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dimanche, 21 octobre 2007

J. Mabire: entretien sur la figure de l'Aventurier

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Entretien exclusif avec Jean Mabire : Réflexions sur la figure de l'aventurier

Jean Mabire, quels que soient les domaines que vous ayez abor­dés dans vos 90 et quelques volumes publiés à ce jour (ndlr:170, en fait, nous confiera Jean Mabire lui-même dans la lettre accompagnant ses réponses), des SS français aux 55 jours de Pékin, d'Amundsen à l'histoire de la Normandie, toujours ressort en filigrane, sinon d'évidence, une idée ré­currente, mieux, une certaine définition de l'homme, dont les valeurs pourraient se résumer par un mot: l'aventure. Jean Hoh­barr ne s'y trompait pas, qui écrivait dans un numéro du Fran­çais : «Mabire l'avoue, il ne tient pas la littérature pour un genre “neutre”, mais bien comme l'expression d'une vision du mon­de». Sans doute le sang viking qui coule dans vos veines de Normand n'y est pas étranger. Toujours est-il qu'aujourd'hui, l'aventure paraît définitivement ressortir du domaine du passé, à l'heure du tout-media et de la photographie par satellite. La conquête de l'espace, le mercenariat ou l'exploit sportif (voir la lutte contre le SIDA selon certains) seraient-ils les dernières formes d'aventure ouvertes à l'homme de demain?

Jean Mabire: Quand Ernst von Salomon, cet aventurier-type de notre siècle, se vit obligé, après la défaite de son pays, de répondre à un Questionnaire, il ne fallut pas moins de 650 pages pour ce faire, ce qui lui permit d'ailleurs d'écrire son meilleur livre. On s'aperçut alors qu'il n'avait jamais cessé de se mettre en scène lui-même et qu'il avait tout au long de sa vie mélanger sa bibliographie et sa biographie. Tel n'est certes pas mon cas. Je m'intéresse bien davantage à mes personnages —imaginés ou restitués— qu'à moi-même. Et bien davantage peut-être à mes lecteurs qu'à mes personnages.

Certes, mes «héros» vivent une aventure, à commencer par le très singulier Roman Feodorovitch von Ungern-Sternberg, cas extrême s'il en fut. Je pense cependant que le terme d'aventurier ne leur con­vient guère. Il m'arrive de préférer celui de militant. Ou si l'on veut ce­lui de «soldat politique», expression inventée, je crois, par Ernst Roehm, qui n'est pas le moins singulier de tous mes sujets et qui a l'avantage d'être plus véridique que romanesque, d'où le côté assez «instructif » du livre que je lui ai consacré.

Puisque vous parlez d'aventurier, je crois qu'il faut revenir à un essai (si important que j'ai consacré à son auteur une chronique entière dans Que lire?).

Il s'agit du Portrait de l’aventurier de Roger Stéphane. On sait qu'il y évoque trois hommes hors du commun: Lawrence d'Arabie, André Malraux et l'indispensable von Salomon. Ce petit livre, publié en 1950 et récemment réédité, est précédé d'une très éclairante étude de Jean-Paul Sartre. Une vingtaine de pages, mais elles me sem­blent capitales pour répondre à votre interrogation. Sartre distingue as­sez bien: «Aventurier ou militant: je ne crois pas à ce dilemme. Je sais trop qu'un acte a deux faces: la négativité, qui est aventurière, et la construction qui est discipline. Il faut rétablir la négativité, l'in­quié­tude et l'autocritique dans la discipline ».

Dans une fameuse querelle, vieille d'un demi-siècle, je me sens plus proche de Sartre que de ces «Hussards» qui harcelaient le lourd convoi de la littérature engagée.

Je crois, par ailleurs, qu'il y a quelque simplification abusive à oppo­ser aventurier de l'action et aventurier du rêve. Drieu la Rochelle l'a­vait fort bien compris qui se refusait à enfermer l'aventure dans le car­can dérisoire de la gratuité. Si l'on parle voile, le plaisancier peut se révéler aussi «aventurier» que le navigateur de compétition. Et vice-versa. Moilessier-Tabarly.

L'opposé de l'aventurier? C'est le bourgeois. Voir Flaubert qui a tout dit là-dessus. Le champ reste vaste, infini même, y compris avec la boutade de Péguy qui prétendait que les pères de famille étaient les aventuriers de son siècle.

Sur la littérature comme «vision du monde», je voudrais encore citer Drieu. J'ai récemment découvert un article du 20 février 1932: «Il n'est donné à personne d'écrire une ligne qui, à un égard quel­con­que, soit neutre. Un écrit présentera toujours une significa­tion politique aussi bien qu'une signification sexuelle ou reli­gieuse».

Non, I'aventure n'est pas le passé. Croyez-moi, on vivra encore fort dangereusement au XXIe siècle.

Pierre Mac Orlan, dans son fameux Petit manuel du parfait aventurier (aujourd'hui réédité au Mercure de France) mettait l'accent sur le paradoxe de l'aventurier, à savoir que celui-ci n'existe pas, qu'il n'est que recréation a posteriori, minéralisa­tion pseudo-mythologique par une société bourgeoise avide de rêves et d'exploits; et que, a contrario, ce même aventurier ne mon­trait dans ses actes que cruauté, nihilisme et cynisme, si­non cupidité. On est là, nous semble-t-il, à mille lieues du message que diffusent vos ouvrages, plus proches de Jack London que de Lawrence d'Arabie.

JM: Je devais avoir une douzaine d'années quand j'empruntais dans la bibliothèque de mon père ce petit manuel dont vous parlez et je me souviens d'avoir été fort déçu. Brusquement privé de mon ima­ginaire adolescent, nourri de L'île au trésor de Stevenson et des Cor­sai­res du roi de t'Serstevens. D'où mon ultérieure méfiance envers Mac Orlan, maître-démystificateur. Il me retira l'envie d'être un aven­turier. J'en devins, par réaction sans doute, militant.

Cela n'enlève rien à la sombre fascination des gentilshommes de fortune. Mais je m'identifiais plus facilement à Cyrano qu'à L'Olon­nois ou Borgnefesse...

Il devait toujours me rester, du drame épique d'Edmond Rostand, l’opinion que c'est bien plus beau quand c'est inutile... Cette sensation fut confortée par le film La patrouille perdue de John Ford, avant de trouver son épanouissement avec Le désert des Tartares de Buzzati. J'ai été frappé du fait que les batailles fondatrices —ces aventures exemplaires— sont toujours des batailles perdues: Sidi Brahim, Camerone, El Alamo, Bazeilles, Berlin, Dien Bien Phu. Cela devait renforcer mon pessimisme foncier (toujours Flaubert, bien plus que Stendhal). Mais un pessimisme qui incite à l'action plus qu'au rêve. Voir là-dessus les sagas et Corneille.

