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lundi, 30 janvier 2023

Si la "droite" a raison - à l'avenir, la pensée globaliste devra se combiner avec l'affirmation de soi localiste

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Neue Züricher Zeitung (NZZ)

Commentaire d'un lecteur

Si la "droite" a raison - à l'avenir, la pensée globaliste devra se combiner avec l'affirmation de soi localiste

L'Occident a longtemps réussi à exercer une domination politique, idéologique et technologique sur le monde. Aujourd'hui, il est confronté à de puissants rivaux extérieurs et au relativisme culturel qui sévit en son sein. Le réalisme et l'autolimitation sont de mise.

Heinz Theisen

Après l'échec de l'utopie visant l'égalité matérielle, les aspirations de la gauche se sont déplacées vers l'égalité culturelle et biologique. Sous le signe de l'arc-en-ciel, la diversité et l'égalité sont censées se compléter au sein de "l'humanité unique" - comme autrefois la liberté et l'égalité au sein des sociétés nationales.

La puissance de cette nouvelle idéologie provient de sa coalition avec le capitalisme mondial. L'appel à l'ouverture des frontières unit les acteurs économiques mondiaux et les moralistes à la pensée globaliste. La libre immigration est pour les uns ce que l'externalisation est pour les autres.

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Déconstruction du propre

Tous deux sacrifient pour cela l'affirmation de soi des communautés circonscrites, de la famille, de l'État-nation et de la culture. D'où la déconstruction, qui les caractérise, de toute identité originale, et leur haine de la culture occidentale, qui est la plus réussie et donc la plus inégalitaire. L'ordre du "monde unique" est attribué dans le grand reset à un centralisme numérisé d'instances mondiales.

La critique du manque de rationalité des intérêts ne s'adresse pas à un zèle religieux de substitution qui satisferait des aspirations profondes au bien. Non, ce manque de rationalité est critiquable parce qu'il s'agit d'un christianisme frelaté tant que son idéal d'universalité n'est pas associé au réalisme de la subsidiarité. L'amour du lointain risque de prendre le pas sur l'amour du prochain.

Lorsque les sociaux-démocrates danois veulent garantir l'État social en durcissant le droit d'asile, est-ce de gauche ou de droite ?

Le relativisme culturel de l'Occident était la condition préalable à son universalisme politique, jusqu'à justifier l'intervention dans des milieux culturels étrangers. Au sein de la société, les luttes culturelles étaient également programmées. Les valeurs et les structures occidentales étaient considérées comme transférables à satiété à d'autres cultures et, inversement, aux immigrés issus de cultures étrangères.

La coalition tricolore en Allemagne n'est pas le fruit du hasard. Un libéralisme galvaudé occupe une place centrale dans cette coalition arc-en-ciel. Il exige, jusque dans les rôles sexuels, la dissolution de toutes les formes d'identité communautaire au profit des identités individuelles. L'absence de limites est revendiquée même par rapport face aux contraintes naturelles.

Le moralisme de l'ouverture universelle revendique à son tour l'absoluité. Les positions opposées à ce Bien, posé comme tel, sont considérées comme mauvaises et ne méritent que d'être combattues. Toute forme d'affirmation de soi est considérée comme "de droite", la polarisation des sociétés suit son cours.

Les attaques venant du lointain sur tout ce qui est prochain et du futur sur le présent expliquent aisément les contre-mouvements furieux, observables de Trump au Brexit en passant par Le Pen et l'AfD. Mais ceux-ci ne constituent que des contre-pensées tant qu'ils ne proposent pas leur propre récit réaliste. Sans une compréhension plus profonde de la culture propre d'un terreau local/national, la volonté de le protéger ne peut être justifiée que par des peurs et des ressentiments. Et sans une reconstruction des éléments les meilleurs et les plus unificateurs de notre culture - comme en particulier l'histoire chrétienne bimillénaire de l'Europe - un sentiment de colère génère un rejet massif et renforce la polarisation.

