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lundi, 24 juillet 2023

Les défis des exercices intellectuels sur la "multipolarité" dans les institutions académiques du Sud global

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Les défis des exercices intellectuels sur la "multipolarité" dans les institutions académiques du Sud global

Tawfique M Haque (Bangladesh)

Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/challenges-intellectual-exercises-multipolarity-academic-institutions-global-south

Discours prononcé lors de la conférence mondiale sur la multipolarité, le 29 avril 2023.

L'hégémonie politique, économique et culturelle de la civilisation occidentale est largement discutée et débattue dans les plateformes intellectuelles telles que les salles de classe des universités du Sud. En revanche, le débat sur l'hégémonie du savoir est un sujet moins abordé, bien que ses ramifications ne soient pas moindres que celles des autres formes d'hégémonie. La création d'une plateforme ouverte et diversifiée d'exercices intellectuels dans les universités du Sud se heurte à plusieurs difficultés :

    - La plupart des professeurs qui enseignent dans les salles de classe des universités ont reçu une éducation occidentale. Cette soi-disant "éducation libérale" a en fait rendu leur processus de pensée unidirectionnel et a finalement handicapé leur capacité à penser différemment pour expliquer les changements rapides qui se produisent dans différents domaines.

    - L'industrie de la connaissance est entièrement contrôlée par les intellectuels occidentaux qui ont créé un domaine de création et de publication de connaissances qui n'est pas prêt à accepter la "vérité impartiale" provenant de sources alternatives.

    - Les récits créés par les intellectuels et les médias occidentaux sont basés sur des informations et des faits fournis par leurs élites dirigeantes qui, dans la plupart des cas, n'ont pas été remis en question par les universitaires. Ces récits sont utilisés dans les discussions en classe et les discours intellectuels du Sud sans aucune évaluation critique.

Bien que les universités occidentales prétendent former des "penseurs critiques", elles n'y sont pas parvenues. Nombre d'économistes, de politologues, d'analystes de la sécurité ou, plus généralement, de spécialistes des sciences sociales formés en Occident ne sont pas capables de comprendre, d'expliquer, d'évaluer et d'analyser l'évolution rapide de l'ordre mondial politique, social et économique. C'est pourquoi les politologues et les experts des médias des pays occidentaux n'ont pas réussi à prédire le Brexit, la victoire de Donald Trump, la montée des nationalistes économiques et des anti-mondialistes dans différentes parties du monde. Les théories qu'ils enseignent dans les salles de classe et les méthodes de recherche qu'ils utilisent pour générer des connaissances ne sont plus valables dans de nombreux cas pour expliquer le monde actuel. Mais le problème est qu'ils ne sont pas assez "critiques" pour remettre en question les théories et les modèles existants et accepter la vérité provenant de sources alternatives. L'incapacité des établissements d'enseignement occidentaux à produire et à diffuser de véritables connaissances a également eu des répercussions sur les universités des pays du Sud. Leur dépendance à l'égard des sources de connaissances occidentales les a rendues incapables d'expliquer et d'aborder les réalités changeant rapidement dans les domaines politique, économique, technologique et social.

Nous espérons qu'il y aura davantage de collaboration Sud-Sud en matière de connaissances dans les années à venir pour combler ces lacunes. Les universitaires et les intellectuels du Sud peuvent créer un centre de connaissances multipolaire au lieu de s'abandonner à l'industrie du savoir unipolaire dominée par l'Occident. Un nouvel ensemble de méthodologies, de théories et de modèles devra être développé dans les jours à venir pour comprendre et expliquer le futur monde multipolaire qui est déjà en place.

20:46 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, multipolarité, sud global | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 09 juillet 2023

« Sud global » contre « Occident collectif » ?

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« Sud global » contre « Occident collectif » ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Longtemps écartée de l’Université au profit des « relations internationales » et mal vue des géographes et des politistes, la géopolitique retrouve une notoriété certaine aux lendemains de la chute du Mur de Berlin, de la fin de la Guerre froide, de la disparition du bloc soviétique et de l’éclatement de l’URSS. Le mot devient tendance au point qu’on l’accommode avec tout et n’importe quoi : « géopolitique des goûts », « géopolitique des couleurs » ou « géopolitique des mentalités ». Si certaines combinaisons se révèlent pertinentes, d’autres témoignent d’un conformisme veule et d’un regrettable détournement sémantique.

Il est par exemple excessif de parler de « Sud global ». Cette notion apparue dans la décennie 1980 remplacerait maintenant  le concept de « Tiers-Monde » que forge en 1952 le démographe français Alfred Sauvy. Le « Tiers-Monde » coïncide en partie avec les États membres du Mouvement des non-alignés inauguré lors de la Conférence afro-asiatique de Bandung en 1955 et officialisé à Belgrade en 1961. L’Indien Nehru et le Yougoslave Tito cherchaient à se dégager de l’étreinte mortelle du condominium planétaire soviéto-étatsunien. Si Charles De Gaulle avait été plus audacieux tant en matière de participation dans les entreprises qu’en politique étrangère, la France des années 1960 aurait pu devenir la figure de proue du non-alignement.