Dans mon cas très personnel, ce qui m'a rendu assez exaltante la guerre d'Algérie en 58-59, c'est que je savais qu'elle était perdue pour l'armée dans laquelle je me battais. On retrouve ce sentiment à la puissance dix quand j'ai rejoint Philippe Héduy et l'équipe de L 'Esprit public à la fin de 1962.

A l'âge des relectures, j'ai repris La Bandera, La cavalière Elsa et même Picardie, avec un constant sentiment de malaise. Seul bou­quin à surnager: L'ancre de miséricorde.

Il est de fait que le «roman d'aventure» n'est que substitution. Le lecteur vit ce qu'il n'est pas, revit même ce qu'il n'a pas vécu. Phé­nomène auquel la télévision donne une dimension fasci­nan­te et onirique. On «fait» la guerre ou l'amour par procuration de­vant le petit écran. Triomphe de l'illusion absolue.


Mac Orlan (…) me retira l'envie d'être un aventurier. J'en devins, par réaction sans doute, militant»

Le héros de votre dernier livre, Padraig Pearse (Patrick Pearse une vie pour l'Irlande, éditions Terre et Peuple) donne aussi cette impression d'osciller entre l'idéalisme révolutionnaire et le plus noir nihilisme, l'amour des hommes et la froide détermination criminelle. Un peu comme Ungern avant lui, et ce, dans une perspective très proche des Conquérants de Malraux.

JM: Ce côté nihiliste et même suicidaire de Patrick Pearse a été souvent mis en avant par ses adversaires. Si vous retirez cette im­pression de mon livre, c'est que j'aurais manqué ma démonstration. Car c'en est une. Ce court essai décrit une sorte de cheminement inévitable qui conduit un homme —qui est un écrivain, donc un artiste— du combat culturel à l'engagement politique et de cet engagement à la lutte armée. Une autre dimension de Pearse, et non la moindre, est son rôle d'éducateur à Saint-Enda.

Nous sommes très loin d'un aventurier, comme le sera après lui, par bien des traits de son caractère, un homme comme Michael Collins. Pearse me semble la plus haute incarnation du «soldat politique». Il va accomplir un geste fou, mais qui lui semble le seul capable de réveiller le peuple irlandais. Evoquer Les Conquérants à son sujet me paraît fort éclairant.

Ne pas oublier aussi que ce petit livre se situe dans la même ligne que mon gros ouvrage sur Les éveilleurs de peuples (Jahn, Mazzini, Mickiewicz, Petöfi et Grundtvig). Pearse se bat dans leur sillage et conjugue en lui tous les aspects de leurs diverses personnalités: poèt­e, éducateur, militant, prophète, martyr...

Ungern, lui, échappait à cette sorte de «rationalisation de la folie». Il était à la fois plus dément et plus lucide.

Dans votre livre La Torche et le Glaive, vous écrivez ces mots, superbes: «Ecrire pour moi n'est pas un plaisir ni un privilège. C'est un service comme un autre. Rédiger un article ou distribuer des tracts sont des actes de même valeur (...) Ecrire doit être un jeu dangereux. C'est la seule noblesse de l'écrivain, sa seule manière de participer aux luttes de la vie». Or, en relisant Dominique de Roux, quelle ne fut pas notre surprise de retrouver des propos similaires, et écrits à peu près à la même époque: «Ces dernières années, j'ai compris ceci: la littérature et l'action révolutionnaire directe sont, toutes les deux, des modalités d'approche de la mort (...) C'est à travers la mort que la littérature devient action révolutionnaire, et c'est par la mort que l'action révolutionnaire rejoint la littérature». Il ne paraît pas usurpé aujourd'hui de voir en lui un aventurier des lettres.

Fort de ces confidences, et au risque de nous répéter, l’aven­ture du prochain siècle ne serait-elle pas davantage intérieure? Entendez par là une attitude que nous qualifierions de « Re-deviens ce que tu es». N'est-ce pas là somme toute l'objectif supérieur assigné à la littérature, tels que vos écrits nous le laissent à penser?

JM: D'abord, ne nous faisons pas trop d'illusions, nous autres écri­vains, sur l'importance de ces «aventures» que sont nos livres. On ne sait trop quel usage en feront nos lecteurs. Ainsi l'influence d'un Barrès nous apparaissait hier surprenant et aujourd'hui incro­yable.

Je suis d'une génération marquée au fer rouge par Montherlant et Malraux. C'est dire si Sartre et Camus m'ont paru ensuite d'une rare fadeur. On revenait à la littérature «fin de siècle» avec l'esthétisme méditerranéen et l'intellectualisme dreyfusard.

La contre-attaque des «Hussards» m'a semblé moins pertinente que celle des garçons de la fournée suivante, et notamment Dominique de Roux et Jean-Edern Hallier. On se doit d'ajouter Jean-René Hu­guenin et Jean de Brem, mais ils sont morts trop tôt.

Il faudrait parler de la mort. Dominique comme Jean-Edern en avait la fascination, la prescience. C'est une réflexion qui ne vient pas seu­lement avec l'âge. Là encore, on retrouve Malraux. L'idée tragique de la vie. Vous posez ensuite une sorte d'opposition entre «action in­térieure» et «action extérieure». Il y a là une tentation: la voie royale Guénon/Evola. Elle m'intéresse, mais c'est un chemin qui ne m'attire guère. Je suis plutôt fasciné, dans le même ordre d'esprit, par la dia­lec­tique paix/guerre. Disons Giono/Malraux (toujours lui). Nietzsche a­vait assez bien pressenti tout cela. La tentation de la tour d'ivoire se heurte à la brutale affirmation que la rue appartient à celui qui y descend.

Il est évident que pour un écrivain, l’acte d'écrire est intérieur et l'acte de publier extérieur. Deux aventures strictement complémentaires. Il me semble que vous faites allusion à «la politique». Autant sa version politicienne et même politicarde m'est totalement étran­gère, autant le sort de la cité, de ma patrie charnelle à l'Europe, n'a jamais cessé de me hanter. D'où une réflexion sur l'Etat, dont le but doit être de «fortifier » le peuple et non de servir une idéologie.

« Je suis d’une génération marquée au fer rouge par Montherlant et Malraux, c'est dire si Sartre et Camus m’ont paru ensuite d 'une rare fadeur »

Toujours dans le même registre, mais autre aventure aussi intensément vécue depuis bientôt cinquante ans, l’engagement fédéraliste, qui combine dans la même absoluité européisme passionné et défense des identités charnelles. Vous dites dans le Manifeste pour la renaissance de la culture normande que la culture française ne sera sauvée que par son ressourcement dans ses traditions régionales et son ouverture à l'Europe des lettres. Pouvez-vous préciser?

