Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 28 octobre 2007

1970: coopération russo-iranienne

1970: déjà une coopération russo-iranienne

28 octobre 1970: Nikolaï Podgorny, président du Soviet Suprême de l’URSS, inaugure, avec le shah d’Iran, Mohammed Reza Pahlavi, le plus long gazoduc du monde. Cet événement montre que la question énergétique est la clef pour comprendre l’histoire contemporaine depuis le rapprochement entre le shah et les Soviétiques, jusqu’à sa chute sous les coups de la révolution des mollahs et jusqu’aux événements actuels, où les Etats-Unis affrontent l’Iran d’Ahmadinedjad.

Le shah d’Iran voulait jouer une carte autonome, ne craignait plus les Soviétiques comme au début de son règne, quand les troupes soviétiques venaient de quitter le territoire iranien, après une occupation de quatre ans (1941-45) et que Moscou soutenait des indépendantistes azéris dans le nord-ouest de l’ancienne Perse. Le soutien inconditionnel apporté par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël aux mollahs aux débuts de la révolution khomeyniste avait pour but de déstabiliser, et jeter bas, un régime personnel qui avait appuyé l’OPEP, entendait mener une politique indépendante face au bloc soviétique, affirmer ses droits historiques dans le Golfe Persique, tendre une main à l’Inde, dégager l’Océan Indien des tutelles étrangères à son espace.

Il ne fallait surtout pas que ce régime ait une autonomie énergétique (ni par le pétrole ni par le nucléaire) ; l’hostilité au shah, qui avait acquis les premiers rudiments d’une énergie nucléaire, est paradoxalement la même que celle qui oppose Ahmadinedjad à Washington, en dépit de la différence idéologique entre l’autocratie éclairée du souverain Pahlavi et le fondamentalisme chiite professé par l’entourage de l’actuel président iranien. L’intention américaine, en appuyant la révolution des mollahs, était de bloquer la grande œuvre de modernisation du shah et de replonger l’Iran dans un régime fait d’archaïsmes que l’on voulait incapacitants et cela, jusqu’à la consommation des siècles.

Ahmadinedjad veut sortir de ces archaïsmes, relancer le programme nucléaire abandonné depuis le shah : raison de l’hostilité des Etats-Unis à son égard.

samedi, 27 octobre 2007

Qu'est-ce que la mondialisation?

20f0ea50fa6bdda8831a62fb3ebb0c8d.jpg

Qu'est-ce que la mondialisation?

 

L’économie mondiale résulte des centres mondiaux de pro­duction, de la propagande mondiale diffusée par des mé­diats très concentrés et des marchés financiers. La mon­dia­li­sa­tion, c’est la constitution de décisions écono­miques à l’é­chelle mondiale et dotées de moyens mondiaux.

 

Certains utilisent plus volontiers le terme de globalisation, pour désigner l’accroissement de la mobilité de tout ce qui est codifiable et se transporte indépendamment des hom­mes. Une firme globale procède ainsi : elle décompose la chaîne de production, qui va de la recherche-développe­ment d’un nouveau produit à sa distribution, en activités unitaires simples. Puis, elle localise les activités sédentaires (par exem­ple, un supermarché proche des consommateurs éven­tuels) et localise tout le reste dans les territoires qui offrent les meilleures conditions. Finalement, le commerce interna­tional est, pour plus de la moitié, un commerce entre diffé­rentes filiales de firmes globales. Cela crée partout chômage et désindustrialisation, accroît la puissance de quel­ques oli­garchies et utilise force propagan­de pour affir­mer que les pauvres sont responsables de leur pauvreté.

 

I - Les dogmes de l’occidentisme.

 

1 - Le dogme commun aux institutions internationales (OMC, FMI, OCDE) peut se résumer en quatre propositions :         

 

- L’accroissement du commerce international explique fondamentalement la croissance du PIB. Mais il n’y a aucune possibilité de prouver cela. On peut tout aussi valablement soutenir que c’est la croissance du PIB qui a suscité la croissance des exportations européennes (et françaises) ou bien que l’un et l’autre (croissance et exportations) ont crû en raison d’autres facteurs.

- La poursuite de ce développement peut dégager des “ gains colossaux “ mais on ne précise jamais les coûts.

- Le refus de la poursuite de la libéralisation des échanges entraînerait une situation catastrophique.

- Le meileur moyen de combattre le chômage en occident est de poursuivre la libéralisation mondiale des échanges.

 

2 - Le modèle globalitaire s’appuie sur la théorie des coûts comparés formulée en 1817 par Ricardo. Mais elle est erro­née sur un point essentiel : la structure des coûts com­parés ne reste pas invariable dans le temps, sauf pour les res­sources naturelles et les produits tropicaux.

 

3 - Les prix mondiaux sont des prix en $. Or, les taux de change sont flexibles. Donc les taux de change permettent d’égaliser dans les pays les prix des biens exprimés en dol­lar.

 

Les causes de la servilité des Européens face aux diktats US sont connues et sans originalité : déplaire aux factions US, c’est s’interdire toute carrière dans les organismes internationaux ou dans certaines affaires privées.

 

II - Le libre-échangisme responsable du chômage massif (1)

 

a) Le ralentissement de la croissance en Europe, la désindustrialisation et la montée d’un chômage massif ont la même cause : la rupture de 1974. A cette époque, l’entrée dans le marché commun, le 1° janvier 1973, de la Grande-Bretagne, a entraîné une orientation majeure de l’orga­nisa­tion de Bruxelles vers une politique de libre-échange mon­dia­liste. Au début de 1973, le système monétaire in­ter­na­tio­nal s’est disloqué et, à partir de Mars 1973, le système des taux de change flottants s’est établi. Le commerce in­ter­na­tio­nal et les taux de change correspondent à deux aspects in­dis­sociables qu’on ne peut considérer isolément. Si le chan­ge peut varier de 50% en quelques années, aucun calcul é­conomique n’est possible.

 

b) Le libre-échangisme crée partout une forte pression à la baisse des coûts. Partout on entend dire que le coût du tra­vail non qualifié est trop élevé. Mais personne ne dit de com­bien...Pour survivre, les entreprises délocalisent...Le chô­­­­ma­ge résulte de charges salariales globales trop élevées au regard de la productivité externe du travail (i.e. des tra­vail­leurs étrangers) au cours des changes.

 

c) Les effets de tout progrès technologique sont progressifs et continus. Ils ne peuvent générer du chômage massif. Le développement des machines à vapeur, des chemins de fer et de l’électricité n’a jamais été brutal. Il n’a jamais impliqué le sacrifice de générations entières. Le libre-échange détruit les investissements industriels dans les secteurs défavorisés et nécessite de nouvelles ressources pour effectuer de nou­veaux investissements.

 

III - Pour une Europe auto-centrée

 

L’objectif des USA, tant en matière agricole qu’industrielle, et dans les industries du divertissement, est d’accroître les exportations des firmes US et d’augmenter les importations européennes. Nombre d’importations transitent d’ailleurs par les USA et sont en réalité des importations de pays à bas salaires. Le libre-échangisme est une ruse. Il convient :

 

1 - Réformer le Système monétaire :

 

 - Organiser le contrôle monétaire des activités, avec sanc­tions des créditeurs et des débiteurs qui sont autant res­ponsables. En particulier, il convient de réduire massivement la titrisation (et d’interdire la défaisance) qui crée des parts de fonds communs à partir de prêts. Par cette astuce, une dette illiquide, non négociable, portée par une banque, don­ne naissance à des titres la représentant. La finance indi­recte se transforme en finance directe avec, comme pour la défaisance, l’objectif inadmissible d’étaler les pertes, de façon à ne pas déclarer la cessation de paiements et d’é­chap­per à la liquidation judiciaire qui découlerait de l’ap­pli­ca­tion des règles en vigueur. 

 

 - Créer des organismes de compensation des dettes et créances à côté des banques. Notamment, utiliser le mé­canisme des caisses de conversion. Un débiteur en dollar verse les intérêts de sa dette en monnaie locale. La caisse cré­dite en cette monnaie le créancier en dollar qui dispose d’un pouvoir d’achat avec lequel il acquiert des biens et services produits dans le pays. Ce mécanisme aide simulta­nément à relancer l’activité de la région et à embaucher.

 

- Créer une monnaie internationale commune à l’ensemble des pays ou nations qui délimitent leurs propres espaces monétaires. Elle fonctionne selon deux préceptes :

* La monnaie internationale est instituée d’emblée comme une monnaie de crédit, moyen exclusif de règlement des dettes extérieures qui naissent des échanges.

* La monnaie commune ne se substitue pas aux monnaies existantes. Elle est une monnaie de conversion émise par une banque mondiale ayant un département dans chaque zone monétaire.

 

2 - Instaurer des quotas d’importations par catégories de produits. Un pourcentage de 20% maximum d’importations serait autorisé, sauf pour les matières premières et les produits exotiques.

 

3 - Réformer les organisations mondiales.

 

L’OMC et le FMI doivent fusionner car commerce et taux de change sont deux aspects d’un même problème. L’OCDE serait réorientée vers la fourniture de statistiques fiables et fournirait des expertises en concurrence avec les organisa­tions de l’ONU.

 

Conclusion

 

Aucune civilisation n’a pu exister en l’absence des multiples fonctions économiques, notamment sans industrie, et en présence de plus de 10% de la population active alimentée par l’aide sociale. Or, ces tendances amorcées en 1974 ne s’inversent pas, au contraire. La désindustrialisation de l’Eu­ro­pe et le chômage massif  (y compris l’immigration in­ces­sante extra-européenne) ne peuvent être remplacés par des écoles d’hôtellerie pour créer des activités de tourisme. Cela est totalement niais. Le suicide de notre civilisation est pro­grammé dans ces tendances.

 

Frédéric VALENTIN.

 

NOTE 1 : D’après M. ALLAIS : La mondialisation, la des­truction des emplois et de la croissance. Cl.Juglar, 1999.

 

vendredi, 26 octobre 2007

1959: bataille pour le Ladakh

b65042a5bf791f720a58a4edc0ca03d3.jpg

Bataille pour le Ladakh

26 octobre 1959:  De violents combats éclatent entre troupes chinoises et indiennes sur les hauteurs himalayennes du Ladakh. Les deux puissances tentent de dominer le toit du monde, surtout après la conquête chinoise du Tibet. L’enjeu géopolitique de cette guerre, tout comme celle qui oppose l’Inde et le Pakistan au Cachemire, est de s’assurer un espace stratégique surplombant sur les plaines et vallées environnantes. L’Inde cherche également à avoir un corridor territorial la liant à l’URSS, à l’allié russe traditionnel des nationalistes hindous.

Le Pakistan existe pour éviter cette liaison territoriale, politique qui lui est dictée par Londres et Washington.

La Chine, en s’insérant dans l’espace hautement stratégique du Ladakh, cherchait un lien avec le Pakistan, et par là même, une fenêtre sur la partie occidentale de l’Océan Indien, qualifié par la géopolitique anglo-saxonne, dérivée de Halford John Mackinder, d’ « Océan du Milieu ». Dans cette volonté chinoise de faire cause commune avec le Pakistan, et de couper par la même occasion l’Inde de l’URSS, il faut voir les prémisses du rapprochement sino-américain sous la Présidence de Nixon et sous la houlette du Realpolitiker Kissinger.

En 1972, la Chine, qui a soutenu et soutiendra le Pakistan, allié de Washington, dans toutes ses guerres contre l’Inde, participe, elle aussi désormais, à l’endiguement (« containment ») de l’URSS, qui n’a plus, comme allié de revers, qu’un Vietnam exsangue, épuisé par une longue guerre inégale ; un Vietnam de surcroît menacé au sud et à l’ouest par un Cambodge pro-chinois et donc pro-américain.

01:15 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Protection sociale et colonies de peuplement

4ab60ef93eac9a07e499ef34bbc77b95.jpg

 

Protection sociale et colonies de peuplement : la grande iniquité

 

L'occidentisme, selon Alexandre Zinoviev, est  «Un phénomène uni­que en son genre et exceptionnel dans l'histoire de l'humanité... Il n'y en aurait plus jamais dans l'avenir si, d'aventure, il se dégradait et quittait la scène historigue» (1). Or, des dizaines de millions d'étrangers vivent en occident stricto sensu sans s'y assimiler. On peut envisager que ces migrants deviennent majoritaires (2). Si tous les peuples sont capables de jouir des bienfaits matériels de l'occident, peu sont capables de créer eux-mêmes une civilisation de ce genre. D'autres peuples ont créé des civilisations de type différent. L'occident sera détruit par l'immigration.

