez Liddell Hart ou Preparata pour savoir pourquoi) :

« Alors, qu’avait donc obtenu l’Angleterre ? Elle avait acquis l’admiration de larges tranches du public américain et avait gagné leur respect. Elle s’était battue pour son indépendance mais elle avait été capable de le faire seulement avec l’aide américaine et, en fait, comme un satellite de l’Amérique. Son avenir était endetté, son économie pressée jusqu’à un point de rupture, ses villes bombardées et sa population soumise à un rationnement radical. Ce superbe et héroïque effort ne fut nullement récompensé pendant dix-huit mois. »

Le bellicisme churchillien s’accompagne d’une grosse paresse des soldats (lisez mon maître Masson, qui en parlait très bien) :

« Le féroce assaut japonais et la résistance indolente des Britanniques à Singapour montrèrent que la puissance impériale était au-delà de ses capacités ; le spectacle des 100.000 soldats se rendant à une puissance asiatique à la chute de Singapour était une de ces images à laquelle le prestige impérial ne pourrait pas survivre. »

WC-c2.jpgChurchill a multiplié les mauvais conseils et les mauvaises décisions, rappelle Charmley :

« C’est Churchill qui mit son veto à l’idée de garantir à Staline ses frontières de 1941 ; c’est Churchill qui refusa de reconnaître l’organisation gaulliste comme gouvernement provisoire de la France ; c’est Churchill qui, par-dessus tout, montra un jugement si mauvais qu’il rejeta à la fin de 1944 l’idée d’une alliance européenne occidentale avec le commentaire méprisant qu’on n’y trouverait rien « sinon de la faiblesse ». Dans l’attitude de Churchill, on trouve le thème obsédant de l’Amérique. »

Nous évoquions Preparata qui s’inspira pour sa vision de Veblen. Litvinov (découvrez aussi Nicolas Starikov) confirme alors que le but de guerre était d’abord la destruction mutuelle de l’Allemagne et de la Russie :

« Maxim Litvinov, qui était marié à une Britannique et qui n’était en aucune façon anglophobe, avait dit à Davies que les Britanniques « repoussaient l’idée d’un second front de façon à ce que la Russie “soit vidée de son sang en affrontant seule les Allemands”. Après la guerre, le Royaume-Uni pourrait ainsi “contrôler et dominer l’Europe” ».

On y arriva mais bien après, avec les américains…la destruction de l’Europe est encore au programme sous domination anglo-saxonne (on ignorera la France renégate).

A l’époque, rappelle Charmley, l’opinion publique n’est pas trop hostile à l’U.R.S.S. Elle voit d’un mauvais œil le maintien des empires coloniaux (nous aussi, il fallait les liquider en 45 :

« L’opinion publique américaine n’était pas prête à lier son avenir à une alliance exclusivement anglo-américaine. Elle tendait plutôt à partager l’opinion de Josephus Daniels, du Raleigh News & Observer, selon lequel il importait d’inclure dans l’alliance générale « la Russie et la Chine » parce que « les espoirs d’une paix permanente basés sur une alliances serrée entre grandes puissances suscite la frustration en inspirant la peur et la jalousie dans les zones hors de celle que couvre l’alliance » ; la sécurité doit être « collective » pour être effective. »

Après cerise sur le bonbon. John Charmley se défoule :

« Derrière la politique américaine de Churchill, on trouve la proposition que le crédit moral de l’action du Royaume-Uni en 1940-41 pouvait être converti en influence sur la politique américaine. Comme nombre d’américanophiles, Churchill imaginait que l’Amérique survenant sur la scène mondiale aurait besoin d’un guide sage et avisé, et il se voyait fort bien lui-même, avec le Royaume-Uni, dans ce rôle. Cela paraît aujourd’hui une curieuse fantaisie mais c’est bien le principe qui guida la diplomatie britannique à l’égard de l’Amérique pendant la période que nous étudions dans ces pages. »

La naïveté britannique a une pointe d’arrogance :

« En tentant d’exposer « l’essence d’une politique américaine » en 1944, un diplomate définit parfaitement cette attitude. La politique traditionnelle du Royaume-Uni de chercher à empêcher qu’une puissance exerça une position dominante était écartée : « Notre but ne doit pas être de chercher à équilibrer notre puissance contre celle des États- Unis, mais d’utiliser la puissance américaine pour des objectifs que nous considérons comme bénéfiques ». La politique britannique devrait être désormais considérée comme un moyen d’ « orienter cette énorme péniche maladroite [les USA] vers le port qui convient ». 

