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dimanche, 11 décembre 2016

ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI Auteur d'Eloge du polythéisme

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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI

Auteur d'Eloge du polythéisme

Ex: http://www.laviedesclassiques.fr 

Entretien avec Maurizio Bettini, à l'occasion de l'Éloge du polythéisme: ce que peuvent nous apprendre les religions antiques qui vient de paraître en français (Les Belles Lettres, 2016). 

LVDC. — Comment vous présenter ? historien ? latiniste ? philologue ? anthropologue ou classiciste ?

Eh bien, se définir soi-même est toujours difficile ! Pour ce qui concerne ma position universitaire, je suis professeur de philologie classique (à l’université de Sienne) et je donne aussi des cours d’anthropologie du monde classique. Je me sens un classiciste, latiniste plus qu’helléniste, qui pratique la philologie et la linguistique mais qui s’est tourné de plus en plus vers l’anthropologie.

bettiniPoly.jpgLVDC. — Êtes-vous par ailleurs un homme engagé ?

Engagé ? Un mot qu’il serait peut-être difficile d’expliquer à mes étudiants d’aujourd’hui… Mais qui a eu du sens dans ma formation humaine et intellectuelle. Oui, je dirais que dans mon travail il y a une dimension « civique » que je considère comme importante. Par ailleurs, elle l’est devenue de plus en plus depuis les années 2000, en raison de la collaboration avec des collègues modernistes (Marcello Flores in primis) sur des thèmes comme les droits de l’homme, la réconciliation, l’identité. Les derniers ouvrages de Marcel Detienne m’ont aussi invité à suivre cette perspective. Il s’agit d’utiliser l’Antiquité classique, et l’expérience de mes études en particulier, pour mettre en lumière des aspects « civiques » de notre culture qui faisaient et font partie du débat contemporain. Un de mes derniers ouvrages, pas encore traduit en français, s’appelle « Contre les racines » et est dédié à l’un des mythes les plus puissants et les plus controversés du monde contemporain : les prétendues « racines culturelles » qui nous identifieraient indépendamment de notre choix ou de notre volonté. Il s’agit d’un mythe que l’Antiquité a bien connu.

LVDC. — Que vous apporte la culture classique dans votre quotidien ?

Un point d’observation privilégié, un regard distancié. Dans une époque souvent aveuglée par le provincialisme du temps, comme l’appelait T. S. Eliot ‒ c’est-à-dire une époque qui ne sait plus voir au-delà et au dehors du présent ‒, la culture classique me permet d’observer la contemporanéité d’un regard plus libre et plus original.

LVDC. — Plus généralement que nous apprennent les Anciens ?

Qu’il n’y a pas seulement une manière de mener sa vie – la « nôtre », la « mienne »… ‒ mais qu’il y en a dix, cent, mille, qui sont toutes différentes et qui toutes nous offrent des modèles intéressants. Les Anciens ont élaboré une culture aussi riche que complexe, non seulement au niveau de leurs grandes créations philosophiques ou littéraires, mais aussi dans leur expérience quotidienne, disons « mineure », qui cependant mérite d’être connue.

LVDC. — Étudier l’Antiquité est-ce regarder en arrière, comme Orphée ?

Oui, d’une certaine manière. Parce que les Anciens sont une partie de nous, de notre culture, qui s’est bâtie pour une bonne part sur les bases qu’ils ont jetées dans le passé, à savoir leur langue (le latin vit encore dans l’italien comme dans le français, ainsi que dans les autres langues romanes, et en particulier dans le langage intellectuel), mais aussi les modèles de pensée qui nous ont été transmis par la lecture ininterrompue, à travers les siècles, de leurs textes, entre autres choses. Mais de l’autre côté il y a toujours l’altérité qui caractérise divers aspects de l’expérience humaine propre aux Anciens (leurs « mille façons de vivre » qui sont différentes des nôtres), qui ont le pouvoir de détourner notre regard du passé, de ce qui est derrière, pour le projeter en avant – ce qu’Orphée n’a pas voulu ni pu faire !

LVDC. – Quelle est votre attitude par rapport au passé ? au présent ? au futur ?

