Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 24 septembre 2023

Lucien Rebatet, révolutionnaire décadent

 

ob_19f615_rebatet-lucien03.jpg

Lucien Rebatet, révolutionnaire décadent

Rebatet, selon l'essayiste Claudio Siniscalchi, est un véritable paradigme de cette large patrouille d'intellectuels qui lisent l'histoire de la France moderne en termes de décadence.

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/111174-lucien-rebatet-rivoluzio...

Ces dernières années, dans le paysage éditorial italien, il semble y avoir un regain d'intérêt pour le fascisme français. Claudio Siniscalchi fait partie des auteurs qui ont le plus contribué à cette résurgence d'études thématiques. Son dernier ouvrage, Un revoluzionario decadente. Vita maledetta di Lucien Rebatet, en librairie aux éditions Oaks (sur commande : info@oakseditrice.it, pp. 182, euro 20.00). Selon l'auteur, Rebatet est un véritable paradigme de cette vaste compagnie d'intellectuels qui ont lu l'histoire de la France moderne en termes de décadence, mais qui étaient en réalité profondément enracinés dans ce monde.

9791280190659_0_536_0_75.jpg

Rebatet est né en novembre 1903 dans l'ancien Dauphiné. Il est éduqué dans une école dirigée par des religieux, pour lesquels il éprouve un dégoût irrépressible. Son père, notaire d'obédience républicaine, et sa mère, catholique d'origine napolitaine, ne parviennent pas à l'attirer dans leurs univers idéaux respectifs. En 1923, le jeune Rebatet arrive à Paris. Dans la capitale, il étudie la littérature à la Sorbonne et fréquente assidûment Montparnasse, quartier excentrique où règne une vie nocturne intense et où se déroulent des manifestations culturelles et artistiques novatrices. C'est au cours de ces années que débute sa collaboration avec L'Action française de Maurras, d'abord en tant que critique musical, puis en tant que critique cinématographique. Contrairement à Maurras, Rebatet "n'est ni catholique ni anti-allemand" (p. 19). Doté d'un style mordant, ses articles connaissent un succès immédiat. Son ascension au sommet de l'intelligencija de la "droite" française commence en 1932. Cette année-là, ses contributions paraissent dans l'hebdomadaire Je suis partout. Dans ces colonnes, il passe de la critique cinématographique à la polémique politique. Ses écrits témoignent du dépassement progressif des positions de Maurras, dans le sens d'un soutien total à la cause "fasciste".

9782221133057_1_75.jpgEn présentant l'itinéraire intellectuel et politique de Rebatet, Siniscalchi dresse un tableau organique du monde intellectuel varié et vivant du "fascisme" français, en discutant des relations qui existaient entre les principaux interprètes de cette faction intellectuelle et politique. Il parvient ainsi à des jugements équilibrés, conformes aux exigences de la recherche historique. Il précise notamment comment le rapprochement de Rebatet avec l'Allemagne nationale-socialiste s'explique par la conviction profonde que les ennemis de la patrie sont "intérieurs" et se reconnaissent dans : "les Maghrébins, les Noirs, les Jaunes, les Russes anciens et nouveaux, les mineurs polonais, les Italiens" (p. 23), venus en France pour les raisons les plus disparates. Ces catégories seront bientôt remplacées par l'ennemi par excellence, le Juif. Les révolutionnaires et les juifs qui ont quitté l'Allemagne après 1933 ont rencontré les exilés antifascistes italiens et ont formé l'Internationale antifasciste. Celle-ci devait être combattue, selon l'auteur, par l'internationale fasciste.