JM: L'identité d'un peuple, c'est son esprit autant que sa chair. C'est pourquoi le «culturel d'abord» me paraît plus décisif que le fameux «politique d'abord» de Maurras. Certes, je ne nie pas la vi­sion politique. Mais je la situe hors des multiples et néfastes contin­gen­ces actuelles. Pour moi, tout se résume dans la dialectique, di­sons plutôt la confrontation, entre ces deux entités, non contra­dic­toires mais complémentaires, qu'est l'Empire, c'est-à-dire l'Europe, et les peuples qui ne se confondent certes pas avec les états-nations existants.

L'Europe, si elle veut préserver son identité et s'affirmer par rapport au reste du monde, c'est-à-dire en résistant d'abord et avant tout à l'impérialisme américain, doit être avant tout une et diverse.

Une politiquement, militairement, diplomatiquement, économique­ment. Mais diverse culturellement. C'est pourquoi la France n'a de signification qu'en assurant d'abord ce que la Pléiade nommait «la défense et l'illustration de la langue française». En ce domaine, le rôle de la Wallonie comme de la Suisse romande est capital, même si ces deux entités excitent le mépris du parisianisme le plus stérile.

Cette culture française, incarnée dans une langue, ne pourra retrou­ver quelque vivacité qu'en intégrant toutes ses spécificités régio­nal­es.

Je ne parle pas ici des langues dites «minoritaires», breton, flamand, alle­mand, corse, catalan, basque, occitan, mais aussi des différents dia­lectes d'oïl, tout comme de ce qu'on nomme le «français régio­nal», qui varie selon les pays et les usages.

L'actuelle promotion du «langage des banlieues» aboutit à un terrible appauvrissement, entre autres facteurs par l'emploi du «verlan», qui est le contraire d'une création pour devenir une mécanique.

Maintenir le langage écrit contre le langage parlé est un des aspects de la guerre culturelle. Cela se heurte certes à la modernité qui ne connaîtra bientôt plus qu'une sorte de basic French assez analogue à ce qu'est l'américain par rapport à la langue de Shakespeare.

Cette attitude implique le souci des «humanités» comme on disait autrefois, c'est-à-dire la connaissance du grec et du latin. On doit y ajouter, pour les patries charnelles concernées, une certaine con­nivence avec leurs racines les plus profondes. C'est-à-dire, en Nor­mandie, par exemple, des notions élémentaires sur le mode nor­rois primitif qui nous permettrait de maintenir le lien avec notre plus ancienne culture.

Et parce que pour vous l'aventure continue, pouvez-vous, pour les lecteurs de Nouvelles de Synergies Européennes, nous indiquer quelques prochaines pistes de lecture...

JM: Je n'ai pas à l'heure actuelle le projet d'écrire quelque grand document sur la Seconde Guerre mondiale, même si je suis loin d'en avoir terminé avec la vaste fresque des «corps d'élite», commencée voici près de trente ans chez l'éditeur Balland. Il me reste à écrire deux volumes de l'histoire des volontaires français sur le front de l'Est: 1943 et 1944. J'attends que mon jeune ami Eric Lefèvre me fournisse, comme cela a été dans le passé, les documents néces­sai­res à l'évocation de cette aventure. Je laisse à d'autres le soin d'évo­quer les motivations et les combats des volontaires baltes, ukrai­niens ou hongrois. Cela me demanderait trop de temps en recher­ches et traductions.

Après Béring et Amundsen, j'aurais eu envie de faire revivre d'autres explorateurs polaires comme le Suédois Nordenskjöld et le Danois Rasmussen. Mais le marché du livre et l'incuriosité du public sont tels que je n'envisage pas de me lancer dans ces aventures. Alors, je me concentre sur mes chroniques de Que lire? Le volume 6 est terminé et devrait paraître à la fin de cette année. J'en suis à plus de 450 écrivains et il reste environ deux cents auteurs que j'estime indispensable de traiter.

J'ai aussi l'intention de consacrer un livre à ce mystère qu'est la per­ma­nence de la Normandie depuis onze siècles. Mon projet d'une gi­gan­tesque histoire des écrivains normands, en plusieurs volumes, res­te pour le moment à l'état de notes et de fiches, faute d'avoir trouvé un éditeur assez entreprenant.

Quant au roman sur la dernière guerre dont j'ai l'idée depuis plus d'un demi-siècle, il sera peut-être réduit à une simple nouvelle.

De la part de la rédaction, M. Mabire, merci.

(Entretien recueilli par Laurent Schang)

 

 

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Empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

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Les empires océaniques des steppes et des mers ouvertes

Guido GIANNETTINI

L'empire qui a connu la plus grande expansion au cours de l'histoire a été celui des Mongols, qui ont proclamé leur chef Djingghis Khan (Gengis Khan), soit le “souverain océanique”. C'est dans ce sens que je vais parler, dans cet exposé, d'“empires océaniques”. Les “empires océaniques” des steppes sont originaires d'Asie Centrale, justement comme celui des Mongols. Les “empires océaniques” des mers extérieures se sont constitués à partir du 16ième siècle de notre ère sous l'impulsion des grandes puissances européennes qui se sont projetées sur les mers du globe.

Il existait toutefois, avant ces deux types d'empires “océaniques”, un type différent, anomal, qu'on pourrait attribuer au type “océanique”: c'est celui qui s'est constitué au départ de l'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère et qui s'est dissous en l'espace d'un matin. Il s'agit à mes yeux d'une apparition mystérieuse et inexplicable sur la scène de l'histoire. Mais c'est un mystère que je me dois d'expliquer avant de passer à l'argument spécifique de mon exposé.

L'expansion des cavaliers arabes entre le 7ième et le 8ième siècles de notre ère est une expansion veritablement hors norme, que l'on ne pourra pas comparer à un autre exemple historique semblable, antérieur ou postérieur. D'un point de vue géopolitique, cette expansion paraît absurde.

Il n'existe aucun exemple de conquête par voie de terre partie d'une péninsule (la péninsule arabique) qui ait pénétré profondément dans la masse continentale (l'Asie occidentale) puis s'est étendue sur un littoral très long mais sans aucune profondeur (l'Afrique du Nord). Dans tout le cours de l'histoire, on n'a jamais vu quelque chose de semblable. D'un point de vue géopolitique, les conquêtes arabes présentent toutes les caractéristiques des expansions propres aux puissances navales, qui, elles, procèdent par “lignes extérieures”, sur les marges des masses continentales. Dans le cas de l'expansion arabe, nous avons une occupation d'une bande littorale, mais effectuée par voie terrestre.

Les causes de cette expansion hors norme sont au nombre de deux. Tout d'abord, il faut savoir que le désert est comme la mer: on ne peut pas l'occuper, on peut simplement tenir en son pouvoir les oasis, comme la puissance maritime occupe et tient en son pouvoir les îles de l'océan. La seconde cause doit être recherchée dans le caractère fortuit, inconsistent, inexistent des conquêtes —en langue arabe il existe un terme indiquant quelque chose qui n'existe pas, mahjas, dont dérive le mot italien mafia; c'est quelque chose d'inexistent mais qui existe tout de même. Nous avons donc affaire à un empire territorial créé à parti de ce rien qui est tout de même quelque chose.