Charmley ironise alors (que peut-on faire d’autre ?) :

« L’idée d’utiliser « la puissance américaine pour protéger le Commonwealth et l’Empire » avait beaucoup de charme en soi, en fonction de ce que l’on sait des attitudes de Roosevelt concernant l’Europe. Elle était également un parfait exemple de la façon dont les Britanniques parvenaient à se tromper eux-mêmes à propos de l’Amérique. On la retrouve avec la fameuse remarque de MacMillan, en 1943, selon laquelle les Britanniques devraient se considérer eux-mêmes comme « les Grecs de ce nouvel Empire romain ». »

WC-c3.jpgUn peu d’antiquité alors ? Charmley :

« L’image de la subtile intelligence des Britanniques guidant l’Amérique avec sa formidable musculature et son cerveau de gringalet était flatteuse pour l’élite dirigeante britannique ; après l’horrible gâchis qu’elle avait réalisé à tenter de préserver son propre imperium, elle avait l’arrogance de croire qu’elle pourrait s’occuper de celui de l’Amérique. Même un Béotien aurait pu se rappeler que, dans l’empire romain, les Grecs étaient des esclaves. »

La banqueroute britannique se rapproche (l’Angleterre est broke) :

« Les besoins britanniques pour l’après-guerre étaient aussi simples à définir qu’ils étaient difficiles à obtenir : une balance commerciale favorable et une balance des paiements excédentaire.

L’absence de ces deux facteurs signifiait la banqueroute et la fin du Royaume-Uni comme grande puissance. « 

Keynes en est conscient :

« Comme observait Keynes dans une lettre à Stettinius en 1944, ce dernier « avait non seulement omis de noter que l’administration US prenait toutes les mesures pour que le Royaume-Uni soit le plus près possible de la banqueroute avant qu’une aide lui soit apportée »…

C’était le prix de l’alliance américaine… »

Annaud me disait un jour que même affaiblie la critique de cinéma gardait son pouvoir de nuisance. De même pour l’Angleterre, qui toute à son obsession de diriger le monde avec son compère américain casse l’union sacrée antifasciste de l’après-guerre. On va citer le vice-président Wallace, humaniste progressiste et homme éminent cité du reste par Bernanos dans sa France contre les robots :

« Pour autant, on ne dira pas que les Américains « tombaient » d’une certaine façon dans ce que Wallace dénonçait comme « les intrigues » britanniques ; ce serait plutôt à ce point que la nature pyrrhique des relations spéciales anglo-américaines deviendrait évidente. Pragmatique jusqu’au tréfonds de l’âme, la diplomatie britannique avait comme objectif de convaincre les Américains que ses batailles dans la Méditerranée orientale et la zone autour des Détroits s’appuyait sur la cause de la démocratie. »

Puis l’Amérique prend la rage antirusse (lisez Raico pour comprendre comment il fallut se faire réélire !) :

« En cherchant à susciter le soutien américain, les Britanniques fabriquaient leur propre Frankenstein. Une fois que les Américains furent convaincus que les Soviétiques ne coopéreraient pas dans leur proposition de nouvel ordre mondial, la voie était ouverte pour un conflit idéologique qui écarterait les objectifs des Britanniques et les enchaînerait dans un conflit manichéen… »

Chose intéressante, Charmley confirme que l’UE est une création 100% américaine destinée à servir les intérêts de l’amère patrie !