Le mondialisme utopique délocalisé/délocalisant menace de générer des contre-extrémismes nationalistes et régressifs. L'État-nation n'est pas une fin en soi, comme le pensent certains romantiques identitaires. Il peut lui-même devenir l'agent d'un centralisme bureaucratique et détruire les petites communautés. Mais il n'y a aucune raison de le diaboliser tant qu'il agit de manière défensive et qu'il reste principalement axé sur l'affirmation de ses propres valeurs.

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Démondialisation et nouvelle multipolarité

Dans un monde multipolaire composé de grandes puissances comme les Etats-Unis, la Chine et la Russie, les nations européennes sont trop petites pour pouvoir assurer seules leur sécurité et leur prospérité. La voie médiane et praticable entre le mondialisme et le nationalisme résiderait dans un aménagement de l'espace entre les acteurs, dont la structure et la taille résulteraient de leur capacité à résoudre les problèmes.

En Europe, cela pourrait se faire dans le cadre d'une Union qui connaitrait ses limites à l'extérieur et à l'intérieur. Plus de diversité à l'intérieur permettrait plus d'unité et de force à l'extérieur, face aux adversaires que sont la Russie, la Chine et ceux du monde islamique. Il ne s'agit pas de sortir de cette Union, mais de la transformer en une "Europe qui protège" (Macron) - jusqu'à un marché unique européen qui sache exiger la réciprocité dans les échanges avec la Chine.

La guerre d'agression de Poutine a mis fin à tous les rêves mondialistes et multilatéraux. La déconnexion de la Chine, opérée dans le cadre de la pandémie, qui a placé le pays hors des contextes internationaux, et les sanctions décrétées contre la Russie ont renforcé les tendances à la déglobalisation qui étaient déjà en germe dans la pandémie. La rivalité, qui s'est déchaînée dans l'économie mondiale, exige une plus grande protection de la classe moyenne contre les tendances oligopolistiques. Les pertes de prospérité sont inévitables, mais une meilleure délimitation de ce ressac permettrait de garder et de consolider l'ordre.

D'autant plus que les valeurs woke de l'Occident, qui glissent de plus en plus vers un extrémisme débridé, suscitent plutôt le dégoût dans les cultures traditionnelles ailleurs dans le monde. Alors que les démocraties libérales font preuve d'une très grande tolérance à l'égard de l'islam, l'islamisme, de son côté, se montre intransigeant. Dans leur propre culture, les conservateurs culturels affirment que leur culture doit demeurer dominante, et dans l'espace de la culture étrangère, ils respectent sa primauté. De cette manière, même des cultures incompatibles pourraient coexister pacifiquement.

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La droite et la gauche se confondent

La préoccupation centrale de la "droite", des traditionalistes aux nationalistes, est l'auto-affirmation de ce qui lui est propre. Ce récit permettrait également au conservatisme de sortir de son dilemme consistant à toujours s'opposer aux nouveautés des autres.

La "lutte contre la droite" déclarée par beaucoup semble être menée avec d'autant plus d'acharnement qu'elle passe à côté du sujet. Lorsque les sociaux-démocrates danois veulent garantir l'État social en durcissant le droit d'asile, est-ce là une position de gauche ou de droite? Un libéral qui défend l'égalité des sexes contre la charia est-il libéral ou conservateur? De même, une protection accrue du commerce de détail par une taxation minimale d'Amazon à l'échelle européenne serait à la fois de gauche, libérale et de droite.

Face à tout ce qui doit être affirmé et préservé en termes de progrès social et d'émancipation, l'affirmation de soi est également une préoccupation incontournable pour la gauche et les libéraux. Le conservatisme ne signifie donc pas l'exaltation du passé, mais la reconnaissance des nécessités pour faire face à la réalité. On peut aussi appeler cela du "protectionnisme".