L'expansion des Arabes au départ de leur péninsule d'origine a été rendue possible par une série inédite de facteurs fortuits, tous concentrés dans le même espace temporel. En premier lieu, l'expansion arabe a bénéficié de la faiblesse intrinsèque, à l'époque, des empires byzantin et sassanide, littéralement déchiquetés par plus de vingt années de guerres ruineuses où ils s'étaient mutuellement affrontés. Cet état de déliquescence mettait quasiment ces empires dans l'impossibilité d'armer des troupes et de les envoyer loin, à mille, à deux mille kilomètres de leur centre, où même plus loin encore, contre ce nouvel ennemi qui déboulait subitement du désert. Pire, il leur était impossible de reconstituer des armées dans des délais suffisamment brefs, si celles-ci étaient détruites. En effet, une puissante armée byzantine avait été anéantie sur le Yarmouk en 636 et une autre, sassanide, avait été écrasée par les Arabes à Nehavend en 642. La raison de cette double défaite était d'ordre climatique: le vent du désert, le simoun (de l'arabe samum), avait soufflé dans leur direction pendant plusieurs jours d'affilée, les avait immobilisés et assoiffés, tandis que leurs adversaires arabes combattaient avec le vent qui les poussait dans le dos, sans qu'ils ne fussent génés en rien par la tempête de sable.

Autre facteur qui a rendu aisée l'expansion des Arabes: les luttes intestines qui divisaient les Byzantins, d'un côté, les Wisigoths d'Espagne, de l'autre. L'empire byzantin venait de traverser une tumultueuse querelle d'ordre religieuse, assortie d'un cortège de violences et de persécutions. Pour toutes ces raisons, entre 635 et 649, les autorités religieuses et les populations ont confié spontanément aux Arabes les villes de Damas, Jérusalem, Alexandrie d'Egypte, de même que l'île de Chypre. Ensuite, à cette époque-là, les autorités musulmanes se montraient tolérantes (au contraire des fanatismes intégralistes que l'on a pu observer par la suite) et se sont empressées de souligner les traits communs unissant les fois chrétienne et islamique. Elles ont accepté que les habitants de confession chrétienne dans les cités conquises exercent librement leur culte et se sont borné à lever une taxe, modérée en regard de ce qu'exigeait auparavant le basileus byzantin.

La conquête de l'Espagne s'est déroulée dans des conditios analogues. Après le décès du roi wisigoth Wititsa, deux prétendants se sont disputé le trône: Roderich et Akila. Ce dernier a fait appel aux Arabes et leur chef, Tariq Ibn Ziyad débarque en 711 dans la péninsule ibérique en un lieu qui porte encore son nom, Gibraltar, de l'arabe Djabal Tariq, “la montagne de Tariq”. Son armée est forte de 7000 hommes, en grande partie originaires du Maghreb. Ils seront suivis par d'autres. Les Arabes et les Wisigoths partisans d'Akila finissent par avoir raison des Wisigoths partisans de Roderich. Ces derniers sont attaqués dans le dos par les Basques et par la communauté juive, qui est particulièrement nombreuse en Ibérie (elle est la plus forte diaspora d'Europe). Les Juifs se soulèvent, équipent une armée et s'emparent de plusieurs villes qu'ils livrent aux Arabes, tandis que les féaux de Roderich commencent à déserter.

Toutefois, les Arabes, malgré ce concours de circonstances favorables, ont eu du mal à briser la résistance des Wisigoths. Ils n'ont pas pu occuper toute la péninsule ibérique, parce que les montagnards du Nord et des Cantabriques ont repoussé toutes leurs tentatives de conquête. Ensuite, après avoir tenté de pénétrer en France, les Arabes sont définitivement vaincus en 732 près de Poitiers. La défaite de Poitiers, ainsi que l'échec de l'attaque contre Constantinople, mettent fin à l'expansion arabe.

Le déclin a été quasi immédiat. A peine 23 ans après avoir atteint le maximum de son expansion  —à la veille de la bataille de Poitiers—  le grand empire arabe de Samarcande à l'Atlantique commence à se désagréger: en 755, le Califat ommayade d'Espagne fait sécession, suivi immédiatement par d'autres Etats arabes séparatistes du Maghreb, d'Egypte et d'Orient. Mais un grand empire avait existé, pendant peu de temps, il n'a tenu que 23 ans!

Un empire rêvé, crée par un peuple de rêve et forgé par une culture imaginée: mahjas. En effet, le peuple arabe, créateur de cet empire, n'était pas un peuple selon l'acception commune, c'est-à-dire la fusion de tribus sœurs issues d'un même désert arabique; il n'allait pas le devenir non plus, mais au contraire, juxtaposer en sa communauté de combat des peuples de plus en plus différents, issus des pays conquis.

Mais la culture arabe, elle, est plus homogène. L'islamisme est une forme de syncrétisme religieux alliant des élements de judaïsme et de christianisme et reprenant à son compte des courants chrétiens considérés comme “hérétiques”. La philosophie arabe est une reprise pure et simple de la philosophie grecque, basée sur la dichotomie Platon/Aristote. Les bases des connaissances mathématiques, astronomiques, géographiques, physiques et même ésoteriques dans le monde arabe au temps de la grande conquête sont d'origines grecque et persane. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la pensée arabe est une pensée ouverte aux cultures grecque et iranienne (car l'ancienne civilisation du pays d'Aryanam n'est pas orientale). C'est patent à l'époque du Califat abasside, quand l'Islam, après la chute de l'empire sassanide, a subi directement et puissamment l'influence des peuples conquis.

L'art arabe en général, comme l'art mauresque en Espagne, est constitué de variantes de l'art roman ou byzantin. Enfin, les chiffres considérés comme “arabes” sont en fait indiens, mais les Arabes les ont transmis à l'Europe. Comme du reste d'autres faits de culture venus des régions indo-européanisées d'Asie, tel le jeu d'échecs, qui est iranien, mais nous est parvenu grâce à la médiation arabe.

En réalité, les Arabes ont surtout exporté leur langue en Afrique et en Orient. Mais comme on peut observer que les langues sémitiques sont très proches les unes des autres, et ne sont finalement que des dialectes d'une même langue, cette similitude a favorisé la diffusion de l'arabe dans de nombreuses régions.

Le grand atout de la culture arabe au temps de la grande conquête a été l'extraordinaire capacité, et même le mérite, d'appréhender sans frein tout ce qui venait d'ailleurs, de le remodeler et de le diffuser tous azimuts. Une telle capacité, même si elle peut être interprétée comme un absence de spécificité propre, a contribué à atténuer les rigidifications à l'œuvre dans le monde entourant les Arabes, rigidités qui expliquent aussi l'expansion fulgurante de ceux-ci, qui serait incompréhensible autrement.

