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mardi, 22 octobre 2024

L'arrogance de la modernité face au passé

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L'arrogance de la modernité face au passé

par Matthias Matussek

Source: https://wir-selbst.com/2024/09/21/die-arroganz-der-moderne-gegenuber-der-vergangenheit/

Discours de Matthias Matussek le 31 août 2024 à l'occasion du 30ème anniversaire de l'association électorale « Bürger für Frankfurt ».

C'est un plaisir extraordinaire de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui, car « Bürger für Frankfurt » est en effet l'un des exemples les plus réussis de succès pour une association d'électeurs qui veut sauver ce qui peut encore l'être dans notre pays en décomposition.

Vous êtes nés d'une véritable initiative citoyenne. Vous avez créé du sens commun. Plus que cela: vous avez donné de la beauté. Oui, votre plus grande réussite est visible, palpable, tangible. Grâce à votre initiative, une pièce maîtresse de la vieille ville historique de Francfort a été tirée des ruines laissées par la guerre et par la reconstruction d'avant-garde qui s'en est suivie. Oui, la pire reconstruction qu'une société allemande oublieuse de son histoire ait pu imaginer, dans un travail de refoulement d'une laideur à couper le souffle qui était devenu une doctrine d'État et qui se résumait au paradoxe: « plus jamais ça », qui sème encore la confusion dans l'esprit des Allemands.

Pourquoi un paradoxe ? Parce que la doctrine d'État du « plus jamais ça » exige que l'on se souvienne constamment de la culpabilité allemande, c'est-à-dire que l'on évoque toujours à nouveau le terrible passé et ce, dans une ritournelle constante.

C'est ainsi que nous étions, à l'Ouest comme à l'Est, enfermés dans le slogan de la RDA « Toujours en avant, jamais en arrière ». Les colonnes de manifestants contre la "droite", soutenues par le gouvernement et qui ne gênent personne, montrent à quel point notre société est ensorcelée par ce slogan, et même à quel point il est devenu un « contexte d'aveuglement » dangereux pour la démocratie, pour emprunter un terme au néo-marxiste et théoricien de la culture, membre de l'Ecole de Francfort, Theodor W. Adorno.

Nous vivons dans un ordre et une société qui se désagrègent - depuis les meurtres de Solingen et le désarroi de la nomenklatura politique à Berlin, tout le monde s'en rend compte. Et tous les discours sur les cordons sanitaires et sur les gens qui « mettent le feu à la démocratie » révèlent d'autant plus ce désarroi que ceux qui sont censés mettre le feu sont précisément ceux qui veulent éliminer le terrorisme parmi nous.

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Nous ne sommes manifestement plus un peuple. Une société allemande, comme vient de le constater le chercheur en sciences sociales Andreas Herteux dans le magazine Focus, n'existe plus. Il existe des partis, des groupes et des milieux, rien de plus. Même l'inscription sur le Reichstag à Berlin est désormais trompeuse.

« Au peuple allemand » ? Un mot vide de sens issu du passé méprisé de l'Allemagne, à savoir l'époque de l'Empire, tout aussi injustement méprisé, qui a connu une floraison de culture et de science allemandes de renommée mondiale. Il avait été construit entre 1884 et 1894 selon les plans de l'architecte Paul Wallot de Francfort.

Aujourd'hui, ce bâtiment devrait plutôt porter l'inscription « A ceux qui vivent ici depuis longtemps », car il semble que, dans l'esprit d'une certaine chancelière et des médias qui l'encensent, nous ne soyons plus qu'une tribu de nomades qui a planté ses tentes ici pendant quelques années - ou quelques siècles - et qui s'en va maintenant pour laisser la place aux tribus suivantes qui ont déjà planté leurs premières tentes.

Est-ce une constatation juste ? Non, c'est une affirmation de fait pour quiconque s'y connaît un peu en démographie et sait compter. Joachim Fest, le légendaire directeur culturel du FAZ, a dit un jour «La réalité est à droite».

Lors de ces manifestations contre la droite, le passé refait surface de manière fantomatique. Car la mobilisation est exactement la même que sous les dictatures de l'Ouest et de l'Est, que l'on croyait pourtant révolues, en bref: en Allemagne, on réclame l'interdiction des opposants, exigence qui va jusqu'aux appels au meurtre.

Oui, c'est ainsi qu'il défile à nouveau, le corps sain du peuple, peint cette fois en vert et rouge. Souvent sous la forme d'adolescents inconscients qui ne se rendent absolument pas compte qu'ils imitent ainsi la forme de pouvoir contre laquelle ils prétendent pourtant manifester.

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A cela s'ajoute une presse, autrefois considérée comme le quatrième pouvoir critique, dont les représentants s'alignent ou se laissent aligner de leur plein gré - tout journaliste ayant un minimum de sens de l'honneur ne peut que fuir, comme je l'ai fait à un moment ou à un autre face à la force des choses, comme vous pouvez le lire dans mon livre « White Rabbit», malheureusement épuisé, mais qui sortira à nouveau en livre de poche dans deux semaines sous le titre plus compliqué « Le lapin blanc - Le cas le plus difficile du père Brown. Avec Chesterton à travers l'année folle 2015 ».

Vous pouvez commander directement chez l'éditeur ici: https://www.manuscriptum.de/das-weisse-kaninchen.html !

Quel est le rapport avec Chesterton ?

Eh bien, Gilbert Keith Chesterton, le grand journaliste anglais, l'un des hommes les plus intelligents qui aient jamais vécu après Ernst Bloch, a été pour moi un guide et un point d'appui en cette année 2015 de l'afflux hystérique de réfugiés, l'année où j'ai fait mon dernier tour de piste en tant que rédacteur salarié après 26 ans passés au Spiegel, à l'époque précisément au Welt.

