lundi, 01 décembre 2025
Le Sapin de Noël, très ancien symbole de mort et de renaissance

Le Sapin de Noël, très ancien symbole de mort et de renaissance
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De l’Antiquité jusqu’au christianisme médiéval, en passant par la mythologie germanique et les rites du solstice, l’arbre dressé au cœur de l’hiver est demeuré un symbole de l’espérance et de la victoire sur les forces des ténèbres et de la mort.
Aujourd’hui devenu le sapin de Noël, il fut longtemps bien plus qu’un simple décor : il représentait une véritable colonne cosmique, un axe du monde permettant de traverser la période la plus sombre de l’année.
Pour comprendre sa symbolique profonde, il faut remonter à l’arbre le plus vénéré des anciens Germains : l’if, cet arbre sombre et ambigu, associé à la fois à la mort et à la vie, à la magie et à la renaissance, aux mystères du destin, et à la survie au cœur du froid.

L’if, arbre magique par excellence, symbolise à la fois la mort et l'immortalité.
Toute sa matière est extrêmement toxique, seule la pulpe rouge de ses fruits est douce et comestible ; ses graines tuent, mais son tronc peut vivre plusieurs milliers d’années ; il ne perd jamais son feuillage, même en plein hiver.
Cette ambivalence absolue, où mort et vie se touchent, où la destruction contient la promesse d’un renouveau, en faisait pour les anciens Germains un symbole idéal du solstice d’hiver, moment où le monde semble basculer dans l’obscurité avant de renaître.
C'est Yggdrasil, l’Arbre cosmique, axe des Mondes, souvent traduit par “frêne” mais que les indices philologiques, mythologiques et symboliques désignent plutôt comme un if.

Yggdrasil relie les trois plans de l’univers : les hauteurs célestes, le monde des hommes, et les profondeurs où résident les morts et les puissances du destin.
Suspendu neuf nuits à cet arbre, Odin accède aux runes par une mort initiatique qui le transforme.
Le seiðr, cette magie visionnaire, extatique, sombre, liée à la divination, à la nécromancie, aux passages entre les mondes, trouve dans l’if son arbre tutélaire.
La rune Eihwaz, qui signifie précisément "if”, est celle du passage, de la connaissance interdite, de la vie logée au cœur de la mort. La structure même du cosmos germanique repose donc sur un arbre qui est à la fois funéraire et immortel, verticalité pure et seuil vers l’invisible.
Ce rôle de pivot cosmique se retrouve dans les rites hivernaux des Douze Nuits, ces "Rauhnächte" ou "Weihnachten" où le temps semblait se suspendre.
Dès le solstice d'hiver (aujourd'hui du 24 décembre au 6 janvier), les anciens Germains vivaient une “non-année”, un intervalle où les frontières entre les mondes s’effaçaient et où la maison devenait vulnérable aux forces errantes des ténèbres.
Les femmes cessaient de filer, laissant cette tâche à la déesse Frigg, la fileuse du destin.
Pour traverser cette période de mort, on introduisait dans l’habitation un arbre toujours vert : une image d’Yggdrasil, destiné à maintenir l’ordre cosmique dans le foyer.
Cet arbre, un sapin (substitut plus maniable de l’if sacré), entrait le premier soir et ressortait après la douzième nuit.
Pendant cette période liminale, il représentait pour la maison un point d’ancrage au monde vivant, une colonne verticale empêchant l’obscurité de triompher.

On décorait cet arbre de fruits : des pommes et des noix.
Ces décorations, aujourd’hui anodines, condensent pourtant toute la profondeur du mythe.
Les pommes renvoient à la déesse Idunn, gardienne des fruits d’immortalité.
Lorsque la déesse est enlevée par le géant Thjazi, les dieux vieillissent : le monde se fige, l’hiver gagne.
Les géants sont liés à la glace, à l'hiver.
Et quand Loki la retrouve, elle est transformée en noix - métamorphose essentielle, car la noix représente la vie repliée dans la mort, l'utérus, la germination enfermée dans sa coque dure, la promesse du renouveau contenue dans une coque dure.

