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lundi, 17 février 2020

Michel FOUCHER : Le retour des frontières

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Michel FOUCHER : Le retour des frontières

 
 
 
Le géographe et ambassadeur Michel Foucher présente une vaste réflexion sur "Le retour des frontières", titre d'un ouvrage qu'il a publié chez CNRS éditions (2016). Signalons qu'il vient de publier un remarquable numéro de la Documentation photographique : "Les frontières", CNRS éditions 2020 (n°8133). C'est à cette occasion, et en soutien aux enseignants de spécialité HGGSP que Diploweb met en ligne cette vidéo d'une conférence conduite en 2016, en partenariat avec GEM.
 
Extrait du résumé par Joséphine Boucher pour Diploweb.com Qu’est-ce qu’une frontière ? Lorsqu’elle est internationale, c’est une institution. Bien plus qu’une simple ligne de sable ou une crête de montagne, elle fait l’objet de traités et est soumise à un processus défini, du dépôt du dossier du traité de délimitation aux Nations Unies aux démarcations sur le terrain par des commissions dédiées. Il s’agit donc d’une véritable institution du droit international qui sert à définir et à délimiter le périmètre de l’exercice d’une souveraineté étatique. À la frontière s’exercent de multiples fonctions de souveraineté, juridiques, régaliennes, fiscales, douanières, qu’elles soient réelles ou plus symboliques.
 
C’est l’un des paramètres de l’identité collective et de la citoyenneté, et qui permet au plan symbolique de distinguer le dedans et le dehors, lesquels sont des éléments constitutifs de toute communauté humaine. Il y a là deux aspects fondamentaux de la question de la frontière, à savoir la question des limites et celle de l’attachement, de l’appartenance symbolique à une collectivité.
 
C’est d’ailleurs l’une des difficultés de ce malaise de la construction européenne comme acteur stratégique et politique, suite à ce refus de définition. L’Union européenne n’est en effet pas capable de politique extérieure car elle n’a jamais défini la limite entre le dedans et le dehors, sa seule politique extérieure étant celle de l’élargissement. Après avoir défini ce qui fait une frontière, qu’en est-il désormais du retour des frontières ? Il s’agit en fait d’une nouvelle visibilité de ces tracés, même si, rappelons-le, l’invisibilité n’est pas synonyme d’effacement. À cette étape, il convient de déconstruire les idées fausses qui ont pu être émises sur les frontières.
 
La première est celle du discours d’un monde sans frontières permis par une globalisation néo-libérale. Toute régulation serait un obstacle, la politique et les Etats seraient des freins à la bonne marche de l’économie, et au gouvernement se substituerait la gouvernance, c’est-à-dire gouverner sans politique. Or aujourd’hui, les phénomènes de dé-mondialisation et le retour d’un certain protectionnisme témoignent d’une volonté de se protéger, qui n’est pas forcément, rappelons-le, un cloisonnement. L’autre dérive sur la problématique frontalière était d’assimiler la question des frontières à la barrière, au mur, en particulier anti-migratoire. Il est important de ne pas confondre migrations et frontières.
 
La deuxième partie de cette conférence a été construite pour aborder l’actualité de ces questions de frontières via une chronique et des exemples de diverses régions du monde, afin de repérer à partir de différentes sources ce qu’il s’y passe concrètement, pour en faire une analyse et en tirer des enseignements plus généraux sur la réaffirmation des frontières. (...) Enfin, il convient de s’intéresser plus particulièrement à la problématique du voisinage européen, et ce aussi au-delà des questions migratoires. Aucune autre région du monde n’a un tel environnement stratégique. En effet, en cartographiant précisément les conflits sur la base objective des rapports réguliers de l’ « International Crisis Group », il apparaît que sur les 75 conflits, crises graves et guerres ouvertes répertoriées par l’ONG dans le monde au printemps 2016, 85% se trouvent dans un rayon de 3 à 6 h de vol de Paris. Les questions frontalières jouent de fait à 3 échelles : nationale, infra-nationale et régionale. (...)
 