 

La croissance de la population française : rappel historique

 

Les effets de l'augmentation de la population avaient éveillé l'intérêt du pasteur-économiste Malthus au XVIIIième  siècle, lorsque Benjamin Franklin décrivait les colonies anglaises où la population avait doublé en 25 ans (3). Le pasteur Malthus s interrogea sur l'équilibre entre population et ressources. Or, dans l'Europe du XIXième, l'équilibre fut trouvé. Comment ?

 

En France, selon l'historien Michel Morineau, l'accroissement démographique conduisit, jusqu'aux années 1840-1850, à un système d'ex­ploitation complexe destiné à élever les ressources au niveau des bouches à nourrir. A titre complémentaire, certaines catégories de la population en âge de travailler effectuaient des migrations temporaires ou se livraient à de nouvelles activités commerciales. En même temps, l'industrialisation, en tuant l'artisanat paysan, provoqua de partout la pauvreté. Celle-ci fut éliminée peu à peu par des activités de remplacement, à condition d'accepter le passage de la migration temporaire à la migration définitive. C'est dire que l'exode définitif des populations quittant la terre fut acquis parce qu'il existait des offres d'emplois en ville, avec un revenu, ou des terres vierges à mettre en valeur dans le monde. Rien de tel aujourd'hui. Les diasporas du monde entier bénéficient d'un revenu par l'intermédiaire de prestations sociales multiples, utilisent gratuitement les services collectifs, mais n'ont pas d'emplois durables car le problème actuel est d'ordre qualitatif : la technologie requiert des compétences précises en termes de métier et des qualités personnelles solides : claire compréhension d'une langue, des usages, des modes de raisonnement et des références culturelles.

 

L'existence de diasporas multiples a déjà engendré des problèmes qui comptent parmi les plus importants et les plus difficiles de notre époque. La contrainte incessante à l'immigration est une source de conflits permanents car elle ôte à la population autochtone l'espace dans lequel ses enfants auraient pu agir. Les Européens de vieille souche y voient une menace pour la vie et l'avenir de leur descendance.

 

La rupture du lien entre générations

 

Dans l'installation de colonies de peuplement, deux mouvements se superposent :

- Nombre d'immigrés viennent parce que leur pays ne leur donne pas une instruction solide ou n'offre pas assez de travail. D'aucuns affirment faussement qu'ils paieront les retraites des Français en phase de vieillissement de leur pyramide des âges. Mais les jeunes que les pays pauvres envoient le plus facilement en France sont les moins formés. Entretenus sans effort, ils subsistent massivement par le branchement sur les mécanismes d'assistance et de protection sociale. Ces immigrés sont inutilisables dans les conditions technologiques actuelles. Ils ne seront jamais en mesure de financer la retraite des Européens.

 

- Des jeunes immigrés sont éduqués dans leur pays puis viennent en France. C'est le drainage des cerveaux issus des pays pauvres, dans des conditions culturelles difficiles.

 

Les problèmes soulevés par ces diasporas sont multiples. Au niveau macroéconomique, le prix Nobel Maurice Allais les expose de la manière suivante : «C’est un fait que dans les différents pays le capital national reproductible est de l’ordre de quatre fois le revenu national. Il résulte de là que lorsqu'un travailleur immigré supplémentaire arrive, il faudra finalement pour réaliser les infrastructures nécessaires ( logements, hôpitaux, écoles, universités, infrastructures de toutes sortes, installations industrielles, etc.) une épargne supplémentaire égale à quatre fois le salaire annuel de ce travailleur. Si ce travailleur arrive avec sa femme et trois enfants, l'épargne supplémentaire nécessaire représentera suivant les cas dix à vingt fois le salaire annuel de ce travailleur, ce qui manifestement représente une charge très difficile à supporter» (4). Or, la part de l'épargne fixée par les investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds communs de placement, OPCVM) s'est presque partout très fortement accru. Il y a concentration de la gestion de l'épargne entre les mains de professionnels ouverts aux opportunités du marché global, qui placent en titres libellés en différentes monnaies. L'Etat n'est plus qu'un emprunteur parmi d'autres et, déjà sur-endetté par la politique des factions qui le contrôlent, se rabat sur l'épargne forcée, le pillage des classes moyennes versant un Tribut croissant en faveur du gouffre sans fonds de la protection sociale.

 

La seconde question clairement identifiable est celle de l'équité intergénérationnelle. L'équité, ou justice commutative, impose de faire en sorte que chacun reçoive en proportion de ce qu'il apporte. L'équité se préoccupe d'équivalence : il faut assurer un traitement équitable entre les générations. Or, les diasporas détruisent l'équi­té. Les diplômés originaires des pays en développement, souvent confrontés à des perspectives de gain médiocres dans leur pays, et à un environnement technologique limité, préfèrent s'installer en France, en sorte que «si nous parvenons à prendre ces jeunes aux sociétés qui les ont formés et envers lesquels ils ont des devoirs, nous commettons un véritable vol et nous privons le tiers monde de sa seule chance de développement» (5). L’investissement dans la jeune génération, consenti par leurs aînés, est perdu et la dette de ces étudiants à l'égard de leur pays n'est pas remboursée. Aux conséquences délétères pour le développement de ces régions s'ajoute l'injustice d'une dette non remboursée.

 

Recréer l’harmonie

 

Une solution alternative consiste, selon l'analyse de l'économiste J. Bichot, à stopper le nouveau commerce du bois d'ébène en explorant la piste suivante : «Ne donner à un diplômé d'un pays pauvre l'autorisation de venir exercer une activité professionnelle dans un pays riche que dans la mesure où, en sens inverse, un technicien du Nord irait exercer ses talents au Sud» (6). Il s'agit de respecter le principe d'un échange équitable : celui qui se rend utile a des droits, celui qui déçoit a des devoirs.

 

La contribution apportée par la France à l’instruction des ressortissants du monde entier est considérable, comme le montre toute visite des établissements d'enseignement. Cela est inique! Rien n'est comptabilisé ! La valeur de la formation dispensée aux étudiants étrangers devrait être facturée et, par un échange équitable, la "matière grise" importée de l'étranger serait payée.

 

Ce principe se substituerait à l'injustice actuelle où le plus grand nombre des diplômés appartenant aux multiples diasporas évite de rembourser les dettes dues à leur pays d'origine ; où les non qualifiés préfèrent vivre en France du RMI et de diverses prestations plutôt que de demeurer sans emploi dans leurs pays.

 

Erreur sur le coût du travail

 

Pour faire semblant de lutter contre le chômage, le premier ministre a proposé de réduire les charges sociales des entreprises et d'accroître, à la place, les prélèvements sur les revenus de la population. Mais, pour les entreprises dans leur ensemble, le coût du travail ne changera pas. Que les charges sociales soient payées sous la forme de cotisations ou sous la forme d'impôts sur les revenus des ménages (cas du Danemark par exemple ), les salariés demanderont une compensation à cette fiscalité par des salaires nets plus élevés. Le vrai problème est le coût global du travail (salaires plus charges) comparé à sa productivité. Or, les colonies de peuplement provoquent des distorsions sur les salaires de certaines activités et sur la productivité de nombreux secteurs. L'iniquité va consister à appauvrir l'ensemble de la population au profit des diasporas qui subsistent de notre subsistance.

 

Les hommes ne sont pas interchangeables, sauf dans les délires religieux, lorsque la race autoproclamée supérieure des bergers encadre le bétail, vaste masse d'impurs mêlés dans le pandémonium de toutes les nations dissoutes. Les tyrans capitalo-théocratiques de l'occidentisme méprisent les facteurs qualitatifs, les grâces spécifiques des peuples et des patries, comme des brutes pédophiles qui veulent les violer dans un fossé le sont aux minauderies des enfants. Mais c'est un suicide, car la culture professionnelle est un pilier fondamental de notre civilisation. Forgée au cours des siècles, elle permet à des millions d'individus d'exécuter correctement leur travail. Or, l'arrivée massive de diasporas du monde entier, qui en sont dépourvus, a entraîné une transformation de celle-ci. Une conséquence de cette inadéquation est la baisse des normes culturelles et professionnelles. Une autre est l'extension indéfinie du prélèvement obligatoire sur les revenus professionnels pour financer le niveau de vie des nouveaux occupants.

 

Questions annexes  

L'installation de colonies de peuplement pose enfin deux questions annexes qui ne sont pas sans importance.

- Mircea Eliade, grand spécialiste de l'histoire des religions, a décrit dans son Journal des Indes (7), la méthode préférée des Anglais. Ils payaient quelques voyous pour jeter un porc égorgé dans la cour d'une mosquée. Les musulmans lançaient des émeutes, de connivence avec la police anglaise qui intervenait seulement quand un Hindou prenait les armes pour se défendre. Les colonies de peuplement rendent peut-être des services auxquels un travailleur du monde de la technique ne pense pas...

- La société occidentale tend vers une société du crime (8) . Sous sa forme externe, le crime se présente comme mise à sac de la totalité de la planète. Alors, tout comme l'extinction des espèces ou la pollution généralisée du globe, la migration annoncée par Boumedienne est l'une des participations au crime, déguisée en vertu.

 

PONOCRATES.

 

(1) Alexandre ~INOVIEV : L'Occidentisme, Essai sur le triomphe d'une idéologie. Plon, 1995.

(2) Zinoviev fait dire à l'un de ses personnages littéraires : «Un jour, le muezzin criera "Allah akhbar!" du haut de la tour Eiffel».

(3) Au Canada français, la population était passée de 60.000 personnes en 1760 à 127.500 en 1790. En Nouvelle-Angleterre, aux mêmes dates, elle était estimée respectivement à 459.000 et 923.865 personnes. D'après Michel Morineau : Malthus au village. Dans : Pour une histoire économique vraie, PUL, 1985, pp.493-512.

(4) Maurice ALLAIS : L'Europe face à son avenir : que faire ?, R. Laffont/C. Juglar, 1991, p.99.

(5) Jacques BICHOT : Quelles retraites en l'an 2000 ? A.Colin, 1993, p.60.

(6) J. BICHOT : Ouvrage cité, p. 124.

(7) Mircea ELIADE : Journal des Indes, L'Herne, 1992, p.128.

(8) Christian CARLE : La société du crime. Les éditions de la passion, 1996.    

00:25 Publié dans Affaires européennes, Economie, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 25 octobre 2007

Sacrifice de T. Mac Swiney

c3ad2a12624cd0f1860502a5eae1d864.jpg

Le sacrifice de Lord Terence Mac Swiney 

25 octobre 1920 : Lord Terence Mac Swiney, le maire nationaliste irlandais de la ville de Cork, dans le sud de la Verte Erin (Eirinn), meurt dans une prison anglaise, après 73 jours de grève de la faim. Il était un militant du Sinn Fein et avait refusé d’abandonner ses convictions pour conserver ses honneurs et ses positions.

Lord Mac Swiney demeure, dans la mémoire vive des Irlandais, une des victimes les plus sublimes de la barbarie britannique. Une chanson poignante, souvent chantée en Irlande, rappelle sa mémoire et incite le peuple à la vengeance. La mort de cet aristocrate ami du peuple, qui confine à la sainteté, radicalisera le mouvement irlandais.

Sous l’énergique direction de Michael Collins, l’Irish Republican Army passera à l’offensive, repèrera les agents britanniques en poste à Dublin et les abattra sans pitié dans les rues de la capitale irlandaise, dès le 20 novembre 1920, où quatorze d’entre eux paieront de la mort leurs crimes abjects contre la nation irlandaise.

Le 21 novembre 1921, les Britanniques se vengent et massacrent au hasard 72 personnes dans les rues de Dublin : c’est le fameux « Bloody Sunday ». La spirale de la violence est enclenchée, mais elle conduira à la victoire des nationalistes irlandais et à l’indépendance du pays.

Le 21 octobre 1921, un an après la mort de Mac Swiney, les Britanniques sont contraints de négocier avec les indépendantistes républicains irlandais. Le film naguère consacré à Michael Collins restitue de manière véritablement sublime la lutte qui s’est jouée à l’époque.

01:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 24 octobre 2007

Henri III contre la simonie

d4205f417306504871a780656855c37a.png

Henri III contre la simonie

24 octobre 1046: Notre Empereur Henri III, lors du synode de Pavie, fait interdire la pratique de la simonie, c’est-à-dire celle qui consiste à acheter et vendre des charges ecclésiastiques.