Suspendre des pommes et des noix à l’arbre hivernal n’était donc pas un geste décoratif, mais un rite de survie symbolique : les pommes affirmaient la vitalité manifeste, les noix en représentaient le principe caché.
Ensemble, elles formaient les deux faces de l’immortalité : la lumière et la graine, la vie éclatante et la vie enfouie, l’espérance visible et l’espérance secrète.
Lorsque le christianisme se superposa à ces anciennes coutumes, la convergence symbolique fut immédiate.
Dès l'époque médiévale, dans les pays germaniques, on associait Noël et Adam et Ève en dressant un Arbre du Paradis orné de pommes rouges : l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, celui au centre du jardin d'Eden, celui par lequel l’homme chute mais aussi celui qui annonce la possibilité de la rédemption par le Christ.
Ce symbole chrétien, loin de s’opposer au rite germanique, lui correspond parfaitement : il est lui aussi un arbre central, un axe du monde, un arbre d’épreuve et de transformation, un arbre où la mort conduit à la vie.
La tradition médiévale voyait dans ce même arbre la préfiguration de la Croix du Christ, nouvel Adam, dont le bois relie le monde des hommes à Dieu et dont la verticalité restaure l’axe rompu du destin humain.
Pour les germains christianisés, la Croix devient alors l’Yggdrasil chrétien, l’arbre de mort qui porte la vie, le bois dressé qui relie ciel et terre, le pivot par lequel la nuit du monde débouche sur la lumière de la résurrection.
C’est ainsi que le sapin domestique, introduit au cœur des Douze Nuits, a pu devenir sans heurt le symbole chrétien de Noël.
Arbre vert dans la nuit de l’hiver, arbre du Paradis réinterprété, arbre de la Croix et de la résurrection, il conserve sous sa parure moderne les strates successives de toutes ces traditions.
Sous les guirlandes et les lumières électriques se superposent encore aujourd’hui l’ombre de l’if antique, la magie du seiðr, le souffle d’Odin suspendu à l’arbre cosmique, les fruits d’Idunn, la chute d’Adam et Ève, et la Croix du Christ, nouvel axe du monde chrétien.
Le sapin de Noël résume ainsi toute une histoire spirituelle : celle d’un arbre dressé dans la nuit pour que l’homme, traversant le solstice, puisse accéder à la lumière renaissante.
22:17 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : traditions, paganisme, sapin de noël, noël |
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La transmission des mythes par les textes mythologiques irlandais

La transmission des mythes par les textes mythologiques irlandais
Source: Celtes , Gaulois fierté autochtone | Facebook
L’Irlande, terre de légendes et de mystères, a préservé à travers les siècles un patrimoine mythologique d’une richesse inégalée. Les textes mythologiques irlandais, rédigés principalement entre le VIIe et le XIIe siècle, jouent un rôle central dans la transmission des récits fondateurs, des croyances et des valeurs de la culture celtique. Ces écrits, souvent compilés par des moines chrétiens, sont le fruit d’une tradition orale bien plus ancienne, remontant à l’âge du bronze et à l’époque pré-christienne. Ils offrent une fenêtre unique sur l’imaginaire, la spiritualité et la vision du monde des anciens Irlandais.
1. Les Sources des Mythes Irlandais : de l’Oral à l’Écrit
Avant d’être consignés par écrit, les mythes irlandais se transmettaient oralement, de génération en génération, par le biais des filid (poètes) et des seanchaí (conteurs). Ces gardiens de la mémoire collective avaient pour mission de perpétuer les récits héroïques, les généalogies des dieux et des rois, ainsi que les explications des phénomènes naturels. Avec l’arrivée du christianisme en Irlande au Ve siècle, les moines, soucieux de préserver la culture locale tout en l’adaptant à leur nouvelle foi, ont commencé à transcrire ces récits. Les manuscrits les plus célèbres, comme le Lebor Gabála Érenn (Le Livre des Conquêtes de l’Irlande), le Táin Bó Cúailnge (La Rafle des Vaches de Cooley) ou encore les Dindsenchas (Lore des Lieux), sont ainsi nés de cette rencontre entre deux mondes.
Ces textes, bien que réécrits sous une influence chrétienne, conservent des traces évidentes des croyances païennes. Par exemple, les Tuatha Dé Danann, souvent présentés comme une race mythique ou des dieux, sont parfois dépeints comme des êtres surnaturels ou des ancêtres glorifiés, afin de les intégrer dans une vision chrétienne de l’histoire. Cette superposition de couches culturelles rend les textes irlandais particulièrement fascinants : ils mêlent mythes pré-christiens, symboles païens et réinterprétations chrétiennes.
2. Les Cycles Mythologiques : une Structure Narrative Unique
Les mythes irlandais sont traditionnellement organisés en quatre grands cycles
- Le Cycle Mythologique : Il raconte l’histoire des dieux et des créatures surnaturelles, comme les Tuatha Dé Danann, les Fomoriens et les Fir Bolg. Ces récits expliquent la création du monde, les batailles cosmiques et l’origine des paysages irlandais.
- Le Cycle d’Ulster : Centré autour du héros Cú Chulainn, ce cycle met en scène des exploits guerriers, des tragédies et des quêtes épiques. Le Táin Bó Cúailnge, joyau de ce cycle, illustre la lutte entre l’Ulster et le Connacht, tout en explorant des thèmes universels comme l’honneur, la loyauté et la fatalité.
- Le Cycle de Fenian : Il suit les aventures de Finn Mac Cumhaill et de ses guerriers, les Fianna, dans un monde où magie et réalité s’entremêlent.
- Le Cycle des Rois : Ce cycle relate les exploits des souverains historiques ou semi-légendaires, comme Conchobar ou Cormac Mac Art, et aborde des questions de pouvoir, de justice et de destin.
Chaque cycle reflète des valeurs et des préoccupations spécifiques, tout en partageant des motifs récurrents : les voyages dans l’Autre Monde (le Tir na nÓg), les objets magiques (comme la Lance de Lug ou la Pierre de Fal), et les figures de druides et de guerriers.