Pendant près de 1800 ans, du début du Vième siècle ap. J.C., jusqu'à l'époque de Gengis Khan, les peuples turcs ont dominé l'Asie centrale septentrionale, puis se sont répandus dans l'Asie occidentale pour donner ensuite l'assaut à l'Europe. Cette phase d'expansion commence vers l'an 1000, quand la domination turque en Asie n'est pas encore achevée. Elle se manifeste surtout dans la longue lutte contre l'empire byzantin, qui se terminera par la chute de Constantinople (1453) et par les raids dans l'espace danubien. La phase descendante commence, elle, par l'échec du siège ottoman de Vienne (1683) et surtout par la reconquête du Sud-Est européen sous l'égide du Prince Eugène, actif dans la région de 1697 à1718, puis de ses successeurs qui guerroyèrent pendant vingt ans pour imposer aux Ottomans la Paix de Belgrade en 1739.

Même sans prendre en considération les 180 dernières années de vie de l'Empire ottoman  —depuis la Paix de Belgrade jusqu'à sa fin en 1918—  nous constatons que l'expansion de cette puissance turque s'étend sur un arc de treize siècles, pendant lesquels les peuples turcs, habitant à la charnière de l'Europe et de l'Asie, ont joué un rôle primordial parmi les protagonistes de l'Histoire. Il ne s'agissait certes pas d'un Etat unique et d'un peuple unique et cette histoire a connu des phases sombres et de déclin, mais cela s'observe également dans l'histoire de l'empire romain ou des empires des divers peuples de l'Iran, les Mèdes et les Perses, les Parthes et les Sassanides.

La préhistoire des peuples turcs présente encore beaucoup de zones d'ombre et d'incertitudes, comme du reste celle des peuples mongols. Malgré ces difficultés, nous pouvons affirmer aujourd'hui que le peuple proto-turc le plus ancien  —le nom “Turc” ne se diffusera qu'ultérieurement—  apparaît sur le théâtre de l'Histoire vers l'année 400 de notre ère: c'est le peuple des Tabgha'c, originaires d'Asie septentrionale, qui, en 70 ans à peu près, domine toute la Chine septentrionale, depuis les Monts Dabie Shan (limite septentrionale des affluents de la rive gauche du fleuve Yang-Tse). Ce sont eux qui fondent la dynastie Wei.

Tandis que les Proto-Turcs Tabgha'c descendent sur la Chine du Nord, en Asie septentrionale, dans la région dont les Tabgha'c sont originaires, se rassemble le peuple des Juan-Juan, connus également sous le nom de Ju-Jan, Ju-Ju ou Jui-Jui. Certains savants les identifient aux War ou Apar ou Avars qui atteindront la Hongrie. D'autres prétendent qu'ils ne sont pas identiques mais parents. Les Juan-Juan étaient des Proto-Mongols, mais leur empire a englobé aussi des peuples proto-turcs ou turcs, paléo-asiatiques et, forcément, des tribus d'autres ethnies.

Vers 520, leur empire commence à s'affaiblir, puis tombe en déclin, à la suite d'une révolte de deux clans que les sources chinoises appellent respectivement les T'u-küeh et les Kao-kü.

Les premiers sont originaires des Monts Altaï et sont les ancêtres des Turcs, le terme chinois T'u-küeh correspondant à Türküt, pluriel mongol de Türk, c'est-à-dire “homme fort” en langue turque. Notons toutefois que quelques auteurs interprètent le terme “Türk” comme un pluriel, “Tür-k”, par analogie à “Tur-an”, pluriel de “Tur”: dans ce cas, il s'agirait d'une reprise par les Turcs d'une dénomination d'origine iranienne, désignant l'“Iran extérieur”. Ensuite, l'autre clan en révolte contre les Juan-Juan était également turc, c'était celui des Tölös, ancêtres des Ouighours.

C'est ainsi que les Turcs, sur les ruines de l'empire des Juan-Juan, ont fondé leur propre empire, s'étendant de Jehol (aux confins de la Mandchourie moderne) jusqu'à la Mer d'Aral, territoire correspondant à toute la zone méridionale du Heartland de Mackinder. Pendant 300 ans environ, l'empire turc  —malgré sa division en deux Etats (quasiment depuis le début), l'un oriental, l'autre occidental—  a dominé le cœur de l'Asie. Puis, vers la moitié du VIIIième siècle, sa partie orientale est absorbée par les Ouighours, eux aussi d'origine turque, tandis que la partie occidentale se fractionne en khanats indépendants.

A partir du khanat des Oghuz, situé dans un territoire au nord du Lac Balkach, se profile d'abord le clan des Seldjouks, qui amorce par la suite un mouvement vers l'Ouest, leur permettant d'abord de conquérir l'Iran oriental, puis l'Iran occidental, ce qui les rend maîtres du versant sud-occidental du Heartland. C'est après la consolidation de cette phase-là de leurs conquêtes, que les Seldjouks se mettent à attaquer l'Empire romain d'Orient (Byzance), bastion avancé de l'Europe contre les invasions venues d'Asie. D'un point de vue géopolitique, il s'agit de la même ligne d'expansion qu'avaient empruntée précédemment les empires iraniens.

Mais les Seldjouks ne sont jamais arrivés en Europe. La dynastie des Osmanli se profile au XIIIième siècle en Anatolie, prend le contrôle de la partie occidentale de l'empire seldjouk et réamorce les pressions expansives en direction de l'Occident. Les Osmanlilar  —pluriel turc qui désigne ceux que les Occidentaux appellent les Ottomans—  s'emparent de toute l'Anatolie et, sans tenter de conquérir l'enclave byzantine que sont Constantinople et la Thrace orientale—  passent en Europe, atteignent le Danube au cours du XIVième siècle. Ce n'est qu'après avoir atteint le Danube que les Turcs lancent l'ultime assaut contre Constantinople qu'ils conquièrent en 1453.

Ensuite, une série de campagnes militaires les amènent aux portes de Vienne qu'ils assiègent en 1683. Au même moment, les Ottomans, disposant de la plus forte puissance musulmane, deviennent les protecteurs du monde islamique et imposent leur autorité aux Etats arabes d'Afrique du Nord et du Maghreb.

