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lundi, 21 janvier 2019

Extension des persécutions politiques

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Extension des persécutions politiques

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Dans la soirée du 2 janvier 2019, non loin de l’avenue des Champs-Élysées, la police arrête Éric Drouet et le place une nouvelle fois en garde à vue pour le motif fallacieux d’« organisation d’une manifestation sans déclaration préalable ». Relâché une vingtaine d’heures plus tard, l’infortuné citoyen en colère comparaîtra en février prochain devant le tribunal correctionnel. Une seconde convocation l’attendra en juin prochain pour la détention supposée d’un bâton (et pourquoi pas un coton-tige ?). Ce chauffeur routier de 33 ans, devenu l’une des figures des « Gilets jaunes », avait auparavant été entendu dans un commissariat pour un soi-disant délit de « provocation à la commission d’un crime ». Il avait envisagé de manifester devant l’Élysée et, le cas échéant, d’y entrer. De quoi de plus normal pour un bâtiment de la République ?

Dans la matinée du 8 novembre 2018, Julien Coupat était victime d’une interpellation préventive dans l’Est de Paris. Les policiers découvraient dans son véhicule un masque, un gilet jaune et des bombes… de peinture ! Après une longue garde à vue, l’une des victimes de la machination étatico-policière sarközyste de Tarnac ressortait libre avec un rappel à la loi dans la poche.

Julien Coupat et Éric Drouet sont des proies du Régime. Tout l’arsenal répressif voté sous le calamiteux Sarközy se déploie pour la circonstance. Le Régime se veut intraitable envers l’opposition populaire pendant qu’il laisse le désordre s’installer dans les banlieues de l’immigration. Il paraît évident qu’Emmanuel Macron ne se fera pas photographier en enlaçant dans une pause presque érotique Julien Coupat, Éric Drouet et Nicolas Dupont-Aignan ! Le 7 décembre dernier, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner porta plainte contre le député non-inscrit de l’Essonne et président de Debout la France. Suite aux nombreuses dégradations commises à l’Arc de Triomphe, le 1er décembre, Nicolas Dupont-Aignan désignait les « petits casseurs de Castaner », soit des agents provocateurs, pas forcément subordonnés à la place Beauvau, infiltrés parmi les manifestants. C’est donc en France qu’un ministre se permet de poursuivre un élu de l’opposition, ancien candidat à l’élection présidentielle, qui s’interroge à haute voix. Si cette ignominie avait été commise à Moscou ou à Budapest, les sempiternelles associations humanitaires auraient hurlé à l’attentat contre les droits de l’homme. Or, c’est un silence assourdissant !

Ces mêmes associations parasitaires grassement subventionnées par Soros et nos impôts se taisent aussi au sujet des incroyables accusations portées contre Benoît Quennedey. Ce haut-fonctionnaire bourguignon de 42 ans a été mis en examen après quatre jours de garde à vue pour « trahison par livraison d’informations à une puissance étrangère ». L’énarque, membre du Parti radical de gauche jusqu’en 2017, préside l’Association de l’amitié franco-coréenne et est l’auteur chez Delga qui publie les œuvres de Michel Clouscard, de La Corée du Nord, cette inconnue, puis, aux éditions Les Indes Savantes, L’Économie de la Corée du Nord en 2012. Naissance d’un nouveau dragon asiatique ? La DGSI s’attaque donc à un haut-fonctionnaire qui officie à la direction de l’architecture, du patrimoine et des jardins du Sénat. Benoît Quennedey a peut-être fourni à Pyongyang les plans ultra-secrets du Jardin du Luxembourg ou bien les dates confidentielles d’élagage des arbres…

Le 2 octobre 2018, une vaste opération soi-disant anti-terroriste frappait à Grande-Synthe le Centre Zahra, une association culturelle musulmane chiite. Deux semaines plus tard, le préfet du Nord fermait pour six mois ce lieu accusé de diffuser l’islam radical chiite à l’échelle européenne. Dans le même temps, les terroristes d’Al Qaïda et de Daech rentrent tranquillement en France ou quittent les prisons. Le Centre Zahra est une cible facile. Certains de ses animateurs dirigent le Parti anti-sioniste et ont soutenu en 2009 aux élections européennes en Île-de-France la liste de Dieudonné et d’Alain Soral, deux autres persécutés politiques.