Avec la guerre d'agression menée par la Russie, le nationalisme connaît une renaissance, si ce n'est au profit de sa propre nation, il le connaît via le soutien à l'Ukraine. Les pacifistes verts sont devenus du jour au lendemain les plus fervents partisans de la livraison d'armes. Si les anciens objecteurs de conscience du gouvernement allemand, comme le chancelier et le vice-chancelier, défendent l'autodétermination nationale des Ukrainiens, ils peuvent difficilement la refuser à leur propre pays. Les mondialistes seront confrontés à un Canossa similaire lorsque les flux migratoires toucheront les quartiers aisés et commenceront à submerger les éthiciens de la pensée qui y vivent.

Mais en fin de compte, les contradictions entre les mondialistes et les protectionnistes devront être transformées en réciprocité, comme dans le cas du conflit entre le capital et le travail dans l'économie sociale de marché. Les sociétés vieillissantes ont besoin à la fois d'immigration et d'État social. Une migration maîtrisée nécessite des formes contrôlées d'ouverture et des formes différenciées de protection.

Les avantages comparatifs en termes de coûts du libre-échange sont indispensables au développement de la prospérité. Des compromis peuvent être trouvés sur les limites de la concurrence mondiale en faveur des qualités locales. Leur recherche commence dès lors que des discours ouverts sont tenus sur les limites de l'ouverture.

Heinz Theisen est professeur émérite de sciences politiques à l'Université catholique de Rhénanie du Nord-Westphalie à Cologne.

L’ombre de l’Algérie sur la France

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L’ombre de l’Algérie sur la France

par Georges FELTIN-TRACOL

Bien que passée inaperçue, elle a été la première polémique de l’année 2023. José Gonzalez, député RN de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône, accède à l’une des dix vice-présidences des Amitiés parlementaires France – Algérie. La gauche crie au scandale d’autant que le doyen de l’Assemblée nationale, originaire d’Oran, n’a jamais caché la déchirure de l’exil et la nostalgie pour la terre de ses ancêtres. Cette vaine querelle prouve encore l’intensité, la profondeur et la complexité des relations franco-algériennes. Or, malgré une indépendance acquise depuis soixante ans, l’Algérie continue à peser sur le devenir français.

En septembre 2021, le gouvernement français restreignait le nombre de visas accordés non seulement aux Algériens, mais aussi aux Tunisiens et aux Marocains. En 2019, Paris avait accordé environ 200.000 visas aux seuls Algériens! Cette mesure de rétorsion répondait au refus habituel des trois États maghrébins de ne pas reprendre (ou bien peu) leurs ressortissants expulsés de l’Hexagone. En 2019, le taux de reconduction à la frontière ne représentait que 14,4 %. Le Figaro du 19 octobre 2022 signalait qu’« en 2021, les Algériens composaient la seconde nationalité la plus représentée en CRA (centre de rétention administrative) (1687 personnes, 10,3 % du total), après les Albanais (1521, 11,5 %), les Tunisiens (1387, 9,4 %) et les Marocains (1587, 8,6 %) suivaient ». La « crise des visas » s’achève en décembre 2022 par l’incroyable reculade du gouvernement français. A-t-il pris conscience du poids démographique algérien en France ? A-t-il tenu compte des impératifs énergétiques et économiques du moment ?

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On recense entre 75 et 85 vols quotidiens entre la France et l’Algérie, soit quatre cents liaisons aériennes par semaine ! Un article du Monde du 25 août 2022 citait Christophe Castaner de sinistre mémoire évoquant « 1,2 millions de Français algériens qui votent ». Un parent faisant son service militaire en 1995 se souvient qu’un binational qui préférait effectuer dix mois de conscription en France plutôt que deux ans en Algérie, lui déclara avoir voté à l’élection présidentielle algérienne pour le candidat islamiste Mahfoud Nahnah…