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Permettez-moi de vous présenter brièvement Gilbert K. Chesterton, que la plupart des gens ne connaissent que comme le créateur d'un détective fictif, le Père Brown, qui résolvait des affaires criminelles en même temps et en concurrence avec le Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle et le Hecule Poirot d'Agatha Christie. Le Père Brown, qui a été incarné chez nous par Heinz Rühmann avec un formidable succès auprès du public. Chesterton était bien plus que cela. Il était le journaliste vedette de son époque et certainement l'esprit le plus indépendant d'Angleterre. C'était un brillant antimoderniste. Il écrivait à contre-courant. Auteur d'innombrables livres et de quelque 6000 articles et essais, il était surnommé « l'apôtre du bon sens » et rien ne me semblait plus dépourvu de bon sens en cette année 2015 et les années qui ont suivi.

Tout ce qui sortait de sa plume était tranchant, mais bridé par un esprit élastique.

Petite digression sur son quotidien de journaliste: il aimait les enfants, et sa grande tristesse était que sa femme Frances ne pouvait pas en avoir. C'est pourquoi tous deux aimaient que les enfants des voisins Nichols viennent s'amuser chez eux. Dans une magnifique glose, il décrit comment le messager de la rédaction attendait un texte sur lequel il travaillait, mais il devait d'abord essayer de déterminer si Lily avait raison de griffonner Bob dans son cahier de coloriage ou si Bob ne faisait que se venger du méfait de Lily, qui avait croqué sa pomme sans autorisation, et si son acte était justifié car elle avait faim à ce moment-là... Enfin, le happy end : le messager de la rédaction s'encourt bien vite, avec le texte terminé.

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Parmi les plus de 200 livres de sa plume, il y en a un qui est particulièrement riche dans notre contexte. Il s'intitule « Whats wrong with the World » ? C'est-à-dire « Ce qui ne va pas dans le monde ». Il contient un essai intitulé «The Fear oft the Past» (= "La peur du passé").

Oui, Chesterton était déjà confronté au même adversaire que vous, chers citoyens de Francfort, dans votre lutte pour la reconstruction de votre vieille ville disparue. Leurs adversaires communs étaient tous les grands théoriciens de la modernité qui se moquent de ce qui a toujours été, remplis d'une arrogance impitoyable et irréfléchie, propre de la modernité vis-à-vis du passé.

Déjà en son temps, Chesterton, qui était un maître des paradoxes, écrivait sur l'étrange histoire d'amour dans laquelle nous sommes apparemment engagés avec l'avenir et que nous vivons et subissons actuellement sous un cartel de gouvernement appelé « Coalition pour l'avenir ».

Chesterton a remarqué ce que personne ne semblait remarquer : « L'homme moderne ne conserve plus les souvenirs de son arrière-grand-père ; au lieu de cela, il est occupé à écrire une biographie très détaillée et faisant autorité de son arrière-petit-fils ».

Chesterton ressentait déjà ce délire à son époque, en 1910, alors que le modernisme venait de prendre le relais, dans la littérature, la peinture, l'architecture:

"L'esprit moderne est poussé vers l'avenir par une lassitude spécifique, à laquelle se mêle certainement une sorte de terreur avec laquelle il scrute les temps passés... c'est la peur du passé.

Pas seulement la peur du mal dans le passé, mais aussi la peur du bien.

Le cerveau s'effondre sous l'insupportable VERTU de l'humanité. Il y a eu tant de croyances flamboyantes que nous avons du mal à saisir ; un héroïsme si fringant que nous ne pouvons même plus l'imiter ; des efforts si grandioses qui ont conduit à la construction de monuments ou à des victoires militaires qui nous paraissent aujourd'hui à la fois nobles et touchantes".

Et puis il nous propose un changement de perspective: "L'avenir, ce n'est rien d'autre qu'un refuge contre la concurrence acharnée de nos ancêtres. C'est la génération la plus âgée qui frappe à notre porte, pas la plus jeune... Le futur est un mur vide sur lequel chacun peut écrire son nom, aussi grand qu'il le souhaite; le passé, en revanche, je le vois entièrement écrit avec des gribouillis presque indéchiffrables, dans lesquels on trouve des noms comme Platon, Isaïe, Shakespeare, Michel-Ange, Napoléon. Je peux faire en sorte que l'avenir soit aussi étroit et limité que mes plans; le passé, en revanche, est toujours aussi vaste que l'humanité elle-même".

Nous constatons, en particulier dans les plans à moitié cuits de notre ministre de l'Économie pour sauver le climat mondial, avec quelle prétention il peint son nom sur ce mur vide de l'avenir. Et à quel point ses plans sont en réalité étroits, si l'on pense au règlement sur les pompes à chaleur ou au temps que l'on devrait passer sous la douche.

Chesterton devient alors d'une actualité brûlante et je suis toujours surpris, en lisant ses livres, de voir à quel point il parle à notre présent. Déjà à son époque, il était question de l'Europe. Il y avait déjà des prophètes d'une Europe unie.

Je cite : « Ils affirmeront - dans un éloge des temps à venir - que nous sommes sur la voie des États unis d'Europe. Mais ils se gardent bien de dire que nous nous éloignons des États unis d'Europe. Que nous avons effectivement eu une Europe unie autrefois, à l'époque romaine ou au Moyen Âge. Oui, que la haine en Europe est en fait un effondrement de l'ancien idéal du Saint Empire romain ».

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Nous pensons, argumente-t-il, que nous faisons des progrès constants en tant qu'humanité et en tant qu'êtres humains. Chesterton doute que nous ayons accompli et dépassé tous les grands idéaux et désirs de l'histoire. Que nous ayons effectivement dépassé en bravoure l'héroïsme de nos ancêtres nus, qui tuaient un mammouth avec un gourdin au poing. Ou le saint ascétique en termes de sainteté. Il écrit : « Nous avons tout au plus dépassé le guerrier en ce que nous l'avons fui. Et le saint ? Je crains que nous ne l'ayons dépassé sans nous incliner ».