Pendant que le Régime menace d’honnêtes gens, sa police avoue son impuissance face aux voyous du 9-3 et aux racailles du CAC 40. Au lieu de s’en prendre à de fantasmatiques agents à la solde de l’Iran, de la Corée du Nord ou de la Russie, le contre-espionnage devrait plutôt démanteler les puissants réseaux d’influence en France qui œuvrent pour les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Il devrait en particulier se pencher sur ces individus qui, à l’instar de cet élu des Français à l’étranger, servent d’abord les intérêts de la seule puissance nucléaire du Proche-Orient. Intérêts qui nuisent à l’avenir de la vraie France européenne.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 108, mise en ligne sur TV Libertés, le 14 janvier 2019.

La nouvelle normalité : un déclin séculaire avec une croissance intermittente

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La nouvelle normalité : un déclin séculaire avec une croissance intermittente

par Chris Hamilton

Article original de Chris Hamilton, publié le 20 décembre 2018 sur le site Econimica
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

D’un point de vue macroéconomique, ce dont les États-Unis et les pays développés bénéficient depuis des siècles (des millénaires, en fait), c’est d’une croissance économique séculaire avec des ralentissements intermittents (récessions et parfois des dépressions). Cela a été stimulé par une poussée de la croissance démographique, en particulier depuis 1950, et accru par la technologie, l’innovation, l’énergie peu coûteuse, l’amélioration des soins de santé (prolongation de la durée de vie de plusieurs décennies), etc.

Chaque fois qu’il y a eu un ralentissement économique (cycles économiques à court terme), il y a toujours eu une demande croissante de la part d’une population croissante (cycle macroéconomique)… alors la baisse temporaire des taux d’intérêt et les dépenses ont stimulé l’économie et relancé la croissance économique. Mais à mesure que la croissance organique annuelle de la population ralentissait (là où c’est important, économiquement parlant), des niveaux de plus en plus élevés d’additifs artificiels ont été introduits pour maintenir des taux de croissance anormalement élevés.

Depuis au moins 1990, cette tendance a de plus en plus encouragé la fourniture de crédit bon marché, ce qui a alimenté la création de nouvelles capacités face à la décélération de la demande mondiale. La décélération de la croissance démographique chez les consommateurs potentiels n’a pu absorber la capacité croissante de la production qu’avec un crédit toujours plus important et moins cher (merci à la « mauvaise gestion » des taux d’intérêt par les banques centrales). Il en est résulté une surcapacité mondiale épique et l’accumulation d’une dette qui dépasse nos capacités de remboursement au moment même où le cycle macroéconomique de la population (là où cela compte) devient négatif.

Nous entrons dans une période indéfinie de déclin séculaire. Nous verrons des périodes de croissance occasionnelles avant que la tendance principale de déclin ne reprenne. Cette situation se poursuivra pendant des décennies, sinon plus, et pourrait bien devenir un cycle à la baisse qui se perpétuera si nous continuons sur notre lancée actuelle. Pour éviter les pires scénarios, il est crucial de comprendre cette différence (pour être plus clair, quand vous êtes coincé dans un trou, arrêtez de creuser) !

Qu’est-ce qui a changé ?


Si l’on considère simplement la croissance démographique annuelle des pays disposant de 90% de l’argent (revenu, épargne, accès au crédit) et qui, ce n’est pas un hasard, consomment 90% de l’énergie mondiale (y compris les États-Unis, le Canada, l’UE, le Japon, l’Australie/la Nouvelle-Zélande, la Chine, le Brésil, le Mexique, la Russie… tous ceux dont le revenu annuel par habitant dépasse 4 000 dollars, soit la moitié de la population mondiale, a diminué de 50% depuis les doubles pics atteints en 1969 et 1988, soit 44 millions par an).

Alors que les personnes âgées de 65 ans et plus vivent des décennies de plus que leurs prédécesseurs, les décennies de taux de natalité négatifs se traduisent maintenant par un effondrement de la croissance de la population des 15 à 64 ans actifs, ou plus généralement des personnes âgées de 0 à 64 ans, ce qui est également important. Parmi les pays consommateurs, la croissance de la population âgée de 0 à 64 ans a chuté de 88 % depuis les deux sommets de 1969  et 1988. Le déclin continu et croissant de la population des pays consommateurs en âge de travailler fera qu’à partir de 2021 environ, la croissance  nette de la population viendra des 65 ans et plus (en particulier des 75 ans et plus).

