vendredi, 25 juillet 2025
Cosmogonies
Cosmogonies
par Francesco Petrone
Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/cosmogonie
L'étrange affinité entre la cosmogonie de la Renaissance et celle des Upanishads
La Renaissance est considérée comme une époque où s'est forgée l'identité de la civilisation occidentale. Ce sentiment est probablement renforcé par le fait que cette période est principalement étudiée sous l'angle de l'esthétique, de la plasticité des formes, de la perspective, du rationalisme urbanistique, de l'équilibre des volumes et du prétendu individualisme. Il existe un autre aspect de cette période historique importante, une transcendance de type quasi initiatique et magique. Il s'agissait cependant d'une «Magia Naturalis», illustrée par l'érudit napolitain Giovan Battista Della Porta.
L'auteur souhaitait étudier les secrets de la nature qu'Héraclite affirmait aimer cacher. Ce qui se développait à cette époque heureuse était une conception mystique associée à une spiritualité de type cosmologique. Ce réveil culturel qui a touché l'Italie, avant de déborder sur toute l'Europe, était imprégné d'une profonde religiosité à saveur presque ésotérique qui, bien qu'elle n'ait eu aucun point de contact, était très similaire à certaines doctrines orientales. La philosophie platonicienne et néoplatonicienne semble fournir à la Renaissance certains éléments analogues à une certaine religiosité indienne. On pourrait penser à un lien avec l'Orient à travers la philosophie platonicienne, mais nous savons que ces élaborations spirituelles étaient des systèmes de pensée éloignés les uns des autres dans le temps et dans l'espace.
De plus, il semble y avoir un peu moins d'un demi-millénaire entre les écrits de Platon et la rédaction des Upanishads. Malgré cela, nous sommes surpris par les incroyables similitudes. Les deux philosophies accordent de l'importance à un principe transcendant, l'Un pour Platon et le Brahman pour l'hindouisme, d'où émaneraient toutes choses. Dans le néoplatonisme, l'âme est conçue comme une entité intermédiaire entre le monde divin et le monde matériel. De ce principe découle le concept, tout à fait renaissanciste, de l'homme au centre de l'univers, concept qui veut exprimer le même principe, un pont entre la matière et Dieu. De même, dans l'hindouisme, l'âme (Atman) est une étincelle divine piégée dans le cycle des renaissances. De plus, à la Renaissance, nous avons le concept de Philosophia perennis ou « théologie arcane », une tradition primordiale à la saveur presque métahistorique. Cette définition semble présenter de profondes analogies avec le concept de « Sanatana Dharma », littéralement « loi éternelle » ou « doctrine éternelle », qui serait le véritable nom de l'hindouisme.
Dans les deux cas, il est question d'une vérité universelle intemporelle qui, historiquement, se serait dispersée en multiples filets. Les Romains parlaient de Mos Maiorum, les coutumes des anciens, que les Romains considéraient comme ayant été transmises par leurs ancêtres. À la Renaissance, on retrouve le concept d'une entité divine vivant dans l'univers lui-même.
Le philosophe du 16ème siècle Bernardino Telesio (illustration), reprenant le concept d'un univers imprégné d'essence divine, et par conséquent la nature serait dotée, pour lui, de ses propres lois, en arrivant à concevoir chaque chose comme dotée d'une âme ou d'une sensibilité, une forme de panpsychisme.
C'est exactement le contraire de la philosophie cartésienne. Tommaso Campanella hérite de ces principes de Bernardino Telesio et suppose lui aussi qu'il existe une âme dans de nombreuses parties de l'univers imprégnées de Dieu qui nous semblent inanimées mais qui auraient une intelligence ou du moins une conscience, même si elle est différente de celle que nous concevons. C'est un principe que l'on retrouve également dans certains courants du jaïnisme et dans une école particulière du bouddhisme, l'école Mahayana Tien Tai. Cette forme de pensée considère que ce que nous appelons la conscience n'est pas une exception mais une caractéristique fondamentale de l'univers, même si elle ne se manifeste pas à nous. Ce sont des écoles de pensée que l'Orient qualifie d'insondables.
En Italie, un autre philosophe, Agostino Steuco (illustration), érudit et philologue, traite de la « philosophie pérenne ». Pour en revenir à Campanella, le philosophe dominicain, lui aussi homme de la Renaissance, conçoit un univers vivant et intelligent où tout participe à la connaissance. Nous savons qu'il n'y a pas eu d'influences, mais l'affinité avec certains aspects de l'hindouisme et de certaines écoles bouddhistes est indéniable.
Le philosophe Karl Jaspers, décédé au siècle dernier, a également remarqué certaines similitudes entre des mondes aussi éloignés que la Grèce et l'Inde, et l'a justifié par sa théorie des périodes axiales de l'histoire au cours desquelles différentes traditions philosophiques et religieuses se seraient développées dans diverses parties du monde. Une méthode différente pour justifier de nombreuses analogies soulignées par la philosophia perennis. Ces analogies ont également été observées par un célèbre théologien, le cardinal français Jean Marie Danielou, dans son essai où il décrit les profondes affinités entre Dionysos et la divinité indienne Shiva.
À la Renaissance, à l'Académie néoplatonicienne de Careggi à Florence, en étudiant Platon et en traduisant, comme l'a fait Marsilio Ficino (portrait), le Corpus Hermeticum, ils pensaient jeter un regard sur les anciennes traditions de la Méditerranée et, sans le vouloir, ils ont construit un pont spirituel avec l'Inde, anticipant de plusieurs siècles le romantisme de Friedrich Schelling ou les études menées après la découverte en Europe des écrits de l'Inde ancienne. William Jones présenta en 1786 un essai dans lequel il soulignait la similitude entre le sanskrit, le grec et le latin. Au siècle dernier, le philologue et spécialiste des religions Georges Dumézil, dans une étude comparative des religions, découvrit que certains rites de la religiosité archaïque romaine étaient tout à fait similaires à des rites que l'on retrouvait dans l'hindouisme. Un seul exemple est celui des deux sœurs qui portaient un enfant au temple et représentaient l'aurore, le lever du soleil et le nouveau soleil.
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La fable chrétienne et le mythe
La fable chrétienne et le mythe
Claude Bourrinet
Le christianisme, issu du judaïsme, n'était pas armé conceptuellement, pour comprendre le paganisme. C'est un truisme. Il n'est qu'à lire par exemple La Cité de Dieu, de Saint Augustin, pour constater que l'évêque d'Hippone ne saisissait pas la complexité polysémique et pluridimensionnelle, de la Weltanschauung gréco-romaine. Le lien religieux, au tournant du 5ème siècle, tant du reste chez les chrétiens, que chez les néoplatoniciens, se résolvait en une relation morale entre l’existence et Dieu, relation justifiée par le suprahumain, qui porte sens. Toute la traduction de l'histoire de l'empire romain pivote autour de la question nodale de la vertu – non au sens antique de valeur, de force éthique, mais dans l'acception que le terme a fini par prendre, de probité, d'honnêteté, de décence, de pureté, bref, de convenance avec le Bien en soi. Pour autant, Augustin a beau jeu de souligner combien l'élite romaine usait de cette manière de juger la religion en critiquant l' « immoralité » des dieux du panthéon. Il note ce jugement chez un Pline l'Ancien, par exemple. En vérité, l'épistémè « païenne » correspondait, de facto, à celle des chrétiens, en cette fin du paganisme, c’est-à-dire à partir du triomphe de Constantin. Il existait de nombreux ponts entre le monde nouveau et le monde ancien.
Quoi qu'il en soit, le rationalisme occidental, même quand il fut antichrétien, partagea ce mépris pour les « superstitions » païennes, y voyant, au mieux, un divertissement pour écoliers ahanant sur des exercices latins ou grecs, au pire, des contes pour les paysans arriérés, voire de la sorcellerie. Christianisme et scientisme sont tombés d'accord pour conférer au polythéisme un rang civilisationnel inférieur, puéril, dans la longue marche de l'humanité, qui doit aboutir au nettoyage de toutes les impuretés irrationnelles dans la vie, comme dans la cité. De là, par exemple, la répulsion pour le panthéon fourmillant de dieux grands ou petits de l'Hindouisme, ou bien, paradoxalement, a contrario, l'attirance irrésistible pour lui de la part d'Occidentaux las de trop de rationalisme.
L'accord entre christianisme et rationalisme modernes s'est aussi effectué sur un terrain commun, celui de l'Histoire. Pour les Juifs et les Chrétiens, la Bible, longtemps, a conté des faits datés, et prétendument avérés. On évaluait, sous l'Ancien Régime, l'histoire humaine, à quelque six mille ans. Je passe les détails chronologiques, en ce qui concerne la durée qui était censée nous séparer de la Création, mais le comput très compliqué qui était pratiqué en cette matière était sujet à débats. Toujours est-il que la conception commune avait pour socle la véracité des faits contés. Il ne faisait guère de doute que David eut existé, qu'il fut roi de Jérusalem, et que la Ville sainte fut une cité riche et resplendissante (ce que, maintenant, les archéologues contestent), et que Jésus ressuscita le troisième jour de sa crucifixion.
Il est vrai que l'Eglise actuelle évite de s'appesantir sur les miracles, très nombreux dans le Nouvel Evangile, sauf à y voir des allégories. On ne met pas expressément en doute la transformation de l'eau en vin, mais cette mutation passe pour traduire une métanoïa spirituelle, soit collective, soit individuelle. On se gausse en général qu'une demoiselle se transforme en buisson, ou qu'un gentilhomme malchanceux devienne un cerf dévoré par les chiens de Diane (dont la seule existence supposée suscite le sourire ou la moue méprisante), mais on n'osera pas démentir l'Evangile qui évoque l'exfiltration, par la volonté de Jésus, des démons résidant chez des porcs, ou dans un possédé, et se mettant à galoper comme des lapins.
On ne sortira pas de ces apories si on pose comme postulat l'existence d'un seul et unique mode de perception et d'interprétation, de fait tributaire de la valeur que l'on accorde à des traditions religieuses. Pour un chrétien, que la Vierge lui apparaisse soudainement fait partie des choses possibles. D'innombrables cas de cette espèce en attestent la réalité. En revanche, le païen, qui vivait en adéquation constante, dans sa vie quotidienne ou dans ses actions politiques, avec les dieux de la cité, aurait bien été surpris si Zeus lui fût apparu au détour d'un chemin, bien qu'une telle situation ne fût pas rare dans les mythes.
Paul Veyne s'est demandé si les Anciens « croyaient » à leurs mythes. C'est en fait une question qui n'appartient qu'à un monde où la « foi » est devenue le fondement du lien religieux. Les païens n'avaient pas la « foi » (qui est une adhésion toute subjective), mais considéraient que le monde, qui était bien fait, avait été compartimenté en plusieurs domaines, et que les dieux avaient le leur, comme les hommes, ou les animaux, et que, parfois, il pouvait y avoir des passerelles. Mais ce cadre était pour ainsi dire « objectif », et tenait le cosmos, à la suite de quoi les rites étaient bien utiles pour cimenter le tout.
Il se peut en outre que les quatre Evangiles, pour ne pas parler de l’Ancien Testament, qui, somme toute, appartient à la même catégorie littéraire, soit le prototype de tout roman moderne. La fiction contemporaine, dont l’on peut dater la naissance au 12ème siècle, avec les récits de la « matière de Bretagne », passe conventionnellement pour transcrire la réalité (qu’elle soit « réaliste », ou « fantastique », l’essentiel étant qu’elle soit « vraisemblable », c’est-à-dire respectant les codes du genre), et ce, à partir d’un protocole psychologique de lecture, d’un « pacte », selon lesquels il va de soi, durant le procès de lecture, et même après, comme une traînée atmosphérique, que ce qui est raconté est « vrai ». Quand on lit un roman de Chrétien de Troyes, les fées sont aussi chargées de réalité que la locomotive de La Bête humaine, de Zola. La prise de distance critique relève d’une autre dimension de l’existence, comme le monde profane est séparé du monde de la sacralité. Le roman est du « mentir-vrai ». Il arrive même que les faits racontés émeuvent davantage que les faits vécus dans la vie vernaculaire. Julien Sorel est plus vivant que mon voisin.
Or, tout se passe comme si les Evangiles proposaient ce genre de « pacte ». On présente comme une « preuve » de la résurrection du Christ, non seulement le témoignage de femmes, mais aussi, entre autres, le fait que Thomas, le sceptique, soit convaincu (et nous avec) de la réalité christique par l’acte de toucher les plaies de Jésus. Le croyant naïf se satisfait de cette démonstration, et l’Église aussi, en l’érigeant comme l’archétype de l’attestation indiscutable, témoignage pourtant qui ne dépasse pas les bornes de ce qui est raconté-lu, de la « legenda ». Il aurait fallu un témoignage contemporain qui ne fût pas celui d’un chrétien. Et encore ! Tous les historiens actuels d’un temps aussi reculés (et même plus proche de nous) savent combien il est difficile de « prouver » la réalité d’un fait, et même chez les meilleurs historiens de ces époques, comme Tacite, Suétone etc. Ce n’est qu’en recoupant les témoignages que l’on peut donner quelque crédit à une assertion. Bref, le croyant fait du bovarysme, en accordant pleinement, avec tout son coeur, la confiance à un récit qui n’a aucune valeur historique.
Le christianisme, néanmoins, a pu bénéficier d’un doute favorable, parce qu’il est une religion de l’Histoire, et qu’il a appuyé son eschatologie et ses révolutions internes (par exemple, le césaropapisme, ou bien le papisme de Grégoire VII - icône, ci-dessus), sur l’Histoire des hommes. Dans les Evangiles, d’ailleurs, combien de fois se soucie-t-on d’inscrire la geste de Jésus dans la réalité de la société juive de l’époque ! La religion du Christ est une spiritualité qui ne peut que reposer sur des faits qui ne reviennent jamais. Ce qui est fait, est fait. C’est une force, mais aussi une faiblesse, si ces « faits » sont mis en doute.
Mais quand les sciences du temps long, le naturalisme, la zoologie, la paléontologie, la géologie, les sciences de la préhistoire et de la longue durée, au 19ème siècle, se sont imposées, il y eut un conflit violent entre cette vision diachronique de l’évolution des espèces, de la nature, et ce qui est proposé dans la Bible, surtout vétérotestamentaire. En reculant indéfiniment l’âge du monde, et l’apparition de l’homme, on mit en cause les « vérités » bibliques. L’Église anglicane, notamment par la voix de W. Buckland, tenta de faire la part du diable, en récupérant certaines découvertes, comme les fossiles d’animaux plus ou moins géants, enfouis dans les strates profondes de la terre, en affirmant qu’il s’agissait de bêtes noyées par le Déluge. Mais la Genèse ne pouvait être inscrite dans le grand Récit positiviste de la science de la Terre et des espèces. Le singe taquinait Adam et Eve.
Le christianisme, en prétendant être en adéquation avec l’histoire positive, refusait le mythe, contrairement au paganisme. Pour lui, le mythe, la « fable », le « mythos », c’est du mensonge. Qu’Europe soit enlevée par Zeus transformé en Taureau blanc, c’est une fabulation. Qu’Adam et Eve ait croqué le fruit de l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, et que le Serpent leur ait suggéré de devenir des dieux, c’est ce qui arriva vraiment. Que Prométhée ait volé le feu à Zeus, et qu’il en ait été puni en étant attaché au mont Caucase, son foie dévoré éternellement par un vautour, c’est de la fable d’ivrogne.
Le mythe, faut-il le rappeler, est un récit (mythos) expliquant pourquoi les choses sont comme cela. En quelque sorte, il fait concurrence à la démonstration scientifique, mais en se déroulant sur un autre mode, celui de l’imaginaire. Il n’en est pas moins aussi efficace. Les hommes, durant un temps immense, peut-être 99 % de leur existence en tant qu’hommes, ont construit leur vie sur des visions mythiques. Ils le font encore. Mais ces mythes, pour autant qu’ils donnaient du sens aux actions, à la vie, se situaient « in illo tempore », en ce temps-là, comme on dit dans les contes. Ils étaient « vrais », mais en même temps, ils appartenaient à une dimension qui était celle des dieux, ou à un âge où ceux-ci étaient très présents.
En refusant la légitimité du mythe, en alléguant une véracité historique pleinement qu’il ne pouvait avoir, le christianisme s’est condamné à entrer violemment et frontalement en conflit avec les sciences du temps. Il n’allait pas en sortir indemne. En revanche, le paganisme, qui a toujours distingué des ordres innombrables de réalité, peut gérer des contradictions, qui n’en sont pas, car elles relèvent de la multiplicité des états d’être. L’unilatéralité, l’intolérance, la réduction du champ d’interprétation de l’histoire humaine ou naturelle, qui marquent le judaïsme et ses avatars, les condamnent au sort du chêne orgueilleux et rigide brisé par la tempête, tandis que le roseau plie, mais ne rompt pas.
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lundi, 07 juillet 2025
La noblesse de la défaite dans la culture japonaise entre mort et éternité
La noblesse de la défaite dans la culture japonaise entre mort et éternité
Les éditions Medhelan publient en Italie le volume d’Ivan Morris sur l’honneur et l’action des chevaliers et samouraïs, combattant au nom de l'«héroïsme».
par Manlio Triggiani
Source: https://www.barbadillo.it/122402-segnalibro-la-nobilta-de...
L’écrivain anglais Ivan Morris (1925-1976) consacra de longues années d'études à la tradition héroïque japonaise. Britannique, diplômé d’Harvard en langue et littérature japonaise, il fut écrivain et chercheur sur la culture nippone. Connaissant bien cette culture, il fut envoyé à Hiroshima le 6 août 1945, en tant qu’interprète, après l’holocauste causé par l’aviation américaine.
Morris, ami de Mishima
Il rencontra Yukio Mishima (1925–1970), dont il devint l'ami et qui l’incita à étudier la tradition héroïque et à apprécier le code de conduite des Japonais de Tradition. Au cours de ses études, il découvrit la différence entre l'Occident et l'Orient: pour la culture occidentale, l’échec, la non-réalisation d’un projet, la défaite dans un combat, sont une honte, et le suicide est contraire à la religion chrétienne et à la morale commune. Pour la culture bouddhiste et l’éthique chevaleresque des samouraïs, en revanche, la défaite et le suicide sont une affirmation de soi, un geste qui sera rappelé par les générations suivantes, créant autour du défunt une aura d’héroïsme. Probablement, le vainqueur ne restera pas dans la mémoire collective comme le perdant. Ivan Morris, dans un livre utile pour comprendre la mentalité et la vision du monde des peuples d'Extrême-Orient, La noblesse de l'échec, examine le désir d’honneur à travers dix cas de samouraïs et de chevaliers depuis 72 après J.-C., avec, en premier lieu, le prince Yamato Takeru, figure typique du héros japonais, puis, peu à peu, jusqu’aux samouraïs plus récents comme les kamikazes.
Il décrit l’éthique du samouraï, la psychologie japonaise, et surtout celle des héros japonais, en retraçant un millénaire d’histoire japonaise. Morris a dédié le livre à son ami Mishima et a appris à admirer les vaincus. On peut se demander: d’où venait ce charme pour des personnages qui perdent la vie de façon violente et sans hésitation, comme si la mort était quelque chose de recherché, peut-être même dès le plus jeune âge ?
Les assises culturelles du Japon
L'éditeur du livre, Marcello Ghilardi, analyse, dans l’introduction, les bases culturelles et religieuses de la formation japonaise traditionnelle. Il met en évidence que la composante religieuse et culturelle qui a façonné le Japon se divise en trois courants principaux: le shinto (qui peut se traduire par la “voie des dieux”, seul élément d’origine vraiment japonaise, codifié rétrospectivement entre les 17ème et 18ème siècles, mais le terme était déjà en usage au 16ème siècle), le confucianisme et le bouddhisme.
Le shinto a constitué un ensemble cohérent de pratiques qui a conservé au fil du temps ses références conceptuelles. La vertu shintoïste de la pureté se relie à celle, confucéenne, de sincérité, d’honnêteté, de fiabilité. Car, selon la mentalité japonaise, la fidélité à la parole donnée et le respect des engagements sont fondamentaux. D’où la fidélité envers ceux à qui l’on a prêté allégeance. Et la mort n’est pas considérée comme inutile, bien au contraire, elle est vue comme la parfaite coïncidence entre ce que l’on est et l’image à laquelle on aspire à adhérer.
La méditation sur « l’impermanence » est une constante de l’enseignement bouddhiste, qui dérive de Siddharta le Bouddha, ayant vécu en Inde entre le 6ème et le 5ème siècle avant J.-C., selon lequel « une personne ordinaire, ou un moine, voit le monde ainsi : ‘Ceci est le Soi, ceci est le monde ; après la mort, je serai permanent, impérissable, éternel, et je ne serai pas soumis au changement ; je durerai pour l’éternité’ ».
La mort et l’éternité
C’est un enseignement qui mène à l’habitude de l’impermanence, par le détachement du Soi, en tenant compte du fait que l’impermanence est propre à toutes les réalités — selon l’enseignement bouddhiste — qu'elles soient physiques ou métaphysiques, visibles ou invisibles. Il est évident que pour les civilisations comme l'occidentale, ces discours ne paraissent pas convaincants: l’homo oeconomicus privilégie le bien-être matériel, la réussite professionnelle, l’accumulation d’argent, la vie confortable.
Ainsi, Ivan Morris, dans ce livre plein d’enseignements, explique que les hommes de valeur, qui affrontent l’ennemi, finissent souvent comme perdants. Selon l’opinion occidentale, celui qui perd doit être méprisé, c’est un perdant qui ne peut pas être admiré. La philosophie japonaise, en revanche, enseigne qu’il vaut mieux sortir vainqueur en ayant appris quelque chose, plutôt que de gagner sans rien apprendre. Un proverbe japonais dit : “Tomber sept fois, se relever huit fois”. La confrontation avec soi-même est prioritaire. Ivan Morris, dans ce livre, décrit plusieurs biographies d’hommes passés à l’histoire comme des perdants mais, en même temps, comme des hommes d’honneur et de valeur, ayant traversé divers degrés de défaite. Pourtant, le niveau de dignité qui peut émerger du comportement de ces demi-dieux, guerriers, samouraïs, nobles et chefs, est élevé. Morris explique bien comment une vie finissant dans la défaite et la mort peut laisser le souvenir de la force, de l’honneur, du courage et du caractère.
Ivan Morris, La noblesse de l'échec, Medhelan éd., 500 pages, 28,00 euros (traduction Francesca Wagner, préface de Marcello Ghilardi). Commandes : www.edizionimedhelan.it
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lundi, 23 juin 2025
Réflexions sur la souveraineté, la main gauche et les machines de guerre
Réflexions sur la souveraineté, la main gauche et les machines de guerre
Juan Gabriel Caro Riviera
La souveraineté a deux facettes : l'une chaotique et guerrière, l'autre ordonnée et législative. De Mitra-Varuna à Romulus-Numa, l'histoire montre comment les sociétés oscillent entre l'élan dionysiaque de la conquête et la stabilité apollinienne de la loi. En explorant les mythes indo-européens et l'oeuvre de penseurs tels que Dumézil, Evola et Deleuze, Juan G. C. Riviera enquête sur les « machines de guerre » qui défient l'État et propose une relecture de la tradition pour faire face à la stagnation moderne.
Dans son ouvrage sur Mitra-Varuna, Georges Dumézil établit que la souveraineté a deux facettes : l'une anarchique, l'autre législative. Les dieux indo-européens vont toujours par paires et représentent les deux facettes de la souveraineté: Mitra-Varuna, Odin-Týr, Mars-Jupiter, etc. D'un côté, nous avons le dieu guerrier, chef des batailles, des armes, des voyages et de la mort, et de l'autre, le dieu des lois, des contrats, du nomos et des limites.
Les premiers sont les dieux dont la fonction est le conflit et autour desquels s'organisent les ligues masculines conquérantes (Mannerbünde) qui, par le biais de rituels statiques, de l'usage de drogues et d'activités militaires, se constituent en bandes armées qui établissent leur domination sur un temps et un lieu déterminés. Lorsque ces bandes anarchiques parachèvent leurs conquêtes, des pactes sont établis qui norment la terre, délimitent l'espace et segmentent le monde pour l'organiser. Cette deuxième étape est dominée par les dieux dont la souveraineté s'exprime à travers le nomos, la loi, et qui établissent une certaine tradition basée sur les coutumes et la morale particulières des habitants d'un lieu.
Selon Dumézil, ce schéma se retrouve chez les hindous et la division entre les ghandarvas et les brahmanes ou chez les Romains dans leur division entre Lupercalia et Flamins. Dans la tradition hindoue, les ghandarvas sont des guerriers sans loi qui mangent de la viande, consomment des drogues et font des choses que les brahmanes ont l'interdiction de faire en raison des lois strictes imposées à leur caste. Il en allait de même pour les Lupercales romaines, qui étaient en quelque sorte une représentation anarchique de la fondation de Rome et qui ont progressivement perdu leur place jusqu'à être réduites à une fête et à un culte de la fertilité.
Dans le cas de Rome, la différence entre les Lupercales et les Flamines est établie dans l'histoire de la fondation de la ville par le duo Romulus-Numa. Romulus est le fils d'une louve, un chef guerrier qui rassemble autour de lui des bandits, des voleurs et des criminels pour établir les limites de Rome. Romulus tue son frère, enlève des femmes sabines pour obtenir des épouses pour ses hommes et mène toutes sortes d'expéditions militaires pour piller la région environnante. Après la mort de Romulus, Numa prend sa place, étant tout le contraire du premier. Contrairement à Romulus, Numa rédige des lois, organise l'espace de la ville, distribue des terres, enseigne le culte des dieux, établit le calendrier et fixe les directives de la vie civique. Romulus est représenté comme un jeune homme, tandis que Numa est représenté comme un vieil homme.
Dans ces exemples mythiques et historiques, nous pouvons trouver les deux fonctions de la souveraineté: l'une basée sur la partie maudite, la transgression et l'ouverture (Georges Bataille) et l'autre basée sur l'état d'exception, l'ordre et la fermeture (Carl Schmitt). La première est ce que nous pourrions appeler la voie dionysiaque et la seconde, une forme apollinienne. Ces deux aspects de la souveraineté sont complémentaires et ne peuvent être considérés comme opposés l'un à l'autre. En fait, on pourrait dire qu'ils se produisent en grande partie en parallèle, et que chaque société oscille entre les deux pôles. Toute société passe par une période de fermeture, de hiérarchie, de tension et d'ordre, mais aussi par une période d'ouverture, de déstructuration, de relâchement et de désordre.
On pourrait dire que les dieux et les chefs militaires, réunis autour des ligues masculines (Mannerbünde), sont les représentants de la Main gauche, tandis que les dieux législatifs et contractuels sont les représentants de la Main droite. Ce qui est interdit aux adeptes de la Main droite est permis aux adeptes de la Main gauche. La seule façon de rétablir un monde traditionnel, à une époque où tous les éléments qui ont rendu possible la Main droite ont disparu, est précisément d'aborder les fondements de la Main gauche et d'éveiller nos facultés dionysiaques atrophiées par la civilisation contemporaine.