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Interrogé par Le Figaro du 22 juin 2023, le professeur d’économie en Sciences Po, Bertrand Badie, définit le « Sud global » comme « un ensemble de pays d’Afrique et d’Asie qui, durant la Guerre froide, furent exclus de l’ordre mondial soit parce qu’ils étaient dominés et colonisés, soit parce qu’ils étaient totalement marginalisés, humiliés, écrasés ». Les participants au Sud global « se caractérisent, poursuit-il, par un faible PIB et surtout une situation défavorable en terme d’indice de développement humain ». Mais les critères de ce développement humain qui sont d’origine occidentale, sont-ils les plus idoines pour des peuples non occidentalisés en profondeur ? L’économiste hétérodoxe François Partant ne cessait de vitupérer contre les théories fallacieuses du développement à la mode euro-nord-américaine.

En 2023, ce « Sud global » regrouperait des États d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Ses coryphées seraient la Chine populaire et l’Union indienne. Cet ensemble disparate ne forme nullement un nouveau bloc géopolitique bien qu’il a pu montrer une neutralité officielle à propos du conflit russo-ukrainien en ne suivant pas les consignes occidentales.

Au Sud global qui dépasse – et de loin ! - les simples BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), Moscou aimerait opposer le concept d’«Occident collectif ». L’association de ces deux mots désigne le monde occidental moderne américanomorphe et ses déclinaisons institutionnelles (OTAN, Union dite européenne, FMI…). Dans plusieurs de ses discours qui justifient l’actuelle guerre en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine use de cette expression et cible les méfaits du gendérisme et de la doxa LGBTQIA+++. Cet « Occident collectif » pensé à l’intérieur de l’appareil de propagande russe correspond à l’« Occident globalitaire » cher aux oligarchies cosmopolites tels que le Bilderberg ou la Commission Trilatérale. La priorité accordée aux enjeux sociétaux favorables à une indifférenciation généralisée ne relève pas d’un quelconque esprit complotiste.

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Sous la plume de Marielle Vitureau, Le Figaro du 23 juin 2023 explique que «l’Estonie autorise le mariage pour tous » et que cette loi entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Le texte législatif remplace les mots « homme » et « femme » par « personnes physiques », ce qui est une nouvelle et sordide discrimination envers les animaux, les plantes, les appareils électro-ménagers et les bâtiments. Selon un sondage du Centre estonien des droits de l’homme - oh pardon !, des personnes physiques -, 53 % de la population estonienne, y compris au sein de l’importante minorité russophone souvent discriminée, soutiendraient cette loi. Rédactrice en chef lesbienne de la revue en ligne Feministeerium, Kadi Viik, se félicite de cette approbation qui « reflète le fait que nous sommes orientés vers les valeurs occidentales ».

Pour sa part, la présidente de l’association LGTB d’Estonie, Aila Kala, déclare qu’« il existe plusieurs moyens de montrer que notre société est occidentale et évidemment, le mariage pour tous est l’un de ses moyens ». Dans Le Monde du 22 juin 2023, le député social-démocrate estonien, Eduard Odinets, estime que ce « vote nous permet de rompre une bonne fois pour toutes avec l’idéologie et les valeurs de l’ère soviétique ». Il considère qu’« en autorisant le mariage pour tous, nous disons clairement aux Russes et à la Russie que nous ne sommes pas dans leur camp, mais dans celui qui défend la liberté et l’égalité, et nous montrons à nos frères et sœurs européens que nous partageons leur conception de ce que doivent être les fondements de la société ». Cet élu ne comprend pas que la liberté et l’égalité ne font jamais bon ménage...

Ces trois Estoniens auraient pu ajouter que les autres moyens d’appartenance à l’Occident-monde sont le rejet de la peine de mort, la sacralisation parodique de l’avortement, le soutien à l’euthanasie et au suicide médicalement assisté, la communion dans un anti-racisme de pacotille, la légalisation des drogues jugées « douces » et la soumission du politique aux injonctions judiciaires, médiatiques et financières.

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Si le « Sud global » s’apparente à une supercherie sémantique et géopolitique, l’« Occident collectif » demeure une notion fumeuse. Qualifier le monde occidental moderne de « Modernité tardive », d’« hyper-modernité occidentale », voire d’« Occident liquide », serait plus approprié d’autant que Guillaume Faye précisait déjà dans L’Occident comme déclin (Le Labyrinthe, 1984) que la « civilisation occidentale entre dans son “ troisième âge “, connaît à la fois un triomphe de ses formes, de ses quantités, de son expansion statistique et géographique mais un épuisement de son sens, de son idéologie, de ses valeurs ». Il prévenait quelques pages avant que « l’Occident n’est pas “en“ déclin – il est au contraire en expansion – mais il est le déclin ». Cette prise de distance nécessaire se confirme en 1998, dans L’Archéofuturisme, puisque Guillaume Faye délaisse l’Occident au profit de l’Eurosibérie et du Septentrion.

Dans Le Monde du 14 avril 2022, Julien Bouisson évoquait que « l’OMC s’inquiète d’une division du commerce ». Il écrivait que « l’organisation redoute d’abord une “ fragmentation “ des échanges mondiaux en “ blocs  géopolitiques “ distincts, ce qui pourrait conduire les entreprises à réorganiser leurs chaînes d’approvisionnement pour faire face à ces risques et à un découplage des économies ». Souhaitons que les préoccupations de l’OMC se réalisent effectivement le plus tôt possible !

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 81, mise en ligne le 4 juillet 2023 sur Radio Méridien Zéro.