J’ai détaillé, par tranche d’âge, ici, ici, et ici où la croissance démographique ne se trouve pas, et ici où elle se trouve. Le point de vue énergétique est ici.

Quels choix avons-nous ?


En termes simples, le monde est devenu si assuré que nous allions croître perpétuellement que « Nous » (comme dans le Nous royal) avons parié notre avenir sur ce postulat … mais cela s’avère être un très mauvais pari (mauvais pour tous sauf pour les rois). Ce mauvais pari se traduit par des taux d’intérêt de plus en plus bas, une dette plus élevée (et non remboursable) et un papier monnaie de plus en plus dilué appelé argent. Nous sélectionnons les politiciens qui nous disent les mensonges que nous voulons entendre (même si nous n’en pensons pas moins) et le populisme parmi les démocraties continuera à augmenter dangereusement… mais la vérité est que « la marée macro économique a maintenant disparu pour toujours et nous sommes tous là, tout nus ».

Le monde va presque certainement continuer dans cette voie et les systèmes économiques et financiers finiront par s’adapter à la réalité… mais c’est à nous de déterminer à quel point la période intérimaire sera douloureuse, désordonnée et confuse. Particulièrement douloureuse si nous continuons à essayer de faire croître artificiellement l’économie et les actifs financiers face à une décélération organique de la demande ou même à une baisse pure et simple de celle-ci. Cela ne fait que rendre encore plus nécessaire l’ajustement ultime imminent (c’est-à-dire, la dépression) . Investissez en conséquence.

Chris Hamilton

Les États-Unis sont-ils toujours une superpuissance ?

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Les États-Unis sont-ils toujours une superpuissance ?

par Dmitry Orlov

 
Article original de Dmitry Orlov, publié le 11 janvier 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Certains pensent que les États-Unis sont une superpuissance. Ils citent les chiffres du PIB, les dépenses militaires, la capacité de contraindre divers vassaux américains à accéder aux demandes américaines/israéliennes aux Nations Unies. Ils soulignent également sa capacité à forcer d’autres nations à respecter ses sanctions unilatérales, même si elles sont au mieux inefficaces, généralement contre-productives et tendent à nuire aux alliés des États-Unis. Ne s’agit-il pas là des signes distinctifs d’une véritable superpuissance ?

Voyons voir…. Si les États-Unis étaient un super-héros doté de plusieurs super-pouvoirs, quels seraient-ils ?

La superpuissance pour les nuls et en toute impunité serait certainement sur la liste. Si l’on soustrait l’augmentation de la dette de l’augmentation du PIB, jusqu’à présent, au cours de ce siècle, l’économie américaine s’est contractée, elle n’a pas crue. Une foule d’autres statistiques – chômage, inflation, réserves de pétrole de schiste – ont également été falsifiées. Cette superpuissance est super mal en point, mais elle a la super-capacité de cacher ce fait à la plupart de ses propres citoyens pour le moment en leur envoyant un puissant flux de désinformation dans les médias chaque jour de l’année afin que seuls les plus intelligents d’entre eux puissent le savoir.

Ce super-héros a aussi la superpuissance de gaspiller d’énormes sommes d’argent pour ses forces armées tout en restant incapable de l’emporter (en termes de paix à long terme selon ses propres termes et à son propre avantage) dans tout conflit depuis la Deuxième guerre mondiale – sauf lors de son invasion de la petite île de Grenade et quelques autres escarmouches toutes aussi mineures. La Corée, le Vietnam, l’Afghanistan et l’Irak sont tous des échecs d’une manière ou d’une autre. La capacité de voler des milliers de milliards de dollars sans aller en prison pour cela nécessite sans aucun doute une sorte de superpuissance.

Le dernier super-pouvoir de Captain America est sa gestion politique, étrangement efficace, de ces larbins. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il a réussi à dépouiller une longue liste de nations de leur souveraineté et il ne l’a pas encore restituée. L’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie figurent sur cette liste, ainsi que le Japon et la Corée du Sud. Captain America garde jalousement son pouvoir d’abuser et d’humilier ces vassaux. Les seules personnes autorisées à diriger ces nations sont celles sur lesquelles Captain America a recueilli suffisamment de preuves compromettantes pour les forcer à démissionner en raison d’un scandale sexuel ou d’un scandale financier au moment où elles tentent de s’opposer à sa volonté.