Ces réflexions ont sans aucun doute inspiré de nombreux grands chercheurs et penseurs du 20ème siècle, tels que Julius Evola et Mircea Eliade, qui ont tenté de reconstruire les rituels chamaniques des anciennes ligues masculines indo-européennes avec leurs cultes du loup, leurs guerriers vêtus de peaux d'animaux qui se transformaient en ceux-ci et l'utilisation de masses guerrières et de techniques de guerre inspirées par le comportement de ces différentes espèces d'animaux. Le mythe de Zalmoxis, étudié par Eliade, montre que les anciens Romains, les Daces et les Mongols se considéraient comme les descendants des loups. Zalmoxis, le Hercule dace, était aussi un représentant de ces rites chamaniques.
En ce sens, les Mannerbünde et leurs défenseurs (Evola, Blüher, Wikander, Höfler, Eliade et autres) voulaient revenir à la religion originelle des Indo-Européens, qui était basée sur un culte dont les principales caractéristiques sont la vénération des morts, les festivals sacrificiels orgiaques, le lien avec les organisations martiales et une attitude positive envers les forces obscures et démoniaques de la vie, où ses adeptes utilisaient une masse et combattaient au corps à corps avec des animaux sauvages. Les Ghandarvas hindous, les Maruts iraniens, les centaures grecs et les Berserkers nordiques sont des exemples de ces confréries masculines.
On peut certainement affirmer ce qui suit: tandis que dans la tradition du Sud (l'hindoue, la grecque, la romaine, etc.), le culte des dieux législateurs a fini par prédominer, dans la tradition du Nord, le culte des dieux anarchiques tels qu'Odin a perduré beaucoup plus longtemps et les confréries masculines ont joué un rôle important jusqu'à une période historique avancée. Cependant, on peut dire que la Voie de la Main Gauche ne s'est jamais totalement établie dans les sociétés du Sud, mais le fait que des cultes tels que ceux de Dionysos et de Shiva aient toujours refait surface en est la preuve a contrario. Il en va de même pour d'autres traditions.
Il est intéressant de noter que des auteurs postmodernes tels que Deleuze et Guattari, dans Mille Plateaux, consacrent un chapitre entier à l'analyse de Mitra-Varuna par Dumézil, intitulé « Traité de nomadologie : la machine de guerre ». Deleuze et Guattari soutiennent que les dieux indo-européens tels que Mitra et Varuna ne contrôlent pas leurs propres machines de guerre (leurs guerriers), mais ont tendance à conclure des pactes avec des guerriers indépendants et indomptables, tels qu'Indra, qui ont leurs propres lois et règles. Les guerriers sont indépendants des pactes et des rites promus par les dieux anarchiques et législatifs et établissent des relations avec ces derniers pour différentes raisons. Le guerrier Indra peut libérer des individus asservis par des dettes et établir ses propres lois selon ses idées.
La machine de guerre est extérieure à l'État et aux lois les plus strictes de la civilisation. Alors que le Dieu législateur ordonne et organise le monde pour attribuer à chaque personne sa place, la machine de guerre est nomade et en mouvement constant. Deleuze et Guattari considèrent que la science de l'État est la science de l'immobilité, du lourd, du macro, tandis que la science de la machine de guerre est la science du mouvement, du pouvoir et des forces agissantes. Ici, Deleuze et Guattari s'inspirent largement des idées de Nietzsche et considèrent les conquêtes mongoles, l'expansion de l'islam et les constructeurs de cathédrales gothiques comme différentes incarnations de cette « science mineure » nomade basée sur la force et le mouvement.
En ce sens, l'anthropologie anarchique de Pierre Clastres et la nomadologie de Deleuze-Guattari constituent une analyse intéressante des ligues masculines et des machines de guerre politiques. Les ligues masculines ne sont pas nécessairement identifiées à l'État, même si dans certains cas, les rois ou les empereurs sont issus de ligues masculines. Dans certains cas, ces ligues masculines deviennent la garde qui protège le roi de ses ennemis, mais elles peuvent aussi être les principales instigatrices de guerres civiles. Lorsque les machines de guerre sont interdites et persécutées par l'État, elles peuvent finir par devenir des gangs criminels, voire terroristes, qui attaquent les formations ordonnées par l'État.
De ce point de vue, nous pouvons dire que notre objectif actuel doit être de faire revivre les machines de guerre comme moyen de détruire le monde moderne, en unissant le prémoderne et le postmoderne, l'archaïque et le futur. Promouvoir la figure du héros tragique, qui affronte son destin, est le seul moyen de mettre fin à la stagnation actuelle.
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mardi, 03 juin 2025
La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?
La Chine est-elle moderne ou traditionnelle?
Raphael Machado
Lorsque l'on débat de la Chine aujourd'hui, l'une des questions qui se pose est de savoir si le pays a complètement embrassé la modernité ou s'il reste attaché à la tradition.
L'un des principaux débats actuels sur la Chine est de savoir si elle est « capitaliste » ou « socialiste », avec de bons arguments des deux côtés (et même de bons arguments qui vont dans le sens du "ni l'un ni l'autre").
Une discussion moins populaire, mais plus intéressante, porte sur la question de savoir si la Chine contemporaine correspond à une « société traditionnelle » ou si elle s'inscrit déjà pleinement dans les repères de la modernité.
Par « société traditionnelle », nous entendons ici l'adhésion sociopolitique à des principes considérés comme intemporels et inconditionnels, qui renverraient à une dimension transcendante et sacrée et qui irradieraient la totalité sociale. Le contenu de cette principologie dépendrait naturellement de la manière dont un peuple s'est structuré historiquement (raison pour laquelle la « tradition » a une nature kaléidoscopique – elle est une éternité instanciée). Par modernité, nous faisons bien sûr essentiellement référence aux croyances des Lumières dans la primauté de la raison, le constitutionnalisme, la séparation entre l'État et la religion, la conception négative de la liberté, le principe de légalité, etc.
D'une manière générale, les arguments en faveur de la catégorisation de la Chine contemporaine comme pleinement moderne soulignent la persécution religieuse menée par le maoïsme, le contrôle des religions par l'État, le pragmatisme technique et pratique dont font preuve les Chinois dans leurs affaires et leurs relations, sans oublier, bien sûr, le fait que le PCC interdit officiellement à ses membres d'avoir une religion.
La réalité est cependant infiniment plus complexe.
Tout d'abord, parce que la conception chinoise de la « religion » est totalement différente de la perception occidentale. Pour les Chinois, « religion » (zongjiao) désigne exclusivement les sectes organisées et institutionnelles dotées d'une doctrine et d'un dogme. Cela exclut d'emblée tant la spiritualité populaire (appelée plus récemment « shénisme » ou « shénxianisme ») que le confucianisme. Pour le PCC (et pour la plupart des Chinois), adhérer aux rites traditionnels chinois et aux pratiques et croyances confucéennes n'équivaut pas à avoir une « religion ». Il est donc possible de participer au culte des ancêtres, de pratiquer le feng shui, d'allumer de l'encens pour l'Empereur Jaune et de participer aux rites confucéens sans être considéré comme ayant une « religion ».
Guénon est, à proprement parler, un auteur qui rejette classiquement l'attribution du mot « religion » (telle qu'elle est comprise lorsqu'on parle de christianisme, de judaïsme et d'islam) aux traditions orientales, y compris le taoïsme et le bouddhisme (qui sont considérés comme des « religions » en Chine), car Guénon affirme qu'elles sont dépourvues des éléments sentimentaux, moraux et dévotionnels qui sont plus typiques de ces religiosités moyen-orientales.
C'est dans ce sens qu'il faut interpréter les statistiques religieuses de la Chine, où « identification religieuse » et « pratique religieuse » ne sont pas confondues. En d'autres termes, les statistiques indiquent que 90% de la population chinoise n'a pas de religion, mais que 80% de la population chinoise adopte régulièrement des pratiques religieuses traditionnelles. Cela inclut les membres du PCC. Une statistique du Pew Research Center, par exemple, indique que 79% des membres du PCC se rendent au moins une fois par an au cimetière pour vénérer leurs ancêtres. Ce taux est supérieur à celui de la population chinoise moyenne.
Il est intéressant de noter qu'en ce qui concerne les autres pratiques religieuses, les non-membres du PCC ont tendance à être plus religieux que les membres. Mais l'explication est très simple: la plupart des membres du PCC n'ont pas de religion... mais sont confucéens. Ils célèbrent tous les rites et fêtes confucéens, vénèrent leurs ancêtres, se rendent probablement dans les temples confucéens (qui sont d'ailleurs subventionnés par l'État) et cultivent les vertus confucéennes. En d'autres termes, le confucianisme « pur » semble être très populaire parmi les membres du Parti, tandis que le reste de la population est plus adepte du shénisme mélangé à des éléments confucéens, à du bouddhisme et du taoïsme. Néanmoins, 40% des membres du PCC pratiquent le feng shui, et au moins 18% d'entre eux brûlent de l'encens plusieurs fois par an pour Bouddha ou les dieux.
En ce qui concerne les relations entre l'État et la religion, il est important de souligner que l'État chinois s'est toujours attribué le droit de contrôler, de placer sous tutelle, d'influencer et de supprimer les différentes sectes, écoles et doctrines qui ont tenté de se répandre en Chine. Ainsi, le fait que le PCC cherche à exercer une influence sur le christianisme, le taoïsme, le bouddhisme, etc. par le biais d'institutions alignées sur l'État signifie simplement que le PCC s'inscrit dans la continuité de la relation typique entre ces sphères en Chine.
En outre, on parle beaucoup du « contrôle négatif » imposé par la Chine, mais on mentionne rarement que la Chine vise à limiter la croissance des religions étrangères en particulier, alors qu'elle subventionne et encourage depuis plusieurs années l'ouverture de nouveaux temples et la formation de nouveaux prêtres bouddhistes, taoïstes, confucéens et shénistes. Il en résulte, par exemple, une augmentation de 300% de la fréquentation des temples bouddhistes depuis 2023, la majorité des fidèles étant des jeunes.
Pour en revenir au confucianisme, l'État a récemment commencé à rétablir le guoxue dans les écoles, c'est-à-dire l'étude des classiques confucéens, qui était autrefois une condition préalable à la réussite des examens impériaux. En outre, il existe un courant intellectuel fort qui défend l'institutionnalisation du confucianisme et sa transformation en religion civile officielle. Bien que cela semble lointain, dans la pratique, la pensée de Xi Jinping représente déjà une synthèse entre le maoïsme et le confucianisme, ce qui est très explicite dans la manière non dualiste dont la Chine aborde aujourd'hui la question des classes sociales.
Laissant de côté l'adhésion et la pratique religieuses, nous pourrions nous détourner vers l'observation des valeurs traditionnelles chinoises. Le « communisme » a-t-il fondamentalement déraciné ou déstructuré les valeurs traditionnelles de la Chine ?
Pour cela, nous devons comprendre quelles sont ces valeurs. L'intellectuel russe Nikolai Mikhailov a énuméré une série de concepts, de principes et d'affections qui composent la vision traditionnelle chinoise du monde; nous pouvons en citer quelques-uns: « Le monde comme harmonie intrinsèquement parfaite entre le Ciel et l'Homme, comme un équilibre naturel et harmonieux des contraires, dont la violation implique la détérioration de la nature et de l'homme », « Rapidité, responsabilité, pragmatisme, religiosité quotidienne », « Perception de la société comme une « grande famille », où les intérêts de l'individu sont subordonnés aux intérêts de la famille, les intérêts de la famille aux intérêts du clan et les intérêts du clan aux intérêts de l'État », « paternalisme et tutelle des aînés sur les plus jeunes », « hospitalité », « modération », « dignité, humilité, obligation, respect des traditions et des canons, respect de la hiérarchie sociale, piété filiale, vénération des ancêtres, patriotisme, soumission aux supérieurs, sens du devoir et justice sociale ».
Ainsi, lorsqu'un anticommuniste sinophobe disqualifie la Chine contemporaine en la qualifiant de « collectiviste » ou critique les Chinois pour leur « soumission à la famille et au gouvernement », attribuant tout cela à la « Révolution », il ne fait que décrire des caractéristiques chinoises qui ont pourtant été cultivées depuis des millénaires. Même cette question de « faire payer le prix de la balle aux proches de la personne exécutée pour avoir été condamnée à mort » est typiquement chinoise. La tradition chinoise croit en des punitions collectives pour les familles suite aux crimes d'un de leurs membres, et considère cela comme une question évidente et habituelle.
Passant des coutumes à une dimension plus métaphysique, même le Tianxia (c'est-à-dire l'idée de la Chine comme centre du monde, gouvernée par un Mandat Céleste, imprégnée de la mission d'apporter l'harmonie et l'équilibre aux « terres barbares ») reste vivante dans la pensée de Xi Jinping, dans la conception du multipolarisme selon Jiang Shigong (photo), qui envisage la Chine occupant le centre du cosmos dans une structure planétaire harmonieuse, bien que décentralisée. L'initiative « Belt & Road » n'est donc rien d'autre que l'application pragmatique et technique de l'idée métaphysique de « Tout sous le ciel ».
Il est toutefois indéniable que les Chinois ont souffert des mêmes dilemmes et fardeaux liés à l'urbanisation, au technocratisme, au consumérisme et à la société du spectacle – même si c'était peut-être d'une manière différente et dans une moindre mesure que les Occidentaux, les Européens, etc. La Chine a clairement connu une « modernisation » très rapide, même si elle n'était peut-être que partielle.
La meilleure catégorie pour décrire la condition chinoise est donc le concept douguinien d'« archéomodernité ». Selon Douguine, l'archéomodernité est « un système dans lequel tout est très moderniste à l'extérieur, mais profondément archaïque à l'intérieur ». Dans les pays archéomodernes, c'est comme s'il y avait deux niveaux existentiels contradictoires et concomitants: une sorte d'ordre officiel moderniste, tandis que la population reste profondément immergée dans le monde traditionnel.
Douguine utilise ce terme pour expliquer les contradictions russes et, à mon avis, il convient bien pour décrire la Chine, où coexistent gratte-ciel, méga-ponts, IA et drones, avec le culte religieux de Mao (et des dieux traditionnels), la pratique quotidienne de la médecine chinoise et l'utilisation du feng shui pour organiser les espaces publics et privés.
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mardi, 03 décembre 2024
Parution du numéro 71 de War Raok
Parution du numéro 71 de War Raok
EDITORIAL
L’inexorable défense de l’identité bretonne
La notion de communauté ethnique revient plus souvent dans mes propos que celle de citoyenneté. C’est d’abord qu’un grand nombre d’ethnies européennes n’ont pas d’État propre. C’est aussi qu’il s’agit de restituer à un peuple une personnalité dont il est dessaisi, ainsi que les moyens de la développer. La notion de citoyenneté ne répond pas, bien que rapportée à la notion antique, non contractuelle, de civitas elle ait aussi son utilité et sa grandeur. Même la réappropriation d’un territoire national reste secondaire par rapport à la reconquête de l’identité.
Mais cet appel à la communauté ethnique ne doit pas faire illusion. En bien des régions d’Europe, même dotées d’un État, une telle notion ne recouvre plus qu’une réalité très fragile. Il existe un utopisme national qui méconnaît ou sous-estime l’actuelle désagrégation des appartenances traditionnelles, territoriales et communautaires. La réalité n’a que peu à voir avec l’image idéalisée que beaucoup continuent de se faire de leur nation. Les solutions institutionnelles, pour utiles qu’elles soient, ne suffiront pas à tirer les peuples du monde mécanisé où ils se trouvent plongés. Seule le pourrait une forme nouvelle encore à naître sur les ruines des traditions moribondes.
Il faut se garder, aussi, d’exalter un peuple idéalisé, un État idéal où la nation, enfin réconciliée avec son propre destin, accéderait au bonheur parfait, hors des turbulences de l’histoire. Cette projection dans l’avenir d’un État idyllique, dont l’heure n’offre à l’évidence aucun trait, peut justement être qualifiée de « stade infantile du nationalisme ». La rêverie, romantique ou progressiste, sur la pureté et l’éternité d’un peuple, le messianisme écologique confondu avec la saine écologie, le césarisme centralisateur, la croyance en l’universalité d’une langue et d’une civilisation... autant de niaiseries aliénantes qui empêchent un véritable projet national de voir le jour.
Il importe de le souligner, les caractéristiques spécifiques d’une population, sa langue, sa définition ethnographique, ne sont nullement durables par elles-mêmes. Elles ne se maintiennent que tant que le groupe a la cohésion et la volonté nécessaires à leur affirmation et à leur transmission. Dans une société européenne vouée à l’histoire, qu’elle le veuille ou non, par détermination géographique et géopolitique, on ne peut sous peine d’échec méconnaître le risque constant de disparition qui menace la réalité du peuple, fût-il doté d’un État. On doit ici mentionner le cas de notre voisin français : son État, devenu simple contenant, peut parfaitement se maintenir tandis que la population qu’il contrôle se transformera lentement, par le jeu de la croissance effrénée du cosmopole parisien, d’un système d’enseignement homogénéisant et de l’immigration afro-asiatique, jusqu’à la totale dénaturation ethnique de tous ses citoyens. L’ordre social ne va pas nécessairement de pair avec la protection du peuple en tant que tel.
Il importe d’insister également sur la spécification nocive des termes français de « nation » et de « nationalisme ». Au sens strict, « nation » désignant le peuple ethniquement différencié, est « nationalisme » tout service volontaire de ses intérêts. Dans la pratique, le nationalisme a couvert toutes sortes de marchandises, dont le système universaliste anti-ethnique exporté par les Lumières. S’il m’arrive d’employer et de revendiquer le mot, ce sera sans aucune référence aux idéologies « nationalistes » qui ont pu dans le passé se manifester en Europe ou en d’autres points du monde. Il y a autant de nationalismes que de nations. L’emploi occasionnel de ces termes ne saurait devenir une référence dogmatique.
Padrig MONTAUZIER
SOMMAIRE WAR RAOK N° 71
Buhezegezh vreizh, page 2
Editorial, page 3
Buan ha Buan, page 4
Religion
Le christianisme est-il contre les patries ? Page 8
Europe
Les dangereuses dérives de l’Union Européenne, page 11
Mythologie celtique
Le cygne, page 12
Musique bretonne
Le violon, instrument roi du traditionnel breton, page 14
Traditions
Petite histoire du sapin de Noël, page 15
Santé alimentaire
L’alimentation : un enjeu culturel majeur, page 16
Billet d’humeur
La gauche mondialiste : riche et intolérante, page 18
Hent an Dazont
Votre cahier de 4 pages en breton, page 21
LES CAHIERS DE L’EMSAV
Frañsez Debauvais, une vie pour la Bretagne, page 23
Portrait de Frañsez Debauvais, page 24
La vie d’un combattant, soldat de la Bretagne libre, page 25
Frañsez Debauvais devant les tribunaux français, page 29
Histoire de Bretagne
Le vol de la souveraineté bretonne par la France, page 31
Nature
La buse variable, un rapace diurne, page 35
Lip-e-bav
Le haggis, emblématique de la gastronomie écossaise, page 37
Keleier ar Vro
Promotion de l’apprentissage du breton par les adultes, page 38
Bretagne sacrée
La tour du Brégain ou ancien prieuré du Brégain, page 39.
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vendredi, 18 octobre 2024
La guerre des deux mondes
La guerre des deux mondes
Pierre-Emile Blairon
Les gens lucides, c’est-à-dire ceux qui ont échappé à l’endoctrinement général et qui ont donc gardé un minimum de bon sens, ont toujours une longueur d’avance ; ils ont toujours, pour leur malheur, raison trop tôt ; ceux qu’on appelle complotistes sont ceux qui devinent à l’avance les projets des comploteurs.
La lobotomisation des populations par l’Ordre mondial qui fut particulièrement efficace en Europe et surtout en France, n’a pas débuté en 2020 avec la pseudo-pandémie et le pseudo-vaccin, qui étaient tous les deux des instruments destinés à réduire les populations et à initier l’hybridation homme-robot voulue par les transhumanistes. Cette date indique juste le moment où « l’élite » mondialiste actuelle, héritière des sectes satanistes qui l’ont précédée, a jugé qu’il était temps de donner le coup de grâce final, les peuples ayant été suffisamment désinformés depuis des décennies, des siècles et des millénaires.
54 secondes de lecture, 90% de lecteurs en moins
A partir de cet instant, c’est-à-dire 54 secondes de lecture, j’ai déjà perdu 90% de mes lecteurs potentiels.
C’était exactement mon but ; si ces 90% n’ont toujours rien compris à l’énorme manipulation dont ils sont les victimes, il n’y a plus grand-chose à tenter pour qu’ils ouvrent enfin les yeux. D’autant plus que les mondialo-satanistes ne cachent plus rien de leurs projets !
A la vérité, ce n’est pas tant qu’ils sont stupides ou non-éduqués puisqu’on trouve parmi eux, et même en majorité, des gens ayant reçu une instruction supérieure, mais c’est parce qu’ils refusent absolument de se remettre en question et de sortir de leur « zone de confort » (comprenez: de leur fauteuil et de leur télé installée au beau milieu de leur salon), ce qui ferait d’eux des révolutionnaires éventuels.
Je ne m’adresse donc qu’aux 10% restants (soyons optimistes, à l’échelle planétaire, ça fait quand même 800 millions d’individus et, à l’échelle française 7 millions !)
Où sont passés les Gaulois ?
Il est vraisemblable que ce qui les a le plus choqué (je parle des 90% qui ont renoncé à poursuivre la lecture de cet article au-delà de ces 54 secondes), c’est que je fais remonter à des millénaires le début de leur endoctrinement que je situe au début de l’Âge de fer, le kali-yuga, le début de notre fin de cycle indo-européen, qui correspond, est-ce un hasard ?, aux débuts de l’écriture, vers 4500 avant notre ère.
Les historiens ne remontent guère leurs recherches au-delà de 800 ans avant J.-C., tout ce qui précède étant considéré, à peu de choses près, comme de la préhistoire, quelque chose de très flou, en gros, l’âge des cavernes, où les hommes ont seulement appris, en plusieurs millions d’années, à lever un gourdin pour pouvoir se nourrir et à dessiner quelques animaux sur la paroi de leurs grottes ; les historiens officiels laissent donc alors la place aux élucubrations de leurs collègues tout aussi officiels que sont les archéologues et anthropologues qui sont censés remonter le temps indéfiniment grâce aux vestiges qu’ils vont analyser pour trouver l’origine du monde, de la Terre et de ses habitants ; ainsi, les « historiens » ne connaissent de l’Histoire du monde que le dernier moment de notre cycle final, celui où tout est déjà en décomposition depuis longtemps et leurs collègues archéologues et anthropologues tournent en rond, butant sur les mêmes vestiges, la plupart des grandes civilisations passées ne laissant aucune trace de leur passage, comme ce sera le cas de la nôtre.
Les études historiques s’apparentent à la rédaction d’un journal, un quotidien, qui recense les faits divers et les vies et actes des hommes responsables de ces faits divers quand ils n’ont pas leur source dans des phénomènes naturels.
L’Histoire officielle, ou profane, que certains considèrent comme une science, n’est donc que la relation de péripéties et d’anecdotes plus ou moins superficielles qui engagent les hommes et la nature, mais qui ont quand même un intérêt, celui de permettre de comprendre, comme les symptômes d’une maladie à venir – une éruption de boutons, par exemple - les mouvements de fond invisibles qui vont surgir à la surface comme paliers de la grande Histoire cyclique ; ces alertes constituent, pour un individu, l’avertissement qui lui est donné de procéder à des changements quelquefois radicaux dans ses habitudes de vie, et, sur le plan civilisationnel, pour une société tout entière, d’avoir à changer de cap au risque d’un écroulement, lent ou soudain.
La majorité des humains ne prend comme étalon du temps que la durée de leur propre vie, à l’heure actuelle approximativement 85 ans, les historiens profanes remontent à 10 fois plus loin en arrière. Les primordialistes – tenants de la Tradition primordiale -, eux, s’appuyant sur la durée des cycles naturels, ceux des civilisations, l’observation des mouvements stellaires et les connaissances transmises par les sociétés traditionnelles, élargissent considérablement leur vision du monde en estimant qu’il est plus sage de se référer à un autre étalon temporel qui est la durée de notre grand cycle, le Manvantara, qui a commencé il y a 64.800 ans.
Les analyses et découvertes des historiens, des archéologues et autres anthropologues profanes n’ont qu’une crédibilité limitée du fait que leur démarche est fondamentalement faussée, et va même à l’inverse de la réalité; elle se base sur les découvertes techniques qui se sont succédé en avalanche à la fin du 19e siècle en même temps qu’est apparue la théorie évolutionniste de Darwin sur l’origine simiesque de l’Homme. Ces pseudo-scientifiques se sont alors convertis à la religion scientiste du progrès qui a remplacé le christianisme à bout de souffle, fondant leurs théories sur une évolution qui va du pire au meilleur alors que l’on constate exactement le contraire lorsqu’on observe les lois naturelles et que le cycle qui s’achève procède, comme tout ce qui existe sur Terre, d’un déroulement involutif du temps et de la grande Histoire cyclique qui va du meilleur au pire, de la spiritualité à la matérialité, de la connaissance à l’ignorance, du bien au mal, de l’ Âge d’or à l’Âge de fer avant de recommencer un nouveau cycle.
L’instruction qui a été donnée à nos enfants procède de cette involution, puisqu’on peut dater l’organisation de l’école telle qu’on la connaît aujourd’hui à cette fin du 19e siècle avec les lois instaurées par Jules Ferry (photo); même si la qualité de l’instruction française, hors cette anomalie fondamentale, s’est maintenue à un très bon niveau – inévitablement superficiel cependant - jusqu’au milieu du 20ème siècle, exactement jusqu’à mai 68. Elle n’a cessé de se dégrader depuis au fil de l’inaction des ministres de l’Education nationale qui se sont succédé jusqu’à nos jours dans l’unique but de la faire disparaître.
Et c’est ainsi que Marion Maréchal, fondatrice d’une grande école, a pu déclarer le 8 octobre 2024 sur Cnews : « Nous affirmons notre droit à la continuité historique et notre attachement à notre héritage grec, romain et chrétien », oubliant que notre héritage direct n’est ni grec, ni romain, ni chrétien, mais venant de nos ancêtres les Gaulois, la plus grande composante du peuple celte établie sur un territoire supérieur à celui de la France actuelle, dont cette jeune femme d’origine bretonne ne devrait pas avoir à rougir. Car, même si nos ancêtres n’ont pas construit d’aqueduc ni d’amphithéâtre, même s’ils n’ont pas laissé des ouvrages d’histoire ou des recueils de poèmes, les Romains ont pu les envahir grâce aux routes construites par les Gaulois, et ont pu apprendre à cultiver la terre avec la charrue inventée par nos ancêtres; si les Gaulois n’ont pas laissé d’œuvre écrite, ce n’est pas parce qu’ils ne connaissaient pas l’écriture, c’est parce qu’ils privilégiaient l’enseignement par l’effort de la mémoire, et aussi, parce qu’ils étaient de grands orateurs. De même, s’ils n’ont pas laissé d’œuvre architecturale ni de statue, c’est parce qu’ils confectionnaient leurs maisons et leurs icônes en bois.