L’octroi massif de visas aux Algériens est une exigence fréquente de la rue maghrébine. Dès qu’un président hexagonal parcourt Alger, Constantine, Tizi Ouzou, la foule lui hurle : « Des visas ! Des visas ! Des visas ! » Les autorités algériennes aimeraient que leur validité dure plus longtemps. L’actuel chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, déclare au Figaro du 30 décembre 2022: «Je me permets de paraphraser un ami qui, de manière anecdotique et ironique, me déclarait récemment que les Algériens devraient avoir des visas d’une durée de 132 ans». Par-delà le ton sarcastique, les propos présidentiels ne peuvent qu’encourager les Harraga, ces jeunes Algériens désespérés par l’inertie du régime, son incompétence et sa kleptocratie, à émigrer en France. Ambassadeur de France en Algérie à deux reprises (2008 – 2012 et 2017 – 2020), Xavier Driencourt explique dans Le Figaro du 21 décembre 2022 que « les autorités algériennes n’ont pas intérêt à récupérer ces ressortissants, réfractaires, politiquement marginaux ou contestataires, souvent kabyles, qui fuient leur pays en raison du contexte politique ou pour des raisons économiques; ces migrants sont une variable d’ajustement dans un pays en crise ».

L’attrait migratoire de l’Hexagone se comprend pour la libéralité de ses prestations sociales supérieures à un modèle suédois dépassé qu’il délivre aux immigrés. Sans omettre d’autres facilités obtenues. Par exemple, Xavier Driencourt insiste sur « l’utilisation des passeports diplomatiques, qui permet à nombre de ressortissants algériens de venir en France sans visa et sans aucune forme de contrôle, la non-délivrance de titres de séjour aux Algériens qui ne résident pas en France mais qui profitent de leur carte de résident pour se faire soigner et/ou bénéficier des avantages sociaux du système français ». L’« envie de France » s’accroît au moment où le gouvernement algérien retire la langue française à l’école au profit de l’anglais. Le président Tebboune a beau déclaré qu’« en 2022, l’Algérie compte 27 millions de locuteurs qui maîtrisent le français sur 45 millions d’habitants », il estime néanmoins que son pays « ne s’est pas libéré pour faire partie d’un je ne sais quel commonwealth linguistique ». L’arrêt de l’apprentissage de la langue de Molière dans le système scolaire ne signifie pas la fin des flux migratoires. Bien au contraire !

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Lors de la campagne présidentielle de 2012, alors conseiller de l’ombre de Nicolas Sarközy, Patrick Buisson suggérait au président-candidat d’abroger la partie encore en vigueur des accords d’Évian. L’ambassadeur Driencourt (photo) propose pour sa part « la dénonciation ou à tout le moins la renégociation des accords de 1968 ». « Ces accords du 27 décembre 1968, précise-t-il, portent sur les conditions d’arrivée et d’installation des Algériens en France. Ils comprennent de nombreuses dispositions dérogatoires par rapport aux autres nationalités, y compris les Marocains et les Tunisiens: certificat de résidence de dix ans, régularisation des sans-papiers facilitée, regroupement familial accéléré, conditions d’intégration dans la société française assouplies par rapport aux autres nationalités, visas étudiants assez généreux, etc. Beaucoup de facilités, donc, au bénéfice des Algériens. Négociés et signés dans la foulée des accords d’Évian, à une époque où la France voulait faire venir en France une main-d’œuvre algérienne francophone, ces accords n’ont plus de sens dans le contexte actuel ». Hélas ! on sait que le gouvernement macronien ne fera rien alors que les Algériens présents en France, quand ils ne militent pas en faveur de la cause kabyle, s’islamisent très rapidement. N’oublions jamais cette pancarte mal orthographiée brandie par une participante goguenarde à une manifestation contre le concept fallacieux d’islamophobie tenue à Paris le 19 octobre 2019 : « Française musulmane et voilée, si je vous dérange, je vous invite à quitter mon pays. »

Un lecteur de Valeurs actuelles du 7 juillet 2022 cite par ailleurs Léon Roches rapportant les commentaires de l’émir Abdel Kader dont il fut le secrétaire particulier de 1836 à 1840: «Nous avons vendu notre âme à Dieu, nous méprisons la mort. C’est nous qui rendrons la Mitidja déserte et qui bloquerons l’infidèle dans Alger. Bientôt nous chasserons les Français d’Alger. Puis nous passerons la mer sur des barques. Nous prendrons Paris. Nous nous y assemblerons. Puis nous conquerrons les autres nations et nous leur apprendrons la vérité du vrai Dieu». Après cinq années de détention et libéré par un homme qui a lui aussi connu l’emprisonnement, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, l’émir s’installera à Beyrouth où il protégera des chrétiens persécutés. Quant à ses petits-fils, ils seront officiers de l’armée française.