Cette pratique, très peu spirituelle, était monnaie courante. Elle porte un coup au prestige de l’Eglise et du Pape Grégoire VI, soupçonné d’avoir effectivement acheté sa charge. La papauté se vengera en réclamant le droit exclusif de nommer les évêques, sans intervention de l’Empereur. Le fils de Henri III, Henri IV, devra subir l’humiliation de Canossa, qui ruina le crédit de l’institution impériale, la seule qui aurait été capable de donner une véritable colonne vertébrale à l’Europe. Tout le déclin de l’Occident, si souvent évoqué et déploré, réside dans cette volonté mesquine de se venger, parce qu’on ne pouvait plus se livrer à des pratiques douteuses, pré-mafieuses.

01:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde le l'Eurasie?

3b784f5837faf4d09b4602a746ea537c.jpg
Russie: arrière-cour de l'Europe ou avant-garde de l'Eurasie?

 

Wladimir WIEDEMANN

Intervention lors de la “Freideutsche Sommeruniversität”, août 1995

Lorsque nous évoquons la notion d'Empire, nous devons nous rappeler que ce concept, au sens classique, se manifeste sous deux formes historiques légitimées: une forme occidentale (ou “romaine occidentale”) et une forme orientale (ou “romaine orientale”, byzantine). Ainsi, l'idée authentique d'Empire est liée indubitablement à une perspective téléologique: la réunifica­tion finale de deux parties provisoirement séparées d'un Empire originel. Du moins sur le plan des principes. Car il est bien évident que cette “réunification de l'Empire” ne peut se réduire au niveau d'accords politiques purement formels dans l'esprit d'une diplomatie utilitaire et profane. Néanmoins, ce problème peut et doit être discuté par les deux parties concernées au ni­veau d'une idéologie impériale actualisée voire d'une théologie impériale. Mais qu'en est-il de ces deux parties?

La dernière héritière des traditions impériales romaines-occidentales a été la Germanie, tandis que la dernière héritière des traditions romaines-orientales ou byzantines a été la Russie. Comme le philosophe allemand Reinhold Oberlercher le re­marque très justement, les Allemands et les Russes sont les deux seuls peuples d'Europe capables de porter à bout de bras de véritables grandes puissances politiques. Dans son ouvrage Lehre vom Gemeinwesen, il écrit: «En tant qu'Empire (Reich) porté par les tribus de souche germanique, la forme politique propre du peuple allemand a pour mission de constituer un Reich englobant tous les peuples germaniques, lequel devra, de concert avec l'Empire des peuples russes (Grands-Russes, Petits-Russiens et Biélorusses), constituer un Axe de sécurité nord-asiatique et établir l'ordre sur la plus grande masse continentale du monde» (1).

Permettez-moi d'étudier plus en détail les thèmes de l'idée impériale en son stade actuel et de la politique impériale de la Russie. L'effondrement de l'Etat communiste a conduit en Russie à un vide idéologique, à la perte de toute orientation géné­rale. Mais on sait pourtant que la nature ne tolère aucun vide. Ainsi, l'antique idée impériale, l'idée d'un Empire religieux-or­thodoxe, dans le contexte d'un nouveau sens historique, doté d'un nouveau contenu social et géopolitique, est en passe de re­naître. De quoi s'agit-il?

Bien évidemment, la Russie nouvelle, post-communiste, n'est plus la vieille Russie féodale, tsariste, avec son servage. Aujourd'hui, il n'y a en Russie ni aristocratie ni classe moyenne. Il y a toutefois des intérêts historiques, objectifs et nationaux bien tangibles: ce sont les intérêts d'une nation qui compte dans le monde, les intérêts d'un peuple porteur d'Etat, et ces inté­rêts sont clairement délimités: il faut du pain pour le peuple, du travail pour tous les citoyens, de l'espace vital, un avenir as­suré. Mais pour concrétiser ces intérêts, il y a un hiatus de taille: la nomenklatura paléo-communiste demeurée au pouvoir jusqu'ici n'avait aucun projet social “créatif” et ne voulait que se remplir les poches avec l'argent volé au peuple et, pire, placer cet argent sur des comptes à l'étranger, dans des banques fiables. En d'autres mots: ce nouveau capitalisme spéculateur montre les crocs en Russie: il est incarné par cette nomenklatura, liée à la caste corrompue et bigarrée des “hommes d'affaire”, et parasite sans vergogne le corps d'une Russie devenue “libérale-démocrate” et dépouillée de toutes ses protec­tions. Ainsi, depuis le début de la perestroïka, un capital de 500 milliards de dollars américains a quitté le pays. Le gouverne­ment Eltsine ne dit pas un mot sur ce “transfert”, mais dès que quelques misérables milliards sont offerts à titre de crédit par la Banque Mondiale, il fait battre tambour et sonner buccins!

Mais le temps est proche où ces crocs mafieux recevront l'uppercut définitif qui les mettra hors d'état de nuire. Ce coup, ce sont les forces intérieures de la Russie qui le porteront et ces forces sont actuellement incarnées par les nouveaux proprié­taires du capital industriel et producteur. Bien entendu, il s'agit ici, en première instance, du complexe militaro-industriel qui se trouvait jusqu'ici, à titre formel sous contrôle étatique. Quelle sera l'intensité du processus de privatisation dans ce domaine? C'est une question de temps et cela dépend aussi des circonstances globales, politiques et économiques, qui détermineront l'histoire prochaine de la Russie. Mais une chose est claire d'ores et déjà: tôt ou tard, le pays générera une classe de véri­tables industriels et c'est à ce moment-là que naîtra la future grande puissance russe.

Je voudrais maintenant parler des fondements géopolitiques, économiques et idéologiques de la grande puissance russe. C'est connu: le bien-être du peuple et la puissance réelle d'un Etat dépend des placements en capital domestique, parce que ces placements garantissent la création de nouveaux emplois et augmente le pouvoir d'achat de la population. Ensuite, il est clair qu'au stade actuel de développement de la production, ce ne sont pas les entreprises moyennes et petites qui s'avèreront capables de générer et de placer de tels capitaux. Seules les très grandes entreprises d'envergure internationale sont en me­sure de le faire, car elles peuvent financer une recherche très coûteuse et une formation de personnel adéquate. Ce sont sur­tout les Américains et les Japonais qui possèdent aujourd'hui des sociétés disposant de telles masses de capitaux et sont ca­pables de faire face dans le jeu de la concurrence planétaire. Ces entreprises sont celles qui créent dans le monde la majeure partie des nouveaux emplois, bien rémunérés.

Les centres principaux de production de haute technologie moderne se concentrent de plus en plus dans les zones autour des grandes métropoles des côtes pacifiques, parce que la base du développement d'une production de ce type, c'est l'accès au commerce planétaire. Aujourd'hui, dans ce domaine, c'est le commerce maritime qui joue le rôle-clef, dont les voies de communication sont contrôlées par la politique militaire américaine dans toutes les zones stratégiquement importantes. C'est en constatant ce centrage sur le Pacifique qu'est née la thèse du “Pacifique comme Méditerranée du XXIième siècle”, c'est-à-dire du Pacifique comme nouvel espace où se développe actuellement la civilisation du progrès technique. Si les choses con­tinuent à se développer dans ce sens, les conséquences en seront fatales pour tous les pays européens; ceux-ci seront con­traints, sur le plan économique, à se soumettre à l'hégémonie américaine dans toutes les questions-clefs de la dynamique de la production moderne et aussi pour tous les mécanismes socio-politiques. Ce sera également le problème de la Russie. Mais ce sera justement le “facteur russe” qui permettra aux autres Européens de prendre une voie alternative, qui permettra de libérer toutes les initiatives russes et européennes des diktats américains. Cette alternative, c'est le “commerce continen­tal”.

Imaginez un instant que les grandes voies de communications du commerce mondial  —ou du moins celles qui relient l'Europe à l'Asie méridionale et à l'Extrême-Orient (surtout l'Inde et la Chine)—  deviennent continentales. Ce serait là un ac­cès direct et alternatif aux grands marchés qui sont déjà prospères aujourd'hui et qui sont potentiellement de longue durée. Cet accès par voie continentale serait d'abord plus rapide et offrirait des avantages non négligeables à certains technologies qui sont en train de se développer. Sur le plan théorique, tout cela semble séduisant, mais, en pratique, l'essentiel demeure ab­sent, c'est-à-dire un système réellement existant de communications transcontinentales.

Pourquoi un tel système de communication n'est-il pas déjà disponible? Parce que la politique extérieure de la Russie bol­chévique-stalinienne a commis une erreur fondamentale. En effet, les communistes ont été perpétuellement induits en erreur par un pronostic illusoire d'origine idéologique, prévoyant une évolution sociale conduisant à une révolution mondiale, qui, elle, allait réaliser l'“Idée” sur la Terre. En d'autres mots, au lieu de détruire la société bourgeoise, l'élite révolutionnaire russe au­rait dû la consolider, afin de concentrer les énergies des masses sur la construction réelle du pays et sur l'exploitation “civilisée” de ses espaces et de ses richesses. La chimère de la révolution mondiale a englouti en Russie de colossales ri­chesses, mais, simultanément, son importance géopolitique en tant que puissance continentale ne pouvait être détruite sur l'échiquier international.

L'ancien Empire russe avait justement émergé autour d'un axe constitué par une voie commerciale traversant l'Europe orien­tale, soit la voie ouverte par les Scandinaves et “conduisant des Varègues aux Grecs”. Par une sorte de constance du destin, le devenir actuel de la Russie dépend une nouvelle fois  —et directement—  de l'exploitation efficace d'un commerce transconti­nental, de la croissance de marchés intérieurs au Grand Continent eurasien. Ce destin géopolitique, grand-continental et eu­rasien, les forces réellement productrices de la Russie commencent à la comprendre. Ces forces sont potentiellement géné­ratrices d'Empire et peuvent être définie comme telles. Elles commencent aussi à formuler des exigences politiques propres. Et, à ce propos, Sergueï Gorodnikov, qui a consacré beaucoup d'attention à cette problématique, écrit:

«Notre besoin est le suivant: nous devons rapidement construire des structures de transport commerciales paneurasiatiques qui relieront toutes les civilisations créatrices; ensuite, notre besoin est de garantir militairement la sécurité de ces civilisa­tions, ce qui correspond aussi complètement aux intérêts de l'Europe, je dirais même à ses intérêts les plus anciens et les plus spécifiques, tant dans le présent que dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle le nationalisme russe ne doit pas seule­ment compter sur une neutralité (bienveillante) de l'Europe dans sa politique d'Etat. Mieux, il trouvera en Europe des forces très influentes qui pourront et devront devenir ses alliés. C'est toute particulièrement vrai pour l'Allemagne qui s'est renforcé par sa réunification et désire en secret retrouver toute son indépendance en tant qu'Etat et toute sa liberté de manœuvre» (2).

La nouvelle alliance stratégique paneurasiatique entre l'Est et l'Ouest aura pour élément constitutif l'alliance géopolitique inter-impériale entre l'Allemagne et la Russie, les deux détenteurs de la légitimité impériale romaine en Europe. Ce recours à l'antique légitimité romaine est une chose, la tâche actuelle de cette alliance en est une autre: il s'agit pour elle de fédérer les intérêts économiques et politiques dans une perspective de progrès tecnologique global. Il s'agit de rassembler toutes les forces intéressées à développer l'espace économique eurasiatique. Pour réaliser ce programme, il faudra créer des unités économiques suffisamment vastes pour obtenir les moyens nécessaires à développer des projets de telles dimensions et pour se défendre efficacement contre les résistances qu'opposeront les Américains et les Japonais. Construire des entités écono­miques de cette dimension implique une coopération étroite entre les potentiels techniques russes et européens.

Le combat qui attend Russes et Européens pour établir un nouvel ordre paneurasiatique sera aussi un combat contre les rési­dus de féodalisme et contre les formes politiques dépassées à l'intérieur même de ce grand continent en gestation, c'est-à-dire un combat contre les forces qui se dissimulent derrière une pensée tribale obsolète ou derrière un fondamentalisme is­lamique pour freiner par une résistance douteuse la progression d'une culture et d'une économie grande-continentale. Comme le développement de notre civilisation postule des exigences globales, ce combat devra être mené avec tous les moyens di­plomatiques et militaires, jusqu'à la destruction totale des forces résiduaires. Seule une lutte sans merci contre les résidus d'un féodalisme millénaire, contre le “mode de production asiatique”, nous permettra de détruire les derniers bastions du vieux despotisme tyrannique et de la barbarie, surtout sur le territoire de la Russie où, aujourd'hui, ces forces se manifestent sous les aspects de la criminalité caucasienne et asiatique, des sombres bandes mafieuses, résultats de cette peste léguée par le bolchevisme: l'absence de toute loi et de tout droit.

