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lundi, 10 avril 2023

Les États-Unis menacent l'Europe de sanctions si les sanctions européennes contre la Russie ne sont pas appliquées

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Les États-Unis menacent l'Europe de sanctions si les sanctions européennes contre la Russie ne sont pas appliquées

Deux fonctionnaires du département du Trésor se rendront chez les alliés européens pour exiger la fin des échanges avec la Russie.

par Kyle Anzalone

Source: https://news.antiwar.com/2023/04/07/us-will-threaten-europe-to-implement-sanctions-on-russia/

La Maison-Blanche entend envoyer un message clair à ses partenaires européens dans la guerre économique contre la Russie : "Vous êtes avec nous ou contre nous". Deux fonctionnaires du Trésor américain se rendront le mois prochain chez leurs partenaires d'Europe et d'Asie centrale pour exiger l'application de toutes les sanctions à l'encontre de la Russie.

Les fonctionnaires du Trésor Liz Rosenberg et Brian Nelson rencontreront des dirigeants d'institutions financières en Suisse, en Italie et en Allemagne. L'AP rapporte que les fonctionnaires auront un message simple : "1. continuez à fournir un soutien matériel à Moscou ou 2. Continuez à faire des affaires avec des pays qui représentent 50 % de l'économie mondiale".

Rosenberg et Nelson fourniront à leurs homologues européens des renseignements sur les personnes soupçonnées d'avoir enfreint les sanctions. Si ces pays ne parviennent pas à sévir contre ceux qui continuent à faire des affaires avec la Russie, Washington menace d'imposer des "pénalités". Il est difficile de savoir jusqu'où l'administration de Joe Biden est prête à punir les alliés de l'OTAN pour avoir violé les sanctions.

Cette politique fait écho à la doctrine du président George W. Bush selon laquelle les pays doivent soit s'aligner activement sur Washington dans ses guerres au Moyen-Orient, soit être considérés comme travaillant "avec les terroristes".

On ne sait pas encore comment l'Europe réagira aux menaces de l'administration de Joe Biden. Certains membres de l'UE se sont prononcés en faveur d'un plan qui lèverait les sanctions contre l'industrie biélorusse des engrais.

En outre, l'application de sanctions plus strictes pourrait menacer l'accord d'exportation de céréales de la mer Noire. Cet accord, négocié par la Turquie et les Nations unies, permet aux ports ukrainiens de la mer Noire, fortement minés, d'exporter des produits agricoles. Moscou s'est montrée disposée à prolonger l'accord à plusieurs reprises, mais menace d'y mettre fin en raison des sanctions occidentales qui empêchent la Russie de profiter des avantages de l'accord.

Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie l'année dernière, la Maison Blanche a déclenché une série de sanctions qu'elle considérait comme une arme nucléaire économique. Toutefois, la tentative d'isoler l'économie de Moscou a largement échoué. Si le rouble russe a chuté ces derniers jours, Moscou a résisté aux sanctions pendant la majeure partie de la guerre en augmentant ses échanges avec l'Asie.

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Washington s'est contenté de rallier ses alliés de l'OTAN et d'autres partenaires proches à l'adoption des sanctions. Entre-temps, la Chine a ajouté de nouveaux pays à son Organisation de coopération de Shanghai, et l'Arabie saoudite et la Turquie sont deux des derniers membres potentiels.

En devenant membre de l'OCS, le président iranien Ebrahim Raisi a fait remarquer que plus les États-Unis sanctionnent de pays, plus ces nations ciblées peuvent coopérer en tant que partenaires commerciaux : "Les relations entre les pays sanctionnés par les États-Unis, comme l'Iran, la Russie ou d'autres pays, peuvent permettre de surmonter de nombreux problèmes et de les rendre plus fortes", a-t-il déclaré. "Les Américains pensent que quel que soit le pays auquel ils imposent des sanctions, il sera stoppé, mais leur perception est erronée.

Kyle Anzalone est rédacteur en chef de Antiwar.com, rédacteur en chef de l'Institut libertarien et co-animateur de Conflicts of Interest.

vendredi, 10 février 2023

Les États-Unis ont saboté les gazoducs Nord Stream: pas vraiment une surprise

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Les États-Unis ont saboté les gazoducs Nord Stream: pas vraiment une surprise

Par Alexander Schwarz

Source: https://ansage.org/usa-sabotierten-nord-stream-keine-wirk...

Depuis que le légendaire journaliste américain Seymour Hersh, aujourd'hui âgé de 85 ans, a expliqué de manière plausible dans un dossier retentissant que le gouvernement américain était à l'origine du dynamitage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique en septembre dernier, confirmant ainsi le scénario le plus probable de cet acte de sabotage pour les analystes et les observateurs critiques, les médias sociaux sont en ébullition. Selon Hersh, la décision aurait été prise dès la fin 2021, avant l'invasion de l'Ukraine. En juin 2022, des plongeurs de la marine américaine auraient placé des explosifs sur les pipelines dans le cadre de l'exercice de l'OTAN "Baltops 2022", qui auraient ensuite été déclenchés à distance en septembre. L'opération a été ordonnée par le président Joe Biden et menée sous la direction de l'agence de renseignement extérieur CIA, selon Hersh. Des plongeurs de la Marine - et non des membres des forces spéciales - ont été spécialement utilisés pour cette opération, car les opérations secrètes des forces spéciales ne relèvent pas du seul commandement militaire, mais doivent être signalées au Congrès et communiquées à l'avance à ses dirigeants.

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L'annonce faite en janvier 2022 par la sous-secrétaire d'État Victoria Nuland, qui avait menacé de manière éloquente de désactiver le gazoduc (elle avait dit textuellement: "Je veux vous dire très clairement aujourd'hui que si la Russie envahit l'Ukraine, Nord Stream 2 sera bloqué d'une manière ou d'une autre"), aurait été utilisée par la CIA pour faire passer l'opération de sabotage du niveau le plus élevé à celui d'une opération régulière de haute sécurité, évitant ainsi tout contrôle parlementaire. Le pouvoir de décision revenait donc uniquement à Biden.

Des démentis attendus

Sans surprise, le rapport de Hersh, qui s'appuie sur une source interne non identifiée, a été vigoureusement démenti à Washington. La Maison Blanche a fait savoir par l'intermédiaire de la porte-parole du Conseil de sécurité nationale que "c'est totalement faux et une invention totale". La CIA a réagi presque dans les mêmes termes: "Cette affirmation est complètement et totalement fausse". La ministre norvégienne des Affaires étrangères a également déclaré que le rapport était "faux". Cela n'invalide cependant pas la plausibilité de la démonstration de Hersh. De toute façon, l'affaire ne pourra pas être balayée d'un revers de main: Hersh, lauréat du prix Pulitzer, n'est pas n'importe qui, il est considéré comme l'un des reporters les plus célèbres des Etats-Unis. Il a notamment révélé le massacre perpétré par les troupes américaines dans le village vietnamien de My Lai en 1969 et la torture de prisonniers irakiens à la prison d'Abu Ghraib en 2004. Depuis que, tout en conservant son indépendance journalistique, il a révélé à plusieurs reprises des faits dérangeants qui embarrassaient la gauche qui le célébrait jusqu'alors, et qu'il s'est opposé à certains récits officiels - par exemple sur l'assassinat d'Oussama ben Laden ou les attaques au gaz toxique du régime Assad - il a été catalogué, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, parmi les "théoriciens du complot".

Dans le cas présent de Nord Stream, Hersh ne spécule pas vraiment, il fournit au contraire un faisceau d'indices convaincants et présente une argumentation extrêmement cohérente et logique. La paternité des explosions du gazoduc par les États-Unis expliquerait également le silence frappant du gouvernement fédéral et de la plupart des médias sur cet acte monstrueux, qui a disparu des gros titres en un rien de temps, comme par magie, alors qu'il s'agissait en fait d'un acte de guerre et que Nord Stream 1 avait été pendant de longues années l'épine dorsale de l'approvisionnement en gaz de l'Allemagne et l'objet d'un débat politique parfois acharné. Malgré cela, le dynamitage a été et est toujours traité comme un détail par les officiels et les médias.

Pas un sujet pour les médias d'État allemands

Par conséquent, les révélations de Hersh n'ont même pas été mentionnées par le Tagesschau - bien que la chaîne ARD ait salué l'année dernière Hersh comme "une épine dans le pied des puissants", qui "montre à l'opinion publique mondiale le visage hideux des Etats-Unis". Hersh a également été acclamé avec frénésie par Die Zeit. Aujourd'hui, à l'ère de Biden et de la solidarité pro-ukrainienne servile de la gauche allemande et de ses médias de cour, l'extase a apparemment disparu. Indépendamment de l'exposé de Hersh, il est clair que si, comme il l'a affirmé à l'époque, il existait effectivement la moindre preuve de l'implication de la Russie dans l'explosion, le gouvernement allemand l'aurait dénoncée sans relâche. Comme cela n'a pas été le cas et que le sujet a été délibérément minimisé, il ne reste en fait que les États-Unis comme seul pays ayant la volonté, le pouvoir et l'intérêt de détruire les pipelines - d'autant plus qu'un Joe Biden présomptueux avait quasiment annoncé cette mesure devant la presse mondiale en présence du chancelier allemand Olaf Scholz en février 2022 - au grand désarroi de ceux qui avaient planifié l'action, comme le note Hersh. Il est donc impossible de rejeter son rapport et de le placer dans le domaine de la fable aussi grossièrement que l'on tente de le faire aujourd'hui...

 

mercredi, 09 novembre 2022

Le "grand ami" américain déclare la guerre à l'automobile européenne

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Le "grand ami" américain déclare la guerre à l'automobile européenne

Adele Piazza

Source: https://electomagazine.it/il-grande-amico-americano-dichiara-guerra-allauto-europea/#google_vignette

La Maison Blanche a l'intention de dé-carboniser l'Amérique d'ici 2035, avec des incitations qui permettraient de créer jusqu'à dix millions d'emplois. Tout cela grâce au projet de loi américain d'incitation à l'achat de véhicules électriques le plus controversé et le plus débattu, la loi sur la réduction de l'inflation ("Inflation Reduction Act" - IRA). En réalité, un ensemble de réformes beaucoup plus large, qui met sur la table 437 milliards de dollars pour la santé et l'environnement. Un tournant dans la politique énergétique américaine et donc mondiale. Toutes les dépenses prévues seront financées par une taxe minimale de 15% sur les entreprises qui font des bénéfices annuels de plus d'un milliard de dollars, ainsi que par une taxe de 1% sur les entreprises qui rachètent leurs propres actions.

Les 369 milliards de dollars affectés à la sécurité énergétique et à la lutte contre le changement climatique, y compris le financement du bonus de 7.500 dollars pour les voitures, suscitent davantage de débats. Mais les industries européennes et asiatiques ont déjà rejeté les mesures visant les quatre-roues. En effet, le bonus pour les voitures est lié à l'assemblage de batteries produites avec des minéraux extraits aux États-Unis ou dans des pays avec lesquels Washington a un accord de libre-échange.

La voiture la plus chère du monde

La loi sur la réduction de l'inflation ne plaît pas aux États de l'UE car elle contient des "mesures discriminatoires" pour les constructeurs automobiles européens en particulier. Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, en charge du commerce international, souligne que "C'est une question qui préoccupe de nombreux pays et entreprises, que Bruxelles a mise en avant avec nos partenaires américains ces dernières semaines, et qui a joué un rôle majeur dans les discussions d'aujourd'hui. Il semblerait qu'un grand nombre des subventions vertes prévues par la loi puissent créer un préjudice et une discrimination à l'encontre des industries de l'UE dans les secteurs de l'automobile, des énergies renouvelables, des batteries et des secteurs à forte intensité énergétique".

D'autres pays, comme le Japon et la Corée du Sud, partagent les préoccupations de l'UE et réfléchissent également à la meilleure façon de traiter ce problème. Pour les Vingt-Sept, "l'objectif serait d'obtenir le même statut que le Canada et le Mexique", dont la production bénéficie des mêmes avantages que celle des États-Unis dans les mesures prises. Il s'agit au moins d'une "position de départ dans les négociations", a souligné le ministre tchèque de l'Industrie Jozef Sikela, président en exercice du Conseil de l'énergie.

L'Allemagne, avec les géants de l'automobile Volkswagen, BMW et Mercedes, avait mis en garde il y a trois semaines contre le risque d'une "guerre tarifaire" transatlantique, le danger que ce que les États-Unis ont légiféré soit extrêmement protectionniste envers les exportations vers l'UE.

mardi, 27 septembre 2022

L'objectif de la guerre en Ukraine, selon le journal RAND: affaiblir l'Allemagne pour renforcer les Etats-Unis

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L'objectif de la guerre en Ukraine, selon le journal RAND: affaiblir l'Allemagne pour renforcer les Etats-Unis

Alfredo Jalife Rahme

Source: https://noticiasholisticas.com.ar/guerra-en-ucrania-debilitar-a-alemania-para-fortalecer-a-eeuu-segun-documento-de-rand-por-alfredo-jalife-rahme/

La défaite du "centre-gauche" en Suède et la montée de son centre-droit ont amené la démission du premier ministre Andersson, une vulgaire soubrette de l'OTAN. La tendance des élections en Europe est au populisme, selon le livre National Populism : the rebellion against liberal democracy, oeuvre de deux universitaires britanniques, Roger Eatwell et Matthew Goodwin (https://amzn.to/3dyGw5h). Dans ce contexte, le portail scandinave New Dagbladet expose un "document choquant": "Comment les États-Unis ont planifié la guerre et la crise énergétique en Europe (https://bit.ly/3xzEM2H)", selon un prétendu "document confidentiel" divulgué par l'influent groupe de réflexion militariste, auteur régulier de scénarios de guerre, Rand : "Affaiblir l'Allemagne, renforcer les États-Unis" (25/1/22), un mois avant l'opération militaire spéciale de la Russie (Poutine dixit) en Ukraine.

Rand affirme que "l'état actuel de l'économie américaine ne suggère pas qu'elle puisse fonctionner sans le soutien financier et matériel de sources extérieures (https://bit.ly/3qRXZIX)". Elle juge qu'"il y a un besoin urgent de ressources à injecter dans l'économie nationale (américaine), en particulier à partir du système bancaire" et que "seuls les pays européens liés par des engagements envers l'OTAN et envers l'Union européenne (UE) seront en mesure de les fournir", alors que "leur plus grand obstacle est l'indépendance croissante de l'Allemagne" : "on peut s'attendre à un flux croissant de ressources de l'Europe vers les États-Unis, si l'Allemagne commence à connaître une crise économique contrôlée", de sorte que "couper l'approvisionnement en énergie bon marché de la Russie pourrait bien créer une crise systémique qui serait dévastatrice pour l'économie allemande et indirectement pour l'ensemble de l'UE".

Selon Rand, "la condition préalable pour que l'Allemagne succombe à ce piège est le rôle croissant des partis verts et de leur idéologie en Europe", qui sont susceptibles "d'ignorer les arguments économiques" en raison de leur dogmatisme congénital (https://bit.ly/3dBRR4y). Il souligne le "manque de professionnalisme de leurs chefs fanatiques Annalena Baerbock et Robert Habeck", alors que la "réduction des approvisionnements énergétiques russes conduirait à un épilogue désastreux pour l'industrie allemande" avec "des pertes estimées à 300 milliards d'euros, qui feraient s'effondrer toute l'économie de l'UE", avec l'effondrement de l'euro, dont les Etats-Unis bénéficieraient avec une "réorientation logistique des flux allant jusqu'à 9000 milliards de dollars".

Neuf mois après le "document confidentiel" de Rand, la plupart de ses prévisions se vérifient à la lettre.

Le New Dagbladet résume la "crise énergétique en Europe qui a été planifiée par les États-Unis" et souligne que le document "reconnaît que la politique étrangère agressive en Ukraine fera pression sur la Russie pour qu'elle intervienne militairement", car "il a l'intention d'introduire un paquet de sanctions préparé de longue date". Parallèlement au flux redirigé de 9000 milliards de dollars de capitaux vers les États-Unis, "les jeunes Européens hautement qualifiés seront contraints d'émigrer". Où aller? Aux États-Unis? Qui implosent entre démocrates et trumpiens ?

Le New Dagbladet résume la pensée stratégique de Rand, dont "l'objectif principal est de diviser l'Europe - en particulier l'Allemagne et la Russie - et de détruire l'économie européenne en amenant les idiots utiles politiques (sic) à arrêter les approvisionnements énergétiques russes sur le continent". Actualisation de l'axiome de Mackinder de 1904 !

Ni Rand ni le New Dagbladet ne commentent le fait que l'UE sera obligée d'acheter du gaz liquéfié (GNL) aux États-Unis, issu de la fracturation du schiste, qui est 40 % plus cher que le gaz naturel russe fourni jusqu'il y a peu de temps par des contrats à long terme. Quant au cours du GNL sur les marchés européens d'Allemagne/Pays-Bas/Grande-Bretagne/Autriche, le cours de ses actions a augmenté jusqu'à 1000 %, selon William Engdahl, politologue allemand de l'université de Princeton, qui déplore le "suicide allemand et européen" (https://bit.ly/3xGqxsN)".

On peut maintenant comprendre pourquoi l'Iran et la Chine affirment que les États-Unis sont les grands gagnants de la guerre en Ukraine.

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jeudi, 23 juin 2022

La fin de la mondialisation et les Verts, fossoyeurs de l'environnement

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La fin de la mondialisation et les Verts, fossoyeurs de l'environnement

Thomas Röper

Source: https://www.anti-spiegel.ru/2022/das-ende-der-globalisier...

La politique actuelle de l'UE, menée en grande partie par les Verts, sonne le glas de la mondialisation et place l'obéissance aux États-Unis au-dessus de la protection de l'environnement et des intérêts économiques en Europe.

Il est évident pour tout le monde que la force motrice de la politique anti-chinoise dans laquelle l'UE s'est désormais engagée est les États-Unis. Lorsque le président Trump a déclenché la guerre commerciale contre la Chine, l'UE était encore réticente à s'y associer, bien que des responsables politiques européens de premier plan comme Reinhard Bütikofer aient déjà fait campagne pour une ligne de conduite explicitement anti-chinoise à l'époque de Trump, même si cela pouvait nuire à l'économie de l'UE et coûter des millions d'emplois.

Quand Trump et Biden font la même chose

Lorsque Trump a quitté le pouvoir, Bruxelles a sans doute espéré que la politique américaine vis-à-vis de la Chine changerait sous la houlette de Joe Biden, accueilli comme un sauveur. Mais la politique anti-chinoise n'était pas une lubie de Trump, mais un objectif géopolitique des élites américaines, et Biden n'a pas seulement maintenu le cap de Trump, il l'a même renforcé. C'est pourquoi l'UE, fidèle vassale de Washington, s'est alignée sur la ligne anti-chinoise américaine immédiatement après le changement de pouvoir à Washington, même si elle est bien plus dommageable pour l'UE que pour les États-Unis sur le plan économique. Ce qui était encore "fi & diantre" sous Trump est soudain devenu génial sous Biden.

Tout comme ils viennent de le faire contre la Russie, les dirigeants de l'UE et de ses Etats membres courent droit au suicide économique en ce qui concerne la Chine, uniquement pour plaire à leur colonisateur d'outre-mer.

Les "idéaux" des Verts

Comme on le sait, les Verts sont, dans leur rhétorique, les batteurs de tambour les plus bruyants pour une ligne dure à l'égard de la Chine et pour un éloignement général de l'Europe par rapport ce pays. Le fait que les Verts n'aient aucune idée de l'économie et que leurs "idéaux" passent avant des questions aussi banales que l'économie et l'emploi n'est pas non plus nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est qu'ils accordent désormais plus d'importance à leurs "idéaux" qu'à la protection de l'environnement. Nous avons déjà pu le constater avec les sanctions contre la Russie, qui ont conduit de facto à une renaissance de l'énergie tirée du charbon et qui ont également remis en question l'abandon du nucléaire, cause jadis si sacrée pour les Verts.

Cela se produira probablement aussi dans la lutte contre la Chine, car un découplage économique de l'UE par rapport à la Chine aura notamment pour conséquence que la transition énergétique prônée par les Verts ne pourra être mise en œuvre qu'au prix d'importants dégâts environnementaux en Europe. Pour l'extraction de nombreuses matières premières (pas seulement le pétrole et le gaz), on ne pourra pas, en Europe non plus, se passer de la fracturation, une technique nuisible à l'environnement, que les Verts qualifieront alors de prix à payer pour les "valeurs occidentales".

Afin de créer le climat nécessaire à cet effet dans l'opinion publique, des campagnes médiatiques anti-chinoises sont régulièrement lancées. La dernière en date a été la présentation des soi-disant Xinjiang Police Files - qui, comme on a pu le vérifier en seulement cinq minutes de recherche, était une opération de propagande menée de manière assez dilettante par les Etats-Unis, visant à rallier davantage l'opinion publique occidentale à leur cause anti-chinoise.

Les seuls "idéaux" que les Verts actuels suivent encore sont ceux des élites américaines. Les Verts sont devenus les plus fervents partisans des objectifs de la géopolitique américaine et ces "idéaux" passent désormais avant des questions aussi banales que la protection de l'environnement ou la garantie de la prospérité des populations, cette dernière n'ayant de toute façon jamais vraiment intéressé les Verts.

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Le(s) nouvel(aux) ordre(s) mondial/diaux)

J'ai souvent souligné que le conflit actuel ne concernait pas l'Ukraine, ce pays meurtri n'étant qu'un pion dans le jeu qu'est la géopolitique. Il s'agit de la lutte des mondialistes, qui tiennent les rênes en Occident, contre des États qui considèrent que l'économie peut gagner de l'argent, mais qu'elle doit se tenir à l'écart de la politique. Ces États sont principalement la Russie et la Chine et sont donc les ennemis déclarés des États-Unis et de leurs élites.

