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mercredi, 06 octobre 2021

L'UE tente de s'implanter dans la région indo-pacifique

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L'UE tente de s'implanter dans la région indo-pacifique

Leonid Savin

Ex: https://www.geopolitica.ru/article/es-rvetsya-v-indo-tihookeanskiy-region

Le 16 septembre, la Commission européenne a publié la stratégie de l'UE pour la coopération dans la région indo-pacifique. Auparavant, le 19 avril, l'UE avait déjà déclaré son intérêt pour cette zone, en notant que la communauté souhaitait renforcer son implication dans l'espace indo-pacifique, pour lequel des approches et des principes d'engagement seraient développés.

Facteurs rationnels

Le document indique que l'avenir de l'UE et de la région indo-pacifique est inextricablement lié, compte tenu de l'interdépendance des économies et des défis mondiaux communs. La région comprend sept membres du G20 - l'Australie, la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la République de Corée et l'Afrique du Sud - ainsi que l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE), qui est un partenaire de plus en plus important pour l'UE. La région abrite les trois cinquièmes de la population mondiale, produit 60 % du PIB mondial, représente deux tiers de la croissance économique mondiale pré-pandémique et est à l'avant-garde de l'économie numérique. Les régions ultrapériphériques de l'UE et les pays et territoires d'outre-mer constitutionnellement liés à ses États membres constituent un élément important de l'approche de l'UE vis-à-vis de la région indo-pacifique.

Les bureaucrates de Bruxelles ont également inclus un programme vert dans la stratégie, déclarant dans le premier paragraphe que "la région indo-pacifique est à la fois une source importante de problèmes environnementaux mondiaux et un bénéficiaire potentiel de leur solution. La part de la région dans les émissions mondiales de dioxyde de carbone est passée de 37 % à 57 % depuis 2000, et la région sera responsable de plus de 70 % de la croissance de la demande énergétique mondiale d'ici à 2030. On s'attend à ce que le changement climatique exerce une pression supplémentaire sur la biodiversité marine, les ressources naturelles et la pêche, entraînant des changements dans la dynamique des écosystèmes. La région Indo-Pacifique comprend un certain nombre de points chauds en matière de biodiversité marine, comme le Triangle de Corail, qui abrite 76 % des espèces de coraux du monde et fait vivre 120 millions de personnes dans la région. À elle seule, la mer de Chine méridionale représente environ 12 % des captures mondiales de poissons et accueille plus de la moitié des navires de pêche du monde. La région est donc essentielle pour atténuer le changement climatique et protéger le fragile équilibre écologique de notre planète.

Elle est suivie d'une attaque ouverte contre la Chine.

"Ces dernières années, la dynamique géopolitique dans la région indo-pacifique a entraîné une concurrence accrue, notamment des tensions autour de territoires et de zones maritimes contestés. La part de l'Indo-Pacifique dans les dépenses militaires mondiales est passée de 20 % du total mondial en 2009 à 28 % en 2019. Une démonstration de force et des tensions accrues dans les points chauds régionaux, tels que la mer de Chine méridionale et orientale et le détroit de Taiwan, pourraient avoir un impact direct sur la sécurité et la prospérité de l'Europe. On constate également une augmentation des menaces hybrides, notamment dans le domaine de la cybersécurité. Les principes démocratiques et les droits de l'homme sont également menacés par les régimes autoritaires de la région, ce qui met en péril la stabilité de la région. De même, les efforts visant à créer des conditions de concurrence équitables au niveau mondial sur la base de règles commerciales transparentes sont de plus en plus compromis par des pratiques commerciales déloyales et la coercition économique. Ces évolutions exacerbent les tensions dans le commerce, l'approvisionnement et les chaînes de valeur. La pandémie de COVID-19 a mis à l'épreuve la résilience des économies, révélant davantage l'interdépendance de l'UE et des partenaires indo-pacifiques et soulignant que les deux parties gagnent en résilience grâce à un accès ouvert, diversifié et non faussé aux marchés mondiaux. Enfin, la crise actuelle en Afghanistan démontre également l'impact direct que les développements dans la région ont sur la sécurité européenne."

Libéralisme centré sur l'Occident

S'appuyant sur ces facteurs, l'UE déclare qu'elle doit renforcer sa coopération avec ses partenaires dans la région pour "promouvoir un ordre international fondé sur des règles". Avec cette phrase, les bureaucrates de l'UE montrent clairement qu'ils suivent les traces de Washington, où ils ne cessent de désigner un ordre international fondé non pas sur des lois et des accords, mais sur les règles que l'Occident collectif tente d'imposer au reste du monde.

Ce seront les principes sur lesquels l'UE fondera sa stratégie à long terme en Asie.

Il est indiqué que l'UE va :

- Renforcer et défendre un ordre international fondé sur des règles en promouvant une coopération multilatérale inclusive et efficace, basée sur des valeurs et des principes communs, y compris un engagement en faveur du respect de la démocratie, des droits de l'homme et de l'État de droit.

- Promouvoir des conditions de concurrence équitables et un environnement ouvert et juste pour le commerce et l'investissement ; - Contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), en s'attaquant au changement climatique et à la dégradation de l'environnement sur terre et dans les océans, et soutenir.

- Soutenir une élaboration des politiques et une coopération véritablement inclusives qui tiennent compte des points de vue de la société civile, du secteur privé, des partenaires sociaux et d'autres parties prenantes clés.

- Établir avec la région des relations commerciales et économiques mutuellement bénéfiques qui favorisent une croissance économique et une stabilité inclusives, et facilitent et encouragent la communication.

- Participer dans la région en tant que partenaire à nos efforts de sensibilisation à l'impact des tendances démographiques mondiales.

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Mise en œuvre pratique

En s'appuyant sur l'expérience antérieure de l'UE en matière d'accords multilatéraux, l'accent sera probablement mis sur la réglementation tarifaire des biens et des services, y compris le système de préférences généralisées, qui est déjà en place pour un certain nombre de pays. Le Pakistan, le Sri Lanka et les Philippines coopèrent déjà avec l'UE dans le cadre de l'accord SPG+ (qui porte sur le développement durable et la gouvernance). L'UE n'a jamais caché son intention de conclure des accords commerciaux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui appartiennent au bloc occidental, selon le schéma de civilisation de Samuel Huntington. L'Inde, avec laquelle des négociations ont déjà été engagées cette année, se distingue également. L'instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (NDICI) - Global Europe, une initiative lancée par le Parlement européen et le Conseil de l'Europe le 9 juin 2021, a un programme environnemental clair et s'inscrit dans la géographie de la région indo-pacifique.

En outre, l'UE entend conclure des partenariats numériques avec des acteurs clés tels que le Japon, la Corée du Sud et Singapour. Avec eux, l'intention est de tester le modèle initial et de l'étendre ensuite au reste des pays.

Le programme Erasmus+ sera appliqué à l'éducation. En matière de sécurité, l'expérience de l'EU NAVFOR dans diverses missions sera étendue de l'océan Indien au Pacifique. L'UE va tenter d'établir une présence dans le Pacifique Sud sous couvert de lutte contre la piraterie, la contrebande et le trafic de drogue. L'UE dispose également d'un projet intitulé "Enhancing Security Cooperation in and with Asia" (ESIWA), dans le cadre duquel l'Inde, l'Indonésie, le Japon, la Corée, Singapour et le Vietnam sont des partenaires pilotes. Des experts militaires de l'UE sont déjà déployés en Indonésie et au Vietnam.

La liste des actions prévues par l'UE comprend la nécessité de finaliser les négociations commerciales avec l'Australie, l'Indonésie et la Nouvelle-Zélande, de tenir des négociations sur les investissements avec l'Inde, de conclure les négociations avec les pays d'Afrique de l'Est, de relancer éventuellement les négociations commerciales avec la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande et de négocier éventuellement un accord commercial entre les régions avec l'ANASE. Des accords éventuels avec la Malaisie, la Thaïlande et les Maldives, ainsi que la conclusion d'alliances et d'accords verts, sont envisagés. Australie, Nouvelle-Zélande,

Singapour, la Corée et le Japon sont indiqués comme des pays ayant une pensée similaire qui pourraient être connectés au programme Horizon Europe. Le Japon et l'Inde sont considérés comme des partenaires importants pour établir des liens avec la région. Enfin, la nécessité d'"explorer les moyens d'assurer un déploiement accru de forces navales par les États membres de l'UE pour aider à protéger les lignes de communication maritimes et la liberté de navigation dans la région indo-pacifique, tout en renforçant les capacités de sécurité maritime des partenaires dans la région indo-pacifique" est mentionnée.

Étant donné que la Chine est à peine mentionnée parmi ces partenaires et partenaires potentiels (uniquement dans le cadre de la nécessité de réduire les émissions de dioxyde de carbone et en tant que sujet de conflits), on peut en conclure que l'UE renforcera clairement sa présence face à la RPC, notamment en raison du recours déclaré à un "ordre international fondé sur des règles" et de la volonté de déployer des forces navales pour garantir la liberté de navigation. Ces actions des États-Unis n'ont fait jusqu'à présent qu'accroître les tensions et les risques en mer de Chine méridionale et autour de Taïwan. L'UE veut clairement marcher sur les mêmes plates-bandes.

Enfin, il y a un esprit clair de néocolonialisme dans la nouvelle stratégie, même s'il est dissimulé derrière des phrases sur la coopération et l'égalité.

vendredi, 01 octobre 2021

L’OTAN et sa projection AUKUS

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L’OTAN et sa projection AUKUS

par Georges FELTIN-TRACOL

François Hollande n’a jamais eu de chance. Tout ce qu’il a entrepris en tant que président de la République vire au fiasco en cascade. L’annulation surprise par l’Australie du contrat mirobolant de vente de sous-marins en est un nouvel exemple. Le désaveu est aussi cinglant pour l’actuel ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui l’avait négocié en tant que ministre de la Défense. Mortifié par la décision du Premier ministre australien Scott Morrison, Emmanuel Macron a ordonné le rappel immédiat et pour une durée indéterminée des ambassadeurs français en poste à Canberra et à Washington. En effet, l’Australie préfère la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire de fabrication étatsunienne.

Doit-on être surpris de ce choix qui prouve le double discours anglo-saxon ? Certes, ce matériel n’entre pas dans le cadre du traité de non-prolifération nucléaire signé par l’Australie. Mais si la Chine avait donné le même type d’engin à Téhéran ou à Pyongyang, Washington aurait dénoncé un manquement grave aux traités internationaux.

Ce nouveau coup de Trafalgar présente plusieurs avantages pour l’Anglosphère. Il fragilise d’abord tout développement d’une industrie de défense française et européenne émancipée des États-Unis. La Suisse préfère acheter les avions de combat de l’Oncle Sam plutôt que des Rafale bien plus performants. Les Britanniques taclent le gouvernement français au moment où s’accentuent les tensions à propos des traversées clandestines de migrants et des zones de pêche dans la Manche. Dans la perspective du troisième référendum d’autodétermination du 12 décembre prochain en Nouvelle-Calédonie, les Anglo-Saxons travaillent à la fin de la présence française en Océanie. Ils encouragent en sous-main les indépendantismes kanak et polynésien et favorisent la prolifération des sectes évangéliques sur place.