Ainsi, l'idée d'un fascisme européen comme seule réponse possible à la décadence de notre continent mûrit chez Rebatet, ainsi que chez Drieu La Rochelle. La fièvre antisémite se radicalise en France, avec la conquête du pouvoir par le Front populaire de Blum. Rebatet, nous dit Siniscalchi, reste un observateur attentif des phénomènes contemporains. Après la publication de l'Histoire du cinéma de Brasillach et Bardèche, il montre qu'il ne partage pas l'exégèse esthétique néoclassique de Maurras et qu'il voit dans le cinéma un art aux potentialités extraordinaires. Il n'est pas un critique de cinéma animé par des préjugés anti-américains : "Dans les films hollywoodiens [...] il trouve souvent des œuvres saines et spontanées, vitales et viriles [...] des œuvres dépourvues de superficialité et de fausseté" (p. 49). En 1937, il va même jusqu'à définir La grande illusione, un film critiqué en Italie par Luigi Chiarini, comme le meilleur produit de l'année. Il s'insurge également contre "le pessimisme moral typique des films les plus significatifs du "réalisme poétique" français" (p. 52). Rebatet devient le plus important critique de cinéma du pays pendant l'Occupation. Selon lui, les "Aryens" et les Français Lumière et Méliès sont responsables de la naissance du cinéma: "Les "Juifs" ont récolté les copieux fruits économiques de cette invention" (p. 73), tant en Europe qu'aux États-Unis.

Le collaborationniste ne fait qu'appliquer à l'histoire du cinéma le schéma développé par Wagner pour ses écrits sur le judaïsme musical. Le résultat, note Siniscalchi, est une "falsification" de l'histoire du cinéma français. L'activité d'écrivain de Rebatet trouve son apogée dans deux livres. Le premier, Les décombres, peut être considéré comme le véritable manifeste idéologique de la "tentation fasciste". Il connaît un succès inattendu et immédiat. Rebatet y "attaque avec une rare violence les institutions, les partis, les hommes politiques, les intellectuels, appelant à [...] la "déjudaïsation" du pays" (p. 100). Rebatet est convaincu de l'inanité de la tentative politique menée à Vichy: seul un authentique fascisme français aurait pu relever la France, sur la base du national-socialisme allemand. À la Libération de Paris, après une évasion audacieuse, Rebatet est arrêté et condamné à mort, mais la peine est bientôt commuée en détention à perpétuité. En fait, il est resté dans les prisons françaises pendant plusieurs années.

Les-deux-etendards.jpg

004788860.jpg

En 1951, il publie un nouveau roman, Les deux étendards. Sur le plan littéraire, il s'agit d'un retour à Proust, mais l'inspiration profonde est nietzschéenne et antichrétienne. Siniscalchi, se référant aux études de Del Noce et de Voegelin, inscrit les thèses exprimées dans ce volume dans les positions révolutionnaires modernes et néo-gnostiques des religions politiques. En ce qui nous concerne, ce qui est surprenant chez le Français, c'est que son adhésion à la vision "païenne" de la vie l'ait conduit à embrasser la cause nationale-socialiste. Au contraire, pour l'écrivain, attentif au thème de la leçon de Benoist, mais pas seulement, le nazisme est l'expression typique du monothéisme politique, "Un peuple, un Reich, un chef", rien de plus éloigné des conceptions issues d'une approche polythéiste du monde.

En tout cas, Rebatet, pendant la période dramatique de l'après-guerre, a vécu dans la solitude, marginalisé, sans abjurer, il est vrai, les idées qu'il avait défendues avec tant de véhémence dans les années précédentes. C'est le mérite de Siniscalchi d'avoir remis au centre du débat ces idées et les événements auxquels l'écrivain a participé.

81Hd8rFYAZL._SL1214_.jpg

jeudi, 28 septembre 2017

Le terreau français du fascisme

Zsternhellndnig.jpg

Le terreau français du fascisme

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Aujourd’hui caution morale de la gauche pacifiste israélienne, favorable à un compromis avec les Palestiniens, l’historien Zeev Sternhell suscita au début des années 1980 un grand émoi au sein même de l’Université française. Après l’étude de Maurice Barrès (1), puis des mouvements d’avant 1914 qu’il range dans une quatrième droite (2), d’où une forte controverse avec l’interprétation classique de René Rémond (3), il clôt sa recherche par Ni droite ni gauche. L’idéologie du fascisme en France, dans lequel Sternhell assimile peu ou prou les « non-conformistes des années 1930 » à une manifestation spécifiquement française du vaste phénomène européen, voire planétaire, que fut le fascisme.