Maintenant, le truc, c’est que chacun  de ces super-pouvoirs porte en lui sa propre charge de kryptonite.
  • La capacité de s’endetter à l’infini en forçant les nations productives du monde entier à vous exporter des produits en échange de l’argent que vous imprimez, puis en leur empruntant cet argent à de faibles taux d’intérêt. C’est une astuce court-termiste, mais le destin final est toujours le même : la faillite nationale.
  • Gaspiller des milliers de milliards pour se « défendre » (de qui ?) et voler la plus grande partie de cet argent sans que personne n’aille en prison est un tour de passe-passe incroyable, mais en fin de compte, on se retrouve avec un tas de matériel militaire inutile pendant que des nouveaux venus comme la Russie et la Chine vous contournent et vous humilient à leur guise.
  • La capacité de mettre en scène la gestion de vos vassaux internationaux pour qu’ils fassent votre volonté contre la leur ou celle de leurs électeurs est très impressionnante, mais une fois que ces électeurs en auront assez (comme les Gilets Jaunes en France l’ont apparemment fait)… que se passera-t-il ?
Parfois, l’actualité offre un tableau vivant des plus instructifs. Témoin, John Bolton, le conseiller de Trump en matière de sécurité nationale, qui a récemment effectué un voyage à Ankara. Trump a récemment annoncé que les troupes américaines allaient se retirer de Syrie. Pour se donner une certaine contenance, Trump a dit que c’est parce que la « mission était accomplie » – la routine habituelle – parce qu’ISIS a été détruit. Oui, ISIS a été détruit mais par les forces syriennes et russes. Ils ont utilisé l’équivalent de plus de 50 porte-conteneurs chargés d’armes et de fournitures en trois ans d’efforts. Et qui, je vous prie, a armé, équipé et réapprovisionné ISIS à tel point qu’il a fallu tout ce travail pour le détruire ? Croyez-vous un seul instant qu’ISIS a acheté une cinquantaine de conteneurs de matériel militaire dans un bazar à Bagdad ou à Alep ? Au Vietnam, c’était « Il fallait détruire le village pour le sauver ». En Syrie, c’est « Nous devions créer une menace terroriste pour la détruire » – ou pas – et dire que nous l’avons fait.

Retour à Bolton : il s’est rendu en Turquie pour dire à Erdoğan qu’il devait garantir la sécurité des alliés américains en Syrie (certains étant des terroristes, d’autres non). C’était vraiment absurde de la part de Bolton de tenter une telle chose : une retraite militaire est par définition inconditionnelle. Bolton n’est pas Kissinger. Ce dernier était un sale type, mais il avait une connaissance quasi parfaite de la situation, alors que Bolton est le Mr Magoo de la géopolitique. Il aurait tout aussi bien pu dire des âneries du genre : « Je suis une petite théière courte et trapue… » ou « Lait-lait-limonade… ».
Erdoğan  n’a même pas voulu parler à Bolton ; au lieu de cela, il s’est présenté devant son propre parlement et a dit que Bolton essayait une sorte de coup d’État de palais contre Trump. Ensuite, le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré que le retrait des troupes américaines de Syrie devra être coordonné avec la Russie et l’Iran. (La Turquie, la Russie et l’Iran doivent se réunir à Moscou pour décider de l’avenir de la Syrie). C’est à ça que ressemble la « victoire des États-Unis sur ISIS » ? Ne renifle pas trop fort, Bolton, ou tu vas brûler ta moustache !

Quoi qu’il en soit, décidez pour vous-même, mais à mon avis, les États-Unis ne sont pas seulement une superpuissance, ils l’ont toujours été et le seront toujours. En fait, il ne s’agit pas seulement d’une superpuissance, mais d’une super-extra-puissance ! C’est l’odeur du napalm, ou juste la moustache de John Bolton en feu ?

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

Bloody Sunday ou de l'emploi délicat de la force armée en sécurité intérieure

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Bloody Sunday ou de l'emploi délicat de la force armée en sécurité intérieure

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

 
A l’occasion de la parution du billet de l’ami Abou Djaffar sur Bloody Sunday, l’excellent film de Paul Greengrass, je reprends ici et développe une fiche écrite pour le chef d'état-major des armées en 2008 : Engager l’armée en sécurité intérieure : le cas irlandais.


Le 1er août 2007, l’opération Banner en Irlande du Nord a officiellement pris fin après trente-huit ans. A une époque où la tentation est forte de plus intégrer les forces armées dans la sécurité intérieure, il n’est peut-être pas inutile de revenir sur cette période de « troubles », où sont tombés plus de soldats britanniques que pendant tous les combats réunis des Malouines, de la guerre du Golfe, des Balkans et de l’Irak.