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L’annulation du contrat français consacre enfin la nouvelle alliance appelée AUKUS en raison des initiales anglaises de ses membres. Cette nouvelle « Triple Alliance » belliciste des antipodes vise à contrer l’activisme diplomatique chinois en Océanie aux dépens de Taïwan. Elle regroupe l’Australie, les États-Unis qui ont dans la région l’île de Guam, les Samoa américains, et la fédération des îles Marianne du Nord, et la Grande-Bretagne présente dans le Pacifique-Sud par, d’un côté, sa possession autonome de Pitcairn et, d’un autre, par des États du Commonwealth (îles Salomon, Samoa occidentales, Karibati, Tuvalu, Nauru, Vanuatu et les Fidji). La conclusion de ce pacte est le premier succès diplomatique engrangé d’un Royaume-Uni hors du carcan bruxellois. Quant à l’Australie, elle a l’habitude de suivre Washington. Des troupes australiennes ont combattu au Vietnam et en Irak.

Rendu public le 15 septembre 2021, le pacte ANKUS se substitue au traité de sécurité militaire dans le Pacifique signé à San Francisco le 1er septembre 1951 entre l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande appelé ANZUS. Il cessa de fait en août 1986 quand les États-Unis suspendirent leur engagement à l’égard de la Nouvelle-Zélande travailliste, écologiste et pacifiste, qui refuse depuis l’accueil dans ses ports de tout bâtiment nucléaire. À l’échelle de l’aire Asie – Pacifique, AUKUS devient la clé de voûte stratégique d’une coopération militaire esquissée autour du QUAD (Groupe quadrilatéral de coordination de la défense) qui rassemble les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde. Il s’agit d’un retour partiel à l’OTASE (Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est) qui, de 1954 à 1977, réunissait dans une volonté de contrer l’URSS et la Chine populaire l’Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, la Thaïlande et le Pakistan qui s’en retira en 1973. Ces nouvelles manigances géo-diplomatiques entendent maintenant contenir la Chine, la Russie et la Corée du Nord, voire le Myanmar…

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Il faut par ailleurs rapprocher ces deux dispositifs asiatique et océanien à l’échelle intercontinentale avec les « accords d’Abraham » conclus en 2020. La reconnaissance de l’État d’Israël par des pays arabes et musulmans comme Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan qui rejoignent l’Égypte et la Jordanie, renouvelle avec de nouveaux partenaires le fameux « Pacte de Bagdad » du 24 février 1955 signé entre la Turquie et l’Irak et qui devint avec l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Iran et du Pakistan la CENTO (ou Organisation du traité central) disparue en 1979. Les accords d’Abraham s’opposent au jeu régional de l’Iran, de l’Irak, de la Turquie, de la Syrie, de la Russie et de l’Afghanistan.

AUKUS et accords d’Abraham participent ainsi au projet géopolitique mondial des néo-conservateurs. Le pacte AUKUS renforce les liens étroits tissés entre les services de renseignement, civils et militaires, étatsuniens, britanniques, australiens, néo-zélandais et canadiens au cours du dernier demi-siècle dans le cadre des Five Eyes (les « Cinq Yeux »). Il offre à l’OTAN aujourd’hui composée de trente membres parmi lesquels la Slovaquie, le Monténégro, la Macédoine du Nord ou l’Albanie bien connus pour leurs magnifiques plages donnant sur l’Atlantique, une dimension planétaire. George W. Bush rêvait que le Japon ou l’Australie, déjà liés dans le cadre du « Partenariat global » otanien, intégrassent une « OTAN globale ». La France de Jacques Chirac s’y opposa fermement et fit capoter l’extension planétaire de l’organisation atlantiste. Elle en paie désormais le prix.

Paris aura beau réclamer une armée européenne; cela restera un vœu pieux. Les dirigeants des États-membres de l’Union dite européenne restent les fidèles laquais de l’Alliance Atlantique. Les réseaux atlantistes occupent par ailleurs une place non négligeable dans la haute-administration, la presse, les affaires, la haute-hiérarchie militaire et le personnel politicien ainsi que dans les banlieues de l’immigration. Les gesticulations diplomatiques françaises expriment surtout une vaine déception colérique. De plus en plus dépendant de la logistique étatsunienne, l’Hexagone ne peut plus se permettre de rompre avec l’Ogre atlantiste. Qu’Emmanuel Macron le comprenne bien, la gifle australienne qu’il vient de recevoir n’est que la première d’une longue série de baffes diplomatiques.  

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 3, mise en ligne le 28 septembre 2021 sur Radio Méridien Zéro.

mardi, 30 mars 2021

Le meilleur des mondes de Jacinda Ardern

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Le meilleur des mondes de Jacinda Ardern

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Bien que située aux antipodes d’un Occident plus que jamais porteur de son propre déclin, la Nouvelle-Zélande préfigure certainement l’avenir édifiant souhaité par l’idéologie globalitaire.

Ce cauchemar en cours prend les traits avenants du Premier ministre néo-zélandais Jacinda Ardern. Née en juillet 1980, elle gouverne l’archipel austral depuis octobre 2017. La grasse presse officielle aux ordres de l’hyper-classe considère déjà la responsable travailliste comme l’une des personnalités les plus influentes au monde. Elle la compare à Angela Merkel. Élevée dans une famille mormone, la jeune Jacinda abandonne la foi familiale pour l’incroyance quand elle apprend que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours n’approuve pas l’homosexualité. Elle a toujours montré de la sympathie pour l’idéologie LGBTQXYZ etc. Trois membres de son second gouvernement appartiennent d’ailleurs à des minorités sexuelles. Cette féministe engagée a un compagnon, le géniteur de leur fille, qui joue maintenant au père au foyer modèle.

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Ouvertement cosmopolite et multiculturaliste, Jacinda Ardern soutient en septembre 2019 aux côtés des dirigeants des Fidji, de l’Islande, de la Norvège et du Costa Rica (des poids hyper-lourds de la scène internationale) un accord sur le changement climatique, le commerce mondial et la « durabilité » ou comment obtenir sans trop de dégâts le beurre, l’argent du beurre, voire le sourire de la crémière…

En Nouvelle-Zélande, il est habituel que les membres du gouvernement exercent plusieurs fonctions ministérielles à la fois. L’équipe de Jacinda Ardern ne déroge pas à la règle. Tout en étant « Première ministresse » (féminise-t-on ou pas les titres ?), elle occupe les ministères de la Sécurité nationale et du Renseignement, de la Réduction de la pauvreté infantile, des Services ministériels ainsi que du ministère associé à la Culture, à l’Héritage et au Patrimoine. Suite à la fusillade dans la mosquée de Christchurch en mars 2019, elle a fait interdire la vente et la détention de fusils d’assaut et d’armes semi-automatiques. Elle a aussi limité la liberté d’expression sur Internet. Cette limitation ne concerne bien sûr qu’un segment particulier de l’opinion publique, celui qui s’oppose à la mondialisation. Elle n’hésite pas à soumettre l’auteur de l’attaque anti-musulmane à des tortures psychologiques propres au sadisme anglo-saxon : on l’empêche de lire la presse, d’écouter la radio et de regarder la télévision en cellule. Il n’a même pas le droit de visite ! Est-il ainsi exclu du champ de l’humanité ? Pourquoi un violeur d’enfants, un trafiquant de drogue, un tueur de personnes âgées ne subissent-ils pas ce même traitement dégradant profondément discriminatoire ?

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Ce triste cas de détention se multiplie avec la pandémie de covid-19. Jacinda Ardern s’est tellement surpassée dans l’actuelle crise sanitaire qu’elle peut prétendre au prestigieux Prix Guantanamo de l’assignation à résidence. Malgré son insularité, la Nouvelle-Zélande connaît des périodes répétées, plus ou moins longues, de confinement. Outre le transport aérien, un passeport vaccinal nommé « certificat de santé numérique » disponible sur une application est obligatoire pour prendre le bus, le train ou le taxi. Le patron du Forum de Davos, Klaus Schwab, en rêve; Jacinda Ardern le fait !

Bien entendu, grands benêts devant l’Éternel, les électeurs néo-zélandais ont reconduit le Parti travailliste, donc Jacinda Ardern, au pouvoir avec une étonnante majorité absolue en octobre 2020. Il faut reconnaître que l’ensemble du système médiatique local n’a pas mégoté son aide quasi-officielle à la nouvelle diva intercontinentale de la sociale-démocratie épuisée.

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Si son chef du gouvernement cache mal son républicanisme, la Nouvelle-Zélande demeure une monarchie dont le souverain n’est autre que la reine Elizabeth II. Jacinda Ardern pourrait néanmoins renoncer à son idéal républicain dans une perspective cosmopolite plus dévastatrice encore. Qu’Auckland se sépare du palais de Buckingham tout en restant une royauté et l’actuelle « Première ministresse » placerait alors sur le nouveau trône un couple de prolétaires réfugiés en Californie : Meghan Markle et Henry Mountbatten-Windsor.

Georges Feltin-Tracol

« Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 207, mise en ligne sur TVLibertés, le 23 mars 2021.

00:34 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacinda ardern, nouvelle-zélande, océanie, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 08 janvier 2020

Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région

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Les grandes tendances géopolitiques de 2020, région par région


Par Andrew Korybko 

Source oneworld.press

Ex: https://www.lesakerfrancophone.fr

La nouvelle année constitue une opportunité idéale d’attirer l’attention sur les trois tendances géopolitiques les plus importantes pour chaque région, qui pourraient fortement influencer la course des événements au cours des 12 mois à venir.

Amérique du Nord

Trump tenté (piégé?) par Les Démocrates vers une nouvelle guerre

Les périodes d’élections présidentielles constituent systématiquement un moment très sensible en matière de politique étrangère étasunienne : le président sortant (s’il y en a bien un cette fois-ci) essaye en général d’éviter de se faire prendre dans des missions controversées à l’étranger, cependant que l’opposition fait tout son possible pour le pousser à commettre une intervention en vue de faire baisser ses chances de ré-élection.

La possible désignation par les États-Unis des cartels de drogue comme terroristes

Sur les exhortations de son homologue mexicain, Trump a remis dans sa poche sa décision controversée de désigner les cartels de drogue comme terroristes, mais il pourrait la ressortir cette année pour améliorer ses chances de ré-élection, en dépit des conséquences qu’une telle décision pourraient engendrer dans les relations bilatérales avec le Mexique.

L’impact économique de l’ACEUM

On s’attend à ce que la mise en œuvre de l’ACEUM1 (« NAFTA 2.0 ») porte des impacts très positifs sur les économies des trois pays impliqués, chose qui, conjuguée avec une stabilisation relative de la situation au Mexique, pourrait propulser Trump vers un deuxième mandat, en particulier sur le dossier de l’immigration illégale motivée par des raisons économiques vers les États-Unis.

Amérique latine

Possible diffusion du « printemps sud-américain »

L’éclatement à différents niveaux d’une révolte authentiquement populaire dans plusieurs pays d’Amérique du Sud au cours des derniers mois de l’année 2019 peut se diffuser sur le reste du continent, la question qui occupe l’esprit de la plupart des observateurs étant de savoir si le Brésil de Bolsonaro sera épargné par ce scénario.

La poursuite de l’« Opération Condor 2.0 »

Aucun doute que la guerre hybride fomentée par les États-Unis d’Amérique à l’encontre des gouvernements multipolaires-socialistes de cet hémisphère va se poursuivre en 2020, avec le Venezuela, Cuba et le Nicaragua en cibles de premier plan, suite à la réussite de l’opération de changement de régime sur Morales, le président de Bolivie allié de ces pays, en 2019.

La « Citadelle Amérique »

À l’arrière de ses réussites géopolitiques de la décennie écoulée, les États-Unis vont tâcher d’institutionnaliser leur hégémonie fortement rétablie sur l’Amérique latine, au travers d’accord commerciaux bilatéraux bloc à bloc entre l’ACEUM (déjà rattachée à l’ALÉAC2, l’Alliance Pacifique, et le Mercosur, afin de créer une méga-région pro-États-Unis.