Pour conclure, ce retour des frontières dans les faits et dans les consciences est une bonne nouvelle, à condition d’en user avec discernement. Si abolir des frontières revient à faire disparaître des Etats, les franchir aisément ne les annule pas. La frontière, invention humaine, est aussi un refuge et une ressource pour qui vit des différences et peut élaborer des micro-stratégies. Le retour des frontières est certes un phénomène avéré aujourd’hui, mais il ne signifie pas pour autant le repli sur soi ; la bonne frontière est la frontière agréée ouverte, et pas le refus du monde ni la négation ultra ou néo-libérale de l’importance symbolique et réelle des frontières. Où placer le curseur entre solidarité et responsabilité ? Entre liberté et sécurité ? Ce sont là de véritables difficultés et questions à se poser actuellement. Donnée politique inscrite dans l’espace, la frontière est donc un sujet véritablement et éminemment politique.
 
Images et montage : Fabien Herbert

Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

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Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

Ex: https://kopp-report.de

»Umweltkiller Auto« und Energiekonzerne, die nicht als lebensnotwendige Versorger der Bevölkerung dargestellt, sondern gezielt als Umweltzerstörer diffamiert werden: Die Reihe deutscher Industriekonzerne, die dem Machterhalt der Bundesregierung geopfert werden, nimmt selbstzerstörerische Ausmaße an.

Mit dem Siegel »Made in Germany« versuchte Großbritannien Ende des 19. Jahrhunderts deutsche Importware als vermeintlich billig und minderwertig zu diskreditieren. Doch der Schuss der Briten ging buchstäblich nach hinten los. Nicht zuletzt dank einem damals noch weitestgehend intakten Bildungssystems und der daraus resultierenden deutschen Ingenieurskunst sowie traditionellen Handwerksbetrieben wurde »Made in Germany« zu einer einzigartigen Erfolgsgeschichte. Dass ausländische Kräfte, wirtschaftliche Konkurrenten und eigentlich befreundete Staaten alle Hebel in Bewegung setzen, um die weltweit führende Exportnation zu schädigen, mag bis zu einem gewissen Grad nachvollziehbar sein – dass deutsche Politiker die eigene Wirtschaft diesen Kräften jedoch widerstandslos ausliefern, ist schlicht ein Skandal.

So setzt bekanntlich die USA europäische Länder und explizit Deutschland massiv unter Druck, damit der chinesische Telekomausrüster Huawei nicht am milliardenschweren 5G-Netzausbau beteiligt wird.

Als Grund wird die US-Administration nicht müde zu betonen, dass der chinesische Großkonzern der Wirtschaftsspionage nicht nur beschuldigt, sondern längst überführt sei.

Der massive Druck geschieht dabei aber nicht etwa aus Sorge um die Sicherheit Deutschlands digitaler Infrastruktur, sondern verfolgt in der Hauptsache das Ziel, den Zuschlag für den sensiblen Digitalausbau an US-Konzerne sicherzustellen.

Spätestens nach den Enthüllungen des Whistleblowers Edward Snowden weiß die ganze Welt, dass US-Geheimdienste nicht nur den gesamten weltweiten Datenverkehr abhören, auswerten und sammeln, sondern dass die Dienste zudem über »Backdoors« bei den großen Techkonzernen verfügen. Zum Teil ist diese Zusammenarbeit zwischen der CIA und dem Silicon Valley sogar offenkundig. »In-Q-Tel« heißt der Risikoinvestment-Arm der CIA. Ganz offen investiert der US-Geheimdienst so in Datenanalyse-Firmen aus dem Silicon Valley. Neben Beteiligungen bei Google und Facebook gerät immer mehr das Geheimdienstinvestment bei der Big-Data-Firma Palantir ins Blickfeld der Öffentlichkeit.

In Amerika werden dadurch bereits Informationen von Militär, Geheimdiensten und aus Polizeidatenbanken miteinander vermischt und zur Aufstandsniederschlagung in Afghanistan und dem Irak, sowie im Kampf gegen den islamistischen Terrorismus und zur Kriminalitätsbekämpfung, eingesetzt. »Gotham« heißt das umstrittene Programm der CIA-Firma. Gotham City ist bekanntlich die Stadt, in welcher der Superheld Batman auf Verbrecherjagd geht. Hier wird ein dystopisches Bild von New York City gezeichnet, einem zukunftspessimistischen Szenario einer in Gewalt, Verbrechen und Korruption untergehenden Gesellschaft. Im 21. Jahrhundert stemmt sich jedoch kein Superheld gegen dieses Untergangsszenario, sondern die CIA mit ihrem Silicon-Valley-Unternehmen Palantir.