En son temps, Armin Mohler et Robert Steuckers publièrent ensemble un opuscule critique sur cet essai d’histoire des idées politiques. Les Éditions du Lore viennent de le rééditer sous le titre de Généalogie du fascisme français. À rebours de certaines analyses contestant les conclusions de l’auteur, Armin Mohler et Robert Steuckers démontrent plutôt que si le fascisme s’est cristallisé en Italie, son équivalent existait déjà en France à la « Belle Époque ».

Des convergences nationales-révolutionnaires

Auteur d’une somme magistrale sur la Révolution conservatrice allemande, Armin Mohler rédige une longue et stimulante recension pour la revue jeune-conservatrice de Munich, Criticón. « À la suite de Gramsci (et a fortiori de l’inspirateur de ce communiste italien, Georges Sorel), relève-t-il, Sternhell se rallie à la conception historiographico-philosophique qui veut que les idées ne soient pas le reflet des réalités, mais l’inverse (p. 2). » Il en découle un net désintérêt chez Sternhell de tout fascisme non politique, exprimé par exemple en littérature par Céline et Lucien Rebatet.

Pour Robert Steuckers qui offre un remarquable compte-rendu synthétique sur cette thèse osée, « quels sont les fondements du fascisme français, quelles sont les racines, au XIXe siècle, de ces fondements ? (p. 21) » Zeev Sternhell ausculte en effet une période déterminante pour la pensée politique contemporaine française. Après un examen politico-chronologique, on en vient à distinguer « trois générations de fascistes (p. 7) » : les courants boulangiste et anti-dreyfusard; une Action française activiste et révolutionnaire et des syndicats « Jaunes » remuants avant 1914; enfin, après 1918, un fort prisme fasciste chez des « propagateurs d’idées (p. 7) ». L’approche n’est pas exhaustive, car Sternhell « ne ressent aucune envie de perdre son temps à étudier ce fascisme folklorique de quelques illuminés qui jouent aux brigands, fascisme caricatural dont les médias font leurs choux gras (p. 7) », observe Armin Mohler.

affiche-boulanger-pour-lc3a9lection-parisienne-de-1889.jpeg

Robert Steuckers relève que de l’« aventure boulangiste, Sternhell retient surtout que les masses sont friandes de deux choses : un socialisme concret, pas trop abstrait, pas trop bavard, pas trop théorique et un nationalisme volontaire car elles savent instinctivement, qu’au fond, société et nation sont quasi identiques. Que ce sont des valeurs collectives et non individualistes. L’ennemi, pour ces masses parisiennes, c’est la classe qui a pour philosophie le libéralisme et l’individualisme, donc l’égoïsme, et qui met cette philosophie en pratique, avec, pour corollaire, les résultats sociaux désastreux dont la classe ouvrière se souvient encore (p. 22) ». Outre le rôle fondateur du boulangisme, Robert Steuckers se penche sur les autres éléments politiques constitutifs de ce « pré-fascisme » hexagonal.

Un anti-bourgeoisme assumé

Ainsi évoque-t-il l’antisémitisme de gauche et le racisme socialiste défendus par Blanqui, Toussenel, Tridon, Vacher de Lapouge, le grand attrait des œuvres de Richard Wagner, « l’impact de Gustave Le Bon (p. 30) », « l’influence prépondérante de Jules Soury (p. 32) » et l’apport fondamental d’un Hippolyte Taine qu’« on ne considère guère […] comme l’un des précurseurs du fascisme (p. 31) ». Il évoque aussi l’extrême gauche antidémocratique qui, avec Hubert Lagardelle, Roberto Michels et Georges Sorel, façonne un environnement porteur. Maurice Barrès et la frange révolutionnaire de la mouvance maurrassienne participent à l’étonnante réalisation d’une pensée politique spécifique au nouveau siècle.

hippolyte-taine.jpg

« Cette gauche sociale et cette “ droite ” traditionaliste, poursuit Robert Steuckers, non indifférente à la question ouvrière, se dressent donc conjointement face aux idéologies et aux acteurs politiques qui observent, pour leur strict intérêt personnel et financier, les soi-disant lois du marché (pp. 42 – 43) ». Néanmoins, « ce qui m’a frappé aussi chez Sternhell, tempère Armin Mohler, c’est l’insistance qu’il met à montrer la relative indépendance du fascisme vis-à-vis de la conjoncture. […] Il ne croit pas que la naissance du fascisme soit due à la pression de crises économiques et, assez étonnament, estime que la Première Guerre mondiale (ou tout autre conflit) a eu peu d’influence sur l’émergence du phénomène (p. 9) ».