Europe

La montée des « Trois Mers »

L’« Initiative des trois mers« , soutenue par les États-Unis et dirigée par la Pologne, va poursuivre sa montée en puissance en matières géopolitique, militaire et économique ; il s’agit d’une cale étasunienne visant à empêcher tout rapprochement non approuvé par Washington entre l’Europe occidentale et la Russie.

La bataille du pouvoir post-Brexit au sein de l’Union européenne

Les traits que prendra de facto le pouvoir politique dans l’UE post-Brexit ne sont pas encore bien distincts, mais il pourrait s’agir ou bien d’une poursuite de l’hégémonie allemande, de l’émergence de la France comme rivale de celle-ci, ou d’une division entre une Europe franco-allemande à l’Ouest et une Europe centrale menée par la Pologne (EuroLibéraux contre EuroRéalistes).

La triangulation des relations commerciales

L’UE constitue un des angles du triangle économique mondial, complété par les États-Unis et la Chine, mais il faut s’attendre à ce que les États-Unis fassent pression sur l’UE pour qu’elle prenne ses distances avec la Chine, suite à la conclusion de la « première phase » de leur accord commercial plus étendu, ou qu’elle assume sa propre possible guerre commerciale contre Trump.

Afrique

La crise des États faillis en Afrique de l’Ouest

Le triangle des frontières Mali-Burkina Faso-Niger est devenu le nouveau « Syrak« , au sens où cet espace constitue une zone stratégique, sans loi mais très étendue, comprenant des millions de personnes, déstabilisée par les menaces terroristes. Les conséquences pourraient déboucher sur une réaction en chaîne d’États faillis et de crises migratoires.

Les élections à venir en Éthiopie

L’Éthiopie va connaître des élections en 2020, qui sont largement décrites comme les plus libres et les plus justes de l’histoire récente de ce pays ; mais le risque est que les lignes de fracture ethnoreligieuses exacerbées par le premier ministre Abiy, lauréat du prix Nobel de la paix, s’approfondissent à l’issue de l’élection et plongent le pays dans une totale « Balkanisation ».

Le conflit de Cabo Delgado au Mozambique

Qu’on en attribue les causes à des terroristes étrangers, à des insurgés locaux, ou à une combinaison des deux, le conflit de Cabo Delgado au Mozambique semble voué à s’empirer en 2020 ; ce qui pourrait porter à conséquences en matière de sécurité sur le plan régional : la communauté Est-africaine est une voisine proche, mais aussi sur le plan mondial, le pays hébergeant d’immenses projets d’extraction de Gaz naturel liquéfié.

Moyen Orient-Afrique du Nord

Ça passe ou ça casse pour le « néo-ottomanisme »

La grande ambition stratégique de la Turquie, visant à rétablir sa sphère d’influence historique, sera mise à l’épreuve en Méditerranée orientale, avec d’une part la construction de l’oléoduc GRISCY par ses rivaux régionaux, et d’autre part, au-delà les étendues maritimes d’Afrique du Nord, sur le dossier incertain de la survie des autorités pro-Ankara à Tripoli.

Le « Nouveau Moyen-Orient »

La baisse d’intensité des guerres en Syrie et au Yémen pourrait déboucher sur un accord tacite de l’ensemble des parties prenantes, tant intra qu’extra-régionales (on pense à la Russie, à la Chine et aux États-Unis dans cette seconde catégorie) quant à un nouveau statu quo régional, qui pourrait même connaître l’influence de l’« Accord du Siècle » de Trump.

Une réconciliation du CCG

Des étapes petites mais réelles ont été actées au cours des dernières semaines dans la perspective d’une réconciliation du Conseil de Coopération du Golfe, entre le Qatar et ses partenaires dans l’organisation (en premier chef, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis), mais ce processus pourrait n’en être qu’à ses débuts ; et le débouché final sera corrélé aux liens futurs de Doha avec Ankara.

Ex-URSS

Vacillement du « numéro d’équilibriste » de la Russie

La Russie va devoir recalibrer son exercice d' »équilibrage » si elle veut espérer poursuivre cette stratégie de manière crédible, suite à son pivot vers l’Inde, et suite à l’hypothèse très sérieuse d’une vente de missile BrahMos à des prétendants sur la Mer de Chine, comme les Philippines ; la situation de confiance avec la Chine, durement gagnée au cours des deux décennies passée, en dépend.

L’Asie centrale poursuit son intégration régionale tous azimuts

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale progressent dans leur intégration régionale tous azimuts dans la lignée des réformes pragmatiques en matière de politique étrangère pratiquées par Mirziyoyev, le nouveau président de l’Ouzbékistan, qui ont établi une atmosphère de confiance facilitant la participation volontaire de ces pays à l’OTSC, à l’OCS et aux Nouvelles routes de la soie.

Fin du « numéro d’équilibriste » du Bélarus

Le Bélarus va se voir pressé de choisir entre, d’une part, rester membre des processus d’intégration menés par la Russie, ou d’autre part s’associer aux processus soutenus par les États-Unis et l’UE (« initiative des trois mers » y compris) : ce n’est pas là la résultante d’une « ingérence russe » mais simplement l’échec du « numéro d’équilibriste » de Lukashenko en 2019.

Asie du Sud

Un accord de paix afghan déclencherait un changement de paradigme

On assisterait à un vrai changement de paradigme en matière géostratégique régionale, si les États-Unis réussissaient à conclure un accord de paix avec les Talibans, qui conjuguerait la montée en puissance des parties prenantes multipolaires dans cet État enclavé perclus par la guerre, avec un basculement de l’approche régionale étasunienne, d’un axe militaire vers un axe économique.

Des progrès tangibles sur CPEC+

On assistera très probablement à une expansion du corridor économique Chine-Pakistan en direction du Nord, de l’Ouest et du Sud (respectivement, N-CPEC+, W-CPEC+, et S-CPEC+) courant 2020, l’État pivot mondial du Pakistan commençant lentement mais sûrement à intégrer cette vision dans son approche stratégique générale.

Implosion interne en Inde

Les tentatives du parti BJP au pouvoir d’imposer une « Hindu Rashtra«  à l’État constitutionnel séculaire ont provoqué un niveau de tumulte ethnique, religieux, séparatiste et politique sans précédent depuis la tristement célèbre « urgence » de l’Inde au cours des années 1975-1977 ; la situation va sans doute s’empirer, l’État doublant la mise en matière de violences, et l’économie poursuivant son déclin.

Asie orientale

Implications indo-japonaises dans le grand Est russe

Le « Couloir maritime Vladivostok-Chennai«  (VCMC) va faire monter l’influence de l’Inde sur le grand Est de la Russie, et une percée dans la conclusion d’un accord de paix russo-japonais pourrait en faire autant pour Tokyo, les deux nations asiatiques alliées pouvant aller jusqu’à inviter la Russie à rejoindre leur « Couloir de croissance Asie-Afrique » (AAGC).

« Deuxième Phase » de l’accord commercial?

On ne sait pas encore quand, ni même si, les États-Unis et la Chine conviendront d’une « seconde phase » de leur accord commercial élargi, cette variable étant d’une influence considérable quant à leurs relations en 2020, ainsi que sur l’état de leurs économies.

Le point d’interrogation coréen

Nul ne sait vraiment ce que décidera la Corée du Nord, mais tout recul sur son engagement symbolique à la dénucléarisation pourrait porter à des conséquences très déstabilisantes pour la région, du fait de la réaction que cela pourrait engendrer de la part des États-Unis, en particulier si Trump accuse la Chine d’exercer de supposées pressions sur son partenaire pour qu’il « se comporte mal ».

ASEAN & Océanie

Des missiles supersoniques pourraient perturber l’« l’équilibre des pouvoirs » en Mer de Chine du Sud

Les intérêts importants qu’ont la Russie et l’Inde à vendre leurs missiles de croisières supersoniques BrahMos, produits conjointement, à des États entretenant des différends territoriaux avec la Chine, pourraient complètement remettre en cause l’« équilibre des pouvoirs » qui a jusqu’ici empêché l’éclatement d’une guerre, tout comme pourrait le faire toute tentative étasunienne de les dépasser en livrant le même type d’armement dans la région.

La déstabilisation par l’« armée Arakan » de l’État Rakhine du Myanmar

Au Myanmar [que les médias dominants s’obstinent en occident à nommer « Birmanie », préférant l’appellation néocolonialiste à l’auto-détermination des nations, NdT], l’État Rakhine est connu mondialement comme la région où les efforts contre-terroristes menés par l’armée en 2017 avaient amené à l’exode de plus d’un demi-million de « Rohingyas », mais à présent c’est devenu le dernier front en date dans la longue guerre civile, l’« armée Arakan«  y ayant mené des assauts tout au long de l’année 2019.

La compétition sino-australienne dans le Pacifique Sud

Il est très peu probable que la compétition sino-australienne en cours, visant à gagner l’influence sur le Pacifique Sud (encouragée qu’est l’Australie dans ce jeu par les États-Unis d’Amérique), puisse voir baisser son intensité en 2020 : la constellation de petits États insulaires à faible population continuera de faire l’objet d’une attention mondiale accrue. [A noter que la Chine est le 1er client de l’Australie ce que met cett dernière sur le grill sans jeux de mots, NdSF]

Monde

Les organisations d’intégration régionales sont d’une importance plus grande que jamais

La plus grande partie du monde fait de nos jours partie de blocs d’intégrations politiques et/ou économiques régionaux — ACEUM, Alliance Pacifique, Mercosur, UE, Union Eurasienne, AfCFTA, CCG, SAARC, OCS, ASEAN, OBOR, RCEP —, ce qui amène à l’émergence de relations entre blocs (en opposition aux relations purement inter-nationales) comme vecteur de changement mondial.

Le retour de Kissinger

La stratégie étasunienne kissingerienne de « diviser pour mieux régner » devient relativement plus facile à mener qu’au cours des quelques années passées, du fait du développement de plusieurs lignes de failles entre l’Europe occidentale et centrale, entre la Turquie et ses voisins, entre la Chine et l’Inde, et le vacillement de l’« exercice d’équilibre » russe, parmi d’autres.

Le « grand partenariat eurasiatique » (GEP) constitue le meilleur espoir du supercontinent

Le meilleur espoir de réduire les conséquences déstabilisantes des résurgences de la stratégie ravivée kissingerienne étasunienne réside dans l’intégration par le GEP russe du supercontinent, sur une base bloc-à-bloc. Sa réussite dépend cependant fortement de la capacité de Moscou à recalibrer son « exercice d’équilibre », et de la décision de l’Inde de s’allier ou de contrer ce projet.

Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.

Traduit par José Martí pour le Saker Francophone

  1. 1) 2) Accord Canada–États-Unis–Mexique, en anglais USMCA
  2. Accord de libre-échange entre l’Amérique centrale, les États-Unis d’Amérique et la République dominicaine (communément appelé Accord de libre-échange d’Amérique centrale, ALÉAC, en anglais CAFTA-DR

mercredi, 11 septembre 2019

L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

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L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone

L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.

Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.

On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,

Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.

Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.

Pour en savoir plus, voir

https://www.strategic-culture.org/news/2019/09/02/america...

L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation

Note au 05/09

Il convient de relativiser l'impuissance américaine  en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres.  L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est

https://www.asiatimes.com/2019/09/article/us-asean-float-...