3. La Transmission des Mythes : entre Symbolisme et Enseignement
Les textes mythologiques irlandais ne se contentent pas de divertir : ils enseignent. Ils transmettent des leçons sur la nature humaine, la relation entre les hommes et les dieux, et l’équilibre entre ordre et chaos. Par exemple, le mythe de la Deuxième Bataille de Mag Tuired symbolise la victoire de la lumière (les Tuatha Dé Danann) sur les forces obscures (les Fomoriens), une allégorie de la lutte entre civilisation et barbarie. De même, les récits mettant en scène des héros comme Cú Chulainn ou Finn Mac Cumhaill soulignent l’importance du courage, de la sagesse et du respect des traditions.
Les lieux mythiques, comme la colline de Tara ou le lac de Derryclare, sont souvent associés à des événements surnaturels, renforçant le lien entre le paysage et la mémoire collective. Les Dindsenchas, en particulier, expliquent l’origine des noms de lieux à travers des légendes, créant une géographie sacrée où chaque rocher ou rivière a une histoire.
4. L’Influence Chrétienne et la Réinterprétation des Mythes
Avec la christianisation, certains dieux païens ont été transformés en saints ou en figures bibliques. La déesse Brigid, par exemple, est devenue Sainte Brigitte, tandis que des fêtes païennes comme Samhain (l’ancêtre d’Halloween) ont été intégrées au calendrier chrétien. Cette assimilation a permis aux mythes de survivre, tout en les adaptant aux nouvelles croyances. Les moines irlandais, en copiant ces textes, ont ainsi sauvé de l’oubli une partie de la tradition orale, même si certains éléments ont été édulcorés ou réinterprétés.

5. La Postérité des Mythes Irlandais
Aujourd’hui, les textes mythologiques irlandais continuent d’inspirer la littérature, la musique et les arts. Des auteurs comme W.B. Yeats ou J.R.R. Tolkien se sont nourris de ces récits pour créer leurs propres univers. Les festivals celtiques, les reconstitutions historiques et même le tourisme culturel en Irlande s’appuient sur ces légendes pour célébrer l’identité irlandise.
En conclusion, la transmission des mythes irlandais par les textes médiévales est un témoignage remarquable de la résilience d’une culture. Grâce à l’écrit, des récits qui auraient pu disparaître ont traversé les siècles, offrant aux générations futures un héritage à la fois poétique, philosophique et spirituel. Ces textes rappellent que les mythes ne sont pas de simples histoires : ils sont le reflet de l’âme d’un peuple, un pont entre le passé et le présent.
21:55 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : traditions, mythologie, mythologie celtique, paganisme |
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L'Allemagne d'après-guerre et la formation des Revolutionäre Obleute

L'Allemagne d'après-guerre et la formation des Revolutionäre Obleute
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/postwar-germany-and-...
L'histoire de la gauche allemande à la fin de la Première Guerre mondiale, ainsi que pendant la période qui a immédiatement suivi le conflit, est un sujet fascinant que j'ai longuement abordé dans mes biographies d'Otto Strasser (2010) et d'Ernst Röhm (2016). Cependant, dans la nouvelle édition traduite de l'ouvrage d'Albert Schmelzer sur Rudolf Steiner et le mouvement tripartite, le rôle des communistes dans la création des conseils ouvriers allemands est considérablement minimisé. Si Schmelzer a la chance, en tant qu'Allemand de souche, d'avoir accès à certaines sources historiques précieuses sur la période en question, certaines de ses conclusions sont toutefois quelque peu douteuses.

