samedi, 12 mai 2007
Céline: passion créatrice et credo raciste
Passion créatrice et credo raciste
http://louisferdinandceline.free.fr/index2.htm...
Les éditions Dualpha rééditent Céline entre haines et passion, la biographie de Philippe Alméras, augmentée d’une brève préface. En son temps, sous le titre "Haineuse passion", nous avons dit ici ce que nous en pensions. Notre conclusion était la suivante : " Lors de sa soutenance de thèse, Alméras s’était vu reprocher son "manque de générosité" envers Céline. Observation insane : demande-t-on à un biographe de faire preuve de "générosité" ? Objectivité et sérénité suffiraient. "
C’est que ce livre apparaissait comme un vigoureux règlement de comptes. Résolument hostile à Céline, par conséquent. Ce n’est pas que Le Bulletin célinien ait pour vocation d’être le gardien de la mémoire du grand fauve, mais cette biographie critique nous paraissait univoque — ce qui ne l’empêchait pas d’apporter de nombreux éléments inédits, à la différence de la biographie de Vitoux, véritable compilation celle-là.
Naturellement, la période la plus controversée est celle de l’Occupation. Sur le plan strictement judiciaire, le dossier ne contient pas grand-chose, on le sait, et voir Céline en militant passionné de la collaboration nous a toujours semblé excessif. Spectateur prenant parti, assurément. Et il n’est pas douteux que Céline appelait de ses vœux la victoire des forces de l’Axe. Sa correspondance l’atteste à foison. Mais, durant ces quatre années, son attitude fut pour le moins en retrait : il ne milita dans aucun parti et ne fut membre d’aucun groupement, tenant à demeurer avant toute chose indépendant et entièrement libre d’exprimer son opinion.
Sur l’antenne de France-Culture, Philippe Alméras déclara avec force qu’il s’était volontairement privé de quelques bonnes histoires en raison du fait qu’elles n’étaient attestées que par un seul témoin. Et de citer l’adage latin : " Testis unus, testis nullus ". C’est ainsi que l’épisode où Céline ne ménage pas ses hôtes de l’Ambassade d’Allemagne est récusé puisqu’attesté par une seule personne : Jacques Benoist-Méchin, en l’occurrence. Exit donc l’anecdote du Céline morigénant les Allemands. Elle ne constitue d’ailleurs pas nécessairement un témoignage à décharge, mais prouve à tout le moins que l’écrivain avait la témérité de ne pas ménager les représentants de la puissance occupante quand il estimait devoir agir de la sorte.
En revanche, le témoignage résolument à charge d’Ernst Jünger – testis unus, lui aussi – est pris en compte sans aucune réserve.
La conclusion paraissait évidente : les différents témoignages ne subissent pas le même traitement par le biographe. Ceci n’est qu’un exemple, mais il montre bien la tendance de l’auteur à retenir plutôt ce qui conforte sa thèse – et à écarter ce qui pourrait la nuancer.
Le problème avec Céline, on l’a assez dit, c’est qu’on a affaire à une personnalité éminemment ambivalente et paradoxale. Ainsi, le voit-on tout au long de sa vie généreux et radin, coléreux et compatissant, cynique et tendre, désintéressé et âpre au gain, etc.
Quant au "racisme biologique", il reflète assurément une préoccupation de l’écrivain. Faut-il pour autant affirmer que " seuls l’intéressaient chez l’individu, ses gènes et ses cellules " ? Et que recouvre exactement le "racisme célinien" ? S’agit-il uniquement de "race" au sens premier du mot ? On n’a pas fini de débattre de ces questions, et il est à craindre qu’une formule comme " L’art n’est que Race et Patrie. Voici le roc où construire ! Roc et nuages, en vérité, paysage d’âme " (Les Beaux draps, p. 177) ne soit devenue incompréhensible pour les lecteurs du XXIe siècle.
L’ennuyeux, c’est qu’après avoir lu cette biographie, le lecteur néophyte a la nette impression que Céline était une sorte de nouveau Drumont, entièrement habité par cette passion raciste où l’écriture tenait finalement une place secondaire, ou subordonnée.
" Céline-littéraire " est, selon l’auteur, " un véhicule sans carburant qu’on peine à pousser sur une route vide ". Voilà bien le type de métaphore séduisante mais que le familier de l’œuvre romanesque ne peut s’empêcher de trouver outrancière. Ou alors ce n’est rien comprendre à ce chef-d’œuvre qui a pour titre Mort à crédit.
Au moins cette biographie se lit-elle comme un roman. Un roman écrit par un auteur qui aurait eu comme dessein d’habiller Céline pour l’hiver, et même au-delà.
M. L.
Philippe ALMÉRAS. Céline entre haines et passion, Éd. Dualpha, 478 p.
Prix : 35 € + 5 € de port. Disponible auprès du Bulletin célinien.
Le compte-rendu de cette biographie a été repris dans le n° 200 (juillet-août 1999) du Bulletin célinien. Prix : 6 €, franco.
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