Pourtant, l'histoire de l'expansion ottomane nous apprend que l'on ne peut pas contrôler l'Europe seulement en contrôlant les côtes méridionales de la Méditerranée. En pénétrant par le Sud-Est, à travers les Balkans et l'espace danubien, les Ottomans atteignent la porte d'entrée du cœur de l'Europe, Vienne et Pressburg/Bratislava. Leur calcul était clair: ou bien ils franchissaient cette porte et s'emparaient de l'Europe, ou bien ils étaient refoulés. L'avancée des Trucs en direction du cœur germanique de l'Europe a été bloquée. Les Européens ont reconquis les Balkans. Les Osmanlilar sont tombés en décadence. Les Turcs, comme toutes les tribus ouralo-altaïques avant de commencer leur expansion, habitaient les steppes eurasiatiques, dans des territoires voisins de ceux qu'avaient occupés plusieurs peuples indo-européens entre le IIIième et le IIième millénaires avant J.C. Ce voisinage a provoqué des échanges, ce qui a donné, à la longue, des similitudes culturelles entre Indo-Européens et Proto-Turcs: par exemple, le caractère guerrier de leurs sociétés, l'association homme/cheval et la structure hiérarchique et patriarcale des sociétés. En matières religieuses  —l'islamisation des Turcs n'aura lieu que très tard et ne concernera que les Turcs d'Asie occidentale—  nous constatons une typologie céleste et solaire des divinités suprêmes.

Citons par exemple Tenggri, “le dieu bleu du Ciel“ ouralo-altaïque, ou le bi-Tenggri turc, phrase signifiant “Dieu est” que l'on a retrouvé grâce à la tradition hsiung-nu. Elle se rapproche de la racine indo-européenne du nom de Dieu, *D(e)in/Dei-(e)/Dyeu, signifiant “lumière active du jour, splendeur, ciel”. L'origine ethnique des Turcs, selon leur Tradition, présente une analogie singulière avec l'origine mythique de Rome: le totem des Turcs était le loup et leur héros éponyme aurait été alaité par une louve, exactement comme Romulus et Remus.

Enfin, à la fin des temps archaïques, la culture indo-iranienne s'est imposée à toute l'Asie centrale. Cette influence a également marqué les Turcs Seldjouks aux XIième et XIIième siècles après J.C., quand ils se sont répandus à travers le territoire iranien et ont retrouvé une sorte de familiarité avec la culture iranienne, dans la mesure où les chefs et les souverains conquérants se paraient ostentativement de noms tirés des textes épiques du Shahnameh, comme Kai Kosrau, Kai Kaus, Kai Kobad.

Plus tard, les Ottomans, surtout après la conquête de Constantinople, ont voulu montrer qu'ils assuraient la continuité de l'empire byzantin. D'abord, ils installent leur capitale dans la ville même de Constantinople, en ne changeant son nom qu'en apparence, car Istanbul dérive de “is tin pol”, prononciation turque de la désignation grecque “eis ten polis”, soit “ceux qui viennent dans la Cité”.

Dans leur bannière, les Ottomans ont repris la couleur rouge de Byzance, la frappant non pas de l'étoile et du quart de lune actuels, mais du soyombo  altaïque, qui possède la même signification que le t'aeguk coréen représentant le yin et le yang, c'est-à-dire l'union du soleil et de la lune que l'on retrouve encore dans les drapeaux mongol et népalais: le soleil y est un astre à plusieurs rayons (de nombre paire), la lune y est un croissant comme dans le premier et le dernier quart de ses phases. Le soleil contenu dans le soyombo était encore bien présent au début de notre siècle: il n'a été remplacé que sous l'influence des “Jeunes Turcs” par l'étoile maçonnique à cinq branches qui, avec le quart de lune, évoque le symbolisme oriental du ciel nocturne.

L'empire ottoman et, avant lui, celui des Seldjouks, ont été en contact avec des territoires dont la valeur géopolitique est spécifique et significative: la région danubienne-anatolienne et la région iranique. Ces territoires semblent exiger de leurs maîtres d'assumer la même fonction que celle qu'assumaient avant eux les peuples qui les ont habités. Surtout dans le cas iranien, qui évoquait en un certain sens le monde de leurs origines.

Les Mongols sont le seul peuple à avoir conquis une bonne part de la World-Island, l'île du monde eurasiatique telle que la définissent les théories géopolitiques de Halford John Mackinder, étendant leur domination des côtes du Pacifique à la Mer Noire, en poussant même des pointes en direction de l'Allemagne et de l'Adriatique. La base de départ de leur expansion était la zone centrale du Heartland, selon un développement qui semblait suivre avec grande précision les lignes de la géopolitique la plus classique.

Dans ce cas, toutefois, le terme “mongol” est impropre. En fait, au début de l'“Année de la Panthère”, soit au printemps de 1206, Gengis Khan, le “souverain océanique”, dont le pouvoir s'étendait aux rives de quatre océans, qui descendait du Börte-Chino (le “Loup bleu du Ciel”) et de Qoa-Maral (la “Biche fauve”), convoque aux bouches du fleuve Onon le quriltai,  la grande assemblée, réunie autour du tuk  impérial (le drapeau blanc avec le gerfaut, le trident de flammes, les neuf queues bleues de yaks et les quatre queues blanches de chevaux). Y viennent les chefs d'une vaste coalition de peuples appelés à former le monghol ulus,  la nouvelle grande nation mongole. Mais, outre le Kökä Monghol, c'est-à-dire les “Mongols bleus gengiskhanides”, on trouvait, au sein de ce rassemblement qu'était la nouvelle grande nation mongole, des Mongols Oirat et Bouriates, les Turco-Mongols Merkit, les Toungouzes Tatarlar (Tatars) et les Turcs Kereit, Nemba'en (ou Nayman), les Ouighours et les Kirghizes.

Pour avoir accordé à tous ces peuples la nouvelle “nationalité” mongole dans le cadre de l'empire du “souverain océanique”, le “monghol ulus” était une coalition ethnique aux composantes variées, que l'on ne définira pas comme proprement “mongole” mais plutôt comme “altaïque” ou comme “centre-asiatique”, vu que cette nation élargie comprenait des peuples importants, ainsi que des tribus et des clans paléo-asiatiques et irano-touraniques.

L'expansion des Mongols en direction de l'Occident a été jugée de manières forts différentes par les peuples qui l'ont subie ou observée. En règle générale, cette expansion a suscité la terreur, de l'Asie centrale à la Russie, de l'Allemagne à la Hongrie, surtout en raison des terribles massacres commis par les envahisseurs.

Cependant, les Francs du Levant, détenteurs des Etats croisés survivant vaille que vaille, ont, eux, accueilli les Mongols comme des libérateurs. Dans leur cas, il ne s'agissait plus du “souverain océanique” mais de son petit-fils Hülagü, Khan de Perse et grand massacreur de musulmans. Hülagü combattait sans distinction tous les peuples islamiques, tant les Arabes que les Turcs occidentaux (les Seldjouks), et cela, pour deux motifs: l'un d'ordre essentiellement stratégique, l'autre, religieux. Le motif stratégique, c'était que, de fait, les Turcs occidentaux et les Arabes constituaient un obstacle à l'expansion mongole. Quant au motif religieux, les Mongols étaient à cette époque, pour une grande partie d'entre eux, des chrétiens nestoriens ou des bouddhistes. Hülagü était bouddhiste et sa favorite, Doquz-Khatoun, était chrétienne-nestorienne. Dès lors, ils massacraient tous les musulmans et épargnaient les chrétiens.

