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jeudi, 18 janvier 2007

Introduction au colloque d'"Eurorus"

Introduction au Congrès d’EURORUS,

 

Lebbeke, 2 décembre 2006

 

 

 

Tout au long du dix-neuvième siècle, la Russie a été perçue comme le bouclier de la « Tradition » contre l’esprit de la révolution française. Elle était donc la référence de toutes les forces conservatrices et traditionnelles en Europe et ailleurs dans le monde. En 1917, avec la révolution bolchevique, cette image s’effondre. En un coup, la Russie devient l’avant-garde des principes révolutionnaires radicalisés à l’extrême. Les forces conservatrices remplaceront dès lors leur russophilie initiale par un éventail d’affects anti-russes, sur lesquels ne cesseront de tabler les propagandes anglaises puis américaines pour étayer leur politique d’endiguement et, plus tard, de « roll-back » (« refoulement »), un « roll-back » non plus nucléaire comme l’avait théorisé John Forster Dulles au début des années 50, mais un refoulement porté par le soft power, le pouvoir idéologique, qui génère des « révolutions colorées » depuis la chute de l’URSS et la déliquescence de la CEI.

 

 

 

Pendant la guerre froide, nous courrions le risque de subir, sur le sol européen une troisième guerre mondiale, qui aurait achevé de ruiner définitivement notre civilisation. Dans ce contexte, dès les années soixante, en notre pays, le ministre des affaires étrangères Pierre Harmel, et le militant politique jugé extrémiste, Jean Thiriart, ont jugé cette situation inacceptable. Pour Pierre Harmel, les petits pays des deux blocs devaient s’efforcer de diminuer le risque de conflagration mondiale, en développant, entre eux, des relations bilatérales, aussi étroites que le permettait l’inféodation aux blocs. L’objectif était d’éviter la guerre, de la retarder. Pour la Belgique, ces relations bilatérales se sont nouées essentiellement avec la Pologne et, dans une moindre mesure, avec la Roumanie de Ceaucescu. Ailleurs, comme en Allemagne, cette tentative d’éviter le conflit, se traduisit par l’Ostpolitik de Brandt.

 

 

 

[Addendum post colloquium : Pour Thiriart, l’européisme hostile aux blocs s’est d’abord traduit par l’espoir de voir l’OAS anti-gaulliste faire de la France un « Piémont » qui, à l’instar de cet ancien royaume du nord de l’Italie qui a uni la péninsule sous la poigne de Cavour et de Garibaldi, unirait l’Europe sous le signe d’une libération des peuples végétant sous le duopole instauré à Yalta. Mais De Gaulle, ennemi de l’OAS, mènera une politique de désengagement français ; Paris quittera l’OTAN, tandis que l’OAS, et Thiriart dans son sillage et à son corps défendant, étaient rejetés hors de toute sphère de décision. Thiriart optera dans un second temps pour une politique pro-chinoise, pour un soutien à la voie roumaine en Europe de l’Est, pour une alliance avec les régimes laïques arabes, nassériens ou baathistes, trois orientations politiques qui connaîtront malheureusement l’échec, forçant Thiriart à interrompre momentanément toute activité politique et tout travail idéologique].

 

 

 

En 1972, coup de théâtre, Nixon et Kissinger renouent les relations rompues entre la Chine et les Etats-Unis, depuis la prise de pouvoir par Mao en 1949. L’objectif de ce renversement d’alliance est toujours de contenir la Russie, de parfaire la fameuse politique de l’endiguement et, aussi, de rompre définitivement l’unité du bloc communiste, déjà sévèrement compromise par les différends frontaliers sino-soviétiques et les querelles idéologiques. A partir de ce moment, naît l’idée d’une solidarité voire d’une alliance entre l’Europe et la Russie. L’exposant le plus précis de cette idée a été l’Italien Guido Giannettini, auteur d’un livre sur les relations sino-soviétiques : Dietro la Grande Muraglia. Pour Giannettini, la nouvelle donne impliquait une solidarité euro-russe, face au nouveau tandem sino-américain.

 

 

 

Entre 1985 et 1989, quand Gorbatchev inaugure sa période de « glasnost » et de « perestroïka », un immense espoir nous a secoués, nous Européens, si bien que nous pouvions paraphraser Martin Luther King en disant « We all had a dream ». Mais nous avons rapidement déchanté, essentiellement pour cinq motifs : 1) La gestion catastrophique d’Eltsine sur le plan économique, avec la vente à l’encan des ressources de la Russie ; 2) La ruine générale de la Russie, avec une inflation digne de la République de Weimar en Allemagne dans les années 20 du 20ième siècle ; 3) La mise en œuvre de la stratégie Brzezinski, visant la fragmentation des territoires de l’ancienne URSS et de l’ex-Empire des tsars, en pariant notamment sur les éléments turcophones et islamiques ; 4) La guerre de Tchétchénie, déclenchée sous Clinton par l’alliance entre les Etats-Unis, la Turquie et les fondamentalistes wahhabites, financés par l’Arabie Saoudite ; 5) Le harcèlement médiatique contre Poutine, dont le Soir, le quotidien principal de Bruxelles se fait le triste relais.

 

 

 

Ce faisceau de faits nous oblige à constater que nous sommes à nouveau dans une situation de guerre froide, alors que personne, ni à gauche ni à droite de l’échiquier politique en Europe, ne l’avait voulu.

 

 

 

C’est pourquoi je salue une initiative comme ce colloque de la nouvelle association « Eurorus », que j’accepte d’être le modérateur dans les débats qui vont, tout à l’heure, confronter des personnalités aux trajectoires très différentes, au passé jugé parfois sulfureux, mais ce goût de soufre est décidément bien préférable à l’atmosphère feutrée et aseptisée du ronron médiatique contemporain.

 

 

 

Je déclare le colloque ouvert.

 

  

 

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