C'est particulièrement vrai de nos jours, je dirais. Je suppose qu'aujourd'hui, nous manquerions certainement aussi Jésus s'il marchait à nouveau sur la terre. Nous ne remarquerions même pas qu'il marche sur l'eau, car nous avons tous les yeux rivés sur nos téléphones portables.

Peut-être que la multiplication miraculeuse des pains serait différente, car il y avait des choses gratuites à distribuer.

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Dans un autre livre, intitulé Orthodoxy, Chesterton s'est interrogé sur la pérennité de la démocratie qui veut se passer de la tradition. Et je considère qu'il s'agit là d'une idée centrale tout à fait essentielle, d'une correction fondamentale de notre vision erronée du monde. Il a écrit : « La tradition est la démocratie des morts. La tradition, c'est faire entendre la voix des morts.

La tradition s'oppose à ce que l'apprentissage soit limité à un petit espace de temps. La tradition est l'extension du droit de vote. La tradition, c'est de permettre à tous les hommes de voter ; pas seulement aux vivants. C'est la démocratie des morts. La tradition refuse de laisser s'installer la petite et arrogante oligarchie de ceux qui se promènent au hasard, maintenant seulement. La tradition refuse que l'apprentissage soit limité à un petit espace de temps. Les démocrates demandent que leurs voix soient comptées, même si elles sont sous la pression de leur seigneur ; la tradition demande que leurs voix soient comptées, même si elles sont éteintes par la longue pression des siècles. Les démocrates se préoccupent beaucoup des opinions des gens qui les entourent ; la tradition se préoccupe beaucoup des opinions des gens qui ne sont pas là ».

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Je me permets une autre petite digression à titre personnel: dans mon dernier roman, Armageddon, que vous pouvez acheter ici ce soir, il est question d'un journaliste qui est pris pour cible par un tueur antifa. Il habite quelque part sur la côte, dans un petit bled, et son chemin vers le supermarché le conduit chaque jour à travers un parc et un cimetière, et à chaque fois, cette citation de Chesterton lui revient en mémoire: « La tradition refuse de laisser s'installer la petite et arrogante oligarchie de ceux qui se promènent au hasard de nos jours ». Et c'est contre cette oligarchie qu'il s'est battu quotidiennement, journalistiquement.

Le fait que ce journaliste ait une biographie diablement similaire à celle de l'auteur est une coïncidence qui ne pouvait pas être évitée. Ce journaliste, qui s'appelle Nico Hausmann dans le livre, a reçu des menaces de mort après avoir fêté son 65ème anniversaire avec d'anciens collègues, mais aussi avec des personnalités de la droite ostracisée, et il a fini par quitter une grande ville médiatique pour se réfugier dans ce petit village, dégoûté de l'entreprise en place.

Et c'est de là qu'il émet chaque semaine - non pas comme il est dit dans la promenade de Pâques de Faust, « fuyant, seulement des averses inconscientes de glace granuleuse/ en bandes sur la campagne verdoyante... » non, pas cela, mais il diffuse un sermon hebdomadaire sur une station Internet appelée Kontrafunk à une communauté en constante augmentation.

En étudiant Chesterton, j'ai été douloureusement frappé par la différence entre le paysage de la presse de son époque et le nôtre. A l'époque, il y avait un concert grandiose et polyphonique d'opinions, aujourd'hui les opinions sont censurées, une presse libre s'est formée plutôt dans les marges, des médias libres sur des plates-formes sur Internet, mais elles aussi sont de plus en plus menacées, le chef de la plate-forme Telegram en France Pavel Durov vient d'être emprisonné, maintenant il est provisoirement en liberté, mais, voilà, c'est un fait, l'étau se resserre.

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A l'époque de Chesterton, les débats étaient vifs et constituaient des spectacles publics. L'un des adversaires les plus acharnés de Chesterton était George Bernard Shaw (portrait, ci-dessus). L'un de ses débats avec lui à Oxford a attiré 5000 spectateurs. Les deux hommes ont croisé le fer toute leur vie - mais ils étaient amis et faisaient les fous ensemble, par exemple dans un film de cow-boys, ils s'encourageaient mutuellement, Shaw donnait des conseils à Chesterton pour ses pièces de théâtre. Une telle chose ne serait plus possible aujourd'hui.

Ils ne pouvaient pas être plus opposés. Chesterton était catholique, son œuvre principale était la célèbre livre intitulé « Orthodoxy » et le pape Léon XIII lui a donné le titre honorifique de « defensor fidei ». Il voyait dans l'Église la seule protection contre, comme il l'écrivait, « la condition dégradante d'être un enfant de son temps ».

Shaw, en revanche, était socialiste et athée, et croyait à son plan de salut, à savoir l'aube du communisme, avec chaque fibre de son corps ascétique. Il était également végétarien et détestait l'alcool, tandis que le joyeux buveur qu'était Chesterton traçait de ses mains une croix au-dessus de chaque verre de whisky qu'il ingérait.

Chesterton était un géant de près de deux mètres et pesait 150 kilos, Shaw était frêle.

Lorsqu'ils se sont rencontrés, Chesterton a dit avec inquiétude : « Mais George, on dirait que tu as échappé à la famine ». Ce à quoi Shaw répondit: « Et toi, comme si tu l'avais provoquée ». Malgré leur opposition sur à peu près toutes les questions fondamentales, Chesterton a écrit ce qui est probablement la biographie la plus impressionnante de George Bernard Shaw, et lorsque Chesterton est mort relativement tôt, à 62 ans, Shaw a écrit tristement: « Le monde n'a pas été assez reconnaissant envers lui ».

Eh bien, il y avait ce respect mutuel et cette envie de mieux argumenter qui font aujourd'hui défaut à notre métier. Nous sommes devenus trop craintifs et, bien sûr, la politique a resserré les boulons en adoptant des décrets de musellement dignes des dictatures, décrets applaudis par les journalistes - l'une des interventions récentes les plus honteuses est celle du chef de l'Association des journalistes allemands, qui a salué la tentative anticonstitutionnelle d'interdiction du magazine Compact.