Cette année, nous sommes entrés dans la phase la plus chaude de cette lutte géopolitique, dont les médias et les hommes politiques occidentaux disent ouvertement qu'elle vise à établir un nouvel ordre mondial. Mais comme ils n'ont pas réussi à vaincre la Russie et la Chine, la nouvelle stratégie dans cette phase chaude de la lutte géopolitique semble être de couper toutes les relations - pas seulement politiques, mais aussi économiques - avec la Russie et la Chine. Si aucune des deux parties ne remporte prochainement une victoire décisive, nous aurons probablement dans un avenir proche deux systèmes économiques et financiers coexistants dans le monde.

Les analystes russes publient de plus en plus d'articles sur les objectifs de la politique occidentale, à savoir nuire à l'économie de telle sorte qu'un nouveau système, le nouvel ordre mondial, puisse finalement être mis en place en Occident sans trop de protestations, et sur les moyens utilisés pour mettre en œuvre cette voie ; vous trouverez des exemples récents ici : https://www.anti-spiegel.ru/2022/tagungen-von-iwf-und-weltbank-der-westen-opfert-die-weltwirtschaft/ et https://www.anti-spiegel.ru/2022/der-kreml-ueber-den-zusammenbruch-des-globalismus-und-kommende-weltordnungen/

D'ailleurs, des experts occidentaux arrivent également à cette conclusion, même s'ils utilisent des formulations différentes. Il y a une semaine, un article du Spiegel faisait état de ces mêmes tendances, auxquelles se prépareraient selon eux la majorité des directeurs financiers des groupes occidentaux. Ce que les experts russes appellent ouvertement par son nom est décrit en Occident par des mots comme "formation de blocs" et des formules comme "localisation des chaînes d'approvisionnement". Mais cela signifie la même chose que ce que les Russes voient venir: l'émergence de deux systèmes économiques et financiers coexistants dans le monde.

L'agence de presse russe TASS vient de publier une autre analyse sur la politique anti-chinoise de l'UE, principalement promue par les Verts, et montre pourquoi cette politique est un clou de plus dans le cercueil que l'UE s'est fabriqué. Comme je trouve cette analyse très instructive, je l'ai traduite.

Début de la traduction :

La mondialisation, c'est du passé ? L'Europe rompt avec la Chine sur ordre des États-Unis

Pékin, et non Washington, était le principal partenaire commercial de l'UE dans les années 2010. Mais en 2022, la politique est plus importante que l'économie : les relations établies en matière de commerce et d'investissement se brisent sous nos yeux.

Après une pause d'un an, la Chine et l'UE se préparent à un nouveau round de la guerre des sanctions. Le 9 juin, le Parlement européen a reconnu l'authenticité du contenu des Xinjiang Files - une base de données sur la situation des Ouïghours chinois obtenue par des pirates informatiques. Les députés européens demandent que de nouvelles sanctions, y compris contre de hauts fonctionnaires chinois, viennent s'ajouter à celles déjà imposées en 2021. La dernière fois, la Chine n'a pas laissé une telle attaque sans réponse: elle a même mis des députés européens sur la liste noire. L'Europe est prête à poursuivre l'échange de coups: selon un sondage, un quart des investisseurs allemands seraient prêts à délocaliser la production de la Chine vers d'autres parties du monde. Cependant, personne ne profite d'une telle rupture: les investissements chinois dans le Vieux Monde ont été multipliés par dix au cours des dix dernières années, permettant à l'économie chinoise de faire face à deux crises financières. Trouver d'autres investisseurs de ce type est quasiment impossible.

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Voler à l'Europe

Malgré les risques qui se profilent, l'UE parle d'une décision bien arrêtée de quitter la Chine: dans ses relations avec la Chine, le Vieux Monde veut suivre la voie des États-Unis. En mai 2022, le ministre allemand des Finances Christian Lindner a déclaré qu'il était urgent de "réduire la dépendance" de l'économie allemande vis-à-vis de l'Empire du Milieu. Son collègue de la coalition gouvernementale, le vice-chancelier Robert Habeck, est du même avis : "Nous diversifions de plus en plus nos relations et réduisons notre dépendance vis-à-vis de la Chine. Le soutien aux droits de l'homme est plus important [que les gains financiers]". En octobre 2021, une délégation du Parlement européen s'est rendue à Taïwan, que la Chine considère comme une partie intégrante de son territoire. En touchant à ce sujet sensible, les Européens montrent le sérieux de leurs intentions : On sait que la Chine ne fera pas de concessions sur la question de ses frontières. Lorsqu'en mai 2022, le Bundestag a demandé l'admission de l'île au sein de l'Organisation mondiale de la santé, comme s'il s'agissait d'un État souverain, on ne pouvait y voir qu'une attaque directe contre la Chine.

Depuis 2019, lorsque l'UE a pour la première fois officiellement qualifié la Chine de puissance inamicale - son "adversaire systémique et concurrent économique" -, les piques de ce type ont été nombreuses. En Allemagne, des entrepreneurs chinois se sont vu refuser l'autorisation d'acheter des entreprises locales: l'État est intervenu. En France, l'achat de terres agricoles s'est révélé impossible: face à l'intérêt chinois pour les terres agricoles, Paris a drastiquement durci la réglementation des transactions. Et en 2021, le principal accord entre Européens et Chinois, le Grand Accord sur l'Investissement, dont les détails ont été négociés de 2013 à 2020, a été remis en cause. Le 30 décembre 2020, les négociateurs ont adopté le texte final, mais six mois plus tard, les députés européens l'ont gelé. Depuis, l'Ancien Monde ne veut plus se souvenir de ce document.

Ce n'est pas un hasard si la décision de l'UE de rompre ses liens avec la Chine coïncide avec la crise encore plus profonde des relations entre les Etats-Unis et la Chine. Washington dit faire de son mieux pour former une "coalition basée sur les valeurs", dont l'adversaire déclaré est Pékin. Et pourtant, la différence des conditions de départ saute aux yeux : pour l'économie américaine, moins orientée vers l'exportation, une rupture des relations avec l'Empire du Milieu ne serait pas du tout aussi douloureuse que pour l'Union européenne. Et les risques sécuritaires liés à l'océan Pacifique sont bien plus préoccupants pour les Américains que pour le Vieux Monde. Les Européens, contraints de suivre la querelle de leur grand frère avec la Chine, perdent plus que de l'argent: ils perdent l'initiative, la chance de s'affirmer comme une force internationale influente. Il n'est pas surprenant que la préparation du retrait suscite parfois des murmures en Europe.

Tirer la moustache du dragon

"Devons-nous fermer toutes nos usines [en Chine] ?", demande, irrité, Jörg Wuttke, responsable de la chambre de commerce de l'UE en Chine. Son incompréhension est parfaitement compréhensible. Environ 900.000 emplois en Allemagne sont directement liés aux activités des entreprises allemandes en Chine, où elles emploient près d'un million de personnes. Le montant total des investissements allemands en Chine s'élève à 86 milliards d'euros. Il n'est pas surprenant que la Chine occupe sans interruption la première place parmi les partenaires commerciaux de l'Allemagne de 2015 à 2021.

Historiquement, les avantages des relations sino-allemandes sont liés à la résolution par l'Allemagne de trois crises financières successives : la première après la réunification avec l'Allemagne de l'Est, la deuxième après le krach de 2008 et la dernière due à la pandémie. La croissance économique de la Chine implique une augmentation proportionnelle de sa solvabilité. Pendant des années, l'Empire du Milieu a aidé les économies stagnantes de l'Ancien Monde à éviter la récession grâce à ses solides relations bilatérales (et à sa demande de produits européens).

De plus, la Chine a investi auprès d'elles. Entre 2010 et 2018, le total des investissements a été multiplié par dix, passant de 6,1 milliards d'euros à 79 milliards d'euros. Et bien que la balance commerciale ait toujours été en faveur de la Chine, celle-ci a dépensé de plus en plus chaque année, jusqu'à ce que l'Europe lui réserve un accueil glacial à la fin de la dernière décennie.

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Le prix de la désunion

La volonté de rompre tous les liens avec la Chine, ou du moins de les affaiblir qualitativement, pose le même problème à l'Europe que les projets de boycott de la Russie. De la même manière que le fait de se passer du gaz de pipeline russe oblige les Européens à acheter du gaz liquide beaucoup plus polluant, l'exclusion de la Chine des chaînes d'approvisionnement rend plus difficile la transition vers une économie verte dont la base des ressources est concentrée en Chine. L'Empire du Milieu est reconnu comme le leader de l'extraction des terres rares, sans lesquelles les voitures électriques, les panneaux solaires et les éoliennes ne pourraient pas être fabriqués. Sur les 30 types de matières premières considérées comme critiques dans l'UE, 19 sont majoritairement d'origine chinoise. Cela signifie que si l'Europe considère sa relation avec la Chine comme une dépendance, elle n'a pas d'autre choix que de sécuriser son approvisionnement à partir de gisements alternatifs, qu'elle doit d'abord trouver.

Cette tâche, aussi étrange qu'elle puisse paraître, n'est pas impossible. Les gisements de terres rares ne sont pas si rares que cela: On en trouve en Europe, où l'on prépare déjà l'extraction du lithium en Saxe, et au Groenland, qui appartient au Danemark. La difficulté réside dans l'extraction de ces ressources : comme le pétrole et le gaz de fracturation américains, on ne peut les extraire du sol qu'au prix de la destruction de l'environnement. La rupture avec la Chine place les Européens devant un choix difficile : la géopolitique ou la protection de l'environnement.

Du point de vue des Etats-Unis, où les normes environnementales sont moins exigeantes qu'en Europe, cette difficulté ne semble pas insurmontable. La fracturation, qui empoisonne les sols et l'eau pour extraire le pétrole et le gaz des roches de schiste, est autorisée dans une partie des Etats américains, ce qui leur a permis d'augmenter leurs revenus en 2022 en évinçant du marché les produits russes concurrents, plus propres. En Europe même, qui est très sensible à son patrimoine naturel, la situation est différente. Il est difficile pour l'Europe de faire de tels sacrifices.

Face à la muraille de Chine

Peut-être parce que le poids du doute est plus grand pour les Européens, ceux-ci ont pris du retard dans leur retrait hors de Chine dès 2018, loin derrière la promptitude des États-Unis dans le conflit déclenché par les Américains. Il y a cependant peu de chances que la situation soit désamorcée dans un avenir proche. L'UE est perturbée par le principe de solidarité naturel de toute union, qui implique le soutien de tous les États membres, dont certains ont une relation de confiance particulière avec les États-Unis. Parmi eux, la Lituanie, qui a déclenché un différend totalement imprévu avec la Chine en 2021.

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En raison de ses relations amicales avec les Américains (environ 600.000 Lituaniens vivent aux États-Unis, contre 2,5 millions dans les pays baltes), Vilnius a accepté d'accueillir une mission commerciale de Taïwan sur son territoire. Les sanctions imposées ensuite par la Chine étaient attendues, mais le coup, même s'il n'est que symbolique, a touché l'ensemble de l'Union européenne, puisqu'il concerne l'un de ses pays membres. (NDLR : j'ai fait un article à ce sujet, vous trouverez les détails ici : https://www.anti-spiegel.ru/2021/politik-wichtiger-als-menschen-wie-litauen-seine-wirtschaft-aus-politischen-gruenden-schaedigt/ )

Le piège s'est refermé : les pays européens ont été entraînés dans un nouveau cycle de confrontation avec Pékin. Sa poursuite est liée à des changements globaux pour l'économie mondiale, car non seulement la Chine est le premier partenaire économique de l'UE, mais l'UE l'est aussi pour la Chine. Si elles se séparent, elles se concentreront sur les besoins de leurs marchés nationaux et fragmenteront l'économie mondiale. L'Europe perdra alors sa chance de devenir un acteur géopolitique à part entière.

Fin de la traduction.

mardi, 14 juin 2022

La guerre économique de l'Occident entre le défaut de paiement de la dette russe et la lutte contre le yuan numérique

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La guerre économique de l'Occident entre le défaut de paiement de la dette russe et la lutte contre le yuan numérique

par Domenico Moro

Source : resistenze & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-guerra-economica-dell-occidente-tra-default-del-debito-russo-e-contrasto-allo-yuan-digitale

Ce n'est pas seulement une guerre par des moyens militaires qui se poursuit, par le truchement de l'Ukraine, entre l'Occident et la Russie. La guerre économique, non moins importante, se poursuit elle aussi. Ces derniers jours, des événements importants impliquant non seulement la Russie mais aussi la Chine ont eu lieu. Après tout, la confrontation, sur le plan économique, oppose principalement les États-Unis et la Chine, qui, en plus d'être l'allié stratégique de la Russie, est le plus grand concurrent des États-Unis pour l'hégémonie économique mondiale.

Le premier de ces nouveaux événements est le lancement du sixième train de sanctions de l'UE contre la Russie, qui comprend, entre autres, deux mesures fondamentales : l'exclusion de la plus importante institution bancaire russe, la Sberbank, du circuit Swift, ce qui rendra problématique le paiement à l'étranger des produits russes, et, surtout, l'embargo sur le pétrole russe. Apparemment, après un mois d'impasse, c'est un succès pour le front occidental contre la Russie, qui a réussi à se recomposer malgré l'opposition de la Hongrie à l'embargo. Les sanctions pétrolières sont toutefois soumises à des limites : l'arrêt des importations dans l'UE n'aura lieu qu'à partir du début de l'année prochaine et ne concernera que le pétrole brut importé par voie maritime, tandis que le pétrole brut importé via l'oléoduc Druzhba sera exclu de l'embargo. Cela permettra à la Hongrie, à la Slovaquie et à la République tchèque, pays enclavés, de continuer à s'approvisionner en pétrole brut jusqu'à une date qui reste à déterminer.

Mais les sanctions, qui font grimper les coûts de production dans les pays européens, auront un effet limité sur la Russie. En fait, les sanctions augmentent le prix international du baril de pétrole, ce qui permet à la Russie de réaliser des revenus plus élevés même en cas de réduction des volumes d'exportation. Lorsque la Commission européenne a promulgué le sixième train de sanctions, l'augmentation du prix du baril de pétrole s'est accélérée pour atteindre plus de 125 US$ par baril de Brent. Après tout, le pétrole a augmenté de 75 % en six mois.

Selon Bloomberg, l'embargo pétrolier ne coûterait que 10 milliards d'US$ sur un total de 270 milliards d'US$ que le gouvernement russe attend de l'exportation de produits énergétiques. Mais il n'y a aucune garantie qu'une telle perte de revenus sera effective : la Russie peut compenser les exportations perdues vers l'UE en les réorientant vers d'autres pays. En effet, le délai de mise en œuvre de l'embargo facilite non seulement la recherche de nouveaux fournisseurs par les importateurs européens. La Russie peut donc chercher d'autres débouchés pour ses exportations. En particulier, les exportations russes de pétrole brut se dirigent vers la Chine, l'Inde et d'autres pays, qui ont acheté plus de pétrole brut que d'habitude ces derniers mois. Ce n'est pas un hasard si en mai, les exportations russes de pétrole et de produits pétroliers ont atteint leur plus haut niveau depuis octobre 2019, soit 5,09 millions de barils par jour.

Le deuxième de ces nouveaux événements concerne l'éventuel défaut technique de la dette russe, en raison de l'incapacité de la Russie à payer les intérêts en dollars. L'Europe a également ajouté à la liste des personnes et organisations sanctionnées le National Settlement Depository, qui est une institution financière non bancaire russe et un dépositaire central de titres, par l'intermédiaire duquel Moscou avait décidé de payer les intérêts de la dette publique en dollars. En outre, le 25 mai, les États-Unis ont laissé expirer sans la renouveler la licence qui autorisait jusqu'à présent les investisseurs américains - malgré les sanctions interdisant les transactions financières - à recevoir de Moscou des paiements d'intérêts, de dividendes ou de coupons sur des obligations détenues par la banque centrale russe, le Fonds d'investissement souverain ou le ministère des Finances.

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Il s'agit d'une perte d'image majeure pour la Russie qui, en ne payant pas les intérêts de sa dette publique, se mettrait en défaut de paiement pour la première fois depuis 1917, lorsque les révolutionnaires bolcheviques ont décidé de ne pas payer les dettes contractées par l'État tsariste. En réalité, cette fois-ci, l'État russe a l'argent et la volonté de rembourser la dette, mais en fait, l'UE et les États-Unis l'en empêchent en essayant de forcer l'État russe à la faillite. En pratique, il s'agit d'un "défaut artificiel", comme l'ont souligné les autorités russes.

Le troisième événement à prendre en compte est la proposition récemment soumise au Congrès américain par trois sénateurs républicains, Tom Cotton, Marco Rubio et Mike Braun, visant à interdire aux grands magasins d'applications - à commencer par Google et Apple - d'héberger des applications permettant d'effectuer des paiements par le biais du yuan numérique chinois. La motivation apparente est liée à la sécurité nationale, puisque les rédacteurs du projet de loi craignent que le système de paiement numérique permette à Pékin d'espionner les citoyens américains. La véritable raison, cependant, est autre : on craint que la monnaie numérique chinoise ne réduise le rôle mondial du dollar américain.

Il s'agit d'un grave danger pour l'économie américaine, car ce n'est que grâce à la disponibilité de la monnaie commerciale et de réserve mondiale que les États-Unis peuvent soutenir leur économie, en finançant leur double dette, commerciale et publique. En outre, le système de yuan numérique peut constituer une alternative au système Swift par lequel transitent les transactions internationales en dollars. Cela éliminerait également la possibilité d'imposer des sanctions aux opposants politiques, étant donné qu'un grand nombre de ces sanctions reposent sur l'exclusion des organisations financières russes et autres du système de messagerie Swift. Quoi qu'il en soit, le yuan numérique est dangereux pour le dollar, car il peut devenir une monnaie de référence en dehors de la Chine, en commençant par les pays qui rejoignent le projet de la Route de la soie, puis en s'insérant dans les systèmes de paiement occidentaux comme alternative à Swift.

La Chine est à l'avant-garde de l'utilisation de la monnaie numérique et accumule une avance considérable sur les États-Unis et l'UE, puisque le dollar et l'euro numériques sont encore au stade de projet. Pour avoir l'euro numérique, en supposant qu'il soit adopté, il faudra encore 4 à 5 ans. Le même temps sera également nécessaire pour disposer du dollar numérique, dont l'adoption est encore remise en question par la Réserve fédérale, la banque centrale américaine, qui est toujours divisée entre partisans et opposants à cette initiative.

La guerre en Ukraine pourrait toutefois accélérer le lancement du dollar numérique, car elle accentue la nécessité de poursuivre la guerre des devises, élément central du conflit économique contre la Russie et, à terme, la Chine. Récemment, la vice-présidente de la Réserve fédérale Lael Brainard a déclaré lors d'une audition au Congrès que le lancement d'une "CBDC [monnaie numérique de la banque centrale, ndlr] peut contribuer à assurer le rôle dominant du dollar" afin que "les personnes du monde entier qui utilisent le dollar puissent continuer à le faire pour les transactions dans le système financier numérique".

Ces faits montrent clairement que la guerre économique entre l'Occident, d'une part, et la Russie et la Chine, d'autre part, s'intensifie et se joue en grande partie autour du rôle mondial du dollar. Le maintien du dollar comme monnaie mondiale est à la fois un moyen et une fin de la guerre militaire et économique en tant qu'élément essentiel de l'hégémonie mondiale des États-Unis. La poursuite de la guerre, visant à affaiblir la Russie et, par conséquent, la Chine, autorise le maintien de la primauté politique et militaire qui permet aux États-Unis de maintenir le dollar comme monnaie mondiale.

Note :

[i] Alessandro Graziani, "Yuan numérique, les États-Unis opposent leur veto à l'utilisation de Google et Apple Pay", Il sole24ore, 3 juin 2022.

mercredi, 03 mars 2021

"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

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"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

"La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde". Ces mots du président Mitterrand n'avaient rien d'une fable, la guerre économique et bien là et elle est totale. C'est ce qu'a voulu démontrer maître Olivier de Maison Rouge dans son ouvrage "Survivre à la guerre économique - Manuel de résilience" publié chez VA Editions. Il revient sur les principales attaques de "l'allié américain" : Prism, Alstom... sur la politique de censure des GAFAM, le grand Big Brother et décrit les contours de la politique publique de sécurité économique dont la France s'est dotée en 2019 pour tenter de survivre face à Washington.
 
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lundi, 11 janvier 2021

Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

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Les rapports de force entre les Five Eyes et des sociétés du numérique

par Marion Rey

Ex: https://www.ege.fr

Depuis les années 2000, le développement de la société de l’information et du monde immatériel facilite les échanges internationaux. Les géants du numérique ont su exploiter la vague de l’Internet et de l’informatique pour accroître leur influence et la dépendance des usagers. Toutefois, ce développement exponentiel comporte un volet transgressif, largement exploité par les services de renseignement dans les opérations cyber, à des fins d’espionnage en masse. Malgré de nouvelles législations depuis les révélations de l’affaire Snowden, les choses ont-elles réellement changé ? Dans le bras de fer entre géants du numérique et services de renseignement, lesquels sortiront finalement vainqueurs de l’affrontement ?

Le droit, bras armé des Five-Eyes

Signé en 1946 dans le contexte de la guerre froide, le UKUSA Agreement[1] est un accord passé entre les services de renseignement britanniques et américains en matière de coopération autour du renseignement électromagnétique, dit SIGINT (Signals intelligence). En 1955 cet accord a été étendu[2] au Canada, à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Cette organisation anglo-saxonne du renseignement est plus connue sous le terme Five-Eyes (FVEY).