S’il faut croire Augustin, se situer dans le temps serait une tâche impossible. « Ces deux temps, disait-il, le passé et le futur, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus et que le futur n’est pas encore ? Et le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé. »

Mais Augustin était peut-être trop pessimiste, d’ailleurs il s’intéressait plutôt à l’éternité qu’au temps des hommes. Donc je dirais que le passé m’intéresse pour les raisons que j’ai déjà essayé d’expliquer : sortir du provincialisme du temps ; le présent c’est moi, donc il faut le vivre au mieux, pourvu qu’on puisse se soustraire à son « provincialisme » ; quant au futur, j’ai déjà cité Augustin, mais il faudrait citer aussi le Cicéron de Sur la divination :

« Pour César, écrivait-il, s’il avait lu dans l’avenir que, dans ce Sénat peuplé principalement d’hommes choisis par lui-même[…], il serait […] frappé à mort par les plus nobles citoyens […] puis que son corps resterait gisant sans qu’aucun de ses amis ni seulement de ses esclaves voulût s’en approcher, dans quelle torture morale n’eût-il pas vécu ? Certes l’ignorance du mal futur vaut mieux que sa connaissance. » Voilà encore une leçon qui nous vient des Anciens : avoir le courage de connaître mais aussi la patience d’ignorer.

LVDC. — Comment avez-vous rencontré la culture classique ?

Mon grand-père était latiniste lui aussi, professeur à l’université de Rome. Quand il est mort, très âgé, ma famille a hérité d’une bonne partie de sa bibliothèque. À ce moment, j’étais étudiant au liceo classico, et la beauté, la richesse de ses livres me ravissaient. Feuilleter les éditions des Belles Lettres (voilà ! on y est), explorer des travaux de linguistique historique, de philologie… Le destin avait déjà tissé sa trame, je l’ignorais encore. L’année suivante, je suis allé à l’université, à Pise, à la faculté des lettres. En vérité, au début, je ne voulais pas devenir classiciste, je voulais plutôt devenir italianisant, travailler sur Dante, Pétrarque, Arioste, mais, comme l’enseigne la tragédie grecque, l’homme ne peut pas résister à sa moira, à sa « part assignée », à son destin…

bettiniclass.jpegLVDC. — Racontez votre parcours intellectuel. Quels en sont les moments marquants ? les rencontres (de chair ou de papier) déterminantes ?

M’a marqué avant tout la rencontre avec mon professeur de latin, Marino Barchiesi, un classiciste exceptionnel, très ouvert. J’ai écrit ma thèse avec lui, sur Plaute. Pour être accepté par Barchiesi, il fallait bien connaître le latin, la grammaire historique, la métrique, etc., mais aussi la critique littéraire la plus récente, le théâtre de Shakespeare, et ainsi de suite. C’était un conférencier extraordinaire et un professeur magnifique, très clair et fascinant en même temps. Depuis, j’ai eu la chance de suivre des séminaires d’Émile Benveniste, à Pise. Il était venu invité par le professeur de linguistique de l’université, Tristano Bolelli, un homme plutôt difficile mais qui avait d’excellents contacts internationaux. Je suis resté littéralement ébloui par Benveniste. Je connaissais très peu le français, mais j’ai eu l’impression de tout comprendre ! La clarté, l’originalité de ces séminaires – dont le sujet depuis quelques années était devenu un fragment du Vocabulaire des institutions indo-européennes – m’avait même donné le courage de poser une question à Benveniste ! Moi, un jeune étudiant classiciste italien qui posait une question au maître… Quelques mois plus tard, Benveniste est tombé malade, j’ai eu la grande chance de le rencontrer avant que sa vie change dramatiquement. Je pense que cette expérience a marqué mon développement intellectuel. En écoutant Benveniste, j’ai découvert que la linguistique, l’analyse de textes et l’anthropologie pouvaient travailler ensemble, de nouveaux horizons intellectuels s’ouvraient devant moi. J’étais jeune, il était admirable. Après la mort de Barchiesi, qui nous a laissés trop tôt, j’ai poursuivi mes études de philologie et de linguistique latines en suivant le modèle des philologues plus âgés que moi comme Scevola Mariotti, Sebastiano Timpanaro – qui était aussi un grand intellectuel –, Alfonso Traina, Cesare Questa pour la métrique de Plaute (un sujet assez « abstrait » mais qui, en tant que tel, me passionnait) ; après, tous ces maîtres sont devenus pour moi des amis très chers. Entre-temps, l’anthropologie devenait de plus en plus importante pour moi, surtout après la lecture (vraiment passionnée) des Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss, ce qui m’emmenait à écrire quelques contributions sur la parenté à Rome. Les ouvrages de Lévi-Strauss ont été fondamentaux dans ma formation non classiciste, pour ainsi dire. À partir des années 1980, je suis entré en relation avec « les Français », Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, les plus jeunes Françoise Frontisi et François Lissarrague, qui sont aussi devenus des amis et qui m’ont beaucoup appris. Ensuite ç’a été l’Amérique, Berkeley en particulier, où j’ai enseigné et où j’enseigne encore : en Californie j’ai eu la chance de découvrir des approches de l’Antiquité qui auparavant m’étaient inconnues. Les parcours intellectuels sont toujours compliqués, sinueux, même ceux des antiquisants ! 