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Les réflexions d’Abdel Kader se comprennent à l’aune de l’histoire de la future Algérie. Elle fut du Moyen Âge jusqu’à la conquête de 1830 un puissant foyer de piraterie barbaresque. En 1541, l’empereur Charles Quint organisa le siège d’Alger sans pour autant pouvoir briser cette menace.

Détentrice de gisements considérables d’hydrocarbures, l’Algérie a les moyens de jouer sur l’activité économique et l’avenir énergétique de la France. L’importante communauté algérienne, binationale ou non, constitue un autre moyen de pression. En 2002, au mépris de la souveraineté nationale, l’Amicale des Algériens en Europe appelait à voter contre Jean-Marie Le Pen présent au second tour de l’élection présidentielle. Les prochaines décennies confirmeront peut-être la prédiction de Mohamed Larbi Ben M'hidi (1923 – 1957), l’un des six fondateurs du FLN (Front de libération nationale). Il lança aux soldats français qui venaient de l’arrêter: «Je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque. Vous voulez l’Algérie française et moi je vous annonce la France algérienne».

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 58, mise en ligne le 25 janvier 2023 sur Radio Méridien Zéro.

La génération « flocons de neige »

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« Ce qui ne vous tue pas vous rend plus faible »

La génération « flocons de neige »

par Roberto Pecchioli

Source: https://www.maurizioblondet.it/generazione-fiocchi-di-neve-flaccida-e-gregaria/

Une superbe synthèse sur la jeunesse actuelle fabriquée par le mondialisme technologique et enthousiaste. Rappel : pour Philippe Muray la jeunesse résultante de mai 68, du féminisme et de l'écologie, était déjà un naufrage il y a vingt-cinq ans. Là on a plongé dans les abysses : vaccin, éoliennes et smartphone au programme – sans oublier guerres et insectes grillés – le tout avec 87% d'abstentions aux élections, 32% de LGBTQ et même 30% de capacité thoracique en moins.  Mais laissons Roberto Pecchioli  parler :

« L'armée américaine a dû abaisser ses critères de recrutement physique. Les performances des aspirants se détériorent régulièrement. On ne sait pas quelles sont les conditions psychologiques et mentales, le tempérament moral des recrues. La situation est la même en France, où la comparaison entre les tests physiques actuels et ceux du passé est décourageante: la dernière génération a perdu un quart de sa capacité pulmonaire en raison d'une sédentarité, résultat de nombreuses heures passées devant des écrans. Conséquence : les jeunes Français mettent une minute de plus que leurs pères pour parcourir un kilomètre à pied.

Le pronostic est sévère : entre addictions (alcool, drogues, médicaments et psychoactifs, buzz, appareils électroniques), déchéance physique et fragilité causée par les désastres familiaux, la théorie du genre et les folies politiquement correctes, le narcissisme, la mystique des droits sans devoirs, le sort des générations montantes est inquiétant. Encore plus désastreuse est la condition des jeunes mâles. Dévirilisés, éduqués principalement par des femmes, sans modèles, amenés à blâmer leurs instincts, ils sont le maillon faible d'une chaîne décadente. Les mâles et les femelles – y compris les « non-binaires » – sont la génération « flocon de neige ». L'affaiblissement progressif des esprits et des corps, la confusion savamment entretenue jusqu'à la désidentification personnelle et intime, n'est pas la responsabilité des jeunes.