L’histoire de l’intervention militaire britannique en Irlande du Nord

L’Irlande du Nord vit depuis 1921 sous un régime particulier qui lui assure une certaine autonomie politique mais qui a très rapidement abouti à la prise de contrôle de toutes les institutions politiques et économiques du pays par la majorité protestante au détriment d’une forte minorité catholique. L’ensemble représente 1 100 000 protestants pour 700 000 catholiques sur 14 000 km2 dans les années 1960.
 
A partir d’avril 1969, après l’échec des tentatives de réforme du gouvernement O’Neill, sapées par l’intransigeance de l’aile dure des unionistes, les organisations catholiques se détournent des solutions politiques classiques jugées vaines. Les manifestations se multiplient qui se heurtent de plus en plus violemment à des contre-marches loyalistes. Il y alors trois bataillons d’infanterie en garnison en Ulster, qui ne participent jusque là en rien aux missions de maintien de l’ordre. Un d’entre eux est engagé pour protéger des sites sensibles, sans que les armées envisagent une intervention plus poussée.

Tout bascule le 12 août 1969, à l’occasion du défilé orangiste (radicaux protestants) annuel des « Apprentice Boys » à Londonderry. Le défilé provoque une violente réaction catholique et en retour une répression très dure de la police locale, la Royal Ulster Constabulary (RUC), à recrutement presque exclusivement protestant. Les violences durent plusieurs jours, provoquant la mort de dix civils et cent cinquante blessés ainsi que l’incendie d’une centaine d’habitations catholiques. Le 14 août, elles s’étendent à Belfast, la capitale. Devant la gravité de la situation et le rejet complet de la police par la population catholique, l’inspecteur général de la RUC adresse une « demande d’aide au pouvoir civil » (military aid to the civil power, MACP) au commandant des forces armées en Irlande du Nord. Un bataillon est déployé à Londonderry puis un autre à Belfast. Au 1er septembre, il y a 6 000 soldats sur le territoire puis 11 000 au printemps 1970.

Le cadre légal de l’intervention militaire…

Les cas prévus pour l’assistance militaire aux autorités civiles sont peu différents des autres pays démocratiques occidentaux. En revanche la mise en œuvre de la MACP est très particulière puisque sa conception date du XVIIIe siècle, c’est-à-dire une époque où il était impossible d’attendre les instructions de Londres pour agir. Selon la loi, c’est le chef de la police locale qui fait directement appel aux troupes dans son secteur, le gouvernement ne donnant qu’ensuite son accord. Cela correspond aussi à une vision libérale où le maintien de l’ordre est une obligation des citoyens, déléguée pour des raisons pratiques à une police très autonome d’un pouvoir central toujours suspect, puis éventuellement en cas d’urgence à des forces militaires sous le commandement de leur chef local. En théorie, celui-ci est indépendant du gouvernement le temps du rétablissement de l’ordre normal.

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Dans la pratique, c’est néanmoins le ministre de la Défense du cabinet Heath qui ordonne de :

« restaurer la loi et l’ordre, en se plaçant impartialement entre les citoyens des deux communautés ». Pour cela, il fixe trois missions :


• dans le cadre de la loi et en faisant un usage minimal de la force, arrêter et remettre à la police tout suspect soupçonné de détenir des armes, des explosifs ou des munitions ;

• gêner et des dissuader les mouvements des paramilitaires des deux communautés par des postes de contrôle et des patrouilles ;

• restaurer la confiance au sein de la population locale par une présence quotidienne non agressive mais dissuasive.

…et ses ambiguïtés

Dans les faits, les soldats sont placés dans une situation très ambiguë. Plus qu’une aide limitée dans le temps à l’autorité civile, la perte totale de légitimité et la faible efficacité de la RUC font qu’on assiste plutôt, comme pendant la bataille d’Alger, à une suppléance. C’est donc l’officier général commandant en Irlande du Nord qui prend la responsabilité du contrôle général des opérations de sécurité, le chef de la police lui étant subordonné le temps que celle-ci retrouve une crédibilité.