 

mercredi, 17 janvier 2018

L'Australie entre les Etats-Unis et la Chine

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L'Australie entre les Etats-Unis et la Chine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'Australie et la Chine ont à peu près la même superficie. Mais avec ses 24 millions d'habitants, elle ne pèse pas au regard du 1 milliard 400 millions de Chinois. Cependant, par sa position clé dans le Pacifique, et ses nombreuses îles, elle ne peut pas être indifférente à une Chine qui ambitionne de plus en plus de se développer , au moins économiquement, en mer de Chine méridionale.

C'est sur le plan géopolitique qu'elles différent le plus. L'Australie, peuplée d'une majorité d'anglo-saxons, a joué depuis longtemps l'alliance avec les Etats-Unis. La Chine au contraire, dans le cadre du Bric notamment, coopère de plus en plus avec la Russie.

Cependant l'Australie a longtemps cru qu'elle n'aurait pas à choisir entre ses relations économiques avec la Chine et son alliance militaire avec l'Amérique. Les deux paraissaient compatibles et acceptées par les gouvernements respectifs. Cependant aujourd'hui la pression américaine se fait de plus en plus forte pour que l'Australie devienne, si l'on peut dire, un quasi membre de l'Otan, prête à des positions dures voire extrêmes, envers la Chine et la Russie.

La Chine ressent de plus en plus cette hostilité latente. Elle émet aujourd'hui des menaces économiques voilées à l'égard de Canberra, menaçant de se fermer aux exportations australiennes et d'y ralentir ses investissements. Sur le plan militaire, la Chine reproche à l'Australie de choisir systématiquement le camp américain dans les conflits latents ayant émergé en mer de Chine sud (SCS). C'est ce que vient d'affirmer le journal chinois quasi officiel le Global Times (voir référence ci-dessous) qui a avertit l'Australie qu'elle ne devait pas interférer dans les disputes territoriales dans cette région, en adoptant les positions américaines sur la liberté de navigation dans cette mer.. Sinon, elle « empoisonnerait » ses relations avec la Chine, qui adopterait de solides contre-mesures susceptible de freiner le développement économique australien.

Or la Chine est le plus grand partenaire économique de l'Australie, absorbant le tiers de ses exportations Dans le cadre d'un accord de libre-échange entré en vigueur en 2015, le commerce réciproque entre les deux pays dépasse 110 milliards de dollars annuels. De nombreux étudiants chinois sont inscrits dans les universités australiennes, où ils versent des droits importants. Les investissements chinois sont nombreux, notamment dans l'agriculture et le secteur minier. Par ailleurs, le nombre des touristes chinois en Australie ne cesse d'augmenter.

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Les militaires

Ceci n'empêche pas les militaires australiens de s'opposer de plus en plus à la Chine, l'accusant notamment de manipuler ses réseaux numériques et de développer un cyber-espionnage invasif. Les gouvernements australiens successifs, s'inspirant de ces accusations, ont interdit au géant chinois des télécommunicationssss Huawei de contribuer à la mise en place du National Broadband Network et de particper à la mise en place du réseau de câbles sous-marins entre Sydney et les iles Salomon. On notera que la Nouvelle Zélande et la Grande Bretagne accueillent au contraire favorablement les investissements de Huawai.

Par ailleurs l'Australie a multiplié ces dernières années les achats de matériels militaires américains, avec la coopération entre leurs forces armées qui en découle nécessairement. Aujourd'hui, elle s'est déclarée volontaire pour recevoir les premiers Joint Stike Fighters – ce qui n'est peut-être pas remarquons-le en passant, une décision très judicieuse, vu les ennuis de cet appareil.

L'Australie aujourd'hui est au pied du mur. Suivra-t-elle la politique américaine qui, dernièrement, sous Donald Trump, a paru préparer une guerre militaire contre la Chine, au moins en mer de Chine. Se rapprochera-t-elle en ce sens du Japon et de la Corée du Sud, si celle-ci joue - ce qui paraît aujourd'hui de moins en moins probable- le jeu de Donald Trump?

L'Australie au contraire tiendra-elle compte du fait que la Chine, dans de très nombreux domaines, est en train de devenir la première puissance mondiale, remplacer souvent les Etats-Unis en termes d'influence géopolitique? Elle aurait intérêt en ce sens a suivre l'exemple de la France, qui vient récemment d'afficher sa volonté d'augmenter ses échanges avec la Chine. D'autres pays européens, notamment l'Allemagne, font de même. Tout laisse penser que Pékin accueillera cette coopération renforcée avec faveur.

A court terme, la décision incombera à une classe politique australienne encore obsédée par la volonté de rester dans l'orbite américaine. Mais ceci pourrait changer, notamment si Donald Trump, sans être « fou », continue à donner de nouvelles preuves d'incohérence. Cela changera aussi si le dollar perd de plus en plus sa prédominance dans les échanges en faveur du yuan chions, ou à court terme, d'une devise hybride dite pétro-yuan.

Référence

Global Times. Meddling in South China Sea deepens Australia's strategic plight
http://www.globaltimes.cn/content/1082765.shtml
Voir aussi, précédemment
http://www.globaltimes.cn/content/1082291.shtml

samedi, 07 novembre 2015

Quand l’Australie s’appelait “Jave la Grande”…

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Quand l’Australie s’appelait “Jave la Grande”…

par Daniel Pardon

Ex: http://www.tahiti-infos.com & http://metamag.fr

L’histoire officielle de la découverte de l’Australie est connue : l’île continent aurait été abordée le 26 février 1606 par le Hollandais Willem Janszoon, qui navigua à bord du “Duifken” jusqu’au golfe de Carpenterie (dans les actuels “Territoires du Nord”). Il était parti en novembre 1605 de l’île de Java. Les Hollandais baptisèrent leur découverte la Nouvelle Hollande ; pourtant, elle avait déjà un autre nom de baptême, bien français, “Jave La Grande”…


La mappemonde Dauphin (1547), avec une représentation (à droite du document) de l'Australie, appelée Jave La Grande.
La mappemonde Dauphin (1547), avec une représentation (à droite du document) de l'Australie, appelée Jave La Grande.
PAPEETE, le 16 octobre 2015. L’Australie a-t-elle été découverte par les Hollandais, comme le certifie l’histoire officielle de notre grand voisin ? C’est possible, mais loin d’être certain, tant le faisceau de présomptions indiquant que d’autres marins abordèrent la grande île est dense.

A Dieppe, on savait…

Le premier nom de baptême connu et reconnu de l’Australie plaide pour une découverte antérieure : des cartographes français, qui n’avaient pas pu inventer cette terre, la firent figurer sur leurs portulans dès le milieu du XVIe siècle. La carte de Jean Rotz date de 1542 et figure, en lieu et place de l’actuelle Australie, cette terre nouvelle, baptisée du nom français de “Jave la Grande” ; un élément repris en 1546 par une autre cartographe, Pierre Desceliers, à qui l’on doit une mappemonde où figure “Jave La Grande”, que l’on retrouve encore en 1547, sur la “Harleyan World Map” ou “carte Dauphin”.
A Dieppe, plus de soixante ans avant la découverte officielle par Janszoon, les dessinateurs et cartographes auteurs de portulans savaient donc parfaitement qu’une terre immense s’étendait au sud de l’Asie du Sud-Est.
Les Français seraient-ils, dans ces conditions, les vrais découvreurs de la grande île ?

Un voyage secret en 1521

L’histoire non officielle de la découverte de l’Australie nous apprend que les Portugais organisèrent, en grand secret, au début du XVIe siècle, un voyage d’exploration dans cette région du monde. Les Lusitaniens s’étaient durablement installés en Indonésie dès 1511, puis au Timor en 1516, à 500 km seulement des côtes australiennes.
A cette époque, le traité de Tordesillas, conclu en 1494 entre l’Espagne et le Portugal, afin de séparer le monde en deux parties, l’une réservée aux Espagnols, l’autre aux Portugais, interdisait à ces derniers de naviguer dans le Pacifique Sud. Or, ceux-ci cherchaient avec avidité des épices, mais surtout de l’or et de l’argent.
Depuis Timor, le navigateur portugais Cristóvão de Mendonça entreprit, dans la plus grande discrétion, une exploration de la proche mer du sud, avec deux -ou trois- caravelles, entre 1521 et 1524, afin d’en recenser les richesses ; mais, compte tenu de l’interdit dû au traité de Tordesillas, l’expédition resta quasiment confidentielle. Rien ne devait filtrer ni “fuiter”. Après ce voyage, d’autres expéditions suivirent, les Portugais, aussi intrépides que discrets, étant apparemment parvenus à quasiment faire le tour de l’Australie.

Des noms français et portugais

A la suite de ces voyages, des cartes secrètes furent ramenées d’Asie et conservées à Lisbonne, cartes détruites lors du grand tremblement de terre de 1755 (durant lequel se perdit une bonne partie des archives du royaume).
Mais, malgré le devoir d’absolue confidentialité, dès 1540, des navigateurs et cartographes portugais venus travailler à Dieppe (dont Cristóvão de Mendonça lui-même) auraient révélé le secret de leur découverte, celle de la “Terra Australis”, à leurs confrères cartographes français.
Le port de Dieppe était alors la ville où les portulans les plus précis et les plus sophistiqués étaient dessinés. D’ailleurs, sur ces cartes de l’école de Dieppe, figurent à la fois des noms francisés et des noms portugais, preuve de l’origine des sources d’inspiration des géographes et dessinateurs dieppois, sans doute portugais pour certains d’entre eux.

Un kangourou dès 1593 !

Pour corroborer ces quasi certitudes, mentionnons les ruines de Bittangabee Bay, en Nouvelle Galles du Sud ; sur les fondations d’une construction réalisée par les premiers colons en 1844, émergent des pierres anciennes dont une est datée de 1524, possible preuve qu’une caravelle portugaise a sans doute hiverné ici.
Mieux même, en 1593, l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, fait apparaître, pour symboliser cette région, une grande île et… un kangourou ! (Un cheval pour l’Europe, un chameau pour l’Asie, un lion pour l’Afrique). On connaissait donc déjà les marsupiaux.
Enfin, les débris d’une caravelle de Cristóvão de Mendonça auraient été découverts en 1836 par des baleiniers naufragés, vers Port Fairy, dans l’Etat du Victoria (épave qui a été observée et décrite par une quarantaine de témoins jusqu’en 1880, date à laquelle on en perdit la trace).

Java Major, Java Minor

Il semble évident, à la lecture de ces éléments, que les Portugais connaissaient parfaitement bien l’existence de l’île continent, 80 ans avant sa découverte officielle ; ils lui avaient donné le nom de“Java Major” en portugais, devenu “Jave La Grande” une fois francisé à Dieppe, par opposition à l’autre île qu’était “Java Minor” (“Jave La Petite”, aujourd’hui l’île de Java, en Indonésie).
En revanche, à la lumière des informations exhumées du passé, il est assez peu probable que des Français aient pu découvrir l’Australie avant les Portugais et les Anglais (sinon en 1504, mais c’est une autre histoire dont nous vous reparlerons…). En France, les cartographes dieppois connaissaient l’existence de la Terra Australis, grâce aux indiscrétions de leurs collègues et amis portugais, longtemps avant le Hollandais Janszoon, en 1606.
“Jave La Grande” (et la secrète) fut, après le débarquement néerlandais, rebaptisée Nouvelle-Hollande, avant de prendre officiellement, en 1824, le nom d’Australie…
 

Australie : les grandes dates

- Dès le IXe siècle, à l’époque de Charlemagne donc, des navigateurs chinois ont très probablement exploré la côte nord de l’Australie. En 1290, le journal de Marco Polo fait état d’une terre riche au sud de Java.