À la suite du traumatisme du 11 septembre 2001, l’administration de Georges W. Bush déclare la guerre au terrorisme en signant l’USA Patriot Act moins de deux mois après les attentats[3]. Premièrement, cette loi autorise l’usage des nouvelles technologies pour effectuer une surveillance itinérante et une interception des communications électroniques, orales et filaires relatives au terrorisme, à l’immigration, aux infractions de fraude et d'abus informatiques (Sections 201 et 202). Deuxièmement, la loi impose le partage d'informations et la coopération entre les agences gouvernementales en matière de renseignement, de renseignement extérieur et de contre-espionnage (Section 203).

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Sont concernés les 17 agences de la communauté du renseignement (dont la CIA, la NSA et le FBI), les départements de la défense (DOD), de la sécurité intérieure (DHS) et de la justice (DOJ). Initialement, la section 203 devait être valable pour une durée de 4 ans mais a été reconduite pendant près de 15 ans par l’application du USA Patriot Improvement and Reauthorization Act of 2006[4]. Le partage d’informations a été élargi aux agences fédérales, aux États, aux collectivités territoriales, aux entités locales et tribales, et au secteur privé (dont les sociétés du numérique) par deux autres textes (Homeland Security Act of 2002 et l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act of 2004). Enfin, la loi prévoit l’accès aux « dossiers et autres éléments » (Section 215), sans autorisation d’un juge, en vertu de la loi sur la surveillance des services de renseignement étrangers, la FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act).

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De son côté, le Royaume-Uni n’est pas en reste. Également conçue pour lutter contre le terrorisme, la loi RIPA 2000 (Regulation of Investigatory Powers Act 2000) autorise les services de renseignement (GCHQ, MI5, SIS), la défense (MoD), les services de la sécurité intérieure et les douanes à intercepter toute information ou communication relative à la sauvegarde du « well-being » de l’économie du Royaume-Uni contre les intérêts des puissances étrangères[5].

En matière de coopération, Américains et Britanniques sont sur la même longueur d’ondes.

Dans le rapport du faible au fort, un lanceur d’alerte peut inverser la tendance

Entre 2010 et 2013, l’ancien agent de la CIA et contractuel de la NSA Edward Snowden, révèle au monde entier l’abus et la déviance de la section 215 du Patriot Act par la méthode SIGINT, sous l’administration de Barack Obama. À ce titre, les services de renseignement américains via la NSA ont mis en place un outil central redoutable du nom de XKEYSCORE[6] utilisant le programme PRISM[7] qui a pour objectif de surveiller massivement la population, les gouvernements ennemis mais aussi alliés, les dirigeants de grandes entreprises ; et d’exploiter les métadonnées collectées (géolocalisation, historique de navigation, historiques d’appels …). Les services de renseignement américains ont obtenu la coopération (contrainte ou consentie) des opérateurs téléphoniques, des géants du numérique et de la Silicon Valley, sous couvert de l’immunité de la FISA offerte par la section 225 du Patriot Act. Par géants du numérique, sont concernés les sociétés de télécommunication comme Verizon, les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres entreprises de la Tech californienne, Snap Inc (Snapchat), Twitter ou encore Reddit.

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Dans ses révélations, Edward Snowden n’épargne pas le Royaume-Uni, agissant dans le cadre de l’organisation FVEY, de la loi RIPA 2000 et de XKEYSCORE. Au travers du programme TEMPORA, le GCHQ a installé un système d’interceptions électroniques sur les câbles sous-marins et réseaux de fibres optiques entrants et sortants de Grande-Bretagne. Sachant que 99% des communications mondiales affluent au travers des câbles sous-marins et que la Grande-Bretagne est le principal point d’entrée pour le continent eurasiatique, les Britanniques sont capables de capter près d’un quart des communications mondiales. Tout comme PRISM, TEMPORA collectait et stockait de grandes quantités d’informations (emails, réseaux sociaux, historiques et appels sur Internet …).[8]

La médiatisation des révélations du lanceur d’alerte a un retentissement mondial, l’opinion publique est scandalisée, les sociétés du numérique sont décrédibilisées et les services de renseignement des FVEY sont humiliés.

Une nouvelle législation impulsée par la société civile

Il aura fallu attendre 2015 après d’âpres débats entre la société civile et l’appareil législatif pour que soit signé l’USA Freedom Act[9] en remplacement du Patriot Act. Cette nouvelle loi met fin à la controversée et abusive section 215 concernant la collecte d’informations en masse. La collecte doit désormais être justifiée, interdisant le ciblage par zone géographique, par service de communication électronique ou par service informatique (Section 201). La loi impose à la FISA la désignation de personnes indépendantes, les « amicus curiae », pour examiner les demandes d’ordonnance présentant une interprétation nouvelle ou significative du droit (Section 401). De plus, le Freedom Act impose plus de transparence de la part de la FISA, qui doit fournir certaines informations au gouvernement au travers d’un reporting régulier, telles que le nombre total d’ordonnances de la FISA rendues pour la surveillance électronique, le ciblage de personnes à l'extérieur des États-Unis, les dispositifs de traçage ou les registres des détails des appels (Section 602). Enfin, la loi donne au secteur privé, les possibilités de communiquer publiquement le nombre d’ordonnances reçues de la part de la FISA (Section 603).

RttDN3h.jpgCependant, les organisations de la société civile, à l’image de l’ACLU (American Civil Liberties Union)[10] estiment que cette nouvelle législation n’est pas suffisamment aboutie, dénonçant des failles à propos des fouilles clandestines et des méthodes de déchiffrement des services de renseignement autorisés par la FISA (Section 702). Alors qu’une révision du Freedom Act[11] a été engagée en octobre 2020, l’EFF (Electronic Frontier Foundation)[12] craint que les dispositions expirées (comme la section 215) ou arrivant à expiration, ne soient ré-autorisées ou prolongées par le Congrès, comme cela a déjà pu être le cas par le passé.

L’impact du Freedom Act est davantage retentissant médiatiquement que révolutionnaire dans la réforme du renseignement. En outre, étant donné que cette réforme concerne uniquement la collecte d’informations sur le territoire américain, les FVEY peuvent ainsi poursuivre leur surveillance dans le reste du monde.

Les sociétés du numérique sur la défensive et les FVEY en stratégie de contournement

Alors que les géants du numérique ont activement participé à la fourniture massive de données, ces derniers tentent de redorer leur blason face à la défiance des utilisateurs. Les sociétés du numérique recourent désormais au chiffrement des communications via les applications (telle que WhatsApp de Facebook) et les systèmes d’exploitation des smartphones (comme l’Android de Google ou l’iOS d’Apple). Depuis le scandale, de nouvelles sociétés se sont insérées sur le marché des messageries et des applications chiffrées, à l’image de Telegram, Signal ou encore Wiebo.

Toutefois, malgré l’adoption du Freedom Act, les services de renseignement s’adaptent et contournent le système de chiffrement des géants du numérique. En 2017, un ancien employé du gouvernement américain transmet à Wikileaks[13] (dossier Vault 7) une série de documents confidentiels révélant l’étendue des capacités de piratage et d’écoutes clandestines opérées par la CIA, en collaboration avec le MI5/BTSS (British Security Service) et le GCHQ. En effet, les FVEY ont développé des logiciels malveillants (backdoors, vers, virus, chevaux de Troie) capables de s’introduire dans les smartphones du monde entier en interceptant le trafic de données avant que le chiffrement ne soit appliqué. Principales cibles : Apple, Android et Samsung. Les smartphones infectés transmettent directement à la CIA les données de géolocalisation, les données texte, vidéo et audio.

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En adaptant les logiciels malveillants aux appareils ciblés, la collecte de données en masse n’est finalement pas réellement abolie. En effet, en ciblant Apple et donc une certaine élite de la société mondiale mais aussi Android, plus accessible et plus populaire, les FVEY continuent d’espionner une part massive de la population mondiale. Enfin, les FVEY ont mené une opération clandestine d’attaques sur des téléviseurs intelligents Samsung. Cette intrusion permettait d’utiliser les appareils comme des mouchards transmettant les écoutes des conversations enregistrées à l’insu des propriétaires.

Ainsi, les services de renseignement contournent non seulement le Freedom Act et son système d’ordonnances FISA à destination des géants du numérique, mais aussi les solutions de chiffrement mises en œuvre par ces derniers. De plus, le développement des technologies connectées, souvent plus vulnérables en matière de cybersécurité, ouvre de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités aux FVEY dans leur stratégie de contournement. Dans ce bras de fer, le rapport de force semble perdu d’avance pour les géants du numérique, puisqu’en l’absence de législation contraignante pour les services de renseignement, ces derniers ne cesseront de développer de nouveaux systèmes de contournement, des « cyber armes », pour arriver à leurs fins. L’enjeu sous-jacent de ces opérations est de mettre à disposition des acteurs économiques américains, les données utiles leur procurant des avantages concurrentiels dans la guerre économique qui se joue au niveau mondial.

Marion Rey.

[1] UKUSA agreement of 1946.

[2] 4ème amendement UKUSA agreement of 1955.

[3] USA Patriot Act, 2001. Uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism.

[4] Sénat, Février 2016.

[5] 2012 Annual Report of the Interception of Communications Commissioner.  

[6] Le Monde, 2013, 2019, publié le 27 août 2013 et mis à jour le 04 juillet 2019.

[7] Wikileaks, 2015. WikiLeaks release : June 29, 2015.

[8] The Guardian, 2013. E. MacAskill, J. Borger, N. Hopkins, N. Davies et J. Ball, GCHQ taps fibre-optic cables for secret access to world's communications, 21 juin 2013.

[9] Uniting and strengthening America by fulfilling rights and ensuring effective discipline over monitoring Act of 2015.

[10] Lettre au Washington Legislative Office, 29 avril 2015.

[11] USA Freedom Reauthorization Act of 2020

[12] EFF, 16 avril 2015.

[13] Wikileaks, Vault 7: CIA Hacking Tools Revealed, 7 mars 2017.

Marion REY

Promotion SIE 24

Formation Initiale MBA Stratégie et Intelligence Economique - SIE

samedi, 31 octobre 2020

Gagner la guerre économique - Entretien avec Olivier de Maison-Rouge

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Gagner la guerre économique

Entretien avec Olivier de Maison-Rouge

 
La guerre économique est désormais une réalité bien connue, comprise et anticipée par de nombreuses entreprises. Pour la gagner il faut certes en prendre conscience mais aussi développer un certain nombre d'outils et de stratégies. C'est ce que nous présente Olivier de Maison-Rouge, docteur en droit, avocat, professeur à l'Ecole de guerre économique.  Emission présentée par Jean-Baptiste Noé.
 
 
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vendredi, 30 octobre 2020

L’échec spectaculaire de la campagne anti chinoise occidentale

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L’échec spectaculaire de la campagne anti chinoise occidentale

Par Joseph Thomas

Source New Eastern Outlook

Alors même que l’AFP tente de dépeindre une récente réunion des Nations Unies comme une prise de position historique contre ce qu’elle prétend être des violations des droits de l’homme par la Chine dans sa région du Xinjiang, ce même article souligne l’ampleur de l’échec et la diminution de l’influence occidentale en général.

Le titre de l’AFP est le suivant : « Près de 40 nations exigent de la Chine qu’elle respecte les droits des Ouïgours », et note que parmi ces « presque 40 nations″ se trouvent les États-Unis, la plupart des États membres de l’UE, l’Australie ainsi que le Japon et une poignée d’autres États clients occidentaux.

Voila ce que dit l’AFP :

Les États-Unis, le Japon et de nombreux pays de l'UE se sont joints 
mardi à un appel exhortant la Chine à respecter les droits de l'homme
de la minorité ouïgour, exprimant également leur inquiétude quant
à la situation à Hong Kong. "Nous demandons à la Chine de respecter les droits de l'homme, en
particulier les droits des personnes appartenant à des minorités
religieuses et ethniques, notamment au Xinjiang et au Tibet"
, a

déclaré l'ambassadeur allemand auprès des Nations unies, Christoph
Heusgen, qui a dirigé l'initiative lors d'une réunion sur les droits
de l'homme.

L’initiative, signée par 39 nations, a été contrée par une autre présentée par le Pakistan et signée par 55 nations, ainsi que par une autre présentée par Cuba et signée par 45 nations. Ce nombre de signatures est très éloquents à l’égard de la puissance décroissante de Washington et de son ordre international.

Malgré la campagne de propagande anti-chinoise menée par l’Occident et axée sur les abus présumés de la minorité ouïgour du Xinjiang, région à prédominance musulmane, pas une seule nation à majorité musulmane n’a soutenu l’initiative occidentale à l’ONU. En fait, de nombreuses nations à majorité musulmane sont venues à l’aide de la Chine. Il s’agit du Pakistan lui-même, de l’Iran et de la Syrie, mais aussi de l’Irak occupé par les États-Unis et même du Koweït, du Qatar, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite. Même les nations ayant des conflits territoriaux avec la Chine dans la mer de Chine méridionale et un passé de tensions, notamment le Vietnam et les Philippines, ont soutenu Pékin.

L’Inde, bien que membre du projet anti-chinois « Quad » de Washington, s’est abstenue de signer l’une ou l’autre déclaration, comme un grand nombre d’autres nations clés qui tentent doucement de se réorienter à mesure que le pouvoir mondial se déplace de l’Ouest vers l’Est. Cela inclut la Turquie, membre de l’OTAN, qui a été pendant de nombreuses décennies un fidèle serviteur de l’hégémonie occidentale.

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Pourquoi personne ne s’intéresse à la croisade anti-chinoise de l’Occident ?

Il y a trois raisons principales pour lesquelles la majorité du monde n’est pas intéressée par cette campagne de propagande anti-chinoise menée par les États-Unis.

Premièrement, et c’est le plus important, cette campagne de propagande américaine est basée sur des allégations fabriquées de toutes pièces.

Comme beaucoup d’autres l’ont fait remarquer depuis des années, y compris les médias occidentaux eux-mêmes à un moment donné, la Chine a été confrontée à un problème de terrorisme très réel au Xinjiang. L’actuelle campagne de propagande menée par les États-Unis contre la Chine dépeint les mesures de sécurité et les campagnes de déradicalisation comme des « violations des droits de l’homme », tout en omettant totalement la violence qui les a rendues nécessaires au départ.

Pire encore, des preuves documentées exposent le fait que les États-Unis et leurs alliés étaient à l’origine des efforts visant à radicaliser les extrémistes ouïgours.
Toutes choses étant égales par ailleurs, les nations qui n’ont pas investi dans l’obsession de Washington d’encercler et de contenir la Chine ou qui n’en bénéficient pas n’ont aucune raison d’approuver une campagne de propagande fondée sur des allégations fabriquées de toutes pièces et résultant du séparatisme parrainé par les États-Unis et du terrorisme qui en découle.

En fait, en soutenant la campagne américaine contre la Chine, ils soutiendraient une ingérence qui pourrait un jour se retourner contre eux. La liste des nations que les États-Unis et leurs partenaires ont déjà détruites [ou essayent de détruire, NdT] au cours du seul XXIe siècle est considérablement longue et ne cesse de s’allonger.

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Deuxièmement, les États-Unis et leurs alliés occidentaux n’ont manifestement pas la capacité de contraindre les nations désintéressées à soutenir leur campagne de propagande anti chinoise en cours. Le manque de motivation des nations du monde à y adhérer et le manque de moyens de pression des États-Unis pour les forcer à le faire ont conduit la plupart des nations à soutenir ouvertement la Chine ou à éviter de prendre position.

La troisième est due à l’essor de la Chine. Ses relations internationales sont fondées sur des liens économiques et commerciaux plutôt que sur la force militaire, l’ingérence politique ou d’autres stratégies de « soft power » de l’Occident.

L’essor de la Chine signifie également l’essor de nombreuses nations qui font des affaires avec Pékin. Les projets d’infrastructure, les investissements, le tourisme et le commerce menés par les Chinois dans le monde entier stimulent les économies des nations désireuses de travailler avec la Chine d’une manière que l’Occident ne peut tout simplement pas concurrencer.

Afin de travailler avec la Chine, ces nations doivent contourner l’hostilité croissante de Washington envers la Chine et toutes les façons dont elle se manifeste, comme cette initiative « allemande » qui vient d’être lancée à l’ONU.
L’échec de la propagande du Xinjiang signifie l’échec total de la propagande américaine

Cette dernière initiative de l’ONU marque peut-être l’apogée de la campagne de propagande anti chinoise menée par Washington.

Cette initiative montre à quel point le reste du monde s’intéresse peu à cette campagne et les nombreux mensonges qui ont été révélés au grand jour sont la base de la campagne elle-même. Alors que la Chine poursuit la réintégration de Hong Kong dans le continent après avoir mis fin aux troubles financés par les États-Unis et qu’elle remplace les agitateurs soutenus par les États-Unis dans des endroits comme le Tibet par des progrès économiques, les États-Unis doivent inventer de nouvelles histoires pour attaquer la Chine.

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Mais si le monde ne s’intéresse pas aux mensonges des États-Unis concernant les « millions » de Ouïghours détenus et maltraités dans la région du Xinjiang en Chine, sachant parfaitement ce que font les États-Unis et pourquoi, il y a peu de chances que de nouveaux mensonges aient plus d’attrait dans un avenir proche.

Tant que la Chine restera fidèle à sa stratégie actuelle, qui consiste à apporter la croissance économique et la stabilité politique au monde face à la belligérance et à la coercition des États-Unis, sans avantages perceptibles pour les partenaires potentiels, cette tendance de l’Occident à perdre sa crédibilité, parallèlement au déclin de sa puissance politique, économique et même militaire, se poursuivra.

Ce n’est que lorsque les États-Unis et leurs partenaires restants seront prêts à se réorienter vers ce que le monde est en train de devenir plutôt que vers ce qu’ils souhaiteraient qu’il soit, qu’ils commenceront (comme tout le monde) à profiter pleinement des avantages d’un nouveau monde multipolaire où la souveraineté nationale et le progrès économique, étayés par un équilibre des pouvoirs plus équitable, supplanteront la poursuite destructrice de l’hégémonie mondiale par l’Occident.

Joseph Thomas

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

 

mercredi, 30 septembre 2020

Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

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Intelligence juridique : un nouvel instrument d’influence des Etats

Au 21ième siècle, le droit international moderne connait un chamboulement profond mettant ainsi en cause sa légitimité. Celui-ci a tendance à devenir un réel outil de guerre économique tendant à se normaliser aux droits étrangers des pays les plus influents.

Ce droit des gens se trouve, aujourd’hui, vidé de sa principale substance qui consistait à régir une batterie de règles et de normes contraignantes pour les Etats et à faire régner une justice internationale. Au fait, certains Etats se livrent, de plus en plus, à des ruses, emballées dans un « faux » droit international, pour orienter leurs politiques dans un objectif de dominance économique et géopolitique.

Force, aujourd’hui, est de constater un flagrant abus des législations extraterritoriales, avec des règles valables non pas pour tous mais qui tirent plutôt profit à un Etat ou à quelques Etats, tout en étant défavorables, voir même fort nuisibles pour les autres. Un tel constat interpelle les pays défavorisés qui interceptent un tel changement avec beaucoup d’inquiétude, concluant que le droit international commence progressivement à céder la place aux droits étrangers les plus influents. En témoigne de cela un certain nombre de législations étrangères et communautaires qui instituent des règles juridiques à portée extraterritoriale, à l’exemple du droit américain, du droit européen ou encore, à moindre mesure, du droit français. Il s’agit finalement de lois d’instrumentalisation.

Lutter contre les crimes transnationaux (terrorisme, blanchiment de capitaux, financement du terrorisme, corruption, etc.) demeure la volonté de tous les Etats. Ainsi et sur la base de cette cause commune, ceux-ci tentent de légitimer leurs droits à l’effet de vouloir s’affirmer dans et au-delà même de leurs frontières. Toutefois, il n’en demeure pas moins que derrière cet intérêt sécuritaire mondial se dissimulent de réels objectifs concurrentiels et commerciaux propres à un Etat ou à une minorité d’Etats. En effet et dans le cadre de l’internationalisation des entreprises et de la globalisation des échanges, tout Etat essaie de recourir à l’intelligence juridique. Cette dernière, selon le professeur Bertrand Warusfel , « s’entend de l’ensemble des techniques et des moyens permettant à un acteur – privé ou public – de connaître l’environnement juridique dont il est tributaire, d’en identifier et d’en anticiper les risques et les opportunités potentielles, d’agir sur son évolution et de disposer des informations et des droits nécessaires pour pouvoir mettre en œuvre les instruments juridiques aptes à réaliser ses objectifs stratégiques ».

Comment donc les pays recourent à l’intelligence juridique pour atteindre leurs objectifs stratégiques ?

Aujourd’hui, une nouvelle forme de rapport de force s’installe entre les pays les plus développés, visant à imposer, chacun à sa manière, ses propres droits, à travers le recours à des outils d’intelligence juridique. La création de normes avantageuses à portée extraterritoriale constitue l’une de ces techniques. Nous allons donc, à travers les exemples américain (I) et français (II), essayé de contextualiser ce phénomène.

  • Le modèle offensif américain

Le Foreign Corrupt Practices Act[1] (FCPA), le Foreign Account Tax Compliance Act[2] (FATCA), la loi Helms-Burton[3], la loi Amato-Kennedy[4], le Patriot Act[5], le Sarbanes-Oxley[6] (« Act Public Company Accounting Reform and Investor Protection Act »), le Justice Against Sponsors of Terrorism Act[7] ou encore le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) [8] ont permis aux Etats Unis d’Amérique d’obliger toute la communauté internationale à adhérer à leurs objectifs stratégiques.

En l’espace de dix ans (2008-2018), l’Etat américain, à travers le FCPA, a infligé, des amendes s’élevant à près de 6900 millions de dollars américain, dont à peine le quart (1700 millions de dollars) à des entreprises américaines et le reste à des entreprises majoritairement européennes. Il en est de même concernant les violations américaines à leurs embargos et/ou en matière de lutte contre blanchiment de capitaux, dont les pénalités, entre 2004 et 2015, ont généré 16.945 millions de dollars et encore une fois majoritairement à des entités européennes.