Tout en restant soumis à la loi générale du pays ( common law ) et donc susceptible d’assignation que devant les tribunaux civils, le commandant des forces est soumis à une double hiérarchie civile, celle de l’Irlande du Nord et celle du cabinet de Londres. Mais la première ne veut en rien s’attaquer aux causes profondes du problème alors que la seconde hésite fortement à s’impliquer, tout en refusant toute intrusion de l’Eire ou de l’ONU, qui proposent d’envoyer des troupes. Ainsi quand le ministre parle de rétablir la loi et l’ordre, les soldats ne savent pas trop de quel ordre il s’agit. S’agit-il de l’ordre de l’Ulster et de sa majorité protestante ou de l’ordre du Royaume-Uni sur une de ses provinces ? Dans le premier cas, par exemple, l’Ulster Defence Association (UDA), organisation paramilitaire loyaliste protestante, apparaît comme légale ; dans le second cas, elle ne l’est pas plus que l’Irish Republican Army (IRA). Les forces armées se targuent de leur impartialité politique mais dans les faits, elles sont obligées de collaborer avec le gouvernement de l’Ulster et la RUC.

Tous ces éléments font qu’on ne sait pas vraiment si l’armée fait respecter la légalité. Face à des atteintes flagrantes à la loi, les troupes elles-mêmes ne savent souvent pas quoi faire, ni si elles seront soutenues dans leur action. Au lieu de constituer une donnée constante, une structure solide à l’intérieur de laquelle les différentes parties devraient manœuvrer, la loi et l’ordre deviennent ainsi un élément flexible au milieu des relations complexes entre les différents acteurs. Avec le temps, « restaurer la loi et l’ordre » devient plutôt « maintenir l’ordre » puis « maintenir la violence à un niveau acceptable ».

La « lune de miel »

De fait, l’armée est engagée dans une mission de maintien de la paix sur son propre territoire et bien que se targuant de professionnalisme (on est revenu à l’armée de métier huit ans plus tôt) et d’une forte expérience opérationnelle, elle n’est aucunement préparée à cette mission. Le général Freeland, premier commandant de l’opération Banner, déclarera plus tard : « Nous n’aurions pas pu nous trouver plus en dehors du coup ».

Remplaçant au pied levé une police qui a disparu des rues catholiques, les militaires ont le plus grand mal procéder à des arrestations dans les formes légales. La plupart des suspects sont ainsi relâchés faute de preuve. Ils réussissent mieux dans leur mission d’interposition entre les communautés, en multipliant les points de contrôle et en édifiant un mur à l’intérieur de Belfast. Dans un premier temps, baptisée la « lune de miel », cette inexpérience de l’armée est cependant compensée par une bonne image auprès de la population catholique, d’autant plus que les militaires se sont opposés d’emblée à une manifestation protestante. Les militaires y font alors preuve d’une grande discipline, subissant un millier de coups de feu et vingt-deux blessés avant de recevoir l’autorisation de tirer et de tuer deux activistes armés.
 

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Comme en Irak en 2003, cette fenêtre d’opportunité se referme au bout de quelques mois seulement. Les hésitations du cabinet de Londres ne permettent pas de trouver de solutions politiques, ce qui entraîne une radicalisation des deux communautés, avec la montée en puissance de Ian Paisley du côté protestant et la création en janvier 1970 de la Provisional Irish Republican Army (PIRA). La PIRA a finalement profité de la disparition de la police et de l’interposition de l’armée pour s’implanter dans des quartiers catholiques qui sont devenus autant de zones de non droit. Devant l’inaction des autorités, elle a pu développer un discours qui dépasse les simples revendications sociales et politiques pour prôner la lutte armée contre l’occupant anglais.

L’armée face à la PIRA

Dès lors, les affrontements se multiplient, d’autant plus que l’armée a été obligée en février 1970, d’imposer un contrôle plus strict des manifestations pour empêcher les affrontements. Le 30 mars 1970, une première manifestation catholique est organisée pendant trois jours contre l’armée. Du 3 au 5 juillet 1970, l’armée impose un couvre-feu et une fouille dans un secteur sensible de Belfast. Cinq civils sont tués dans cette opération et dix-huit militaires y sont blessés. La « lune de miel » est terminée et désormais les missions s’effectueront dans une ambiance d’insultes et de jets de pierre.