- Dès le Xe siècle, des marins venus du Sud-Est asiatique (bugis, makassar et bajau) fréquentent régulièrement les eaux australiennes (le pays est appelé Marege) pour y pêcher des holothuries, revendues ensuite en Asie.

- Entre 1521 et 1524, le Portugais Cristóvão de Mendonça conduisit la première expédition européenne (deux ou trois caravelles) en Australie. D’autres navigateurs lusitaniens lui emboîtèrent le pas.

- En 1540, l’existence de la grande île était révélée par les Portugais aux cartographes de l’école de Dieppe, en France, cette nouvelle terre étant baptisée “Java Major” (“Jave La Grande” en français).

- En 1606, la découverte officielle est faite par Janszoon, suivi de nombreux autres navigateurs hollandais.

- En 1688, le boucanier anglais William Dampier suit et reconnaît la côte nord-ouest et finalement, après beaucoup d’autres, James Cook la “découvre” à son tour en 1770. Il accoste à Botany Bay. 18 ans plus tard, la Grande-Bretagne débarque ses premiers forçats ; une nation va naître.
 

Le frontispice de l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, publié en 1593. Sur la partie gauche du document, on distingue, pour symboliser les quatre continents connus, un cheval (en haut à droite), un chameau (en haut à gauche), un lion (en bas à droite) et un kangourou (en bas à droite). Sur la partie droite de notre document, un gros plan sur le kangourou de 1593, portant ses deux petits dans sa poche, facile à distinguer.
 
Le frontispice de l’atlas "Speculum Orbis Terrae", du Hollandais Cornelis de Jode, publié en 1593. Sur la partie gauche du document, on distingue, pour symboliser les quatre continents connus, un cheval (en haut à droite), un chameau (en haut à gauche), un lion (en bas à droite) et un kangourou (en bas à droite). Sur la partie droite de notre document, un gros plan sur le kangourou de 1593, portant ses deux petits dans sa poche, facile à distinguer.

A gauche de cette illustration, une reproduction de la première carte portugaise établie à Dieppe par Jean Rotz, en 1542. A droite, l’Australie vue par les Hollandais quasiment un siècle plus tard, aux environs de 1628. Il est clair que les Lusitaniens en savaient beaucoup plus longs que les Néerlandais !
 
 
A gauche de cette illustration, une reproduction de la première carte portugaise établie à Dieppe par Jean Rotz, en 1542. A droite, l’Australie vue par les Hollandais quasiment un siècle plus tard, aux environs de 1628. Il est clair que les Lusitaniens en savaient beaucoup plus longs que les Néerlandais !
Rédigé par Daniel PARDON
 

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dimanche, 22 septembre 2013

AUSTRALIE : PUISSANCE GAZIERE

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AUSTRALIE : PUISSANCE GAZIERE

Un nouveau premier ministre et la présidence du Conseil de Sécurité…

Michel LHOMME
Ex: http://metamag.fr
L’opposition conservatrice a remporté, il y a une semaine, les élections en Australie. Tony Abbott, qui dirige le Parti libéral australien, va succéder au travailliste Kevin Rudd à la tête du pays. Ce dernier avait remplacé la première ministre démissionnaire Julia Gillard qui avait quitté son poste fin juin après avoir perdu un vote crucial au sein de sa formation politique.

Le nouveau premier ministre australien est réputé pour son franc-parler. C’est d’ailleurs au grand étonnement de tous qu’il avait accédé à la tête de son parti. Il est en outre fermement opposé au mariage entre personnes du même sexe alors que le candidat battu, Kevin Rudd, avait fait de la légalisation du mariage gay une promesse de campagne.

 
Tony Abbott confirmera-t-il la participation de l’Australie dans la coalition anti-syrienne en tant que pays associé de l’Otan ? Sans doute : l’Australie depuis les années 90 est de toutes les coalitions de la « communauté internationale » mais surtout son rôle sera décisif puisque jusqu’à la fin de l’année, l’Australie préside le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Cette présidence et ce changement de gouvernement sont l’occasion de revenir sur l’enjeu géopolitique gazier. On pense toujours au Proche-Orient et on oublie souvent de recenser le gaz australien. Or, l'Australie dispose de 200 ans de réserves de gaz et sera en 2017 le premier producteur de gaz naturel liquéfié (GNL) au monde. Le pays recèle 11 milliards de mètres cubes de ressources gazières, chiffre qui pourrait doubler en cas d'exploration systématique des gaz de schistes. L'Australie confirme ainsi son statut de gros fournisseur de matières premières à venir. 

Un rapport, titré "Evaluation 2012 des ressources de gaz en Australie" et réalisé par Geoscience Australia, le Bureau australien des ressources et des énergies, souligne la révolution technologique qu'est en train de connaître le secteur national du gaz. Au cours des deux dernières années, les réserves de gaz de charbon ont doublé et trois projets de GNL sont actuellement en construction. L'étude évoque le gigantesque projet Ichthys dont la production annuelle sera de 8,4 millions de tonnes de GNL. Sur l'année budgétaire 2010/11, l'Australie a exporté 20 millions de tonnes de GNL, pour un total de 10,4 milliards de dollars australiens (8 milliards d'euros), principalement vers l'Asie.
 
A Sydney, ce n’est plus donc la ruée vers l’or mais la ruée vers le gaz. Sept des dix plus gros projets mondiaux de GNL actuellement en construction se trouvent en Australie. Certes, le Qatar, numéro un mondial de la production de GNL (avec 77 millions de tonnes par an en 2011), détient les troisièmes plus grosses réserves de gaz au monde mais l’Australie le talonne à la quatrième place derrière l'Indonésie et la Malaisie. Autrement dit, en dehors du Qatar et sans oublier les découvertes maritimes disputées par le Liban et Israël et les possibilités en Syrie, c’est bien dans la région Pacifique que devrait se disputer demain l’avenir énergétique du monde. 

Si le gouvernement australien pense sérieusement que son pays passera devant le Qatar avant 2020, c’est en raison de l'envolée de la demande de la Chine et surtout de l'Inde, dont les importations devraient tripler d'ici 2015. Or, à l’abri de soubresauts guerriers, l’Australie développe à fond ces infrastructures pour être prête à relever justement ce défi mondial et ce malgré la concurrence de l’Angola et de la Papouasie-Nouvelle Guinée où les coûts sont moins élevés. En effet, les coûts australiens (salaires plus élevés et taux du dollar australien) demeurent un handicap mais l'Australie a une carte en or : la stabilité de son système politique, un haut niveau de sécurité pour le personnel, des droits de propriété bien établis, un cadre réglementaire et budgétaire strict. 
 
Le Moyen-Orient, avec 41% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, ne représentera que 20% de l’augmentation mondiale de la production de gaz naturel entre 2013 et 2030. L’Arabie Saoudite a lancé un effort particulier pour soutenir sa production de gaz naturel mais les résultats des puits creusés sont relativement décevants et la fixation de tarifs peu attractifs. L’Iran possède quant à elle les deuxièmes plus grandes ressources prouvées de gaz naturel et est déjà le plus gros producteur de gaz du Moyen-Orient. Cependant, des obstacles d’ordre politique bien orchestrés empêchent l’Iran de trouver autant de débouchés et d’investissements que ses réserves pourraient l’autoriser. Le plus grand champ d’extraction de gaz naturel iranien est situé en offshore, à South Pars. La Russie quant à elle devrait être autosuffisante grâce à son gisement géant de la péninsule de Yamal, dans le nord-ouest de la Sibérie. En fait, le développement de nouveaux gisements de gaz naturel est une priorité absolue pour Gazprom, qui voit décliner la production de ses principaux sites actuels. En-dehors de Yamal, les deux principaux gisements où la Russie investit sont Shtokman (mer de Barents, Arctique) et Sakhaline (île dans le Pacifique à l’est de la Russie, au nord de l’île japonaise d’Hokkaido).

Reste donc l’Afrique 

Quelles sont les perspectives de production de gaz naturel en Afrique ? Le Nigéria a les possibilités d’augmentation de la production de gaz naturel les plus prometteuses. Pourtant, avec des réserves prouvées légèrement supérieures, la production de gaz naturel du Nigéria n’atteint que le tiers de celle de l’Algérie ! Les problèmes d’insécurité que connaît le Nigéria (islamisme radical de Boko Haram) ralentissent la progression dans le pays. En-dehors du Nigéria, l’augmentation de la production africaine d’ici à 2030 viendra essentiellement de l’Algérie, de l’Egypte, de la Lybie et de l’Angola. Or, les trois premiers pays sont considérés comme fortement « instables dans les mois à venir ». 

D’où l’Australie et ses plages de rêve ? 

L’Australie n’a d’ailleurs pas que des réserves terrestres mais aussi des potentialités maritimes. On sait que des développements gaziers en eau profonde dans la mer de Timor et dans le Bassin de Browse devraient voir augmenter sa production de gaz. De plus, cinq projets d’exploitation du coalbed methane (méthane se dégageant de veines de charbon) sont en cours de développement. Le premier devrait voir sa production de gaz naturel liquéfié démarrer en 2012. D’où notre question: qu’attend donc la France pour prospecter en Polynésie française et forer au plus vite ? 

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lundi, 26 décembre 2011

L'ombra di Washington su Papua

L'ombra di Washington su Papua

di Michele Paris

Fonte: Altrenotizie [scheda fonte]

   

La crisi costituzionale che da poco più di una settimana sta tormentando la Papua Nuova Guinea sembra essersi finalmente avviata verso una conclusione. La disputa attorno alla carica di primo ministro tra i due più popolari uomini politici della ex colonia australiana si inserisce nel quadro delle rivalità crescenti in Estremo Oriente e nell’area del Pacifico tra la Cina da un lato e gli Stati Uniti e l’Australia dall’altro.

La crisi in Papua Nuova Guinea era esplosa in seguito alla prolungata permanenza del premier Michael Somare a Singapore, dove si era recato la scorsa primavera per ricevere cure mediche. Con Somare lontano dal paese, il presidente del Parlamento aveva allora dichiarato vacante la carica di primo ministro e, il 2 agosto, una larga maggioranza di deputati aveva proceduto ad eleggere Peter O’Neill a capo di un nuovo governo. La mossa del Parlamento era stata favorita anche dall’annuncio fatto dai familiari di Somare che quest’ultimo aveva intenzione di ritirarsi dalla politica, così come dal conseguente passaggio di molti suoi sostenitori nel campo del rivale O’Neill.

Tornato alla fine in patria, Somare - primo ministro dall’indipendenza nel 1975 al 1980, dal 1982 al 1985 e ancora dal 2002 fino alla sua rimozione qualche mese fa - aveva fatto appello alla Corte Suprema per cercare di riottenere la sua carica. Il 12 dicembre scorso, infatti, il più alto tribunale della Papua Nuova Guinea aveva dichiarato incostituzionale la nomina a premier di O’Neill, poiché il 75enne Somare non aveva rassegnato le proprie dimissioni né era stato formalmente dichiarato incapace a governare.

Anticipando la sentenza della Corte Suprema, Peter O’Neill pochi giorni prima aveva fatto però approvare una legge retroattiva che revocava il congedo temporaneo di Somare per recarsi a Singapore. Lo stesso 12 dicembre, poi, poco prima dell’emissione del verdetto della Corte, era arrivato un provvedimento che dichiarava decaduto qualsiasi membro del Parlamento che fosse rimasto al di fuori dei confini del paese per più di tre mesi. Un’ultima misura, infine, ha imposto il ritiro dalla carica di primo ministro al compimento del 72esimo anno di età.