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De même que le béotien du Spiegel, qui estimait que l'interdiction aurait dû être prononcée bien plus tôt. On a sans doute oublié de dire à ce trisomique que Rudolf Augstein, le fondateur du Spiegel, avait fait 100 jours de prison pour la liberté d'expression de son magazine, mais c'était le Spiegel des débuts, qui était encore fier quand il réussissait à provoquer la démission d'un ministre ou même un changement de gouvernement.

C'était le Spiegel qui m'avait embauché à la fin des années 1980 et auquel j'ai tourné le dos après un quart de siècle parce qu'il devenait de plus en plus politiquement correct et conforme à l'opinion qui nous est imposée.

C'était un Spiegel qui aimait le débat, et c'est précisément pour cette raison que j'ai pu suivre une ligne conservatrice stricte en tant que chef de la rubrique culturelle, car le rédacteur en chef Stefan Aust, qui m'avait installé contre vents et marées comme chef de cette rubrique culturelle, aimait lui aussi le débat. Même le taz, qui est pourtant l'adversaire idéologique, a écrit en appréciant, comme l'a déjà cité Mathias Pfeiffer: « Rock'n Roll dans le magasin ! » Et cela avec une déclaration de guerre conservatrice !

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C'est dans le Spiegel que j'ai pu écrire, encore dans les années 90, un plaidoyer enflammé pour la reconstruction du château de Berlin, qui, comme me l'a certifié plus tard l'ingénieux entrepreneur hambourgeois Wilhelm von Boddien, a pu contribuer à la réalisation de son rêve, qui avait commencé par une immense bâche, c'est-à-dire un décor de théâtre sur lequel était peint son château rêvé de l'époque, mais qui pouvait donner à tous une idée de la beauté, une beauté qui s'enfonçait dans le cœur de chacun.

A l'époque, le hasard d'un désamiantage en retard, qui a finalement conduit à la démolition, a joué en sa faveur et en la nôtre ; chez vous aussi, ici à Francfort, il y a bien eu des plans de démolition, et à Berlin comme ici, de nouveaux plans de construction ont été présentés, qui offraient le brutalisme moderne habituel fait de béton, d'acier et de verre... J'ai maintenant repris ma pièce et beaucoup de ce qui m'a traversé l'esprit à l'époque leur sera familier, car cela les a également émus.

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Imaginez les années 90, le Palast der Republik, cette monstrueuse boîte de la RDA, était désaffecté et devait être désamianté, et en face, dans l'ancien bâtiment du Conseil d'État de la RDA, dans lequel était inséré le portail IV du château de la ville dynamité en 1950, le fameux balcon Liebknecht, les projets de construction de la nouvelle capitale étaient présentés dans une exposition pour être examinés.

Et Wilhelm von Boddien a réussi à installer sa maquette du château de Berlin à l'étage au-dessus et à attirer Erhard Diepgen, alors au pouvoir, devant sa maquette.

Pardonnez-moi le plaisir de me replonger béatement dans ces jours-là, Chesterton aussi, d'ailleurs, aimait se faire apporter par sa secrétaire d'anciens articles de sa plume, qu'il relisait ensuite en riant pour se mettre dans l'ambiance de ce qu'il allait faire :

Donc :

« Le château se trouve dans un cercueil de verre comme Blanche-Neige dans le bâtiment du Conseil d'État, totalement invisible au premier étage. Le cœur du vieux Berlin est une maquette de conte de fées multicolore que l'on a envie de secouer pour qu'elle soit envahie de flocons blancs. Et de rêver.

Pour l'instant, personne ne s'y intéresse, car la nouvelle capitale est présentée en bas. En bas, au rez-de-chaussée, le maire de Berlin se tient devant un immense panneau en relief avec tous les cubes blancs avec lesquels les stars de l'architecture font actuellement entrer la capitale dans le nouveau millénaire.

Une sorte de mélange peu joyeux ici. On se donne des tapes dans le dos et des coups de pied dans le tibia, les deux en même temps, car tout le monde a des comptes à régler ici. Au fond, chaque cérémonie berlinoise peut se traduire par : Zack, tu vois, vieil idiot.

Les journalistes mordent dans le pain, et le gouvernant mord dans les journalistes, qui se vengeront à nouveau dans leurs colonnes, et la porte donne sur un immense parking en friche, un vide béant et brutal de bitume au cœur de la ville. L'étrange irritation est-elle liée à cela ? Chaque lieu a sa propre température d'âme.

Il est étrange que personne ici-bas ne parle de l'absence de château. Que personne ne déplore l'absence de centre de gravité de la ville au-delà de la porte, que personne ne s'étrangle du manque qu'incarne le terrain vague béant, une zone de défilé qui ne vaut que pour des colonnes de foules hurlantes et la terreur totalitaire de l'ordinaire.

Parmi les invités, il n'y en a qu'un qui vibre. Qui se trémousse d'une jambe sur l'autre avec impatience. Et lorsque la hantise se dissipe enfin, il tire sur le gouvernant : le marchand Wilhelm von Boddien. Il s'agite, sourit, rayonne, bavarde et entraîne le gouvernant avec lui, comme un rabatteur avec une offre garantie peu sérieuse.

Les deux hommes se hâtent de monter les escaliers, traversent le hall d'entrée vide et se retrouvent devant le modèle. Diepgen est pâle comme un linge et renfermé, Boddien est brun comme un touriste revenu au bercail et il babille. « Regardez ici », et “voilà à quoi ça ressemblait”, et “c'est d'ici que vous verrez le mieux l'allée”. Et puis ils s'agenouillent devant le coin est de la maquette, deux hommes jouant au chemin de fer, et ils regardent avec respect le boulevard « Unter den Linden », en passant devant la façade du château et l'arsenal, jusqu'à la porte de Brandebourg ».