En 1971, la PIRA profite de ce climat dégradé pour lancer une offensive sur trois axes : le contrôle de la population catholique, le harcèlement des troupes britanniques par sniping, embuscades, mortiers ou engin explosif improvisé (EEI) et le « chaos », en faisant exploser deux à trois bombes chaque jour. Le 6 février 1971, le premier soldat britannique est tué en service à Belfast. Au mois d’août, ils sont déjà treize à être tombés et les troupes commencent à éprouver un profond sentiment d’impuissance. Le 9 août 1971, contre l’avis des militaires, le ministre de l’Intérieur décide d’autoriser la détention sans jugement (ou Internment) et lance une immense rafle de suspects. Le principe même de l’internment, les nombreuses erreurs dans les arrestations et les conditions des interrogatoires suscitent une immense réprobation. Pour aggraver encore la situation, les activistes loyalistes de l’Ulster Volunteer Force (UVF) se lancent aussi dans une campagne d’attentats, avec l’emploi, pour la première fois, d’une voiture piégée (quinze morts dans un bar catholique, le 4 décembre 1971).

Le 30 janvier 1972, un bataillon parachutiste ouvre le feu sur une manifestation catholique illégale. Treize civils, pour la plupart mineurs, sont tués dans ce « Bloody Sunday », inaugurant l’année la plus meurtrière des « troubles ». Le désastre dans l’opinion est immense d’autant plus que les militaires communiquent très maladroitement sur cet événement refusant d’assumer leurs responsabilités dans l’évènement. Durant cette année 1972, cinq bombes explosent en moyenne chaque jour et un soldat britannique est tué tous les trois jours.

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Le gouvernement de Londres décide de prendre l’initiative. L’administration directe sur l’Ulster est instaurée le 28 mars 1972 et les forces britanniques sont portées à 17 000 hommes auxquels il faut ajouter les 9 000 réservistes irlandais de l’Ulster Defence Regiment (UDR), créé depuis peu. Le 31 juillet 1972, avec l’opération Motorman toutes les « zones de non droit » catholiques sont investies et un quadrillage complet de la province est mis en place, en particulier le long de la frontière avec l’Eire, refuge de la PIRA. Tous ces efforts, une organisation du renseignement enfin efficace et le désarroi d’une population de plus en plus horrifiée par les attentats aveugles (près de 200 civils tués en 1975) permettent finalement, vers 1976-1977 de prendre l’ascendant sur la PIRA. Celle-ci abandonne alors sa structure militaire pour une organisation plus clandestine en cellules terroristes autonomes.

L’armée de terre sous tension

A ce moment-là, l’armée de terre britannique est aussi soumise à une très forte tension. Ses effectifs sont alors de 155 000 hommes dont environ 10 % sont en permanence en Irlande du Nord. Mais comme elle entretient aussi un corps d’armée complet en Allemagne et que certaines unités comme les Gurkhas ou les bataillons irlandais (jusqu’en 1992), ne sont pas envoyés en Ulster, la pression est énorme sur les bataillons stationnés au Royaume-Uni et particulièrement les bataillons d’infanterie. Entre 1989 et 1992, par exemple, l’un d’entre eux effectue quatre missions en Irlande.

Pour faire face au problème, on fait passer le nombre de bataillons permanents de trois à six (pour deux ans de présence) tandis que les séjours des unités tournantes passent de quatre à six mois. Les bataillons d’infanterie sont ensuite renforcés de bataillons de marche issus de toutes les armes et même de la Royal Air Force. Tous cela désorganise les grandes unités, d’autant plus qu’à l’intérieur même des bataillons, certaines cellules, comme le renseignement, font des séjours décalés et plus longs que ceux des unités de combat.

A une époque où le Pacte de Varsovie est une menace majeure, les compétences tactiques nécessaires aux combats de haute intensité déclinent dangereusement d’autant plus que les rengagements chutent et que le budget est ponctionné par le surcoût de l’opération en Irlande (environ 20 000 euros actuels par homme déployé) et les incitations financières nécessaires pour compenser un recrutement en grande difficulté. Pendant plus de dix ans, la British Army on the Rhine (BAOR), fer de lance de l’armée de terre, ne fait plus d’exercice à grande échelle. Cela n’empêche pas les Britanniques d’effectuer une brillante campagne aux Malouines en 1982 mais qui tient plus aux qualités de base du soldat britannique et à la faiblesse de l’ennemi qu’à la virtuosité de la combinaison des feux et des mouvements.

Le retour de la police au premier plan

L’internement et l’administration directe sont abandonnés en 1975 sans avoir donné les résultats escomptés. Mais en 1977, l’amélioration relative de la situation, avec la raréfaction des manifestations de masse et des affrontements armés, permet de redonner la primauté à une police restructurée et à l’UDR. La chef de la RUC prend la direction des opérations et la province est découpée en zones réservées à la police, à l’armée et à la police appuyée par l’armée. Ce transfert d’autorité ne se fait toutefois pas sans réticences ni sans de nombreux problèmes de coordination.