S'il note à juste titre que le Parti social-démocrate (SPD), par exemple, a adopté une attitude résolument nationaliste et a commencé à soutenir l'effort de guerre du pays, il minimise considérablement l'influence que la Russie soviétique a eue sur les conseils eux-mêmes. Ce n'est pas pour rien que les Freikorps – qui, au départ, étaient utilisés par le gouvernement réactionnaire comme unités mercenaires afin de renforcer sa propre position – avaient réussi à rallier tant de personnes à leur cause anticommuniste, mais Schmelzer soutient que les conseils eux-mêmes étaient composés en grande majorité de membres du SPD et que les communistes pro-soviétiques n'y jouaient qu'un rôle mineur, voire insignifiant.
Cela mis à part, il propose un résumé intéressant des cinq visions du monde qui étaient en vogue à l'époque:
(1) la monarchie restauratrice,
(2) la démocratie pluraliste dans une économie capitaliste,
(3) le gouvernement parlementaire avec des conseils démocratiques et la socialisation économique,
(4) la dictature communiste pure et dure, et
(5) ce qu'il décrit comme un système de conseils politiques et économiques « purs ».
Il ne fait guère de doute que la droite militariste, du moins avant l'avènement de l'hitlérisme, privilégiait la première option, tandis que la deuxième était préférée par ceux qui, comme le Parti populaire allemand (DVP), étaient libéraux-conservateurs. La troisième catégorie désigne le SPD de centre-gauche, qui comptait plus d'un million de membres en 1918, tandis que la quatrième fait clairement allusion au Parti communiste (KPD) de Rosa Luxemburg.

Peu après que les sociaux-démocrates indépendants (USPD) se soient séparés de la SPD en raison de son nouveau bellicisme, l'USPD s'est lui-même scindé en deux lorsqu'il a donné naissance à la KPD susmentionnée. La cinquième catégorie de Schmelzer, si je ne vous ai pas trop submergé avec cette litanie kaléidoscopique de labels idéologiques, était apparemment occupée par les segments de gauche de l'USPD et ce sont eux qui, selon lui, luttaient pour une forme plus autonome de décentralisation politique, sociale et économique.

Les membres de l'USPD qui adhéraient à cette vision plus radicale se faisaient appeler les « délégués révolutionnaires » (Revolutionäre Obleute) et menèrent des grèves très efficaces afin d'essayer d'empêcher le pays de sombrer dans une guerre totale destructrice. Ironiquement, bien que ces éléments particuliers n'aient pas suivi Luxemburg au sein de la KPD, ils étaient considérablement plus radicaux dans le sens où ils s'opposaient fondamentalement au contrôle de l'économie par l'État et à la participation à l'assemblée nationale bourgeoise. Leur principale erreur, cependant, comme le souligne Schmelzer dans son livre, est que, alors que la faction Revolutionäre Obleute luttait pour l'autodétermination, elle a commis l'erreur de chercher à appliquer ces principes dans un climat marqué par un chaos total et un autoritarisme croissant.


La meilleure stratégie, du moins pour les nationaux-anarchistes qui soutiennent bon nombre d'objectifs similaires, aurait été d'appliquer ces principes autarciques à la périphérie et non au cœur d'une société de plus en plus technologique. En fin de compte, ce sont Karl Kautsky, Hugo Haase et Rudolf Hilferding – tous issus de l'aile droite de l'USPD – qui ont finalement décidé que le parti devait prêter allégeance au système démocratique et abandonner complètement l'idée de conseils « purs ». Bien que de nombreux partisans des Revolutionäre Obleute aient ensuite rejoint l'Union libre des travailleurs (FAUD), une occasion unique avait été gâchée.
19:02 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, allemagne, gauches allemandes, années 20, république de weimar |
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