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Ceux-ci deviennent les victimes d'une gigantesque expérience d'ingénierie et d'anthropologie sociales. Ils sont comme le pouvoir veut qu'ils soient : flasques, faibles, conformistes, craintifs, ignorants (hors formation instrumentale), incultes dans les débats, incapables d'imaginer le changement. Aux antipodes du passé, dans lequel les jeunes ont toujours été moteurs de renouveau, de diversité, de nouveauté. La génération "flocons de neige", au contraire, présente des sujets idéaux parce qu'ignorants, voire sincèrement convaincus qu'ils font leurs propres choix en toute autonomie, des singes dressés convaincus que la vie est une succession de vacances, de droits, d'envies et de caprices. Le système actuel – le mondialisme capitaliste faussement libertaire – en a fait des flocons de neige, froids, liquides, destinés à fondre aux premières chaleurs, vêtus de haillons coûteux, avec des tatouages ​​voyants, des bagues tribales et des coiffures bizarres.

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Leur soumission indifférente de petits soldats anonymes est étonnante, nous en avons eu la preuve en trois ans d'épidémie : le triomphe du pouvoir sournois, séducteur, hypnotique et narcotique. Les mots de Byung Chul Han, observateur lucide du présent, sont des joyaux: "le sujet soumis ne sait même pas qu'il en est un, et en effet se croit libre ; il n'y a pas
de multitude collaborative et interconnectée capable de monter en une contestation globale, une masse dédiée à la révolution". "Dans une masse d'individus épuisés, qui s'exploitent dans l'illusion de l'épanouissement personnel, jusqu'à ce qu'ils s'effondrent dans la dépression et l'isolement, aucune étincelle antagoniste ne peut surgir". "Comme cela se passe en Corée du Sud (Han est coréen) qui a le plus haut taux de suicide dans le monde: les gens se font violence au lieu de chercher un changement dans la société. Je ne suis pas exploité par mon maître, je m'exploite moi-même. Je suis à la fois serviteur et maître. Le régime néolibéral isole ainsi les gens: dans la société du spectacle, on ne peut jamais former un collectif, un Nous capable de se rebeller contre le système".

Il est évident que la fragilité, la déconstruction de toute identité et de tout principe partagés, combinée à la faiblesse psychophysique des générations - un processus qui a commencé dans les années 1960 et est arrivé à maturité avec un mouvement accéléré - est la volonté précise des oligarchies en Puissance. Une analyse impressionnante vient du psychologue américain Jonathan Haidt, dans La transformation de l'esprit moderne. Sa thèse est que certaines mauvaises idées condamnent toute une génération à l'échec. Même des statistiques qui sembleraient réconfortantes peuvent être interprétées comme des signes d'introversion, d'insécurité générationnelle.
Le pourcentage de ceux qui ont essayé l'alcool, le tabac et le sexe avant l'âge de seize ans a chuté en Amérique de quelques points. Pas de véritable soupir de soulagement: au lieu d'apprendre à prendre des risques sans le filet de protection des adultes, trop de jeunes gens vivent enfermés chez eux, attachés à du matériel informatique. La catastrophe est que personne ne les éduque sur la vraie vie, malgré les "bonnes" intentions de leurs parents (quand il y en a…). La tendance est de se protéger de tout traumatisme, réel ou imaginaire, au prix de convaincre les jeunes qu'ils vivent dans une jungle inextricable.

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Les mauvaises idées sont les pensées insufflées par le système. Haidt en énumère trois : ce qui ne vous tue pas vous rend plus faible (le mensonge de la fragilité) ; faites toujours confiance à vos sentiments (le mensonge du raisonnement émotionnel); la vie est une bataille entre les gentils et les méchants (le mensonge du « nous contre eux »). Cette combinaison mortelle de bonnes intentions et de mauvaises idées voue une génération à l'échec, empoisonnant la société dans son ensemble. L'anxiété, la dépression, la peur, le suicide ont explosé, la culture s'est uniformisée, ce qui vous empêche d'apprendre, de comparer, de vous forger une opinion. Les réseaux sociaux et les nouveaux médias permettent de se réfugier dans des bulles où le néant est généralisé et la polarisation règne.