« L’aide américaine avait été sollicitée pour préserver la place du Royaume-Uni parmi les grandes puissances mais elle ne fit rien pour préserver l’Empire et, rapidement, les Américains exigèrent impatiemment que les Britanniques prennent la tête d’une fédération européenne. »

Pré carré américain, l’Europe devait être colonisée froidement (il était recommandé au soldat de ne pas sympathiser avec la population – cela n’excluait pas les viols qui inspirèrent le classique Orange mécanique). D’ailleurs la France :

« Les ministres n’étaient guère séduits par les conceptions de FDR selon lesquelles la France devrait être dirigée pendant un an après sa libération par un général allié. »

Le Plan Marshall ? Parlons du plan Marshall :

« Le Plan Marshall allait se révéler également un puissant instrument pour ce dessein. George Kennan écrit dans ses mémoires : « Nous espérions forcer les Européens à penser en Européens et non en nationalistes » ; évidemment, le « nationalisme » n’était acceptable que lorsqu’il était américain. Le Plan Marshall projeta le système d’organisation industrielle et fédéraliste américain en Europe, son objectif ultime était de créer une Europe convenant aux Américains. »

Un crochet par Eisenhower, personnage plus falot que prévu ici, mais qui va dénoncer comme on sait le lobby militaro-industriel :

« Malgré son engagement dans l’Alliance atlantique, Eisenhower ne pouvait pas ne pas s’inquiéter de l’augmentation des dépenses de défense, de leur poids sur l’économie et sur l’American way of life en cas d’aggravation de la Guerre froide. Comme il le dit en mars 1953 à un vieil ami de Churchill, Bernie Baruch, « accoutumer notre population à vivre indéfiniment sous un tel contrôle [gouvernemental] conduira graduellement à de nouvelles relations entre l’individu et l’Etat – une conception qui changerait d’une façon révolutionnaire le type de gouvernement sous lequel nous vivons ». Le Président était un vrai républicain dans le sens où il pensait que, « en permettant la croissance incontrôlée du gouvernement fédéral, nous nous sommes d’ores et déjà largement éloigné de la philosophie de Jefferson… »

Encore un clou à enfoncer pour la construction européenne :

« Dulles voulait cet élément  supranational qui aurait donné un nouvel élan à l’union européenne, dont les Américains trouvaient les progrès désespérément lents. »

On en restera là. Vous pouvez lire la suite ailleurs… On aura appris grâce à John Charmley que l’histoire moderne en occident, si elle pleine de bruit et de fureur, est racontée non par un, mais beaucoup d’idiots dont le Nobel modèle reste Churchill. Car les idiots sont aussi dans le public.

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Churchill’s Grand Alliance ou La Passion de Churchill, troisième volet d’une trilogie de l’historien britannique John Charmley, publié en 1995, décrit la fondation (1941) des “relations spéciales” (special relationships) entre les USA et le Royaume-Uni et leur développement jusqu’au tournant décisif de 1956 (crise de Suez).

http://www.editions-mols.eu/publication.php?id_pub=41

Auteur: John Charmley

Format: 155 x 230, 522 pages, ISBN: 2-87402-071-0

Prix: 15 Euros

Fin de l'ère des empires maritimes

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Fin de l'ère des empires maritimes

par Dimitri Orlov

Ex: http://www.dedefensa.org

Au cours des 500 dernières années, les nations européennes − le Portugal, les Pays-Bas, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France et, brièvement, l’Allemagne − ont été capables de piller la planète en projetant leur puissance navale à l’étranger. Comme une grande partie de la population mondiale vit le long des côtes et que la plus grande partie de cette population commerce par voie maritime, les navires armés arrivés soudainement de nulle part pouvaient mettre les populations locales à leur merci. Les armadas pouvaient piller, imposer un tribut, punir les désobéissants, puis utiliser ce pillage et ces rançons pour construire plus de navires, élargissant la portée de leurs empires navals. Cela a permis à une petite région avec peu de ressources naturelles et peu d’avantages concurrentiels au-delà d’une extrême pauvreté et d’une multitude de maladies transmissibles, de dominer le globe pendant un demi-millénaire.