La sagesse et la spiritualité de nos druides était universellement respectée et leurs connaissances saluées jusqu’en Inde; Pythagore y a puisé l’essentiel de son enseignement. Mais le pays de Descartes, ce philosophe qui assimilait les animaux à des machines (ça n’était déjà pas de très bon augure !), a toujours préféré le rationalisme grec et la force romaine comme fondements de sa société.
En fait, les Français ont toujours privilégié ce qui vient d’ailleurs, même si ces apports extérieurs constituent certaines composantes de l’esprit de notre peuple, je pense, là, surtout au christianisme -heureusement- européanisé. Et, pour être un peu plus critique, je pense aussi à la propension peu louable, qui nous vient également des Gaulois, à la collaboration, oui, comme celle que les Français ont pratiquée sans vergogne pendant la deuxième guerre mondiale, penchant peu glorieux qui a vu le jour avec les « Gallo-Romains », c’est-à-dire la soumission à l’envahisseur, qui consiste à pratiquer une xénophilie teintée d’admiration béate pour l’étranger qui ne vient pas toujours avec les meilleures intentions du monde ; dans ce contexte, l’islam qui, justement, signifie « soumission », a de belles perspectives d’avenir en France.
Ceci pour montrer que même une Marion Maréchal, a priori opposée à l’invasion étrangère, a été suffisamment bernée par l’éducation reçue jusqu’à en oublier ce qui constitue – qu’on le veuille ou non - la colonne vertébrale du peuple français, sa marque de fabrique : son origine gauloise.
Cette origine n’est pourtant pas si lointaine et s’inscrit même dans le laps de temps auquel ont accès les historiens profanes puisque les premiers Celtes font leur apparition en Gaule au 6e siècle avant notre ère. Pourquoi cet ostracisme ? Pour nous couper de nos véritables racines.
Cette anecdote sur Marion Maréchal n’est que l’un des aspects négatifs de l’action, ou de la pensée, de cette jeune femme qui a déjà vendu son âme au diable puisqu’elle est, comme sa tante, réceptive à toutes les consignes édictées par l’Ordre mondial (voir nos articles : Voyage en Absurdie, les députés européens votent pour la guerre contre la Russie et aussi : Traditionalistes contre globalistes : le grand chambardement planétaire.)
Il est vraisemblable que le prochain but de cette ambitieuse politicienne sera de remplacer Marine Le Pen dans ses mêmes fonctions et de continuer son œuvre de détournement du vote de plus de 10 millions de Français qui croient encore naïvement que l’une comme l’autre vont accéder au pouvoir afin d’exaucer leurs vœux. Elles ont bien d’autres chats à fouetter (ou à caresser).
On se rendra compte que, par ce biais, ce ne sont pas seulement les Gaulois qui seront passés à la trappe mais leurs descendants lobotomisés de l’après-2020, à savoir les Français eux-mêmes.
Cette présentation nous permet également de montrer que Macron n’a pas grand mérite à revendiquer la destruction de la France, dans son corps et dans son esprit: le gros du travail a été fait bien avant son arrivée au pouvoir; il n’a eu qu’à pousser ce qui allait tomber. Il est une sorte d’exécutant des basses œuvres, en clair, on appelle ça un bourreau.
Le règne du démon
J’ai souvent démontré que Titan et Satan ont la même origine sémantique et même fonctionnelle, les deux faces d’une même médaille, tous les deux rêvant de remplacer Dieu sur Terre, le premier travaillant dans le cadre de la société traditionnelle afin de la corrompre dans le déchaînement technologique et robotique qui est l’apanage de la matérialité, du « progrès », et le second, créature maléfique issue des religions du Livre, attendant l’heure de se manifester au grand jour et de se proclamer roi de ce monde, en tout cas roi du monde cauchemardesque pour les humains qui se met en place.
Satan a déjà commencé à activer ses réseaux d’adeptes de par le monde; les cérémonies ouvrant et fermant les J.O. sont là pour le prouver ainsi que les divers spectacles offerts par les saltimbanques satanistes qui rassemblent, chacun, des dizaines de milliers de fans (fanatiques). Actuellement, ce sont les scandales à connotation pédophile, impliquant certains membres de « l’élite », qui sont révélés de plus en plus nombreux comme l’éclosion de fleurs vénéneuses qui surgissent brusquement de la pourriture des profondeurs [1].
C’est l’action de ces frères jumeaux, Satan-Titan, et celle de leurs suppôts au travers de diverses sectes pendant de nombreux siècles qui a produit cette dégénérescence, voire cette disparition à court terme, dont nous sommes victimes.
Ce qui se passe réellement, en ce moment même, est hors de portée de compréhension de nos concitoyens patelins.
Il me faut encore recourir à l’aide de nos ancêtres les Gaulois qui pensaient qu’il existait trois mondes : celui d’en bas, celui d’en haut et le leur, celui qu’ils co-naissaient et dont ils s’appropriaient le sol pour l’enrichir de leurs labours et de leurs moissons: la surface de la Terre.
Celui d’en bas est le royaume de Satan, tapi jusqu’à présent dans les profondeurs de la planète, secondé d’une manière plus voyante par son compère Titan qui ne cesse de ravager, par ses constructions et implantations artificielles tapageuses et polluantes, la terre de nos ancêtres qui étaient essentiellement des artisans et des paysans jusqu’à une période encore récente.
Il y eut un tournant décisif lorsque le diable est sorti de sa boîte en 2020, accompagné de sa cohorte de zombies.
J’ai dit et répété maintes fois que de l’inférieur ne peut naître le supérieur, que le monde spirituel est supérieur au monde matériel, que le grand privilège du monde d’en haut, le monde spirituel, est d’avoir la capacité de descendre s’il en est besoin alors qu’il est strictement impossible au monde d’en bas, le monde matériel, de monter sans autorisation du monde spirituel; c’est pour cette raison qu’il est utopique pour les titano-satanistes de penser gagner la guerre des deux mondes qu’ils ont bien imprudemment déclenchée.
C’est vrai qu’ils auront quand même un avantage: la guerre, du fait de l’impossibilité du monde d’en bas de monter, se fera sur le terrain qui est le leur, qu’ils partagent avec l’Humanité dont ils ne rêvent que de se débarrasser.
Diable ! Le moment est arrivé où je viens de perdre encore 90% des 10% de lecteurs qu’il me restait à convaincre. Nous en sommes donc désormais à 1% de lecteurs capables de nous suivre. C’est amplement suffisant pour continuer.
Une nouvelle génération d’éveilleurs
Le monde des étoiles appartient au monde d’en haut. C’est une lapalissade.
Nos ancêtres ont observé le ciel pendant des millénaires (ils ne se contentaient pas de gribouiller au fond de leurs cavernes) ; leurs connaissances en astronomie étaient même quelquefois supérieures à celles de nos savants contemporains, et ils disposaient de bien d’autres pouvoirs inaccessibles aux petits hommes d’aujourd’hui obligés d’inventer des prothèses, comme tout ce qui a trait au domaine de la technologie, pour remplacer ces pouvoirs perdus.
Même l’intelligence devient artificielle ; ces petits hommes en sont fiers [2], qui considèrent cette I.A. comme l’aboutissement de leurs recherches et leur ultime espoir de pouvoir transformer les hommes en robots.
L’I.A. ne pourra pourtant jamais remplacer cette petite flamme qui brille en chaque être humain depuis la nuit des temps et qui le relie, comme un héritage précieux et permanent, aux origines de la vie, aux origines de l’Homme, aux origines du monde, mais aussi aux origines de lui-même, cette petite flamme transmise, concrètement et symboliquement, de génération en génération pendant plus d’un millier d’années par les vestales romaines, qu’ont évoquée quelques grands penseurs, dans des registres bien différents, comme Jean Giono, ou René Guénon [3].
Une amie m’a conseillé de regarder les vidéos d’un jeune astrologue qui reprend cette idée dans une vidéo qu’il intitule : Message pour la Résistance de 2050 ; il assimile cette petite flamme à ce qui constitue la partie immortelle de l’être humain, l’âme, à travers la succession des vies passées et à venir, sans pour autant prononcer le mot de « réincarnation », peut-être pour ne pas effaroucher ses auditeurs. Il rejoint nos propos sur le sujet en prédisant que cette petite flamme sera la seule issue de secours contre les projets funestes que nous a concocté l’Ordre mondial.
C’est encore dans cette vidéo qu’il explique que la séquence « vaccin », ou plutôt « pseudo-vaccin », de 2020 était surtout destinée à inaugurer le cycle d’intrusion du projet totalitariste dans ce que l’être humain a de plus intime : l’intérieur de son corps et il démontre de façon magistrale que l’Intelligence artificielle n’aboutira qu’à nier le statut même de l’être humain qui, passant par l’hybridation, sera progressivement transformé en robot [4].
Le titre de cette vidéo suggère que la partie de l’espèce humaine qui ne s’est pas soumise aux injonctions du Système finira par se révolter et casser le processus de robotisation dans les années 2050. Il nous paraît que cette échéance est bien lointaine et que l’auteur de cette vidéo ne tient pas compte de l’accélération qui se produit en fin de cycle, si tant est que son analyse astrologique intègre le principe même d’un temps cyclique, une notion naturelle issue de l’observation des cycles des végétaux, des animaux, des saisons et des astres qui était commune à toutes les anciennes civilisations traditionnelles dont se réclament les primordialistes, avant que cette notion ne soit abandonnée pour celle, toute artificielle, d’un temps linéaire (un début-une fin) avec l’arrivée des religions du Livre.
Cet astrologue nouvelle génération s’appelle François Barthomeuf (photo), il anime un site consacré à l’astrologie [5] où il propose notamment des cycles de formation à cette discipline qui constitue l’une des plus anciennes sciences sacrées (avec l’astronomie ou l’alchimie, entre autres).
Les Chaldéens mésopotamiens sont les plus anciens sages connus ayant exercé cette discipline et l’ayant transmise de par le monde.
Diodore de Sicile écrit ceci, à leur propos, dans son ouvrage Bibliothèque historique :
« Les Chaldéens enseignent que le monde est éternel de sa nature, qu'il n'a jamais eu de commencement et qu'il n'aura pas de fin. Selon leur philosophie, l'ordre et l'arrangement de la matière sont dus à une providence divine ; rien de ce qui s'observe au ciel n'est l'effet du hasard ; tout s'accomplit par la volonté immuable et souveraine des dieux. Ayant observé les astres depuis les temps les plus reculés, ils en connaissent exactement le cours et l'influence sur les hommes, et prédisent à tout le monde l'avenir. »
Lorsqu’on s’aventure sur Wikipedia, désormais totalement sous la tutelle du Système, on s’aperçoit que l’article consacré à l’astrologie a été parasité par ce qu’on appelle les officines de « vérification », en fait, la nouvelle Inquisition qui frappe d’excommunion (ou d’excommunication) toute idée ou propos qui ne s’insère pas dans le politiquement correct établi par l’Ordre mondial et nos nouveaux maîtres titano-satanistes. Mais leur intervention est tellement caricaturale qu’elle enlève toute crédibilité à leurs propos, jugez-en vous-mêmes : « L'astrologie est considérée comme une pseudoscience relevant du charlatanisme, une croyance indûment présentée comme scientifique, ou comme une superstition. L'astrologie se place, par sa méthode même, en dehors du domaine rationnel ou scientifique. Ses prétendues capacités prédictives ont été réfutées par diverses études scientifiques. »
En quatre lignes, tous les mots-clés propres à effrayer le « progressiste » moyen y sont: pseudoscience, charlatanisme, croyance, superstition.
Nous pouvons en déduire que le Système sait parfaitement où sont ses ennemis. Cela nous conforte dans l’idée que nous sommes sur la bonne voie.
François Barthomeuf consacre trois autres vidéos au thème astral d’Emmanuel Macron qui nous apportent de surprenantes révélations :
Episode 1 : Pluton et le thème d’Emmanuel Macron [6]
Macron est arrivé au pouvoir en se cachant sous un masque, ce qui est l’une des caractéristiques de ceux qui sont marqués par la planète Pluton. Mais François Barthomeuf avait détecté, dès son accession à la Présidence, sa véritable personnalité qui est celle d’un dictateur en potentialité.
Le pouvoir va mater férocement les premières révoltes (Gilets jaunes, paysans).
C’est le règne du mensonge et de la dissimulation qui atteindra son apogée avec les premières mesures vexatoires envers le peuple sous couvert de pseudo-pandémie en 2020 ; les macronistes en profitent pour démanteler les structures financières et économiques de la France et vendre à l’encan nos pépites industrielles.
Episode 2 : Le Monarc [7]
L’anagramme de Macron dévoile sa véritable ambition : Monarc ; Macron se dénommera lui-même Jupiter, le roi des dieux, ce qui est conforme à sa mégalomanie.
Dans cette phase, où les citoyens commencent à montrer les dents, Macron va s’ingénier à fragmenter les revendications et à dresser les différentes fractions sociales les unes contre les autres pour gagner du temps avant que le peuple, dans son ensemble, ne s’aperçoive qu’il a affaire à un pouvoir totalitaire et que les élites ne sont pas du tout bienveillantes envers lui mais, bien au contraire, qu’elles ne visent qu’à le détruire.
Episode 3 : Révolution de 1789 et Révolution de 2026 [8] :
François Barthomeuf évoque une configuration exceptionnelle en mars-avril 2026 qui annonce des bouleversements décisifs en France : c’est Pluton dans le signe du Verseau opposé à Jupiter dans le signe du Lion ; quand on remonte le temps, la seule conjonction identique se situe en… juillet 1789 !
François Barthomeuf évoque aussi à la même époque l’éventualité d’un procès de Macron, suite à ce qui paraît s’annoncer comme une Révolution, mais il nous fait remarquer qu’il faut aussi, pour que cette Révolution réussisse, qu’elle soit menée, d’en haut, par un personnage qui disposerait « d’une légitimité morale, par rapport à la France, un nom qui résonne à l’oreille des Français, qui dépasse les clivages des partis, qui réunisse toute la population française fragmentée au travers d’une vision philosophique (spirituelle ?) pour la France. »
J’ai pensé, en lisant ce portrait, à Pierre De Gaulle, petit-fils du Général, personnage de caractère mais discret, aux idées pleines de bon sens et de sagesse, suffisamment jeune (61 ans) pour exercer de hautes fonctions. Encore une fois, c’est en lisant sa biographie éditée par Wikipedia que je me rallie, par contrecoup, à l’éventualité de sa candidature.
En effet, les rédacteurs de Wikipedia, anonymes, bien sûr, ont montré, en rédigeant cette biographie, leurs aspects les plus répugnants, car elle ne peut pas être plus infâme pour cet homme qui, me semble-t-il, mérite le respect. Le Système fera tout pour qu’il ne puisse pas constituer un recours le moment venu.
Je me suis aussi intéressé à François Barthomeuf parce qu’il pourrait représenter l’un de ces nouveaux éveilleurs de conscience que nous appelons de nos vœux. L’un de ceux que Julius Evola appelait les « êtres différenciés », susceptibles de préparer le nouveau cycle qui s’annonce.
Préparer les germes du cycle futur
Pour expliquer pourquoi j’ai accepté, sans trop de chagrin, que certains de mes lecteurs ne me suivent plus à tel moment de cet article, je voudrais rappeler que René Guénon disait, dans Le Règne de la quantité que les événements qui vont inévitablement advenir « ne pourront pas être compris par la généralité, mais seulement par le petit nombre de ceux qui seront destinés à préparer, dans une mesure ou dans une autre, les germes du cycle futur. Il est à peine besoin de dire que, dans tout ce que nous exposons, c’est à ces derniers que nous avons toujours entendu nous adresser exclusivement, sans nous préoccuper de l’inévitable incompréhension des autres ».
D’autre part, le présent article est constitué de plusieurs strates ; son titre évoque la guerre que se livre depuis bien longtemps les forces d’en haut et les forces d’en bas, pour simplifier, celles du bien et celles du mal. Les propos de François Barthomeuf évoquent plutôt celles du milieu, qui sont à la surface de la Terre qui est le domaine des hommes et que veulent conquérir celles du bas, en éliminant tout simplement ses habitants ou en les transformant en esclaves ou en robots.
Les cyclologues savent qu’une fin de cycle voit toujours le déchaînement à la fois des forces surnaturelles, celles des hommes et celles de la nature.
Les fins de cycle décrites par Mircéa Eliade sont souvent liées à des déluges ou à des catastrophes naturelles, mais bien souvent aussi couplées à des guerres entre les peuples ou entre des forces invisibles, selon les traditions du monde. Il semble bien que, pour la première fois, il pourrait s’agir aussi - en plus - d’une guerre entre les élites au pouvoir et leurs propres peuples à un niveau planétaire, ces élites ayant fait alliance avec les forces d’en bas, que nous appelons titano-satanistes.
François Barthomeuf situe en 2026 une possible révolution en France, un auteur primordialiste chrétien, Jean Phaure (1928-2002), également astrologue, situe la fin de notre cycle en 2030 [9], de même que Nicolas de Cuse (1401-1464). Ces deux dates sont fort proches ; s’agirait-il du même événement, celui de 2026 à l’échelon local, amplifié quatre ans plus tard à l’échelon planétaire ?
L’avenir nous le dira.
Pierre-Emile Blairon
Notes:
[1] Comme, par exemple, celui incriminant le rappeur milliardaire dénommé P. Diddy, qui impliquerait notamment le prince Harry, soupçon dont nous avions déjà soulevé la pertinence dans notre article daté du mois d’avril : L’étrange famille royale d’Angleterre : sous le soleil de Satan ?
[2] https://www.tiktok.com/@letiktoker134/video/7418264280782490913
[3] Pierre-Emile Blairon, L’Iceberg, p.150 et suivantes, 2021.
Voir aussi : Pierre-Emile Blairon, La Tradition primordiale, la quête de nos origines, la prescience du futur, p. 50, 2022 : « J’ai dit que les transhumanistes qui cherchent à détruire le dieu qui est en nous n’y arriveront jamais, car il est représenté par un tout petit organe, une petite flamme intérieure qui ne s’éteint jamais, que leurs moyens techniques sont incapables de localiser ; ce petit organe est relié par un fil indestructible à l’univers, un peu comme le fil d’argent qui nous relie à notre corps lorsque nous en sortons, selon les personnes qui ont expérimenté cet EMC (état modifié de conscience) »
[4] https://www.youtube.com/watch?v=VpX_3D_Eco8, à partir de 50’.
[5] https://www.youtube.com/@AstroScience-fr
[6] https://www.youtube.com/watch?v=km_48qEHayw
[7] https://www.youtube.com/watch?v=FtvxZsjMWzI
[8] https://www.youtube.com/watch?v=Fr9se4mY-2g
[9] Voir notre article : Les quatre paliers de l’Apocalypse
17:25 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : traditions, pierre-émile blairon, cyclologie | |
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dimanche, 13 octobre 2024
Sur le Bestiaire de Rome d'Alfredo Cattabiani
Sur le Bestiaire de Rome d'Alfredo Cattabiani
Giovanni Sessa
Source: https://www.paginefilosofali.it/sul-bestiario-di-roma-di-alfredo-cattabiani-giovanni-sessa/
Alfredo Cattabiani, décédé en 2003, était un intellectuel de grande valeur, trop vite oublié par le milieu culturel auquel il appartenait. À travers ses œuvres et, surtout, sous la direction de maisons d'édition comme Dell'Albero, Borla et Rusconi (dont le catalogue a d'ailleurs été réédité par la suite par Adelphi de Calasso), Cattabiani a exercé une pédagogie obstinément traditionnelle. Un de ses livres d'une valeur incontestable, Bestiario di Roma (Bestiaire de Rome), publié par Iduna (sur commande: associazione.iduna@gmail.com, pp. 392, euro 25.00), est récemment paru en librairie. Dans ces pages, très denses en termes de contenu, l'auteur introduit le lecteur à la compréhension du sens profond de Rome et de sa mission. Il le fait en décodant et en clarifiant le sens du bestiaire symbolique que les visiteurs de la Ville éternelle ne peuvent manquer de remarquer dans les frises des palais nobles, dans les temples antiques qui ont survécu ou sur les façades des églises de la Renaissance et du Baroque : « Un bestiaire luxuriant sculpté ou peint peuple le sous-sol et les rues de cette ville à la beauté opulente [...] un labyrinthe babylonien dans le temps » (p. 7). Le volume est enrichi d'un remarquable appareil d'illustrations et de photographies qui facilitent la compréhension du récit.
L'extraordinaire patrimoine de la Sagesse traditionnelle est gardé par les effigies animales du bestiaire sacré: pour l'élucider, l'auteur guide le lecteur à travers une exégèse érudite des mythes et des légendes, captivante et engageante sur le plan de la narration. La plume de Cattabiani est légère et rend immédiatement intelligibles, même pour le néophyte, des questions symboliques et théologiques complexes. Pour s'introduire astucieusement dans l'univers idéal de la Tradition, il faut partir d'un postulat général : le cosmos est théophanie. Chaque chose, entité ou animal est un symbole, l'incarnation d'une potestas divine : « Chaque animal [...] a évoqué à l'imagination humaine des vices et des vertus, des états psychologiques et spirituels, des dieux et des démons » (p. 7), dans une polysémie de significations qui, dans l'histoire de Rome, a connu des stratifications successives.
Dans la Ville éternelle, en termes urbains, architecturaux et picturaux, la religiosité classique antique est flanquée de basiliques chrétiennes. Ce qui saute aux yeux dès que l'on pénètre dans le « labyrinthe » Rome-Amor, c'est la glorification du cosmos et de ses énergies. Le serpent, par exemple, est un animal qui a progressivement pris la valeur d'une icône céleste et d'une présence ténébreuse, faisant finalement allusion à la vie qui renaît à chaque printemps. C'est pourquoi Cattabiani, dans son analyse du bestiaire romain, utilise la méthode comparative qui, de temps en temps, remet en question le mythe, la théologie et les contingences historiques. Il consacre également un chapitre très intéressant à l'héraldique, car « les armoiries nobles se réfèrent à un code emblématique qui ne correspond que partiellement à celui des anciens bestiaires » (p. 8). L'exégèse des abeilles des Barberini ainsi que celle des dragons et des aigles des Borghèse est particulièrement intéressante.
L'idée de beauté, entendue au sens traditionnel, échappe à la réduction à laquelle les nouveaux philistins l'ont condamnée : elle est la substance de la vie, en ce sens que « l'harmonie ne peut susciter autour d'elle d'autres harmonies, même sociales » (p. 9). La beauté a un caractère éducatif, c'est un paradigme civil. L'incipit du volume porte en son centre le symbole par excellence de la romanité, la Louve.
Abordant les mythes fondateurs de l'Urbe, Cattabiani montre que le loup est l'animal totémique de Rome : « Les Étrusques vénéraient en effet un dieu des enfers représenté avec une tête de loup » (p. 14), dont les traits s'apparentent à Soranus, en l'honneur duquel des rites de purification se déroulaient sur le mont Soratte. Ces puissances divines, comme le précise Kerényi, avaient également des traits uraniques, étant représentées comme des types divins syntoniques de l'Apollon grec, avec arc et bouc à la main. Les Luperci étaient aussi ceux qui, lors du passage de l'hiver au printemps, célébraient un rituel symbolisant la refondation de la vie cosmique et sociale. Le Palatin, dans l'Antiquité, était appelé Ruma, le sein qui infuse la vie, dans une optique de géographie sacrée très évidente. Les mêmes noms, Romulus et Remus, renvoient étymologiquement à Ruma, la mamelle de la louve. L'appartenance à Dionysos et Apollon est encore confirmée par le fait que le figuier ruminal, sous lequel le panier des jumeaux s'est échoué le long du Tibre, était consacré au dieu de l'enthousiasme. À Rome, d'ailleurs, les lupe étaient appelées les prostituées sacrées, incarnant la force de reconnexion de l'éros.
Parmi les nombreux animaux du Bestiaire de Rome, arrêtons-nous aussi brièvement sur le papillon. Platon, dans le Phèdre, soutenait que ce gracieux insecte faisait allusion aux ailes de l'âme qui, en vertu du processus anamnestique, aspirait à se réunir avec les réalités idéales. Ainsi, « Psyché, conservée au musée du Capitole, [...] est une figure féminine avec des ailes de papillon » (p. 110). Psyché-papillon vit en intimité avec la force céleste, aimée par le divin et tendue anagogiquement dans un iter qui l'élève au Bien-Belle. Dante, dans la Commedia, est conscient de ce contexte lorsqu'il écrit : « Vous ne vous rendez pas compte que nous sommes des vers/ Nés pour former le papillon angélique/ Qui vole vers la justice sans écran ?
Le Bestiaire de Rome est le gardien de l'héritage spirituel et intellectuel de la Tradition. Aujourd'hui, il n'est pas visible en raison de la pauvreté du temps présent, mais il est toujours en vigueur dans le temps. Cattabiani invite le lecteur à le réactualiser. Un héritage essentiel, à prendre au sérieux.
17:47 Publié dans archéologie, art, Livre, Livre, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alfredo cattabiani, rome, rome antique, bestiaire, livre, antiquité romaine, traditions | |
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jeudi, 10 octobre 2024
Le soufisme est-il soluble dans la cafetière occidentale?
Le soufisme est-il soluble dans la cafetière occidentale?
Claude Bourrinet
Séduit par le soufisme (at-taṣawwuf), plus particulièrement par le courant qu’on appelle sobre, en opposition avec un autre, plus exubérant, j’ai consacré plusieurs mois à étudier les aspects philosophiques, théologiques, mystiques et historiques de cette tradition musulmane. A vrai dire, ayant lu quelque peu certains ouvrages de Henry Corbin, et, comme tout honnête homme curieux de savoir, je n’ignorais pas les bases de cette spiritualité, ni le nom de sages illustres, qui l’ont illustrés depuis mille ans à peu près.
On sait par ailleurs qu’outre le partage que j’ai rappelé entre deux sortes de soufismes, la réalité dans le temps et dans l’espace de cette approche du divin est d’une complexité vertigineuse, d’autant plus qu’elle s’entremêle avec les deux courants religieux qui s’opposent au sein de l’islam, le sunnisme et le shî’isme, ce dernier étant divisé en shiites duodécimains et en ismaéliens. Et je passe sur d’innombrables autres courants, certains nourris des spécificités de territoires riches en mémoire ascétique et mystique, que l’immense empire musulman a plus ou moins intégrées. Un exemple est celui d’un théosophe comme Sohrawardi, dont l’empreinte a été si importante dans l’histoire de la mystique musulmane. On sait qu’il était persan, et qu’il avait renoué avec la sagesse de l’ancienne perse, de Zarathoustra en particulier. Pour ce qui est du shî’isme, les ulémas ont critiqué sévèrement le soufisme en tant que tel, au nom de l’eschatologie imamologique, mais, dans la pratique, de nombreux traits appartiennent à l’un et à l’autre.