Il s'inquiète de la multiplication des troubles psychologiques avec des pics d'actes d'auto-mutilation. Il y a un manque de préparation pour affronter la réalité, les échecs inévitables, pour traiter le non entendu pour la première fois après le oui des parents et la fadeur du système éducatif. La date cruciale, pour Haidt, était 2010, l'année du smartphone, parallèlement
au développement rapide des nouveaux médias. « La vie sociale des adolescents a radicalement changé. En 2008, les enfants allaient chez des amis ou étaient à l'extérieur. En 2010, il est devenu normal pour eux de s'enfermer dans leur petite chambre avec leur téléphone portable. Les enfants et les adolescents ont besoin du jeu extérieur et agonal pour terminer leur processus développement neuronal. Si la phase du jeu agonal et extérieur est limitée, ils arrivent à l'âge adulte physiquement et socialement moins forts, moins résistants au risque et plus vulnérables. « Si vous êtes un jeune accro aux réseaux sociaux depuis 2010, votre cerveau fonctionne différemment du mien », conclut amèrement Haidt.

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L'alternative est de démonter les trois gros mensonges que nous avons indiqués. La faiblesse est prédominante chez ceux nés après 1995, les iGen, les digital natives obsédés par la sécurité, physique et émotionnelle. Le drame, c'est qu'"ils croient devoir se protéger des accidents de voiture ou des agressions sexuelles sur les campus universitaires, mais aussi des gens qui ont des idées différentes des leurs". C'est la fermeture de l'esprit produite par le politiquement correct, qui se révèle de plus en plus comme un puissant facteur de guerre cognitive contre la personne, dépossédée des mots et séparée de la réalité.

Le deuxième mensonge est émotionnel: faites toujours confiance à vos sentiments. On enseigne que si quelque chose vous dérange, c'est mauvais. D'où la pratique de boycotter ceux qui soutiennent les "idées erronées", ainsi que l'idée absurde que les universités devraient protéger les étudiants de la confrontation. La dérive actuelle témoigne de la facilité avec laquelle les mauvaises idées s'enracinent. Cela s'applique également à l'apparente confrontation entre bons et méchants, qui se termine par des préjugés et des violences, physiques ou morales, pour faire taire ceux qui n'aiment pas ça, qui "offensent" parce qu'ils sont dissidents, non conformistes.

La vie, que les flocons de neige le veuillent ou non, est une affaire sérieuse. L'avenir est sombre non seulement en raison de la fragilité, de l'absence de passion et du sens incompris de la liberté chez les dernières générations, mais parce que le manque de préparation et la bassesse morale des classes dirigeantes, l'infantilisme de masse, le syndrome de Peter Pan se répandront, en les noyant dans la futilité, dans le vide, dans l'empire de l'éphémère.

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Nous vivons dans une sorte d'absence infiniment prolongée. Les qualifications académiques abondent, mais les personnes instruites et préparées font défaut. Beaucoup fréquentent l'université comme un troupeau endormi sans esprit critique ni franchise dans les débats. La vie doit être affrontée ouvertement, dressée à l'effort de faire et de savoir, loin de l'onguent émollient de la surprotection, étrangère au vacarme du disco émotionnel. Il faut renouer avec la croissance en choisissant entre des thèses contradictoires, appuyées sur des principes fermes, le postulat de
la capacité de décision. Les jeunes passent l'âge le plus important de leur vie dans un Disneyland virtuel. Les garçons qui ne deviennent jamais hommes et les filles que sans l'approbation du "me too", pleurent dans la confusion. Il faut restaurer la force des idées et l'idée de force, entendue comme stabilité morale, résistance à l'adversité. Assez de l'emphase confuse sur les émotions des poupées et des marionnettes manipulables, proies de toutes les peurs, cibles faciles de la propagande et des mensonges.

