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mercredi, 08 janvier 2020

Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région

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Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région


Par Andrew Korybko 

Source oneworld.press

Ex: https://www.lesakerfrancophone.fr

La nouvelle année constitue une opportunité idéale d’attirer l’attention sur les trois tendances géopolitiques les plus importantes pour chaque région, qui pourraient fortement influencer la course des événements au cours des 12 mois à venir.

Amérique du Nord

Trump tenté (piégé?) par Les Démocrates vers une nouvelle guerre

Les périodes d’élections présidentielles constituent systématiquement un moment très sensible en matière de politique étrangère étasunienne : le président sortant (s’il y en a bien un cette fois-ci) essaye en général d’éviter de se faire prendre dans des missions controversées à l’étranger, cependant que l’opposition fait tout son possible pour le pousser à commettre une intervention en vue de faire baisser ses chances de ré-élection.

La possible désignation par les États-Unis des cartels de drogue comme terroristes

Sur les exhortations de son homologue mexicain, Trump a remis dans sa poche sa décision controversée de désigner les cartels de drogue comme terroristes, mais il pourrait la ressortir cette année pour améliorer ses chances de ré-élection, en dépit des conséquences qu’une telle décision pourraient engendrer dans les relations bilatérales avec le Mexique.

L’impact économique de l’ACEUM

On s’attend à ce que la mise en œuvre de l’ACEUM1 (« NAFTA 2.0 ») porte des impacts très positifs sur les économies des trois pays impliqués, chose qui, conjuguée avec une stabilisation relative de la situation au Mexique, pourrait propulser Trump vers un deuxième mandat, en particulier sur le dossier de l’immigration illégale motivée par des raisons économiques vers les États-Unis.

Amérique latine

Possible diffusion du « printemps sud-américain »

L’éclatement à différents niveaux d’une révolte authentiquement populaire dans plusieurs pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de l’année 2019 peut se diffuser sur le reste du continent, la question qui occupe l’esprit de la plupart des observateurs étant de savoir si le Brésil de Bolsonaro sera épargné par ce scénario.

La poursuite de l’« Opération Condor 2.0 »

Aucun doute que la guerre hybride fomentée par les États-Unis d’Amérique à l’encontre des gouvernements multipolaires-socialistes de cet hémisphère va se poursuivre en 2020, avec le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en cibles de premier plan, suite à la réussite de l’opération de changement de régime sur Morales, le président de Bolivie allié de ces pays, en 2019.

La « Citadelle Amérique »

À l’arrière de ses réussites géopolitiques de la décennie écoulée, les États-Unis vont tâcher d’institutionnaliser leur hégémonie fortement rétablie sur l’Amérique latine, au travers d’accord commerciaux bilatéraux bloc à bloc entre l’ACEUM (déjà rattachée à l’ALÉAC2, l’Alliance Pacifique, et le Mercosur, afin de créer une méga-région pro-États-Unis.

Europe

La montée des « Trois Mers »

L’« Initiative des trois mers« , soutenue par les États-Unis et dirigée par la Pologne, va poursuivre sa montée en puissance en matières géopolitique, militaire et économique ; il s’agit d’une cale étasunienne visant à empêcher tout rapprochement non approuvé par Washington entre l’Europe occidentale et la Russie.

La bataille du pouvoir post-Brexit au sein de l’Union européenne

Les traits que prendra de facto le pouvoir politique dans l’UE post-Brexit ne sont pas encore bien distincts, mais il pourrait s’agir ou bien d’une poursuite de l’hégémonie allemande, de l’émergence de la France comme rivale de celle-ci, ou d’une division entre une Europe franco-allemande à l’Ouest et une Europe centrale menée par la Pologne (EuroLibéraux contre EuroRéalistes).

La triangulation des relations commerciales

L’UE constitue un des angles du triangle économique mondial, complété par les États-Unis et la Chine, mais il faut s’attendre à ce que les États-Unis fassent pression sur l’UE pour qu’elle prenne ses distances avec la Chine, suite à la conclusion de la « première phase » de leur accord commercial plus étendu, ou qu’elle assume sa propre possible guerre commerciale contre Trump.

Afrique

La crise des États faillis en Afrique de l’Ouest

Le triangle des frontières Mali-Burkina Faso-Niger est devenu le nouveau « Syrak« , au sens où cet espace constitue une zone stratégique, sans loi mais très étendue, comprenant des millions de personnes, déstabilisée par les menaces terroristes. Les conséquences pourraient déboucher sur une réaction en chaîne d’États faillis et de crises migratoires.