Quoi qu’il en soit, sans me demander si je devais me convertir à l’islam (qui est, bien entendu complètement différent que ce que les médias et ses détracteurs veulent dire de lui, et qui n’est suggéré que par l’ignorance et l’hostilité, voire le racisme pur et simple), je m’en suis tenu à quelques points, qui rappellent René Guénon :
- D’abord, le soufisme a sauvegardé – puisque c’est sa base existentielle – la dimension ésotérique (je vous passe les termes en arabe), tandis que le christianisme l’avait abandonné, s’en tenant, comme le sunnisme « légaliste », à la dimension exotérique, rituelle, morale et dogmatique (que le soufisme ne rejette pas, évidemment).
- Ensuite, l’on y trouve, presque à l’état pur, des traits caractéristique de voies mystiques appartenant à des sphères religieuses différentes, comme certains courants chrétiens – surtout dans le monde orthodoxe, comme l'hésychasme, mais aussi, jusqu’à Ignace de Loyola, dans le catholicisme, dans certaines traditions bouddhistes, comme le zazen, ou même dans ce que l’on sait du paganisme, dans le chamanisme, par exemple. En soi, ces remarques doivent porter à appréhender cette galaxie mystique avec ouverture et tolérance, tout en n’oubliant pas les particularités qui démarquent.
- Last but not least (car on pourrait trouver encore maints visages attirants dans le soufisme), c’est la valeur, la profondeur des œuvres des grands saints de cette spiritualité qui, indépendamment de l’engagement (pourtant essentiel) dans le culte, ou la foi, donnent le désir d’aller plus avant. Un Ibn’Arabî est un continent à lui seul.
Toutefois, on ne peut pas ne pas se poser la question de la pratique. Ceux qui ont fréquenté un tant soit peu le monde de la spiritualité, à moins d’être un intellectuel perdu dans ses nuages, n’ignorent pas que la véritable connaissance de Dieu (s’il se peut), du moins l’approche du Divin, doit engager tout l’être, le corps, l’âme, l’esprit, et pas seulement l’intellect. Or, c’est là que le bât blesse. En effet, la religion en tant que message, mais aussi comme sa face secrète ou plus intime, sont toujours nées d’une terre, d’une civilisation – même si l’on concède qu’il existe d’innombrables ponts entre les grands ensembles où les hommes vivent et meurent. Il est fort à parier que l’attirance pour le soufisme procède d’une curiosité exotique pour l’altérité, telle qu’on la retrouve aussi dans le bouddhisme occidental.
A ce propos, je vais faire une digression. Il y a quarante ans, j’avais été très séduit par le zen, et je m’étais intégré à l’antenne nordiste (Lille) de l’association zen international. On m’avait très vite intronisé moine, au bout d’une ou deux semaines (avantage par rapport au monachisme chrétien, où il est nécessaire de patienter pendant au moins une année!). D’une certain côté, peut-être à l’encontre de ce qu’espéraient sans doute mes interlocuteurs, ce n’était certes pas une « facilité » qui me réjouissait particulièrement, moi qui étais à la recherche du feu et du fer, en tout cas de la bagarre (avec soi-même). D’un coup, sans même avoir tiré un coup de feu, j’étais propulsé dans le rang des sous-off. ! Malgré tout, les séances de zazen n’étaient pas sans charme: le son cristallin de la clochette, l’odeur sensuelle et enivrante – quoique soporifique – de l’encens, nos bures de moines bouddhistes, nos déambulations de somnambules…
Mais quand les deux dames qui animaient ce culte me conseillèrent, pour m’habituer à plier mes jambes en position de lotus, je me mis vraiment à douter. En effet, elles me dirent qu’il me fallait d’abord rabattre une jambe, pour l’accoutumer, puis l'autre, puis les deux, en … regardant la télévision ! Pour le coup, mon indignation atteignit la stratosphère ! Moi qui voulais justement échapper à la laideur et à la bêtise du monde moderne ! Et, elles aussi, elles se gavaient de télé ! Et elles aggravèrent leur cas, à mes yeux, en rajoutant une balourdise, que je ne pus digérer. Elles me contèrent qu’elle étaient passées au bouddhisme par haine de la hiérarchisation de l’Église. Jadis, elles étaient très engagées dans le christianisme, mais seulement voilà, il y avait les curés, les évêques, les cardinaux et… le pape. Pour ma part, moi qui ai un tempérament assez militaire, je n’ai jamais perçu dans l’obéissance un quelconque obstacle à la quête religieuse. Au contraire. Probablement n’avaient-elle pas lu les nombreux récits qui décrivent la vie dans les monastères bouddhistes japonais, où l’obéissance à l’abbé, ou au maître, est encore plus féroce que dans notre Occident, qui s’est amolli. Pour finir, l’estocade vint d’un dépliant que je reçus, et qui faisait de la « réclame » pour le zen. On croyait appâter le client en produisant cette phrase, qui dansa devant mes yeux comme une muleta devant le taureau : « Si vous vous sentez mal dans votre corps et dans votre esprit, retrouvez le bien-être avec le zen ! » Le « bien-être » ! Et pourquoi pas l’orgasme ?
Bref, j’ai pris conscience, de façon pour ainsi dire charnelle, du moins existentielle, de ce qu’était le bouddhisme occidental, qui n’a rien à voir avec le courant très ardu, qui s’est développé en extrême Orient. Un occidental serait-il capable d’endurer ce qu’un Japonais est capable de supporter physiquement ? En outre, pour un Oriental, l’ego est perçu différemment qu’en Occident. On peut dire ce que l’on veut, en répétant la doxa bouddhiste, dans la réalité, le moi existe, et continue à peser, chez les petits bourgeois qui croient d’adonner à cette spiritualité. Regimber contre la hiérarchie en tant que telle, n’est-ce pas là l’une de ses manifestations ? J’ai peur que ce qui attire irrésistiblement les adeptes de ces spiritualités mal comprise, c’est tout simplement un certain quiétisme. Je sais qu’il faudrait développer ce point. Toujours est-il que j’ai remarqué un point commun entre le zen que j’ai connu, et l’association soufie dont j’ai trouvé la trace sur le web, et dont l’animateur est un excellent essayiste : les femmes y sont massivement majoritaires.
Plus profondément, c’est la possibilité d’emprunter une religion exogène, dans un cadre civilisationnel, social, psychologique, comportemental, etc. différent, et même parfois opposé à la civilisation qui l’a engendrée, qui est en jeu. Certes, le christianisme vient du judaïsme. Mais il s’est hellénisé très vite, et son ancrage en Europe lui a apporté des éléments structurels, tant intellectuels que « folkloriques », « légendaires », qui l’ont transformé au point qu’il a pu paraître un habit idoine pour notre être historique. Quoi qu’on fasse, que l’on croie ou nom, on reste chrétien, peut-être catholique. Cela ne signifie pas, une fois de plus, qu’on ne trouve dans le trésor spirituel légué par les grands saints et penseurs soufis une sagesse qui peut nourrir notre quête. Et que le christianisme, du moins en Occident, soit plutôt en fin de vie ! Quant à moi, en ce moment, je suis plutôt accueillant à toutes les religions, et toutes les sagesses. Mais je ne suis pas un saint.
11:32 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : traditions, soufisme, zazen | |
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samedi, 28 septembre 2024
Ver Sacrum: la source sacrée chez les peuples italiques et son importance pour Rome
Ver Sacrum: la source sacrée chez les peuples italiques et son importance pour Rome
Par Chiara (Blocco Studentesco)
Source: https://www.bloccostudentesco.org/2024/08/29/bs-ver-sacrum-primavera-sacra-italici-e-romani/
Le printemps a toujours été associé à la renaissance, au retour de la lumière et à l'allongement des jours.
Dans les civilisations anciennes, il était si important qu'il marquait le calendrier, coïncidant avec le début de la nouvelle année astronomique, avec l'entrée du soleil dans la constellation du Bélier.
C'était le cas pour les Romains, qui célébraient à cette occasion les Matronalia, fêtes de la déesse Juno Lucina, protectrice des femmes, de la gestation, de l'accouchement et du mariage. Les femmes romaines apportaient des offrandes au temple qui lui était dédié sur la colline de l'Esquilin, construit, selon Varron, par Titus Tatius, roi des Sabins, à la suite de l'interruption de la guerre entre les Romains et les Sabins eux-mêmes grâce à l'intervention de quelques femmes courageuses.
Le calendrier romulien comportait dix mois (Numa Pompilius y ajoutera janvier et février), dont le premier était mars, période de renaissance de la nature et de l'esprit. Au cours de ce mois, la trêve hivernale des batailles prenait fin et il était possible de reprendre la guerre. Rome et son armée renaissaient en même temps que la fière nature.
La religion romaine est née d'un mélange de croyances et de rituels différents, en particulier ceux de la période pré-impériale. Avant le Ier siècle, les influences extérieures étaient nombreuses; il suffit de réfléchir aux mythes des origines, où Latins, Étrusques, Osco-Umbriens et autres peuples italiques se sont rencontrés, créant ensemble ce qui allait devenir la ville éternelle. Le ver sacrum s'inscrit parfaitement dans ce schéma.
Selon Paul Diacre, il s'agissait d'un sacrifice au cours duquel les hommes et les animaux nés au printemps étaient immolés à une divinité pour protéger la communauté des dangers. Les animaux étaient abattus, tandis que les enfants à naître étaient consacrés à la divinité et, une fois qu'ils avaient atteint l'âge de la majorité, la tête voilée, ils étaient accompagnés jusqu'aux frontières et éloignés de leur patrie.
Pour Denys d'Halicarnasse, en revanche, le phénomène se produit à la suite d'une explosion démographique ou en raison de problèmes liés à la production agricole et à la subsistance de la population.
Il parle de deux types de ver sacrum: l'un se produisait dans la joie, en rapport avec une promesse faite à une divinité en temps de guerre ou pour une explosion démographique; l'autre, au contraire, se pratiquait dans la souffrance, pour obtenir du dieu une intervention qui puisse épargner des souffrances à la communauté.
Toutes ces « migrations » étaient caractérisées par la présence d'un animal totémique, un dieu qui veillait sur ceux qui partaient à la recherche de leur nouvelle patrie.
Les voyages se déroulaient de manière ordonnée et les voyageurs imitaient les mouvements et le comportement de l'animal-guide afin de bénéficier d'une protection tout au long du chemin.
Strabon nous apprend que le noyau sabin qui allait donner naissance aux Samnites était conduit par un taureau, tandis que Flaccus écrit que celui qui s'est matérialisé dans les Picènes était conduit par un pivert ; tous ces animaux étaient sacrés pour Mamers, un dieu osco-umbrien qui correspond au Mars des Latins.
C'est probablement de la présence de totems qu'ont découlé les insignes militaires romains caractérisés par des effigies d'animaux. La corrélation entre le ver sacrum et le monde militaire est donc évidente; Denys d'Halicarnasse affirme encore que les jeunes gens partaient armés de leur patrie.
Le pic, le loup et le taureau sont des animaux fondamentaux dans la religion romaine primitive.
Le premier animal rappelle la figure divine de Picus, l'un des premiers rois romains de la période « héroïque ». Il était le fils de Saturne, dieu de l'agriculture et des semailles, et de Pomona, nymphe protectrice des plantes fruitières. Selon une version du mythe, la magicienne Circé tomba amoureuse de lui et, après avoir été rejetée, le transforma en pivert. Le fils de Picus était Faunus, à son tour père de Latinus, fondateur du peuple latin, ancêtre des Romains.
Déjà dans la mythologie indo-européenne, il était l'oiseau du feu et de la foudre, symbolisé par sa marque rouge et le fait que le son qu'il émet ressemble à celui du bois que l'on frotte pour allumer un feu.
Le taureau, déjà animal divin dans les religions orientales et dans les religions grecques (minoennes), a été utilisé, notamment à l'époque de la guerre sociale, comme symbole de la ligue samnite. Il est ainsi devenu un élément identitaire: sa seule représentation rappelle le peuple auquel il est lié.
Quant au loup, il était l'animal guide des Irpini et des Lucani, deux autres des peuples qui composaient la ligue osco-umbrienne. De plus, le loup, dans sa version féminine, ne peut que nous faire penser à Rome. Et la louve capitoline fait aussi partie de cette histoire, puisque c'est Picus qui l'a aidée à élever les jumeaux Romulus et Remus.
L'étroite relation entre le monde animal et le monde divin permet donc d'acquérir les éléments nécessaires pour comprendre la civilisation romaine et toutes ses particularités.
Le ver sacrum est une autre manifestation festive traditionnelle prouvant combien le monde antique était complexe et comment Rome a assimilé ces traditions issues des populations qui lui étaient voisines. Tous les peuples ont la conscience de leur propre identité et Rome, pour sa part,a absorbé toute la diversité de ses voisins, tout en la ré-élaborant selon ses propres principes de base. La connaissance des peuples italiques, par voie de conséquence, s'avère absolument fondamentale pour comprendre à fond ce que deviendra la ville, caput mundi.
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samedi, 14 septembre 2024
Interprétation métaphysique des mythes
Interprétation métaphysique des mythes
Eduard Alcántara
Source: https://septentrionis.wordpress.com/2019/09/22/interpretacion-metafisica-de-los-mitos/
On rencontre souvent des interprétations de mythes faites à partir de la littéralité de ce qu'on y lit. Une première lecture de ceux-ci y conduit indubitablement. Mais les mythes des différentes traditions sapientielles présentent différents degrés d'interprétation, chacun d'entre eux étant approprié au type d'homme qui y accède. Ceux qui connaissent l'ésotérisme qu'ils contiennent doivent s'efforcer de les interpréter en profondeur: dans une perspective métaphysique.
À titre d'exemple, nous avons, comme nous l'expliquent les Eddas, ce qui s'est passé entre Sigmund et Odin et l'intervention du dieu pour faciliter la mort du héros. Nous ne devrions pas, à cet égard, faire des réflexions qui appartiennent à un plan différent de celles que nous devrions faire sur les influences que la déesse Freya aurait pu avoir sur les décisions d'Odin... et ce plan devrait être le plan métaphysique et non le plan humain.
Au-delà des commentaires mondains sur les prétendues « calzonacerías » du dieu qui écoute ce que lui dit sa femme, nous devons nous élever à un niveau d'interprétation ésotérique et, par conséquent, nous n'avons pas moins à nous rappeler certains commentaires très justes qu'Enrique Ravello a faits il y a de nombreuses années sur la race solaire des Tuatha de Dannan, dont la tradition celtique nous parle dans « Le livre des invasions ». Nous avons été frappés par le fait qu'une race solaire ait le nom de « Dannan » associé à son ethnonyme, car ce terme nous semblait renvoyer à des divinités de type démétrique-chtonien-matriarcal.
Ravello a fait une comparaison très éclairante avec Shiva et Kali. Kali danse autour de son consort Shiva, symbolisant en réalité la shakti (énergie cosmique) qui, par son action, permet au Principe (Shiva - ou, selon l'approche, brahman) de passer de la puissance à l'acte (de s'actualiser) et donc de se manifester ; tout comme l'atman (la semence divine) peut s'actualiser dans l'homme différencié grâce à l'activation de ladite énergie (appelée, chez l'être humain, kundalini). Ainsi, Dannan serait l'équivalent de Kali (la shakti) et expliquerait de manière satisfaisante la conquête du divin (à partir de l'activation de la shakti-kundalini-Dannan) par cette race solaire (les Tuatha). Et, de la même manière, Freya symbolise (non pas sur un plan exotérique mais sur un plan ésotérique) cette shakti qui actualise Odin pour qu'il se manifeste et, sur le plan sensible de la réalité, prenne des décisions et agisse. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter l'influence de Freya (ou de Héra) sur les décisions d'Odin (ou de Zeus).
Nous répétons que dans un environnement purement religieux et exotérique, les mythes seraient perçus d'un point de vue littéral, mais dans un environnement traditionnel, il serait inexcusable de ne pas percevoir l'arrière-plan principal des mythes, qui est de nature métaphysique et ésotérique.
Si, par exemple, Odin brise l'épée de Sigmund, nous devons y voir le reflet de la spiritualité traditionnelle, pour laquelle le monde des hommes et celui des dieux ne sont pas irrémédiablement séparés. Par leurs rites, les hommes peuvent interagir avec le monde nouménal (des dieux) et ce dernier, par ces rites, peut se manifester dans le monde sensible et, en outre, - dans le cas de l'initié - être un symbole - cette manifestation nouménale - des effets suprasensibles réels que l'homme, en conséquence de ses actes, peut éprouver dans son for intérieur. Nous comprendrons ainsi comment les dieux apparaissent dans l'Iliade s'affrontant sur le même champ de bataille où s'affrontent les armées achéenne et troyenne, et nous comprendrons aussi comment le héros Diomède attaque - au cours de cette guerre - Aphrodite et la blesse à la main, ou comment il blesse lui-même Arès au flanc d'un coup de lance et oblige le dieu qui saigne à se retirer dans l'Olympe.
Nous pourrions comprendre la confrontation entre Diomède et Arès comme celle du héros qui a atteint l'éveil au premier principe non manifesté et qui est donc au-dessus de la divinité d'Arès, qui, en tant que dieu, fait partie du monde manifesté (même s'il est subtil). On pourrait également interpréter qu'en blessant Arès, il blesse sa propre fureur, symbolisée par ce dernier, comprenant ainsi le déconditionnement des turbulences mentales que l'initié doit réaliser sur son chemin vers la conquête de l'Éternel et de l'Impérissable dans son propre être.
Dans les vers de l'Iliade, les dieux et les héros se côtoient et interagissent, comme un reflet fidèle de la proximité ontologique qui existait entre eux, et les dieux prennent l'un ou l'autre parti sur le champ de bataille. C'est une conséquence du fait que l'homme a été intérieurement transfiguré et est devenu un héros : il a réveillé, activé et actualisé la divinité dormante que nous portons tous en nous... il lui parle et regarde donc le dieu sur un pied d'égalité.
Du point de vue de la métaphysique, toute interprétation des mythes basée sur des critères rationalistes, psychologiques, moraux, bref, humains, est donc déplacée.
Eduard Alcántara
eduard_alcantara@hotmail.com
eduardalcantaracalatrava@gmail.com
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dimanche, 08 septembre 2024
La déesse-mère celtique Dana
La déesse-mère celtique Dana
Roberto Rosaspini Reynolds
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/09/la-diosa-madre-celta-dana.html
La régente suprême et déesse-mère du panthéon celtique insulaire était la déesse Dana, Danu, Anna ou Anu pour les Irlandais Gaël, Donu (Scott Gaël) et Don (Brython et Welsh).
DANA, mère de tous les dieux et de tous les humains du TUATHA DE DANNAN, régnait sur le Pays des Morts (le Monde Souterrain) et les druides invoquaient sa protection lorsqu'ils devaient agir en tant que psychopompes (conducteurs des âmes des ports).
Avec son compagnon Bilé ou Beli, elle était la régente suprême des TUATHA DE DANNAN, mentionnés comme les Clans de la déesse Dana dans les manuscrits de Goidel, et Fils de Dón dans la littérature galloise.
Les DANANN viennent, selon la légende, de quatre grandes villes, probablement mythiques, dont aucune trace de l'emplacement original n'a été conservée : Falias, Murias, Gorias et Finlas, de chacune desquelles ils ont rapporté un trésor magique.
De Falias vient la LIA FAIL, ou « pierre du destin », qui aurait poussé un cri lorsque le véritable successeur au trône d'Irlande {pierre parlante} était en sa présence.
De Murias vient le chaudron de Dagda, en possession de la déesse Arianrod, et de Finlas la lance infaillible, propriété de Nuada, Celui à la Main d'Argent, et de Gorias l'épée invincible de Lugh, Celui au Long Bras.
Dana, Donu ou Dun (selon la branche celtique) était la mère de tous les dieux, ainsi que la déesse de la lune et, en tant que telle, elle gouvernait les marées, les saisons de pêche et les récoltes. Elle était la patronne des sorciers et des augures, et on lui érigeait des temples fréquentés par des bandruidh (druidesses), que les habitants des villes allaient consulter pour connaître leur avenir et leur prospérité.
Il régnait sur le pays des morts, et les druides devaient lui demander la permission de guider les âmes des défunts récents à travers les portes du sidh jusqu'à leur dernière demeure.
Son nom est passé dans la toponymie, comme dans les pics jumeaux du comté de Kerry, en Irlande, qui étaient connus sous le nom de Da Chich Danann (les seins de Dana) (photos).
Dans la tradition galloise, elle est également vénérée, sous le nom de Dôn, comme la mère de certains dieux et héros, tels que Gwyddyon, Amaethon et Arianrhod.
Bien qu'il n'y ait pas de preuves concluantes, certains auteurs médiévaux assimilent Dana aux déesses Morrigan (celtique écossaise, irlandaise et mannoise), Rhiannon (galloise) et Modron (britannique) et, par l'intermédiaire de cette dernière, à la fée Morgane des légendes arthuriennes.
D'autres chercheurs associent la déesse DANA ou ANNA à une divinité indo-européenne archaïque, connue en Inde sous le nom d'Anna Purna (Anna la pourvoyeuse).
Il a également été suggéré que, en tant que divinité maternelle, elle a été christianisée sous la figure de SAINTE ANNA, la mère de la Vierge Marie, convertie par les catholiques irlandais en une divinité tutélaire aux traits nettement celtiques.
Roberto Rosaspini Reynolds : LES CELTES. MAGIE, MYTHES ET TRADITION
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mercredi, 04 septembre 2024
Noix et pain dans les rayons de l'éternité
Noix et pain dans les rayons de l'éternité
Alexandre Douguine
Je félicite tout le peuple russe pour être le sauveur de la noix et du pain.
Le grain et la noix sont les deux plus grands symboles de la culture spirituelle. Le grain est un symbole fondamental de la vie, de la mort et de la résurrection. Nous, les Russes, nous appartenons à la civilisation du grain. Dans notre vision primordiale du monde, tout se réduit à l'épi. La terre est préparée pour la germination. La graine est semée. Elle est protégée. Elle est récoltée. Priée. Et enfin, elle est transformée en pain.
L'apogée du mystère du grain est la prosphora - pour la transsubstantiation dans le corps de Dieu. Dans la prière principale, le peuple-painier, le peuple-paysan, le peuple-chrétien demande du pain. Et le Sauveur nous donne du pain, pour que nous restions sur sa terre, nous donne le pain quotidien.
Le pain est l'objet principal des soins. Tout le cosmos tourne autour du grain. Les champs sont sanctifiés par le soleil et la lune, lavés par les eaux célestes, balayés par des vents puissants, recouverts par la neige et son froid brûlant. Au commencement était le pain. Et l'homme russe a uni son destin à celui du pain. Nous sommes le peuple du pain. Le peuple du troisième sauveur.
La noix est également d'une importance capitale. Elle aussi est une image du monde - le noyau et la coquille, l'intérieur et l'extérieur. À l'extérieur du corps, à l'intérieur de l'âme. Le corps lui-même ne vaut rien, ne signifie rien, n'est nécessaire à rien. C'est une coquille, un cocon flétri. Une noix devient une noix grâce à son cerneau. Nous appelons d'ailleurs la noix comestible, "cerneau". Il n'y a donc rien de plus sinistre qu'une coquille vide, que son bourdonnement assourdissant, qu'un corps sans âme, qu'un extérieur sans intérieur. Nietzsche formule un aphorisme cruel : toute noix vide veut être cassée. Chaque corps veut exposer son âme, mais combien monstrueux est le moment où de la chenille flétrie émerge non pas un papillon lumineux, mais un vide béant ou ... une nouvelle chenille. C'est ainsi qu'une coquille donne naissance à un vide ou à une autre coquille.
Quand on trouve la bonne noix, on trouve l'amande. Cela signifie que le cours de la vie était juste et qu'il avait un sens. Dieu nous en préserve, si c'était le contraire.
Dans l'iconographie et la peinture des temples, le Christ apparaît dans une mandorle, c'est-à-dire dans une forme ovale semblable à une amande. Un autre symbole de paix avec la pomme. Sur le pourtour de la noix du monde se trouvent des étoiles. Son noyau est Dieu lui-même. Il ressuscite, il revit, il sauve. C'est pourquoi on l'appelle la noix salvatrice.
Ce n'est pas par hasard que les Russes ont donné un double nom au troisième sauveur. Ils ont remarqué que la récolte du pain et celle des noisettes ne coïncident presque jamais. Elles alternent. Soit le sauveur des noisettes, soit le sauveur du pain. Ce sont les territoires de deux espaces symboliques : le champ cultivé et la forêt sauvage. Ce sont des zones de nature et de culture. Dieu est là et là aussi. Mais de manière différente. Le grain exige de l'homme russe toutes ses forces vitales. La noix pousse d'elle-même dans la forêt. Deux images du monde.
Три Спаса n'est pas un ouvrage sur l'agriculture. Il s'agit d'un bref cours de métaphysique chrétienne russe, dispensé dans l'église, la prière, le travail et la nature. Notre christianisme cosmique. Ses origines sont au-dessus du monde, au-delà. Mais les rayons de la Sainte Trinité imprègnent de part en part toute la chair de l'existence. Et l'Esprit Saint est partout. Il n'y a aucun point qui lui soit inaccessible, aucune zone qui échappe à son contrôle. Le miel, la pomme, le pain, la noix, la culture, l'histoire, la société, la politique, la vie, la mort, les éléments, la nature, les animaux et les outils de travail sont tous ouverts à Dieu et à sa présence. Si nous voulons sauver, nous devons sauver tout le monde et toutes les choses. Après tout, tout est créé par Dieu. Cela signifie que tout a un noyau secret. Le monde est avant tout une âme.
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mercredi, 14 août 2024
Abellio Tao
Abellio Tao
par Laurent James
« Nous creusons la fosse de Babel » - Franz Kafka, Cahiers divers et feuilles volantes
Publié en 1953, Assomption de l’Europe est un ouvrage essentiel de Raymond Abellio. Il s’agit d’une analyse structurelle complète de la morphologie historique de l’Europe, et des raisons de sa transformation en Occident.
Abellio y explicite sa vision de l’ontogenèse des civilisations, précisant qu’elle est tout à fait similaire à celle des individus.
Il assigne cinq instants clefs à la vie d’une civilisation, à savoir : la conception, la naissance, le baptême, la communion et la mort, fondant ainsi une véritable symbolique historique des sacrements.
Ainsi, pour Abellio, la conception de l’Europe chrétienne se fait-elle par Jésus : le germe est déposé au sein de la matrice.
Par la naissance, le nourrisson quitte la matrice pour entrer dans le monde, tout en restant tributaire de sa mère ; pour Abellio, il s’agit de la scolastique de Saint Thomas d’Aquin, qui met toute sa raison dans la foi.
Le baptême consacre l’instant où la personne ne se contente plus de voir le monde : elle se voit elle-même. Elle renait de par l’acquisition de la conscience de sa propre conscience, se voyant pour la première fois comme sujet dans un monde d’objets. À la Renaissance, Galilée et Descartes mettent toute leur foi dans la raison.
Quant à la communion, il s’agit d’un moment où la civilisation change son rapport avec le monde, qui n’est plus un monde d’objets, mais un monde de sujets. Et un sujet, ça s’assujettit. En 1789, l’Europe ne se voit plus comme cause-de-soi, mais cause-de-l’univers. Elle s’appelle désormais Occident, et se confondra de plus en plus avec le monde jusqu’à ce que ce soit le monde qui devienne pleinement occidental. L’épuisement consécutif à cet épanchement indéfini mène en toute logique à la mort. Et c’est bien ce qui se passe aujourd’hui.
Cependant, cette loi des cycles montre la qualité de l’inachèvement indéfini de ce processus, chaque étape historique d’une civilisation ayant des répercussions indéfinies dans toutes les autres. Ainsi : « Le baptême de l’Europe fut la conception de l’Amérique » ; et, bien plus tard : « La guerre de 1941-1945 a marqué pour l’Amérique l’instant de sa Re-naissance ». De l’autre côté de la planète, le prétendu statisme de la civilisation chinoise, par exemple, naguère dénigré par Guillaume Faye pour mettre en exergue une supposée supériorité de la civilisation occidentale, n’est que le signe d’une durée beaucoup plus longue de ses trois premiers sacrements, par rapport aux civilisations placées sous le signe du christianisme.
Et il est fort probable que la Chine ne franchisse en ce moment les arcanes de sa propre communion avec le monde, ce qui ne pourra qu’aboutir au remplacement de l’Occident par la sinisation complète du monde – ce à quoi on finira bien par trouver un nom plus évocateur, et aussi plus précis, car contrairement au processus d’occidentalisation du monde qui prit son essor avec la transgression du nec plus ultra par Christophe Colomb, prenant les atours d’une exportation – forcément bancale – des aspects les plus formels et externes de la religion chrétienne, la sinisation actuelle du monde ne passe en aucune manière par la volonté d’imposer Lao Tseu, ni Confucius, et encore moins Bouddha. La Chine absorbe tout, et ne rejette rien.
Alors que c’est la géopolitique qui devrait l’emporter sur les idéologies, notons que c’est la technocratie qui l’emporte aujourd’hui sur la géopolitique, poursuivant sa tâche pour asseoir son pouvoir total, se jouant des guerres intra-continentales et de toute multipolarité, effective ou non. C’est-à-dire que le pouvoir absolu des ténèbres du non-être n’envisage plus du tout quelque choc des civilisations que ce soit, mais l’aplanissement des civilisations, et leur résorption dans une harmonie nihiliste de façade.
Le redressement économico-industriel de la Russie, tout comme de la Chine et prochainement de l’Inde, s’est fait sous les fourches caudines de la cyber-technocratie de surveillance généralisée. L’État s’est libéré des servitudes oligarchiques, pour tomber sous la férule des technocrates.
Les forces spirituelles, qui sont les forces vivantes de chaque civilisation, se battent ardemment pour retrouver leur place dans chacun de ces pôles, afin de rendre au concept de multipolarité son véritable caractère révolutionnaire et anti-occidental.
En Chine, aujourd’hui, la reconnaissance du visage, ou de la paume de la main, par numérisation optique sert bien souvent de moyen de paiement. L’identité personnelle de notre propre corps a remplacé l’impersonnalité suprême du billet de banque.
Mais on sait – en tout cas, je le sais parfaitement – que, par ailleurs, de nombreux groupes taoïstes de combat tentent de subvertir le néo-confucianisme au pouvoir, de manière à rendre à la Chine sa véritable autorité spirituelle (tout en conservant et fortifiant son ascendant politique).
La Chine hante toute l’œuvre de Raymond Abellio : essais, romans, journal, mémoires. Lors des Rencontres Abellio de 2014, Gilles Bucherie affirmait que la Chine était un outil abellien pour mesurer l’émergence de l’histoire invisible.
Il y a tout d’abord la prégnance du Yi-King, dont il est écrit dans le Manifeste de la nouvelle gnose qu’il « fonctionne sur une base quadripolaire, celle du Vieux Yang, du Jeune Yang, du Jeune Yin et du Vieux Yin », et dont la logique de la double contradiction « anime depuis des millénaires les transformations à l’œuvre dans les soixante-quatre hexagrammes ». Et Abellio insistait surtout sur le fait qu’il était temps de révéler au grand jour la Structure Absolue de ce Yi-King, car « nous sommes entrés dans une ère de désoccultation intellectuelle de l’ésotérisme ». Désocculter le Yi King, c’est montrer par exemple l’identité formelle de sa structure avec celle des codons du code génétique, ou même avec les lois de transformation des particules sub-atomiques (voir Le Tao de la physique, de Fritjof Capra). C’est mettre en avant « la logique sphérique contre la logique linéaire, la logique pleine contre la logique plane ».
« La désoccultation du Yi King s’inscrit dans la ligne d’une révolution culturelle universelle où la phénoménologie occidentale, en tant que fin de la philosophie, vient éclairer du dedans et en quelque sorte intérioriser la révolution permanente venue de l’Orient » (La Fin de l’ésotérisme).
Le Symbolisme de la Croix est peut-être le livre de René Guénon qui a le plus marqué la pensée d’Abellio ; et notamment ces chapitres de pure considération géométrique, généralement considérés comme difficiles, qui mettent en lumière le fait que « le passage des coordonnées rectilignes aux coordonnées polaires » décrivant la Croix en rotation sur elle-même aboutit à « la figuration du vortex sphérique universel suivant lequel s’écoule la réalisation de toutes choses, et que la tradition métaphysique de l’Extrême-Orient appelle Tao, c’est-à-dire la Voie » (Guénon, op. cit.).
L’image tridimensionnelle de la Croix en rotation comme seul et unique lien possible, vivant et agissant, entre Orient et Occident.
Stat orbis dum volvitur crux.
Quelques mots sur le rôle de la prêtrise invisible, absolument définitive pour l’avenir de notre civilisation selon Abellio, et dont les caractéristiques sont fondamentalement taoïstes : « Les prêtres purs sont toujours invisibles. Aussi est-ce à l’Occident se dissolvant en tant qu’Occident visible qu’il appartient de faire germer en lui l’esprit de la première caste, et celui-ci ne sera pleinement intensifié dans son ordre que lorsque cet Occident disparaîtra. […] Ces prêtres déjà conscients du futur Occident ne peuvent être aujourd’hui que des solitaires sans action visible dans le monde » (Assomption de l’Europe).
C’est dans cet esprit qu’Abellio, face à la tentation quiétiste, en appelait à un « militantisme prophétique » réunissant politique, science et spiritualité au sein d’un Ordre nouveau, mettant en œuvre une « dialectique du vide foudroyé » - comme l’écrivait Jean Parvulesco dans son portrait flamboyant Le Soleil rouge de Raymond Abellio, esquisse d’une « grande biographie personnelle » qui reste encore à venir…
À ma connaissance, la seule personne véritablement qualifiée à avoir tenté de revivifier cette idée motrice a été Ubald Hirsch, fils du kabbaliste Charles Hirsch, co-auteur avec Abellio de La Bible : document chiffré (originellement dédié à Pierre de Combas). Deux pages de l’ouvrage anonyme Les Magiciens du nouveau siècle (J’ai lu, 2018) relatent la tentative d’enlèvement d’Ubald à l’âge de dix ans par une secte séthienne... L’Ordre ardemment rêvé par Ubald Hirsch était structuré en trois fonctions majeures, trois castes opératives et quatre pôles visibles, et agencé suivant l’ordre sénaire-septénaire des arcanes majeurs du Tarot de Marseille – qu’Abellio voyait comme un équivalent européen du Yi-King. Ubald lisait Vers un nouveau prophétisme comme le mode d’emploi pour l’élaboration d’un militantisme prophétique et opératif, à visée à la fois gauloise et européenne ; il périt à la tâche, vaincu par Abaddon. Je tenais à profiter de ce texte pour lui rendre hommage.
J’ai nommé plus haut Fritjof Capra. Il y aurait toute une réactualisation synthétique des connaissances scientifiques à faire, dans la perspective abellienne d’élaborer à la fois une véritable science numérale au service de l’Ordre, et de fonder une physique basée sur la fécondité de l’indétermination. Le Tao est fluctuant – tout autant que l’énergie minimale de la matière, celle du Vide. Une physique qui emprunterait à Héraclite, Grégoire de Nazianze et Maître Eckhart les principes-clés de sa pensée, et que l’on pourrait coupler en toute sérénité avec le Tao Te King.
Une physique préconisée par Guénon dans ses Principes du calcul infinitésimal, où il précise que la définition d’un système à l’équilibre ne devrait plus reposer sur une somme vectorielle des forces nulles (principe fondamental de la statique), mais sur un produit vectoriel des forces égal à l’unité.
« Ainsi, l’équilibre sera défini, non plus par le zéro, mais par l’unité. Cette formule correspond exactement à la conception de l’équilibre des deux principes complémentaires yang et yin dans la cosmologie extrême-orientale ».
Il y avait quelque chose d’indéterminé
avant la naissance de l’univers.
Ce quelque chose est muet et vide.
Il est indépendant et inaltérable.
Il circule partout sans se lasser jamais.
Il doit être la Mère de l’univers.
Tao Te King, XXV
Le Tao engendre Un.
Un engendre Deux.
Deux engendre Trois.
Trois engendre tous les être du monde.
Tao Te King, XLII
Par ailleurs, la Chine - astrologiquement associée à Pluton dans La Fosse de Babel - se pose comme suprême horizon eschatologique dans Visages immobiles : son dernier roman, son « roman du huitième jour ». Elle apparaît alors de façon lumineuse comme une rupture radicale avec le monde juif – dont on sait qu’Abellio connaissait particulièrement bien les arcanes ésotériques. Et sa compréhension singulière de la signification de Kafka et Simone Weil ne fait que renforcer cette impression. « Kafka et Simone Weil ne sont pas des consciences juives qui se sentent prises au piège du corps européen, ce sont des corps juifs pris au piège de la conscience européenne » (Assomption de l’Europe).
Jean Parvulesco : « Aussi peut-on considérer que, si l’œuvre de Dostoïevski devait marquer l’entrée dans les ténèbres d’un cycle historique tout à fait final, le cycle même de la manifestation suprême des puissances négatives et de la grande subversion nihiliste à leur service, l’œuvre de Raymond Abellio en marque, elle, aujourd’hui, et comme au-delà de tout, la tragique sortie ». En montrant dans son dernier roman l’émergence planétaire d’un nouveau terrorisme, Abellio illustre également, et de manière concomitante, le remplacement de la gnose juive par la pensée chinoise.
Visages immobiles : « Dans le combat qui s’engage en ce moment pour la domination du monde, il n’y a plus que deux esprits moteurs, tous deux ultimes, et ce sont l’esprit juif et l’esprit chinois, que tout oppose. Je dis bien tout. Autant les Juifs, par leur activisme cérébral, sont des hypermâles faits pour l’action en soi, autant les Chinois apparaissent comme les porteurs de l’hyperféminité qu’appellent aujourd’hui le renversement des temps et le rééquilibrage paisible du monde ».
Yang juif contre yin chinois.
Taoïsme suprême de la Fin des Temps.
Les premiers expulsent Dieu. Les seconds l’absorbent, dans un vertige d’impersonnalité absolue.
C’est la signification de cette célèbre sentence d’Abellio, expliquant que lorsque la Chine submergera notre continent, ce sera « pour y chercher Dieu ».
Puisque « la vraie mission de la Chine », lit-on dans La Fosse de Babel, « est d’abord de faire cesser sur la terre la lutte de l’espace et du temps ».
Si la Chine finira par sortir victorieuse du combat ultime contre l’esprit juif, ce n’est pas par un quelconque antisémitisme (on ne trouve la moindre trace en Chine ni de juifs, ni – contrairement au Japon – d’antisémites), mais par la plénitude toute-puissante de son indifférence souveraine et abyssale envers le judaïsme.
Je finirai par une anecdote, qui illustre parfaitement mes propos. À l’occasion d’un récent séjour au Sichuan, j’ai tissé des liens – ou plutôt, des liens se sont tissés d’eux-mêmes – de manière irréversible avec le Mont Heming qui, plus encore que le Qingcheng, représente le réceptacle terrestre du Tao originel – bien avant que Huangdi, l’Empereur Jaune tokharien, n’en reçoive les enseignements de Ning Fenzhi. Il se trouve qu’un homme d’affaires contemporain a exprimé le désir de reconstruire les temples sacrés du mont Heming, en grande partie détruits durant la Révolution culturelle. Cet homme, Xue Yongxin, a récemment fait la déclaration suivante : « Je vais faire de cette montagne le cœur vivant du Taoïsme, tout comme le sont le Vatican pour les chrétiens et Jérusalem pour les musulmans ».
Je vous laisse méditer.
洛鸣
Laurent James, 5 mai 2024.
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lundi, 12 août 2024
Symbologie du cerf
Symbologie du cerf
par Aldebaran
Source: https://huestantigua.wordpress.com/2024/08/09/simbologia-del-ciervo/
"Parfois, notre destin ressemble à un arbre fruitier en hiver ; qui penserait que ces branches vont bourgeonner et fleurir ? Mais nous l'espérons et nous le savons."
- Goethe
Introduction
C'est au tour, dans notre analyse de certains types d'animaux, du cerf. Un animal imposant qui inspire naturellement la force et la noblesse, et qui est également présent - avec une population en bonne santé - dans les forêts européennes.
Note brève et pratique
Mais avant d'entrer dans l'analyse, il convient de faire une brève et importante remarque concernant l'interprétation des symboles. Du moins en ce qui concerne nos interprétations.
Lorsque nous regardons quelque chose et que nous analysons les choses avec nos propres outils, c'est comme si nous cherchions quelque chose comme "son sens". Ce sens n'apparaît pas aussi clairement que nous le souhaiterions, mais se présente comme une sorte de "quantité d'énergie-attention" qui se concentre sur tel ou tel élément observé. Par exemple, les pattes d'un animal, très banales, concentreront peu d'"énergie-attention". En revanche, avec une crête immense et colorée, c'est tout le contraire qui se produira : elle concentrera beaucoup d'attention, elle sera très "captivante". C'est là que nous "sentons" le sens. C'est alors que l'esprit culturel commence à protester en demandant "Mais qu'est-ce que cela veut dire ?", comme s'il cherchait à le "réifier", à en faire un argument qu'il peut traiter à partir de ses possibilités rationnelles-culturelles limitées.
C'est ici que nous devons comprendre qu'une telle chose n'est pas possible et que ce à quoi nous parviendrons est une réduction de ce "sens". Les symboles purs ne peuvent jamais être complètement englobés par les arguments culturels parce qu'ils participent de l'Infini et que l'esprit culturel, même s'il peut l'intuitionner, ne le fait pas, car il est fini. Une analyse exhaustive de tout symbole pur et puissant remplirait des bibliothèques et ne l'engloberait jamais complètement. Par conséquent, toute interprétation symbolique qui peut être communiquée doit être considérée comme une orientation uniquement et exclusivement, quelque chose comme un pointage dans une direction. Mais il ne s'agit en aucun cas d'une signification fermée, finie ou achevée.
Caractéristiques importantes du cerf
Nous pensons que nous serons d'accord si nous décidons que l'élément du cerf qui capte le plus l'attention, qui accumule le plus de significations potentielles autour de lui, ce sont ses cornes, ses bois.
Les bois
Le sujet des bois est à analyser en soi, car même si nous allons proposer une "version extraordinairement réduite", il nous donne beaucoup d'éléments à méditer. Notre réduction, du moins pour le thème du cerf, est très simple, bien qu'elle soit plus orientée vers la tête que vers les bois eux-mêmes. C'est-à-dire que nous interpréterons les bois comme nous interpréterions, par exemple, le chapeau ou le casque : "ce qui est sur la tête" ; la tête, à son tour, étant symbolique de l'"esprit" et même de la "conscience".
Que porte donc le cerf sur sa tête ? Des bois. Et, plus précisément, quelle sorte de bois ? Une ramure verticale, montant vers le ciel et ressemblant à un "arbre". Dans ce cas, le cerf a sur la tête "l'image d'un arbre". Nous avons donc un "animal de la forêt avec un arbre sur la tête".
L'arbre
Comme nous l'avons fait pour les bois, nous passerons trop légèrement sur le symbole de l'Arbre. Une image qui donnerait lieu à une polémique sans fin sur le plan culturel.
Nous nous en tiendrons donc à la réduction qui nous amène à le comprendre comme une représentation de la lignée, du lignage, de la descendance, du "voyage d'une même graine à travers le temps".
Quant à la Forêt, sous une forme terriblement réduite, nous dirons qu'elle est une image des origines : de la nature "non domestiquée" ou "non dominée par la technique matérialiste". Au niveau de la conscience de l'individu, la Forêt représenterait le "Sauvage", c'est-à-dire les contenus qui ne sont pas propres à l'environnement culturel, qui n'ont pas été placés en lui par le scénario social ou culturel, mais qui sont antérieurs à ces mêmes scénarios sociaux.
Ainsi, pour en revenir au cerf, nous avons "un animal de la forêt qui a sa lignée sur la tête". Il est donc facile de comprendre pourquoi le cerf est parfois appelé "roi de la forêt" : celui qui, ayant son lignage dans la tête, règne sur la forêt. Par ailleurs, il n'est pas moins intéressant de noter que "corne" et "couronne" ont la même origine étymologique.
La proposition des cervidés
Enfin, si l'on admet que nous ne sommes pas allés trop loin dans l'interprétation de ces symboles magnifiques et puissants, quel type de proposition, en fonction de ce que nous avons interprété, pourrions-nous dire que le cerf nous "chuchote" ?
D'une manière générale, nous pourrions interpréter que le Cerf nous propose de prendre en compte notre Lignée, car c'est une manière de comprendre d'où nous venons, de connaître nos racines et l'importance de développer une sagesse autour d'elles.
D'autre part, si nous tenons compte du fait que le territoire du Cerf est la "Forêt", nous pourrions résoudre que cette proposition est aussi une sorte d'avertissement : "la conscience de votre Lignée sera essentielle pour dominer la Forêt". En d'autres termes, ceux qui s'immergent en eux-mêmes dans le cadre d'une quête transcendante devront être attentifs à leur propre lignée.
Trace de la proposition
Avons-nous des traces d'une telle proposition ? Nous le pensons. Il y a, par exemple, le terme culturellement établi d'"arbre généalogique".
Nous avons également, en ce qui concerne l'Arbre, que, malgré tous les efforts déployés par le christianisme pour éradiquer cette image si présente dans les traditions païennes, l'image de l'Arbre a été conservée et sa présence a même été récupérée au moment où l'on célèbre la "Naissance de la Divinité" au solstice d'hiver. Nous le voyons sur l'"Arbre de Noël" et nous voyons même un type de cerf, le renne, tirer le char du Père Noël.
Le mythe dit aussi que c'est sous un arbre, l'arbre de la Bodhi, que Siddartha a atteint l'illumination.
Nous pouvons même trouver une version commodément déformée et peut-être même diabolisée de "l'arbre interdit" dans le jardin d'Eden.
Pour en revenir à l'idée d'une proposition initiatique, l'arbre est présent dans des mythes qui nous parlent de la même chose. Nous considérons que le meilleur exemple est personnifié par Wotan/Odin accroché à l'Yggdrasil pour trouver la Sagesse des Runes.
Dans ce sens, en général, le troisième travail d'Hercule, où il doit chasser le cerf de Cérynie, consacré à Artémis - dont les bois étaient en "or" et qui, dans sa poursuite, conduit le Héros au "pays des Hyperboréens" - nous semble être l'une des traces les plus représentatives de ce qui précède.
Enfin, et toujours en relation avec l'Arbre, nous pouvons prêter attention au quotidien et analyser, par exemple, le premier élan d'un enfant devant un Arbre : qu'est-ce que c'est ? Que veulent les enfants lorsqu'ils contemplent un Arbre merveilleux ? Y grimper !
Enfin, que les "Rois de la forêt" guident les courageux qui décident de s'aventurer à l'intérieur !
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dimanche, 14 juillet 2024
Symbologie de l'aigle
Symbologie de l'aigle
par Aldébaran
Source: https://huestantigua.wordpress.com/2024/07/04/simbologia-del-aguila/
"Un jour, j'étais seul. L'aigle royal était passé par là et m'avait non seulement offert un de ses vols de chasse percutants, mais avait décrit les acrobaties les plus fantastiques en compagnie de sa compagne. L'aigle ! Le mâle et la femelle sont restés suspendus dans le ciel pendant cinq ou dix minutes, qui sait !....
J'étais amoureux de ses ailes, je voulais devenir un oiseau".
- Félix Rodríguez de la Fuente
Introduction
Nous vous proposons ici une nouvelle interprétation symbolique, cette fois de l'aigle, impressionnant et merveilleux.
Nous ne reviendrons pas sur les critères et les motivations de l'analyse, et nous invitons les personnes intéressées à consulter les analyses précédentes de l'Ours (= http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/04/18/symbologie-de-l-ours.html ) et du Loup.
Nous tenons également à vous avertir que cette analyse est très restreinte et limitée. Nous sommes conscients que l'analyse des symboles, de par son ambivalence et son ampleur impressionnantes, est une tâche ingérable ou, si vous préférez, interminable pour tout esprit tourné vers la culture. C'est pourquoi nous proposons à tous ceux qui aiment le sujet de faire leur propre analyse et d'élargir ainsi les possibilités d'interprétation.
Les oiseaux
La première chose à signaler à propos de l'aigle est qu'il s'agit d'un oiseau et qu'à ce titre - même s'il est vrai que tous les oiseaux ne volent pas - il possède la "faculté de voler".
Il est vrai que l'on pourrait écrire plusieurs volumes sur l'interprétation des oiseaux au niveau symbolique, mais nous nous contenterons ici de signaler cette capacité et de l'interpréter comme la possibilité de "ne pas rester en surface mais en altitude". Bien sûr, nous résolvons cette "hauteur" comme une distance qui permet de "ne pas être impliqué dans l'observé" ou, si l'on veut, "de ne pas être à portée de son influence" et même "d'être invisible à celui qui ne peut observer que le superficiel". Cependant, dans le cas de l'Aigle, cette "non-implication", comme nous le verrons, ne signifie pas l'inattention ou l'oubli.
D'autre part, si nous déchiffrons la Terre comme "les choses matérielles", alors le séjour en vol pourrait également signaler la capacité de "considérer les choses matérielles loin de leur influence" ou, puisque les oiseaux sont au Ciel, d'"avoir l'opportunité de considérer les choses transcendantes" ou "les choses non terrestres".
Caractéristiques importantes de l'aigle
Après avoir abordé le sujet du vol et des hauteurs, il convient de noter que l'aigle fait partie de la catégorie des oiseaux de "haute altitude". Pour quantifier l'animal lui-même, ses hauteurs maximales se situent entre 6000 et 7000 mètres. C'est cette altitude qui révèle une autre de ses caractéristiques essentielles: sa magnifique vue.
Toujours sur le plan matériel et à titre d'exemple, on estime que l'aigle peut voir les lièvres et les lapins à plusieurs kilomètres de distance. Cette caractéristique montre bien que l'aigle n'a pas seulement la capacité de voler haut, mais qu'il ne doit pas non plus perdre de vue le territoire qu'il survole. Et c'est là, comme nous l'avons souligné, que le vol de l'aigle n'implique pas nécessairement un mépris du terrain ou du "terrestre". En effet, il arrive souvent que l'aigle, comme tout autre oiseau de proie, vole précisément pour avoir un avantage insurmontable lors de la chasse.
Sur le plan symbolique, nous avons tendance à interpréter ce spectacle incroyable comme une plus grande puissance ou une plus grande portée dans la possibilité de voir et de comprendre ce qui est observé. Si nous nous plaçons dans un contexte culturel, la "distillation" de cette combinaison de "hauteur et de vision" nous chuchoterait que l'on peut penser et sonder "au-delà des possibilités culturelles", ce qui serait cette "surface" que les oiseaux transcendent - avec le vol - tout en étant "hors de portée des oiseaux".
Une autre caractéristique importante de l'aigle, que l'on retrouve également chez d'autres oiseaux de proie, est sa façon de chasser et, plus précisément, le vol en piqué qui l'amène à sa proie. Cet attribut, sur le plan symbolique et sous certains aspects, associe l'aigle à l'éclair : une force terrible, mortelle et imparable qui tombe du ciel sur la terre. Ceux qui ont eu la chance de l'observer dans la nature comprendront ce que je veux dire.
Nous interprétons que le vol, ainsi que la vision en hauteur, sont relatifs au "Potentiel de Domination", puisque la volonté n'est applicable que là où elle a atteint l'attention; c'est-à-dire que nous ne pouvons appliquer la volonté que dans les domaines dont nous sommes conscients - la conscience indique la possibilité d'exercer la Volonté. C'est pourquoi, compte tenu de la hauteur de vol de l'aigle et de sa capacité de vision, nous constatons que le potentiel d'action de l'aigle est écrasant. Si nous ajoutons à cela le fait qu'il atteint le sol en quelques fractions de seconde et avec une force insurmontable, nous n'avons aucun doute sur le fait que l'Aigle domine effectivement le territoire depuis les hauteurs. De plus, cela nous incite à voir l'Aigle comme une manifestation absolument divine. Un échantillon, un petit reflet, de ce que sont les pouvoirs divins : distance, vision, domination et possibilités d'action inaccessibles à l'humain.
Une dernière caractéristique de l'Aigle, qui ne fera qu'ajouter à l'idée de le considérer comme quelque chose de Divin, est sa Présence. Nous le disons ainsi, en majuscules, même s'il s'agit d'un animal. Mais il est indéniable, lorsqu'on assiste à la vie de cet animal, de reconnaître une sorte de charisme qu'il possède clairement et qui - nous le soupçonnons - lui est donné parce que notre propre milieu le contemple comme tel: comme une manifestation divine.
La proposition d'Aguileña
Si nous sommes d'accord avec l'idée que l'aigle est un reflet du divin dans la nature animale. Et si l'idée de ces écrits est de chercher en chacun de nous ces contenus de notre conscience que ces grands animaux nous murmurent... l'Aigle, comme le Loup, demande de faire de la place, de l'espace, pour des caractéristiques qui, dans leur développement, seront propres aux Héros, aux Hommes à l'Héritage Divin. Évidemment, nous nous référons à la hauteur du vol comme "distance" et à la capacité de vision comme des traits nécessaires pour exercer la domination, où l'on doit être le premier "banc d'essai".
Mais aussi - comme pour l'ours -il donnera un aperçu de la puissance contenue dans cet intérieur divin par sa façon d'agir: semblable à la foudre qui tombe des cieux. Un attribut, ce dernier, qui résonne également avec l'idée du "Moment opportun" ou "Kairos".
Trace de la proposition
Il ne sera pas difficile, pour ceux qui le souhaitent, de trouver des preuves que l'aigle a été et est, en général, un symbole du divin. Un oiseau que l'on retrouve généralement parmi les animaux qui identifient les grandes divinités des principaux panthéons et, surtout, parmi leurs chefs.
À titre anecdotique, nous voudrions souligner que l'aigle est un symbole tellement approprié du divin qu'il est curieux qu'en espagnol, bien qu'il s'agisse d'un mot de genre féminin, il soit utilisé avec l'article masculin, laissant ainsi un détail amusant de sa condition de syzygie intégrée.
D'autre part, il n'y aura pas beaucoup de doutes lorsqu'il s'agira de le relier à la capacité de dominer, puisqu'il a été le symbole de plusieurs empires.
En somme, bravo aux "Aigles" et souhaitons qu'ils soient nombreux à prendre leur envol !