La majorité des Millennials sont faibles, hypersensibles, manichéens. Ils ne sont pas préparés à affronter la vie, qui est conflit, ni la démocratie tant vantée, qui est débat. Ils courent vers l'échec en marchant sur la tête. Des générations qui ont peur du langage, peur des mots ou des sens, qui ignorent la réalité : c'est la néo culture de l'ultra-sécurité (safetysme) qui
rend le troupeau docile, aveugle, heureux de suivre le berger. Les coussins protecteurs face à tout inconfort créent une fragilité existentielle: d'où l'anxiété et la dépression des jeunes qui transfèrent leurs émotions et leurs interactions sur les réseaux sociaux en vivant en comparaison avec leur apparence physique, leur statut social, dans le syndrome « fomo », la peur de manquer, la peur d'être exclus des événements ou des contextes collectifs. Le carnaval pérenne a de lourdes conséquences: le groupe se veut à la mode. Quiconque n'utilise pas certains termes ou ne participe pas à certains rituels et habitudes est ridiculisé, intimidé, isolé comme un déviant.

Les jeunes recherchent des followers, pas des amis, ils manquent de vraie liberté et ne sauraient d'ailleurs pas s'en servir; les parents et grands-parents survivants assurent la surveillance permanente de ces personnes qui n'atteindront pas l'âge adulte. La carotte, c'est la condescendance permissive, mais aussi le jeu vidéo stupide ou violent offert aux navires emportés par le vent, qui sur la mer de l'existence, feront naufrage. La fragilité est la première étape, viennent ensuite l'insécurité, l'anxiété, l'irritation, la faiblesse physique. Ils finiront par devenir de mauvais citoyens.

Sans culpabilité, ils ne savent pas ce que sont la vocation et la passion. Ils se contentent de déplacer compulsivement leurs doigts sur les écrans comme des somnambules qui ne comprennent pas ce qu'ils lisent ou voient. Nous les dispensons de la tempête, mais si nous protégeons les jeunes de toute expérience potentiellement dérangeante, nous les rendons incapables de lutter lorsqu'ils sortent du cône protecteur. Il n'y a pas d'autorité, de maîtrise de soi, de stabilité intérieure, d'efforts pour s'améliorer. La protection amniotique engendre la dépression, l'insécurité, jusqu'aux troubles psychiques et le fléau des suicides. Trop d'entre eux ignorent la violence qu'ils subissent et pratiquent parfois. Traverser des expériences difficiles et des traumatismes forge le caractère. La dynamique de l'hypersécurité, le manque de culture, le langage de coton reposent sur des erreurs fondamentales: la sagesse populaire savait que "ce qui n'étouffe pas la vie", tempère et permet de séparer la sphère émotionnelle de la réaction mature, de la distanciation.

Les personnes nées après 1982 affichent des taux de suicide de plus en plus élevés selon l'année de naissance. Trop de cerveaux en formation ne sont occupés que par les réseaux sociaux, dont le bruit de chacun en quête d'approbation manque de profondeur ainsi que de motivations personnelles: donc tout le monde est fan. Les jeux externes, physiques ont disparu, il y a moins de temps pour sortir, se socialiser, tous sont pris dans la fièvre des écrans, sont plongés dans la dépendance à ce que disent les autres à travers l'écran. Tout le monde juge de tout dans une Babylone superficielle imprégnée de perfidie. Il n'y a pas d'idées propres, mais on tremble devant la désapprobation ou le redouté "je n'aime pas ça", les pouces vers le bas dans le nouveau Colisée.

L'observation des plus jeunes, dépourvue de filtres culturels et d'expériences consolidées, convainc que la société occidentale vit dans un temps suspendu, irréel, où le présent est un moment inertiel, froid, entropique. Le monde que nous offrons à ceux qui entrent dans la vie est un faux paradis toxicomaniaque/pornographique d'individus incommunicables qui traînent des existences fantasmatiques.

Regarder les générations de flocons de neige évanescents, précocement épuisés, nous amène à un sentiment automnal, mélancolique. Les feuilles tombent, pas seulement sur la tête de la génération "flocons de neige".

Generazione fiocchi di neve: flaccida e gregaria. (maurizioblondet.it)