Les élections à venir en Éthiopie

L’Éthiopie va connaître des élections en 2020, qui sont largement décrites comme les plus libres et les plus justes de l’histoire récente de ce pays ; mais le risque est que les lignes de fracture ethnoreligieuses exacerbées par le premier ministre Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, s’approfondissent à l’issue de l’élection et plongent le pays dans une totale « Balkanisation ».

Le conflit de Cabo Delgado au Mozambique

Qu’on en attribue les causes à des terroristes étrangers, à des insurgés locaux, ou à une combinaison des deux, le conflit de Cabo Delgado au Mozambique semble voué à s’empirer en 2020 ; ce qui pourrait porter à conséquences en matière de sécurité sur le plan régional : la communauté Est-africaine est une voisine proche, mais aussi sur le plan mondial, le pays hébergeant d’immenses projets d’extraction de Gaz naturel liquéfié.

Moyen Orient-Afrique du Nord

Ça passe ou ça casse pour le « néo-ottomanisme »

La grande ambition stratégique de la Turquie, visant à rétablir sa sphère d’influence historique, sera mise à l’épreuve en Méditerranée orientale, avec d’une part la construction de l’oléoduc GRISCY par ses rivaux régionaux, et d’autre part, au-delà les étendues maritimes d’Afrique du Nord, sur le dossier incertain de la survie des autorités pro-Ankara à Tripoli.

Le « Nouveau Moyen-Orient »

La baisse d’intensité des guerres en Syrie et au Yémen pourrait déboucher sur un accord tacite de l’ensemble des parties prenantes, tant intra qu’extra-régionales (on pense à la Russie, à la Chine et aux États-Unis dans cette seconde catégorie) quant à un nouveau statu quo régional, qui pourrait même connaître l’influence de l’« Accord du Siècle » de Trump.

Une réconciliation du CCG

Des étapes petites mais réelles ont été actées au cours des dernières semaines dans la perspective d’une réconciliation du Conseil de Coopération du Golfe, entre le Qatar et ses partenaires dans l’organisation (en premier chef, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis), mais ce processus pourrait n’en être qu’à ses débuts ; et le débouché final sera corrélé aux liens futurs de Doha avec Ankara.

Ex-URSS

Vacillement du « numéro d’équilibriste » de la Russie

La Russie va devoir recalibrer son exercice d' »équilibrage » si elle veut espérer poursuivre cette stratégie de manière crédible, suite à son pivot vers l’Inde, et suite à l’hypothèse très sérieuse d’une vente de missile BrahMos à des prétendants sur la Mer de Chine, comme les Philippines ; la situation de confiance avec la Chine, durement gagnée au cours des deux décennies passée, en dépend.

L’Asie centrale poursuit son intégration régionale tous azimuts

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale progressent dans leur intégration régionale tous azimuts dans la lignée des réformes pragmatiques en matière de politique étrangère pratiquées par Mirziyoyev, le nouveau président de l’Ouzbékistan, qui ont établi une atmosphère de confiance facilitant la participation volontaire de ces pays à l’OTSC, à l’OCS et aux Nouvelles routes de la soie.

Fin du « numéro d’équilibriste » du Bélarus

Le Bélarus va se voir pressé de choisir entre, d’une part, rester membre des processus d’intégration menés par la Russie, ou d’autre part s’associer aux processus soutenus par les États-Unis et l’UE (« initiative des trois mers » y compris) : ce n’est pas là la résultante d’une « ingérence russe » mais simplement l’échec du « numéro d’équilibriste » de Lukashenko en 2019.

Asie du Sud

Un accord de paix afghan déclencherait un changement de paradigme

On assisterait à un vrai changement de paradigme en matière géostratégique régionale, si les États-Unis réussissaient à conclure un accord de paix avec les Talibans, qui conjuguerait la montée en puissance des parties prenantes multipolaires dans cet État enclavé perclus par la guerre, avec un basculement de l’approche régionale étasunienne, d’un axe militaire vers un axe économique.

Des progrès tangibles sur CPEC+

On assistera très probablement à une expansion du corridor économique Chine-Pakistan en direction du Nord, de l’Ouest et du Sud (respectivement, N-CPEC+, W-CPEC+, et S-CPEC+) courant 2020, l’État pivot mondial du Pakistan commençant lentement mais sûrement à intégrer cette vision dans son approche stratégique générale.

Implosion interne en Inde

Les tentatives du parti BJP au pouvoir d’imposer une « Hindu Rashtra«  à l’État constitutionnel séculaire ont provoqué un niveau de tumulte ethnique, religieux, séparatiste et politique sans précédent depuis la tristement célèbre « urgence » de l’Inde au cours des années 1975-1977 ; la situation va sans doute s’empirer, l’État doublant la mise en matière de violences, et l’économie poursuivant son déclin.