LVDC. — Vos livres traduits en français traitent surtout de mythologie (sauf le dernier) : pourquoi d’abord la mythologie ?

La mythologie m’a toujours passionné parce que dans les mythes classiques on trouve les deux aspects ou, mieux, les deux composantes de l’Antiquité, que je considère comme fondamentales : d’un coté sa permanence, parce que les mythes ont été repris, racontés de nouveau, modifiés, cités, etc. une infinité de fois jusqu’à présent – donc ils sont avec nous, ils sont nous ; de l’autre son altérité, que les mythes ont aussi le pouvoir de révéler : des mœurs oubliées, parfois bizarres à nos yeux, des inventions narratives extraordinaires, ou des solutions existentielles inattendues.

LVDC. — Votre dernier ouvrage a « fait débat » : pourquoi ?

L’Italie est un pays très catholique, même s’il l’est moins que par le passé. Le seul fait de comparer la religion « païenne » avec les monothéismes, de mettre sur le même plan une religion révélée (la vraie, la seule, la bonne) avec un ensemble d’institutions et de croyances considéré dans le meilleur des cas comme un objet de curiosité « mythologique » ou d’intérêt érudit, et, surtout, de soutenir que les monothéismes contemporains pourraient tout à fait apprendre quelque chose des religions « païennes », ça a fait débat, naturellement.

LVDC. — S’il fallait en retenir une phrase ou une idée, ce serait laquelle ?

Mettre en lumière les potentialités (réprimées) du polythéisme, donner voix aux réponses que son mode spécifique d’organisation du rapport avec le divin pourrait fournir à certains problèmes auxquels les religions monothéistes – comme nous les connaissons dans le monde occidental ou à travers lui – peinent à trouver une solution ou qu’elles ont souvent générés elles-mêmes : en particulier, le conflit religieux et, avec lui, le large spectre de l’hostilité, de la désapprobation, de l’indifférence qui entoure encore, aux yeux des « uns », les divinités honorées par les « autres ».

Les livres de Maurizio Bettini en français

aux éditions Belin

aux éditions Les Belles Lettres

 

dimanche, 24 juillet 2011

Summoning the Gods: Essays on Paganism

Now Available for Pre-order!

Summoning the Gods:
Essays on Paganism in a God-Forsaken World

We are pleased to announce our sixth title:

Collin Cleary
Summoning the Gods:
Essays on Paganism in a God-Forsaken World

Edited with an Introduction [2] by Greg Johnson
San Francisco: Counter-Currents, 2011
220 pages

 

Hardcover limited edition of 100 numbered and signed copies: $35 (Pre-order special: $30)

Release date: July 14, 2011

Note: All books ordered before July 14, 2011 will be personalized by Collin Cleary.

Neo-paganism is the attempt to revive the polytheistic religions of old Europe. But how? Can one just invent or reinvent an authentic, living faith? Or are modern neo-pagans just engaged in elaborate role-playing games?

In Summoning the Gods, Collin Cleary argues that the gods have not died or forsaken us so much as we have died to or forsaken them. Modern civilization—including much of modern neo-paganism—springs from a mindset that closes man off to the divine and traps us in a world of our own creations. Drawing upon sources from Taoism to Heidegger, Collin Cleary describes how we can attain an attitude of openness that may allow the gods to return.