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Anstatt mit Muskeln und Kampftechniken werden die Kriege heutzutage mit Terabytes ausgefochten. Mit einer einfach zu bedienenden Suchmaske kann zu jedem einzelnen Knotenpunkt ein eigenes Netzwerk erstellt werden.

Der Firma werden regelrechte Superkräfte nachgesagt: So enthüllte der US-Kriegsreporter Mark Bowden, dass deren Software die Geheimdienste letztlich auf die Spur des seit Jahren untergetauchten Osama Bin Laden geführt habe. Und das Schneeballsystem des Milliardenbetrügers Bernie Madoff soll das Analyseprogramm aus 20-Terabyte-Daten innerhalb weniger Stunden rekonstruiert haben. Das Programm Gotham ist eine riesige Rasterfahndung, die Massendaten aus dem Internet, überwachte Telekommunikation, Kontobewegungen, staatliche Register und Archive sowie Bewegungsprofile analysiert und zusammenführt. Kritiker befürchten, dass die CIA-Investments bei Google und Facebook genau diesem Zweck dienten, nämlich durch die Hintertür Zugriff auf riesige Datenberge zu erlangen und mit Hilfe der Spionage- und Analyseprogramme von Palantir entsprechend auswerten zu können. Bei der Polizei in Hessen wird die Spionage-Software bereits genutzt und Anfang Januar 2020 gab auch die Polizei in Nordrhein-Westfalen bekannt, zukünftig die umstrittene Software einzusetzen. Der anfängliche Auftragswert liegt bei 14 Millionen Euro.

Wirtschaftskrieg gegen Deutschland

Volkswagen, Deutsche Bank und Siemens sind Beispiele, wie mit gezielter Wirtschaftsspionage durch die Amerikaner der deutschen Wirtschaft geschadet wird. Erst werden unzählige Betriebsgeheimnisse wie Patente und Antriebssysteme abgeschöpft, um dann Milliardenstrafen gegen erfolgreiche Konkurrenten auf dem Weltmarkt zu verhängen. Das perfide Gebaren der US-Geheimdienste folgt stets demselben Muster. Auch dies sind Erkenntnisse der Snowden-Enthüllungen über die globale und verdachtsunabhängige Überwachung und Speicherung milliardenfacher Daten auf Vorrat.

51Ur3UtclEL._SX318_BO1,204,203,200_.jpgDurch komplexe Überwachungssoftware wie PRISM, Tempora und XKeyscore werden diese Datenberge sodann von der NSA durchforstet und mit der CIA und anderen Behörden gemeinsam weiter verwertet.

Schließlich kann die NSA, mit illegal beschafften Daten, die Deutsche Bank nicht vor einem New Yorker Gericht auf Milliardensummen verklagen. Und so überlässt die NSA die illegalen Daten dem US-Justizministerium und der US-Börsenaufsichtsbehörde SEC, die dann bei »eigenen« Ermittlungen ganz genau wissen, wo es was zu suchen bzw. zu finden gibt.

Die SEC ist befugt, gegen alle in den USA börsennotierten Unternehmen zu ermitteln.

Zuerst waren die Ermittlungen auf Insiderhandel und Betrug begrenzt, nach 9/11 wurden der Behörde durch den Patriot Act jedoch noch weitreichendere Befugnisse zugesprochen.

Auch hier wurden die erheblichen Kompetenzerweiterungen offiziell mit einer angeblichen Terrorbekämpfung und mit dem Verdacht von Embargo-Verletzungen begründet. Dieses Vorgehen, wie im Fall der Deutschen Bank, ist noch nicht lückenlos bewiesen, aber auch Dr. Gert-René Polli, Gründer des österreichischen Bundesamts für Verfassungsschutz, hält diese These für »allemal plausibel«.