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Oui, chers citoyens de Francfort, à l'époque, dans les années 1990, il semblait y avoir encore de l'espoir, le crépuscule de Merkel était encore loin, et la bande verte et rouge qui allait suivre aussi, c'étaient des jours pleins d'avenir après l'unité enfin réalisée de l'Allemagne, enfin cette nostalgie du passé était assouvie, et l'un de ceux qui tiraient leur élan du passé était cet étrange Wilhelm von Boddien.

Le Palais de la République avait été posé en 1973 comme pierre tombale sur des parties des fondations de l'ancien château et aurait connu, avec des prix très démocratiques, quelques fêtes exubérantes des FDJ - c'était une baraque pour les officiels du parti unique SED avec des murs amovibles et des votes uniformes typiques de la Volkskammer, une blague cruelle même pour de nombreux citoyens de la RDA, en particulier ceux de la province.

Pourtant, jusqu'à l'intervention rusée de Boddien, ce bâtiment était considéré, étonnamment, comme intouchable. Une grande coalition de nostalgiques du SED, de dogmatiques d'une « honnêteté » hostile à l'art et de sympathisants du SPD a déclaré que le déchet brun rouillé des petits bourgeois permettait de lancer une grande affaire, et il est probable que le Berlinois brutalisé et blasé par les laideurs architecturales d'après-guerre n'aurait jamais remarqué qu'il pouvait y avoir quelque chose de différent s'il n'y avait pas eu cet étrange Wilhelm von Boddien.

Son lambeau de tissu était comme un mirage qui plongeait dans le cœur de chaque promeneur du Lustgarten une étrange nostalgie : Aha, ça pourrait donc ressembler à ça. C'est beau ».

Rien n'est plus convaincant que la beauté, Mesdames et Messieurs, nous comprenons, Aristote le savait déjà, que Thomas d'Aquin a redécouvert, grâce à nos cinq sens, et vous en avez fait une admirable démonstration ici à Francfort.

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D'ailleurs, Chesterton, le grand amoureux du pieux 13ème siècle, a écrit sur Thomas la meilleure biographie, selon les spécialistes de Thomas, une biographie très lisible, sur lui et sur saint François, qui a été un best-seller, juste pour ceux qui sont intéressés par la lecture.

Chesterton était passionné par le Moyen Âge, qu'il considérait comme la véritable Renaissance et le point culminant de l'histoire.

Mais revenons-en à la reconstruction du château de Berlin et aux leçons de l'histoire, et ils se seront heurtés aux mêmes objections que Wilhelm von Boddien, qui a dû en plus surmonter les traumatismes de l'histoire allemande.

L'opposition des partisans du « non » était puissante : reconstruire le château, disait-on dans les pages des journaux, reviendrait à refermer de manière mensongère la blessure allemande. Cela ne devrait pas être possible. Berlin doit faire un « travail de deuil », créer des « îlots de mémoire » - comme si la culpabilité allemande pouvait être effacée en fixant des monstruosités esthétiques, comme si l'Holocauste pouvait être expié par l'architecture, comme si un parking était un billet d'indulgence fait de pierre.

Sortir du marécage de la culpabilité allemande pour entrer dans une modernité agile et adaptée à la voiture - c'est ainsi que les centres-villes allemands ont été rénovés après la guerre, même chez vous ? (un assistant secoue la tête au premier rang). La liste des biens culturels à supprimer comprenait à l'époque: une partie du Römerberg à Francfort, le Neues Schloss à Stuttgart, l'aile Knobelsdorff à Charlottenburg. Mais dans ces cas-là, on n'a pas réussi à s'imposer face à une population entêtée et nostalgique qui ne voulait pas sacrifier la magie de l'histoire à la nouvelle désolation des silos hypermodernistes. L'homme ne vit pas uniquement d'un logement neuf.

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Mais les urbanistes modernes se sont largement imposés, et même la proximité avec la geste totalitaire à l'Est ne les a pas gênés. A Berlin-Est, Ulbricht avait utilisé de la dynamite "contre la fausse conscience". A l'Ouest, les théoriciens de la modernité faisaient tout leur travail. Les fioritures étaient considérées comme de la camelote. En fait, les politiciens sociaux-démocrates de Berlin ont donné des « primes de dé-stucage » aux propriétaires de maisons - l'esprit bourgeois a été nettoyé avec du béton projeté.

Le résultat ? Il suffit de regarder la Ernst-Reuter-Platz, la Mehringplatz ou le Ku'damm. Cela ne vaut pas la peine d'en faire un deuxième. « Berlin est », comme le démontre avec force le publiciste Rainer Haubrich dans son livre de photos provocateur, parmi les métropoles “la capitale la plus laide d'Europe”.

Wilfried Wang, chef du musée d'architecture de Francfort, a affirmé que « la prétention idéologique au pouvoir d'une monumentalité minimaliste a conduit cette architecture à perdre toute raison d'être interne et externe ». Wang a inclus dans sa critique des stars de l'architecture comme Ungers, dont les boîtes marquent la nouvelle capitale.

Mais l'objection politique et morale contre le château devait puissamment faire écran à l'objection esthétique plus faible. Le geste de consternation - il a doté chaque responsable politique de district d'une grandeur morale dont il aimerait se doter.

Le politicien SPD Strieder a considéré le débat esthétique sur le château comme une « connerie » - il était politique. « Nous ne pouvons pas nous contenter de restaurer la gloire de la Prusse et les bâtiments nazis ». Il faut aussi immortaliser les succès du mouvement ouvrier. Donc quand même: celui qui est pour le palais respecte le socialisme, et celui qui veut le château est tour à tour rétrograde ou nazi.

A l'époque, l'opposition de gauche au château trouvait des seconds couteaux parmi les feuilletonnistes des journaux qui effectuaient les dernières pirouettes éculées de la théorie critique, autrefois si fière: Adorno, un grand bourgeois conscient de la forme, doit maintenant servir de justificatif principal pour un parking !