Les héritiers ultimes de ce projet naval impérial sont les États-Unis, qui, avec la puissance aérienne additionnelle, leur flotte de porte-avions et leur vaste réseau de bases militaires à travers la planète, sont supposés pouvoir imposer la Pax Americana sur l’ensemble de la planète. Ou, plutôt dira-t-on, “ont été en mesure de le faire” pendant la brève période entre l’effondrement de l’URSS et l’émergence de la Russie et de la Chine en tant que nouvelles puissances mondiales et leur développement de nouvelles technologies antinavires et anti-aériens. Désormais, ce projet impérial touche à sa fin.

Avant l’effondrement soviétique, l’armée américaine n’osait pas menacer directement les pays auxquels l’URSS avait étendu sa protection. Néanmoins, en utilisant sa puissance navale pour dominer les voies maritimes qui transportaient du pétrole brut, et en exigeant que le pétrole soit échangé en dollars américains, les USA ont pu vivre au-dessus de leurs moyens en émettant des instruments de dette libellés en dollars et en forçant les pays du monde entier à y investir. Les Américains ont pu importer tout ce qu’ils voulaient en utilisant de l’argent emprunté tout en exportant de l’inflation, et en expropriant l’épargne des gens à travers le monde. Dans le processus, les États-Unis ont accumulé des niveaux absolument stupéfiants de dette nationale − au-delà de tout ce qui a été vu auparavant en termes absolus ou relatifs. Lorsque cette bombe de dette explosera, elle propagera la dévastation économique bien au-delà des frontières américaines. Et elle explosera une fois que la pompe à richesse qu’est le pétrodollar, imposée au monde par la supériorité navale et aérienne américaine, cessera de fonctionner.

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Une nouvelle technologie de missiles permet maintenant, à un coût très raisonnable, de vaincre un empire naval. Auparavant, pour mener une bataille navale, il fallait avoir des navires qui surpassaient ceux de l’ennemi en vitesse et en puissance de feu. L’Armada espagnolea été coulée par l’armada britannique. Avec l’époque industrielle surtout au XXème siècle, cela signifiait que seuls les pays dont la puissance industrielle correspondait à celle des États-Unis pouvaient envisager de s’y opposer militairement. Cette situation est désormais dépassée. Les nouveaux missiles russes peuvent être lancés à des milliers de kilomètres, ne peuvent être arrêtés, et il en suffit d’un seul pour couler un destroyer et seulement de deux pour couler un porte-avions. L’armada américaine peut maintenant être coulée sans avoir une contre-armada en opposition. La taille relative des économies américaine et russe ou des budgets de la défense devient sans importance : les Russes peuvent construire de nombreux missiles hypersoniques beaucoup plus rapidement et à un coût infiniment  moindre que ce qui est nécessaire aux Américains pour construire un seul porte-avions.

Tout aussi important est le développement de nouvelles capacités de défense anti-aérienne en Russie : les systèmes S-300 et S-400, qui peuvent largement protéger l’espace aérien d’un pays. Partout où ces systèmes sont déployés, comme en Syrie, les forces américaines sont contraintes de rester hors de portée. Avec leur supériorité navale et aérienne qui s’évapore rapidement, tout ce que les États-Unis peuvent tenter militairement est d’utiliser de grandes forces terrestres − une option politiquement désagréable qui s’est avérée inefficace en Irak et en Afghanistan. Il y a bien sûr l’option nucléaire ; mais, bien que leur arsenal nucléaire ne soit pas susceptible d’être neutralisé de sitôt, les armes nucléaires ne sont utiles qu’en tant que moyens de dissuasion. Leur valeur particulière est d’empêcher les guerres d’atteindre le seuil critique de l’anéantissement mais ce point d’inflexion est bien au-delà de leur domination navale et aérienne mondiale. Les armes nucléaires sont pires qu’inutiles pour un comportement agressif contre un adversaire doté aussi de l’arme nucléaire ; invariablement, elles le transforment en comportement suicidaire. Ce à quoi les États-Unis sont maintenant confrontés est essentiellement un problème financier de dette irrécouvrable et d’une pompe à richesse défaillante, et il apparaît extraordinairement évident que susciter des attaques nucléaires partout dans le monde ne peut résoudre les problèmes d’un empire qui se délite sinon par l’anéantissement collectif.