Somare e O’Neill settimana scorsa si erano così ritrovati a capo di due gabinetti ed entrambi avevano nominato un proprio capo della polizia. In questa situazione, le tensioni nel paese erano salite alle stelle, con l’esercito e le forze di polizia chiamate a presidiare le strade della capitale, Port Moresby, per timore di possibili disordini. Nella serata del 12 dicembre, le inquietudini avevano raggiunto il culmine, quando la polizia fedele a Somare aveva impedito a O’Neill l’accesso al palazzo del Governatore Generale, Michael Ogio.

Proprio quest’ultima figura ha giocato un ruolo chiave nella crisi e nella sua risoluzione. Il Governatore Generale della Papua Nuova Guinea è il rappresentante del capo dello stato, la regina d’Inghilterra, e, pur essendo una carica in larga misura simbolica, secondo la Costituzione del 1975 ha la facoltà di dare l’assenso formale alla nomina di primo ministro. In base ai poteri assegnatigli, il 14 dicembre Ogio aveva fatto giurare i ministri scelti da Michael Somare, restituendogli di fatto la carica di capo del governo.

Per tutta risposta, il Parlamento aveva votato la sospensione dello stesso Governatore Generale, il quale è stato però reinsediato lunedì dopo una clamorosa inversione di rotta. In una lettera al Parlamento, il rappresentante della regina Elisabetta II in Papua Nuova Guinea ha infatti ritrattato la sua precedente presa di posizione, attribuendo il suo appoggio a Somare a cattivi consigli legali che gli sarebbero stati dati, riconoscendo invece la legittimità della nomina a primo ministro di Peter O’Neill.

Ciononostante, Somare non sembra ancora aver desistito dalla battaglia per riavere il suo incarico, anche se a questo punto appare estremamente improbabile che la vicenda possa avere un nuovo rovesciamento di fronte. Non solo perché negli ultimi giorni si sono moltiplicati all’interno del paese e nella comunità internazionale gli appelli ad una risoluzione rapida della crisi, per evitare ripercussioni negative sull’economia di un paese già afflitto da elevatissimi livelli di povertà, ma soprattutto perché a decidere gli esiti della crisi sono state forze esterne riconducibili alle potenze che si contendono l’egemonia nell’intera regione dell’Asia sud-orientale.

A risultare decisiva per la sorte di Michael Somare è stata in particolare la sua politica filo-cinese, che in questi ultimi anni ha complicato non poco i suoi rapporti con l’ex potenza coloniale, l’Australia. Grazie alle aperture di Somare verso Pechino, la Cina ricopre oggi un ruolo importante nel redditizio settore minerario della Papua Nuova Guinea. Uno dei progetti più ambiziosi assegnati ai cinesi è quello da 1,6 miliardi di dollari, che prevede lo sfruttamento della miniera Ramu, dove si estrae nickel e cobalto.

Peter O’Neill, al contrario, appare invece decisamente più vicino all’Australia, come dimostra l’orientamento del suo governo in questi mesi. Lo scorso ottobre, ad esempio, O’Neill ha guidato una delegazione di nove ministri a Canberra dove è stato raggiunto con il governo laburista di Julia Gillard un accordo per far tornare sul territorio della Papua Nuova Guinea un certo numero di militari e poliziotti federali australiani. L’ultimo contingente di ufficiali australiani presenti nella ex colonia era stato allontanato proprio da Michael Somare nel 2005.

La crisi costituzionale in questo paese di 7 milioni di abitanti - situato in una posizione strategica tra Australia e Indonesia e con ingenti risorse naturali . si era sovrapposta all’importante visita dello scorso novembre nella regione da parte del presidente americano Obama, il quale aveva ribadito il ruolo aggressivo del suo paese in quest’area del globo in funzione anti-cinese. Solo qualche giorno prima, il Segretario di Stato, Hillary Clinton, aveva fatto visita proprio alla Papua Nuova Guinea durante un tour asiatico, segnalando l’interesse prioritario di Washington per un paese dove, tra l’altro, la texana ExxonMobil sta lavorando ad un progetto legato all’estrazione di gas naturale del valore di svariati miliardi di dollari.

Il disegno degli Stati Uniti in Asia sud-orientale e nel Pacifico è condiviso in pieno dal governo australiano, che non a caso nei fatti della Papua Nuova Guinea di questi mesi sembra aver giocato un ruolo decisivo. Con il beneplacito americano, Canberra si è infatti mossa attivamente dietro le quinte per assicurare l’instaurazione a Port Moresby di un governo più benevolo nei confronti degli interessi di USA e Australia, favorendo l’uscita di scena di un ormai ex primo ministro considerato troppo accomodante verso i rivali cinesi.


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jeudi, 01 décembre 2011

Verstärkte amerikanische Militärpräsenz in Australien richtet sich gegen China

Verstärkte amerikanische Militärpräsenz in Australien richtet sich gegen China

Edward Miller

Obama kündigt vor Machtprobe im Südchinesischen Meer Ausbau der amerikanischen Militärpräsenz in Australien an.

Die australische Premierministerin Julia Gillard und der amerikanische Präsident Barack Obama haben die herzlichen Beziehungen ihrer Vorgänger wiederaufleben lassen, als sie am 16. November der Öffentlichkeit die historische Vereinbarung präsentierten, nach der zunächst 250 amerikanische Marinesoldaten im Militärstützpunkt Robertson Barracks in der Nähe von Darwin, der Hauptstadt des Nördlichen Territoriums, stationiert werden sollen.

Mehr: http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/edward-miller/verstaerkte-amerikanische-militaerpraesenz-in-australien-richtet-sich-gegen-china.html

mardi, 20 octobre 2009

Pourparlers militaires sino-australiens

Flag-Pins-China-Australia.jpg Pourparlers militaires sino-australiens

 

Les relations sino-australiennes se renforcent considérablement depuis quelques mois, en dépit de l’apprtenance de l’Australie à la sphère culturelle anglo-saxonne, dont elle est le bastion entre Océan Indien et Océan Pacifique. Désormais, c’est sur les plans militaire et stratégique que les deux puissances traitent à Canberra, après avoir régulé leurs relations commerciales. Le général chinois Chen Bingde vient de rencontrer le chef de l’armée de l’air australienne, Angus Houston, et le ministre de la défense, John Faulkner.

 

L’Australie est-elle progressivement attirée par l’informelle “sphère de co-prospérité est-asiatique”, qui existe de facto en dépit de l’ancienne volonté américaine de l’éliminer pendant la  seconde guerre mondiale? Faut-il conclure qu’on ne contrarie pas la géographie et que les faits géographiques sont plus têtus que les discours idéologiques?

 

Restent quelques questions: la Chine cherche indubitablement une projection vers l’Océan Indien, par le Détroit de Malacca, par l’Isthme de Kra ou par des oléoducs traversant le Myanmar (Birmanie). Elle doit, pour ce faire, avoir les bonnes grâces de l’Australie. Mais l’Indonésie dans ce rapprochement, l’archipel indonésien qui est là, comme un verrou potentiel entre les deux puissances en phase de rapprochement accéléré? Quel rôle est-elle appelé à jouer? Celle d’un ami ou d’un ennemi du nouveau binôme sino-australien? Sa spécificité d’Etat à dominante largement musulmane déplait-elle à la Chine qui se méfie dorénavant de tout islamisme depuis les ennuis que lui procure sa minorité ouïghour dans le Sinkiang? Les implications potentielles du rapprochement sino-australien nous permettent encore de spéculer à l’infini. Un glissement géopolitique intéressant, dans une zone clef de la planète.

 

(sources: “International Herald Tribune”, Oct. 16, 2009).

vendredi, 04 septembre 2009

L'Australie entre géographie et histoire

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  - 1998

L'Australie entre géographie et histoire

 

Journal de référence de l'establishment londonien, le Financial Times évoquait récemment "la débâcle de l'homme blanc". Ce type d'analyse et de problématique n'est pas rare dans le monde anglo-saxon, où l'on prend plus volontiers en compte les différences raciales, ethniques et culturelles. Déjà en 1994, aux Etats-Unis, la conquête du Congrès par le "Grand Old Party" et la volonté affichée des Républicains, emmenés par Newt Gingrich, de conduire une "révolution conservatrice" avait été interprétée comme la revanche du "mâle blanc", malmené par le féminisme ambiant, la politique d'affirmative action et le Big Government. Autre pays anglo-saxon au cœur de cette problématique, l'Australie. Tiraillé entre géographie et histoire, ce pays-continent est au cœur de la crise d'identité qui frappe l'ensemble du monde dit occidental.

 

Un Occident des Antipodes

 

Entraperçue par les Portugais et explorée par les Hollandais au XVII°siècle, conquise par les Anglais au XVIième, l'Australie est un Occident des Antipodes. Par sa géographie humaine tout d'abord: ce pays-continent est peuplé d'Anglo-Saxons, leur installation commençant en 1788 avec la fondation de la première colonie. Très vite, le mouvement s'accélère et dès 1820, le nombre des hommes libres l'emportent sur les bagnards. Par la nature de ses institutions politiques ensuite: fédéralisme à l'américaine et parlementarisme à l'anglaise. En 1850, l' Australian Colonies Act met en place des gouvernements responsables dans quatre des six colonies existantes et bientôt les conseils législatifs élus entament les pouvoirs des gouverneurs dépêchés depuis Londres. En 1885, un Conseil fédéral est institué et les Etats-Unis d'Australie voient le jour en 1901, tout en conservant le monarque britannique comme chef d'Etat. Élisabeth II exerce toujours cette fonction. Enfin, l'Australie est occidentale de par ses engagements géostratégiques: Canberra et ses alliés anglo-américains partagent les mêmes appréhensions -l'expansion navale et coloniale allemande début XIXième, l'impérialisme japonais des années trente, la poussée soviétique et communiste ensuite-, et donc les mêmes inimitiés. La fraternité d'armes des deux guerres mondiales trouve son prolongement dans la participation active de l'Australie au dispositif géopolitique mis en place par les Etats-Unis pour endiguer l'URSS. Membre fondateur de l'ANZUS (traité signé en 1951 entre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis) et de l'OTASE (alliance militaire couvrant, sous l'égide des Etats-Unis, l'Asie du Sud-Est/1954), elle envoie des troupes combattre au Vietnam. L'Australie assume alors son héritage historique.

 

D'autres forces sont pourtant à l'œuvre et la géographie exerce des effets contraires à l'histoire. Ils jouent à plein à partir de 1969, lorsque Richard Nixon, président des Etats-Unis, prononce le discours de Guam et sonne la retraite. Le désengagement honteux d'Indochine et la crise du leadership américain qui suit amènent les politiques et militaires australiens à privilégier la défense immédiate du continent, au détriment des engagements à distance et des obligations internationales précédemment contractées (thématique de la Fortress Australia). Ce recentrage géostratégique s'accompagne d'un recentrage géopolitique sur l'Océanie et l'Asie-Pacifique, légitimé par l'adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE (1973). Faisant mentir Sir Winston Churchill, l'ancienne métropole semble-t-elle préférer le continent au "grand large"? Le gouvernement travailliste de Canberra privilégie dès lors la géographie océanienne de l'Australie. Les droits fonciers et culturels des Aborigènes sont reconnus (cf. encadré) et Canberra se pose en protecteur des micro-Etats mélanésiens, ses voisins du Pacifique-Sud. Très active au sein du Forum du même nom, l'Australie entreprend de combattre la présence et l'influence françaises dans cette partie du monde; son hostilité particulièrement marquée aux essais nucléaires de Mururoa, en 1995, découle de cette posture.