Asie orientale

Implications indo-japonaises dans le grand Est russe

Le « Couloir maritime Vladivostok-Chennai«  (VCMC) va faire monter l’influence de l’Inde sur le grand Est de la Russie, et une percée dans la conclusion d’un accord de paix russo-japonais pourrait en faire autant pour Tokyo, les deux nations asiatiques alliées pouvant aller jusqu’à inviter la Russie à rejoindre leur « Couloir de croissance Asie-Afrique » (AAGC).

« Deuxième Phase » de l’accord commercial?

On ne sait pas encore quand, ni même si, les États-Unis et la Chine conviendront d’une « seconde phase » de leur accord commercial élargi, cette variable étant d’une influence considérable quant à leurs relations en 2020, ainsi que sur l’état de leurs économies.

Le point d’interrogation coréen

Nul ne sait vraiment ce que décidera la Corée du Nord, mais tout recul sur son engagement symbolique à la dénucléarisation pourrait porter à des conséquences très déstabilisantes pour la région, du fait de la réaction que cela pourrait engendrer de la part des États-Unis, en particulier si Trump accuse la Chine d’exercer de supposées pressions sur son partenaire pour qu’il « se comporte mal ».

ASEAN & Océanie

Des missiles supersoniques pourraient perturber l’« l’équilibre des pouvoirs » en Mer de Chine du Sud

Les intérêts importants qu’ont la Russie et l’Inde à vendre leurs missiles de croisières supersoniques BrahMos, produits conjointement, à des États entretenant des différends territoriaux avec la Chine, pourraient complètement remettre en cause l’« équilibre des pouvoirs » qui a jusqu’ici empêché l’éclatement d’une guerre, tout comme pourrait le faire toute tentative étasunienne de les dépasser en livrant le même type d’armement dans la région.

La déstabilisation par l’« armée Arakan » de l’État Rakhine du Myanmar

Au Myanmar [que les médias dominants s’obstinent en occident à nommer « Birmanie », préférant l’appellation néocolonialiste à l’auto-détermination des nations, NdT], l’État Rakhine est connu mondialement comme la région où les efforts contre-terroristes menés par l’armée en 2017 avaient amené à l’exode de plus d’un demi-million de « Rohingyas », mais à présent c’est devenu le dernier front en date dans la longue guerre civile, l’« armée Arakan«  y ayant mené des assauts tout au long de l’année 2019.

La compétition sino-australienne dans le Pacifique Sud

Il est très peu probable que la compétition sino-australienne en cours, visant à gagner l’influence sur le Pacifique Sud (encouragée qu’est l’Australie dans ce jeu par les États-Unis d’Amérique), puisse voir baisser son intensité en 2020 : la constellation de petits États insulaires à faible population continuera de faire l’objet d’une attention mondiale accrue. [A noter que la Chine est le 1er client de l’Australie ce que met cett dernière sur le grill sans jeux de mots, NdSF]

Monde

Les organisations d’intégration régionales sont d’une importance plus grande que jamais

La plus grande partie du monde fait de nos jours partie de blocs d’intégrations politiques et/ou économiques régionaux — ACEUM, Alliance Pacifique, Mercosur, UE, Union Eurasienne, AfCFTA, CCG, SAARC, OCS, ASEAN, OBOR, RCEP —, ce qui amène à l’émergence de relations entre blocs (en opposition aux relations purement inter-nationales) comme vecteur de changement mondial.

Le retour de Kissinger

La stratégie étasunienne kissingerienne de « diviser pour mieux régner » devient relativement plus facile à mener qu’au cours des quelques années passées, du fait du développement de plusieurs lignes de failles entre l’Europe occidentale et centrale, entre la Turquie et ses voisins, entre la Chine et l’Inde, et le vacillement de l’« exercice d’équilibre » russe, parmi d’autres.

Le « grand partenariat eurasiatique » (GEP) constitue le meilleur espoir du supercontinent

Le meilleur espoir de réduire les conséquences déstabilisantes des résurgences de la stratégie ravivée kissingerienne étasunienne réside dans l’intégration par le GEP russe du supercontinent, sur une base bloc-à-bloc. Sa réussite dépend cependant fortement de la capacité de Moscou à recalibrer son « exercice d’équilibre », et de la décision de l’Inde de s’allier ou de contrer ce projet.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

  1. 1) 2) Accord Canada–États-Unis–Mexique, en anglais USMCA
  2. Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (communément appelé Accord de libre-échange d’Amérique centrale, ALÉAC, en anglais CAFTA-DR

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