Les événements qui signalent de vastes changements d’époque dans le monde semblent souvent mineurs lorsqu’ils sont considérés isolément. La traversée du Rubicon par Jules César n’était que la traversée d’une rivière ; les troupes soviétiques et américaines se rencontrant et fraternisant sur l’Elbe étaient, relativement parlant, un événement mineur, loin de l’échelle du siège de Leningrad, de la bataille de Stalingrad ou de la chute de Berlin. Pourtant, ils ont signalé par leur caractère symbolique un changement tectonique dans le paysage historique. Peut-être venons-nous d’assister à quelque chose de similaire avec la récente et minuscule bataille de la Ghouta orientale en Syrie, où les États-Unis ont utilisé un simulacre d’armes chimiques comme prétexte pour lancer une attaque tout aussi symbolique sur certains aérodromes et bâtiments en Syrie. L’establishment de la politique étrangère des États-Unis a voulu montrer qu’il a toujours de l’importance et un rôle à jouer, mais ce qui s’est réellement passé est la mise presque totalement hors-jeu de la puissance navale et aérienne américaine.

Bien sûr, tout cela est une terrible nouvelle pour l’armée américaine et la politique étrangère de l’establishment, ainsi que pour les nombreux membres du Congrès américain dans les districts où le complexe militaro-industriel opère et là où les bases militaires sont situées. De toute évidence, c’est aussi une mauvaise nouvelle pour le business de la défense, pour le personnel des bases militaires et pour beaucoup d’autres. C’est aussi une mauvaise nouvelle sur le plan économique, puisque les dépenses de défense sont à peu près le seul moyen efficace de relance économique dont le gouvernement américain est politiquement capable. Si vous vous en souvenez, les « emplois à la pelle »d’Obama n’ont rien fait pour prévenir la chute spectaculaire du taux d’activité, qui est un euphémisme pour ne pas parler du taux de chômage réel. Il y a aussi le merveilleux plan pour dépenser beaucoup d’argent avec le projet SpaceX d’Elon Musk (tout en continuant d’acheter des moteurs de fusée d’importance vitale aux Russes qui discutent actuellement de bloquer leur exportation vers les États-Unis en représailles des sanctions américaines). En bref, enlevez le stimulus de la défense, et l’économie américaine s’effondrera dans une grande détonation suivie d’un sifflement diminuant graduellement.

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Inutile de dire que tous ceux qui sont impliqués feront de leur mieux pour nier ou cacher le plus longtemps possible que la politique étrangère américaine et le complexe militaro-industriel sont maintenant neutralisés. Ma prédiction est que l’empire naval et aérien de l’Amérique n’échouera pas parce qu’il sera vaincu militairement, ni ne sera démantelé une fois que l’information de son inutilité se diffusera ; au lieu de cela, il sera forcé de réduire ses opérations pour cause de manque de fonds. Il y aura peut-être encore quelques grosses frictions avant qu’il n’abandonne, mais surtout nous aurons beaucoup de gémissements et de geignements. C’est ainsi que l’URSS a trépassé ; c’est ainsi que s’effacera l’Empire américain.

Dimitri Orlov

(Le 19 avril 2018, Club Orlov– Traduction par Le Sakerfrancophone)

Editorial EAS - III Encuentro Literario

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HORARIO DE PONENCIAS

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19:30 - PROGRAMACIÓN MENTAL Y EL CONTROL DE LA
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Los autores firmarán libros.

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