C'est pour cette raison que les Francs du Levant ont proclamé Hülagü et Doquz-Khatoun, le “nouveau Constantin et la nouvelle Hélène, très saints souverains unis pour la libération du Sépulcre du Christ”. Mongols et Croisés frappaient tous leurs étendards de croix et égorgeaient ou décapitaient tous les musulmans qui avaient l'infortune de se trouver sur leur chemin en Syrie ou en Palestine: les anciennes chroniques parlent de 1755 pyramides de têtes tranchées.

Mais quand la terreur a cessé, la moitié septentrionale de l'empire gengiskhanide a vécu la “pax mongolica”, permettant de réouvrir la “route de la soie” et de reprendre les échanges commerciaux entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient.

Plus tard, entre le XIVième et le XVième siècles, l'expansion ottomane en Europe et au Levant, de même que la turcisation et l'islamisation des khanats d'origine gengiskhanide d'Asie occidentale, ont provoqué un renversement complet de la situation: les contacts et les échanges entre l'Europe, l'Asie centrale et l'Extrême-Orient sont devenus très problématiques. Cette rupture des communications ont contraint notamment le Portugal et l'Espagne à franchir l'obstacle en amorçant une expansion maritime. Cette expansion outre-mer non seulement a réussi à rouvrir la route de l'Inde, mais aussi permi la découverte du Nouveau Monde. L'enjeu a donc été bien plus important qu'on ne l'avait prévu et l'expansion maritime des deux nations ibériques a été vite imitée par de nouvelles puissances navales, telles l'Angleterre, la Hollande et la France.

L'impossibilité d'atteindre rapidement et facilement l'Asie centrale et l'Extrême-Orient par les routes terrestres a obligé les Etats européens, à partir du XVième siècle, a opté pour une approche géopolitique complètement différente et de contourner par voie maritime toute la World-Island,  dans le but d'en atteindre les extrémités orientales par des voies extérieures. En d'autres termes, l'Europe, ne pouvant plus appliquer les règles découvertes cinq siècles plus tard par Mackinder, soit les règles de la géopolitique continentale, a à l'unanimité adopté celles de la géopolitique maritime, soit celles qu'allaient découvrir Mahan. L'Europe a donc abandonné son pouvoir continental pour partir à la recherche d'un pouvoir naval.

Au début, la valeur géopolitique de cette nouvelle option n'apparaissait pas très claire: il ne s'agissait pas encore d'une véritable expansion politique et stratégique, mais seulement de l'ouverture de voies commerciales. Toutefois, on est rapidement passé des comptoirs et établissements commerciaux à l'organisation de bases militaires et de points d'appui, occupés par des troupes. Ensuite, on s'est conquis des domaines coloniaux. A partir de ce moment-là, la pertinence géopolitique de l'expansion européenne d'outre-mer est dévenue très évidente.

Le Portugal établit ainsi en 1415 sa première tête de pont en Afrique, mais c'est encore en Méditerranée: il s'agit de la ville de Ceuta au Maroc, qu'il perdra par la suite à l'avantage de l'Espagne. Ensuite, les Portugais traversent l'Atlantique oriental, et commencent à contourner par voie maritime le continent noir. Ils abordent à Madère en 1417, aux Açores en 1431, au Cap Vert en 1445; ils atteignent l'embouchure du fleuve Congo en 1485, arrivent au Cap de Bonne Espérance en 1487 et, enfin, débarquent à Calicut (Kalikat/Kojikode) sur la côte sud-occidentale de la péninsule indienne. Ce n'est qu'après avoir ouvert la route des Indes que les Portugais se donnent de solides possessions coloniales le long de cette voie. Elles sont de véritables points d'appui stables pour garantir la libre circulation sur cette grande voie maritime. Ainsi, après Madère, les Açores, le Cap Vert et la Guinée, qui, de concert avec la métropole portugaise, formaient un système en soi, se sont ajoutées des colonies lointaines comme le Mozanbique (1506-07), la ville de Goa en Inde (1510) et l'Angola (1517).

Après s'être assuré de tous ces points d'appui et territoires, les Portugais complètent leur réseau de relais sur le chemin de la Chine en conquérant la partie orientale de l'île indonésienne de Timor en 1520 et en s'installant à Macao en 1553. Les Hollandais les empêchent de prendre l'ensemble de l'archipel. L'accès aux voies maritimes vers l'Orient est consolidé par la prise de possession de la côte occidentale de l'Atlantique, c'est-à-dire le Brésil, où le Portugal installe son premier point d'appui en 1526. Il achève la conquête du pays en 1680, après en avoir chassé les Hollandais.

L'Espagne évite dès lors toute tentative sur la route des Indes, déjà contrôlée par les Portugais. C'est cet état de choses qui motive la décision de la Reine Isabelle d'appuyer le projet de Colomb de trouver une autre route vers les Indes, en partant de l'Ouest au lieu de se diriger directement vers l'Est. Colomb n'a jamais atteint les Indes, mais, en revanche, il a découvert un autre continent, l'Amérique, qui s'est vite révélée très riche. L'Espagne s'est donc étendue à ce nouveau continent et en a occupé la moitié.

La découverte de l'Amérique réveille l'intérêt de l'Angleterre et de la France qui, contrairement à l'Espagne qui se projette sur la partie centrale et méridionale de ce double continent, tentent de s'emparer de sa partie septentrionale, à l'exception d'une brève parenthèse constituée par une tentative française de s'installer au Brésil entre 1555 et 1567. Anglais et Français commencent par n'assurer qu'une simple présence commerciale puis se taillent des domaines ouverts à la colonisation. Pour prospecter ce continent, les Anglais envoient en Amérique du Nord l'Italien Sebastiano Caboto (John Cabot) entre 1497 et 1498. Les Français envoient un autre Italien, Verrazzano en 1524, puis un des leurs, Cartier, en 1534. Mais toutes ces tentatives françaises et anglaises ne sont encore que des expédients: elles n'indiquent pas une ligne géopolitique spécifique et bien définie.

Le pouvoir naval anglais trouve ses origines dans les opérations conduites par l'ex-corsaire Sir Francis Drake entre 1572 et 1577. Ensuite, en 1584, Sir Walter Raleigh fonde la colonie de la Virginie, premier foyer de la future Nouvelle-Angleterre. Enfin, à partir de 1600, l'Angleterre se projette au-délà de l'Atlantique Sud et de l'Océan Indien et commence son expansion aux Indes, affrontant d'abord les Portugais, puis les Français.

Pendant une brève période de quelques décennies, le sea power anglais connaît une éclipse, causée par l'expansion outre-mer de la Hollande, qui venait d'arracher son indépendance à l'Espagne.