Sur Telegram: https://t.me/+CaQJDa7XNIZhZDM0
Juin-juillet 2024
Aldébaran
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dimanche, 05 mai 2024
Variations autour de l’idée d’Empire
Variations autour de l’idée d’Empire
par Georges FELTIN-TRACOL
L’idée d’Empire serait incompatible avec l’histoire de France. La nation française, héritière du Royaume des Lys, se serait construite contre elle, en particulier face aux différentes figures des Habsbourg, de Charles Quint à François-Joseph. Cette hostilité de principe s’inscrit dans la langue française. Verbe du premier groupe, empirer signifie « devenir pire, aggraver ». L’idée impériale n’appartiendrait pas à la tradition française. Affirmation péremptoire et erronée !
En Provence, vieille terre d’Empire – on l’oublie trop souvent -, dans les belles cités d’Aix et d’Orange, se développe l’association militante et culturelle Tenesoun. Son site annonce qu’elle promeut « une identité reposant sur le triptyque suivant : Provence, France, Europe ». Ce sympathique mouvement sort une revue de belle facture, Tenesoun Mag, qui publie des numéros hors série instructifs et didactiques. Intitulé « Empire(s) », le hors série de février 2024 (4 €, à commander sur le site éponyme) aborde le thème de l’Empire.
Il est plaisant que de jeunes militants s’approprient cette idée qui parcourt en filigrane l’histoire de France. On se focalise trop sur l’aspect juridique de l’émancipation royale française par rapport à l’héritage mémoriel carolingien en oubliant la bigarrure institutionnelle, sociale et économique constitutive de l’ancienne France. Certes, les Capétiens ont réussi là où les Hohenstaufen ont échoué. Toutefois, cela n’empêche pas, bien au contraire, que « la France est un empire, écrit avec raison Aurélien Lignereux dans L’Empire de la paix. De la Révolution à Napoléon : quand la France réunissait l’Europe, (Passés composés, 2023) : tel est le constat d’évidence partagé en 1789 tant y était frappante la diversité des populations que les rois avaient réunies et soumises à une souveraineté qui n’admettait nul supérieur en matière temporelle (le roi étant “ empereur en son royaume “) mais qui pouvait s’accommoder de l’hétérogénéité des coutumes, et qui devait même respecter certains privilèges garantis par les actes de réunion ». Dans un précédent essai, L’Empire des Français 1799 – 1815 1 – La France contemporaine (Le Seuil, coll. « Points – Histoire », 2014), le même auteur, spécialiste de l’œuvre napoléonienne, prévenait qu’« il serait réducteur de ne voir dans les entreprises de Napoléon que la consécration d’une ambition personnelle, sans racines dans le pays. C’est faire peu de cas de l’aspiration aux XVIe et XVIIe siècles à une translatio imperii en faveur de la France, rêve que traduisaient un messianisme dynastique et un providentialisme chrétien ».
Aurélien Lignereux se réfère bien évidemment à l’étude capitale, novatrice et magistrale d’Alexandre Yali Haran, Le Lys et le Globe. Messianisme dynastique et rêve impérial en France aux XVIe et XVIIe siècles (Champ Vallon, 2000). L’idée impériale n’est pas étrangère aux monarques français. Elle persiste d’ailleurs dans l’inconscient politique collectif, d’où le tropisme européen présent autant chez les nationalistes que chez les socialistes sans parler de certains gaullistes, des démocrates-chrétiens, des écologistes et des régionalistes. Il est dommage que les auteurs de ce hors série n’évoquent pas cet ouvrage précieux.
À la suite du Testament d’un Européen de Jean de Brem, Julien Langella revient sur la conquête hispanique de l’Amérique. Il formule pour l’occasion un hispanisme de langue française nullement incongru (la Franche-Comté fut longtemps une possession des rois d’Espagne). Rédacteur de plusieurs articles dans ce numéro, Estève Claret rappelle qu’« au fondement de l’empire se trouve un principe supérieur, qu’il soit spirituel, sacré, transcendant, métaphysique ou messianique. L’empire ne se contente pas d’assurer le bien commun des communautés politiques sous son autorité; il agit au nom d’un principe qui lui est supérieur et qui inscrit ces dernières dans un destin ». L’Empire englobe dans une unité nécessaire et limitée les multiples variétés qui s’expriment en communautés incarnées.
Dans « Saint-Empire romain germanique : le pouvoir du centre impérial sur ses périphéries », Estève Claret s’intéresse à l’origine territoriale du Sacrum Imperium qui « correspond, souligne-t-il, à la “ réunion “ de trois couronnes : la Trias des royaumes de Germanie, d’Italie et d’Arles – Bourgogne. Eux-mêmes sont composés de duchés dits ethniques (Stammsherzogtümer) car ils sont le fruit de regroupements linguistico-culturellement cohérents (Bavière, Franconie, Saxe, Souabe, etc.) ».
En lecteur avisé de Francis Parker Yockey, de Guillaume Faye et de Julius Evola, Tristan Rochelle explique que l’Empire, chanté par Dante, « est une institution surnaturelle à vocation universelle au même titre que l’Église, par exemple. Il se veut être le reflet de l’ordre cosmique, une image du royaume céleste. D’origine surnaturelle, il occupe la fonction de “ centre universel “, de centre de gravité d’un espace civilisationnel ». Dommage cependant que le poison dit universel s’insinue partout. À l’ère post-moderniste, ne serait-il pas cohérent d’envisager l’idée impériale dans une approche pluriverselle ? La notion de « Plurivers » convient en effet mieux à la perception révolutionnaire-conservatrice d’Empire, surtout aujourd’hui, période instable propice à « la résurgence des impérialismes ».
Les impérialismes ne se confondent pas avec les empires d’origine traditionnelle. Hubert R souligne que « le terme “ empire “ est lui-même à double tranchant. Il peut désigner tout à la fois un ensemble de peuples que relient des facteurs communs (culture, religion, ethnie…) et gouvernés par un pouvoir central. Ou bien il peut se rapporter à une volonté de domination servie par une prétention à l’universalité au nom d’une doctrine exclusivement spirituelle, idéologique ou économique ». Quant à Tristan Rochelle, il bouscule volontiers le lecteur par un volontarisme énergique et parfois provocateur. « Le seul droit qui vaille, c’est celui qu’offre la force. Une terre n’appartient à un peuple que tant qu’il est capable de la tenir en sa possession. Si un peuple étranger l’envahit et parvient à s’en rendre maître, alors celle-ci devient sienne. Et peu importe à cet égard depuis combien de temps son prédécesseur l’occupait. Les véritables frontières d’un peuple sont celles posées par sa volonté de conquête. Ces lois, qui sont celles de la vie, sont impitoyables mais sont les seules qui vaillent. Pleurnicher à ce propos ne les changera pas, l’Histoire est un cimetière de peuples vaincus. » Féroce et terrible constat. Ne serions-nous pas les ultimes veilleurs d’une civilisation désormais défunte qui rend l’esprit impérial totalement inaudible et incompréhensible ?
Quant à savoir si cet Empire européen plus qu’embryonnaire doit s’étendre selon la formule consacrée de Reykjavik jusqu’à Vladivostok, la réponse est finalement secondaire. Le plus important n’est-il pas en priorité de restaurer sa souveraineté intérieure ? En ces temps troublées d’hypertrophie individualiste, cette reconquête sur soi s’avère plus compliquée, mais aussi plus impérative que jamais.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 113, mise en ligne le 2 mai 2024 sur Radio Méridien Zéro.
18:35 Publié dans Revue, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : saint-empire, empire, reich, revue, traditions | |
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mercredi, 01 mai 2024
1er mai: rites et parfums
Le 1er mai. Rites et parfums
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/calendimaggio-riti-e-profumi/
Ce soir, j'aimerais danser sur un feu. Sur un feu de joie allumé dans les bois. Entre les arbres.
Et je voudrais tresser des couronnes de lierre, les orner de muguet et boire de la bière fraîche, épicée et poivrée.
Voilà, dira le réalisateur, c'est l'explication... la bière.
Mais ce n'est pas ça... Je n'ai pas bu. Pas trop.
Seulement, ce soir, c'est Beltaine. Ce qui, encore aujourd'hui, dans certaines régions de nos Apennins, ou dans les vallées alpines, est célébré comme la fête du Calendimaggio.
Et c'est une fête autrefois importante. Ancienne. D'origine celtique. La fête de la lumière. Exactement 40 jours après l'équinoxe de printemps. Lorsque la lumière s'est élargie. S'est répandue. Et que le jour a pris le pas sur la nuit.
Pour les peuples du Nord, les Celtes, les Allemands, avec cette nuit, et avec la première aube de mai, le printemps a commencé.
Quand le Soleil est devenu progressivement plus intense. Chaud. Jusqu'au feu de l'été qui approche. Beltaine en est l'annonce.
Bien sûr, en cette fin de mois d'avril, parler de Soleil, de Lumière, de chaleur... d'été, semble presque... ironique. Des journées plus froides qu'en novembre, de la brume, de la pluie battante... de la neige sur les montagnes environnantes.
Une résurrection inattendue de l'hiver.
Mais ce soir, le soir de la Sainte Walpurga (Walpurgisnacht), le soleil est à nouveau chaud. Et le ciel est clair. D'un bleu profond. On dit que cela ne durera pas. Que demain, la pluie reviendra.
Mais je voudrais allumer un feu. Et, devant ces flammes dansantes, lire le Faust de Goethe. Le final. De la première partie. Le Sabbat sur le Mont Chauve. Et écouter Moussorgski.
Peut-être, parmi ces ombres, verrais-je les sorcières du rêve de Goethe. Et aussi la Marguerite de Boulgakov, qui est arrivée avec la chevauchée sauvage du professeur Voland.
Fantaisies littéraires. Et pas seulement.
En attendant, il me semble percevoir, intense, le parfum du muguet. qui sont les fleurs de ce jour. Les fleurs de Beltaine. Symbole de fertilité. Et d'éros. Parce que c'est une fête qui a à voir avec le printemps. Et donc à l'amour. Au sens le plus large du terme.
C'est pourquoi autrefois, dans de nombreux pays, il était de coutume d'apporter à l'être aimé un bouquet de muguet.
Blanc, presque éblouissant. Et avec un doux parfum. Séduisant.
Et pourtant... dangereux. Car ils sont toxiques.
Bonne fête de mai à tous!
20:53 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, beltaine, 1er mai | |
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jeudi, 18 avril 2024
Symbologie de l'ours
Symbologie de l'ours
Source: https://huestantigua.wordpress.com/2024/04/02/simbologia-del-oso/
"Car ce qui peut reposer éternellement n'est pas mort..."
- H.P. Lovecraft
Introduction
C'est parti pour une nouvelle analyse du symbolisme animal. Dans ce cas, nous nous intéresserons à l'ours, cet animal magnifique et inquiétant qui peuplait autrefois la majeure partie de l'Europe et que l'on trouve encore aujourd'hui dans certaines régions.
Critères et motivations
Rappelons une partie de ce qui a été commenté dans l'article consacré au loup.
En ce qui concerne le critère d'analyse :
"[...] observez l'animal en question et essayez de déterminer quelle est sa caractéristique particulière, quels sont les éléments de sa physionomie ou de son comportement qui sont suffisamment exclusifs pour en être un facteur d'identification. Cette particularité doit donc être quelque chose qui n'est pas présent chez les autres animaux ou pas avec l'intensité qu'il aurait chez l'animal particulier que l'on analyse.
La recherche portera donc sur les aspects de l'animal qui le différencient des autres animaux. [...]"
Et en ce qui concerne la motivation de l'analyse :
"[...] certains symboles ont la capacité, pour ainsi dire, de proposer ou de postuler des "changements de conscience". Plus concrètement : nous pouvons directement désigner la "fascination" que certains symboles suscitent comme une manifestation de ce "processus de changement" dans la conscience de l'homme. C'est cette fascination que nous pouvons interpréter comme une manifestation de ce changement, un "générateur de l'approche" de la conscience vers la coïncidence avec le symbole : être comme lui".
Ceci étant dit, nous allons maintenant, sans plus attendre, exposer les éléments que nous souhaitons identifier dans le cas de l'Ours.
Caractéristiques importantes de l'ours
Comme le loup, l'ours est un autre protagoniste de son milieu, la forêt, du moins dans les conditions naturelles. Par exemple, dans des conditions normales, l'ours n'a pas de prédateur et partout où il va, il manifeste sa présence; c'est-à-dire que, sous ces aspects, l'ours n'est pas différent des autres grands prédateurs des forêts, des steppes, des montagnes ou des zones côtières septentrionales.
Nous pourrions souligner la férocité et la force de l'ours, ainsi que sa capacité d'intimidation, mais nous savons bien que ces caractéristiques sont présentes chez bon nombre d'animaux sauvages. C'est pourquoi, bien que nous devions les prendre en compte, nous les écarterons et ne les considérerons pas comme exclusives à l'ours. Nous soulignerons, dans ce sens, que, comme dans le cas du loup, la rencontre avec un ours peut être fatale. Cette qualité mortelle, tant chez le Loup que chez l'Ours, nous "chuchoterait" qu'il s'agit de symboles transcendants, car la rencontre avec eux nous rapproche dangereusement de la possibilité de la mort. En d'autres termes, elle nous expose à la limite humaine.
Il est également important de souligner que l'ours, contrairement au loup, est un animal solitaire et, sauf dans le cas d'une mère et de ses petits, ne forme pas de groupes. Cet aspect nous amène à interpréter l'éventuelle proposition de l'Ours comme quelque chose à prendre en compte dans le domaine de la solitude, du propre, et non pas en se projetant dans le domaine social. C'est-à-dire que sa proposition serait orientée vers l'individu, vers l'homme avec lui-même.
Nous pourrions analyser d'autres particularités de l'ours, comme le fait qu'il est l'un des rares animaux qui, grâce à sa capacité d'endurance, peut prendre du miel sans que les abeilles s'en préoccupent. Nous pourrions également évaluer et commenter l'impressionnant rugissement d'avertissement que l'ours émet avant d'entrer en combat.
Mais, de toutes les caractéristiques que nous avons évaluées dans cet article, celle qui nous semble la plus significative et l'une de celles qui identifient le mieux l'ours est sa capacité à hiberner, sa capacité à rester endormi pendant les mois d'hiver. Cette facette de l'ours nous oblige à valoriser le sommeil comme "apparence de la mort", de sorte que même s'il semble mort, il reste vivant et attend le moment où il se réveillera à nouveau. Le moment où il "reviendra à la vie" dans "l'analogie du sommeil et de la mort".
Dans cette perspective, et en gardant à l'esprit que l'ours est lui-même une force impressionnante et puissante de la nature sous la forme d'un animal, nous ne pouvons que sourire en imaginant ce que la signification de l'ours pourrait être pour quiconque s'est immergé dans une Quête Intérieure.
Ce que représente l'ours
Enfin, il y a maintenant la partie concernant "certains symboles qui ont la capacité, pour ainsi dire, de proposer ou de postuler des "changements de conscience"", nous devons donc souligner ces changements. Contrairement au cas du loup, ces changements seront un peu plus complexes et pas si faciles à percevoir ou à comprendre. En principe, il ne s'agira pas de tendances vers des caractéristiques à prendre en compte, comme c'était le cas dans notre analyse précédente.
Nous comprenons que la proposition de l'Ours consiste à comprendre - si possible intuitivement et même expérimentalement - le potentiel qui se trouve dans notre profondeur et à "faire de la place" dans la conscience pour que ce pouvoir ait un passage ou une liberté de mouvement au sein de nos possibilités. En d'autres termes : l'exercice âme-mental que proposerait le Symbole de l'Ours serait de regarder dans la "Profondeur de Soi" afin de prendre conscience que, lorsque le moment est venu - le "Printemps" - l'immense potentiel qui réside dans certaines personnes peut - et doit - se manifester ; c'est-à-dire qu'il doit s'éveiller.
Une trace de la représentation
Le premier cas que nous évoquerons pour retracer cette "représentation par l'ours du potentiel intérieur" est celui du soi-disant "Berserk" des mythes et des anciennes cultures nordiques. Fondamentalement, le "Berserk", qui est apparemment un homme normal, est - au moment opportun - un "homme-ours" dont la caractéristique visible, et très redoutée, est de "réveiller en lui une fureur sans mesure" qui, dans un scénario de bataille, fait de lui un adversaire bien supérieur aux autres. On peut dire qu'au combat, le Berserk est, comme l'Ours, une puissante force de la nature. Cette fois-ci sous la forme d'un homme.
Cependant, bien que l'image du Berserk nous suggère de nombreuses idées - y compris le concept du "titanesque" chez Evola - et que nous la considérions toujours comme positive pour l'analyse, nous ne sommes pas enclins à interpréter la Proposition de l'Ours dans un cadre matériel, mais comme une proposition plus spirituelle et, comme nous l'avons noté, orientée vers l'intérieur. Dans la même veine que le Loup, il nous semble que nous pourrions interpréter le Berserk comme "cet homme qui est capable de dépasser son état de domestication - culturel - et de retrouver sa condition "sauvage" et indomptée".
Dans ce sens, nous trouvons beaucoup plus précieux et illustratif un autre argument que nous allons souligner. Bien qu'il n'ait pas fait directement partie de notre recherche sur l'ours, il est réapparu - peut-être comme une synchronicité magique - alors que nous étions en train de l'étudier. Cet argument a été déterminant dans notre approche de la même analyse. Nous nous référons au cas du roi Arthur dans les mythes du Graal. La clé n'est autre que le nom même d'"Arthur", dont l'étymologie le rattache au grec "ἄρκτος" ("arktos", ours) et qui, comme l'indique l'histoire : est le personnage qui rétablit l'ordre transcendant dans le royaume.
En d'autres termes : Arthur - l'ours - est le représentant de cette puissance qui, au moment opportun, fait son apparition pour tout changer; cette fois-ci, non pas par la destruction, mais par l'imposition d'un Ordre transcendant. Telle est la mesure du pouvoir que représente l'Ours.
Nous pensons que les idées exposées ci-dessus sont suffisantes par rapport à notre motivation. Il appartiendra aux lecteurs/chercheurs d'approfondir les arguments et les innombrables détails qui les entourent (la grotte, la montagne, l'ours polaire, sa capacité à se tenir sur deux pattes, son odorat puissant, etc.
Quoi qu'il en soit, bon lecture !
Enfin, bravo aux "Ours" qui, depuis leur grotte, attendent la "Prima Vera" ("première vérité") appréciée qui les sortira de leur léthargie !
14:35 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, symboles, ours | |
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mercredi, 10 avril 2024
Le traditionalisme et la Lituanie
Le traditionalisme et la Lituanie
Mindaugas Kaktavičius
Source: http://www.radikaliai.lt/
La tradition est ce qui se transmet. C'est ce qui reste constant dans les métamorphoses constantes de l'histoire et de la vie lituaniennes. C'est une source authentique de valeurs fiables de la culture nationale, qui nourrit toutes les cellules de la culture et de la mentalité nationale (1). La présente publication étudie les origines philosophiques et la vision du monde des nouvelles doctrines des mouvements religieux traditionalistes en Lituanie. Elle se concentre sur les concepts traditionalistes les plus influents du passé et du 20ème siècle, qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence des nouveaux mouvements religieux (NRM) contemporains les plus influents dans notre pays.
Sacrum versus profanum
Avant de procéder à un examen plus détaillé des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines traditionalistes des NRM en Lituanie, nous aborderons brièvement l'idéologie du traditionalisme et définirons les concepts de base que nous utiliserons, ainsi que les doctrines traditionalistes qui ont eu l'impact le plus fort sur l'émergence et la propagation des NRM. Nous commencerons notre analyse par son concept central. L'origine du terme NRM doit être retrouvée au Japon, où le phénomène a commencé à être étudié au début du 20ème siècle. Le terme "nouvelles religions" est une traduction du japonais shin shukyo. Emprunté aux sociologues japonais dans les années 1970, les chercheurs occidentaux en ont fait un terme universel à utiliser à la place des termes "secte", "culte" ou autres "dénominations". Les sectes sont limitées aux groupes religieux, psychothérapeutiques, politiques ou commerciaux hautement manipulateurs [2].
En Occident, une approche différente des phénomènes religieux en général a commencé à émerger aux 19ème et 20ème siècles. Pierre Daniel Chantepie de la Saussaye (1848-1920) (photo, ci-dessus), le père néerlandais des études religieuses modernes, a inventé pour la première fois le terme "phénoménologie de la religion" dans son livre Lehrbuch der Religionsgeschichte (1887). Pour cet érudit, l'objectif de la phénoménologie de la religion était de collecter des données historiques afin d'analyser les concepts de la religion. Les idées de P. D. Chantepie de la Saussaye ont été suivies par un autre Néerlandais, William Brede Kristensen (1867-1953), qui a proposé de décomposer le phénomène de la religion en éléments spécifiques à des religions particulières.
La phénoménologie de Kristensen (photo, ci dessus) s'est beaucoup inspirée, mais elle s'est encore plus appuyée sur le concept très influent de sacré (das Heilige) développé par le théologien luthérien allemand Rudolf Otto (1869-1937) dans son livre éponyme publié en 1917.
Le sacré selon R. Otto se trouve "derrière" le sacré, [...] elle peut le déterminer, le conditionner, mais il ne peut pas être identifiée à la sainteté" [3]. Pour Otto, "l'espace et le temps sont divisés en deux sphères: le sacré et le profane" [4]. Cette division donne au sacré une nouvelle "place" - le "centre" du monde, l'axis mundi. Les Lituaniens, comme beaucoup de peuples, avaient leurs propres "centres" du monde - les alci.
Un exemple de "centre" du monde moderne et du nouvel âge est la pyramide dite de Merkinė dans le village de Česuki dans le district de Varėna (photo, ci-dessus). Plus tard, le thème du sacré a été développé par le spécialiste roumain des religions Mircea Eliade [5] (1907-1986), par le Néerlandais Gerardus van der Leeuw (1890-1950) [6] et par de nombreux autres chercheurs, qui ont tenté de définir la différence entre les deux mondes - celui dans lequel vit la personne religieuse et le monde séculier. Il est vrai que la dichotomie entre le sacré et le séculier, l'ésotérique et l'exotérique, n'est pas forte dans toutes les religions. Dans le bouddhisme, par exemple, le dualisme entre le sacré et le profane n'est pas reconnu, alors que dans les mouvements du nouvel âge, il revêt une importance capitale, comme en témoigne la stricte hiérarchie des membres de ces mouvements : les nouveaux venus se voient enseigner les "secrets" du NRM jusqu'à ce qu'ils atteignent le seuil de l'initiation, et, une fois ce seuil franchi, ils sont introduits dans le royaume du sacrum.
La distinction entre le sacré et le profane a été définie par les traditionalistes, influents partisans de la méthodologie comparative, dont l'école est également connue sous le nom de traditionalisme intégral ou de pérennisme (de Sophia Perennis, qui signifie "sagesse éternelle" en latin). L'inspirateur du mouvement traditionaliste, René Guénon (1886-1951), célèbre spécialiste français des études culturelles comparatives, de l'esthétique et de l'histoire de l'art, converti à l'islam, "a souligné la relativité du "culte des valeurs matérielles" et de la "civilitsation" qui sont exaltés en Occident et qui sont considérés dans le système de valeurs des civilisations traditionnelles comme des manifestations de "barbarie"".
Outre cet érudit, plusieurs autres pionniers du mouvement traditionaliste ont exercé une grande influence: de Ceylan (aujourd'hui Sri Lanka), où le mouvement traditionaliste a été fondé.
Ananda Coomaraswamy (1877-1947), métaphysicien né en Suisse et l'un des plus grands spécialistes des études comparatives indiennes et occidentales de la culture, de l'esthétique et des arts;
Le poète et peintre Frithjof Schuon (1907-1998), érudit suisse de langue allemande;
Titus Burckhardt (1908-1984);
Le spécialiste iranien de la religion, de la philosophie, de l'esthétique et de l'art Seyyed Hossein Nasr (né en 1933).
Ces penseurs ont affirmé que le monde moderne devait être réformé sur la base des traditions culturelles chères à l'humanité depuis des millénaires, qu'ils ont identifiées dans leurs textes comme le concept fondateur de la Tradition, qu'ils ont capitalisé et associé à la Sophia Perennis. Le terme Sophia Perennis ou Philosophia Perennis remonte d'ailleurs à la Renaissance. L'érudit allemand Gottfried Leibniz (1646-1716) a écrit plus tard sur ce sujet, mais c'est en fait le bibliothécaire du Vatican et théologien Agostino Steuco (Steucho/Steuchus/Steuchius), moins connu, qui a décrit pour la première fois l'idée de sagesse éternelle et inventé le terme "Philosophia Perennis" dans son ouvrage De philosophia perenni sive veterum philosophorum cum theologia christiana consensu libri X, publié en 1540. Il est vrai que les termes "source éternelle de la volonté de Dieu" ou "sagesse éternelle de Dieu" ont été utilisés par les scolastiques dès les 12ème et 15ème siècles, mais la phrase "Dieu est l'entendement, le compris et l'entendement de l'entendement" de Steuchius est devenue légendaire pour les philosophes à venir.
Comme nous pouvons le constater, les idéologues traditionalistes susmentionnés et leurs inspirateurs ont souligné l'importance du symbolisme, de la métaphysique et de la spiritualité. Ils se sont inspirés des traditions orientales pour affirmer que le monde occidental vivait un âge des ténèbres (Kali Yuga). Il ne pouvait être aidé que par une élite intellectuelle revivifiée qui ressusciterait de l'oubli les connaissances longtemps oubliées qui avaient formé le cœur de la mentalité des sociétés traditionnelles il y a des centaines ou des milliers d'années. L'époque au cours de laquelle la tradition divine s'est épanouie est appelée l'âge d'or (Satya Yuga).
Par une coïncidence intéressante, de nombreux traditionalistes étaient des adeptes de l'islam, la religion qui a connu la plus forte croissance dans le monde au cours du siècle dernier. L'islam est aujourd'hui pratiqué par plus de 1,5 milliard de personnes dans le monde. En Lituanie, bien que de nombreux adeptes de cette religion aient servi fidèlement notre État multiculturel et polyconfessionnel (en particulier dans les structures militaires) au cours des siècles, depuis l'apogée du Grand-Duché de Lituanie (elle constituait certaines des unités militaires les plus fiables du Grand-Duché de Lituanie), une petite communauté de musulmans - environ 3200 personnes - a survécu jusqu'à aujourd'hui. Comme les Karaïtes, les Juifs (Hassidim et Mitnageds) et les confessions chrétiennes (catholiques latins, catholiques grecs, vieux croyants, orthodoxes, luthériens évangéliques, réformés évangéliques), ils sont reconnus par la loi lituanienne comme une communauté religieuse traditionnelle, qui regroupe sept communautés (8). Comme dans le reste du monde, l'islam est la religion la plus en expansion en Lituanie. En témoignent non seulement le nombre croissant de convertis à l'islam en Lituanie, mais aussi la littérature qu'ils publient et les sites web qu'ils gèrent [9].