 

Simultanément, Canberra se tourne vers l'Asie. Les travaillistes mettent fin en 1973 à la politique dite de la White Australia instituée au début du siècle et ouvrent le pays aux flux migratoires asiatiques. Les nouveaux venus prospèrent à l'abri du multiculturalisme prôné par l'establishment et pourraient représenter d'ici 2010 plus de 15% de la population d'Australie contre environ 5% aujourd'hui. L'asiatisme de Canberra est aussi économique: les flux commerciaux et financiers d'Asie-Pacifique enserrent ce géant territorial et les "décideurs" australiens méditent les modèles de développement des Nouveaux Pays Industriels de la région (stratégies d'IPE/industrialisation par promotion des exportations). La diplomatie accompagne le mouvement: Canberra promeut l'idée d'une "OCDE du Pacifique" et joue un rôle moteur dans la création en 1989 du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Des casques bleus australiens sont aussi dépêchés au Cambodge dans le cadre d'une mission de l'ONU, dite de restauration de la paix (l'APRONUC/1992).

 

Adepte de la political correctness, l'Australie légale se veut exemplaire -elle est le "bon citoyen" du monde asiatique- et refoule son histoire occidentale. Dans ce dessein, une partie de l'establishment va jusqu'à se prononcer contre la monarchie, le passage à la république devant marquer la rupture du cordon ombilical qui relie cet Occident des Antipodes à l'œkoumène européen.

 

Le "syndrome Hanson"

 

Il n'est pourtant pas dit que la géographie, et la mauvaise conscience de l'"Australie légale", l'emportent sur l'histoire. Après de longues années de travaillisme, les électeurs ont en mars 1996 ramené au pouvoir une coalition libérale-conservatrice dont le chef, John Howard, est un monarchiste convaincu, bien décidé à enterrer le républicanisme. Ce fait symptomatique s'accompagne d'un réveil des forces identitaires, le "syndrome Hanson". Député indépendant du Queensland, Pauline Hanson a prononcé au Parlement fédéral un discours remarqué: "Nous risquons, clame-t-elle, d'être engloutis par les Asiatiques", pour ensuite dénoncer "le gouvernement (...) scandaleusement généreux à l'égard des Aborigènes". Plus loin, elle poursuit: "Une société multiculturelle ne peut être forte et vigoureuse" (1). Ces propos vigoureux ont immédiatement reçu le soutien d'une large partie de la population australienne et initié une vague de populisme qui pourrait bien prendre des allures de déferlante. Pour faire amende honorable, l'heure est à la repentance, le parlement de Canberra a adopté à la quasi unanimité une motion sur la "tolérance raciale", mais rien n'y fait. P. Hanson a depuis lancé un nouveau parti nationaliste, One Nation, dont la montée en puissance pourrait bien perturber le jeu politique.

 

Le maintien de bonnes relations diplomatiques entre l'Australie et son environnement géopolitique se révèle par ailleurs malaisé. Les milieux militaires australiens persistent à s'inquiéter du pesant voisinage de l'Indonésie (200 millions d'habitants) et, au grand dam de Djakarta, divers scénarios du type "camp des saints" inspirent planification stratégique et manœuvres tactiques (2). Les Etats asiatiques demeurent pour leur part rétifs à l'asiatisme proclamé de Canberra. Ils ont refusé la participation de l'Australie au sommet Europe-Asie de Bangkok (1995) et nombre d'entre eux ont voté contre l'attribution d'un des sièges tournants du Conseil de sécurité de l'ONU à Canberra (1996). Tout récemment, la révélation par les media du contenu d'un rapport du ministère australien des finances a suscité l'ire des Etats du Pacifique-Sud. Le ministre papou des affaires étrangères y est en effet qualifié de "lèche-bottes", le premier ministre des îles Cook de "fanfaron vaniteux" et les 93 pages de ce document sont de la même veine. Les Etats invectivés crient au racisme et dénoncent les fantômes de la White Australia policy.

 

 

L'Australie a donc déployé moult efforts, dont l'abandon du God save the Queen donne quelque idée, pour répudier son passé. Le dessous finit pourtant par prendre le dessus et la quête d'une nouvelle centralité asiatique et océanienne semble bel et bien menacée, d'autant plus que les secousses consécutives à la crise financière asiatique mettent à mal le discours officiel sur "la tyrannie de la distance" (par rapport à l'Europe) et "l'avantage de la proximité" (par rapport à l'Asie). A l'évidence, on ne gouverne pas un pays contre son histoire et sa culture; cette leçon politique vaut aussi pour l'hémisphère boréal.

 

Louis SOREL.

 

(1) Citations extraites du discours du 10 septembre 1997.

(2) Voir Hervé Coutau-Bégarie, Géostratégie du Pacifique, IFRI-Economica, 1987. Pareillement confrontées à la montée en puissance de la Chine populaire, dont les ambitions maritimes s'exercent bien au-delà de ce que prévoit le droit de la mer, les armées australiennes ont procédé à des échanges de vues. L'ère Suharto a depuis pris fin et nul doute que l'Australie suive avec beaucoup d'attention les développements d'une situation très instable.

 

DOSSIER "AUSTRALIE" (I) : Les Aborigènes

 

Le terme d'Aborigène désigne les populations mélanésiennes d'Australie, arrivées voici 50 000 ans et peut-être même avant, selon de récentes découvertes archéologiques (des peintures rupestres datées d'il y a 75.000 ans). Organisés en sociétés de chasseurs-cueilleurs, les Aborigènes ont été victimes, avec l'arrivée des Anglo-Saxons, du choc microbien et de divers massacres. Une vigoureuse politique d'assimilation a suivi, avec retrait forcé de 40.000 à 100.000 enfants aborigènes à leurs parents à partir de 1880 et jusqu'à la fin des années 1960. Les Aborigènes sont aujourd'hui 100.000 (50% de métis), soit quatre fois moins qu'il y a deux siècles. Le plus grand nombre vit dans des réserves du désert central, du Territoire du Nord et dans la partie septentrionale de l'Australie-Occidentale, sur environ 12% de la superficie de l'Australie.

 

Les droits fonciers et culturels des Aborigènes sont aujourd'hui promus par le pouvoir fédéral. Citoyens à part entière depuis 1967, suite à un référendum, ils se sont vus restitués de vastes territoires à partir de 1976. Les Aborigènes bénéficient d'une importante aide sociale et de redevances versées par les compagnies minières opérant sur leurs territoires. La Haute Cour a rejeté en 1992 le principe de terra nullius  -principe selon lequel l'Australie était vide avant la colonisation-  ce qui légitime de nouvelles revendications sur de larges portions de l'Australie. Ce mouvement de restitution a été prolongé par le Native Title Act de 1993 et un jugement de 1996 a pour la première fois accordé un native title sur des baux pastoraux, d'où l'inquiétude des compagnies minières et des fermiers. Ce climat est aggravé par l'ambiance d'auto-flagellation collective qui sévit à Canberra. En mai 1997, un rapport présenté au Parlement fédéral a dénoncé le génocide commis par les Australiens à l'encontre des Aborigènes, génocide comparé par le Conseil national des églises à l' "holocauste". Le Premier ministre a exprimé ses "regrets" et il n'est depuis question que d'excuses et de compensations. Par réaction, une frange de la population se rallie aux arguments de Pauline Hanson et de One Nation. (LS).

 

DOSSIER "AUSTRALIE" (II) : La porte occidentale de l'Asie

 

Placée au quinzième rang mondial, et au quatrième dans le Pacifique oriental (après le Japon, la Chine populaire et la Corée du Sud), l'économie australienne est moins "asiatique" qu'il n'y paraît. Certes, le Japon est depuis 1963 son premier partenaire commercial, les deux tiers des exportations sont à destination de l'Asie et la forte croissance économique de la région a permis à l'Australie de diversifier son économie: exportation de produits agro-alimentaires et manufacturiers en sus des matières premières, produits énergétiques et biens alimentaires bruts. En contrepoint, les exportations à destination de l'Union européenne et des Etats-Unis ne représentent plus que 11% du total. La globalisation a indubitablement modifié les paramètres de l'économie australienne.

 

Il faut pourtant savoir que la part de Canberra sur les marchés asiatiques a régressé -4% des importations en 1988; 2,5% en 1996- tandis que l'Union européenne et les Etats-Unis assurent 43% des importations du pays. Les investissements de ces deux entités sont également très importants pour l'économie australienne. Les facteurs explicatifs sont multiples: l'héritage historique; la reprise de la croissance depuis 1991, l'attraction des privatisations (transports, télécommunications, énergie, eau); la proximité des "pays émergents" d'Asie orientale; la volonté gouvernementale d'encourager des alliances entre firmes nationales d'une part, firmes européennes et nord-américaines d'autre part pour partir à la conquête des immensités asiatiques (le ministère de l'industrie a sélectionné et approché systématiquement 650 entreprises étrangères). Avec plus de 200 sièges de firmes multinationales, Sydney et Melbourne sont devenues des métropoles régionales et font figure de têtes de pont des Européens et des Nord-américains vers l'Extrême-Orient. Economiquement parlant, l'Australie n'est pas un "tigre" mais la porte occidentale de l'Asie.

 

Il est à noter que les formes hystériques prises par l'opposition australienne aux essais nucléaires de Mururoa et le Don't buy French n'ont pas produit d'effets économiques décisifs sur les positions françaises, bien au contraire. Si les produits symboliques ont effectivement souffert -champagne, vins et cognacs, restaurants français et parfums-, 1996 s'est révélée être la meilleure année commerciale entre la France et l'Australie. Les exportations se sont accrues de 8% et les investissements de 30%! Les sociétés françaises sont au nombre de 200, emploient plus de 40.000 personnes et représentent entre 25 et 30 milliards de chiffre d'affaires. Sont présents sur place Péchiney, la Cogema, Rhône-Poulenc, les Chargeurs Textiles dans l'industrie; Indosuez, le Crédit Lyonnais, la Société Générale et Axa (qui a racheté National Life, la deuxième compagnie australienne d'assurance-vie) dans la finance; Bouygues (le métro de Sydney) dans les BTP et Alcatel dans les télécommunications; Accor et le Club Méditerranée dans le tourisme. La présence française s'est fortement accrue, les investissements ont été multipliés par plus de 2 entre 1990 et 1996, mais le rang est encore modeste comparé aux autres pays développés à économie de marché: la France est en Australie le onzième exportateur et le treizième investisseur. Loin derrière le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne (LS).

 

DOSSIER "AUSTRALIE" (III) : L'Australie et le réseau "Echelon"

 

La fraternité d'armes entre Anglo-Saxons se traduit aussi par la participation de l'Australie au pacte dit UKUSA (United Kingdom + United States of America) mis sur pied par les Etats-Unis en 1948. Cette alliance des services d'espionnage anglo-saxons (Australie, Canada, Etats-Unis, Grande-Bretagne et Nouvelle-Zélande) a mis en place un système de surveillance du monde entier, le réseau Echelon. Au centre de ce maillage planétaire -chargé tout d'abord d'intercepter les communications politiques et militaires du bloc soviétique, dans le cadre du containment de Harry Truman- le QG de la National Security Agency de Fort Meade (Maryland), aux Etats-Unis. C'est là que sont décryptés, analysés et exploités les messages numériques et analogiques interceptés par les "grandes oreilles" des pays connectés au réseau. La station australienne de recueil des données satellitaires se trouve à Geraldton et la CIA gère sur place les bases de Pine Grap et Shoal Bay, tournées vers l'interception des communications transitant par les satellites indonésiens.