Il en ressort qu’une telle mesure de sanctions permet l’atteinte d’un double objectif : renflouer, d’une part, les caisses américaines et d’autre part, anéantir les concurrents potentiels des entreprises américaines.

In fine, les législations à effet extraterritorial des Etats-Unis visent la plupart des concurrents étrangers de leurs entreprises nationales.

  • L’exemple français : une approche timide

9782330118211_0_500_796.jpgBien que la communauté internationale soit consciente de cette prédominance américaine, rares soient les Etats qui essaient de s’y protéger en recourant, à leur tour et parallèlement, à des instruments d’intelligence juridique. La France, quant à elle, avait déjà depuis plus d’un demi-siècle, tenté de s’inscrire dans une telle dynamique, en adoptant, depuis le 26 juillet 1968, la loi n° 68-678 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères. Ce texte a été, par la suite, renforcé par la loi du 19 juillet 1980 et en publiant une Note sur d’éventuelles mesures législatives et/ou réglementaires ayant pour objectif de protéger ses entreprises contre les abus normatifs extraterritoriaux.

Bien que les initiatives françaises semblent être, à première vue, fort prometteuses, il en ressort que l’application de ces lois reste très timide. En effet, les autorités françaises témoignent d’un manque de volonté sur les plans administratif et politique, par peur d’être abandonnées par un partenaire stratégique international. Autrement dit, la France craint que s’installe un rapport de force avec les Etats Unis d’Amérique et évite ainsi de se doter d’armes égales à l’effet d’imposer des politiques coopératives. Ainsi et à la lecture du Rapport d’information[9], déposé par la commission française des affaires étrangères et la commission des finances en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 3 février 2016 sur l’extraterritorialité de la législation américaine, nous pouvons relever que la France, malgré l’élaboration d’un diagnostic assez brillant, n’envisage pas vraiment de s’inscrire dans une dynamique d’intelligence juridique.

Ensuite et en réponse à la loi anti-corruption américaine, bradant le principe de « non bis idem[10] », la France[11] réagit craintivement, en promulguant la loi Sapin II en décembre 2016 qui prévoit des dispositions d’extraterritorialité sur la corruption.

L’habileté de l’usage de l’intelligence juridique

L’intelligence juridique devient, incontestablement, une nouvelle arme d’influence des Etats. Celle-ci vient enrichir l’intelligence économique[12] pour lui permettre d’élargir son spectre d’analyse en vue de l’adoption d’une stratégie plus performante.

Avantage serait donc aux pays les plus futés qui sauraient l’utiliser à bon escient, sans pour autant être en extrême contradiction avec le droit international. L’exemple des Etats Unis d’Amérique reste donc, par excellence, le modèle à suivre en pareille question.

Concernant les Etats victimes de cet arsenal juridique démesuré, ceux-ci doivent réfléchir à développer des solutions de contournement à l’effet d’éviter leur adoption. A cet égard, les « lois d’obstruction »[13] ou encore les « lois de blocage »[14] constituent une belle illustration.

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En outre, il semble, aujourd’hui, que de nouvelles puissances émergentes, à l’exemple de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Turquie ou encore de l’Indonésie sont entrain de bouleverser, progressivement, l’ordre international structuré autour des Etats Unis d’Amérique. Dans une telle configuration, les pays devraient, dès à présent, pousser leur réflexion, encore une fois dans le cadre d’une dynamique d’intelligence juridique. Ceux-ci devraient se préparer pour faire face à un arsenal inextricable de législations extraterritoriales émanant de différentes puissances économiques !

Yassir Lahrach

EGE-Rabat

Notes

[1] Cette loi américaine, promulguée en 1977, ne concernait que les entreprises américaines jusqu’à la date de 1988 pour venir s’étendre aux entreprises étrangères ayant un lien avec les Etats-Unis.

[2] Cette loi a pour finalité de lutter contre l’évasion fiscale des citoyens et résidents américains. Ce texte contraint les établissements financiers à procéder à l’identification des clients « US person » et collecter les données de ces derniers pour les mettre à la disposition de l’administration fiscale américaine.

[3] Cette loi a été promulguée en 1996 par Bill Clinton. Celle-ci permet, en l’occurrence, aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises soupçonnées de « trafiquer » avec des biens ayant appartenu à des ressortissants américains.

[4] Cette loi d’Amato-Kennedy, adoptée par le Congrès américain en date du 8 août 1996, prévoit un fait générateur commun pour les deux États visés, appelés « Etats voyous » pour leur soutien, notamment, au terrorisme et un spécifique à la Libye.

[5] Cette loi américaine a été adoptée après les attentats du 11 septembre 2001. Celle-ci a fait l’objet d’un amendement en date du 2 juin 2015 par le Freedom Act du 2 juin 2015. Cette loi s’applique automatiquement à l’ensemble des Etats qui ont conclu un accord de coopération judicaire avec les Etats Unis d’Amérique.

[6] Cette loi a été adoptée par le congrès américain en Juillet 2002 en réponse aux multiples scandales comptables et financiers, notamment, ceux d’Enron et de WorldCom. Cette loi est également connue sous les noms de « SOX », de « Sarbox », ou encore de « SOA ».

[7] Cette loi a été approuvée en 2016 par le Sénat et la Chambre des représentants et permet d’adopter « des procédures au civil et des recours collectifs contre des personnes, des entités et des pays étrangers ayant fourni un soutien matériel, direct ou indirect, à des organisations étrangères ou à des personnes engagées dans des activités terroristes contre les États-Unis ».

[8] Il s’agit d’une loi fédérale des États-Unis qui fut adoptée en 2018 et qui porte sur la surveillance des données personnelles, notamment dans le Cloud. Elle oblige, notamment, les fournisseurs de services américains, par mandat ou assignation, à fournir les données demandées stockées sur des serveurs se trouvant aux États-Unis ou dans des pays étrangers.

[9] http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4082.asp

[10] Cette terminologie signifie, tout simplement, que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits.

[11] Geslin Albane. La position de la France en matière d’extraterritorialité du droit économique national. In: Revue juridique de l’Ouest, 1997-4. pp. 411-467

[12] Manuel d’intelligence économique, Sous la direction de Christian Harbulot – 3ième édition, septembre 2019, PUF

[13] Ce sont, tout simplement, des contre-législations qu’avaient utilisé le Canada, l’Australie, le Royaume Uni ou encore la France pour contrecarrer la procédure du discovery, interdisant à leurs ressortissants de mettre à la disposition des autorités américaines des informations financières et/ou économiques, faute de quoi ils risquent de faire l’objet de sanctions pécuniaires, voir même pénales.

[14] IBID

samedi, 19 septembre 2020

De la guerre commerciale à la "guérilla économique"

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De la guerre commerciale à la "guérilla économique"

La guerre économique fait rage. La crise sanitaire et économique qui s’en suit, ont accentué les rapports de force et affaibli des structures déjà largement exposées, constituant autant de proies. Face à cette mutation sans précédent, il est essentiel que les entreprises puissent disposer d’une boîte à outils de la sécurité économique et parer les menaces et ingérences auxquelles elles sont malgré elles exposées.

Rappelons au préalable quelques considérations sur la guerre économique, dans son approche macro :
Elle ne doit pas se confondre avec la guerre à l’économie militaro-industrielle, telle que la destruction, par des moyens armés, d’usines d’armement, de voies de communication, atteintes aux pôles aéroportuaires, coupures à l’accès aux matières premières, moyens de télécommunication, infrastructures cyber, etc., lesquelles actions relèvent davantage de la guerre totale.
 
La guerre économique n’est pas non plus la guerre à l’économie dans son essence même, que les altermondialistes et anticapitalistes mènent dans leur velléité d’anéantissement du libéralisme, et plus largement des activités économiques humaines sous toutes ses formes.
 
Enfin, elle n’est pas l’économie de guerre à savoir l’effort industriel des entreprises d’armement pour subvenir aux ressources en moyens nécessaires pour livrer les batailles et alimenter l’appareil militaire en armement.
 
En réalité, comme nous l’avions démontré dans notre précédent ouvrage [1], la guerre de nature non militaire et/ou non conventionnelle affecte désormais les petites ou moyennes puissances. Précisément, la guerre économique prospère en temps de paix militaire, et constitue l’affrontement géoéconomique des grandes puissances, à défaut d’employer des moyens armés. D’où le recours essentiel aux stratégies indirectes et/ou asymétriques dont le droit, la fiscalité, les technologies, les normes environnementales désormais, etc., ne sont pas absentes.
 
En effet, selon Bernard Esambert :
 
« L’économie mondiale se globalise : la conquête des marchés et des technologies a pris la place des anciennes conquêtes territoriales et coloniales. Nous vivons désormais en état de guerre économique mondiale, et il ne s’agit pas seulement là d’une récupération du vocabulaire militaire. Ce conflit est réel, et ses lignes de force orientent l’action des nations et la vie des individus. L’objet de cette guerre est, pour chaque nation, de créer chez elle emplois et revenus croissants au détriment de ceux de ses voisins » (…)
« la guerre économique impose également des débarquements chez l’ennemi par l’implantation à l’étranger, la défense de l’arrière par des entreprises à caractère régional et l’établissement de protections au travers de tarifs douaniers qui ne représentent plus que des murets de fortune, de mouvements monétaires qui ont pris le relais des barrières douanières, enfin d’innombrables entraves aux échanges qui protègent ici ou là un pan de l’économie ». « Les chômeurs sont désormais les morts de la guerre économique » [2] .
 
Mais cette compétition économique exacerbée – ou guerre par l’économie– ne concerne pas seulement les grands groupes ; elle n’épargne pas non plus le tissu industriel et commercial territorial. Tant s’en faut. Dès lors que nous voulons développer des aspects pratiques au niveau de l’entreprise, il convient de se situer dans le cadre des ingérences et déloyautés commerciales, affectant directement le tissu des TPE, PME et ETI.  C’est ce que ne nous nommerons la « guérilla économique » constituée de conflits de moindre intensité, mais tout aussi mortifère pour l’entreprise.
 
De la même manière qu’il est souvent opposé macro-économie et micro-économie, il existe donc bien une guerre économique (à l’échelle des états) et une guérilla économique vécue au niveau des TPE-PME-ETI, qui relève de la compétition exacerbée.
 
La guérilla ou « petite guerre » est souvent présentée comme un conflit de partisans, ou combattants irréguliers, ne constituant pas une armée régulière de soldat sous uniforme. La guerre froide et la période de décolonisation ont favorisé ce type d’agressions non conventionnelles. De même que l’arme atomique a conduit les grandes puissances à la neutralité directe et aux affrontements asymétriques. C’est d’ailleurs le fondement même de guerre froide : « paix impossible, guerre improbable » [3].
 
Par conséquent, à l’instar de ces luttes armées indirectes, la guérilla économique est une action concertée visant une cible industrielle ou commerciale, destinée à réduire, sans intervention étatique ni institutionnelle, sa part de marché ou sa position dominante, jusqu’à l’anéantissement total.
 
Plusieurs actions relevant de cette sphère de « petite guerre économique » peuvent être recensées : espionnage industriel, déstabilisation réputationnelle (guérilla informationnelle), cyber atteinte aux données, risques en matière de conformité, fraudes financières, débauchages et mouvements RH. Autant d’ingérences dans la gouvernance de l’entreprise afin de parvenir à des buts de guerre.
 
C’est l’ensemble de ces moyens, et leurs réponses, qui sont exposés dans « Survivre à la guerre économique », pour en faire un véritable manuel de survie face aux risques contemporains relevant de la guérilla économique.

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Olivier de MAISON ROUGE est Avocat, Docteur en droit. Professeur associé à l’Ecole des relations internationales (ILERI) et à l’Ecole de Guerre Economique (EGE), intervenant régulier à l’IHEDN et à l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM). L’auteur a été amené à défendre des entreprises confrontées aux actes d’espionnage économique et ingérences économiques ; il a développé une véritable doctrine en matière de contre-mesures juridiques et de protection du patrimoine informationnel. Il contribue ainsi à l’élaboration de références et standards en matière de sécurité économique et de souveraineté en matière d’informations sensibles.
Auteur de nombreux articles et d’ouvrages :
Cyberisques. La gestion juridique des risques numériques, LexisNexis, 2018
Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique. VA Editions, 2018

Dernier ouvrage paru : « Survivre à la guerre économique. Manuel de résilience  », VA Editions, septembre 2020
 
[1] de MAISON ROUGE Olivier, Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique. VA Editions, 2018.
[2] ESAMBERT Bernard, La guerre économique mondiale, Olivier Orban, 1991
[3] ARON Raymond, Le grand schisme, 1948

samedi, 27 juin 2020

La guerre économique par l’extraterritorialité du Droit

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La guerre économique par l’extraterritorialité du Droit

Ex: https://infoguerre.fr

Frédéric Pierucci, Président d’IKARIAN, William Feugère, Avocat, Fondateur d’ETHICORP, Blandine Cordier-Palasse, Présidente de BCP Executive Search

et Véronique Chapuis, directrice du programme Intelligence Juridique EGE

A RETENIR

1. L’Intelligence Juridique replace le sujet de l’extra-territorialité à « sa juste place, stratégique, économique et politique » dixit Sophie Leclerc, directrice juridique

2. L’extra-territorialité ? Enjeux d’Intelligence Economique et Juridique

  • Permet à un pays d’imposer des sanctions (amendes, prison) à des personnes physiques ou morales où qu’elles soient, en cas d’infraction aux lois de lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude, le trafic d’influence (etc.) ou en cas de non-respect des embargos ou sanctions imposées à un autre pays.
  • Les faits reprochés peuvent avoir été commis dans le passé sans limite de temps.
  • Les enquêtes sont déclenchées de façon discrétionnaire.
  • Entreprises, administrateurs, dirigeants, salariés et retraités peuvent être responsables à titre personnel. Les délégations de pouvoirs ne sont pas opposables au DOJ US.
  • Ça marche si l’entreprise accusée a des intérêts financiers et commerciaux dans ce pays dont elle ne peut pas s’affranchir (biens, affaires commerciales, contrats ou offre en cours aux US, utilisation de la monnaie de ce pays)[1].

3. Objectifs ?

C’est une arme d’encadrement du commerce (embargos, pays sous sanction) ou une arme de guerre économique (lutte contre la corruption, le blanchiment, le trafic d’influence …) comme le montre le pourcentage d’entreprises européennes condamnées : 62% dont 25% payés par les entreprises françaises. L’importance des amendes (plusieurs milliards €) et les transactions avec le DOJ (Department of Justice) permettant d’éviter la condamnation pénale de l’entreprise.

C’est plutôt un transfert de responsabilité par les états sur les entreprises qu’une délégation de souveraineté[2].

4. Moyens de défense

La France s’est dotée de moyens de lutte contre ces infractions (Loi Sapin 2, l’AFA (Agence Française de Lutte contre la Corruption)) qu’elle peut maintenant opposer au DOJ américain. La CGIP (convention judiciaire d’intérêt public) permet d’éteindre l’action publique si l’entreprise accusée respecte les obligations imposées[3].

5. Administrateurs et Salariés impliqués

Les salariés impliqués dans l’accusation de leur entreprise, les retraités et anciens salariés doivent faire assurer leur défense sur leurs deniers personnels.

6. Programme de compliance

Les mesures pour assurer la conformité concernent tous les niveaux et toutes les directions de l’entreprise : conseil d’administration, comex, directions générale, RH, juridique, finances, affaires publiques, commerciale, achat, qualité, technique, R&D, sécurité, marketing, communication.

A CREUSER

7. Enlever l’épée de Damoclès de la menace des enquêtes 

La défense des entreprises européennes contre l’extra-territorialité devrait être une priorité stratégique de l’Union Européenne car l’extra-territorialité est une source de désorganisation des entreprises en plus d’être un poids. Amendes et peines de prison sont la partie émergée de l’iceberg. S’y ajoutent les coûts et effets des défenses à mettre en place, de l’ingérence dans la gouvernance via le monitoring, des organisations et procédures à déployer, de l’hémorragie des secrets d’affaires dans les flux de défense. Notre loi de blocage est insuffisante. Il faudrait donner des compétences extra-territoriales au juge français. Une démarche européenne et des alliances avec l’Allemagne et d’autres pays seraient utiles pour construire un système efficace.

8. Développer une gouvernance holistique de la Compliance 

La compliance ou conformité est un dispositif qui doit être intégré dans la stratégie de l’entreprise au plus haut niveau par le CA et le COMEX ou CODIR car les objectifs de l’entreprise doivent être atteignables en maîtrisant les risques qui y sont liés. C’est tout l’enjeu de la signification de la « Tolérance Zéro » par opposition au « Pas vu, Pas pris » lorsque la question est traitée de façon superficielle ou sous le seul angle juridique. Les conseils d’administration doivent donner la ligne directrice et les directions générales doivent donner les moyens de mettre en place, déployer et monitorer le programme de compliance de manière efficiente.

9. Lutter contre l’insécurité juridique 

Le DOJ fait signer aux entreprises sous enquête une renonciation à bénéficier de la prescription prévue par la Loi. On ne connaît pas la position des tribunaux américains car les entreprises sont forcées à transiger de peur des conséquences d’une assignation au pénal aux Etats Unis.

Le passé est une zone de risque à contrôler. On peut citer notamment le guide fusions-acquisitions de l’AFA qui rend les dirigeants de l’entreprise acquéreur ou absorbante responsables des manquements antérieurs en cas de défaut de contrôle. Le traitement doit être plus large que la corruption, qui ne figure pas parmi les  5 premiers risques auxquels les entreprises sont effectivement confrontées : atteintes à la sécurité des salariés et accidents du travail, intrusions informatiques, es atteintes à la protection des données personnelles, le harcèlement moral et enfin les escroqueries et « fraudes au président » (enquête AFJE-ethicorp.org 2019-2020, publié Éditions législatives, disponible sur www.ethicorp.org) .

10. Protéger les administrateurs, dirigeants et salariés 

L’exposition des dirigeants, salariés, ex-salariés, retraités est à encadrer par les Ressources Humaines et par la Direction Juridique des entreprises. C’est un enjeu managérial prioritaire. La même démarche doit être menée pour protéger les administrateurs.

11. Lutter pour la probité des affaires 

La répression par des sanctions lourdes et l’ingérence dans la gouvernance des entreprises sont-ils les meilleurs moyens de lutter pour la probité des affaires ? L’argent dépensé dans cette lutte contre ne serait-il pas mieux employé à aider les entreprises à faire évoluer des pratiques parfois séculaires, parfois encore ancrées comme mode normal de fonctionnement dans certains pays, à concevoir des mesures locales ? Le rejet de certains clients ne satisfaisant pas tous les critères du KYC ne pourrait-il pas évoluer vers leur intégration en contrepartie de programmes qualité assurant la probité ?

C’est tout l’enjeu d’un changement de culture au sein des organisations où valeurs partagées, éthique des affaires et programme de compliance déployé avec efficience, pourraient renforcer, voire redonner de la confiance dans les relations avec l’ensemble des parties prenantes de son écosystème.

Notes

[1] Pour aller plus loin sur le lien de dépendance : http://www.leclubdesjuristes.com/le-retrait-des-etats-uni...

[2] Pour aller plus loi sur la notion de délégation de souveraineté : La Nouvelle Economique Politique, Olivier Bomsel, Folio 2017 http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-e...

[3] https://www.agence-francaise-anticorruption.gouv.fr/fr/co....

vendredi, 17 avril 2020

Vous avez dit « guerre », l’économie c’est la guerre !

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Vous avez dit « guerre », l’économie c’est la guerre !

Par Olivier de MAISON ROUGE

Avocat – Docteur en droit

Ex: http://www.epge.fr

A paraître « Survivre à la guerre économique » (VA Editions)

A trop de gargariser de mots flamboyants et à employer des formules trop verbeuses, on prend le risque de les détourner de leur sens premier.

Certes, le monde connaît une catastrophe planétaire majeure. La lutte contre le Covid-19 emploie toutes les ressources nécessaires à la survie de la nation : police, armées (plan « Résilience »), professionnels de santé, mais encore caissiers, éboueurs, ouvriers, agriculteurs, etc, effectivement envoyés en première ligne, la ligne de front.

Un champ sémantique belliciste

Le langage belliqueux semble naturellement s’imposer, tant cela peut ressembler à première vue à un conflit, une bataille en rang serré ; pourtant à regarder de plus près, cette crise n’emprunte pas tous les ressorts de la guerre.

Si « La guerre est un caméléon », comme le disait Von Clausewitz, Gaïdz Minassian contestait cependant cette rhétorique guerrière appliquée à la crise sanitaire[1] : « Elle [ la guerre ] change de forme, de couleur, d’acteurs mais pas de nature. Pour parler de guerre, il faut un ennemi. L’expression « d’ennemi invisible » pour qualifier le Covid-19 ne tient pas. Dans une guerre, l’ennemi est un élément structuré et incarné. » (…) Poursuivant « On ne signe pas la paix avec un virus ». (…) Enfin, « Qui dit guerre dit aussi destructions matérielles. Les rues des villes sont désertes, mais pas détruites ».

Il est vrai que, pour sa part, la guerre économique n’est sans user à son tour d’une sémantique militaire.

Qu’on en juge :

En effet, un prédateur entame les hostilités. La guerre économique met en opposition des assaillants. Auparavant, l’attaquant a affûté ses armes et constitué ses armées avec ses alliés ; placé ses pions et ses espions. Il commence alors l’offensive. Il se lance à l’assaut de l’entreprise devenue sa cible, son but de guerre, avant d’en faire un butin. Il livre bataille contre sa proie qui s’arme, riposte et se défend. Cette dernière lutte pour sauver ses marchés, ses approvisionnements, tandis que l’assaillant combat pour obtenir de nouvelles conquêtes, pour accroître sa fortune. Les hostilités sont dures et les coups sont rudes.

En revanche, la cible n’est pas sans défense. Elle contre-attaque et établit les plans d’une contre-offensive. Si le combat devient désespéré, elle ne rendra pas pour autant les armes aussi facilement. Elle peut tout d’abord faire appel à un chevalier blanc qui, s’il n’est pas franc peut s’avérer être un chevalier noir. Si la partie est définitivement perdue, la société prise dans le filet peut en dernier ressort pratiquer la politique de la terre brûlée. Se voyant perdue, déshonorée, livrée à l’ennemi, elle ingurgitera quelque pilule empoisonnée afin de ne pas se rendre vivante[2].

La guerre est un fait

Selon Oswald Spengler : « la paix est un souhait, la guerre est un fait » ce qui répond à la locution latine bien connue « Si vis pacem, para bellum ».

ob_d29098_clausewitz-frontispiece.jpgUne guerre est un affrontement entre deux puissances ; un « choc des volontés » selon Von Clausewitz qui prétendait également que « la guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens ». C’est invariablement un rapport de forces, associant tout à la fois brutalité par le fracas des armes et le metis ou la ruse de l’intelligence.

Un conflit s’opère entre ennemis, déclarés ou pas, mais toujours désignés, cherchant à dominer, à anéantir ou à réduire l’adversaire ou encore à s’approprier ou occuper un espace. La guerre conduit au sacrifice suprême de ses acteurs quelle que soit la ligne de front.

Aussi regrettable soit-il, nous sommes amenés à constater que dans l’histoire de l’humanité, depuis ses plus lointaines origines, la guerre est inhérente à la nature humaine et les épisodes pacifiques constituent a contrario des séquences anormales au sein de longues périodes guerrières beaucoup plus nombreuses. La paix est l’exception quand la guerre en constitue le temps ordinaire.

De tous temps, et dans tous les espaces, les hommes se sont donc affrontés et ce quel que soit le motif invoqué par les parties belligérantes et quel que soit la nature du conflit ; on peut ainsi affirmer que « la guerre est le propre de l’homme »[3].

Aussi, faut-il de méfier de ceux qui disent : « Il n’y a pas de conflit. » Ils sont mal informés ou dangereux. »[4]. Ce constat lucide a été énoncé en 1986 par Alexandre de Marenches, un grand espion français, ancien patron du SDECE, lequel avait sans nul doute une acuité certaine, ne serait-ce par déformation professionnelle.

Or, une grande spécificité de ces dernières décennies fut la négation de l’ennemi. Dès lors que la guerre demeurait proclamée comme étant immorale, l’ennemi avait disparu avec le principe même d’affrontement direct.

Or, comme l’a écrit très justement Julien FREUND : « Se tromper sur son ennemi par étourderie idéologique, par peur ou par refus de le reconnaître à cause de sa langueur de l’opinion publique c’est, pour un Etat, s’exposer à voir son existence mise tôt ou tard en péril. Or, un ennemi non reconnu est toujours plus dangereux qu’un ennemi reconnu »[5]. C’est sur cette nouvelle illusion que s’ouvrit le 21ème siècle.

L’économie, c’est aussi la guerre

Ainsi, en un demi-siècle, l’Occident a glissé au fil du temps d’une lutte armée, de nature conventionnelle entre états ou factions ethniques au moyen d’armements traditionnels tels que blindés, avions chasseurs et bombardiers, marine militaire, ou plus terrifiants comme les armes NBC[6] et électromagnétiques, à des conflits souterrains, plus feutrés, d’une nature nouvelle, dans un schéma de conquête économique et d’affirmation de puissance géoéconomique, géostratégique et géopolitique.

La guerre économique ne doit pas se confondre avec la guerre à l’économie militaro-industrielle, telle que la destruction ou le sabotage, par des moyens armés, d’usines d’armement, de voies de communication, atteintes aux pôles aéroportuaires, coupures à l’accès aux matières premières, moyens de télécommunication, infrastructures cyber, etc., lesquelles actions relèvent davantage de la guerre totale[7]. La guerre à l’économie c’est neutraliser les capacités de production de l’ennemi.

La guerre économique n’est pas non plus la guerre à l’économie que les altermondialistes et anticapitalistes mènent dans leur velléité d’anéantissement du libéralisme sous toutes ses formes, et plus largement des activités économiques humaines sous toutes ses formes. Si la guerre économique n’empêche pas la remise en cause d’un modèle économique, elle ne se rattache pas aux contempteurs du capitalisme, sauf à en dénoncer les travers.

Enfin, elle n’est pas l’économie de guerre à savoir l’effort industriel des entreprises d’armement pour subvenir aux ressources et moyens nécessaires pour livrer les batailles et alimenter l’appareil militaire en armement. Si la guerre économique interroge les questions essentielles d’autonomie stratégique, elle n’est pas le recours à toutes les capacités de production au bénéfice des forces armées.

En réalité, la guerre économique prospère précisément en temps de paix militaire, et constitue l’affrontement géoéconomique des grandes puissances, à défaut d’employer des moyens armés.

D’où le recours essentiel aux stratégies indirectes et/ou asymétriques dont le droit, la fiscalité, les technologies, les normes environnementales désormais, etc., ne sont pas absentes.

511t6Vlw1wL.jpgEn matière de définition, selon Bernard Esambert :

« L’économie mondiale se globalise : la conquête des marchés et des technologies a pris la place des anciennes conquêtes territoriales et coloniales. Nous vivons désormais en état de guerre économique mondiale, et il ne s’agit pas seulement là d’une récupération du vocabulaire militaire. Ce conflit est réel, et ses lignes de force orientent l’action des nations et la vie des individus. L’objet de cette guerre est, pour chaque nation, de créer chez elle emplois et revenus croissants au détriment de ceux de ses voisins » (…)

« La guerre économique impose également des débarquements chez l’ennemi par l’implantation à l’étranger, la défense de l’arrière par des entreprises à caractère régional et l’établissement de protections au travers de tarifs douaniers qui ne représentent plus que des murets de fortune, de mouvements monétaires qui ont pris le relais des barrières douanières, enfin d’innombrables entraves aux échanges qui protègent ici ou là un pan de l’économie ». « Les chômeurs sont désormais les morts de la guerre économique »[8].

D’une autre manière, avec une lecture plus dialectique, Christian Harbulot suppose que :

« Ce sont désormais la politique, et donc la guerre, qui ont changé de visage pour se réinventer et se placer très largement au service de l’efficacité économique, c’est-à-dire d’un capitalisme financier à l’intérieur duquel l’État tente, avec plus ou moins de succès, de préserver une base industrielle. »[9]

Enfin, l’universitaire Frédéric Munier précise que :

« La guerre économique peut tout d’abord être définie, au sens strict, comme une modalité de la guerre. Elle s’inscrit alors dans un contexte de conflit entre nations sous la forme d’actions de violence économiques : l’embargo, le boycott, des mesures de contingentement en sont des exemples parmi d’autres. Les armes économiques sont mises au service d’un projet politique, le plus souvent l’affaiblissement d’une cible. (…) Cette guerre économique s’apparente à une guerre par l’économie. »[10]

Mais cette compétition économique exacerbée – ou guerre par l’économie pour reprendre l’expression de ce dernier – ne concerne pas seulement les grands groupes ; elle n’épargne pas non plus le tissu industriel et commercial territorial. Tant s’en faut.

En cette période de catastrophe sanitaire, veillons à ce que la crise qui s’en suit ne déchaîne pas davantage la guerre économique entre les nouveaux blocs Est-Ouest qui s’affirment.


Notes:

[1] MINASSIAN Gaïdz, « Covid-19, ce que cache la rhétorique guerrière », in Le Monde, 8 avril 2020

[2] de MAISON ROUGE Olivier, Les stratégies de défense anti OPA, mémoire, 2002

[3] A ce titre : MARRET J.-L., « Guerre totale », L’Editeur, 2012.

[4] OKRENT C. et de MARENCHES A. « Dans le secret des princes », Stock, 1986, p. 314.

[5] FREUND Julien, L’essence du politique, Dalloz, (réed.), 1965.

[6] Pour Nucléaire, Biologique ou Bactériologique et Nucléaire.

[7] Voir Jean TANNERY (1878-1939 à l’origine de la guerre économique, par Michaël BOURLET, in « Guerres mondiales et conflits contemporains », 2004/2, n°214.

[8] ESAMBERT Bernard, La guerre économique mondiale, Olivier Orban, 1991.

[9] HARBULOT Christian, La machine de guerre économique, Economica, 1992.

[10] Munier Frédéric, La Guerre économique. Rapport Anteios 2010, PUF, 2009.

11:01 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, guerre, guerre économique, économie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 17 février 2020

Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

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Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

Ex: https://kopp-report.de

»Umweltkiller Auto« und Energiekonzerne, die nicht als lebensnotwendige Versorger der Bevölkerung dargestellt, sondern gezielt als Umweltzerstörer diffamiert werden: Die Reihe deutscher Industriekonzerne, die dem Machterhalt der Bundesregierung geopfert werden, nimmt selbstzerstörerische Ausmaße an.

Mit dem Siegel »Made in Germany« versuchte Großbritannien Ende des 19. Jahrhunderts deutsche Importware als vermeintlich billig und minderwertig zu diskreditieren. Doch der Schuss der Briten ging buchstäblich nach hinten los. Nicht zuletzt dank einem damals noch weitestgehend intakten Bildungssystems und der daraus resultierenden deutschen Ingenieurskunst sowie traditionellen Handwerksbetrieben wurde »Made in Germany« zu einer einzigartigen Erfolgsgeschichte. Dass ausländische Kräfte, wirtschaftliche Konkurrenten und eigentlich befreundete Staaten alle Hebel in Bewegung setzen, um die weltweit führende Exportnation zu schädigen, mag bis zu einem gewissen Grad nachvollziehbar sein – dass deutsche Politiker die eigene Wirtschaft diesen Kräften jedoch widerstandslos ausliefern, ist schlicht ein Skandal.

So setzt bekanntlich die USA europäische Länder und explizit Deutschland massiv unter Druck, damit der chinesische Telekomausrüster Huawei nicht am milliardenschweren 5G-Netzausbau beteiligt wird.

Als Grund wird die US-Administration nicht müde zu betonen, dass der chinesische Großkonzern der Wirtschaftsspionage nicht nur beschuldigt, sondern längst überführt sei.

Der massive Druck geschieht dabei aber nicht etwa aus Sorge um die Sicherheit Deutschlands digitaler Infrastruktur, sondern verfolgt in der Hauptsache das Ziel, den Zuschlag für den sensiblen Digitalausbau an US-Konzerne sicherzustellen.

Spätestens nach den Enthüllungen des Whistleblowers Edward Snowden weiß die ganze Welt, dass US-Geheimdienste nicht nur den gesamten weltweiten Datenverkehr abhören, auswerten und sammeln, sondern dass die Dienste zudem über »Backdoors« bei den großen Techkonzernen verfügen. Zum Teil ist diese Zusammenarbeit zwischen der CIA und dem Silicon Valley sogar offenkundig. »In-Q-Tel« heißt der Risikoinvestment-Arm der CIA. Ganz offen investiert der US-Geheimdienst so in Datenanalyse-Firmen aus dem Silicon Valley. Neben Beteiligungen bei Google und Facebook gerät immer mehr das Geheimdienstinvestment bei der Big-Data-Firma Palantir ins Blickfeld der Öffentlichkeit.

In Amerika werden dadurch bereits Informationen von Militär, Geheimdiensten und aus Polizeidatenbanken miteinander vermischt und zur Aufstandsniederschlagung in Afghanistan und dem Irak, sowie im Kampf gegen den islamistischen Terrorismus und zur Kriminalitätsbekämpfung, eingesetzt. »Gotham« heißt das umstrittene Programm der CIA-Firma. Gotham City ist bekanntlich die Stadt, in welcher der Superheld Batman auf Verbrecherjagd geht. Hier wird ein dystopisches Bild von New York City gezeichnet, einem zukunftspessimistischen Szenario einer in Gewalt, Verbrechen und Korruption untergehenden Gesellschaft. Im 21. Jahrhundert stemmt sich jedoch kein Superheld gegen dieses Untergangsszenario, sondern die CIA mit ihrem Silicon-Valley-Unternehmen Palantir.

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Anstatt mit Muskeln und Kampftechniken werden die Kriege heutzutage mit Terabytes ausgefochten. Mit einer einfach zu bedienenden Suchmaske kann zu jedem einzelnen Knotenpunkt ein eigenes Netzwerk erstellt werden.

Der Firma werden regelrechte Superkräfte nachgesagt: So enthüllte der US-Kriegsreporter Mark Bowden, dass deren Software die Geheimdienste letztlich auf die Spur des seit Jahren untergetauchten Osama Bin Laden geführt habe. Und das Schneeballsystem des Milliardenbetrügers Bernie Madoff soll das Analyseprogramm aus 20-Terabyte-Daten innerhalb weniger Stunden rekonstruiert haben. Das Programm Gotham ist eine riesige Rasterfahndung, die Massendaten aus dem Internet, überwachte Telekommunikation, Kontobewegungen, staatliche Register und Archive sowie Bewegungsprofile analysiert und zusammenführt. Kritiker befürchten, dass die CIA-Investments bei Google und Facebook genau diesem Zweck dienten, nämlich durch die Hintertür Zugriff auf riesige Datenberge zu erlangen und mit Hilfe der Spionage- und Analyseprogramme von Palantir entsprechend auswerten zu können. Bei der Polizei in Hessen wird die Spionage-Software bereits genutzt und Anfang Januar 2020 gab auch die Polizei in Nordrhein-Westfalen bekannt, zukünftig die umstrittene Software einzusetzen. Der anfängliche Auftragswert liegt bei 14 Millionen Euro.

Wirtschaftskrieg gegen Deutschland

Volkswagen, Deutsche Bank und Siemens sind Beispiele, wie mit gezielter Wirtschaftsspionage durch die Amerikaner der deutschen Wirtschaft geschadet wird. Erst werden unzählige Betriebsgeheimnisse wie Patente und Antriebssysteme abgeschöpft, um dann Milliardenstrafen gegen erfolgreiche Konkurrenten auf dem Weltmarkt zu verhängen. Das perfide Gebaren der US-Geheimdienste folgt stets demselben Muster. Auch dies sind Erkenntnisse der Snowden-Enthüllungen über die globale und verdachtsunabhängige Überwachung und Speicherung milliardenfacher Daten auf Vorrat.

51Ur3UtclEL._SX318_BO1,204,203,200_.jpgDurch komplexe Überwachungssoftware wie PRISM, Tempora und XKeyscore werden diese Datenberge sodann von der NSA durchforstet und mit der CIA und anderen Behörden gemeinsam weiter verwertet.

Schließlich kann die NSA, mit illegal beschafften Daten, die Deutsche Bank nicht vor einem New Yorker Gericht auf Milliardensummen verklagen. Und so überlässt die NSA die illegalen Daten dem US-Justizministerium und der US-Börsenaufsichtsbehörde SEC, die dann bei »eigenen« Ermittlungen ganz genau wissen, wo es was zu suchen bzw. zu finden gibt.

Die SEC ist befugt, gegen alle in den USA börsennotierten Unternehmen zu ermitteln.

Zuerst waren die Ermittlungen auf Insiderhandel und Betrug begrenzt, nach 9/11 wurden der Behörde durch den Patriot Act jedoch noch weitreichendere Befugnisse zugesprochen.

Auch hier wurden die erheblichen Kompetenzerweiterungen offiziell mit einer angeblichen Terrorbekämpfung und mit dem Verdacht von Embargo-Verletzungen begründet. Dieses Vorgehen, wie im Fall der Deutschen Bank, ist noch nicht lückenlos bewiesen, aber auch Dr. Gert-René Polli, Gründer des österreichischen Bundesamts für Verfassungsschutz, hält diese These für »allemal plausibel«.

Im Zuge der Finanzkrise um den Handel mit Immobilienkrediten, die zu Paketen geschnürt und weltweit gehandelt und somit verkauft wurden, den sogenannten »mortage-backed securities«, geriet die Deutsche Bank ins Visier der amerikanischen Dienste und Behörden und musste schließlich in den USA eine Geldstrafe in Höhe 11,75 Milliarden Dollar berappen.

Auch weitere US-Sanktionen gegen deutsche Firmen (und gegen Russland) ordnet der Chefvolkswirt der Bremer Landesbank, Folker Hellmeyer, als Teil eines Wirtschaftskrieges gegen Europa und Russland ein. Seine genauen Worte lauten:

»Wir befinden uns mitten in einem Wirtschaftskrieg.«

Während sich die Hiobsbotschaften in der deutschen Wirtschaft wie Meldungen über Massenentlassungen häufen, gerät die deutsche Industrie nicht nur unter massiven Druck globaler Gegenspieler, sondern die Bundesregierung selbst befeuert den Krieg gegen die eigene Industrie. So wurde das einstige Premiumprodukt deutscher Ingenieurskunst – das Automobil –, zuerst durch eine immens aufgeblasene Dieselschmutzkampagne beschädigt und anschließend pauschal als Umweltkiller diffamiert.

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Sonntag, 09.02.2020

samedi, 15 février 2020

Photonis, firme stratégique française, sera rachetée par un concurrent américain

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Photonis, firme stratégique française, sera rachetée par un concurrent américain

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Michel Cabirol est rédacteur en chef Industries et services à La Tribune du monde de la défense, du spatial et de l'aéronautique. Il vient de publier cet article inquiétant que nous reproduisons ici.
 

Photonis bientôt rachetée par un groupe américain

Par Michel Cabirol 

Vendue par le fonds français Ardian, la PME Photonis va très certainement être rachetée par un groupe américain. L'incapacité de la France à protéger ses pépites "offre aux autres puissances la possibilité de nous affaiblir", a rappelé vendredi à l'Ecole de Guerre Emmanuel Macron.

Vendue par le fonds français Ardian, la PME Photonis va-t-elle être passée par pertes et profits par la France et sa base industrielle et technologique de défense (BITD) ? Sauf intervention de l'Etat de dernière minute, le leader mondial dans la conception, le développement et la fabrication de composants destinés à détecter de faibles niveaux de lumière ou de rayonnement, dans les domaines de l'industrie, des sciences, du médical et de la vision nocturne, va finir, faute d'offre française, dans l'escarcelle d'un groupe américain, notamment Teledyne, qui apparaît comme le grand favori. La transaction est évaluée à plus de 400 millions d'euros (soit environ dix fois l'Ebitda).

Ce serait un grave échec pour la France si cette pépite, suivie par le service des affaires industrielles et de l'intelligence économique de la DGA (Direction générale de l'armement), passait sous drapeau américain. Un échec collectif, de Matignon aux ministères des Armées et de l'Economie en passant par la banque publique Bpifrance, étrangement absente sur un tel dossier, ainsi que par les armées incapables de monter au créneau pour défendre ses intérêts opérationnels. Un échec d'autant plus retentissant que le discours de vendredi à l'Ecole de Guerre d'Emmanuel Macron a été clair sur la souveraineté :

"Nous avons fini par penser, dans les années 90 et 2000, que l'Europe était devenue un gros marché, confortable, théâtre d'influence et de prédation à tout-va (...) Funeste erreur ! Nous devons pour ces infrastructures critiques, retrouver, au niveau européen, une vraie politique de souveraineté !", a expliqué vendredi le Chef de l'Etat.

Matignon fait de la gonflette

Edouard Philippe a tenté de rassurer à très bon compte les 17 députés qui s'inquiétaient fin novembre dans un courrier adressé au Premier ministre du sort de Latécoère et Photonis mis en vente. Dans une lettre datée du 8 janvier 2020, dont La Tribune a pris connaissance, il leur annonce "un projet de décret en Conseil d'Etat (qui) a été élaboré afin de renforcer le dispositif de contrôle" des acquisitions de sociétés stratégiques françaises par des groupes étrangers. Mais il n'entrera en vigueur que le 1er juillet. Une date qui a probablement fonctionné comme un chiffon rouge pour d'éventuels repreneurs étrangers et accéléré leur réflexion.

La mise en vigueur du décret arrive bien trop tard pour Latécoère, déjà racheté par le fonds américain Searchlight, et très certainement pour Photonis, en passe d'être avalé par un des trois groupes américains intéressés par cette pépite, qui a décroché en 2019 des contrats de fourniture d'équipements de vision nocturne pour l'armée allemande et suisse (tubes intensificateurs d'image 4G). En clair, la BITD française est complètement démunie face à une nouvelle "prédation". Latécoère et Photonis, sous la "protection" des 17 députés, seront passés sous contrôle étranger avant même l'entrée en vigueur du mécanisme censé les protéger.

Bercy et Brienne incapables de trouver une solution française

Mais que font Bercy et Brienne alertés depuis juin dernier de la vente de Photonis? Le ministère des Armées, qui s'est fortement mobilisé, est très embarrassé par le dossier. Il a poussé sans succès une solution avec Safran et Thales, sollicités pour reprendre Photonis. Puis, le ministère a remué tout le tissu industriel pour trouver une solution française mais... sans plus de succès. Selon nos informations, il existe encore un très léger espoir avec une ébauche de solution française : Safran est prêt à prendre une participation minoritaire aux côtés d'un ou plusieurs partenaires majoritaires.

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C'est là où la banque publique Bpifrance pourrait jouer un rôle de protection de la BITD française à condition qu'elle s'intéresse enfin à ce dossier. Elle a jusqu'ici fait la sourde oreille. Dommage que Bercy n'ait pas insisté pour mettre Bpifrance dans le projet. Pour sa part, le fonds d'investissement français PAI Partners pourrait être partant comme il l'avait été pour la reprise de Souriau en 2019. Enfin, l'Agence de l'innovation de défense (AID) planche sur la constitution d'un fond d'investissement, dont l'ambition est de lever 500 millions d'euros environ. Mais le temps d'y arriver, ce sera bien évidemment trop tard pour sauver le soldat Photonis. Ce fonds, même s'il est beaucoup plus ambitieux que Definvest, pourrait difficilement racheter tout seul Photonis au regard du montant de la transaction. On est donc loin, très loin des propos tenus vendredi par le président à l'Ecole de Guerre :

"La bonne utilisation de ces outils de souveraineté commune nécessite, d'abord et avant tout, bien évidemment des investissements, une politique industrielle, des standards de souveraineté, beaucoup plus forte et ambitieuse mais aussi la construction d'une culture stratégique partagée, car notre incapacité à penser ensemble nos intérêts souverains et à agir ensemble de façon convaincante met chaque jour en cause notre crédibilité en tant qu'Européens. Elle offre aux autres puissances la possibilité de nous diviser, de nous affaiblir".

Une nationalisation ?

Faut-il nationaliser la PME bordelaise, qui contribue à la performance des équipements de défense, et notamment ceux des forces spéciales ? Pourquoi pas en attendant de trouver une solution pérenne. Car depuis 20 ans, Photonis, qui participe au projet de laser mégajoule, fait l'objet d'une surveillance par l'Etat, a officiellement expliqué début janvier le ministère des Armées en réponse à une question du député Les Républicains Patrice Verchère. Ainsi, depuis plus de vingt ans, Photonis a fait l'objet de cessions régulières entre différents fonds d'investissement : Barclays PE, AXA PE, Astorg, et dernièrement Ardian (ex-AXA PE) en 2011.

"Chacune de ces cessions a constitué un risque de prise de contrôle par un acteur étranger et a donc fait l'objet d'une surveillance par l'État, a expliqué le ministère des Armées. Des conditions liées aux autorisations de cession ont ainsi pu être imposées au cas par cas (à titre d'exemple : pérennité des activités, préservation des capacités industrielles, obligation de notifier à l'Etat toute délocalisation en ou hors de France, etc.)".

Dans le cadre de la cession actuelle de Photonis, le ministère des armées "accordera une vigilance toute particulière à ces conditions d'autorisation de cession". Dans l'hypothèse où un acteur étranger souhaiterait prendre le contrôle de Photonis, "une telle opération ferait l'objet d'une demande d'autorisation préalable auprès du ministère de l'économie et des finances. Le dossier serait instruit avec l'ensemble des administrations en charge de la protection des activités de cette société afin de déterminer les conditions de cette autorisation, dont l'Etat contrôlerait ensuite le respect à l'issue de la cession". Mais Photonis, dont le siège social est à Mérignac, serait bradé au profit d'un groupe américain.

 

vendredi, 14 février 2020

Les nouveaux paramètres de la guerre économique

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Les nouveaux paramètres de la guerre économique

 
Ex: http://notes-geopolitiques.com

L’entrepreneuriat se transforme au fil des évolutions géopolitiques du monde. Après les Trente Glorieuses, une nouvelle économie s’est développée à la vitesse du numérique, sur fond de mondialisation heureuse.

Les nouveaux échanges devaient répandre partout le capitalisme libéral et le modèle démocratique, associant « fin de l’histoire »  (1) et succès des entreprises. Très vite, le rêve s’est dissipé.

Et ont surgi de nouvelles fractures : antagonisme Nord / Sud, tensions religieuses, crise environnementale, réveil des empires endormis…

Aujourd’hui, c’est l’économie mondiale dans son ensemble qui est devenue le champ des affrontements entre puissances.

Dès lors, comment pour les entreprises se préparer à ces conflits inédits ?

Sur quel mode pratique former leurs dirigeants à la « guerre économique » ?

Au-delà des compétences techniques, n’est-il pas grand temps de donner toute sa place à la géopolitique, de réhabiliter la culture générale, de favoriser l’éclosion de vertus comme la lucidité et l’audace, bref de replacer l’humain au centre de la formation ?…

Entreprendre en temps de guerre… économique

« L’affrontement économique entre les Etats-Unis et la Chine remet en question beaucoup d’idées reçues depuis des décennies dans le monde académique comme dans le monde politique. L’idée d’un marché pacifié et régulé par des institutions internationales a dominé la réflexion sur l’économie mondiale pendant des décennies. Force est de constater que la réalité est tout autre. Les affrontements économiques sont au coeur des enjeux du monde contemporain. »

Ainsi Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’Ecole de guerre économique, ouvre-t-il la 3ème édition du Manuel d’intelligence économique (2).

Or, si le monde a vécu un basculement si violent, n’est-il pas temps de former nos élites à cette nouvelle configuration ?

Préfaçant un livre intitulé Former des cadres pour la guerre économique, Christian Harbulot précise sa pensée : « Le monde a changé. Le marché mondial est fracturé en deux mondes, matériel et immatériel ; en plusieurs blocs géoéconomiques de plus en plus agressifs ; en sociétés consuméristes qui divergent sur leur finalité sociétale. Autrement dit, il ne suffit plus d’être un futur patron centré sur le coeur de métier, passionné par les enjeux de l’innovation, affûté sur la connaissance du marché, remarqué par sa maîtrise des questions financières pour développer une entreprise. » (3)

Au coeur de toute formation, on trouve l’humain, confronté à la réalité du monde. Dès lors, quid de sa capacité à l’appréhender dans sa complexité, pour y détecter, sans a priori, tout à la fois les opportunités et les menaces ?

Résumons. Dans un contexte d’économie libérale, la concurrence appartient depuis toujours à la culture entrepreneuriale.

Encadrée par la loi, elle est censée favoriser la satisfaction des clients et la performance des entreprises.

Toute transgression d’une concurrence « claire et loyale » (corruption, monopole, ententes ou cartels, par exemple) est une faute économique sanctionnée par les pouvoirs publics.

Cependant, le processus de mondialisation a fait que la concurrence est passée du registre de la compétition commerciale à celui de la « guerre économique ».

Aujourd’hui, tous les coups sont permis.Les concurrents sont devenus des ennemis.

Dès lors, les entreprises peuvent faire les frais d’affrontements massifs, Etat contre Etat, comme ceux qui opposent actuellement les USA à la Chine ou à l’Iran.

Les armes utilisées sont essentiellement le contrôle des échanges, les droits de douane, la confiscation d’avoirs ou, plus brutale, l’interdiction de tout commerce avec l’Etat visé, diktat qui peut être étendu aux nations tierces, sous la menace de représailles.

L’interdit peut viser un produit ou une marque, (cf. Huawei aux USA), ou s’étendre à la totalité des transactions commerciales avec un Etat, comme l’embargo décidé par Donald Trump contre l’Iran, en mai 2018.

Quand un tel choix est fait par une puissance hégémonique, les entreprises du reste du monde sont sacrifiées.

Ainsi Airbus, Renault, Peugeot et Total, comme leurs sous-traitants, souvent des PME, ont-ils été contraints de renoncer à leurs investissements et à leurs activités en Iran, victimes collatérales d’un conflit dont leur pays d’origine n’est en rien partie prenante.

On comprend dès lors que la compréhension des configurations géopolitiques sans cesse mouvantes soit l’une des clés majeures à disposition des directions pour définir leurs stratégies et décliner leurs modes opératoires.

Mais en réalité, que peut faire une entreprise, même innovante, agile et performante, confrontée à l’arme de dissuasion (ou de destruction…) massive qu’est le principe d’extraterritorialité du droit américain ?

La Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas, Total, Alcatel et Technip ont dû accepter de payer des amendes colossales pour éviter de voir leurs activités bannies de tous les échanges internationaux.

Il s’agit bien ici d’une arme de guerre économique contre les entreprises françaises, lesquelles, comme le précisait la DGSI dans une note d’avril 2018, « font l’objet d’attaques ciblées, notamment par le biais de contentieux juridiques, de tentatives de captation d’informations et d’ingérence économique. »

Plus que jamais, il importe donc avant tout de jeter un regard lucide sur le monde et d’en finir avec la candeur qui conduit à l’erreur.

Un certain entrepreneuriat face au déni de réalité

Malheureusement, en France, les exemples de candeur entrepreneuriale ne manquent pas ! Pour s’en convaincre, examinons ces 100 cas d’intelligence économique (4), décortiqués récemment par une promotion d’étudiants sous l’égide de Nicolas Moinet, professeur à l’université de Poitiers, l’une des rares figures de l’intelligence économique dans le monde académique.

On découvre ainsi que l’Union des fabricants de calissons d’Aix est passée à deux doigts de devoir racheter sa propre marque à un industriel chinois aussi malin que cynique !

Ou que Thomson CSF s’est fait souffler en 1994 un important appel d’offres brésilien par l’américain Raytheon après que Bill Clinton en personne ait appelé les décideurs du Brésil pour leur signaler un cas de corruption.

Cet échec français embarrassant a mis en lumière les armes puissantes et discrètes des USA.

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En effet, les informations délictueuses – malheureusement exactes – avaient été « aspirées » par le système d’écoute Echelon, analysées par la NSA et fournies au Président américain.

Quant à l’entreprise française, elle avait été victime tant de ses mauvaises habitudes commerciales que de sa légèreté.

Une variante de ce scénario catastrophe économique s’est rejouée quand Alstom, fleuron industriel et stratégique, a été bradé à l’américain General Electric dans des conditions douteuses (voir note CLES HS83 de mars 2019).

Autre exemple, devenue leader mondial des cartes à puce, la PME Gemplus est passée sous contrôle d’un fonds d’investissement américain qui a nommé à sa tête Alex Mandl, ancien N°2 d’AT&T et administrateur d’In-Q-Tel, société de capital-risque gérée par la CIA !

Alain Juillet réussira à éviter ce « hold-up technologique » et créera Gemalto.

En revanche, la société Activcard, spécialisée dans les logiciels de gestion d’identité n’a pas su rester française : elle est passée avec son savoir-faire et ses brevets, sous contrôle du fonds de pension américain Fidelity, dirigé par Robert Gates, ancien directeur, bis repetita, de la CIA ! (5)

À ces quelques exemples, on mesure la force de frappe régalienne et les avantages concurrentiels extraordinaires dont bénéficient les entrepreneurs américains.

En revanche, note Robert Papin, l’un des premiers Français à avoir saisi cette dimension, « [si] l’économie a intégré le domaine de la guerre […], les Français abordent généralement cette réalité avec une inquiétante naïveté, à l’inverse de leurs concurrents américains, chinois ou britanniques dont la maîtrise dans la captation de données sensibles ou de technologies se nourrit de l’aveuglement de certains de leurs concurrents, au premier rang desquels les Français, dont la candeur est aussi appréciée que les compétences. » (6)

Or la géopolitique intègre bien évidemment la dimension « intelligence culturelle », qui permet de cerner au plus près les différences entre pays en matière de modèle éducationnel ou social, religieux ou philosophique.

Preuve que la culture générale fait partie intégrante du bagage intellectuel du manager, bagage qu’il lui incombe de faire croître et fructifier tout au long de sa vie.

Apprendre un nouvel « art de la guerre » entrepreneurial

On le voit, le nouveau contexte économique mondial a fait évoluer le métier d’entrepreneur par addition de nouveaux besoins en compétences. Mais certains ont raté la marche.

Ainsi, la généralisation du numérique et d’internet ont entraîné des disruptions explosives dans des secteurs entrepreneuriaux solidement établis.

Kodak a disparu faute d’avoir adopté le numérique, BlackBerry et Rank-Xerox pour n’avoir pas adopté les standards internationaux.

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Plus près de nous, Airbnb attaque de plein fouet le secteur hôtelier, Deliveroo la restauration, Uber les transports individuels et Amazon les entreprises de distribution.

Quant aux big data et à l’intelligence artificielle, elles annoncent déjà de prochaines batailles pour des marchés énormes en même temps que stratégiques dans les développements militaires, les activités médicales, les transports, la sécurité et les services.

Ces nouveaux affrontements s’accompagneront de nouvelles formes d’entrepreneuriat, donc de nouvelles qualités et de nouvelles compétences.

Il va de soi que la vigilance, l’intuition et la modestie devant le réel resteront encore longtemps dans l’ADN entrepreneurial.

Mais le courage du « corsaire », capable de s’affranchir des routines, des conforts, des modèles, voire des règles, va certainement devenir un atout dans un monde où la guerre a définitivement envahi l’économie.

Spécialiste en communication, Mathilde Aubinaud évoque ainsi le parcours de quelques entrepreneurs audacieux qui ont fait le pari de la singularité (7).

Mais l’audace peut-elle être un objet d’enseignement dans les écoles de management comme c’est le cas pour la géopolitique ?

Sans doute moins par la théorie que par l’exemple !

De fait, une fois intégré ce paramètre sur un mode théorique, il revient à chaque entrepreneur d’inventer son « art de la guerre », qui sera d’abord un art d’oser, reposant tout à la fois sur l’intelligence des situations, la lucidité, le courage, la capacité à agir et à penser autrement…

Et là encore, c’est le principe de réalité qui doit primer.

A cet égard, il n’est inutile d’écouter ce que ne cesse de marteler Chrsitian Harbulot, fin connaisseur s’il en est de la guerre économique : « La prise en compte de la conflictualité latente entre les puissances, les limites d’exploitation des ressources de la planète, les contraintes posées par la dégradation de l’environnement sont autant de nouveaux paradigmes qui modifient le cadre cognitif de formation des élites. Les futurs chefs d’entreprise ne peuvent faire abstraction de ces nouveaux enjeux en se défaussant sur le pouvoir politique ou sur le corps électoral qui les élit. Désormais, le pilotage d’une entreprise implique une approche lucide de ces questions. Autrement dit, il n’est plus possible de s’engager dans des activités économiques sans chercher à comprendre quel type d’affrontement elles peuvent générer. Apprendre à diriger, c’est aussi apprendre à combattre l’adversité et éventuellement ses ennemis. »  (8)

Décidément, se former à la géopolitique se révèle être incontournable !

Pour en savoir plus :

1566869422_9782130817703_v100.jpgManuel d’intelligence économique, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019) ;

Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy, (VA Editions, 2019) ; 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet, (VA Editions, 2019) ;

La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

1/ Pour reprendre le titre du livre de l’économiste américain Francis Fukuyama (1989).

2/ Collectif, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019).

3/ Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy (VA Editions, 2019), préface de Christian Harbulot.

4/ 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet (VA Editions, 2019).

5/ Tous ces exemples sont tirés de l’ouvrage 100 cas d’intelligence économique, op.cit.

6/ Témoignage de Robert Papin, in Former des cadres pour la guerre économique, op. cit.

7/ La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

8/ Former des cadres pour la guerre économique, op.cit., préface de Christian Harbulot.

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mardi, 11 février 2020

Frédéric Pierucci et Ali Laïdi sur Alstom, Airbus et la guerre économique

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Frédéric Pierucci et Ali Laïdi sur Alstom, Airbus et la guerre économique

 
 
Frédéric Taddeï reçoit :
- Frédéric Pierucci, ancien haut cadre dirigeant d’Alstom aux Philippines
- Ali Laïdi, politologue #IDI #Taddeï
 
Abonnez-vous à la chaîne YouTube de RT France : https://www.youtube.com/rtenfrancais
 
RT en français : http://rtfrance.tv
 

jeudi, 23 mai 2019

Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

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Après l'offensive américaine contre Huawei, Pékin va-t-il déclencher la guerre des terres rares ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La Chine détient actuellement l'essentiel des gisements mondiaux de terres rares rapidement exploitables. Celles-ci sont indispensables dans la fabrication des appareils électroniques tels que les smart phones et les futures voitures électriques.

Il était prévisible que Pékin riposterait sur ce terrain à l'offensive américaine contre Huawei, menacé par un embargo américain sur des composants électroniques qui lui sont indispensables. Washington vise à exclure Huawei de toutes les applications de demain, telles que la 5 G, au prétexte que le géant chinois pourrait espionner les firmes américaines travaillant pour la défense.

Or le président chinois Li Jinping vient de visiter une société productrice de terres rares. Même s'il n'a fait aucune déclaration à ce sujet, il est évident que cette visite n'était pas de routine. Elle voulait faire peser la menace d'un embargo chinois sur l'exportation de terres rares. Pékin prend son temps cependant avant de déclencher la guerre. Il craint manifestement que les Américains ne trouvent des substituts aux terres rares.

Cependant cela demandera du temps et nécessitera des crédits de recherche considérables. Dans les prochains mois, l'arme des terres rares serait donc utilisable et pourrait considérablement affecter toutes les filières technologiques américaines, ainsi d'ailleurs que les Européens qui en sont totalement dépendants. On notera cep que la France pourrait extraire des terres rares dans son domaine maritime, mais avec de grands risques pour la vie océanique

La Chine produit actuellement 95¨des terres rares nécessaires à l'industrie. Les Etats-Unis en importent environ 80%. Un consultant américain, président de ThREE Consulting, a prévenu qu'un embargo chinois pourrait compromettre tous les fabricants non chinois de produits électroniques, y compris ceux utilisée dans le domaine de l'aviation commerciale et de l'industrie militaire.

En 2014 l'Organisation Mondiale du Commerce avait accusé la Chine d'enfreindre les règles de la concurrence en limitant les exportations de ces terres, au prétexte des dégâts à l'environnement provoqués par leur extraction. 

Ceci dit l'United States Geological Survey avait estimé en 2018 que la planète disposait de 120 millions de tonnes de gisements, dont 44 millions en Chine, mais aussi 22 au Brésil et 18 en Russie. Ces deux derniers pays avaient jusqu'ici préféré ne pas exploiter leurs réserves, compte tenu du fait que cette exploitation rejette des quantités considérables de produits toxiques et peut-être radioactifs. La Chine apparemment ne s'en préoccupe pas. 

Une intervention de Pékin bloquant ou rendant difficiles les exportations de terres rares sera considérée aux Etats-Unis comme une accélération de la guerre commerciale. De plus, dans le cas encore improbable de conflits militaires avec la Chine dans le Pacifique Sud, il s'agira d'une arme qui devra être prise en considération par les stratèges du Pentagone.

mardi, 19 mars 2019

USA: Guerre économique ou « guerre absolue » ?

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USA: Guerre économique ou « guerre absolue » ?

par Jean-Claude Paye

Ex: http://www.wikistrike.com

S’appuyant sur la Stratégie de sécurité nationale de Donald Trump, Jean-Claude Paye revient sur l’articulation des politiques économique et militaire de la Maison-Blanche. Il analyse l’opposition entre deux paradigmes économiques, l’un promouvant la mondialisation du capital (soutenu par le parti Démocrate) et l’autre l’industrialisation US (soutenu par Trump et une partie des Républicains). Si le premier conduisait à éliminer tout obstacle par la guerre, le second utilise la menace de la guerre pour rééquilibrer les échanges d’un point de vue national.

Dans le texte précédent « Impérialisme contre super-impérialisme » [1], nous avons soutenu que, en désindustrialisant le pays, le super-impérialisme états-unien avait affaibli la puissance des USA en tant que nation. Le projet initial de l’administration Trump était de procéder à une reconstruction économique sur une base protectionniste. Deux camps s’affrontent, celui porteur d’un renouveau économique des USA et celui en faveur d’une conflictualité militaire de plus en plus ouverte, option qui semble être principalement portée par le Parti démocrate. La lutte, entre les Démocrates et la majorité des Républicains, peut ainsi être lue comme un conflit entre deux tendances du capitalisme états-unien, entre celle porteuse de la mondialisation du capital et celle prônant une relance du développement industriel d’un pays économiquement déclinant.

Ainsi, pour la présidence Trump, le rétablissement de la compétitivité de l’économie US est prioritaire. La volonté de son administration d’installer un nouveau protectionnisme doit être lue comme un acte politique, une rupture dans le processus de mondialisation du capital, c’est à dire comme une décision d’exception, dans le sens développé par Carl Schmitt : « est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » [2]. Ici, la décision apparaît comme une tentative de rupture d’avec la norme de la trans-nationalisation du capital, comme un acte de rétablissement de la souveraineté nationale US face à la structure impériale organisée autour des États-Unis.

Le retour du politique

La tentative de l’administration Trump se pose comme une exception face à la mondialisation du capitalisme. Elle se montre comme une tentative de rétablir la primauté du politique, suite à la constatation que les USA ne sont plus la super-puissance économique et militaire, dont les intérêts se confondent avec l’internationalisation du capital.

Le retour du politique se traduit d’abord par la volonté de mettre en œuvre une politique économique nationale, de renforcer l’activité sur le territoire US, grâce à une réforme fiscale destinée à rétablir les termes de l’échange entre les États-Unis et ses concurrents. Actuellement, ces termes se sont nettement dégradés en défaveur des USA. Ainsi, le déficit commercial global des États-Unis s’est encore creusé de 12,1 % en 2017 et se monte à 566 milliards de dollars. En soustrayant l’excédent que le pays dégage dans les services, pour se concentrer sur les échanges de biens uniquement, le solde négatif atteint même 796,1 milliards de dollars. C’est évidemment avec la Chine que le déficit est le plus massif : il a atteint, en 2017, le niveau record de 375,2 milliards de dollars pour les seuls biens [3].

La lutte contre le déficit du commerce extérieur reste centrale dans la politique économique de l’administration US. Privée par les Chambres états-uniennes de sa réforme économique fondamentale, le Border Adjusment Tax [4] destiné à promouvoir une relance économique grâce une politique protectionniste, l’administration Trump tente de rééquilibrer les échanges au cas par cas, par des actions bilatérales, en exerçant des pressions sur ses différents partenaires économiques, principalement sur la Chine, afin qu’ils réduisent leurs exportations vers les USA et qu’ils augmentent leurs importations de marchandises états-uniennes. Pour ce faire, d’importantes négociations viennent d’avoir lieu. Le 20 mai, Washington et Pékin ont annoncé un accord destiné à réduire de manière significative le déficit commercial US vis-à-vis de la Chine [5]. L’administration Trump réclamait une réduction de 200 milliards de dollars de l’excédent commercial chinois, ainsi que des droits de douane en forte baisse. Trump avait menacé d’imposer des droits de douane de 150 milliards de dollars sur les importations de produits chinois, et, comme mesure de rétorsion, la Chine se proposait de riposter en visant les exportations US, notamment le soja et l’aéronautique.