L'islam a une longue et profonde tradition en Lituanie. Les premiers musulmans étaient des Tatars, un groupe ethnique unique qui vit actuellement en République de Lituanie, dans la partie occidentale de la République du Belarus et à la frontière orientale de la République de Pologne. Les Tatars sont apparus aux 14ème et 16ème siècles et se sont installés dans le Grand-Duché de Lituanie, à l'invitation de Vytautas le Grand. Ayant perdu leur langue en peu de temps, les Tatars de Lituanie ont préservé leur identité nationale pendant plus de 600 ans, grâce à leur fort attachement à leur religion ancestrale, l'islam. Selon certaines sources, les souverains de Lituanie et de Pologne ont toujours été tolérants à l'égard de la société tatare et de sa religion, construisant des mosquées sur leurs terres et permettant aux Tatars de pratiquer leur religion sans entrave. En 1988, la Société culturelle tatare lituanienne a été fondée et les activités sociales des communautés tatares ont été rétablies.
En 1998, le Muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites en Lituanie, a été restauré. "Cependant, les Tatars ne sont pas les seuls musulmans à vivre en Lituanie. Au cours des dix dernières années, des visiteurs étrangers ont commencé à arriver en Lituanie et à s'y installer pour y vivre ou y étudier. Bien que la Lituanie soit un pays chrétien, ils ont suivi avec diligence les traditions de leur pays d'origine. En collaboration avec des muftis et des imams tatars, les étudiants étrangers ont relancé les prières du vendredi et ont commencé à organiser des conférences dominicales dans les mosquées et les écoles des petites villes peuplées de Tatars. Outre les nombreuses communautés tatares, Vilnius abrite le muftiyat, le centre spirituel des musulmans sunnites de Lituanie, ainsi que la communauté de la jeunesse musulmane lituanienne, dont le centre est la mosquée de Kaunas" [10].
Martin Lings
Kurt Almqvist
Tage Lindbom
Ashq Dahlén
Il n'est pas surprenant qu'outre Guénon, les musulmans comprennent le traditionaliste F. Schuon, ses disciples Martin Lings (1909-2005), un Britannique, et les Suédois Kurt Almqvist (1912-2001) et Tage Lindbom (1909-2001), ainsi que Burckhardt, S. H. Nasr, et le compatriote iranien Ashq Dahlén (né en 1972).
D'autres traditionalistes, il faut le souligner, ne pratiquaient que des religions traditionnelles: Coomaraswamy était hindou, Marco Pallis (1895-1989), un Britannique, était bouddhiste, avec un intérêt particulier pour les traditions religieuses et la culture du Tibet, et le Français Jean Borella (né en 1930) était chrétien et néoplatonicien.
Julius Evola (1898-1974), éminent spécialiste italien des études culturelles et religieuses comparatives, qui s'est intéressé toute sa vie à l'hermétisme, au bouddhisme et au taoïsme, et qui a publié un certain nombre d'études comparatives importantes, s'est également décrit comme un traditionaliste "en cette époque de ténèbres spirituelles". La liste pourrait s'allonger à l'infini. Mais le fait est que la victoire du traditionalisme, ou plutôt de la Tradition, qui est restaurée à travers lui, sur la postmodernité peut être considérée comme au moins partiellement acquise. Les traditionalistes soulignent que notre époque n'est pas seulement une période d'obscurité et de crise, mais aussi un "royaume de la quantité" (terme de Guénon), où l'homme et le cosmos sont de plus en plus remplis de matérialité. Depuis la Renaissance, affirment-ils, le monde occidental a presque complètement perdu tout lien avec la Sophia Perennis et le sacrum. Dans le sous-continent indien, ces termes ont un équivalent sanskrit, le sanātana dharma ("loi éternelle"). L'hindouisme est la plus ancienne religion du monde, qui fait partie d'une tradition extrêmement complexe, la troisième après le christianisme et l'islam en termes de nombre d'adeptes (environ 1 milliard).
Voici un bref aperçu des principales thèses des gardiens de la Tradition. Selon René Guénon, "[...] les civilisations traditionnelles sont fondées sur l'intuition intellectuelle. En d'autres termes, dans ces civilisations, la doctrine métaphysique est la chose la plus importante, et tout le reste en découle. [...] Le monde moderne tente de toutes ses forces, tout en se réclamant de la science, de tendre vers un seul but: le développement de la production et de la mécanisation. Ainsi, en voulant asservir la matière, les hommes deviennent eux-mêmes ses esclaves. Ils ne se contentent pas de limiter leurs prétentions intellectuelles - si elles existent encore aujourd'hui - à l'invention et à la construction de mécanismes. Les hommes sont devenus eux-mêmes des mécanismes. [...] La qualité ne signifie plus grand-chose, seule la quantité compte. C'est pourquoi la civilisation moderne peut être qualifiée de quantitative, c'est-à-dire de matérialiste" [11].
Guénon souligne l'existence d'une "science sacrée" et d'une "science profane". "Le monde moderne est un monde de négation de la Tradition et de la vérité surhumaine. Si les hommes le comprenaient, la transformation finale du monde ne serait pas une catastrophe, mais il est désormais impossible de l'éviter. [...] Mais rien ne pourra jamais vaincre la vérité. Rappelons donc la devise de certaines des anciennes organisations initiatiques d'Occident : "Vincit omnia Veritas" - "La vérité triomphe de tout" [12]. Les paroles de Guénon sont devenues prophétiques des décennies plus tard, le rapport de la Fédération de la Croix-Rouge indiquant que le nombre de catastrophes naturelles a atteint un niveau record cette année, avec pas moins de 500 désastres en 2007 (contre 427 l'année précédente).
Burckhardt (photo, ci-dessus) a enseigné à aimer la tradition. "Pour comprendre une culture, il faut l'aimer, et cela ne peut se faire que sur la base de ses valeurs universelles et intemporelles. Ces valeurs sont essentiellement les mêmes dans toutes les vraies cultures, et elles satisfont non seulement les besoins physiques mais aussi les besoins spirituels de l'homme, sans lesquels sa vie n'a pas de sens. Rien ne nous rapproche plus d'une autre culture que les œuvres d'art qui la représentent, comme si elles en étaient le "centre". Il peut s'agir de peintures sacrées, de temples, de cathédrales, de mosquées ou encore de tapis anciens. Nous pouvons donc beaucoup mieux comprendre, par exemple, les formes intellectuelles et éthiques de la culture bouddhiste si nous connaissons l'image typique du Bouddha" [13].
Schuon a ajouté à la profondeur de la pensée de ces penseurs la miniature mystique "Être avec Dieu": "Soyez avec Dieu dans la vie. Dieu sera avec vous dans la mort. Soyez avec Dieu dans le temps. Dieu sera avec vous dans l'éternité. Souvenez-vous de Moi. Je me souviendrai de vous" [14].
Coomaraswamy a dit: "Les nations sont créées par les poètes et les artistes, et non par les commerçants et les politiciens. Les principes les plus profonds de la vie sont dans l'art" [15]. Pour ce penseur, le mot "nationalisme" signifiait l'expression culturelle d'une nation. Lorsque l'Inde est devenue indépendante, il a déclaré publiquement : "Soyez vous-mêmes". Le traditionaliste déclarait ainsi l'authenticité esthétique plutôt que l'aspect politique de la liberté.
Il est regrettable que de nombreux nouveaux mouvements religieux en Lituanie n'aient rien à voir avec la Tradition, mais soient influencés par la "McDonaldisation", l'expansion de la "culture" occidentale que Guénon craignait tant, ainsi que par le syncrétisme. Il est également désagréable que les traditionalistes soient souvent accusés de promouvoir un nationalisme fasciste. Pourtant, Guénon, Burckhardt, Schuon, Coomaraswamy, Pallis et Lings sont des humanistes qui luttent pour les droits des opprimés, des humiliés et pour la préservation de leurs traditions, et de telles accusations sont à l'origine de l'émergence de figures ultra-nationalistes à travers le monde, comme par exemple celle du philosophe russe, néo-eurasiste, qui s'est fait un nom sur la scène internationale, le philosophe russe et néo-eurasiste Alexandre Douguine (né en 1962) [16], le fondateur français du mouvement "Nouvelle Droite" Alain de Benoist (né en 1943), ou encore des propagandistes néo-nazis comme Stephen McNallen (né en 1948) [17].
Cependant, à côté des figures fascistes, il existe aussi dans notre pays des gardiens holistiques du sacrum.
Le terme "holisme" est dérivé du mot grec "holos", qui signifie "entier". "Le principe de base du holisme remonte à la Métaphysique d'Aristote: "Le tout est plus que la somme des parties". En d'autres termes, pour nous comprendre nous-mêmes, comprendre le monde, l'univers, nous devons considérer l'ensemble (sphères biologique, chimique, sociale, économique, mentale, linguistique et autres). Ce n'est qu'en comprenant le tout que nous pouvons comprendre comment les différentes parties du tout fonctionnent. Le terme "holisme" a été utilisé pour la première fois par le Premier ministre sud-africain, officier militaire (maréchal), botaniste et philosophe Jan Christian Smuts (1870-1950) dans son livre de 1926 intitulé Holism and Evolution (Holisme et évolution). Il définit le holisme comme "la tendance de la nature à former des ensembles qui sont plus grands que la somme de leurs parties, en tenant compte de la créativité de l'évolution".
La vie de J. Ch. Smuts, érudit et polyglotte, n'est pas sans rappeler la philosophie du holisme : il a lutté contre l'apartheid naissant en Afrique du Sud et a fondé les Nations unies. Lorsqu'Albert Einstein a lu "Holisme et évolution", il a déclaré qu'au cours du prochain millénaire, les gens seraient influencés par deux choses : sa théorie de la relativité et le holisme de J. Ch. Smuts. Le célèbre physicien a également ajouté que J. Ch. Smuts est "l'une des onze personnes au monde" à avoir compris sa théorie de la relativité. Une statue en l'honneur du fondateur du holisme est érigée sur Parliament Square, à Londres. J. Ch. Smuts est également considéré par les Juifs comme l'une des personnes ayant le plus contribué à la fondation d'Israël. Plusieurs rues des villes israéliennes portent son nom, ainsi qu'un certain nombre de plantes qu'il a trouvées en Afrique du Sud.
Par ailleurs, le holisme rappelle non seulement la culture mélanésienne de Nouvelle-Calédonie, que le missionnaire protestant Maurice Leenhardt (1878-1954) appelait le cosmomorphisme (la symbiose parfaite entre l'homme et le monde naturel qui l'entoure), mais aussi la foi balte, où nos ancêtres recherchaient l'harmonie avec les plantes, les animaux et les phénomènes naturels.
Dans la seconde moitié du 20ème siècle, les théories physiques du chaos et de la complexité se sont développées à partir du holisme. Le holisme a influencé l'écologie, une nouvelle approche de la théorie économique, la philosophie du langage, l'anthropologie, l'architecture, le design, l'éducation, la médecine psychosomatique" [18]. Il est vrai que certains spéculent sur le holisme et le transforment en un autre mouvement new age. Par exemple, l'Institut de santé holistique de Kaunas a été fondé, où l'on enseigne la médecine extrasensorielle, la bioénergie, l'"astrologie médicale", la chiromancie, la parapsychologie, la "psychologie spirituelle", etc.
Le retour à la tradition est également recherché par la foi balte, souvent qualifiée sans raison de "païenne" (latin paganus - "villageois"), bien que les adeptes de cette foi n'aient pas peur du mot "païen".
Il est vrai que Gintaras Beresnevičius admet qu'il est impossible de recréer une religion ancienne, "mais il est possible de recréer (créer ?) une certaine attitude, une humeur de l'âme - une ouverture religieuse à l'environnement - sur la base d'expériences spéciales sacrées" [20]. Beresnevičius qualifie les Romuviens - membres de la communauté confessionnelle balte Romuva - de "bouddhistes zen partiellement lituaniens", "et le bouddhisme zen, comme l'expérience sacrée de la nature, n'exclut pas un autre type de religiosité" [21]. Selon l'universitaire, l'idée du peuple romuva est le lien entre l'homme, ses ancêtres, la nature et l'univers. En d'autres termes, il s'agit d'un retour à la tradition. Surtout que dans le mouvement romuva, on peut sentir l'individualité de la personnalité, ils ne sont pas nivelés comme dans beaucoup de NRM : "... les Romuvas sont différents, individuels, leur religiosité ne les met pas dans un ghetto socialement, émotionnellement, elle n'endommage pas leur psyché", tandis que, mentionnant le cas de la Parole de Foi comme exemple, G. Beresnevičius souligne que "si vous parlez à l'un d'entre eux, vous parlez à tous" [22].
Les Romuvas eux-mêmes le disent: "Romuva est une foi et une religion baltes. Romuva, c'est la paix, l'harmonie et la beauté - les valeurs les plus importantes de notre esprit. Romuva est une religion de vie et d'harmonie. Le nom de Romuva a brillé à nouveau avec la renaissance d'un peuple et d'une ancienne foi naturelle. En la qualifiant de "baltique", nous soulignons son ancienneté et sa tradition ininterrompue" [23]. Par ailleurs, les Romuvas reconnaissent la réincarnation, bien que cette doctrine soit issue de la philosophie indienne.
Le premier krivi lituanien Jonas Trinkūnas (photo) a été ordonné sur la tombe de Gediminas à Vilnius en 2002, après un hiatus de 600 ans. G. Beresnevičius a qualifié cet événement d'importance européenne. Il s'agit bien sûr d'une des pierres angulaires de la restauration de la Tradition. Malheureusement, les autorités de notre pays, la Lithuanie, favorisent les NRM destructeurs - par exemple, le mouvement très controversé des adeptes d'Osho est enregistré comme une communauté bouddhiste auprès du ministère de la Justice, alors qu'il n'a rien à voir avec le bouddhisme, et ceux qui professent la foi balte ne reçoivent toujours pas de reconnaissance de la part de l'État.
Dans son livre sur la foi balte, Trinkūnas explique: "Vydūnas a écrit à plusieurs reprises sur l'ancienne foi des Lituaniens et s'est émerveillé de sa sagesse. Une caractéristique importante de cette foi était son autosuffisance; elle a grandi et s'est développée comme un chêne sacré dans sa terre natale. Malheureusement, l'expérience spontanée du Grand Mystère a été entravée et interrompue, et la perte de conscience de soi a pu se poursuivre pendant des siècles. Notre ancienne foi n'a jamais consisté à lire des livres et à en discuter. L'essence de cette foi était la vie elle-même et sa sagesse. Aujourd'hui, cependant, nous avons besoin de livres sur la religion naturelle et la vision du monde, car la connaissance vivante de la foi ancestrale s'est évanouie. La civilisation agressive dilue encore davantage la mémoire naturelle des peuples. En pensant à l'avenir de la nation, nous aspirons à sa survie et à celle de ses valeurs spirituelles. La tradition balte est la vision du monde, les anciennes croyances, les coutumes, le folklore, etc. et Romuva symbolise l'unité et la continuité de cette tradition" [24].
La nature traditionnelle de la foi balte a fait l'objet de nombreux écrits de la part de G. Beresnevičius (1961-2006), ainsi que Norbertas Vėlius (1938-1996) (photo, ci-dessus), qui a écrit The Ancient Baltic Worldview (1983), Sources of Baltic Religion and Mythology (4 volumes, 1996-2005) et d'autres ouvrages, Marija Gimbutienė/Marija Gimbutas (1921-1994), Pranė Dundulienė (1910-1991), Nijolė Laurinkienė, Elvyra Usačiovaitė, Libertas Klimka, Dainius Razauskas, Radvilė Racėnaitė, Vladimiras Toporovas et d'autres.
L'idée de Gimbutiene (Marija Gimbutas) selon laquelle la mythologie balte est une fusion des cultures matricentriques de la vieille Europe et de la nouvelle religiosité patricentrique apportée par les Indo-Européens est la plus proche du concept de Tradition. Il est vrai que le matricentrisme de la Vieille Europe n'est qu'une hypothèse qui existe depuis le 19ème siècle et qui a influencé les mouvements néopaïens qui ont émergé dans le monde dans la seconde moitié du 20ème siècle (dont le plus célèbre est peut-être la Wicca, un NRM, créé en 1954 par l'occultiste britannique Gerald Gardner (1884-1964).
Il faut cependant admettre que les origines du néopaganisme remontent à la Renaissance, avec la publication en 1532 de la Theologia mythologica du médecin allemand Georg Pictorius de Villigen (c.1500-1569) (gravure, ci-contre). Plus tard, en 1717, l'"Ordre des druides" a été fondé, suivi d'un intérêt pour l'héritage scandinave et, au début du 20ème siècle, pour les runes. Le plus grand spécialiste des runes est peut-être le poète, écrivain et occultiste autrichien Guido von List (1848-1919), qui a publié en 1908 une sorte de classique, Das Geheimnis der Runen (Le secret des runes).
Malheureusement, le néopaganisme a ensuite fusionné avec le mouvement new age. Selon Beresnevičius, cette fusion complète la société moderne avec la montée des tendances polythéistes, des doctrines orientales, des enseignements sur la réincarnation, du féminisme, de l'environnementalisme, de l'essor de l'astrologie et de l'exploration de la conscience et de l'inconscient dans la science et la parapsychologie. Tout cela a éloigné la société de la Tradition et l'a rendue laïque [25].
La tradition n'a pas complètement disparu. Des tentatives relativement mineures ont été faites pour étudier les runes lituaniennes (sic!). L'érudite lituanienne Pranciška Regina Liubertaitė (photo) affirme que non seulement les Scandinaves, les Anglo-Saxons (Anglais, Saxons, Jutes, Frisons), les Goths, les Turcs, les Hongrois, mais aussi... les Lituaniens possédaient des runes. Une plaque avec des signes runiques, qui a donné beaucoup à réfléchir [26], a été trouvée lors de la construction de l'ascenseur de la colline de Gediminas en 2003. Le mot rune est d'origine indo-européenne, et il signifie un secret, c'est-à-dire une tradition.
En résumé, tous les traditionalistes, qu'ils soient modérés ou radicaux, partagent le même désir de ramener la Tradition, seuls les moyens qu'ils proposent diffèrent.
À l'opposé des gardiens du sacrum (des phénoménologues aux traditionalistes et aux holistes) se trouvent les philosophes cyniques du postmodernisme et du transhumanisme.
Profanum contre sacrum
La philosophie postmoderne a été influencée par la phénoménologie, le structuralisme, l'existentialisme et la philosophie analytique. Mais voyons ce qui nous intéresse le plus dans ce cas, à savoir l'approche de la religion par la philosophie postmoderne.
Commençons par une hypothèse: le postmodernisme, contrairement aux gardiens du sacrum, nie le dualisme entre le monde spirituel et le monde physique, entre l'esprit et les objets qu'il valorise; en d'autres termes, la postmodernité est un monde qui peut être influencé par la seule pensée. Les postmodernistes nient la Tradition et influencent la mentalité de la société moderne sécularisée avec la vision que tout est hyperréalité, pseudo-événement, virtualité, simulacre. Les transhumanistes nient également la Tradition, mais ils rêvent d'une utopie du corps. Rappelez-vous les paroles prophétiques du penseur anglais Thomas More (1478-1535): "[...] les utopistes, par leurs facultés instruites par les sciences, sont admirablement habiles dans les inventions qui procurent toutes les commodités de la vie" [27].
Nous aimerions définir les principaux termes inventés et utilisés par les anti-traditionalistes (transhumanistes).
Daniel Boorstin
Hyperréalité. Dans la philosophie postmoderne, l'incapacité de la conscience à distinguer la réalité de la fantaisie. Les philosophes les plus célèbres qui ont étudié l'hyperréalité sont le Français Jean Baudrillard (1929-2007), l'Allemand Albert Borgmann (né en 1937), l'Américain Daniel Boorstin (1914-2004) et l'Italien Umberto Eco (né en 1932).
Baudrillard a déclaré: "La distorsion de l'espace qui suit la distorsion d'une planète équivaut au désensablement de la souche humaine, ou à sa réversion dans l'hyper-courant de la simulation. C'est la fin de la métaphysique, la fin du fantasme, la fin de la science-fiction, le début d'une ère d'hyperréalité" [28]. Borgmann a souligné l'aliénation de notre société par rapport à la Tradition, car elle est devenue hyperactive, pathologiquement accro au travail. Boorstin a dit un jour que le plus grand obstacle qui nous empêche de découvrir la forme de la terre, ses continents et ses océans, est l'illusion que nous savons. Eco a qualifié l'hyperréalité, paradoxalement, de "faux authentique".
Pseudo-événement. D. Boorstin a emprunté ce terme à Guy Debord (1931-1994), le célèbre situationniste auteur de l'ouvrage légendaire La Société du spectacle (1967). Un pseudo-événement est créé pour attirer l'attention des médias, mais il ne fonctionne pas dans la réalité. C'est la publicité qui s'est emparée de notre monde, les "nouvelles" biaisées, les "nouvelles" créées par les sociétés de relations publiques (PR). L'événement n'existe plus dans une société qui a oublié la Tradition, mais il a été remplacé par un pseudo-événement qui devient "plus réel que la réalité". Par exemple, la lettre "M" est censée créer le monde de McDonnald's, qui représente un certain aliment, mais en réalité la lettre "M" dans le monde profane ne signifie pas grand-chose. En revanche, la rune M (mannaz ou manwaz) a toujours signifié l'homme et, dans la Tradition, comme d'autres runes, elle a été chargée de sens.
Virtualité. Le terme a été inventé par Ted Nelson (né en 1937) (photo), philosophe américain et expert en technologies de l'information qui a inventé le terme hypertexte en 1963. On lui attribue également la phrase suivante: "La plupart des gens sont stupides, le gouvernement est mauvais, Dieu n'existe pas, tout est mauvais". Le virtuel représente tout ce qui n'est pas réel. En d'autres termes, c'est un profanum.
Simulacre. Le "père" de ce terme est Baudrillard. Les simulacres sont l'imagination utopique, la science-fiction et la "réalité" hyperréelle.
Pour résumer les grandes lignes de la philosophie postmoderne, il est clair que, selon Baudrillard, ce monde est une copie (copyworld). La réalité n'est plus réelle, elle a disparu de sa propre carte. Ou, comme le dirait Jacques Derrida (1930-2004), un autre philosophe postmoderne français, il y a "religion et espace-temps virtuel" [29].
"Il est vrai qu'il existe aussi une alternative (ou plutôt une opposition) positiviste à la Tradition: le transhumanisme. Le concept d'Übermensch, présenté au public dans le livre de Friedrich Nietzsche (1844-1900) de 1883 Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra), est au cœur de cette alternative. Elle trouve son origine dans l'expression "survie du plus apte" inventée par le philosophe anglais Herbert Spencer (1820-1903), telle qu'elle est décrite dans son ouvrage Principles of Biology de 1864, écrit en réponse à son admiration pour les idées de Charles Darwin (1809-1882). L'idée du surhomme a cependant dégénéré lorsque les nazis l'ont utilisée à leurs propres fins, déclarant que les Aryens étaient des surhommes, la "race supérieure" (en allemand: Herrenvolk). Dans la culture populaire et dans les nouveaux mouvements religieux, le surhomme est l'un des personnages les plus importants. Les hommes politiques utilisent également l'image du surhomme.
On peut qualifier tout cela de sophismes historiques ou de simples spéculations. Cependant, depuis un certain temps, il existe dans le monde une philosophie futuriste du transhumanisme (ou posthumanisme), qui est prise très au sérieux par beaucoup.
La pionnière du transhumanisme contemporain est l'artiste américaine Natasha Vita-More (née en 1950; de son vrai nom Nancie Clark) (photo), qui a écrit en 1982 le Manifeste pour l'art transhumaniste. On peut y lire: "L'art transhumaniste développe et prolifère de nouveaux modes d'expression artistique. Notre esthétique et nos expressions, liées à la science et à la technologie, stimulent l'expérience sensorielle. Les transhumanistes cherchent à améliorer et à activer la vie. Nous utilisons la technologie pour activer et améliorer la vie" [30].
Mais il ne s'agit là que des premières étapes du transhumanisme moderne (ou posthumanisme). L'une des figures les plus importantes associées au transhumanisme moderne est le philosophe et futurologue d'origine iranienne Fereidoun M. Esfandiary (1930-2000) (photo), qui a déclaré avoir "une grande nostalgie de l'avenir". En 1989, il a écrit un ouvrage de référence sur la philosophie du transhumanisme, Are You a Transhumanist?
Fils d'un diplomate iranien, il avait déjà visité 17 pays à l'âge de 11 ans, puis a travaillé pour la Commission des Nations unies en Palestine entre 1952 et 1954. Il a écrit plusieurs livres de fiction sous son vrai nom, et des ouvrages philosophiques scientifiques, futurologiques et transhumanistes sous le pseudonyme FM-2030 (il pensait qu'en 2030, notre civilisation aurait déjà considérablement changé - "cette année-là, nous serons devenus éternels"). Malheureusement, en 2000, le philosophe est emporté par un cancer. À sa demande, le corps de FM-2030 a été cryogénisé à l'Alcor Life Extension Foundation en Arizona.
Le transhumanisme (également connu sous le nom de >H ou H+) est aujourd'hui un vaste mouvement intellectuel et culturel qui soutient les dernières découvertes technologiques et scientifiques. Les transhumanistes pensent que les humains deviendront progressivement beaucoup plus intelligents et capables, c'est-à-dire des post-humains qui seront immortels - mais dans leur corps plutôt que dans leur âme [32].
La transformation des humains en post-humains a été décrite par l'éminent philosophe américano-japonais Francis Fukuyama (né en 1952). Dans son célèbre ouvrage La fin de l'histoire et le dernier homme (1992), il affirme que l'époque actuelle est la fin de l'histoire, car elle représente le point final de l'évolution idéologique de l'humanité et l'universalisation de la démocratie libérale occidentale.
Dix ans plus tard, dans son livre Our Posthuman Future: Consequences of the Biotechnology Revolution (2002), Fukuyama a développé cette thèse, affirmant que la fin de l'histoire ne peut survenir avant la fin des sciences naturelles et de la technologie. Pour lui, le fait que l'humanité soit sur le point de prendre le contrôle de ses processus évolutifs aura un effet profond et extrêmement destructeur sur la démocratie libérale. Les post-humains, selon Fukuyama, en manipulant le génome humain, seront capables de refaire l'humanité de la manière la plus neutre sur le plan idéologique et de la vision du monde. En d'autres termes, ce sera aussi la fin de la Tradition.
Incidemment, il convient de noter qu'en tant qu'ennemi idéologique du président américain George W. Bush (né en 1946), Fukuyama a souligné que les États-Unis ont grandement exagéré le danger de l'"islam radical", car la lutte contre le djihad n'est pas militaire, mais plutôt politique, une bataille avec les cœurs et les esprits de la population musulmane du monde, c'est-à-dire une bataille avec la Tradition. "Dans la période post-historique, il n'y aura ni art ni philosophie, seulement l'entretien perpétuel du musée de l'histoire" [33], conclut tristement Fukuyama.