Sur ce thème, je me permets de citer une fois de plus Sergueï Gorodnikov: «Il est clair qu'une tâche de ce type ne pourra être menée à bien que par un Etat fortement centralisé selon les conceptions civiles. Un tel Etat ne pourra exister que si l'armée marque la politique de son sceau, car l'armée, de par son organisation interne, est la seule institution étatique capable de juger, étape par étape, de la valeur politique des choses publiques et dont les intérêts sont identiques à ceux de la bourgeoisie indus­trielle en phase d'émergence. Seule une alliance étroite entre l'armée et la politique est en mesure de sauver l'industrie natio­nale de l'effondrement, les millions de travailleurs du chômage et de la faim et la société toute entière de la dégradation mo­rale, d'extirper le banditisme et le terrorisme, de faire pièce à la corruption et de sauver l'Etat d'une catastrophe historique sans précédent. L'histoire du monde dans son ensemble a prouvé qu'il en est toujours ainsi, que les efforts d'une bourgeoisie entreprenante et industrielle ne peuvent reposer que sur l'institution militaire; ensuite, dans la société démocratique, il faudra accroître son prestige social au degré le plus élevé possible et l'impliquer dans l'élite effective de la machinerie étatique» (3).

Certes, cet accroissement du rôle socio-politique de l'armée, garante de la stabilité globale de l'Etat dans la situation présente, mais aussi de la stabilité de cette société civile en gestation, implique une légitimisation du statut particulier qu'acquerront ainsi les forces armées. En d'autres termes, il s'agit de créer une forme d'ordre politique où les autorités militaires et les au­torités civiles soient des partenaires naturels sur base d'une séparation de leurs pouvoirs respectifs. Ensuite, un tel régime, qui pourrait être défini comme “régime de salut national”, postule l'existence d'une troisième force, une force intermédiaire, investie de la plus haute autorité dans cette tâche aussi important que spécifique consistant à fixer des normes juridiques. Une telle force pourrait s'incarner dans l'institution que serait la puissance même de l'Empereur, exprimant en soi et pour soi, et en accord avec les traditions historiques dont elle provient, l'idée d'un “compromis mobile” entre les intérêts de toutes les couches sociales. Ainsi, la dignité impériale à Byzance, qui s'est également incarnée dans les réalités de l'histoire russe, pré­sentait quatre aspects fondamentaux. Ce qui revient à dire que l'Empereur russe-orthodoxe devrait être:

1) Protecteur de l'Eglise d'Etat en tant qu'institution sociale (C'est le pouvoir de l'Empereur en tant que Pontifex Maximus).

2) Représentant dans intérêts du peuple (Pleins pouvoirs de l'Empereur en tant que tribun populaire).

3) Chef des forces armées (Pleins pouvoirs d'un Proconsul ou du Dictateur au sens romain du terme).

4) Autorité juridique supérieure (Pleins pouvoirs du Censeur).

L'autorité et la stabilité d'un véritable pouvoir d'Imperator dépend directement de la fidélité de l'Empereur aux principes fon­damentaux de la Tradition, au sens théologique comme au sens juridique du terme. C'est pourquoi ce pouvoir dans le contexte russe signifie que, d'une part, le rôle social de l'Eglise orthodoxe devra être fixé et déterminé, de même que, d'autre part, les traditions de la société civile. Une particularité de l'idée impériale russe réside en ceci qu'elle a repris à son compte l'idéal byzantin de “symphonie” entre l'Eglise et l'Etat, c'est-à-dire de la correspondance pratique entre les concepts d'orthodoxie et de citoyenneté, sur laquelle se base également la doctrine russe-byzantine d'un Etat éthique qui serait celui de la “Troisième Rome”, d'un nouvel Empire écouménique.

Dans quelle mesure ces idéaux sont-ils réalisables à notre époque? Question compliquée, pleine de contradictions, mais que les Russes d'aujourd'hui sont obligés de se poser, afin de s'orienter avant de relancer le traditionalisme russe et d'en faire l'idéologie de la grande puissance politique qu'ils entendent reconstruire. Le retour de ces thématiques indique quelles sont les tendances souterraines à l'œuvre dans le processus de formation de la société civile russe. Si, en Europe, c'est la culture qui a été porteuse des traditions antiques et donc des traditions civiles, en Russie c'est la religion qui a joué ce rôle, c'est-à-dire l'Eglise orthodoxe; c'est elle qui a fait le lien. En constatant ce fait d'histoire, nous pouvons avancer que la renaissance réelle de la société civile en Russie est liée inévitablement au déploiement de l'héritage antique véhiculé par l'Eglise orthodoxe. Il me semble que l'essentiel des traditions politiques antiques réside justement dans les traditions qui sous-tendent la puissance im­périale au sens idéal et qui sont proches du contenu philosophique de l'Etat idéaliste-platonicien.

Quelles sont les possibilités d'une restauration concrète de l'idée impériale civile et d'un ordre impérial en Russie? Ce pro­cessus de restauration passera sans doute par une phase de “dictature césarienne”, parce que, comme l'a un jour pertinem­ment écrit Hans-Dieter Sander, on ne peut pas créer un Empire sans un César. En effet, seul un César, élevé légitimement au rang de dictateur militaire, est capable de consolider les intérêts des forces les plus productives de la Nation à un moment historique précis du développement social et d'incarner dans sa personne les positions morales, politiques et socio-écono­miques de ces forces et, ainsi, sous sa responsabilité personnelle en tant que personalité charismatique, de jeter les fonde­ments d'une nouvelle société, représentant un progrès historique.

Le but principal en politique intérieure que devrait s'assigner tout césarisme russe serait de préparer et de convoquer une re­présentation de tous les “états” de la nation, en somme une Diète nationale, qui, en vertu des traditions du droit russe, est le seul organe plénipotentiaire qui peut exprimer la volonté nationale génératrice d'histoire. Cette Diète nationale détient aussi le droit préalable de déterminer la structure générale de l'Etat russe et de réclamer l'intronisation de l'Empereur. La Diète natio­nale est ainsi en mesure de légitimer la restauration de l'Empire et, s'il le faut, de constituer un régime préliminaire constitué d'une dictature de type césarien (Jules César avait reçu les pleins pouvoirs du Sénat romain qui avait accepté et reconnu offi­ciellement sa légitimité).

Toute restauration cohérente de l'Empire, au sens traditionnel, métaphysique et politique du terme, n'est possible en Russie, à mes yeux, que si l'on accroît le rôle socio-politique de l'armée et de l'Eglise, mais aussi si l'on consolide l'autorité des juges. Car ce sont précisément les juges (et en premier lieu les juges à l'échelon le plus élevé de la hiérarchie et de la magistrature impériales) qui pourront jouer un rôle médiateur important dans la future restructuration totale de la société russe, en travail­lant à créer des institutions juridiques stables. D'abord parce que cette valorisation du rôle des juges correspond à la tradition historique russe, à l'essence même de l'Etat russe (par exemple: dans la Russie impériale, le Sénat était surtout l'instance juridique suprême, disposant de pleins-pouvoirs étendus et normatifs, dans le même esprit que le droit prétorien romain). Ensuite, cette revalorisation du rôle des juges constitue également la réponse appropriée à l'état déliquescent de la société russe actuelle, où règne un nihilisme juridique absolu. Ce phénomène social catastrophique ne peut se combattre que s'il existe au sein de l'Etat une caste influente de juristes professionnels, disposant de pouvoirs étendus.

Lorsqu'on évoque une société reposant sur le droit  —ce qui est d'autant plus pertinent lorsque l'on se situe dans le contexte général d'un Empire—  on ne doit pas oublier que tant l'Europe continentale que la Russie sont héritières des traditions du droit romain, tant sur le plan du droit civil que du droit public. Lorsque nous parlons dans la perspective d'une coopération globale entre Européens et Russes, nous ne pouvons évidemment pas laisser les dimensions juridiques en dehors de notre champ d'attention. Le droit romain, dans sa version justinienne, a jeté les fondements de l'impérialité allemande et de l'impérialité russe. C'est donc cet héritage commun aux peuples impériaux germanique et slave qui devra garantir une coopération har­monieuse et durable, par la création d'un espace juridique et impérial unitaire et grand-continental. En plus de cet héri­tage juridique romain, Allemands et Russes partage un autre leg, celui de la théologie impériale. A ce propos, j'aimerai termi­ner en citant un extrait du débat qu'avaient animé le Dr. Reinhold Oberlercher et quelques-uns de ses amis:

OBERLERCHER: «Dans le concept de Reich, le processus de sécularisation n'est jamais véritablement arrivé à ses fins: le Reich demeure une catégorie politico-théologique. Dans la notion de Reich, l'au-delà et l'en-deçà sont encore étroitement liés». Lothar PENZ: «Cela veut donc dire que nous devons retourner au Concile de Nicée!» (approbation générale) (4).

Je pense aussi que le Concile de Nicée a effectivement jeté les bases véritables d'une théologie impériale, même si, à l'Ouest et à l'Est celle-ci a été interprétée différemment sur les plans théorique et liturgique. Il n'en demeure pas moins vrai que le lien subtil entre au-delà et en-deçà demeure présent dans l'existence de l'Empire (du Reich) comme un mystère déterminé par Dieu.

Vladimir WIEDEMANN.

(texte remis lors de la “Freideutsche Sommeruniversität” en août 1995; également paru dans la revue berlinoise Sleipnir, n°5/95).

mardi, 23 octobre 2007

Les scientifiques allemands en France après 1945

47897dcc4b9ffe9f1b74a5e70eda7dfc.jpg

Les scientifiques allemands en France après 1945

par Helmut MÜLLER

Entre 1945 et 1950, la France a saisi comme « butin de guerre » plus de 1000 scientifiques et techniciens allemands. Tout a commencé a­vec l’effondrement du IIIième Reich, lorsque les troupes alliées sont entrées en Allemagne, prenant le pays en tenaille. Dans le Sud, les troupes françaises du Général de Lattre sont accompagnées d’une unité d’experts et de techniciens, dont la mission était d’examiner les installations militaires et scientifiques. Quelques agents des services spéciaux de l’armée française découvrent près d’Oberammergau 2500 documents ultra-secrets ayant appartenu au constructeur d’a­vions Messerschmidt. Plus tard, ces papiers inspireront les Français dans la construction de leurs avions à réaction Ouragan et Mystère.

En 1945, quelque 50.000 tonnes de matériels divers ont été ache­mi­nées d’Allemagne en France. De même, des centaines de pièces d’é­quipement en provenance des usines Dornier et Zeppelin. A Ötztal, les Français ont démonté une soufflerie à ultrasons, qui fonctionne en­core aujourd’hui à Modane-Avrieux. Pendant plusieurs années con­sécutives, les Français ont profité de la remise en route des 200 fa­briques de la zone d’occupation qui leur avait été accordée à Pots­dam. Tout autour du Lac de Constance, dix-sept fabriques et labo­ra­toires ont travaillé pour la marine française jusqu’en 1948, c’est-à-dire jus­qu’à leur démontage. Ce fut De Gaulle lui-même qui conseilla à ses compatriotes, dès mai 1945, d’engager le maximum d’experts al­le­mands. D’abord, pour renforcer le potentiel militaire et civil français, ensuite, pour affaiblir celui de l’Allemagne, comme le déclarait le Com­mandant de la zone d’occupation française, le Général Koenig.

La course pour acquérir du savoir-faire allemand a commencé très tôt, aucune puissance n’a perdu une seconde. En juillet 1945, les A­mé­ricains « déménagent » Werner von Braun et 120 de ses colla­bo­ra­teurs de Peenemünde ; les Soviétiques, de leur côté, « pêchent » le bras droit de von Braun, Helmut Gröttrup et 200 collaborateurs de ce savant. En tout, les Américains se sont assurés le concours de 3000 spécialistes allemands, tandis que les Russes en prenaient 5000 à leur service. Les deux grandes puissances s’emparèrent éga­le­ment de tonnes de documents, dont des brevets de grande valeur.  Au cours du mois d’octobre 1945, les Britanniques testent des fusées à Peenemünde même, mais finissent très tôt par abandonner leur pro­gramme.