Le conflit entre alors dans une phase d’endurance de vingt ans. Après un premier attentat à Birmingham avait déjà fait 21 morts et 200 blessés en 1974, la PIRA multiplie les actions en Angleterre et met en place des attaques plus rares mais très sophistiquées comme celle de Warrenpoint en août 1979 où dix-huit soldats sont tués par deux explosions successives. L’armée riposte aussi durement avec des opérations très ciblées (huit activistes abattus en mai 1987 à Loughall) et réussit à contenir la violence à un niveau « acceptable » en attendant l’arrivée de solutions politiques. Au début des années 1990, la lassitude des populations permet finalement l’amorce de négociations secrètes, internes aux mouvements catholiques d’abord, puis étendues aux loyalistes. Le 10 avril 1998, le Belfast agreement est signé puis approuvé par référendum simultané en Ulster et en Eire. Le dernier soldat britannique est tombé un an plus tôt. En 2005, les effectifs militaires sont revenus à ce qu’ils étaient avant les troubles et depuis l’été 2007, l’armée n’a plus aucun rôle en matière de maintien de l’ordre.

BS-5.jpgAu total, 691 soldats ont été tués par la PIRA (dont 197 UDR) et 6 par les loyalistes protestants. De leurs côté, les militaires ont abattus 121 PIRA, 10 loyalistes et 170 civils. La PIRA a tué 1457 civils dont, par règlements de compte, 162 autres « républicains » (c’est-à-dire plus que l’armée), et 28 loyalistes. Ces derniers ont tués 1071 civils.

Les enseignements que l’on peut tirer de cette expérience

• Même dans un régime démocratique, une partie de la population peut se sentir exclue et ne percevoir aucun espoir dans le processus politique. Cette frustration renvoie à d’autres formes d’expression qui deviennent de plus en plus violentes si aucun problème de fond n’est résolu.

• En Irlande du Nord, il a suffi de deux ans pour passer d’une situation de violences sporadiques et inorganisées à une guérilla urbaine. Le moteur de cette montée aux extrêmes très rapide furent les affrontements intercommunautaires mais aussi la perte de légitimité de la police, détestée par la communauté en colère.

• Inversement, l’armée britannique, professionnalisée depuis huit ans, donnait une image de discipline, d’impartialité et de maîtrise de la force. Son engagement parut donc susceptible d’apaiser les tensions. Au-delà du degré de gravité de la situation, le décalage d’image dans les zones françaises « difficiles » entre militaires et policiers-gendarmes pourrait aussi constituer un critère supplémentaire d’engagement de l’armée.

• Une telle situation placerait l’armée devant le dilemme d’agir seule pour maintenir les tensions au plus bas mais sans avoir de compétence policière ou d’agir avec la police et donc de subir la même réprobation. Les soldats britanniques ont choisi la première option mais, sans préparation, ont dû se contenter de s’interposer entre les communautés. Ils ont ainsi contribué à la formation de zones de « non droit » dans lesquelles les organisations extrémistes ont prospéré. Comme aucune volonté politique n’est venue soutenir leur action, ils sont devenus à leur tour la cible de violences. Une intervention militaire dans une opération de sécurité intérieure ne peut se faire qu’avec des compétences adéquates, soit acquises en propre, soit obtenues par la coopération avec les forces de police. Elle doit être accompagnée de décisions politiques sous peine d’augmenter les tensions après les avoir diminué un temps.

• Face à une guérilla urbaine devenue extrêmement dure, la victoire militaire est vite apparue comme impossible tant que les terroristes bénéficiaient d’un soutien d’une partie importante de la population. Pour parvenir à simplement « maintenir la violence à un niveau acceptable » dans une population de 700 000 habitants, il a fallu déployer pendant trente ans un militaire ou un policer pour trois catholiques d’âge militaire, passer par des tâtonnements meurtriers, accepter de perdre l’équivalent d’une brigade en tués et blessés et plus encore en « pertes indirectes » (chute du recrutement et des rengagements), voir l’image de l’armée se dégrader et perdre de nombreuses compétences tactiques en matière de guerre de haute-intensité.


Fiche au CEMA, 2008. Res Militaris