 

Cet "aspirateur à communications" (Frédéric Pons) a été modernisé pendant les années 70: interconnexion des ordinateurs du réseau UKUSA; adoption de nouveaux procédés de décryptage, sélection, analyse et exploitation des données; recentrage sur l'espionnage du monde civil. Ce système a aujourd'hui la capacité d'intercepter les conversations téléphoniques, les télex et télécopies, le courrier électronique. Dans le cadre de la guerre économique tous azimuts à laquelle se livrent les grands pays développés, le réseau Echelon constitue pour les Etats-Unis une arme de choix. Son existence dévoile la réalité géopolitique de l'"Occident" moderne: un club fermé et solidement constitué de nations anglo-saxonnes.

 

Député au Parlement européen, où il préside la Commission d'évaluation des choix technologiques et scientifiques, Alain Pompidou est l'auteur d'un rapport sur le pacte UKUSA et le réseau Echelon, rapport intitulé Evaluation des technologies de contrôle politique. Le n°3207 de Valeurs Actuelles, daté du 16 mai 1998, en a largement rendu compte (dossier dirigé par Frédéric Pons) (LS).

 

DOSSIER "AUSTRALIE" (IV) : L'Australie : carte d'identité

 

GÉOGRAPHIE-DÉMOGRAPHIE

. superficie: 7 682 000 km2 (14 fois la France)

. population: 18 000 000 d'hab.

. densité humaine: 2,3 hab. / km2

. espérance de vie: 77 ans

. indice synthétique de fécondité: 1,9

ÉCONOMIE

. PNB / hab.: 18 530 $

. indicateur de développement humain : 0,93 1/14° rang mondial. L'IDH combine les niveaux de santé, d'instruction et de revenu.

. monnaie: le dollar australien (1$ australien = 1,38 FB = 0,23 FF)

POLITIQUE

. régime politique: fédération de six Etats autonomes. Démocratie parlementaire. La constitution date de 1901.

. chef de l'Etat: Elisabeth II d'Angleterre; elle est représentée par un gouverneur.

. premier ministre: John Howard

. majorité parlementaire: coalition libérale-conservatrice (parti national et parti libéral)

 

DOSSIER "AUSTRALIE" (V) : L'Australie : repères historiques

 

. 1601: les Portugais entraperçoivent l'Australie.

. 1606: les Néerlandais abordent la Nouvelle-Hollande.

. 1770: le navigateur anglais James Cook prend possession, au nom de la couronne, de la côte Est. L'insularité de l'Australie est établie.

. 1788: fondation de la première colonie anglaise, la Nouvelle Galles du Sud.

. 1813: début de l'exploration intérieure. La première traversée Sud-Nord est réalisée en 1862. Le Nord-Ouest est exploré en 1879.

. 1823-1836: fondation des colonies du Queensland, de l'Australie Occidentale, de Victoria et de l'Australie-Sud.

. 1850: grand "rush de l'or"; de 1851 à 1852, la population passe de 50.000 à 250.000 âmes.

. 1850: adoption de l' Australian Colonies Act; mise en place de gouvernement responsables devant les conseils législatifs (parlementarisme).

. 1885: institution du Conseil fédéral pour coordonner l'action des colonies.

. 1901: naissance des Etats-Unis d'Australie ou Commonwealth d'Australie.

. 1914: entrée dans la première guerre mondiale aux côtés du Royaume-Uni.

. 1927: Canberra devient capitale fédérale.

. 1939: entrée dans la deuxième guerre mondiale aux côtés du Royaume-Uni.

. 1951: adhésion à l'ANZUS (Australia, New-Zealand, United States).

. 1954: adhésion à l'OTASE (Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est)

. 1969: doctrine Nixon (discours de Guam). Les Etats-Unis préparent leur désengagement du Vietnam. Amorce de repli de Canberra sur la Fortress Australia.

. 1971-1972: l'Australie participe en tant que membre fondateur à la création du Forum du Pacifique-Sud.

. 1973-1975: fin de la White Australia policy. Institution du multiculturalisme.

. 1984: abandon du God save the Queen.

. 1989: fondation de l'APEC (Forum de Coopération économique Asie-Pacifique).

. 1995: violente campagne australienne contre les essais nucléaires français de Mururoa.

. 1997: le prix Nobel de médecine Peter Doherby rallie avec fracas le camp républicain.

. 1998: réunion en février de la convention constitutionnelle australienne. Par 89 voix contre 52 et 11 abstentions, elle s'est déclarée en faveur de la république mais ce vote ne revêt qu'un caractère consultatif. Un référendum serait organisé fin 1999, avant les Olympiades de Sydney.

Bibliographie indicative:

 

- ALBAGLI Claude (Dr), Conjoncture 1998, Bréal, 1997.

- ANTHEAUNE Benoît, BONNEMAISON Joël, BRUNEAU Michel, TAILLARD Christian, Asie du Sud-Est, Océanie/Géographie universelle (sous la direction scientifique de Roger BRUNET), tome VII, 1995.

-           LACOSTE Yves (Dr), Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, 1993.

 

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samedi, 11 juillet 2009

Les ancrages économiques et géopolitiques de l'Australie

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Les ancrages économiques et géopolitiques de l’Australie

 

Nous sommes prêts à parier de fortes sommes d’argent: demandez à une centaine de citoyens flamands pris au hasard et demandez-leur à quoi ils associent l’Australie. Vous recevrez immanquablement un paquet de clichés comme réponse: des soaps plagistes, des kangourous, ou peut-être encore une série télévisée comme “Flying Doctors” ou un personnage de film comme Crocodile Dundee. En revanche, la plupart des économistes se font un idée plus exacte du pays: ils savent qu’il y a là-bas du charbon et du nickel, mais aussi de l’or et de l’uranium. Voilà ce que vous répondront ceux qui connaissent les réalités économiques de ce continent insulaire. Bon nombre de matières premières importantes se trouvent dans le riche sous-sol australien. Il y a déjà bien des décennies que tel est le cas et c’est bien évidemment cette richesse qui fait la prospérité de cette ancienne colonie pénitentiaire britannique. L’Australie a véritablement été la Sibérie du “British Empire”. Mais, innovation, depuis quelques années, un nouveau facteur a émergé: le facteur chinois. L’Empire du Milieu est devenu, en très peu de temps, le principal client de l’Australie. Cette coopération sino-australienne suscite certes bien des contrats lucratifs mais à ces échanges fructueux, il y a un revers de médaille...

 

Partenaire commercial

 

Les années qui viennent de s’écouler ont été fort douces pour ceux de “down under”, comme on dit dans le monde anglo-saxon. Les nombreuses matières premières du sol australien se vendent cher au prix du marché, ce qui a stimulé l’économie du pays-continent. L’influx de capitaux a fait grimper le prix de l’immobilier, la bourse a connu des “pics” et, au cours des trente dernières années, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas. Un tel contexte économique, on s’en doute, a généré de la satisfaction, cependant, dans son sillage, une certaine angoisse est née en Australie. Pour ce qui concerne les investissements étrangers, ce sont toujours les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui demeurent les principaux partenaires de l’Australie mais les Chinois sont en train de les rattraper à une vitesse vertigineuse. Ces mêmes Chinois sont aussi les acheteurs principaux des richesses naturelles du pays. A peu près la moitié du fer et de la laine produits en Australie part en direction des ports chinois. En même temps, quelque 120.000 Chinois étudient en Australie. Les chiffres sont éclairants: l’imbrication économique des deux pays est devenue un fait. Un fait en pleine croissance. Ce qui suscite des questions. Y compris dans les autres pays de la région Insulinde/Océanie.

 

L’an dernier, le Japon a été détrôné: il n’est plus le principal partenaire commercial de l’Australie, ce qui constitue un symbole important. Un diplomate remarquait naguère: “C’est le cas de toute l’Asie, mais ce sont surtout l’Inde et le Japon qui s’inquiètent du tandem sino-australien”. “Sous l’ancien Premier Ministre John Howard, les liens entre la Chine et l’Australie sont devenus très forts mais sous son successeur Kevin Rudd, ces liens se renforcent encore davantage. En outre, Kevin Rudd est sans doute le seul leader occidental à parler couramment le mandarin. Cette situation éveille des soucis. En Australie et ailleurs”. En soi, ce ne sont pas les importations chinoises à grande échelle qui inquiètent mais certaines tentatives d’acheter des entreprises australiennes. Lorsque trois entreprises d’Etat chinoises ont fait savoir qu’elles entendaient acheter certaines parts de l’industrie minière australienne, une sonnette d’alarme a retenti chez plus d’un observateur.

 

Au total, les Chinois auraient investi 22 milliards de dollars, ce qui équivaut, à peu près, au total de tous les investissements chinois de ces trois dernières années. “La république communiste de Chine, donc propriété à 100% communiste, achète des parts importantes de ce pays”, a-t-on clamé sur les bancs de l’opposition australienne. Cette remarque peut sans doute faire mousser quelques âmes sensibles dans le débat idéologique et politicien, dans la pratique de telles paroles n’ont que peu de poids. La Chine aligne d’ores et déjà plus de 115.000 entreprises d’Etats, avec pour fleuron, 150 groupes importants qui opèrent au niveau international. En pratique, ces entreprises et ces groupes cherchent à faire du profit, comme n’importe quelle entreprise privée.

 

Le noyau de l’affaire est une question d’ancrage. Pour l’opposition australienne, le pays se trouve face à une puissance étrangère qui ne cesse d’acheter des parts substantielles de l’économie nationale. Démarches jugées inquiétantes. Le cas australien, à ce niveau, n’est pas isolé. Dans la région, du Vietnam aux Philippines, tous s’inquiètent du poids toujours croissant de la Chine. Un chercheur du “Centre de relations Internationales” de l’Université de Sidney résume la situation en ces termes: “La situation s’est modifiée. Au début, on voyait ces investissements d’un bon oeil, puis le doute s’est installé. Pour l’essentiel, il ne s’agit pas tant des relations spécifiques entre la Chine et l’Australie mais bien du regard assez hostile que jette le monde sur la Chine et son futur rôle de grande puissance”.

 

Le contexte politique explique l’évolution des relations économiques sino-australiennes. Ce qui est logique car le noyau de toute problématique est in fine toujours politique. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement Rudd, celui-ci a résolument tiré la carte chinoise. Il a entrepris plusieurs voyages en Europe, aux Etats-Unis et, bien entendu, en Chine. Mais aucun autre pays asiatique ne figurait au programme, ce qui a offusqué bien des chancelleries en Asie. Un analyste constate: “En Inde, au Japon, en Corée du Sud, on a l’impression que le gouvernement Rudd est entièrement tourné vers la Chine”. La réaction d’un commentateur indien sur le voyage de Rudd le confirme. Son jugement bref est simple et lapidaire: “La Chine, la Chine et encore la Chine”.

 

Pourtant, il n’est pas neuf le débat quant à savoir si l’Australie est un avant-poste de l’Occident ou un pays asiatique. Mais la convergence des réalités économiques et des choix politiques du gouvernement Rudd indique qu’un nouveau chapitre de l’histoire des relations économiques entre l’Extrême Orient chinois et son environnement océanien vient de s’ouvrir. Est-ce une étape nouvelle vers un “happy end”? Cela reste à voir.

 

“M.”/” ’t Pallieterke”.

(article paru dans ’t Pallieterke, Anvers, 10 juin 2009; trad. franç.: Robert Steuckers).