Helmut Habermann et Hermann Oestrich

Après le passage des Américains et des Soviétiques, beaucoup de sa­vants, de techniciens et de scientifiques, qui n’avaient pas été dé­cou­verts, se sont retrouvés sur la rue, sans boulot. Parmi eux : Hel­mut Habermann. Quand celui-ci eut appris que les Français, à leur tour, s’intéressaient aux savants allemands, il se rendit dans le sec­teur français, accompagné de deux collègues, Weiss et Jauernick, puis ils partirent tous trois pour Paris, où on les attendait. Après qu’ils eurent signé un contrat de travail, les trois Allemands prirent la route de Cuxhaven, pour gagner d’autres collègues à la cause des Fran­çais. Parmi les centaines de candidatures, quelques hommes qui s’a­vé­rèrent ultérieurement de grands formats. On peut le dire tran­quille­ment aujourd’hui : sans ces chercheurs et ces inventeurs, les succès ultérieurs de la France dans le domaine militaro-industriel n’auraient pas été pensables.

Sans aucun doute, les Français ont pêché un « gros poisson » en la per­sonne de Hermann Oestrich, natif de Duisburg. Cet expert en tur­bi­nes avait reçu de Hitler en 1938 la mission de développer un mo­teur à réaction. Son moteur BMW 003 équipera plus tard en série les chas­seurs de combat Heinkel 162. En 1945, les installations de mon­ta­ge souterraines de Stassfurt sont occupées par les Américains.  Oes­trich et douze ingénieurs sont amenés à Munich pour préparer le transfert de l’usine aux Etats-Unis. Dans la capitale bavaroise, un intermédiaire français découvre Oestrich qui, dans des circonstances aventureuses, finit par atterrir en France. Dans le but de recruter du per­sonnel compétent, il retourne en Allemagne, où il est immédia­te­ment placé sous surveillance par les Américains et les Britanniques. Pour empêcher qu’il ne soit enlevé, un commando français rapatrie en France l’expert et ses collègues. Le 25 avril 1946, ces Allemands signent un contrat de travail avec l’Etat français. Sous la direction d’Oes­trich  —devenu « directeur technique »—  les Français dévelop­pent le moteur « Atar », qui connut un succès évident ; tous les chas­seurs à réaction français en seront équipés, y compris le célèbre « Mi­rage ». 5000 exemplaires de ce moteur ont été vendus dans le mon­de entier. Oestrich n’était pas seulement un maître dans sa bran­che, mais il était aussi un excellent homme d’affaires. Rien que pour ses brevets élaborés dans les années 50, la « Snecma », devenue sa fir­me, lui a payé 180 millions de Schillings (au cours actuel). Et, cho­se étonnante, pour un homme considéré comme ancien « nazi », il ob­tint la plus haute décoration française, la « Légion d’Honneur ».

Le moteur de la fusée « Ariane »

Dans le domaine des techniques de propulsion de fusées, les Fran­çais avaient découvert une sommité en la personne de Heinz Bringer. Cet ancien collaborateur de Werner von Braun avait été un spécia­lis­te du système de propulsion des V2. Avec ses collègues, il a cons­truit la fusée « Véronique » pour le compte des Français. On le consi­dè­re en outre comme le père du moteur « Viking » qui propulse les fu­sées françaises « Ariane ». Ce savant est décédé en janvier 1999, devenu citoyen français et âgé de 90 ans, dans les environs de Ver­non.

On ne sait pas encore très bien quelle a été la contribution des sa­vants allemands au développement du programme nucléaire fran­çais, car les archives ne sont pas encore toutes accessibles. Il est exact que les Américains s’étaient emparés très tôt, dès 1945, de la plu­part des spécialistes allemands du nucléaire et de leurs archives. Mais il semble toutefois attesté aujourd’hui que quelques savants al­le­mands ont collaboré au programme nucléaire français. Ainsi, outre Os­kar Doehler, nous trouvons le physicien Rudi Schall, ancien mem­bre de la NSDAP. En dépit de ce passé, il a reçu de l’Etat français une haute décoration en 1977. Aujourd’hui, âgé de 85 ans, ce Ber­li­nois vit sur les rives du Lac de Constance.

Tous les savants allemands qui se sont mis au service de la France ne sont pas revenus en Allemagne à l’heure de leur retraite. Ainsi, Otto Krahe s’est retiré à Vernon en France. Il avait travaillé entre 1935 et 1945 à l’élaboration du V2. Sans travail en 1945, il signe un contrat avec les Français après que von Braun ait renoncé à l’appeler en Amérique, comme il l’avait pourtant promis. Avec quelques autres col­lègues, il a travaillé à Vernon au laboratoire de recherches ba­listi­ques et aérodynamiques (LRBA).

SS10 et gaz de combat

Parmi les techniciens et scientifiques engagés par la France, se trou­vait également Eugen Sänger qui, plus tard, a mis son savoir au ser­vi­ce de Nasser en Egypte. Il travaillait sur plusieurs projets, de con­cert avec Emile Stauff, père de la première fusée tactique française. Sur bases de connaissances acquises en Allemagne avant 1945, cette équipe a élaboré, dans l’arsenal de Puteaux, des fusées sol-air et l’une des armes anti-chars françaises les plus efficaces, le missile SS10.

Tous les travaux entrepris par des savants allemands n’ont cepen­dant pas été couronnés de succès. L’hélicoptère à deux rotors de Hein­rich Focke (le FA 223), dont le développement avait déjà été com­mencé sous Hitler, a d’abord été perfectionné, pour devenir le SE 300, mais n’a pas satisfait les Français. Ensuite, le projet de Helmut Zborowski, ancien membre de la Waffen-SS, de fabriquer un appareil à décollage vertical dans les années 50 a été une véritable catastro­phe et a rapidement dû être abandonné.

A quelques exceptions près, les services rendus à la France par les scientifiques et les techniciens allemands après 1945 ont été très pro­fitables, notamment ceux de Hubert Schardin, expert en arme­ment de la firme Mauser. Tout comme les Américains, les Français n’ont pas fait la fine bouche et ont accepté le concours d’hommes au passé politique national-socialiste. Outre Helmut Zborowski, qui a pu ouvrir un « bureau technique » à Paris en 1950, on retrouve la trace de Walter Reppe et de Karl Wurster, qui, pour le compte de la Fran­ce, ont pu poursuivre leurs travaux dans une usine de Ludwigshafen. Ensuite, il y a eu le cas d’Otto Ambros, un des anciens directeurs d’IG Farben, spécialiste de la production de gaz de combat, dont les travaux ont intéressé ses collègues français, experts en armes chi­mi­ques. Les Français ont su apprécier les savants qui firent partie de leurs « prises de guerre ».

Les scientifiques allemands ont pu travailler correctement jusqu’en 1945, malgré les côtés répressifs du système national-socialiste et les rudes conditions de travail imposées par l’état de guerre à partir de l’automne 1939. Par rapport à leurs collègues étrangers, ils ont pu avancer grandement dans bien des domaines. Les pays qui les ont em­ployés leur ont rendu hommage, alors que, dans leur patrie, leurs tra­vaux sont passés sous silence. Preuve supplémentaire que l’Alle­ma­gne est toujours incapable de prendre sereinement en considé­ra­tion son passé récent.

Helmut MÜLLER.

(Article tiré de Aula, n°9/1999).

 

 

 

01:15 Publié dans Affaires européennes, Histoire, Sciences | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 22 octobre 2007

L'itinéraire d'Erich Wichman

5261b6c46abb54ec3a4b943ef2369a9f.jpg

Frank GOOVAERTS (†):

Sur l’itinéraire d’Erich WICHMAN (1890-1929)

Un isolé anarchisant de la “révolution conservatrice” néerlandaise

La gauche et la droite ne se combattent qu’en apparence. En réalité, elles te combattent, toi!

(Erich Wichman).

◊ 1. INTRODUCTION : esquisse d’un chaos

Si, pendant l’entre-deux-guerres, il y avait en Europe un pays où la  “révolution de droite”, telle que l’a définie le sociologue allemand Hans Freyer (1887-1969), n’avait aucune chance de réussir, et même se dressait contre l’âme populaire, c’étaient bien les Pays-Bas! Ce pays tranquille de moulins et de cyclistes, de tulipes et de polders, appartenait indubitablement aux pays les plus stables du vieux continent. Cela n’implique pas que les divers défis, auxquels les démocraties libérales se voyaient confrontées, ne se manifestaient pas aux Pays-Bas. Bien au contraire! Il y avait simplement que la si célèbre “sobriété” néerlandaise (que nous pouvons désormais mettre en doute depuis les “Golden Sixties”...) générait un bourgeoisisme typique et induisait la population à réagir différemment du gros de celles des pays voisins.

Pourtant, la “révolution de droite” s’y est manifestée, notamment avec le NSB (“Nationaal-Socialistische Beweging” ou “Mouvement national-socialiste”) de l’ingénieur Antoon Mussert (1894-1946), qui est le mouvement  de loin le plus connu à l’étranger. Ce qui fait la caractèristique unique des Pays-Bas, dans l’univers des fascismes ou para-fascismes d’avant 1940, c’est qu’à côté de ce parti fort structuré qu’était le NSB, il y avait là-bas encore au moins quarante petites formations fascisantes en activité, dont l’idéologie s’inspirait davantage des régimes autoritaires circum-méditerranéens que du “grand frère” allemand. Cette mosaïque politique nous donne l’impression d’une complication extrême, où règnent le chaos, l’incompétence et la dissolution, les querelles et les suspicions, si bien qu’aucune force politique ne s’est jamais dégagée d’elle. Il semble que seuls les éléments négatifs unissaient les hommes: les Pays-Bas déclinent parce qu’ils n’ont aucun réflexe national et ne veulent pas vraiment se débarrasser d’une démocratie corrompue. Si l’on examine ce conglomérat de petits partis et groupuscules, on tire la conclusion suivante: leur préoccupation principale était de concevoir des uniformes rutilants pour leurs diverses milices. Ils brûlaient aussi littéralement leurs fonds en publiant des revues ineptes. Wim Zaal notait non sans ironie et à juste titre: “Mystique, discipline, unité, figure du chef, vie dangereuse, le regard vers le futur... on peut s’imaginer ce que devenaient ces ingrédients du fascisme quand ils tombaient aux mains des Néerlandais, avec leur héritage séculaire de querelles politiques et théologiques. Ce qui aurait dû devenir une tempête ne devint qu’un vague trouble dans autant de verres d’eau; chacun avait sa doctrine sublime, son interprétation personnelle et ses propres galons à son uniforme de combat, à la facture unique. Au cours des années, nous avons vu défiler aux Pays-Bas des fascistes intellectuels en chambre, des fascistes issus du vieux libéralisme, des fascistes prolétariens, des fascistes croyants, des fascistes qui se piquaient d’aristocratisme et des fascistes synthétiques (1). Le rideau s’était levé sur ce qui aurait dû déboucher sur un drame martial; ce ne fut qu’un vaudeville...

◊ 2. Les racines du fascisme néerlandais

Certains ont défini le fascisme comme un mouvement de “rancuneux”, ce qui n’est pas entièrement faux. Mais cette idée ne peut toutefois pas être généralisée. Pour le cas des Pays-Bas, elle ne convient pas du tout. Le pays était resté neutre pendant la première guerre mondiale et n’a donc pas connu, après la fin des hostilités, le problème insoluble d’une masse de chômeurs et d’anciens soldats inadaptés à la société civile, cultivant des aspirations révolutionnaires. Le Dr. Joosten, qui est l’historien qui a examiné le plus attentivement le phénomène du fascisme chez nos voisins du Nord, conclut ses investigations en disant que des forces bien différentes se tenaient autour du berceau de la “révolution de droite” aux Pays-Bas (2). L’historien néerlandais estime que ce  sont surtout des idéaux réactionnaires, conservateurs, intégristes, etc. qui ont alimenté le fascisme local. Il oublie cependant l’influence d’un leader socialiste, Troelstra (1860-1930), qui avait appelé à la révolution en 1918, une révolution qui échoua, parce que la base l’avait laissé tombé, par manque d’élan révolutionnaire, par petit-bourgeoisisme ou, mieux, par les deux à la fois.