Im Zuge der Finanzkrise um den Handel mit Immobilienkrediten, die zu Paketen geschnürt und weltweit gehandelt und somit verkauft wurden, den sogenannten »mortage-backed securities«, geriet die Deutsche Bank ins Visier der amerikanischen Dienste und Behörden und musste schließlich in den USA eine Geldstrafe in Höhe 11,75 Milliarden Dollar berappen.

Auch weitere US-Sanktionen gegen deutsche Firmen (und gegen Russland) ordnet der Chefvolkswirt der Bremer Landesbank, Folker Hellmeyer, als Teil eines Wirtschaftskrieges gegen Europa und Russland ein. Seine genauen Worte lauten:

»Wir befinden uns mitten in einem Wirtschaftskrieg.«

Während sich die Hiobsbotschaften in der deutschen Wirtschaft wie Meldungen über Massenentlassungen häufen, gerät die deutsche Industrie nicht nur unter massiven Druck globaler Gegenspieler, sondern die Bundesregierung selbst befeuert den Krieg gegen die eigene Industrie. So wurde das einstige Premiumprodukt deutscher Ingenieurskunst – das Automobil –, zuerst durch eine immens aufgeblasene Dieselschmutzkampagne beschädigt und anschließend pauschal als Umweltkiller diffamiert.

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Sonntag, 09.02.2020

L’art contemporain est le soft power planétaire

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L’art contemporain est le soft power planétaire

Par Maximilien Friche 

Ex: http://mauvaisenouvelle.fr


Le manifeste cannibale Dada de Francis Picabia disait en 1924 « L’honneur se vend et s’achète comme le cul. » Aujourd’hui le cynisme ne fait plus scandale, il est la règle qui régit tous nos rapports sociaux et humains. Dans son dernier ouvrage, Nouvelle Géopolitique de l’art contemporain, Aude de Kerros précise : « On ne parle plus de valeur intrinsèque d’une œuvre, mais de cote, d’indice monétaire. » (p8)

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Depuis longtemps maintenant, nous constatons l’arnaque intellectuelle et morale de l’art contemporain. Depuis longtemps, nous dénonçons la convergence des oppressions entre un Etat français dirigiste et une finance internationale globalisante, au profit d’un art unique conceptuel aux messages pseudo subversifs et véritablement progressistes. Depuis peu, nous avons pris conscience que l’art contemporain était devenu un art financier, une simple monnaie. Aude de Kerros nous rappelle d’ailleurs à ce titre que les conseillers financiers recommandent d’avoir dans son portefeuille d’actifs environ 20% d’art. La rentabilité de l’art est estimée à 8%. Aucun risque. Même si c’est moche, même si c’est idiot, et surtout si ce n’est pas de l’art, cela vaut le coup. C’est ce qu’elle appelle l’innocent argent de poche de l’hyperclasse (p13) et c’est aussi bien souvent la possibilité d’un blanchiment de l’argent du crime et du trafic de drogue. C’est surtout, concernant l’art conceptuel, le lieu du délit d’initiés permanent. L’hyperclasse se met d’accord sur la valeur d’une œuvre et l’œuvre a cette valeur. Attribuer un prix est du ready made sur du ready made finalement. C’est de l’art parce qu’on l’a décidé. De la même façon, cela vaut plus ou moins cher parce qu’on le décide.

Toutes ces prises de conscience, nous les devons entre autres à Aude de Kerros au travers de ces divers ouvrages dont L'art caché : Les dissidents de l'art contemporain ; Des révélations inédites sur l'art actuel et L'imposture de l'art contemporain : Une utopie financière. Mais comme le monde est entré dans son ère trotskyste des organisations et que tout change en permanence de peur que l’on ne s’aperçoive de la bêtise de ce qui existe, il faut rester en veille. C’est ce que fait Aude de Kerros en nous expliquant désormais La nouvelle géopolitique de l’art contemporain.

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New-York : seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire

Le livre s’ancre dans l’histoire en rappelant la guerre froide et l’invention du soft power américain. Tout est venu de la CIA et de la guerre froide. Le coup de génie a été de récupérer les artistes en les achetant finalement, en les transformant en valeur marchande. « Un artiste de gauche peut librement, par ses œuvres, exprimer ses idées, sa critique de la société, et en même temps être promu, acheté, institutionnalisé. » Nous avons là, en définitif le premier exemple d’« en même temps » machiavélique, bien avant que notre algorithme de président n’en abuse à tour de bras. Une hégémonie américaine a suivi l’effondrement du bloc soviétique. Les USA ont utilisé l’art contemporain comme une arme pour globaliser le monde et effacer les identités culturelles et civilisationnelles. En art, la globalisation impliquerait un processus de « décivilisation » ? Ce n’est pas une conséquence non souhaitée, mais un objectif revendiqué. Nathalie Obadia avoue que l’art contemporain comme soft power, est un outil indispensable à la paix dans le monde et à la concorde universelle. En gommant les civilisations, en standardisant la culture, on supprime selon cette idéologie le risque de guerre et on peut imposer cette autre dictature à visage humain. « New York souhaiterait exercer sans partage son pouvoir de consécration et d’exclusion, bref de décider seul les critères de “l’art contemporain”. Sans identité, sans esthétique, seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire. » (p137) Seulement, l’hégémonie passée, certaines civilisations peuvent prouver qu’elles ne sont pas mortes et il faut bien avouer que l’art contemporain s’essouffle, comme une éternelle et gâteuse avant-garde (p15). « La martingale dérision-mépris-sidération-confusion-inversion semble avoir atteint ses limites. » (p258)

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La Russie, la Chine : tant de vie !

Aude de Kerros montre qu’aujourd’hui la géopolitique de l’art contemporain est celle des places pétrolières, des grandes places financières et des Gafam. Pour autant, la géopolitique de l’art tout court, est plus complexe. Ainsi, alors que le marché de l’art contemporain est avant tout un marché de l’offre, la Chine s’inscrit, elle, dans un marché de demande correspondant davantage à un désir anthropologique. Et il faut bien avouer que le carcan conceptuel et froid aurait bien du mal à contenir tant de vie culturelle. De la même façon, en Russie, art contemporain signifie art libre et non uniquement conceptuel. La vie artistique n’y est quasiment pas subventionnée, donc quasiment pas contrôlée, elle est de fait plus créative, plus imprévisible. En Chine, la seule contrainte est la non critique ouverte du gouvernement, ce qui laisse tout de même beaucoup plus de possibilités d’expression artistique qu’en Occident.

Paris au service du soft power américain

« Paris depuis vingt ans ne sert plus sur le marché mondial que de présentoir publicitaire gratuit en offrant ses monuments pour exposer des produits en voie de cotation extrême. » (p57) Notre vocation est donc d’être la tête de gondole de l’art contemporain, la caution culturelle et intellectuelle d’un art qui en est intrinsèquement dépourvu. « La politique d’influence française met en permanence les institutions françaises au service du soft power américain. » Cet alignement officiel de l’Etat, cette soumission à la globalisation, n’a pas détruit l’art en France, il a simplement conduit les artistes à aller peindre dans leurs grottes. Ainsi existe-t-il depuis 1981 un art caché, sorte d’exception française. L’ironie fut que cet art caché français reçut un temps le soutien de la Chine avant que cette dernière utilise la route de la soie, pour mieux ceinturer les échanges et se concentrer sur ses frontières.

L’art contemporain sera multipolaire ou …

Pour Aude de Kerros, l’art contemporain international est devenu total : hybride, commercial, financier, intellectuel, juridique, monétaire, patrimonial, visant le succès populaire mondial, transcendant les cultures et les classes sociales. Le global kitsch et le flashy pop art a pris la tête des blue chips de l’art contemporain, embarquant le peuple dans l’achat de produits dérivés. » (p218) Et aujourd’hui les pays critiques vis-à-vis de cette globalisation qui nie les civilisations sont les anciens pays communistes. Ils se lancent dans la promotion de leur art civilisationnel. En effet, grâce aux œuvres d’art, l’identité des pays qui ont connu la guerre, le totalitarisme se recompose. « Paradoxalement, les arts civilisationnels, mis au ban du globalisme, sont aujourd’hui plus ouverts que l’art contemporain soumis à sa boucle d’asservissement financier. » (p258)

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On peut donc refermer ce livre avec un peu d’optimisme, car, derrière la globalisation, se cache la multiplication des soft power particuliers et enracinés. Qu’attend donc la France pour les rejoindre ? Aujourd’hui, l’art contemporain, l’art conceptuel, admet à ces côtés de l’art pour bénéficier de sa réputation. La peinture que l’on croyait perdue revient de ce double effet des soft power enracinés et d’un épuisement de l’art conceptuel. L’art est devenu un moment de l’art contemporain, pour paraphraser Debord qui savait que dans un monde où tout est faux, le vrai est un moment du faux.

André Siegfried et le collectivisme américain

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André Siegfried et le collectivisme américain

Par Nicolas Bonnal

 

Ex: https://leblogalupus.com

Une culture organisée autour de la consommation de masse encourage le narcissisme — qui désigne la tendance à voir le monde comme un miroir, et plus précisément comme une projection des peurs et des désirs intimes d’une personne — non pas parce qu’elle rend possessif et capricieux, mais parce qu’elle rend faible et dépendant. Elle mine la confiance que les individus ont en leur capacité à comprendre et modeler le monde, et à pourvoir à leurs propres besoins. Le consommateur a le sentiment qu’il vit dans un monde qui défie la compréhension et le contrôle pratiques, un monde de bureaucratie géante, «saturé d’informations» et constitué de systèmes technologiques complexes et réticulaires susceptibles de s’effondrer subitement, comme lors de la coupure d’électricité géante qui a plongé le Nord-Est des États-Unis dans l’obscurité en 1965 ou lors de la fuite de radiations de Three Mile Island en 1979.

— Christopher Lasch, The Minimal Self (trad. SD).

Rien ne ressemble plus un américain qu’un autre américain, rien ne ressemble plus à un homme moderne qu’un autre homme moderne. On supprime sexes, nations et cultures pour bien le démontrer ; pas besoin d’être un esprit traditionnel pour s’en rendre compte.

Journaliste, essayiste et connaisseur des sociétés anglo-saxonnes, André Siegfried, qui fut repris par Julius Evola, avait la dent dure. Il y a déjà un siècle il écrivait sur ce conformisme des modernes :

« De là une tendance grandissante à réduire toutes les vertus à celle, primordiale, de la conformité. »

Important, l’américain n’est pas une victime (c’est ce que ne comprennent pas les antisystèmes, en France comme ailleurs) : il est un volontaire, un enthousiaste, comme dit Céline. Siegfried :

« Ce ne sont pas les dirigeants qui imposent cette manière de voir, ni même le gouvernement, c’est le grand public lui-même. Dans les universités, la majorité des étudiants sollicitent l’enseignement d’une vérité toute faite, ils demandent aux maîtres moins une culture qu’un instrument de succès. »

AS-ame.jpgPhilippe Grasset a comparé l’américanisme au germanisme. Siegfried rappelait :

« La même crainte instinctive que ressentait la France devant le système germanique, à la veille de la guerre, elle l’éprouve maintenant à l’égard de certaines méthodes américaines, symbolisées dans l’usine Ford. Elle sait bien que, si ce système triomphe, la productivité du monde subira un accroissement formidable, que tout ce qui demeure entre nos mains, latent, noué et matériellement stérile, s’épanouira en réalisations de richesse, mais elle hésite à payer le prix. »

A cette époque (années vingt donc), Duhamel publie ses justes Regards sur le monde moderne ; Céline décrit la rue newyorkaise ou les usines Ford dans les inoubliables pages du Voyage, Hermann Hesse narre sa révolte intérieure dans le Loup des steppes. Siegfried ajoute sur cette massification, ce fordisme des esprits :

« Une transformation sociale d’immense portée résulte en effet de cette structure, qui incline toutes les énergies vers un même but. L’être humain, devenu moyen plus que but, accepte ce rôle de rouage dans l’immense machine, sans penser un instant qu’il puisse en être diminué. La religion, enrôlée dans l’entreprise, exalte à ses yeux le rendement comme une mystique de la vie et du progrès. »

Tocqueville nous disait qu’il ne nous resterait que la famille dans sa Démocratie. Pas même, selon notre essayiste :

« Mais, prise entre l’individu atrophié et la société trop puissamment organisée, la famille se trouve diminuée : aux yeux des chercheurs de rendement social, elle apparaît presque comme un barrage qui arrête le courant. Si l’Église catholique la défend à ce titre, comme une forteresse de résistance et de sécession, la société dans son ensemble ne compte plus sur elle pour l’éducation de la nation : c’est à l’école publique, aux Églises, aux dix mille associations de morale, d’éducation, de réforme, c’est à la presse et presque à la publicité qu’elle demande plutôt d’éduquer les masses. »

Le monde est un drive-in où l’on subit la même programmation, cinématographique, radiophonique ou télévisuelle. Tex Avery s’en rendit très bien compte, lui le dernier esprit libre américain avec Henry Miller.  

Siegfried conclut donc sur cette abdication et ce collectivisme :

« Par-là, en l’absence de ces institutions intermédiaires, dont la collaboration sociale se tempère d’autonomie, le milieu américain tend à prendre l’aspect d’un collectivisme de fait, voulu des élites et allègrement accepté de la masse, qui subrepticement mine la liberté de l’homme et canalise si étroitement son action que, sans en souffrir et sans même le savoir, il confirme lui-même son abdication. »

Le pire est la jeunesse moderne qui est d’autant plus massifiée qu’elle se croit (ou est décrétée) rebelle :

« De cette discipline sociale c’est surtout l’élite étrangère, mal assimilée, qui paraît souffrir. Il se trouve aussi des Américains d’âge mûr pour protester contre elle. Mais la jeunesse, elle, ne laisse apparaître aucune protestation, aucune réaction contre la tyrannie collective : elle l’accepte manifestement comme allant de soi, elle n’a pas la mentalité individualiste ; bref, le régime lui convient. »

Il y a même un vertige à abandonner son individualité :

« Du reste, le profit qu’elle en retire est si grand, la sécurité qu’elle y trouve si parfaite, le vertige de la collaboration qu’elle apporte à quelque chose de plus grand qu’elle-même est si enivrant que, dans cet abandon où il entre du mysticisme, le reste échappe à sa pensée ou à son regret. Nous continuerons cependant de nous demander si, dans cette atmosphère, l’individu peut survivre. »

9782070259120.jpgEt comme Ortega Y Gasset à cette même et lucide époque, Siegfried dénonce le péril collectiviste américain et il pressent ce que l’européen va perdre :

« Dans son enthousiasme à parfaire une incomparable réussite matérielle, l’Amérique ne risque-t-elle pas d’éteindre cette flamme de liberté individuelle que l’Europe, enfantine peut-être dans son rendement économique, avait cru être un des trésors essentiels de l’humanité civilisée ? »

Il en fait même le procès de cette civilisation :

« Ainsi, au moment où les États-Unis connaissent un état de prospérité tel que jamais le monde n’en avait vu de semblable, l’observateur impartial éprouve un doute : cette maîtrise inouïe des biens de la terre conduit-elle en fin de compte à une civilisation plus haute ? Initiatrice des formes modernes de la grande production industrielle, l’Europe s’arrête, effrayée, en percevant les conséquences extrêmes que, logiquement, sa pratique entraîne. »

Il faut rappeler que l’Europe d’alors n’avait pas tout perdu :

« Si certains Européens, qui veulent rajeunir industriellement leur vieux continent, ont pris les États-Unis pour modèle, il en est d’autres qui hésitent et regrettent leur passé, comme plus raffiné et meilleur. Vue du nouveau monde, quand ils y vont, l’Europe, sous une perspective nouvelle, leur apparaît autre qu’ils ne pensaient, autre aussi que les reproches des penseurs orientaux ne la leur avaient dépeinte. À la lumière du contraste américain ils s’aperçoivent que, dans sa hiérarchie des valeurs, la poursuite matérielle n’avait pas tout absorbé, qu’elle réservait encore une grande place, dans ses vénérations, à la pensée libre et sans profit, à la recherche des joies de l’esprit, payée souvent du renoncement à la fortune ou au confort. »

Depuis l’Europe a craqué, et le reste du monde…

NICOLAS BONNAL

Sources :

  • André Siegfried – Les Etats-Unis d’aujourd’hui, dernières pages (classiques.uqac.ca)