Il y avait par exemple Ulrich Greiner dans le « Zeit », qui s'insurgeait contre la « volonté de domination » de l'ancien et du nouveau château - après tout, comme il le chuchotait dans ses lignes, c'était autrefois un Junkerburg, et nous ne voulons plus de cela.

Lui et d'autres ont vu dans la reconstruction du château un emballage trompeur qui ferait disparaître la « différence historique ». Il est probable que l'on trouvait et que l'on trouve toujours cela très bien pensé dans le cadre d'un discours auto-proclamé en feuilleton - mais cela reste malhonnête : comme si un seul de ces géants assis, lors d'une visite occasionnelle à Berlin, jetait un regard peu joyeux sur le terrain vague et soufflait: "Dieu merci, la différence historique a été préservée !".

Mais pour lui, ce parking à la place du château n'était pas simplement un parking - mais le point final d'une chaîne de réflexion précieuse, le meilleur que le palabre des commissions était capable de produire.

C'était malhonnête et, de surcroît, faux. Wolf Jobst Siedler, un ardent défenseur du château, a souligné à juste titre que l'histoire de l'architecture est dominée par les faux. L'opéra de Knobelsdorff: brûlé et reconstruit à plusieurs reprises. Le Kronprinzenpalais: un chantier avec de l'eau souterraine, reconstruit dans une nouvelle beauté. Le château de Varsovie n'était pas le seul à être complètement détruit à la fin de la guerre - le Campanile de Venise s'était lui aussi effondré au début du siècle et n'était plus qu'un tas de gravats.

Les Vénitiens, inquiets de la « disparition de la différence historique », auraient pu conserver le terrain vague et laisser plus tard un avant-gardiste y construire une boîte à chaussures en verre et en acier.

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Mais les Vénitiens sont moins stricts sur le plan conceptuel, ce sont d'incorrigibles sensuels. Et si certains chroniqueurs allemands se font aujourd'hui photographier par leur épouse devant le Campanile, ils se fichent pas mal de la différence historique, l'essentiel étant que Mutti Merkel ne se tortille pas à nouveau ou ne se coupe pas les pieds.

L'une des pensées les plus mensongères a été publiée dans le « Süddeutsche Zeitung ». Premièrement, on y disait qu'un château était un mensonge nostalgique. Et deuxièmement, puisqu'il doit être rentable, l'argent le désacraliserait. Autant ouvrir une succursale de banque dans la Frauenkirche de Dresde, s'écria le critique dans une sainte indignation !

C'est toujours le cas aujourd'hui. La plupart des chroniqueurs sont contre la guérison urbaine par la restauration. Ils souhaitent que le citoyen lambda reçoive le « contemporain » sur le crâne comme un coup de massue historique. Ils adorent « Ornement et crime » d'Adolf Loos, trouvent les silos d'habitation de Le Corbusier intéressants pour le commun des mortels et piquent secrètement une crise de joie lorsque leurs appartements anciens présentent des restes de stuc.

En fait, lorsque j'étais chef de la rubrique culture, j'avais parlé à l'architecte d'avant-garde Rem Kolhaas, qui parlait de l'architecture comme d'un « symbole » et faisait campagne pour le parti socialiste, mais qui travaillait aussi de manière lucrative pour Prada et les grandes marques de mode, et qui était un ardent défenseur de la conservation du laid Palais de la République, car la laideur a aussi ses droits.

Je lui ai répondu que nos villes seraient plus belles si les architectes étaient obligés de vivre dans les bâtiments qu'ils conçoivent et je lui ai demandé comment il vivait.

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La vieille ville de Francfort, années 1930.

Il a tergiversé un moment et a finalement répondu: dans un hôtel particulier, de style victorien, à Londres !

Bilan: vous, nos formidables avant-gardistes, méprisez la tendance historiciste (sans laquelle la Renaissance et le classicisme n'auraient pas existé) comme rétrograde et prescrivez au troupeau des grandes villes le couloir sans ornement, à l'instar d'Ulbricht qui faisait sauter le féodalisme sous les fesses de son peuple pour s'asseoir ensuite au même endroit sur une tribune de bronze et voir défiler les fourmis du peuple.

Et j'ai conclu mon exposé par une pensée qui ne devrait certainement plus figurer dans le Spiegel d'aujourd'hui, mais le Spiegel doit lui aussi être jugé à l'aune de son passé tout à fait glorieux de média critique à l'égard du pouvoir.

J'ai écrit : « Ce que Schinkel invoquait, à savoir risquer le “parfait”, précisément en “temps défavorables”, et ce que les Américains appellent le “vision thing”, signifie au fond la même chose : l'appel électrisant à la fierté et à la tradition. La chance du chancelier Schröder : s'aventurer sur des terrains qui se situent au-delà de la Deutschland-GmbH.

Là où se trouve le château. Pour l'instant, ce n'est qu'un modèle dans un cercueil de verre, coloré, petit et en carton ».

Oui, une telle chose était possible dans le Spiegel, et ce sur de nombreuses pages, je n'ai fait ici que résumer fortement.

Autre digression : une drôle de lutte pour le pouvoir a éclaté au sein de l'ancien grand Spiegel, une parmi tant d'autres après la longue ère de Stefan Aust, une lutte pour le pouvoir du politiquement correct, dont lui et moi avons été victimes à l'époque en tant que chefs de la rubrique culture. Mais ce qui m'a presque brisé à l'époque, je le regarde aujourd'hui en souriant et en poussant un soupir de soulagement: Dieu merci, je suis parti.

D'ailleurs, note de bas de page de l'histoire: l'année dernière, les bénéfices déjà maigres du Spiegel ont diminué de moitié, le tirage en kiosque est tombé à un pitoyable 90.000 exemplaires, les terroristes vertuïstes se liquident les uns les autres - comme il est bon que cette tradition au moins se soit maintenue !

Mais entre-temps, le château de la ville de Berlin est bel et bien debout, tout comme votre magnifique vieille ville de Francfort. Toutefois, les adversaires vaincus, voire abattus par la beauté, n'abandonnent pas.

A Berlin, la ministre de la Culture Claudia Roth, qui avait manifesté sous la banderole « Deutschland du mieses Stück Scheiße » (Allemagne, sale petit morceau de merde), n'est pas tranquille. Elle est intervenue à propos de la croix sur la coupole et elle est intervenue à propos du verset biblique qui se trouve en dessous. Elle est tirée des Actes des Apôtres et dit « Il n'y a de salut en aucun autre, et sous le ciel il n'y a pas d'autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés ».

Mais notre experte en art, qui s'est qualifiée en dirigeant le groupe anarchiste « Ton, Steine, Scherben », dont le grand succès dans les années 70 s'intitulait « Macht kaputt, was euch kaputt macht » (détruisez ce qui vous détruit), s'est opposée à ce slogan qui l'a manifestement détruite et effrayée comme un vampire par l'arrivée de la lumière du soleil, et je m'excuse ici expressément auprès des vampires (rires).

Maintenant, elle a imaginé qu'elle pouvait faire disparaître la phrase biblique en la recouvrant d'une installation artistique, et ainsi rappeler qu'il y a quelqu'un d'autre au-dessus d'elle et de son cirque de singes verts et rouges avec toutes ses idées d'amélioration de l'humanité et du monde, quelqu'un qui est réellement responsable de la création et du climat mondial, d'autant plus qu'apparemment, c'est un vieil homme blanc, si l'on veut se fier à la fresque de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine (rires), et pourquoi ne pas le faire, cette peinture géniale me convainc d'emblée...

Chers citoyens de Francfort, voici la fin de mon intervention, permettez-moi de revenir sur un aspect essentiel de votre succès phénoménal, qui était également un aspect central de l'œuvre de Gilbert K. Chesterton - l'attachement au lieu, l'enracinement, le localisme.

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Dans le monde des idées de Chesterton à l'époque, cela s'appelait le « distributisme ». Il pensait rééquilibrer le grand tout, c'est-à-dire le monde insulaire, en demandant à l'État de fournir à chacun de ses citoyens 3 acres and a cow, soit environ cinq acres de terre et une vache. Il disait : « Le problème avec le capitalisme, c'est qu'il n'y a pas assez de capitalistes ». Il protestait ainsi contre l'accumulation injuste de terres entre les mains de quelques propriétaires terriens. Aujourd'hui, ce serait notre protestation contre les grands oligarques et leur pouvoir. C'était la réponse de Chesteron au capitalisme et au socialisme, la troisième voie : les petits agriculteurs et les petits commerces et l'attachement au lieu.

Eh bien, à première vue, c'est une idée romantique et rétrograde de la merry old England, mais elle a un sens philosophique et sociologique plus profond. En effet, elle envisage une sorte d'autarcie liée au cercle de vie immédiat. Nous améliorons à petite échelle pour changer petit à petit ce qui est mauvais à grande échelle, à savoir « Whats Wrong in the World », ce qui ne va pas dans le monde.

Vous l'avez fait merveilleusement bien à Francfort. Chesterton a déclaré: «Nous devons changer le monde petit à petit et avec difficulté si nous voulons le changer fondamentalement. Car les gens qui pensent pouvoir le faire à la va-vite ne le font que superficiellement ».

Nous nous dirigeons vers un avenir incertain. Il est donc tout à fait fertile de nous laisser conseiller par le passé. De nous inspirer d'une démocratie des morts. Oui, nous semblons dire adieu au modèle de la démocratie libérale. Et nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous vivons une heure crépusculaire. Nous sommes confrontés à un système politique de moins en moins apte à traduire la volonté du peuple en organisation politique, à une nomenclature politique dans laquelle la vieille démocratie libérale semble s'éteindre avec ses garanties de liberté d'expression et de protection de la propriété, telles qu'elles étaient si magnifiquement chantées à l'origine dans la Déclaration d'indépendance américaine.

Au lieu de cela, nous nous voyons menacés par une censure dictatoriale et accablés par des taxes toujours nouvelles, prélevées à des fins contraires à nos intérêts.

Nous voyons une société fragmentée en d'innombrables milieux et factions, une société qui ne peut plus, depuis longtemps, se considérer comme une communauté nationale avec des coutumes communes et des évidences quotidiennes, divisée entre les résidents et les nouveaux arrivants.

Et ces derniers sont là, se bousculent et nous disputent l'espace de vie, les places publiques et les fêtes populaires, et de plus en plus souvent, ils portent des couteaux sur eux. Et les chevaux de Troie sont parmi nous, ils s'appellent les Verts et haïssent notre pays et s'exclament, comme cette députée de Hambourg chargée de la caution : « Étrangers, ne nous laissez pas seuls avec les Allemands ».

Cette société se désagrège, et c'est là qu'il est important, et qu'il sera de plus en plus important dans les tempêtes à venir, de se rassembler en unités locales et de former des ancrages, et rien n'est plus exemplaire à cet égard que votre association d'électeurs, qui a donné un signe triomphant avec la vieille ville de Francfort ressuscitée.

Chesterton conclut sa réflexion sur la « peur du passé » par une objection à l'expression populaire selon laquelle on ne peut pas remettre les pendules à l'heure. Chesterton répond : « C'est une connerie. Vous pouvez ! Une horloge est chose faite par l'homme, tout comme la société est quelque chose qui est faite par l'homme. Comme on fait son lit, on se couche ? C'est aussi une connerie. On peut refaire son lit à tout moment. Et il s'exclame : « This is, as I say, the first freedom that I claim : The Freedom to restore ». Donc la grande liberté est celle de restaurer.

Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne soirée, vous avez des raisons de faire la fête !

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Qui est Matthias Matussek?

Matthias Matussek, né en 1954, voulait être missionnaire ou joueur de football à la Bundesliga. Il a fait un compromis et est devenu maoïste (Paul Breitner !). Après son baccalauréat, il a erré sans but dans le monde (Grèce, Balkans, Inde). Des études sans but (études théâtrales, études américaines, littérature comparée, journalisme, art dramatique) se sont étonnamment terminées assez rapidement par un diplôme intermédiaire en anglais et en allemand. Il a ensuite intégré l'école de journalisme de Munich, où il a reçu les encouragements de journalistes expérimentés ainsi qu'un avertissement de la part de la direction de l'école pour manque de discipline. Après des stages à la télévision bavaroise et au journal munichois tz, il est passé au Berliner Abend, puis au TIP. L'époque: la folie de la RAF, les squats, les morts par héroïne.

Lorsqu'il rejoint le Stern à Hambourg en 1983, il a eu le sentiment d'avoir enfin atteint l'équivalent de la Bundesliga. Cependant, quelques mois plus tard, l'ensemble de l'équipe de stars du Stern tomba sur les faux journaux d'Hitler et fut dès lors fortement menacé de relégation. Néanmoins, Matussek a appris - avec les grands photographes du Stern (Bob Lebeck) - l'art du reportage, qui consiste en grande partie à être impertinent au moment décisif. C'est pourquoi l'indiscipline peut faire partie du métier.

En 1987, le Spiegel lui a fait une offre qu'il ne pouvait pas refuser. Les rédacteurs en chef et les chefs de rubrique vont et viennent. En 1989, il a pu mettre à profit ses connaissances théoriques du maoïsme en s'installant dans une RDA en plein effondrement, puis au Palasthotel. L'écrivain Thomas Brussig, qui travaillait comme serveur à l'étage du Palast Hotel et qui a fait de Matussek le personnage principal de son roman « Wie es leuchtet », a écrit : « C'est pour Matthias Matussek que j'avais le plus d'admiration. Il écrivait des reportages brillants les uns après les autres. Ils se lisaient comme des critiques de l'actualité en cours... Il faut être né reporter - et Matthias Matussek l'est ». (En 1991, Matussek a reçu le prix Kisch pour l'un de ses reportages sur l'Est).

Sa femme, Matussek l'a rencontrée en 1990 à la mairie rouge, où elle faisait un stage après des études de langues à Moscou. Deux ans plus tard, ils ont déménagé à New York, qui se trouvait à l'époque à égale distance de Berlin-Est et de Berlin-Ouest, donc en terrain neutre. C'est à New York qu'ils ont eu leur fils, mais aussi qu'ils ont écrit de nombreux reportages et articles pour des journaux américains, ainsi que des nouvelles et un roman. Harold Brodkey a qualifié Matussek de « meilleur de sa génération ».

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De retour en Allemagne, Matussek a parcouru le pays et écrit un bilan en deux parties de l'unité allemande, qui a été nominé pour le prix Kisch. Il a ensuite pris position dans la guerre des sexes. Avec son livre « Die Vaterlose Gesellschaft » (La société sans père), il a irrité la plupart des femmes allemandes et a été nommé « Pacha du mois » par le magazine « Emma ». Son livre a donné naissance au projet de long métrage « Väter » (réalisé par Dany Levi), dont Matussek a écrit le scénario. Entre-temps, il a l'impression qu'on lui a pardonné les deux.

En 1999, Matussek est entré en fonction en tant que correspondant à Rio de Janeiro. Il a parcouru le continent, assisté à des tentatives de coup d'État et à des catastrophes, enquêté dans les favelas, parmi les gangs de la drogue et les élites des pays. Il a parcouru l'Amazonie pendant des semaines pour une série en deux parties, dont il a publié le résultat sous forme de livre sous le titre « Dans le maquis magique de la forêt tropicale ».

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En 2003, il a pris le poste de correspondant du Spiegel à Londres, où il a livré des combats honorables contre le Fleetstreet sanguinaire qui déteste les Allemands, ce qui est documenté de la plus belle manière dans son livre « Wir Deutschen - warum die anderen uns gerne haben können ». Le livre est resté 13 semaines sur la liste des best-sellers du Spiegel, prouvant que les sentiments patriotiques ne doivent pas être laissés aux têtes brûlées de la droite.

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En 2003, il a pris en charge la rubrique culturelle au siège du Spiegel à Hambourg. Selon la presse, il y avait désormais du « rock'n roll dans la boutique ». Parallèlement, il a développé pour la SWR le format télévisé « Matusseks Reisen » (Les voyages de Matussek) et établi un blog vidéo hebdomadaire qui a été récompensé par le Prometheus d'or en 2007. La même année, il a écrit un livre intitulé « Als wir jung und schön waren » (Quand nous étions jeunes et beaux) (Fischer-Verlag).

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Dès 2007, Matussek avait à nouveau quitté sa fonction de chef de rubrique pour se consacrer à ce qu'il sait faire de mieux: l'écriture et l'indiscipline. « Les voyages de Matussek » a continué pendant quelques épisodes sous le titre “Matussek trifft” (Matussek rencontre), puis a été victime des restrictions budgétaires. Il a continué à tenir son blog vidéo hebdomadaire et a publié « Das Katholische Abenteuer », une « provocation » qui s'est également retrouvée dans la liste des commandes.

Après plus de 25 ans, il a quitté le Spiegel pour devenir chroniqueur pour le groupe Springer, une collaboration qui a pris fin après seulement 17 mois de travail productif.

Il travaille désormais comme auteur indépendant pour « Weltwoche » et « Focus », entre autres, et se consacre à nouveau à ses points forts : l'écriture et l'indiscipline.

Vous trouverez ici les numéros imprimés de la revue wir selbst, n° 55/1-2024 et 54/1-2023 :

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https://lindenbaum-verlag.de/produkt/wir-selbst-zeitschrift-fuer-nationale-identitaet-nr-55-1-2024-globales-denken-als-lokaler-ruin-globalisierung/

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