Si l’on veut donner un nom au père spirituel du fascisme néerlandais, alors, généralement, on désigne, pour ce titre, un philosophe, professeur d’université, G. J. P. J. Bolland (1854-1922), une figure très particulière de la pensée, qui a commencé comme autodidacte pour se frayer un chemin jusqu’aux plus hauts sommets du monde universitaire néerlandais. Il estimait que la “raison pure”, corrigée par Hegel, ne s’était incarnée que dans son seul cerveau. Il s’opposait avec vigueur à la démocratie et au socialisme, parce que ces deux forces politiques ne visaient qu’à hisser les “masses de travailleurs stupides” au pouvoir. Dans les tissus d’injures qu’il débitait à l’adresses de la “juiverie” et de la franc-maçonnerie, il nous rappelle les ntionaux-socialistes ultérieurs. Pourtant, il me paraît impossible de le décrire et de le stigmatiser comme un fasciste sans plus; il était beaucoup trop réactionnaire pour mériter ce titre, beaucoup trop conservateur et bien trop peu révolutionnaire. Mais ses professions de foi hégéliennes et son anti-sémitisme ont inspirés une jeune génération d’adeptes, dont H. A. Sinclair de Rochemont (1901-1942), qui allaient plus tard se retrouver au sein du VVA (“Verbond van Actualisten” ou “Alliance actualiste”), qui fut, grosso modo, la première tentative de concentrer les forces fascistes aux Pays-Bas.

Autre foyer de mécontentement, qui allait tendre ultérieurement vers le fascisme: la loi électorale de  1894, qui effrayait certains libéraux, qui, en 1907, créent le “Bond van Vrije Liberalen” ou “Ligue des Libéraux Libres”, pour se donner une structure. De ce milieu se dégage un homme, qui fut à la fois journaliste et professeur d’université en sciences politiques, le Prof. J. H. Valckenier-Kips (1862-1942). Pendant toute une période, il fut l’étudiant de Bolland mais infléchit le futur fascisme néerlandais vers des positions idéologiques plus solides, permettant de parler véritablement de “pères fondateurs”. Pendant la première guerre mondiale, Valckenier était déjà pro-allemand et antisémite (ce qui n’était nullement une rareté dans les Pays-Bas de l’époque) mais, en plus, il se posait comme un “anti-démocrate” virulent. Le corpus d’idées qu’il défendait, allait plus loin et était bien plus vaste que celui de ses amis du départ, qui, pour l’essentiel, n’étaient que des libéraux braqués, devenus anxieux devant l’évolution de la société. Dans la revue conservatrice “De Tijdspiegel” (= “Le miroir du temps”), il esquissait, entre 1910 et 1918, l’idée d’un Etat organique, où l’individu devait être soumis au tout, sujet sur lequel il revenait sans cesse, en l’abordant de mutliples façons. Après la première guerre mondiale, il s’est quelque peu éclipsé, a quitté les feux de la rampe, pour revenir à l’avant-plan au début des années 30, d’abord dans les rangs du NSB, ensuite dans ceux du “Zwart Front” (= “Front Noir”) d’Arnold Meijer.

Mais celui qui tint véritablement le fascisme néerlandais sur les fonds baptismaux fut sans contexte le Dr. Emile Verviers (1886-?), un enseignant libre en sciences économiques à Leiden, lui aussi ancien étudiant de Bolland. Il était issu d’une famille catholique-romaine, mais cette famille politico-religieuse ne rencontrait pas son approbation, car elle s’était montrée trop paternaliste devant le danger de révolution rouge en 1918. Bien qu’il ait défendu, dans les colonnes de sa revue, “Katholieke Staatkunde” (= “Politique catholique”), des idées qui correspondaient pleinement à celles de l’aile conservatrice du “Rooms-Katholieke Staatspartij” (= “Parti Etatiste Catholique-Romain”), Verviers évolua graduellement vers l’idée d’un Etat fortement anti-démocratique et autoritaire, pour l’avènement duquel il préconisait de plus en plus souvent l’usage de la violence. Après la Marche sur Rome de Mussolini, il déclara  —ce qui n’était nullement injustifié—  que les Italiens suivaient ainsi une voie qu’il avait théorisée depuis plus de dix ans. Mais Verviers n’est jamais devenu un Duce néerlandais. Il n’avait pas d’adeptes, ce qui est dû, principalement, à son désir insatiable de controverses. Pourtant, ses théories n’ont pas été sans influence. Le jeune Mussert a sans doute suivi les leçons du Prof. Verviers. Celui-ci, à qui on peut sûrement reproché des tentations intégralistes, se mit à avoir de réelles difficultés avec la hiérarchie catholique de l’évêché du Brabant à partir de 1924, ce qui entraîna sa quasi disparition pendant des années. Ce n’est qu’en 1934 qu’il réémergera, devenant rédacteur-en-chef  d’une revue du NSB, le mensuel “Nieuw Nederland” (“Les Pays-Bas nouveaux”). Deux années plus tard, il disparait à nouveau, quitte l’avant-plan, bien entendu après une querelle.

D’après les informations que nous avons glanées et reproduites dans la première partie de cet article, on pourrait en déduire que la “révolution de droite” aux Pays-Bas a été essentiellement l’apanage de fascistes intellectuels, de théoriciens en chambre. On remarquera dès lors que ce milieu, aux Pays-Bas, n’a pas apporté grand chose de substantiel au corpus idéologique du fascisme européen. Dans la plupart des cas, on s’est borné à emprunter aux voisins, d’abord en Italie, ensuite en Allemagne et plus tard en Flandre. Ce milieu fascisant néerlandais est donccaractérisé par une effarante absence d’inventivité, sauf si nous nous penchons sur une figure originale et unique, celle d’Erich Wichman.

◊ 3. Un vitaliste délirant !

Pol Vandromme a remarqué un jour : “Brasillach n’était pas amoureux du fascisme, mais de la poésie fasciste” (3). On peut formuler une remarque semblable à propos d’Erich Wichman, le “premier des fascistes néerlandais”, simultanément “alcoolique de principe”, comme il le disait de lui-même, lui, le”gangmaker” et la “prima donna” de la “révolution de droite”, couleur locale; disons que, chez lui, l’admiration pour l’élan fasciste vers l’action primait. Dans leur appréciation du fait fasciste, on peut tracer plus d’un parallèle entre Brasillach et Wichman: tous deux aiment l’aventure, la camaraderie, l’expression de la volonté vitale, la jeunesse. Tout comme chez Brasillach, le fascisme n’était pas davantage, chez Wichman, un programme politique, mais, écrivait-il, “une atmosphère, un ton, un rythme des sentiments, une mentalité, une attitude devant la vie; c’est briser en mille miettes les certitudes qui ont perdu tout sens, toute vitalité, c’est rendre toutes choses fluides, c’est tout recommencer à nouveau, c’est la jeunesse” (4).

Wichman n’a jamais, par exemple, pris au sérieux la forme de l’Etat corporatif; en fin de compte, il ne croyait en aucun système et le fascisme réellement existant, tel qu’il était vécu en Italie, ne lui convenait pas: “Pas un seul cheveu de mon crâne, qui devient chauve, ne songe à transplanter aux Pays-Bas le fascisme italien, tel qu’il est aujourd’hui, tel qu’il a été et tel qu’il deviendra, sans y apporter des changements” (5).

La vie d’Erich Wichman est tout, sauf une vie sans tache, est une suite ininterrompue d’actions tapageuses et d’incidents provoqués; elle est un vaudeville comique, elle révèle tous les aspects d’un drame de Sophocle. Erich Wichmann (ce n’est qu’au cours de son existence qu’il abandonna le dernier “n” de son patronyme pour lui donner un air plus néerlandais), est né le 11 août 1890 à Utrecht, une ville qu’il a toujours haïe, à cause de son petit bourgeoisisme grégaire. Sa famille était originaire d’Allemagne du Nord. Sa mère, Johanna Zeise, était issue d’une famille fortunée d’inventeurs et de pharmaciens, où l’on trouvait souvent un attrait pour la littérature. Son père, Arthur Wichmann, était professeur à l’université d’Utrecht. C’était un homme pragmatique, un géologue et un vulcanologue respecté, connu pour ses voyages outre-mer.

Ses parents lui ont légué l’intelligence, ses prédispositions pour les arts et les sciences, mais aussi ce goût de l’aventure, qui prit, plus tard, des proportions effrayantes. A peine âgé de onze ans, il perdit un oeil après une intervention chirurgicale rendue nécessaire par la présence d’un glaucome à l’oeil droit. Cette opération l’a défiguré, rendu extrêmement laid, ce qui ne l’empêcha pas de devenir plus tard un fameux bourreau des coeurs. Enfant, il utilisait son handicap pour donner libre cours à son originalité: il jetait son oeil de verre dans la piscine municipale en criant “un p’tit doublon pour celui qui le repêche!” [ndt: un doublon correspond ici à dix cents néerlandais].

Wichman disposait donc d’une intelligence phénoménale, couplée à une maturité précoce et exceptionnelle. Dès l’âge d’environ dix ans, tous s’accordait à considérer qu’il était une sorte d’enfant prodige, qui ferait parler de lui plus tard. Cependant, à l’école, il ne faisait pas grand chose de bon. Il n’étudiait qu’exceptionnellement, mais, en même temps, semblait disposer d’une inspiration inépuisable pour agacer ses condisciples et ses professeurs. Un jour, il se présente à l’école, muni d’un revolver chargé (plus tard il disait de lui-même: “Est-ce que je ressemble à un type qui circulerait avec un revolver non chargé?”). Cet incident fit qu’il fut renvoyé de l’école (6). Après en avoir fréquenté une série d’autres, où son comportement très rebelle lui créa toute sortes d’embûches, il aboutit dans un pensionnat très sévère en Thuringe. Mais là aussi, étudier sérieusement était le cadet de ses soucis, car il avait bien sûr d’autres préoccupations: il découvrait Nietzsche et Baudelaire (la lecture de ce poète français le conduisit à expérimenter toutes sortes de drogues). A  cette époque, il eut une seule fois l’occasion d’écrire une petite contribution pour le célèbre hebdomadaire satirique allemand, le “Simplicissimus”.

En 1909, il arrête les frais dans son pensionnat allemand et s’en va étudier la biologie et la chimie à Utrecht. Il y étonne par son érudition. Un jour, quelqu’un s’adressa à son père pour lui dire: “Votre fils est si exceptionnel qu’il pourrait réussir dans n’importe quelle faculté”. Avec les deux pieds bien sur terre, le père Wichman répondit laconiquement : “J’aimerais qu’il soit un peu moins exceptionnel et qu’il réussisse au moins dans une seule faculté”. En effet, l’objectif d’Erich Wichman n’était pas d’obtenir des diplômes, car il n’en n’eut jamais aucun, mais d’accumuler le maximum de savoir en tous domaines. Au lieu de potasser ses cours, il peignait ou écrivait des poèmes et, au moment de passer ses examens, sa mémoiure extraordinaire lui venait en aide. Il eut ainsi un jour l’idée d’apprendre par coeur le volumineux cycle de “Mathilde” de J. Perk, uniquement pour prouver que l’art poétique de cet auteur lui plaisait!

Il était surtout une star dans la vie nocturne des étudiants. Dans les cercles de fêtards, il  mit au point ses premières aspirations politiques et artistiques. A partir de 1912, il commença à s’adonner corps et âme à l’art pictural. L’expressionnisme allemand  —il correspondait avec Kadinsky—  et le futurisme italien suscitaient son intérêt, ce qui eu pour résultat de le faire écrire quelques articles sur l’art moderne dans les revues étudiantes.

En 1914, Wichman déménage et se fixe à Amsterdam, où il est rapidement accepté dans la bohème locale, très turbulente. C’est là qu’il devint cet “alcoolique de principe”, car, disait-il, “l’alcool est justement le contre-poison naturel contre la hollandite” (7). Ce type de déclarations témoigne de l’intense rapport amour/haine que Wichman cultivait envers son pays natal, une attitude qui lui était caractéristique. Wichman aimait la Hollande, mais à sa manière: pour lui, elle était trop petite d’esprit, trop égocentrique, trop axée sur elle-même; il en haïssait la “stopverfmentaliteit”, la “mentalité-mastic”, qu’il repérait partout. “Qu’elle s’assèche la main, qui voudra ériger ma statue plus tard en Hollande”, avait-il coutume de dire!

