Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 29 août 2021

 L'ascétisme : un exercice de tradition

0231977001506102573.jpg

L'ascétisme : un exercice de tradition

par Luca Siniscalco

Ex: https://www.latigredicarta.it/2015/10/30/ascesi-un-esercizio-della-tradizione/

L'image de l'ascèse passe des archétypes du mythe aux symboles de la connaissance mystique afin de faire survivre les intuitions originelles de la coïncidence entre condition supérieure et inférieure, également à travers l'utilisation du corps vers une action libre de tout finalisme.

L'ascétisme

Une pratique qui est une réminiscence étymologique du grec ἄσκησις, "exercice", une épreuve pédagogique et athlétique, un geste formateur d'une personnalité organique. Une réverbération originale qui se maintient dans la traduction du sens du terme, qui s'est élevé pour indiquer l'union de "l'attitude spirituelle et des doctrines visant à atteindre la purification rituelle et spirituelle et la conquête de la perfection religieuse" [1].

Une conquête qui, en vérité, est toujours une mise au seuil, un "rapprochement", au sens jüngerien, d'une unité originelle qui existe perpétuellement dans la rencontre entre l'homme et la transcendance. En ce sens, l'Ascèse fait allusion à un mouvement d'élévation, un rapprochement vers cet axis mundi qui relie les multiples dimensions de l'être dans la symbolique du pôle vertical, décliné de manière hétérogène dans différentes cultures: du mont Meru dans la tradition orientale au phallus divin de Śiva, le linga, d'Yggdrasil, l'arbre cosmique de la spiritualité scandinave, à l'équivalent chrétien de l'arbre de vie, pour n'en citer que quelques-uns.

1200px-Kailash_Tibet.jpg

tumblr_nakeffKrQk1sjjdtyo1_640.jpg

yggdrasil_les_9_mondes.jpg

Cette topographie, inspirée d'un espace qualitatif dans lequel la quantité de matière se dissout dans la pratique spirituelle, intègre l'ascèse comme une dimension essentielle de l'épanouissement humain. L'ascension vers l'autre monde et la dimension supratemporelle commence généralement par une catabasis, une descente dans le monde souterrain - qu'il soit souterrain ou intérieur, puisque tout acte immanent renvoie à son corrélat transcendant - où l'on puise la sève spirituelle nécessaire à l'anabasis suivante.

la-tradizione-solare.jpg

massimo_scaligero_004.jpg

Zen-e-Logos.jpg

D'où l'étroite relation entre ascèse et crise: sans un tournant radical, souvent proche de l'anéantissement, la pratique ascétique ne porte aucun fruit. L'étymologie grecque même du mot "crise" peut éclairer cette juxtaposition: κρισις, qui dérive du verbe κρινω, "séparer", "diviser", "décider", incorpore tout le dualisme du moment décisif, celui qui divise puis réunit. Il s'agit en effet de la "sphère d'une option décisive, par laquelle il faut procéder à la révision du chemin parcouru jusqu'à présent, en inspirant le sens d'un tournant, en vue du salut commun" [2]. Ce principe est rappelé par les intellectuels les plus variés: du controversé Emil Cioran, selon lequel "l'échec est indispensable au progrès spirituel [...], c'est une expérience philosophique capitale et féconde" [3], à l'anthroposophe Massimo Scaligero, auteur du passage suivant: "Quelles que soient les ténèbres, ou la douleur, ou la lutte, rien ne peut empêcher l'ascension rythmique du chemin de la lumière : en effet, les ténèbres sont ce qui, en s'épaississant, pousse à faire jaillir la lumière des zones solaires de l'âme, interdites à la conscience ordinaire" [4].

ob_e4810a_table-d-e-meuraude-2.jpg

En touchant le point le plus bas, enfoui dans les roches de la terre comme dans les replis de l'âme, on rencontre le point le plus haut, la polarité complémentaire: c'est l'enseignement inégalé de la Table d'émeraude, la révélation d'Hermès Trismégiste sur laquelle tous les ésotéristes se sont longtemps interrogés. "Le plus bas est semblable en toutes choses au plus haut et le plus haut est semblable en toutes choses au plus bas, afin que s'accomplissent les miracles d'une seule chose" [5], tonne cette sagesse antique, renouant la polysémie du cosmos à l'image de l'unité originelle. L'ascèse, éclairée par cette conscience, vise donc à se mesurer aux différentes puissances élémentaires jusqu'à les dominer, afin qu'elles deviennent un moyen de propagation de l'esprit. La seule chose qu'il faut détruire, rappelle le savant Titus Burckhardt, c'est la tendance égocentrique qui déforme les forces en question, qui ne sont en elles-mêmes ni bonnes ni mauvaises (6). L'ascèse se réalise ainsi dans la posture impersonnelle du pratiquant qui, en renonçant aux fruits de ses actions, consacre son exercice à la processualité de l'Esprit.

aktc-akaa-bruckhardt_titus_mj_1980_01.jpg

9783942914284-fr-300.jpg

Le corps devient ainsi un pont vers l'au-delà, tout comme ce dernier est "somatisé", au sens étymologique du terme, devenant un corps (en grec soma) pour se déployer en harmonie avec les rythmes cosmiques. La dimension "économique" et finaliste disparaît, laissant l'action elle-même émerger au premier plan, dans sa plénitude et son autonomie intrinsèques. Cette même autarcie capable de conduire à une rupture de niveau ontologique, dans laquelle l'altérité se révèle à travers les fissures ouvertes par l'exercice traditionnel.

Dans le fragment du geste, on peut reconnaître l'organicité de l'ensemble: ainsi, dans la pratique ascétique complexe, non actualisée et, à bien des égards, pour nous contemporains lointains, dans ses déclinaisons les plus variées, se manifeste une sagesse digne d'attention.

C'est un éclat du Sacré, dont les présentes considérations éparses ne sont que de brèves notes en marge.

NOTES:

[1]    Voce “ascesi” nel Dizionario di filosofia (2009) Treccani, online (http://www.treccani.it/enciclopedia/ascesi_(Dizionario-di...).

[2]    Gian Franco Lami e Giuseppe Casale, Qui ed ora. Per una filosofia dell’eterno presente, Il Cerchio, Rimini 2011, p. 18.

[3]    Emil M. Cioran, Un apolide metafisico. Conversazioni, trad. it. di Tea Turolla, Adelphi, Milano 2004, p. 119.

[4]    Massimo Scaligero, La tradizione solare, Teseo, Roma s. d., p. 68.

    Tavola Smeraldina, cit., in Titus Burckhardt, Alchimia. Significato e visione del mondo, a cura di Ferdinando Bruno, Guanda, Parma 1996, p. 169.

[6]    Titus Burckhardt, Alchimia. Significato e visione del mondo, cit., p. 106.

08:40 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ascèse, ascétisme, traditions, tradition, traditionalisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les commentaires sont fermés.