Ainsi, après avoir brièvement discuté des origines philosophiques et de la vision du monde des doctrines des nouveaux mouvements religieux traditionalistes en Lituanie, nous pouvons dire qu'ils ont été principalement influencés par les diverses théories traditionalistes qui se sont répandues au cours du 20ème siècle. Leurs idéologues les plus influents ont encouragé les personnes de différents pays et religions à se tourner vers leurs racines et à prendre conscience de l'importance des valeurs traditionnelles dans un monde désacralisé dominé par de puissantes tendances à la commercialisation culturelle.
Parallèlement aux doctrines traditionalistes, des systèmes de vision du monde et des religions influentes telles que le taoïsme, le bouddhisme chan, le bouddhisme zen, le bouddhisme seon, l'hindouisme et le shintoïsme gagnent du terrain dans le monde d'aujourd'hui, tout comme la promotion du holisme et la déclaration de la relation indissoluble de l'homme avec la nature. Le nombre croissant de partisans de ces visions du monde, des holistes profondément enracinés dans l'élite universitaire et artistique occidentale, sont convaincus que, comme l'affirme le célèbre Livre des changements chinois (Yijing), tout est lié dans le monde et que, par conséquent, la nature ne peut être séparée de l'homme, et l'homme ne peut être séparé de la nature (ou de Dieu). Ces attitudes, qui ont suivi la puissante vague de l'orientalisme postmoderne, se sont largement répandues en Occident et sont devenues partie intégrante de la culture, de l'esthétique, de l'art et de la religion postmodernes. Selon les idéologues postmodernes influents, il n'y a plus de religion et de réalité clairement centrées dans le monde postmoderne de la culture méta-civilisationnelle, car nous vivons dans un contexte de lutte et de concurrence entre une multitude d'idées et de théories religieuses, et nous errons donc dans le monde comprimé de la mondialisation, à la recherche d'une vision du monde et d'une attitude religieuse plus acceptables pour tout le monde.
Selon les transhumanistes, à l'avenir, "dans l'ère humaine, les machines seront des dieux", "les machines complexes seront une forme évolutive de la vie" et "la logique sera un produit de l'imagination humaine" (selon les mots de l'écrivain anglais Robert Pepperell, fondateur de la branche posthumaniste du mouvement transhumaniste, né en 1963). Contrairement à de nombreuses régions du monde, où l'on observe un retour croissant aux valeurs traditionnelles de la culture, de la religion, de l'éthique et de l'art, en Lituanie, nous devons dire que les nouveaux mouvements religieux ont tendance à ignorer la tradition.
La plupart du temps, par manque de compréhension de l'importance des traditions culturelles dans le monde actuel, ils courent après des modes post-mondaines qui séduisent les gens qui ne croient pas en la valeur de la Tradition. En effet, la tradition ne se promeut pas d'elle-même, elle doit être découverte pour elle-même. C'est l'une des nombreuses raisons pour lesquelles la tradition unique de la culture et de la religion baltes, qui est si importante pour notre culture, notre mentalité et notre conscience nationale, a si peu de partisans. Cette situation est très surprenante pour de nombreux spécialistes religieux étrangers, en particulier les Japonais, qui sont parfaitement conscients de l'importance du maintien des traditions culturelles et religieuses nationales dans un monde post-moderne qui nivelle les distinctions.
Notes:
[1] A. Andrijauskas, Beresnevičius et les possibilités de la réception heuristique de l'histoire de la culture de la GDL // Kultūrologija 14. Est-Ouest: études comparatives V. - Vilnius, Institut de la culture, de la philosophie et de l'art, 2006, p. 29.
[2] M. D. Langone, Secular and Religious Critics of Cults : Complementary Visions, Not Irresolvable Conflicts, 22 novembre 2006, http://www.csj.org/infoserv_articles/langone_michael_secularandreligious....
[3] G. Beresnevičius, "Sanctification et laïcité": une brève introduction à un sujet inattaquable // Mircea Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997, p. viii.
[4] Ibid, p. x
[5] M. Eliade, Sanctification et laïcité - Vilnius, Mintis, 1997.
[6] G. Van der Leeuw, Phänomenologie der Religion - Tübingen, J. C., 1933.
[7] A. Andrijauskas, Histoire comparée des idées de civilisation. - Vilnius Academy of Arts Publishing House, 2001, p. 335.
[8] http://www.state.gov/g/drl/rls/irf/2006/71392.htm.
[9] Cheikh Ali El-Tantawi, Introduction à l'islam. - Kaunas, Mosque, 2001 ; le journal de l'Union des communautés tatares de Lituanie "Lietuvos totoriai" - près de 140 numéros ont été publiés depuis 1995 [données du 26.02.2012], le journal peut être consulté sur Internet à l'adresse http://www.tbn.lt/lt/?id=8&item=43 ; et il y a également les sites web des musulmans vivant en Lituanie www.islamas.lt et www.musulmonai.lt.
[10] http://islamas.lt/il.htm.
[11] http://www.lib.ru/POLITOLOG/genon.txt.
[12] Ibid.
[13] http://www.worldwisdom.com/Public/Authors/Detail.asp?AuthorID=4#excerpt.
[14] http://www.frithjof-schuon.com/TEXT1142ENG.htm.
[15] http://www.tamilnation.org/hundredtamils/coomaraswamy.htm.
[16] http://www.evrazia.org.
[17] McNallen a créé en 1985 une pseudo-science, la métagénétique, prônant un homme nouveau au-delà des découvertes de la génétique, rappelant le "vrai Aryen" créé par les ariosophes nazis.
[18] M. Peleckis, The Phenomenon of Industrial Subculture (5) : Holistic Art in Lithuania // Literatura ir menas, 23.11.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3166&kas=straipsnis&st_id=11786.
[19] Publicité dans le magazine Būrėja, 2005, n° 12 (38).
[20] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų (Sur les axes du temps) - Vilnius, Aidai, 2002, p. 95.
[21] Ibid, p. 94.
[22] Ibid, pp. 93-94.
[23] Sous le signe de Romuva. Notre foi aujourd'hui. - Vilnius, Floramedia Baltic, 2001, p. 2.
[24] J. Trinkūnas, Baltic Faith. Vilnius, Diemedžio leidykla, 2000, pp. 5, 6, 8.
[25] G. Beresnevičius, Ant laiko ašmenų - Vilnius, Aidai, 2002, p. 87.
[26] Il y avait peut-être la seule communauté en Lituanie, bien que virtuelle, intéressée par Tradicija ir ruų paslaptys (Tradition et mystères des runes), qui se trouvait sur le site http://lietuva.white-society.org et s'appelait " Baltosios tradicijos " (Traditions baltes), mais sa page a été fermée ; les runes intéressent également certains musiciens industriels, comme le groupe Sala, originaire d'Utena.
[27] T. More, Utopia. - Vilnius, Vaga, 1968, p. 109.
[28] J. Baudrillard, Simuliakrai ir simuliacija - Vilnius, Baltos lankos, 2002, p. 143.
[29] J. Derrida, G. Vattimo et al, Religija - Vilnius, Baltos lankos, 2000, p. 10.
[30] http://www.transhumanist.biz/transhumanistartsmanifesto.htm.
[31] FM-2030, Êtes-vous un transhumain ? Monitoring and Stimulating Your Personal Rate of Growth in a Rapidly Changing World - New York, Warner Books, 1989.
[32] M. Peleckis, Transhumanisme : espoirs et dangers // Literatura ir menas, 14.09.2007, http://www.culture.lt/lmenas/?leid_id=3156&kas=straipsnis&st_id=11370.
[33] F. Fukuyama, La fin de l'histoire // The Natural Interest, été 1989, p. 18.
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mardi, 09 avril 2024
Magie arthurienne
Magie arthurienne
Fernando Galván
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-magia-arturica.html
Le monde arthurien est étroitement lié à la fantaisie et à la magie du Moyen Âge. Il suffit d'évoquer le nom d'Arthur et de ses célèbres chevaliers pour que surgissent immédiatement à l'esprit les figures mythiques du magicien Merlin, de la fée ou de la sorcière Morgane, ou des objets magiques - aux pouvoirs extraordinaires - comme le Graal, ou l'épée Excalibur, ou encore des lieux dotés d'un important halo mythique et magique, comme Camelot, Avalon, la Forêt Stérile, la Chapelle Dangereuse, etc.
On pourrait citer des dizaines de motifs bien connus qui apparaissent partout au Moyen Âge et qui survivent encore dans les réécritures et les adaptations des récits arthuriens.
Il suffit de consulter un ouvrage aussi bien documenté que El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica (=Le Roi Arthur et son monde - Dictionnaire de la mythologie arthurienne (1)) de Carlos Alvar, pour constater la richesse magique et mythologique sous-jacente.
Dans le prologue de cet ouvrage, il est fait référence à l'Histoire de Lancelot du Lac comme noyau central des récits arthuriens, car elle contient la plupart des thèmes qui sont répétés et modifiés ailleurs.
Mais dans ce même récit sur Lancelot, étant donné sa longueur singulière, nous trouvons également ce que l'on peut observer dans d'autres récits en vers et en prose dans les différentes langues européennes médiévales.
C'est-à-dire que les personnages, les incidents, les objets et les lieux de ce monde fictif ne conservent pas une identité concrète et fixe, mais changent constamment, modifient leur nature et se transforment, comme par magie, en de multiples versions.
Le dictionnaire d'Alvar est irremplaçable, dans notre langue espagnole, pour trouver les clés de tant de transformations, des changements de physionomie et de noms adoptés par les centaines de personnages et d'incidents du monde arthurien.
Parfois, on croit percevoir dans tel ou tel élément narratif la trace de l'antiquité classique, d'autres fois celle du monde celtique primitif - d'où proviennent certainement beaucoup des légendes qui ont façonné le monde du roi Arthur - ; et à d'autres occasions, la présence du christianisme est indiscutable, qui - comme à d'autres époques - s'est efforcé au Moyen Âge d'adapter les fantaisies et les mythes païens à la doctrine de l'Église.
Il n'est donc pas facile de résumer la très longue liste d'événements magiques qui abondent dans tant de textes médiévaux.
Il existe des livres et des articles bien connus sur chacun des éléments importants liés à la magie et à la fantaisie. Citons, par exemple, les ouvrages prestigieux de R. S. Loomis, l'encyclopédie monumentale de N. J. Lacy et d'autres, les études de Geoffrey Ashe, William Albert Nitze et Nikolai Tolstoy.
Mentionnons également les livres de Carlos García Gual sur les légendes arthuriennes.
Pour ne pas me perdre dans le labyrinthe des détails magiques qui affectent le cycle arthurien, je préfère me concentrer sur une tentative d'explication de certaines des raisons de cette magie et de ses relations avec la science, la religion et l'histoire, et commenter brièvement les effets de cette magie au Moyen Âge et même à une époque ultérieure, car les résultats de la magie arthurienne dépassent largement les frontières du quinzième siècle.
Le monde de la fantaisie, du merveilleux, n'a pas eu la même importance dans d'autres périodes historiques.
Ann Swinfen, dans son livre Defence of Fantasy, qui étudie le roman fantastique contemporain, affirme ce qui suit :
L'un des aspects les plus difficiles de l'étude critique du roman fantastique résulte peut-être de l'attitude de la plupart des critiques contemporains, une attitude qui suggère que le mode d'écriture dit "réaliste" est en quelque sorte plus profond, plus engagé moralement, plus directement lié aux préoccupations humaines "réelles" qu'un mode d'écriture qui fait appel au merveilleux.
La raison pour laquelle je défends le fantastique est que c'est loin d'être le cas. Pour clarifier cette question, nous pouvons peut-être nous rappeler que ce que nous considérons aujourd'hui comme le monde "réel" - c'est-à-dire le monde de l'expérience empirique - a été considéré pendant de nombreux siècles comme le monde des "apparences". Pour nos ancêtres, plus enclins que nous par conviction et par apprentissage à chercher la réalité au-delà du monde matériel, ce qui était définitivement réel résidait dans les autres mondes spirituels. C'est sur la réalité de ces autres mondes que porte, dans une large mesure, la fantaisie".
En effet, au Moyen Âge, le surnaturel, la magie, n'était pas nécessairement une fantaisie irréelle, ni ne devait nécessairement s'opposer au concept de science, mais c'était souvent un moyen didactique de transmettre une connaissance profonde de la réalité, non accessible à un niveau empirique, et qui pouvait donc être présentée à travers des paradoxes et des contradictions avec les apparences du monde réel.
Fernando Galván : MAGIE ARTHURIENNE
- Carlos Alvar, El Rey Arturo y su mundo. Diccionario de mitología artúrica, Madrid, Alianza Editorial, 1991.
21:00 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fantastique, traditions, cycle arthurien, magie | |
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lundi, 08 avril 2024
La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques
La fonction religieuse et astronomique des monuments mégalithiques
Mario Alinei & Francesco Benozzo
Source: https://melmothlibros02.blogspot.com/2024/04/la-funcion-religiosa-y-astronomica-de.html
La fonction astronomique des mégalithes, en particulier en relation avec leur fonction religieuse, est peut-être leur aspect le plus fascinant.
Niée avec obstination par les spécialistes jusqu'à récemment, elle est aujourd'hui universellement acceptée, après qu'Atkinson [1979] l'a clairement démontrée pour Stonehenge. Par la suite, cette fonction a été vérifiée pour les autres monuments.
Comme le dit Cunliffe (2001), même si "une partie de ce qui a été écrit est complètement fallacieux et une autre partie n'est pas prouvée, il reste un fait indiscutable que plusieurs de nos tombes mégalithiques les plus impressionnantes ont été conçues avec une immense habileté pour se rapporter précisément à d'importants événements solaires ou lunaires".
Il suffit de rappeler, parmi les exemples les plus connus, que la tombe irlandaise de Knowth (ci-dessus) a une orientation équinoxiale, associée au début de la saison des semailles et des récoltes.
Newgrange (ci-dessus), situé à peu de distance de Knowth, est l'un des cas les plus illustratifs. Il s'agit d'un sanctuaire mégalithique, daté entre 2475 et 2465 avant J.-C., qui consiste en une tombe à couloir.
La tombe a été construite de telle sorte que la ligne du couloir ou du passage d'accès à la chambre centrale était orientée vers le point de l'horizon où le soleil se lève le 21 décembre, le jour du solstice d'hiver le plus court de l'année (en termes religieux modernes, le jour de Noël).
La fonction à la fois scientifique et religieuse du monument est ici évidente. Le solstice, que le monument "capture" avec une précision absolue, marque à la fois la fin du principal cycle annuel de la nature, le cycle agricole, et l'aube d'un nouveau cycle : la nuit de la Saint-Sylvestre.
De plus, la lumière du soleil solsticial tombant sur le tombeau au centre du monument, il est clair que la résurrection du soleil devait impliquer celle des morts et assurer la même renaissance à tous les vivants, héritiers ou sujets de l'enseveli.
L'importance de ces observations pour l'interprétation des mégalithes est énorme, car elle permet de comprendre le lien entre la résurrection du soleil et la résurrection des morts. Plus généralement, la fonction du monument était à la fois scientifique, funéraire et magico-religieuse.
Les fouilles récentes ont également montré que les alignements, c'est-à-dire les rangées simples ou multiples de pierres placées les unes à côté des autres (très répandus en Bretagne) ont probablement une fonction mixte, rituelle et astronomique (cette dernière étant liée aux collines environnantes).
Les études menées au cours des vingt dernières années ont fourni des preuves statistiques impressionnantes que les bâtisseurs de mégalithes et les communautés mégalithiques observaient constamment le cycle de la lune.
Un exemple emblématique est Le Grand Menhir Brisé en Bretagne, aujourd'hui interprété comme le plus grand observatoire lunaire de l'Europe néolithique.
MARIO ALINEI - FRANCESCO BENOZZO : Origines des mégalithes européens
20:25 Publié dans archéologie, Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : archéologie, traditions, mégalithes, préhistoire | |
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mardi, 13 février 2024
Digression sur... Arlequin
Digression sur... Arlequin
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/divagazione-su-arlecchino/
Mi so' Arlechin batòcio, orbo de na recia, e sordo de n'ocio...
Nous sommes en plein carnaval. Et les masques, anciens, classiques, nouveaux, sont nombreux. Seuls quelques-uns sont vraiment emblématiques... Punchinello, Pantalone...
Mais aucun n'est aussi emblématique que lui. Arlequin. Le vrai visage (masqué) de ces fêtes.
Goldoni en a fait un personnage théâtral (et littéraire) extraordinaire, d'abord dans "Arlequin, serviteur de deux maîtres", paradigme du serviteur idiot et preuve de bravoure, même athlétique, pour les différents Arlequins de cette longue tradition qui remonte au grand Ferruccio Soleri. Pour s'arrêter là. Malheureusement.
Puis, en le transformant en un masque beaucoup plus complexe, cet "Arménien de Bergame", à qui il a taillé sur mesure l'extraordinaire épisode de "La famille de l'antiquaire".
Mais lui, Arlequin, venait de bien plus loin que Goldoni. Et aussi de la Commedia dell'Arte. Où il était entré furtivement, en se superposant à Zuannj, le serviteur idiot qui dérivait directement du Maccus de l'Atellana romaine. Et qui, en fait, était originaire de Bergame. Car c'est de ces vallées que venaient les serviteurs de bas étage, les hommes de peine, des grandes maisons vénitiennes. Et le nom de Giovanni était commun. Zuàn, en dialecte. Zanni ou Zuanni.
Et sot, en vérité, il ne l'était pas. Un personnage inquiétant, plutôt. Avec son masque qui, à bien y regarder, conserve des traits... démoniaques.
C'était, ou plutôt c'est toujours, un démon, notre Arlequin. Attention: un démon, pas un diable. Ce qui est, si vous voulez, une catégorie tout à fait différente. Lorsqu'il était encore appelé Hallequin en France, il menait la Chevauchée sauvage les nuits d'orage. Un cortège de morts et autres créatures infernales, selon la tradition médiévale. La suite d'Odhin (ou Wotan, ou Wodden) dans le mythe germanique. Un chevalier et un seigneur des ténèbres. Dont la sagesse lui permet de passer du royaume des morts à celui des vivants....
Et, selon la légende, pendant la période du carnaval, en particulier lors des "jours gras", sa cavalcade s'arrête, même si c'est pour une courte durée. Arlequin se promène alors parmi nous. Avec sa cape irisée, sa petite épée au côté, bientôt transformée en bâton, louche ou matraque de bois.
Borgne et sourd. D'une oreille et d'un œil. Inversé entre les deux. Mais ces déficiences étaient typiques des personnages de l'Antiquité. Du mythe. Voyants, magiciens... Odin lui-même est borgne. Car il a sacrifié un œil en échange de connaissances occultes.
Il parcourt les maisons, les rues, les fêtes. Et tisse des illusions. Des canulars. Qui, uniquement à cause de notre habitude de tout rabaisser à notre (bas) niveau, deviennent les fameuses farces... avec le corollaire : au Carnaval, toutes les blagues comptent...
Mais dans ce très vieux dicton, il y a quelque chose de troublant. Pensez-y : toutes les blagues. Même les plus féroces. Les plus cruelles. Comme peuvent l'être les farces démoniaques d'Arlequin.
Bon carnaval, donc. En espérant ne pas tomber sur... Harlequin.
21:07 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnaval, arlequin, traditions | |
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samedi, 03 février 2024
Japon: la fête d'Hanami
Japon: la fête d'Hanami
Andrea Marcigliano
Source: https://electomagazine.it/hanami/
Au Japon, plus ou moins en cette dernière partie du mois de janvier, des prévisions sont publiées par l'Institut météorologique national sur la... floraison des cerisiers. Celle-ci commencera fin mars dans l'île méridionale de Honshū et se terminera à la mi-mai dans l'île septentrionale d'Hokkaido, qui, généralement, reste longtemps enneigée.
Il s'agit bien sûr de permettre à ceux qui le souhaitent de se rendre sur les lieux de floraison. De se consacrer à la contemplation du Sakura. Des cerisiers en fleurs.
Une coutume, voire une fête ancienne, plus que millénaire. Et qui porte le nom de Hanami.
Saisissant... et étrange pour nous. Car notre façon de concevoir les fêtes calendaires est de plus en plus détachée des cycles de la nature. Elle est devenue quelque chose d'abstrait.
Même les fêtes traditionnelles, comme Noël ou Pâques, sont, au moins dans le sentiment commun, des fêtes de l'esprit.
Pour les religieux, ce sont des fêtes de la foi. Ou, plus précisément, de l'Église. Mais d'une Église qui, de plus en plus, les célèbre comme une mémoire. Une sorte de mémoire qui fonde son existence. Sa raison d'être.
Ici aussi, on a perdu le sens des anniversaires dans lesquels le Mystère, la Naissance, la Mort et la Résurrection, est inhérent. Il est présent, il se reproduit à chaque fois. Comme si c'était la première fois. C'était une conscience très claire dans le christianisme des premiers siècles. Et nous en trouvons encore un écho dans les Hymnes sacrés de Manzoni.
Mais aujourd'hui, tout cela est perdu. Incapables de vivre le Mystère, les hommes se limitent à s'en souvenir abstraitement. Comme n'importe quel fait historique.
Et les nouveaux festivals sont encore pires. Pensez au modèle américain, que nous sommes en train d'importer. Thanksgiving... Black Friday, la fête de la consommation et du consumérisme.
Dans la culture japonaise, en revanche, la perception, ou le sentiment, d'un lien avec la nature a été maintenu.
Ce sentiment se concrétise par des festivals liés à des phénomènes saisonniers spécifiques. Comme, précisément, la floraison du Sakura. Des cerisiers.
Ce qui rappelle une certaine tradition sur la floraison des amandiers, à la fin de l'hiver, qui était autrefois vivante dans nos contrées. Comme dans la Vallée des Temples, à Agrigente. Un héritage extrême de la civilisation hellénique.
Il n'est cependant pas nécessaire d'établir des parallèles complexes entre des traditions et des cultures différentes. Au contraire, ce ne serait qu'une abstraction de plus. Une dialectique traditionaliste.
Hanami, en revanche, est quelque chose d'essentiel. Simple. Et, pour cette même raison, difficile à réaliser pour nous, Occidentaux modernes.
Contempler en silence la floraison des cerisiers. Apprécier leur beauté à l'aube. Et leur parfum le plus intense au coucher du soleil.
C'est tout.
Bien sûr, on pourrait ensuite parler du symbolisme complexe du Sakura.
Mais un symbole, s'il est authentique, ne doit pas être expliqué.
Il doit être contemplé... et ressenti dans sa force vitale.
19:09 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : traditions, japon, hanami, sakura, cerisiers, asie | |
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jeudi, 14 décembre 2023
Le Kali Yuga a toujours existé...
Le Kali Yuga a toujours existé...
par Michele (Blocco Studentesco)
Source: https://www.bloccostudentesco.org/2023/11/29/bs-il-kali-yuga-e-sempre-stato-qui/
Il n'y a pas de doute sur le poids qu'a eu un certain ésotérisme et une pensée traditionnelle dans le monde bigarré du fascisme et surtout du néo-fascisme. L'une des thèses centrales consiste à associer le concept de kali yuga au sentiment européen de décadence - résultat de la révolution industrielle et de la sécularisation engendrée par la modernité (la fameuse "perte de l'auréole" de Baudelaire) - et à son pendant philosophique, à savoir le nihilisme. Le cas le plus illustratif à cet égard est peut-être celui de Chevaucher le Tigre d'Evola. Dans les toutes premières pages du livre, il en explique la signification :
"dans le monde classique, il était présenté comme une descente de l'humanité depuis l'âge d'or jusqu'à ce qu'Hésiode appelait l'âge de fer. Dans l'enseignement hindou correspondant, l'âge terminal est appelé kali-yuga (= l'âge des ténèbres), et l'idée essentielle est ici clarifiée en soulignant que le kali-yuga est précisément un climat de dissolution, le passage à un état libre et chaotique des forces individuelles et collectives, matérielles, psychiques et spirituelles, qui étaient auparavant contraintes de diverses manières par une loi venue d'en haut et par des influences d'un ordre supérieur".
En d'autres termes, la phase terminale que nous vivons actuellement ne peut s'expliquer uniquement dans une perspective historico-politique, mais s'inscrit dans un cycle cosmique. Elle touche non seulement les cordes intimesde l'humain, mais aussi celles du divin. Une image - même si ce n'est pas précisément le cas d'Evola (Chevaucher le Tigre lui-même est une tentative, certes plus existentielle que politique, de trouver une voie et une direction au sein du kali yuga) - qui pourrait conduire à un certain défaitisme et à un certain fatalisme. En tout cas, ce n'est pas très encourageant pour ceux qui doivent faire face à la réalité qui les entoure. Au contraire, penser que tout est en proie à la décrépitude et donc intimement lacunaire peut conduire à un étrange snobisme, où l'erreur de l'époque dans laquelle nous vivons devient l'alibi de nos propres erreurs et de nos propres manques.
Cette tentation est encore plus forte lorsque nous idéalisons et exagérons comme les heures les plus sombres les derniers siècles de notre histoire où tout est perdu, ou lorsque nous ignorons tout simplement l'étendue du kali yuga. En dehors de la tradition hésiodique, qui reconnaît une renaissance de l'âge d'or juste avant l'âge de fer, l'âge des héros se terminant à peu près avec la guerre de Troie, dont nous avons quelques documents historiques en plus des poèmes homériques, l'ensemble de l'histoire humaine que nous connaissons se situe dans l'âge sombre du kali yuga. Dans la plupart des mythes, ce dernier commence avec le déluge universel.
Savoir cela peut être encore plus désespérant pour certains, mais il est utile d'éviter de se créer de fausses illusions sur le passé. Les traditions ne sont que l'écho d'une sagesse primordiale, elles ne sont pas ce savoir exact. De Sparte à Rome, même les références politiques les plus anciennes que nous pouvons prendre comme exemple idéal sont encore plongées dans l'imperfection et l'obscurité, même si elles brillent de leur propre lumière. Il s'agit précisément de modèles qui naissent de et avec leur époque. En approfondissant la doctrine des cycles cosmiques, les humanités qui peuplent les différents âges sont métaphysiquement différentes les unes des autres. La nostalgie d'un âge d'or a donc quelque chose de paradoxal ; elle est d'ailleurs le plus souvent utilisée comme mythe politique par les forces progressistes qui s'imaginent pouvoir racheter le monde et trouver un nouvel âge d'or dans l'utopie, qui ressemble d'ailleurs le plus souvent à une sorte de tranquillité animale.
La doctrine des cycles cosmiques est-elle donc à jeter aux oubliettes ? Pas du tout, à condition de savoir la comprendre. On pourrait la comparer à cette forme d'étrange pessimisme existentiel qu'est l'esprit tragique des Grecs. La contemplation lucide de la souffrance, de l'imperfection et de l'absence de sens de l'existence ne conduit pas à une acceptation passive, ni à l'idée qu'il s'agit d'une sorte de péché à éradiquer ou d'erreur à corriger. Il en résulte au contraire une volonté de s'affirmer, une exaltation de la vie et du destin comme amor fati, car "s'il y a quelque chose de plus puissant que le destin, / c'est le courage qui le porte inébranlablement". Penser à cela dans une époque sombre, sinon dans les temps les plus sombres, doit donc être pris comme une invitation au courage et à l'affirmation de soi malgré tout.
21:13 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, cycles cosmiques, kali yuga, traditionalisme | |
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