Wichman se plaisait énormément à Amsterdam, même s’il ne fut pas capable d’y prendre racine,  vu sa nature de bohème et de juif errant. Des nuits entières, il faisait la fête avec ses copains, et, le jour, il s’adonnait comme un possédé à ses oeuvres d’art. Le temps qu’il lui restait, il l’employait à mettre la ville sens dessus dessous, avec ses amis. En plus, il se querellait avec tous les critiques d’art et l’on sait, avec  certitude, qu’il en prit un jour un par le col pour le secouer. La victime eut le nez en sang, sans doute pour la première fois, et Wichman essuya sa première condamnation.

Wichman aurait aimé servir sa patrie pendant la première guerre mondiale, mais la disparition de son oeil droit l’empêcha d’être mobilisé. Libéré de ses obligations, il put consacrer tout son temps à d’autres initiatives. Dès mars 1916, il fonde avec son ami Louis Saalborn la  société “De Anderen” [= “Les Autres”], une association d’artistes plastiques dont l’objectif principal était de défendre les intérêts professionnels et sociaux des artistes modernes. Du point de vue politique, cette association représentait une brochette de radicaux, de nihilistes, de communistes, de futuristes et surtout d’anarchistes. Wichman, qui publia bon nombre de brochures auprès des éditions de “De Anderen”, a reçu là le virus de l’anarchisme, dont il n’a jamais pu se débarrasser ultérieurement.

Sur le plan financier, sa situation était devenue très précaire. Il a connu des temps fort durs, il a souffert de la  faim, surtout après que son père ait cessé de lui verser une somme mensuelle, pour son entretien. Qu’importe: Wichman s’est montré un virtuose dans l’art de faire des dettes. Il l’exprima un jour en vers:

“Tot tranen toe ben ik bekommerd,

nu kan ik nooit meer naar de lommerd,

omdat mijn hele inventaris

al daar is”. [“J’ai souci jusqu’aux larmes, car au mont-de-piété jamais ne pourrai plus aller, car là-bas se trouve d’ores et déjà tout mon inventaire”].

Pour échapper à ses créanciers, Wichman imaginait les idées les plus folles. Des années plus tard, il installa près de son logis, proche du “Molenpad” à Amsterdam, une série de flèches indicatrices, sur lesquelles étaient inscrits les mots suivants : “Chez Erich Wichman”. Malheur à ceux qui suivaient le chemin indiqué par l’artiste! Après tout un trajet, où il s’agissait de gravir des escaliers, puis de les redescendre, le candidat visiteur, exténué, se retrouvait à son point de départ. En 1924, après avoir brûlé la chandelle par les deux bouts, après avoir bamboché des nuits entières, après avoir souffert de la faim, Wichman craque physiquement, pour la première fois. Il s’effondre et on l’envoie à l’hôpital, avec, pour mention, “danger: suicidaire”. Il réagit avec cynisme: “C’est très grave n’est-ce pas? Mais crever de faim ne les émeut pas!” (8).

En septembre 1916, il épouse Leni Kampfraath, une tailleuse de diamant, avec laquelle il vivait depuis un certain temps. La légende affirme qu’Erich Wichman, qui avait été jusque là un fameux coureur de jupons, est resté fidèle après son mariage...  à sa femme et à sa maîtresse... Le  couple a rapidement un enfant, ce qui oblige Wichman à trouver un emploi stable: il devient d’abord chef émailleur dans une fabrique d’argenterie à Utrecht, ensuite concepteur et réalisateur de nacelles en béton insubmersibles. Dans le cadre de ce travail, il tentera en vain d’attirer l’attention d’une firme américaine!

En 1919, Wichman met en émoi la bourse du diamant à Amsterdam, en vociférant en public que la “démocratie  est un mensonge”et en tentant d’expliquer “à un troupeau de deux mille ânes huant et sifflant” qu’il vaut mieux lire Goethe, son auteur favori, que d’aller voter (9). Un an auparavant, il avait écopé de trois jours de prison, parce qu’il avait circulé dans la ville en portant un écriteau sur le ventre, sur lequel il était inscrit: “Ne votez pas, lisez Goethe!”. Il incitait ainsi  les Néerlandais à faire une “révolution aristocratique”.

Autre déception de grande envergure: l’échec de l’exposition et du livre, tous deux intitulés “Erich Wichman tot 1920” [= “Erich Wichman jusqu’en 1920”]. Toutes les réactions avaient été  négatives, bien que le grand médiéviste et philosophe Huizinga (1872-1945) ne s’était exprimé qu’en termes critiques couverts. Le seul homme qui réagit avec un enthousiasme sans partage fut le poète expressionniste Hendrik Marsman (1899-1940), qui apporta plus tard son propre concours à certaines actions politiques.

Le coup qui fit entrer Wichman dans la légende, fut la création du “Rapaille-Partij”, du “Parti de la Canaille”. La raison qui a motivé la création de cette étonnante formation politique fut, pour être bref, le fait que les Néerlandais étaient obligé de voter sous peine de poursuites judiciaires. Cette loi était impopulaire, surtout parce que beaucoup de Néerlandais la considéraient comme coercitive. Wichman et sa bande pensaient, en revanche, que l’électeur n’était tout simplement pas capable, par définition, de choisir le moindre candidat convenable. Le 28 avril 1921, des élections municipales ont lieu à Amsterdam et la bande à Wichman saisit l’occasion pour se moquer ouvertement du système démocratique. Au départ, l’idée émanait d’un groupe d’ouvriers bateliers anarchistes,  que l’on appelait les “Veelbelovers” [= “ceux qui promettent beaucoup”]. Il n’a pas fallu longtemps pour que Wichman en tire toutes les ficelles. Dans une taverne bien connue, l’”Uilenkelder”[= “La cave aux hiboux”] et dans son propre logis, le long du “Prinsengracht” [= “Le Canal des Princes”] à Amsterdam, Wichman et ses sympathisants de “De Anderen” préparèrent l’émergence d’un parti anti-tout, qui allait faire fureur (10).

Le programme du parti n’avait guère de contenu, mis à part la plantation d’arbres pour  remplacer les urinoirs publics qu’il convenait de démolir, le petit verre de genièvre à cinq cents et le droit de pêcher et de chasser dans le Parc Vondel. Seuls étaient retenus les candidats qui souligneraient encore davantage le ridicule de l’entreprise. Le premier d’entre eux fut Cornelis de Gelder, alias “Had-je-me-maar” [= “Si-tu-pouvais-m’attraper”]. Ce surnom bizarre rappelait une chansonette des kermesses hollandaises. Cornelis de Gelder était un ivrogne notoire, un “idiot professionnel”, qui gagnait sa croûte en déambulant le long des terrasses des cafés de la Place Rembrandt, armé d’un lourd bâton et muni d’une boîte à cigares déguisée en instrument de musique, à l’aide de quelques cordes tendues. A certains moments, il frappait la boîte de son bâton, faisait l’idiot et terminait immanquablement ce qu’il estimait être une représentation culturelle de haut vol par le cri “Had-je-me-maar”. On raconte que ce hère original, quand il était à jeun, faisait bonne impression, était fort aimable, mais finalement peu se souviennent de lui. Le deuxième candidat était aussi un spécimen très original: Bertus Zuurbier (1880-1962), un monomane mi-anarchiste mi-bolchevique, qui avait longtemps travaillé comme ouvrier batelier, puis était devenu rinceur de bouteilles, mais demeurait surtout un chômeur permanent. Il errait ainsi dans la vie, vendant pendant toute l’année des numéros souvent fort anciens de “De vrije Socialist” [= “Le Socialiste libre”]. Quand on lui faisait remarquer que ces numéros dataient, il répondait: “Vieux, dis-tu? Mais pour toi, tout cela est bien nouveau, vilain bourgeois!”. Lorsque la Reine Wilhelmina participa au lancement d’un sous-marin de la flotte néerlandaise et plongea avec lui, Zuurbier circulait dans la ville, vendant un journal de son cru en criant : “Lisez ici combien bas a sombré Sa Majesté!”. A plusieurs reprises, il fut condamné pour trouble à l’ordre public.

Le public attendait le résultat de ces élections avec impatience, surtout que tous les partis avaient fait campagne contre le “Groep van Gelder” [= “Le Groupe de Gelder”]. Le “Kristelijk Historisch Dagblad” [= “Le Quotidien historique chrétien”] s’est voulu original et vexant tout à la fois en proposant d’appeler la nouvelle formation le “Rapaille-Partij”. Wichman accepta avec gratitude ce qui était censé être une insulte: “Exactement comme vous avez jadis repris à votre compte l’injure de “Gueux” et en avez fait un titre de gloire, nous acceptons, nous, ce nom que vous nous donnez comme une distinction honorifique”. Pour faire connaître leurs idées et leur programme à l’homme de la rue, le groupe disposait d’une revue, “De Raad” [= “Le Conseil”], qui paraissait affublé du slogan: “Gardez cette feuille, plus tard elle vaudra de l’argent”!

Le “Rapaille-Partij” fit force propagande et, rappelons-le aussi, les candidats ne furent pas en reste : Zuurbier maudissait dans ses colportages la démocratie, le suffrage universel et demandait à ceux qui l’écoutaient de voter pour lui, parce que, lui au moins, allait pouvoir bien utiliser l’argent de ses honoraires de conseiller. “Had-je-me-maar”, pour sa part, se fit photographier assis devant une table pleine de bouteilles et de verres vides, le cruchon de genièvre bien en évidence dans la main, chantant à pleine poitrine les chansons qu’il avait lui-même composées.

Wichman et ses amis voulaient démontrer que la démocratie conduisait à l’absurdité. L’entreprise était considérée comme une protestation bouffonne  —quasi dadaïste— mais elle  se mua en réalité bien tangible, dans la mesure où, après dépouillement des bulletins de vote, il s’avèra que 14.246 citoyens avaient voté pour les deux clochards, qui, du coup, étaient devenus des élus du peuple!

“Had-je-me-maar” posa immédiatement problème. L’hebdomadaire “Het Leven” avait mis une limousime à sa disposition après les élections. Il en profita pour se faire conduire en état d’ébriété dans toute la ville, ce qui ligua l’ensemble du collège municipal contre lui. Celui-ci décida de faire arrêter dès que possible le bambocheur, qui, à cause d’une condamnation précédente avait perdu son droit de vote. Motif: ivresse sur la voie publique. Wichman était au courant de ce projet et décida de fournir à l’ivrogne quelques gardes du corps, pour l’empêcher de faire sa tournée des bistrots. Ce dont il n’avait nulle envie. Notre fêtard roula donc ces gardes du corps dans la farine: “Had-je-me-maar” se plaignit d’avoir une soif terrible et amena sa garde prétorienne au bistrot pour s’envoyer un petit rafraichissement dans le gosier. La suite est facile à deviner : le soifard professionnel saoûla copieusement ses gardes, qui roulèrent sous les tables. Il en profita pour s’éclipser et visiter d’autres lieux. Il n’alla pas loin. La police l’arrêta et le força à signer une déclaration dans laquelle il renonçait à son poste de conseiller municipal.

Quant à Bertus Zuurbier, il s’intéressait surtout à l’argent qu’il pouvait tirer de son modeste poste et ne manquait jamais une séance du conseil. L’homme avait des talents déclamatoires avérés, mais il n’en fit pas souvent usage dans le cadre du conseil. D’après des témoins, sa seule intervention fut celle-ci: “Fermez la fenêtre car il y a un courant d’air”. Quand on lui reprocha  un jour son silence, il répondit que les temps étaient durs et qu’on ne devait pas exiger de lui de prononcer de longs discours pour les cinq florins de cachet qu’il touchait.

Le résultat final de toute cette aventure fut vraiment très minime. Les autorités votèrent une petite loi, à la vitesse éclair, destinée à empêcher ultérieurement que des initiatives dans le genre du “Rapaille-Partij” participent aux élections. Wichman, qui voulait en ultime instance autre chose qu’éveiller l’appétence des Amstellodamois pour le rire et la moquerie, était très déçu. Il partit pour l’Allemagne, où, selon certaines sources, il étudia la physique nucléaire à Munich. Il se rendit ensuite en Italie, où il fit connaissance avec le fascisme et noua vraisemblablement des contacts avec le futuriste Marinetti. Sans doute découvrit-il dans le fascisme ce qu’il cherchait depuis longtemps: “Je ne me suis pas trompé, c’était ce dont j’avais besoin: être plus proche des animaux et en même temps plus proche des dieux et, à travers tout cela, la florissante luxuriance d’un pays bien gouverné. Oui, l’ami, c’était là l’oeuvre de l’homme fort” (11).