Par ailleurs, ni Zeev Sternhell, ni Armin Mohler, ni même Robert Steuckers n’expliquent la réussite du fascisme en Italie et son échec en France. Ce serait sortir de l’ouvrage pour de vaines spéculations uchroniques. Outre des faits politiques, économiques, démographiques et sociologiques différentes de part et d’autre des Alpes, l’échec d’un fascisme en France se comprend par le légalisme et la loyauté des catholiques. Entre 1870, année où l’armée italienne s’empare des derniers territoires des États de l’Église, et 1929, date de la signature des accords du Latran qui règlent la lancinante « question romaine », les catholiques italiens ne participent guère à la vie politique du jeune État italien. À la demande des souverains pontifes successifs, ils rechignent à s’engager pour des institutions qu’ils jugent hostiles au Saint-Siège.

Mortel Ralliement

Cette opposition n’existe plus en France depuis qu’en 1893, le pape Léon XIII ordonna le funeste « Ralliement » des fidèles catholiques à la République sans obtenir la moindre contrepartie. La loi de séparation de 1905 et la crise des inventaires (sans oublier l’affaire des fiches) suscitées par des autorités laïcardes et anticléricales n’arrêteront pas les catholiques français dans leur capitulation politique totale. Leur obéissance aveugle aboutira en août 1914 à une « Union sacrée » mortifère qui verra le hobereau légitimiste breton mourir dans les tranchées pour un drapeau tricolore honni par Henri V… Le coup de grâce viendra en décembre 1926 avec la mise à l’Index de L’Action française et des écrits de Charles Maurras. Le « catho-masochisme » n’émerge donc pas avec La Manif pour Tous et son incapacité criante à renverser le moindre pouvoir établi.

Tandis que le militant conservateur plonge dans la résignation, voire le découragement, le fasciste entend, lui, « créer un “ homme nouveau ”, explique Mohler, un homme porteur de vertus classiques antibourgeoises, des vertus héroïques, un homme à l’énergie toujours en éveil, qui a le sens du devoir et du sacrifice (p. 17) ». Tout le contraire du contre-révolutionnaire qui parie sur une transcendance politique. « La qualité suprême, pour un fasciste, ajoute Mohler, c’est d’avoir la foi dans la force de la volonté, d’une volonté capable de donner forme au monde de la matière et de briser sa résistance (p. 17). » À une certaine contemplation militante impolitique, le fasciste agit en faustien. Robert Steuckers souligne même que « la marque du socialisme révisionniste est telle qu’aucune équation entre fascisme et conservatisme ne s’avère possible (p. 58) ».

La « Droite révolutionnaire » existe belle et bien. C’est l’une des matrices du fascisme italien. Cette brochure « démontre au lecteur que le fascisme est une idéologie comme les autres et non une aberration vis-à-vis de lois de l’histoire soi-disant infaillibles (p. 66) ».

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Zeev Sternhell, Maurice Barrès et le nationalisme français, Armand Colin, 1972.

2 : Zeev Sternhell, La droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Éditions du Seuil, 1978.

3 : René Rémond, Les droites en France, Aubier Montaigne, 1982.

• Armin Mohler – Robert Steuckers, Généalogie du fascisme français. Dérives autour du travail de Zeev Sternhell, Les Éditions du Lore, 2017, 62 p., 12 €.

fascisme-francais-derives-autour-du-travail-de-zeev-sternhell.jpg

Pour commander l'ouvrage:

http://www.ladiffusiondulore.fr/home/654-genealogie-du-fa...

 

mardi, 05 mai 2015

Eduardo Nuñez sobre Roberto Brasillach

brasillach.jpg

Eduardo Nuñez

sobre Roberto Brasillach