Opposition stratégique entre Démocrates et Républicains

Globalement, l’opposition entre la majorité du Parti républicain et les Démocrates repose sur l’antagonisme de deux visions stratégiques, tant au niveau économique que militaire. Ces deux aspects sont intimement liés.

 

Pour l’administration Trump le redressement économique est central. La question militaire se pose en terme de soutien d’une politique économique protectionniste, comme moment tactique d’une stratégie de développement économique. Cette tactique consiste à développer des conflits locaux, destinés à freiner le développement des nations concurrentes, et à saborder des projets globaux opposés à la structure impériale US, tel, par exemple, celui de la nouvelle Route de la soie, une série de « corridors » ferroviaires et maritimes devant relier la Chine à l’Europe en y associant la Russie. Les niveaux, économique et militaire, sont étroitement liés, mais, contrairement à la position des Démocrates, restent distincts. La finalité économique n’est pas confondue avec les moyens militaires mis en œuvre. Ici, le redéploiement économique de la nation états-unienne est la condition permettant d’éviter ou, du moins, de postposer un conflit global. La possibilité de déclencher une guerre totale devient un moyen de pression destiné à imposer les nouvelles conditions états-uniennes des termes de l’échange avec les partenaires économiques. L’alternative qui s’offre aux concurrents est de permettre aux USA de reconstituer leurs capacités offensives au niveau des forces productives ou d’être engagé rapidement dans une guerre totale.

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La distinction, entre objectifs et moyens, présent et futur, n’apparaît plus dans la démarche des Démocrates. Ici, les moments stratégique et tactique sont confondus. L’écrasement de ces deux aspects est caractéristique du schéma de la « guerre absolue », d’une guerre débarrassée de tout contrôle politique et qui n’obéit plus qu’à ses propres lois, celles de la « montée aux extrêmes ».

Vers une guerre « absolue » ?

La conséquence de la capacité du Parti démocrate à bloquer une relance interne aux USA est que si les USA renoncent à se développer, le seul objectif reste d’empêcher, par tous les moyens, dont la guerre, les concurrents et adversaires de le faire. Cependant, le scénario n’est plus celui des guerres limitées de l’ère Bush ou Obama, d’une agression contre des puissances moyennes déjà affaiblies, tel l’Irak, mais bien celui de la « guerre totale », telle qu’elle a été pensée par le théoricien allemand Carl Schmitt, c’est à dire d’un conflit qui entraîne une mobilisation complète des ressources économiques et sociales du pays, tels ceux de 14-18 et de 40-45.

Cependant, la guerre totale, de par l’existence de l’arme nucléaire, peut acquérir une nouvelle dimension, celle de la notion, développée par Clausewitz, de « guerre absolue ».

Chez Clausewitz, la « guerre absolue » est la guerre conforme à son concept. Elle est la volonté abstraite de détruire l’ennemi, tandis que la « guerre réelle » [6] est la lutte dans sa réalisation concrète et son utilisation limitée de la violence. Clausewitz opposait ces deux notions, car la « montée aux extrêmes », caractéristique de la guerre absolue, ne pouvait être qu’une idée abstraite, servant de référence pour évaluer les guerres concrètes. Dans le cadre d’un conflit nucléaire, la guerre réelle devient conforme à son concept. La « guerre absolue » quitte son statut d’abstraction normative pour se transformer en un réel concret.

Ainsi, comme catégorie d’une société capitaliste développée, l’abstraction de la guerre absolue fonctionne concrètement, elle se transforme en une « abstraction réelle » [7], c’est à dire une abstraction qui ne relève plus seulement du processus de pensée, mais qui résulte également du procès réel de la société capitaliste [8].

La « guerre absolue » comme « abstraction réelle »

Comme l’exprime le phénoménologue marxiste italien Enzo Paci, « la caractéristique fondamentale du capitalisme... réside dans sa tendance à faire exister des catégories abstraites comme catégories concrètes » [9]. Ainsi, en 1857, dans les Grundrisse(Fondamentaux), Marx écrivait déjà que « les abstractions les plus générales ne prennent au total naissance qu’avec le développement concret le plus riche… ».

Ce processus d’abstraction du réel n’existe pas seulement à travers les catégories de la « critique de l’économie politique », telles qu’elles ont été développées par Marx, comme celle de « travail abstrait », mais porte sur l’ensemble de l’évolution de la société capitaliste. Ainsi, la notion de « guerre absolue » quitte, à travers les rapports politiques et sociaux contemporains, le terrain de la seule abstraction de pensée pour devenir également une catégorie acquérant une existence réelle. Elle ne trouve plus sa seule fonction comme horizon théorique, comme « concret de pensée », mais devient un réel concret. La guerre absolue cesse alors d’être un simple horizon théorique, une limite conceptuelle, pour devenir un mode d’existence, une forme possible, effective, de l’hostilité entre les nations.

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Déjà, dans un article de 1937 « Ennemi total, guerre totale et État total » [10], Carl Schmitt suggère que les évolutions techniques et politiques contemporaines réalisent une identité entre la réalité de la guerre et l’idée même de l’hostilité. Cette identification conduit à une montée des antagonismes et culmine dans la « poussée à l’extrême » de la violence. C’est dire implicitement que la « guerre réelle » devient conforme à son concept, que la « guerre absolue » quitte son statut d’abstraction normative pour se réaliser en « guerre totale ».

Alors, le rapport guerre-politique se renverse, la guerre n’est plus, tel que le développait Clausewitz, pour caractériser son époque historique, la forme la plus haute de la politique et son achèvement momentané. La guerre totale, en devenant guerre absolue, échappe au calcul politique et au contrôle étatique. Elle ne se soumet plus qu’à sa propre logique, elle « n’obéit qu’à sa propre grammaire », celle de la montée aux extrêmes [11]. Ainsi, une fois déclenchée, la guerre nucléaire échappe au cran d’arrêt de la décision politique, de la même manière que la mondialisation du capital échappe au contrôle de l’État national, des organisations supra-nationales et plus généralement à toute forme de régulation.

Pour Donald Trump, les armées US ne sont plus là pour anéantir les États ne participant pas à la mondialisation du capital, par choix ou par nécessité, mais pour menacer toute puissance qui freinerait la réindustrialisation des États-
Unis.
De la « guerre contre le terrorisme » à la « guerre absolue » ?

Le 19 janvier 2018, parlant à l’Université Johns Hopkins dans le Maryland, le Secrétaire à la Défense du gouvernement Trump, James Mattis, a dévoilé une nouvelle stratégie de défense nationale reposant sur la possibilité d’un affrontement militaire direct entre les États-Unis, la Russie et la Chine [12]. Il a précisé qu’il s’agissait là d’un changement historique par rapport à la stratégie en vigueur depuis près de deux décennies, celle de la guerre contre le terrorisme. Ainsi, il a précisé : « C’est la concurrence entre les grandes puissances – et non le terrorisme – qui est maintenant le principal objectif de la sécurité nationale américaine ».

Un document déclassifié de 11 pages, décrivant la Stratégie de défense nationale en termes généraux [13], a été remis à la presse. Une version confidentielle plus longue, qui inclut les propositions détaillées du Pentagone pour une augmentation massive des dépenses militaires, a été, quant à elle, soumise au Congrès [14]. La Maison-Blanche demande une augmentation de 54 milliards de dollars du budget militaire, en la justifiant par le fait qu’« aujourd’hui, nous sortons d’une période d’atrophie stratégique, conscients du fait que notre avantage militaire compétitif s’est érodé » [15]. Le document poursuit : « La puissance nucléaire — la modernisation de la force de frappe nucléaire implique le développement d’options capables de contrer les stratégies coercitives des concurrents, fondées sur la menace de recourir à des attaques stratégiques nucléaires ou non-nucléaires ».

Pour l’administration Trump, l’après-Guerre froide est terminée. La période pendant laquelle les États-Unis pouvaient déployer leurs forces quand ils le veulent, intervenir à leur guise, n’est plus d’actualité. « Aujourd’hui, tous les domaines sont contestés : les airs, la terre, la mer, l’espace et le cyberespace » [16].

« Guerre absolue » ou guerre économique

La possibilité d’une guerre des USA contre la Russie et la Chine, c’est-à-dire le déclenchement d’une guerre absolue, fait partie des hypothèses stratégiques, tant de l’administration états-unienne que des analystes russes et chinois. Cette faculté apparaît comme la matrice qui sous-tend et rend lisible la politique étrangère et les opérations militaires de ces pays, par exemple l’extrême prudence de la Russie, une retenue qui peut faire penser à de l’indécision ou à un renoncement, par rapport aux provocations états-uniennes sur le territoire syrien. La difficulté de la position russe ne provient pas tant de ses propres divisions internes, du rapport de forces entre les tendances mondialiste et nationaliste au sein de ce pays, que des divisions inter-états-uniennes balançant entre guerre économique et guerre nucléaire. L’articulation entre menaces militaires et nouvelles négociations économiques sont bien deux aspects de la nouvelle « politique de défense » US.

Cependant, Elbrige Colby, assistant du Secrétaire à la Défense a cependant affirmé que malgré le fait que le discours de Mattis mette clairement l’accent sur la rivalité avec la Chine et la Russie, l’administration Trump veut « continuer de rechercher des zones de coopération avec ces nations ». Ainsi, Colby disait, « il ne s’agit pas d’une confrontation. C’est une démarche stratégique de reconnaître la réalité de de la compétition et l’importance du fait que "les bonnes clôtures font les bons voisins" » [17].

Cette politique prônant le rétablissement de frontières contrarie frontalement la vision impériale US. Bien résumée par le Washington Post, cette dernière pose une alternative : la persistance d’un Empire états-unien « garant de la paix mondiale » ou bien la guerre totale. Cette vision s’oppose au rétablissement d’hégémonies régionales, c’est à dire d’un monde multipolaire dont, selon cet organe de presse, « le résultat serait la future guerre mondiale » [18].

[1] « USA : Impérialisme contre ultra-impérialisme », par Jean-Claude Paye, Réseau Voltaire, 26 février 2018.

[2] Carl Schmitt, Théologie politique I, trad J.-L. Schiegel, Paris, Gallimard, 1988, p. 16.

[3] Marie de Vergès, « Les Etats-Unis de Donald Trump enregistrent leur plus gros déficit commercial depuis 2008 », Le Monde économie, le 7 février 2018.

[4] Jean-Claude Paye, « USA : Impérialisme contre ultra-impérialisme », Op. Cit.

[5] « Washington et Pékin écartent pour l’heure une guerre commerciale », La Libre et AFP, le 20 mai 2018.

[6] Voir C. von Clausewitz, De la guerre, ouvr. cit., p. 66-67 et p. 671 et ss., et C. Schmitt, Totaler Feind, totaler Krieg, totaler Staat, ouvr. cit, p. 268 : « Il y a toujours eu des guerres totales ; cependant il n’existe de pensée de la guerre totale que depuis Clausewitz, qui parle de « guerre abstraite » ou de « guerre absolue » ».

[7] Lire : Emmanuel Tuschscherer, « Le décisionisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre », Mots. Les langages du politique, mis en ligne le 9 octobre 2008.

[8] Alberto Toscano, « Le fantasme de l’abstraction réelle », Revue période, février 2008.

[9] Enzo Paci, Il filosofo e la citta, Platone, Whitebread, Marx, editions Veca, Milano, Il Saggitario, 1979, pp. 160-161.

[10] C. Schmitt, « Totaler Feind, totaler Krieg, totaler Staat », in Positionen und Begriffe, Berlin, Duncker und Humblot, p. 268-273, voir note 1 in Emmanuel Tuschscherer, « Le décisionisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre », op.cit., p. 15.

[11] Bernard Pénisson, Clausewitz un stratège pour le XXIe siècle ?, conférence à à l’Institut Jacques Cartier, le 17 novembre 2008.

[12] “Remarks by James Mattis on the National Defense Strategy”, by James Mattis, Voltaire Network, 19 January 2018.

[13Summary of the National Defense Strategy of The United State of America.

[14National Defense Strategy of The United State of America, The President of The United State of America, December 18, 2017. Notre analyse : « La Stratégie militaire de Donald Trump », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 26 décembre 2017.

[15] Mara Karlin, « How to read the 2018 National Defense Strategy », Brookings, le 21 janvier 2018.

[16] Fyodor Lukyanov, « Trump’s defense strategy is perfect for Russia »,The Washington Post, January 23, 2018.

[17] Dan Lamothe, « Mattis unveils new strategy focused on Russia and China, takes Congress to task for budget impasse », The Washington Post, January 19, 2018.

[18] « The next war. The growing danger of great-power conflict », The Economist, January 25, 2018.

 

Jean-Claude Paye

Jean-Claude PayeSociologue. Dernier ouvrage publié en français : De Guantanamo à Tarnac . L’emprise de l’image(Éd. Yves Michel, 2011). Dernier ouvrage publié en anglais : Global War on Liberty (Telos Press, 2007).

Qu'est-ce que la guerre économique ? Par Ali Laïdi

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Qu'est-ce que la guerre économique ?

Par Ali Laïdi

 
Ali Laïdi, Auteur de "Histoire Mondiale de la guerre économique"
 

Ali Laidi et son livre sur le Droit, la nouvelle arme de la guerre économique

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Ali Laidi et son livre sur le Droit, la nouvelle arme de la guerre économique

 
Depuis une dizaine d’années, les États-Unis mobilisent une arme économique dont les élites européennes sont en train d’évaluer les dégâts et que l’opinion publique ne soupçonne pas : leur droit, leurs lois, qu’ils appliquent au-delà de leurs frontières et qui leur permettent de s’ingérer dans la politique étrangère et commerciale de leurs ennemis comme de leurs alliés. Cibles prioritaires : les entreprises européennes en général, et françaises en particulier.
 

mercredi, 16 mai 2018

Trump déclare la guerre économique à l’Europe

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Trump déclare la guerre économique à l’Europe

Jean-Michel Vernochet

Ex: http://www.geopolintel.fr

En se décidant à sortir du Traité relatif au programme nucléaire iranien dit 5+1 (les Cinq membres permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne), Donald Trump déclare en fait, littéralement, la guerre à l’Europe. Ceci n’étant pas une clause de style parce qu’en dénonçant unilatéralement cet accord collectif et en annonçant le rétablissement d’une batterie de sanctions draconiennes à l’encontre de Téhéran au cours du prochain semestre, il met du même coup, la France et l’Allemagne à genoux. Il s’agit en effet ni plus ni moins, dans l’actuel contexte de crise sociétale aiguë, de la perte d’un marché providentiel de 83 millions d’âme.

Un débouché en pleine expansion depuis la fin de 22 années de blocus économique [1] et l’accord de contrôle extérieur du programme nucléaire civil iranien du 14 juillet 2015. Lequel pouvait laisser espérer aux Allemands de regagner leurs positions perdues après 2005. Celles-ci cumulaient alors à 5,67 milliards de dollars soit 14,4% de leurs exportations. Pour la France, les constructeurs automobiles PSA et Renault sont eux aussi immédiatement menacés par la volte-face de la politique américaine. Peugeot détient actuellement 30% d’un marché iranien difficilement reconquis après son retrait de 2012 pour obéir à l’injonction comminatoire de son partenaire américain General motors [2]. Celui-ci avait fait miroiter à PSA, en échange d’un manque à gagner à l’export vers l’Iran de 450.000 véhicules l’an, l’ouverture de l’immense marché chinois. Promesse mirobolante, évidemment non tenue. Notons qu’à l’époque, les syndicats compradores habituellement si prompts à s’insurger pour un oui ou pour un non, ne pipèrent mot.

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Au moment où est tombé le couperet américain ce 8 mai (avec quatre jours d’avance sur la date annoncée), le groupe PSA se préparait à la production en Iran de la Peugeot 301 ainsi que de la Citroën C3. Rappelons que les constructeurs français tenus par leurs partenariats transatlantiques, tombent, en cas de refus d’obtempérer, sous le coup de la loi fédérale, laquelle n’a pas la main légère avec les contrevenants. Tous les acteurs économiques ont à l’esprit les 8,9 milliards de dollars d’amende que dut verser la BNP au Trésor américain en mai 2015 pour avoir transgressé les oukases de Big Sister America et fricoté de l’an 2000 à 2010 avec Cuba, l’Iran, le Soudan et la Libye, tous pays sous embargo.

Beaucoup pensent que l’interdépendance économique est un puissant facteur de paix internationale. Que nenni ! C’est oublier que certains, les forts, sont alors en position de dicter leur loi aux faibles et que ceux-ci n’ont d’autres choix que de se soumettre. Cinquante ans après mai 1968, il serait judicieux de se souvenir de l’embargo américain instauré sur le tourteau de soja et les porcs menacés de famine dans les élevages bretons… L’initiative du président Trump est à ce titre un véritable coup bas pour l’économie européenne sacrifiée notamment sur l’autel des fantasmes sécuritaires de l’État hébreu… mais pas seulement, car l’affaire est au final beaucoup plus complexe et plus tordue.

On peut en effet s’interroger sur l’enchevêtrement de calculs nébuleux qui conduit l’Amérique à s’aliéner volontairement et à peu de profit, ses alliés européens ? Parce que cela revient avons-nous dit, à les mettre au pas et les faire passer (une fois de plus) sous les fourches caudines de l’État profond américain seul décideur… le président Trump ne se maintenant actuellement à la Maison-Blanche que dans la mesure où il en exécute les consignes. Une hyperclasse qui agit en sous-main et qui, ayant échoué à imposer une hégémonie directe sur le reste du monde, préfère désormais opter pour les voies détournées de la guerre économique, de la subversion politique et de la diplomatie armée (soft power), afin d’atteindre ses objectifs de domination tous azimuts.

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Un rappel à l’ordre n’est donc pas à exclure à l’endroit des Macron et Merkel qui se sont crus autorisés à venir s’ingérer (à domicile) dans la géostratégie de l’imperium nord-américain. Notons que M. Macron s’est ridiculisé en allant quémander à Washington que le Département d’État accepte de prendre en considération ses misérables desiderata (la préservation de la petite part hexagonale du juteux marché persan), prétendant pouvoir faire accepter la renégociation de l’accord par Téhéran. Ce dont il n’est pour l’heure pas question. Alors que déduire sinon que conclure, de la décision des élites américaines de revenir sur l’engagement pris en 2015 ? Précisant que ni le Département d’État, ni le Pentagone, ni la CIA, et surtout pas le Deep State - à savoir le complexe militaro-industriel, les néoconservateurs (d’anciens trotskystes, soixante-huitards reconvertis, qui pour beaucoup tiennent aujourd’hui le haut du pavé), les likoudniki de diverses obédiences, les puissants groupes de pression sionistes faiseurs et tombeurs de rois, Wall Street – n’ont été mis hors-jeu, exclus ou seraient restés étrangers à cette fatale décision de sortie de l’Accord 5+1. De plus, qui parmi ces différents acteurs, aurait pu se préoccuper de plaire ou déplaire au petit marquis élyséen et de chercher des voies raisonnables en vue d’éteindre les incendies qui n’en finissent pas de se multiplier au Levant ? Reste qu’à défaut d’avoir conservé une influence directe au Proche Orient - ayant perdu la guerre de Syrie et l’Irak livré à la majorité chiite - la Grande Amérique gouverne par le maintien d’un certain chaos et le soutien relatif de l’irrédentisme kurde ?

Les oligarchies du Nouveau Monde savent les européens lâches, désunis et dépendants, auto-intoxiqués qu’ils sont - entre autres - par leurs soi-disant Valeurs ! Par ailleurs ce sont des rivaux qu’il convient de brider. Le grand théoricien de l’impérialisme yankee, le franckiste Brzezinski, énonçait la chose avec clarté dans le Grand échiquier (1998) - reprenant en cela les idées directrices de l’immémoriale politique continentale des Britanniques – à savoir que l’Europe devait demeurer coûte que coûte désunie (rien de contradictoire ici avec l’Union européenne qui est un moyen d’assujettir les nations tout en détruisant leur puissance souveraine) et politiquement débile. Nous y sommes. Cette loi géopolitique s’applique aujourd’hui dans toute sa rigueur derrière les embrassades et les guignoleries de façade. Peu chaut à M. Trump que M. Macron ait été désavoué par le dangereux revirement de la politique extérieure de l’Union. Il n’a cure de lui sauver la face. De toute façon la presse dont le président hexagonal est le fils puîné l’aura fait à sa place.

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Comme si également ces fantoches européens - les trois « M » Merkel, May, Macron - pesaient lourds face aux bibliothèques de dossiers et de disques compacts dramatiquement dévoilés par le triste sire Netanyahou, ci-devant Premier ministre du 51e membre des États-Unis ? Oubliant de dire au passage que ces documents d’archives exfiltrés d’Iran on ne sait par qui ni comment, dataient de 2003. Comme quoi les vieilles ficelles font toujours recette. Et ce depuis la fiole de sucre glace brandie naguère au Conseil de Sécurité par l’Oncle Ben’s Colin Powell prétendant qu’il s’agissait d’Anthrax, preuve accablante de la poursuite d’un programme irakien d’armes de destruction massive ! Néanmoins, prouver de cette manière, en ouvrant l’armoire aux squelettes, la perpétuation en 2018 d’un programme offensif en contredisant ex abrupto tout les rapports de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) relatifs au suivi de l’application de l’Accord de dénucléarisation, il faut à la fois une certaine dose de cynisme et de mauvaise foi… ainsi que l’active complicité d’une presse détenant tous pouvoirs sur une opinion publique entièrement forgée par ses soins… et par ses assidus mensonges !

Ajoutons que le Premier ministre israélien, parle toujours de guerre contre le grand voisin iranien, mais qu’il n’a guère les moyens de ses ambitions guerrières hormis ses inutilisables vecteurs Jéricho à tête nucléaire : ses chasseurs-bombardiers F16 sont à bout de souffle et sa dizaine de F35 sont trop précieux pour être exposés sans nécessité absolue à des tirs de représailles… pas plus qu’il n’aurait la sottise d’envoyer ses pilotes au casse-pipes, lesquels, lorsqu’ils tirent leurs missiles vers des positions iraniennes de Syrie, le font généralement depuis l’espace aérien libanais, prudence oblige car le 10 février un chasseur-bombardier de Tsahal était abattu par la défense aérienne syrienne, le premier depuis 1982. Les temps changent. Au demeurant les guerres israéliennes destinées à nettoyer par cercles concentriques successifs la périphérie de l’entité sioniste, se font toujours à moindre coût et assez généralement par procuration : 1991 « Tempête du désert », 2003 « Choc et effroi »…

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Ou bien encore s’achèvent en foirade comme lors de la deuxième guerre du Liban de juillet 2006 – le sixième conflit israélo-arabe – lancée (mais non déclarée) au prétexte controuvé que deux soldats de Tsahal auraient été capturés en Eretz Israël (et non enlevés comme le clamait la presse hébreu). Pour l’heure, la puissante Armée de défense israélienne excelle surtout à faire des cartons meurtriers sur les Palestiniens… 40 mort ces dernières six semaines et deux milliers de blessés. Là encore nous aurions pu nous attendre à des reportages de la part de ces mêmes envoyés spéciaux qui, dans Alep Ouest assiégée par les forces loyalistes ou dans la Ghouta orientale où s’étaient retranchés un dernier carré de terroristes d’Al-Qaïda (prétendument perpétrateurs du 11 Septembre ?), faisaient pleurer Margot sur le sort des djihadistes en dépit du fait que ceux-ci avaient pris les habitants de ces villes martyrs en otages et comme boucliers humains.

Quant à M. Netanyahou, en délicatesse avec sa propre justice pour malversations, il est en fin de compte, semble-t-il, brillamment parvenu à faire endosser par Washington une politique coercitive de sanctions maximales à l’encontre de l’Iran, sa bête noire tout en se prévalant d’une intention de neutralité de la part de Vladimir Poutine à l’égard des frappes de missiles israéliens en Syrie contre les bases de Gardiens de la Révolution [3]. Maintenant vers quoi allons-nous ? Quelles leçons provisoires tirer des récents événements ? Que veut ou que cherche M. Trump en calmant d’un côté le jeu entre les deux Corée – ce qui pourrait lui valoir un prix Nobel de la paix et le rendre de facto indéboulonnable – et en œuvrant de l’autre à la déstabilisation de l’Iran, voire en préparant une Troisième guerre du Golfe ? On en parle sérieusement dans le landernau des initiés.

Au final, en dénonçant l’accord, non seulement la Maison Blanche va créer de graves difficultés économiques à ses alliés et tributaires européens, faisant le calcul que de toutes les façons ceux-ci feront profil bas. Qu’ils se coucheront, quoiqu’il leur en coûte, devant les insatiables exigences israéliennes relayées par Washington (wag the dog… il est patent que la queue remue le chien et non l’inverse !). Allons plus loin. L’Amérique du Deep state, au-delà du complexe obsidional israélien, vise assurément plus loin que la simple destruction d’un État persan candidat au leadership régional et grand rival de l’Arabie wahhabite, alliée privilégié de Washington et de Tel-Aviv.

Iran qui certes développe des missiles à longue portée et des drones de combat à partir de technologies justement fournies par Pyongyang, et de facto menacerait à court terme la sécurité de l’État juif (puisqu’il se désigne lui même ainsi). M. Trump s’étant convaincu d’avoir fait plier la Corée du Nord (mais une interprétation inverse de la désescalade et du réchauffement des relations interétatiques autour de la Mer du Japon est également très recevable – nous y reviendrons), peut-être se dit-il que la menace d’un recours à la force, est (ou serait à nouveau), payante ? Ce faisant, dans le cas de l’Iran, il ne peut ignorer qu’en dénonçant unilatéralement l’accord de 2015, il prend le risque de déstabiliser le pays en profondeur, en accroissant la division du pays entre modernistes et conservateurs, ceci affaiblissant le camp pro occidental dont la tête de file est l’actuel président Rohani… et revigorant du même coup celui de conservateurs.

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L’on voudrait relancer en Iran une contestation insurrectionnelle que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Les Anglo-américains ne sont jamais, ni avares ni en retard d’une révolution de couleur ou de velours… Des révolutions qui d’ailleurs se greffent souvent sur un légitime terreau de revendications et des carences politiques avérées. Ainsi de l’Ukraine et ces jours-ci l’Arménie et la Moldavie. Soyons assurés que les experts en coup tordus de la CIA, machiavéliens parmi les machiavéliens, ne chôment pas et qu’un projet de regime change pour l’Iran est peut-être d’ores et déjà en cours d’application. Avec pour premier objectif de réinsérer l’Iran [4] dans une mondialisation sociétalement et économiquement libérale-libertaire… et par la même occasion, de resserrer le dispositif de contention – le cordon sanitaire – que tissent patiemment les puissances atlantiques autour de la Russie et de l’espace continental eurasiatique.

Chacun comprendra que face à de tels enjeux, les Européens et leurs indésirables industries de haute technologie concurrentes de leurs homologues américaines, doivent rentrer dans le rang de la mondialisation heureuse et apaisée sous la férule de l’Oncle Sam… surtout au moment où la libre circulation des biens et le retour du protectionnisme font l’objet du bras de fer commercial qui se joue entre Washington et une Chine populaire trop gourmande. L’aluminium européen vient d’ailleurs d’en faire les frais. Pauvres européens, cinquième roue du carrosse de M. Trump, lequel pense en priorité à la restauration de son parc industriel et au plein emploi outre-Atlantique. L’Europe devra, en conséquence, se soumettre, continuer d’avaler des couleuvres de la taille d’anacondas, voir croître l’armée de ses chômeurs et gérer elle-même ses crises et ses krachs à venir.

13 mai 2018

Notes

[1Sévères restrictions des échanges commerciaux que R. Reagan met en place en 1988, un an avant la fin du conflit Iran/Irak. Dispositions accentuées en 1996 quand Washington adopte la loi d’Amato-Kennedy (8 août) en mettant l’embargo sur les importations de pétrole brut et en interdisant tous les investissements directs ou étrangers via les partenariat existant avec des sociétés non américaines.

[2En 2010 PSA exportait en Iran 461.000 véhicules mais se retirait du pays en 2012 sous la pression de son éphémère partenaire, General Motors, ceci afin de se mettre en conformité avec les sanctions américaines. De retour en Iran, Peugeot y a immatriculé 443.000 unités en 2017 et 83.600 au cours des deux premiers mois de 2018 soit 30% du marché.

[3https://fr.timesofisrael.com/netany... Le Kremlin 9 mai : « J’ai souligné l’obligation et le droit d’Israël à se défendre contre l’agression iranienne, menée depuis le territoire syrien. Les Iraniens ont déclaré leur intention de nous attaquer. Ils essaient de transférer des forces et des armes mortelles avec l’objectif explicite d’attaquer l’État juif dans le cadre de leur stratégie pour détruire l’Israël ».

[4Lire « Iran, la destruction nécessaire - Persia delenda est » Xenia 2012.

jeudi, 07 septembre 2017

Guerre économique contre l’Europe

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Guerre économique contre l’Europe

par Eberhard Hamer, professeur d’économie

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

«L’Amérique d’abord», le slogan de Trump, doit être considéré non seulement d’un point de vue militaire mais également économique. Toutefois, la prédominance des Etats-Unis dans l’industrie cinématographique, le traitement des données, le monopole sur les semences par la génétique et la suprématie mondiale de l’industrie américaine d’armement, ne suffisent plus pour financer la demande d’importation de machines européennes, de produits chimiques, de voitures de luxe ainsi que de produits pour les besoins du quotidien, dont la production de masse est délocalisée en Asie. Avec 600 milliards de dollars de dettes annuelles sur les ventes, les Etats-Unis seraient depuis longtemps insolvables s’ils n’avaient la possibilité de faire marcher la planche à billets sur un rythme effréné en émettant des dollars comme monnaie de référence pour couvrir leurs dépenses mondiales. Ainsi s’édifie une montagne de dettes, augmentant chaque année, d’actuellement 20 billions (!) de dollars, dont le collapsus financier n’est repoussé que par les taux d’intérêt artificiellement créés par la FED.


Les Etats-Unis doivent donc soit épargner, soit retirer leurs forces armées du monde (600 milliards de dollars par an) ou alors exporter plus et importer moins.


Pour l’application de cette dernière ligne stratégique, ils ont choisi l’Europe.
Les exportations vers les Etats-Unis sont systématiquement combattues:

  • Le but de la lutte contre les moteurs diesel est non seulement de protéger l’industrie américaine, mais encore d’empêcher l’importation de véhicules diesel européens. Les normes arbitraires concernant les gaz d’échappement sont une attaque généralisée contre les voitures diesel européennes, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe, alors qu’on ignore totalement la pollution massive produite par les poids lourds.
  • L’application de tarifs douaniers est faite pour paralyser les importations d’acier venant d’Europe.
  • Le droit américain et le statut juridique des multinationales américaines devaient être garantis par le TTIP, même à l’encontre des normes de protection européennes et du Parlement européen.
  • La justice américaine poursuit systématiquement les sociétés européennes pour leur porter préjudice en leur infligeant des amendes pénales (actuellement déjà plus de 20 milliards de dollars).
  • Les tribunaux américains considèrent que tout contrat conclu en dollars, où que ce soit dans le monde, relève automatiquement de la juridiction américaine, et peut donc ainsi faire l’objet des sanctions appliquées selon cette même juridiction.
  • Le sénat et le gouvernement américains recourent régulièrement à des sanctions, des menaces et des amendes, partout au monde où des entreprises européennes mettent en danger la concurrence américaine. Suite aux sanctions à l’encontre de la Russie, par exemple, auxquelles ont adhéré les Européens, le commerce extérieur européen avec ce pays a diminué de moitié, alors que celui des Etats-Unis a doublé.

En outre, des mesures au niveau national et légal sont utilisées afin de réaliser la suprématie américaine dans les secteurs économiques.

  • Dans la lutte pour la domination sur le marché mondial du gaz, les Etats-Unis tentent actuellement d’exclure l’Europe de l’approvisionnement en gaz russe bon marché en menaçant de sanctions de toutes les sociétés qui participeraient à la construction du gazoduc North Stream II par la mer Baltique.
  • En Syrie, ils cherchent une interzone déserte afin de construire un gazoduc menant à la Méditerranée pour le gaz qatari – un arrière-plan essentiel de la guerre en Syrie.
  • Par des manipulations de prix sur le marché pétrolier, ils tentent de faire exploser l’OPEP pour récupérer leur propre hégémonie pétrolière.
  • Ayant le monopole mondial des réseaux de données, ils ont en tout temps l’accès aux serveurs et aux «clouds» demeurés aux Etats-Unis, en espionnant simultanément de manière générale l’économie européenne en faveur de leur propre économie, sans que les gouvernements européens, et notamment le gouvernement allemand, risquent de s’opposer à cet espionnage économique total.
  • Les consortiums américains ont aussi appelé à la guerre économique contre la Russie pour empêcher et soumettre aux sanctions toute coopération économique dangereuse pour eux entre l’Europe et la Russie. (Doctrine de l’OTAN: «To keep the Americans in, the Russians out and the Germans down!»)

Les Etats-Unis mènent une guerre économique contre l’économie européenne, avant tout contre celle exportant aux Etats-Unis. Elle lutte donc contre toute collaboration économique entre l’Europe et la Russie, afin de maintenir leur règne économique sur l’Europe, contre l’euro et tous les efforts européens visant aux économies, contre les tentatives européennes d’empêcher l’espionnage américain total et la position d’hégémonie des Etats-Unis sur l’Europe en matière de numérique et de sanctionner l’avance de la concurrence des entreprises européennes à l’égard des Etats-Unis au plan mondial.


Aux Etats-Unis même, l’élite financière, les consortiums électoraux, le complexe militaire, sont les soutiens de l’impérialisme économique américain. A l’extérieur, ces soutiens sont représentés par l’administration de l’UE, Angela Merkel et d’autres hommes politiques détestant les Russes, les partis allemands parce qu’ils ne s’opposent pas à l’espionnage total des Etats-Unis et ne s’opposent pas même aux organisations américaines dites «privées» ou «non gouvernementales» (Fondation Soros et autres).


Alors qu’actuellement l’Allemagne se réjouit encore de l’accroissement de ses excédents d’exportations, nos «amis» ont depuis longtemps commencé à saper les bases de ces excédents. Si notre industrie automobile mondialement reconnue perd de son attractivité, si nos inventions techniques continuent à se retrouver plus vite aux Etats-Unis qu’elles sont développées chez nous, si l’industrie gazière américaine évince en Europe le gaz russe meilleur marché et si l’industrie américaine de la finance encourage sans aucun scrupule l’endettement des pays méditerranéens, entrainant également l’écroulement de l’euro malheureusement garanti par l’Allemagne, toujours davantage de lumières s’éteindront en Europe et en Allemagne et la prospérité en Europe, issue du commerce international, diminuera rapidement.


Soros et Angela Merkel ont, en outre, régularisé l’immigration de masse avec chaque année des centaines de milliers de bénéficiaires de prestations sociales supplémentaires, surchargeant les systèmes sociaux allemands, et défavorisant ceux qui contribuent à la production et au financement de ce système.
En Allemagne, deux tiers de la population vivent déjà des prestations sociales. Dans 10 ans, le rapport sera de trois pour un, peut-être pire encore.


L’allégresse des organismes confessionnels et des institutions sociales sur l’immigration de masse des bénéficiaires de prestations sociales cédera déjà bientôt à l’horreur, lorsque nos excédents d’exportation fondront, que le nombre des supports économiques payant leurs charges diminuera tandis que la vague de bénéficiaires des prestations sociales continuera d’enfler.


Notre génération a joui du niveau de confort et de prospérité le plus haut qu’ait connu l’Allemagne. Cette prospérité est attaquée tant par l’administration américaine que par une politique sociale et démographique certes pleines de bonnes intentions, mais destructive – et nous ne nous y opposons pas. Pour cela, la génération montante nous insultera tout comme nous avons insulté nos parents parce qu’ils n’avaient pas voulu ou pu empêcher Hitler et ses destructions.     •
(Traduction Horizons et débats)

mercredi, 23 août 2017

Guerre économique contre l’Europe

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Guerre économique contre l’Europe

par Eberhard Hamer, professeur d’économie

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

«L’Amérique d’abord», le slogan de Trump, doit être considéré non seulement d’un point de vue militaire mais également économique. Toutefois, la prédominance des Etats-Unis dans l’industrie cinématographique, le traitement des données, le monopole sur les semences par la génétique et la suprématie mondiale de l’industrie américaine d’armement, ne suffisent plus pour financer la demande d’importation de machines européennes, de produits chimiques, de voitures de luxe ainsi que de produits pour les besoins du quotidien, dont la production de masse est délocalisée en Asie. Avec 600 milliards de dollars de dettes annuelles sur les ventes, les Etats-Unis seraient depuis longtemps insolvables s’ils n’avaient la possibilité de faire marcher la planche à billets sur un rythme effréné en émettant des dollars comme monnaie de référence pour couvrir leurs dépenses mondiales. Ainsi s’édifie une montagne de dettes, augmentant chaque année, d’actuellement 20 billions (!) de dollars, dont le collapsus financier n’est repoussé que par les taux d’intérêt artificiellement créés par la FED.

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Les Etats-Unis doivent donc soit épargner, soit retirer leurs forces armées du monde (600 milliards de dollars par an) ou alors exporter plus et importer moins.
Pour l’application de cette dernière ligne stratégique, ils ont choisi l’Europe.
Les exportations vers les Etats-Unis sont systématiquement combattues:

  • Le but de la lutte contre les moteurs diesel est non seulement de protéger l’industrie américaine, mais encore d’empêcher l’importation de véhicules diesel européens. Les normes arbitraires concernant les gaz d’échappement sont une attaque généralisée contre les voitures diesel européennes, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe, alors qu’on ignore totalement la pollution massive produite par les poids lourds.
  • L’application de tarifs douaniers est faite pour paralyser les importations d’acier venant d’Europe.
  • Le droit américain et le statut juridique des multinationales américaines devaient être garantis par le TTIP, même à l’encontre des normes de protection européennes et du Parlement européen.
  • La justice américaine poursuit systématiquement les sociétés européennes pour leur porter préjudice en leur infligeant des amendes pénales (actuellement déjà plus de 20 milliards de dollars).
  • Les tribunaux américains considèrent que tout contrat conclu en dollars, où que ce soit dans le monde, relève automatiquement de la juridiction américaine, et peut donc ainsi faire l’objet des sanctions appliquées selon cette même juridiction.
  • Le sénat et le gouvernement américains recourent régulièrement à des sanctions, des menaces et des amendes, partout au monde où des entreprises européennes mettent en danger la concurrence américaine. Suite aux sanctions à l’encontre de la Russie, par exemple, auxquelles ont adhéré les Européens, le commerce extérieur européen avec ce pays a diminué de moitié, alors que celui des Etats-Unis a doublé.

En outre, des mesures au niveau national et légal sont utilisées afin de réaliser la suprématie américaine dans les secteurs économiques.

  • Dans la lutte pour la domination sur le marché mondial du gaz, les Etats-Unis tentent actuellement d’exclure l’Europe de l’approvisionnement en gaz russe bon marché en menaçant de sanctions de toutes les sociétés qui participeraient à la construction du gazoduc North Stream II par la mer Baltique.
  • En Syrie, ils cherchent une interzone déserte afin de construire un gazoduc menant à la Méditerranée pour le gaz qatari – un arrière-plan essentiel de la guerre en Syrie.
  • Par des manipulations de prix sur le marché pétrolier, ils tentent de faire exploser l’OPEP pour récupérer leur propre hégémonie pétrolière.
  • Ayant le monopole mondial des réseaux de données, ils ont en tout temps l’accès aux serveurs et aux «clouds» demeurés aux Etats-Unis, en espionnant simultanément de manière générale l’économie européenne en faveur de leur propre économie, sans que les gouvernements européens, et notamment le gouvernement allemand, risquent de s’opposer à cet espionnage économique total.
  • Les consortiums américains ont aussi appelé à la guerre économique contre la Russie pour empêcher et soumettre aux sanctions toute coopération économique dangereuse pour eux entre l’Europe et la Russie. (Doctrine de l’OTAN: «To keep the Americans in, the Russians out and the Germans down!»)

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Les Etats-Unis mènent une guerre économique contre l’économie européenne, avant tout contre celle exportant aux Etats-Unis. Elle lutte donc contre toute collaboration économique entre l’Europe et la Russie, afin de maintenir leur règne économique sur l’Europe, contre l’euro et tous les efforts européens visant aux économies, contre les tentatives européennes d’empêcher l’espionnage américain total et la position d’hégémonie des Etats-Unis sur l’Europe en matière de numérique et de sanctionner l’avance de la concurrence des entreprises européennes à l’égard des Etats-Unis au plan mondial.
Aux Etats-Unis même, l’élite financière, les consortiums électoraux, le complexe militaire, sont les soutiens de l’impérialisme économique américain. A l’extérieur, ces soutiens sont représentés par l’administration de l’UE, Angela Merkel et d’autres hommes politiques détestant les Russes, les partis allemands parce qu’ils ne s’opposent pas à l’espionnage total des Etats-Unis et ne s’opposent pas même aux organisations américaines dites «privées» ou «non gouvernementales» (Fondation Soros et autres).
Alors qu’actuellement l’Allemagne se réjouit encore de l’accroissement de ses excédents d’exportations, nos «amis» ont depuis longtemps commencé à saper les bases de ces excédents. Si notre industrie automobile mondialement reconnue perd de son attractivité, si nos inventions techniques continuent à se retrouver plus vite aux Etats-Unis qu’elles sont développées chez nous, si l’industrie gazière américaine évince en Europe le gaz russe meilleur marché et si l’industrie américaine de la finance encourage sans aucun scrupule l’endettement des pays méditerranéens, entrainant également l’écroulement de l’euro malheureusement garanti par l’Allemagne, toujours davantage de lumières s’éteindront en Europe et en Allemagne et la prospérité en Europe, issue du commerce international, diminuera rapidement.
Soros et Angela Merkel ont, en outre, régularisé l’immigration de masse avec chaque année des centaines de milliers de bénéficiaires de prestations sociales supplémentaires, surchargeant les systèmes sociaux allemands, et défavorisant ceux qui contribuent à la production et au financement de ce système.
En Allemagne, deux tiers de la population vivent déjà des prestations sociales. Dans 10 ans, le rapport sera de trois pour un, peut-être pire encore.
L’allégresse des organismes confessionnels et des institutions sociales sur l’immigration de masse des bénéficiaires de prestations sociales cédera déjà bientôt à l’horreur, lorsque nos excédents d’exportation fondront, que le nombre des supports économiques payant leurs charges diminuera tandis que la vague de bénéficiaires des prestations sociales continuera d’enfler.
Notre génération a joui du niveau de confort et de prospérité le plus haut qu’ait connu l’Allemagne. Cette prospérité est attaquée tant par l’administration américaine que par une politique sociale et démographique certes pleines de bonnes intentions, mais destructive – et nous ne nous y opposons pas. Pour cela, la génération montante nous insultera tout comme nous avons insulté nos parents parce qu’ils n’avaient pas voulu ou pu empêcher Hitler et ses destructions.     •
(Traduction Horizons et débats)