Sa situation financière demeurait précaire. Pour y remédier, il accepta un modeste poste de traducteur au consulat des Pays-Bas à Milan. Il y rencontra le prêtre et moraliste néerlandais Wouter Lutkie (1887-1968), qui jouera plus tard un rôle de premier plan dans le mouvement fasciste néerlandais, que Wichman décrit comme suit : “Son oeil unique, largement écarquillé, nous regardait fixement. Il était vêtu d’une chemise de sport, d’un veston et d’un pantalon. Sa chemise était grande ouverte, dévoilant son torse nu. Le pantalon était large, avait la forme d’un entonnoir, comme ceux des marins; il marchait sur le bas de ses pantalons qui s’effilochaient. Il y avait une ouverture dans sa manche droite, par où passait un coude. Il avait l’air d’un vagabond”. (12).

Vers la moitié de l’année 1924, Wichman revient au pays natal, ses valises pleines à craquer de chianti, de macaroni, de spaghetti et de ravioli (13). Dans la revue “Katholieke Staatkunde” du Dr. Verviers venait de paraître un appel “aux hommes du Rapaille-Partij”. Wichman y répond par la voie d’une lettre ouverte, qu’on peut désormais “disposer de sa personne, de sa plume et de son pinceau et, s’il le faut, sans phrase, de ses poings et de sa vie” (14). Cette lettre, au ton résolument martial, montre qu’il est dévoré par le feu révolutionnaire et qu’il n’hésiterait pas à passer à l’acte terroriste: “Je ne ferai pas de dégâts pour moins de cinq millions : ce n’est pas  pour rien que je suis chimiste. Ils en auront une bonne avec moi! Et alors j’irai en prison pour bien bouffer à leurs frais!” (15).

Dans une collection de brochures bien connues à l’époque, intitulée “Pro en Contra” [= “Le Pour et le Contre”], Wichman fait paraître “Het fascisme in Nederland” [= “Le fascisme aux Pays-Bas”], où il polémique contre Henk Eikeboom, un ancien collaborateur du “Rapaille-Partij”: “Il n’y a plus de place en ce monde”, écrit-il, “pour l’aventure, l’imprévu, l’élasticité, la fantaisie et la ‘démonie”. Seule a droit au chapitre la raison la plus stupide. Dieu s’est mis à vivre tranquille” (16).

Il se fit ensuite membre du “Verbond van Actualisten”, une ligue que nous avons déjà citée ici, mais qui faisait de l’oeil au système démocratique et cultivait un pacifisme de principe, deux démarches qui lui déplaisaient. Pour répondre à ces lacunes, Wichman fonde alors le “Bond van Rebelsche Patriotten in een Ondergaand Volk” [= “Ligue des patriotes rebelles au sein d’un peuple en déclin”]. Dans une “lettre ouverte à S. M. Albert, Roi des Belges” [“Open brief aan Z. M. Albert, Koning der Belgen”], il remarque que les Pays-Bas pourraient parfaitement être annexés tout de suite à la Belgique, vu les réactions molles des Néerlandais vis-à-vis de certaines revendications territoriales belges. Cette lettre, empreinte d’ironie grinçante, a quasiment été le seul fait d’arme de ces “patriotes rebelles”. Wichman rédige ensuite un pamphlet anti-communiste, intitulé “Lenin stinkt” [= “Lénine pue”, ce qui signifie aussi “Lénine est corrompu”], qui critique surtout le culte de la personnalité qui s’est instauré autour du leader bolchevique. Cette critique est sans concession. Elle paraît à la fin de l’année 1924.

Apparemment, Wichman ne supportait plus, une fois de plus, sa patrie et, au début janvier 1926, on le retrouve à Paris, où il a failli crever de faim. Il passa le plus clair de son temps à étudier, dans les bibliothèques de la ville, les ouvrages qui traitaient de la vie des ascètes chrétiens et des saints mendiants, dans l’intention de rédiger un petit ouvrage, qu’il voulait d’abord intituler “De Kunst van het Armoedzaaien” [= “De l’art de répandre la pauvreté”]. Plus tard, il débaptise ce manuscrit et l’appelle “Verrekken – Een handleiding voor beginners en meer gevorderden” [= “Crever – Un vade-mecum pour débutants et pour ceux qui ont déjà fait des progrès”]. L’ouvrage est resté inachevé.

En 1927, il publie dans “De Vrije Bladen” [= “Feuilles libres”] un essai satirique très étonnant sur les habitudes de boire aux Pays-Bas. Titre de l’essai: “Het witte gevaar” [= “Le danger blanc”]. Nous avons affaire là à un écrit très peu conventionnel, où Wichman, qui, rappelons-le, est “un alcoolique de principe”, engage le combat contre les idéaux sociaux en faveur du lait et contre l’alcool, idéaux qui se manifestaient par des campagnes publicitaires dans tous les Pays-Bas, pour inciter les Néerlandais à boire du lait. Wichman: “Plus encore que pour l’absence de bouteille, ou s’il le faut, de carafe de vin rouge; plus que pour la présence de fleurs (Degas: “Les fleurs d’une table sont les bouteilles”), de la boîte ronde en fer blanc pleine de biscuits, du pot de confiture ou de sirop, du beurre de cacahuètes, de grains d’anis, de granulés, de pépites en chocolat et d’autres horreurs (brrr), la table d’un lunch hollandais est une chose si repoussante surtout à cause de ces récipiants blancs, en forme de quille renversée, faits de céramique, qui sont censés contenir un liquide trouble, une émulsion sale, oui sale, qui n’est rien d’autre qu’une sécretion de pis de vache (...). “Melk is goed voor elk” [= “le lait est bon pour chacun”, dit la publicité]. Cette phrase, qui ne compte que cinq petits mots contient:

◊1. Une faute de langue (grosse comme une vache),

◊2. Une manoeuvre , qui équivaut à un coassement, comme celle que tente le “Comité de défense contre la boisson” d’Amsterdam  —quelles vaches!—  [ndt: en français dans le texte] qui oeuvre en étroite coopération avec l’administration municipale pour tapisser nos voies publiques d’affiches telles “Niet drinken, niet schenken, een goede raad zou’k denken”, etc. [= “Ne trinque pas, ne verse pas, voilà le bon conseil, je crois”]. Mais tout cela n’est pas vrai, “bij de luier hoort de uier” (“pis et couche-culottes vont ensemble”), “zulke ezels praten voor kwezels” (“de tels ânes ne causent que pour les bigots”), “dat gekwek maakt iemand gek” (“ces coins-coins vous rendent fou”), je vais donc donner à ces messieurs une autre leçon: “cieder is goed voor ieder” (“le cidre est bon pour tous”), “wijn is goed voor de pijn” (“le vin est bon pour vos douleurs”), “rode is goed voor de noden” (“le gros rouge est bon pour vos misères”), “witte is goed voor de hitte” (“le blanc est bon pour la fièvre”), “oude is goed voor de  koude” (“le vieux [genièvre] est bon contre le froid”) et “jonge is goed voor de longen” (“le jeune [genièvre] est bon pour les poumons”], “bieren zijn goed voor de nieren” (“les bières sont bonnes pour les reins”), “jenever is goed voor de lever” (“le genièvre est bon pour le foie”), “klare is je ware” (“le genièvre pur [le schiedam] est digne de toi”)!” (17).

En décembre 1927, eut lieu, en Hollande, un événement qui déterminera le reste de la vie de Wichman, et accélèrera aussi sa fin. C’est en effet l’année où paraît le premier numéro de “De Bezem” (“Le Balai”), qui fut vraiment la première revue fasciste “pur sang” des Pays-Bas. Wichman y apporte immédiatement sa collaboration, ainsi qu’au petit parti qui se constitue en marge de la publication. Il y fait paraître des articles et des dessins satiriques, dirige les réunions où l’on boit sec d’impressionnantes quantités de genièvre, organise des exercices de tir, de combat au gourdin et aux poings nus, afin de transformer les membres en une version locale des squadri fascistes italiens. A ce moment-là, Wichman cesse de travailler comme artiste. Il devient un agitateur, en dépit de sa santé qui ne cesse de décliner. Lorsque la radio libre de gauche, VARA, annonce le 20 avril, jour des “petits princes” en Hollande, qu’il organisera une fête du 1 mai, Wichman se rend dans ses locaux, accompagné de son “écuyer” Couveld, qui sera son camarade dans toutes ses folies, et qui se fera remarquer plus tard en tirant en l’air un coup de pistolet dans le théâtre Carré, qui faisait, ce jour-là, salle comble. Sans faire trop de façons, Wichman escalade le podium, s’empare du microphone et crie “Vive la Princesse Juliana”. Ensuite il débranche l’émetteur VARA, en le renversant. Dans la bagarre qui s’ensuivit, il eut le bras droit déboîté.

Un mois plus tard, Wichman provoque une nouvelle fois tumulte et sensation. Des annexionnistes belges venaient par bateau en rade de Hansweert pour jeter de petits drapeaux belges dans les eaux du Wielingen [bras de l’estuaire de l’Escaut, ndt], acte symbolique censé réclamer l’annexion à la Belgique de la Flandre zéelandaise. Les autorités néerlandaises n’entreprenaient rien pour contrer ces actions. Wichman décide alors de se rendre sur place avec trois ou quatre de ses équipes du “Bezem”. La Maréchaussée néerlandaise avait barricadé le port, si bien que les “Bezemers” devaient rester derrière la digue. Les Belges ne pouvaient donc pas voir leurs adversaires, mais ceux-ci firent un tintamarre de tous les diables, faisaient claquer fièrement leurs étendards orange tandis que Wichman tirait à qui mieux mieux des coups de pistolet, qu’ils s’imaginèrent qu’une masse impressionnante de contre-manifestants néerlandais se massait derrière la digue. Ils préférèrent faire demi-tour!

Il est symbolique de constater que la mort de Wichman est due à un vieil ennemi de la nation néerlandaise, une ennemi qu’elle n’a jamais cessé de combattre. En décembre 1928, Wichman devait prononcer une conférence devant une corporation étudiante de l’université d’Utrecht. Il se rend sur place et constate que ces auditeurs sont tous partis à Breukelen, pour aider la population en détresse à cause d’une digue qui était sur le point de se rompre. Sans hésiter, Wichman se porte à son tour volontaire, se rend sur place et y travaille toute la nuit pour conjurer le danger. Il y attrapa une méchante fièvre et comme sa santé était précaire, son corps n’a pu y résister et il est mort, inopinément, le matin du Nouvel An 1929 d’une pneumonie, peu de temps après avoir levé un verre de vin en l’honneur de l’an neuf... Trois jours plus tard, ces amis le portent à “son premier et dernier lieu de repos” (18), avec, sur le cercueil, le drapeau des “Princes”.

◊ 4. Conclusion:

L’itinéraire d’Erich Wichman est un exemple d’école pour nous dire comment il NE faut PAS faire de politique! Il était un individualiste accompli et donc incapable d’oeuvrer sérieusement en politique, pour quelqu’idéologie que ce soit. Nous avons déjà posé la question, mais indirectement: dans quelle mesure Wichman peut-il être considéré comme un “fasciste”? Il était depuis longtemps un “anti-démocrate”, avant qu’il ne devienne “fasciste”. Au lieu de lui coller l’étiquette, devenue infâmante, de “fasciste”, il conviendrait plutôt de le baptiser “anarcho-nationaliste” ou de l’étiqueter d’une façon différente mais similaire. Wichman était d’inspiration “grande-néerlandaise”. Il entretenait des contacts avec ce nationaliste flamand emblématique que fut le Dr. August Borms, ainsi qu’avec le poète expressioniste flamand, engagé dans le camp nationaliste, Wies Moens. Cees de Doodt remarqua un jour que le fascisme disparaissait de la scène aux Pays-Bas, chaque fois que Wichman partait à l’étranger. Cees de Doodt rend ainsi honneur, en quelque sorte, à cet homme inclassable, qui ne cessait de lutter contre tout. Bien que le NSB, plus tard, voulut revendiquer pour lui la mémoire de Wichman, nous pouvons poser la question: cet homme se serait-il senti à l’aise dans ses rangs? Car, au bout du compte, on peut dire qu’il ne se sentait nulle part chez lui...

Frank GOOVAERTS.

(Texte inédit de Frank Goovaerts, collaborateur de la revue nationaliste flamande “Dietsland-Europa”, assassiné par un voyou en septembre 1990. Sur cette figure poignante et fascinante du mouvement flamand, disparue trop tôt, lire “Adieu à Frank Goovaerts”, in “Vouloir”, n°73/75, printemps 1991).