In these nine wide-ranging essays, Collin Cleary also explores the Nordic pagan tradition, Tantrism, the writings of Alain de Benoist, Karl Maria Wiligut, and Alejandro Jodorowsky, and Patrick McGoohan’s classic television series The Prisoner. Cleary’s essays are models of how to combine clarity and wit with spiritual depth and intellectual sophistication.

Summoning the Gods establishes Collin Cleary as one of the leading intellectual lights of contemporary neo-paganism.

Advance Praise for Summoning the Gods

“The writings of Collin Cleary are an excellent example of the way in which old European paganism continues to question our contemporaries in a thought-provoking way. Written with elegance, his work abounds in original points of view.”

—Alain de Benoist, author of On Being a Pagan

“Jung compared the absence of the gods to a dry riverbed: their shapes remain, but devoid of the energy and substance that would make them live among us as they used to. What we await is the energy and substance to flow once more into the forms. The words of Collin Cleary, his thoughts and ideas, constitute the kind of fresh and vital energy that is needed to effect the renewal of the gods in our contemporary world.”

— Dr. Stephen E. Flowers, author of The Northern Dawn

“Collin Cleary’s Summoning the Gods is one of the most important books in its field.  Unlike those who would speak for the gods, he shows us how to bring the gods into our lives by letting Them speak for themselves. Perhaps most importantly, Cleary has given serious followers of pagan religions the philosophical tools to defend their beliefs against the most erudite critics.”

— Stephen A. McNallen, Asatru Folk Assembly

“Collin Cleary is a rare breed: a scholar of the mystical, and at the same time a mystic whose probing visions are informed by rigorous study. These are more than just eloquent and thought-provoking essays on myth, religion, or art; at their best, they resonate with the august and ancient tradition of the philosophical dialogue. Time and again, Cleary offers insights that powerfully orient the reader toward archaic ways of thinking, knowing, and seeing vividly—as if through newly opened eyes.”

—Michael Moynihan, co-editor, TYR: Myth—Culture—Tradition

“I have admired Collin Cleary’s work in TYR and Rûna for years, and I am delighted that this volume of nine essays has arrived in the world. Cleary possesses the admirable ability to write with a frank ‘openness to the divine’ (to use his own phrase). He does so both clearly and profoundly, on a number of inter-related subjects. The essay ‘Philosophical Notes on the Runes’ ought to be required reading for all serious students of the runic systems. This book belongs in every radical Traditionalist library.”

—Juleigh Howard-Hobson, author of Sommer and Other Poems

“Collin Cleary’s Summoning the Gods is a landmark publication in the intellectual side of the Heathen revival. By applying modes of analysis ranging from Heideggerian phenomenology to Hegelian dialectic, Cleary manages to penetrate deep into the core of polytheistic religiosity. Attracting a thinker of Cleary’s stature is an indicator of the vibrancy and health of modern Heathen thought. This book should be a welcome addition to any thinking Heathen’s book shelf.”

—Christopher Plaisance, editor of The Journal of Contemporary Heathen Thought

Contents

Introduction [2] by Greg Johnson

 

Neo-Paganism

1. Knowing the Gods
2. Summoning the Gods: The Phenomenology of Divine Presence
3. Paganism without Gods: Alain de Benoist’s On Being a Pagan

Nordic Paganism

4. What God Did Odin Worship? [3]
5. Philosophical Notes on the Runes
6. The Missing Man in Norse Cosmogony
7. Karl Maria Wiligut’s Commandments of Gôt

Among the Ruins

8. Patrick McGoohan’s The Prisoner
9. The Spiritual Journey of Alejandro Jodorowsky

About the Author

Collin Cleary, Ph.D. is an independent scholar living in Sandpoint, Idaho. He is one of the founders of TYR: Myth—Culture—Tradition, the first volume of which he co-edited. A fellow of the Rune-Gild, his writings have appeared in TYR and Rûna. This is his first book.

Ordering Information

Hardcover limited edition of 100 numbered and signed copies: $35
(Pre-order special: $30)

Release date: July 14, 2011

Note: All books ordered before July 14, 2011 will be personalized by Collin Cleary.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

00:05 Publié dans Livre, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paganisme, mythologie, dieux antiques, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook