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samedi, 15 février 2025

Parution du numéro 481 du Bulletin célinien

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Parution du numéro 481 du Bulletin célinien

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Sommaire :

Léon Daudet, critique littéraire 

Le style célinien ou l’avènement du syndrome psycholinguistique traumatique 

Un dossier critique sur Guerre, Londres, La Volonté du roi Krogold.

 

Tirages

Sous le titre aguichant La littérature, ça paye !, Antoine Compagnon, académicien et professeur émérite au Collège de France, signe un ouvrage mettant en relief les bienfaits de la lecture. En ouverture de cette apologie de la littérature, il se place du côté de l’auteur en observant que seuls 15 % des auteurs perçoivent plus de 9.000 € de droits d’auteur par an, soit moitié moins que le Smic. Et de citer ce propos de Baudelaire qui vécut, comme on sait, dans la misère : « La poésie est un des arts qui rapportent le plus, mais c’est une espèce de placement dont on ne touche que plus tard les intérêts, – en revanche très gros. »
 

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Le cas Céline est bien différent : il connut la gloire dès son premier livre et subit le purgatoire, non pas après sa mort, mais de son vivant. Je rappelais, le mois passé, que Féerie pour une autre fois, I et II fut un échec cuisant. Raison pour laquelle il renonça à un troisième tome et s’attaqua à D’un château l’autre qui rencontra la faveur du public et de la critique. Rien de comparable cependant avec les tirages d’avant-guerre. Céline aimait le succès et fut très dépité de ne pas obtenir le Goncourt qui lui avait été promis : « Il est toujours honteux de perdre » (à Karen Marie Jensen, 15 mars 1938).
 
C’est que la réussite entraînait, outre la renommée, des droits d’auteur qui lui apportaient  une indépendance et une liberté  auxquelles il tenait plus que tout. Il s’enorgueillissait d’être l’auteur le plus exigeant du marché, exigeant 18 % du prix du livre et des avances princières. Difficile d’imaginer ce qu’eussent été les six années d’exil s’il n’avait pas placé ses économies au Danemark. Pendant cette période, il ne dispose d’aucun revenu professionnel et vit, avec Lucette, grâce à l’or déposé avant-guerre dans ce pays. Le pactole est dû essentiellement à Voyage au bout de la nuit. Tiré à 3.000 exemplaires en 1932, il atteint, dans ses différentes rééditions, un tirage de plus de 200.000 exemplaires en 1944. En comparaison, Mort à crédit constitue un échec sur le plan commercial. Il s’en vend 36.000 exemplaires l’année de parution. L’autre grand succès fut Bagatelles pour un massacre tiré à plus de 90.000 exemplaires. Les Beaux draps, paru sous l’Occupation, feront 46.000. Soit davantage que D’un château l’autre ; à la mort de Céline, il ne s’en était pas vendu 30.000 exemplaires. Nord, en 1960, ne dépassa pas les 10.000. 
 

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Lorsqu’il disparaît, Céline est débiteur vis-à-vis de Gallimard. Sa renommée posthume est, elle, prodigieuse. À titre d’exemple, Guerre s’est vendu à 170.000 exemplaires et Londres à 60.000. Quant aux manuscrits et lettres autographes, leur cote rivalise avec celle de Proust.  L’audience d’un écrivain se mesure aussi à sa disponibilité en collection de poche. Toute son œuvre romanesque est disponible en “Folio”, y compris les manuscrits retrouvés. Voyage au bout de la nuit demeure le roman qui remporte le plus de suffrages, y compris auprès des céliniens: il s’en est vendu un million d’exemplaires, dont plus des deux tiers après sa mort. Rien à voir cependant avec les tirages faramineux de L’Étranger ou La Condition humaine promus tous deux par l’Éducation nationale. Il est vrai que Céline n’est pas un auteur facile et qu’on ne mesure pas l’importance d’un auteur à ses tirages.

• Antoine COMPAGNON, La littérature, ça paye !, Éditions des Équateurs, 2024, 188 p. (18 €).

Sources : Philippe Roussin, “Céline : les tirages d’un auteur à succès entre 1932 et 1944” in Actes du colloque international de Paris (1986), Du Lérot & Société des Études céliniennes, 1987 & Pascal Fouché, “Éditer Céline : du savant à l’occulte ou l’initiative et l’interdit” in La Revue des lettres modernes (“L.-F. Céline 5, Vingt-cinq ans d’études céliniennes”), Lettres modernes-Minard, 1988.

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