Les Hollandais, après l'expédition de Willem Barents dans les régions polaires, dans l'intention de trouver un passage maritime par le Nord pour atteindre la Chine, et après une guerre contre l'Angleterre au XVIIième siècle, prennent la même route que les Portugais vers les Indes, s'installent en Indonésie à partir de 1602, chassent les Portugais de Ceylan en 1609, et commencent à coloniser l'Afrique du Sud à partir de 1652. Les Boeren (Boers), terme signifiant “paysans”, sont donc les premiers habitants du pays, car ils s'y installent avant toutes les populations noires-africaines d'aujourd'hui. Toutefois les Hollandais ne renoncent pas à l'Amérique: en 1626, ils acquièrent l'île de Manhattan qu'ils achètent aux Ongwehonwe (les Iroquois) et lui donnent le nom de Nieuw Amsterdam. Les Anglais, en s'en emparant, lui donneront le nom de New York. Enfin, les Hollandais tentent de s'installer entre 1624 et 1664 dans le Nord-Est du Brésil.

Au cours de la seconde moitié du XVIIième siècle, la puissance navale anglaise renaît et la puissance navale française se forme. Toutes deux vont s'affronter. Tant la France que l'Angleterre tenteront une double expansion, vers l'Asie et vers l'Amérique du Nord.

La France en particulier tente de consolider ses possessions canadiennes, à partir de 1603. Ensuite, elle projette ses énergies vers l'Océan Indien, prend le contrôle de Madagascar entre 1643 et 1672, s'empare de l'île de la Réunion en 1654, afin de pénétrer dans le sub-continent indien. Toutefois tant l'Inde que le Canada lui échapperont, en dépit de l'acquisition de la Louisiane en 1682, qui soudait le territoire français d'Amérique du Nord, depuis la Baie de Hudson jusqu'au Golfe du Mexique. La France a dû céder le pas à l'Angleterre qui impose sa suprématie.

Après ce double échec français, l'histoire sera marquée, aux XVIIIième et XIXième siècles par l'expansion maritime de l'Angleterre et par la création de son “empire global”, basé sur le sea power. Comme l'empire britannique était fondé sur le pouvoir naval, son Kernraum n'est pas constitué du Heartland, mais par la maîtrise d'une masse océanique, l'Océan Indien, contre-partie maritime du “cœur du monde” continental.

Guido GIANNETTINI.

 

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samedi, 20 octobre 2007

Loi sur la "prohibition"

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Loi sur la "prohibition"

20 octobre 1919: Le Sénat des Etats-Unis fait voter la loi sur la prohibition, proscrivant la vente et la consommation de « boissons enivrantes » sur tout le territoire de l’Union.

Cette mesure, dictée par un puritanisme indécrottable, par une volonté maladive d’améliorer l’humanité pour en faire un troupeau atone et docile, engendrera paradoxalement l’essor de la lèpre mafieuse, au départ de la diaspora sicilienne des Etats-Unis, chassée d’Italie par le renouveau apporté par le fascisme de Mussolini. La loi sur la prohibition montre que le puritanisme protestant, en voulant faire l’ange, fait en réalité la bête ; cet esprit borné, qui jette un injuste soupçon sur toutes les propensions de l’homme à s’amuser et se détendre après le travail, est simultanément la source d’une calamité qui, des années 20 à nos jours, n’a fait que s’amplifier, en passant du trafic des boissons alcoolisées, et peu dangereuses, au trafic de drogues plus dures et réellement mortelles pour l’homme, trafics multiples à l’origine de fortunes colossales, de fonds et de dépôts blanchis, etc.

Aujourd’hui, la mafia fait partie des pouvoirs occultes et achète le personnel politique véreux, toujours en quête de fonds. Armin Mohler, le théoricien germano-suisse de la véritable nouvelle droite (ses avatars français n’étant que des imitations boiteuses, dues à la pusillanimité et à l’indécision d’un Alain de Benoist), avait prédit, dès 1981, que l’avenir serait soit à l’enseigne du goulag (mais le communisme et le « goulagisme » dénoncé par Soljenitsyne n’existent plus) soit à celle de « l’agonalité » (en utilisant ce néologisme, Mohler entendait un retour à l’hellénisme d’un Thucydide ou d’un Eschyle) soit à celle de la mafia, état sur lequel nous avons effectivement débouché, les diasporas multiples de l’ère multiculturelle accentuant le tableau jusqu’au paroxysme, jusqu’à la nausée.

Au puritanisme protestant américain s’ajoute désormais le puritanisme wahhabite saoudien, véhiculé dans nos quartiers, dits « défavorisés », par les fameux « imams de garage », couverture « sublime » et religieuse des activités douteuses des mafias diasporiques musulmanes.

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Sull'euro

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Robert Steuckers
"L'Euro non sarà una moneta credibile se non quando l'Europa sarà forte e sovrana!"
Intervento di Robert Steuckers in occasione di un colloquio sull'Euro a Paris-Saint-Germain il 13 dicembre 2001 e nel corso di una riunione di Renaissance Européenne a Bruxelles il 20 dicembre 2001
Cari amici,
    
A meno di tre settimane dall¹introduzione ufficiale dell¹Euro nell'UE, con
     l'eccezione del Regno Unito, della Danimarca e della Svezia, vorrei ricordare tre
     gruppi di fatti che devono inquadrare ogni pensiero sulla nuova moneta unica, sia
     che questa riflessione le sia ostile sia che le sia favorevole.

Io non sono un
     economista e il signor Chalumeau, qui tra noi, vi presenterà l'elemento economico
     dell¹introduzione dell'Euro con molta più incisività di me. Il mio proposito è
     dunque quello di dare qualche idea generale e di richiamare alcuni fatti storici.

     1. Innanzi tutto, l'Euro non è la prima moneta a vocazione europea o
     internazionale. L'Unione latina, dalla fine del XIX secolo al 1918, introdusse una
     moneta sovranazionale condivisa da Francia, Belgio, Svizzera, Grecia, in seguito
     da Spagna e da Portogallo, seguite da Russia e da alcuni paesi dell¹America
     Latina. La prima guerra mondiale, creando enormi disparità, mise fine a questo
     progetto di unificazione monetaria, il cui motore era la Francia con il suo
     franco-oro. L'Euro, in questa prospettiva, non è dunque una novità.

     2. Sulla base del ricordo dell¹Unione latina e sulla base di volontà, all¹epoca
     antagoniste, di creare l¹Europa economica attorno alla nuova potenza industriale
     tedesca, l¹idea di creare una moneta per l¹intero continente europeo non è
     malvagia a priori, anzi. Il principio è buono e potrebbe favorire le transazioni
     all¹interno dell¹area della civiltà europea. Ma se il principio è buono, la realtà
     politica attuale rende l¹Europa inadatta, al momento, a garantire la solidità di una
     tale moneta, contrariamente all¹epoca dell¹Unione latina, in cui la posizione
     militare delle nazioni europee si trovava nel mondo in posizione preponderante.

     3. L'Europa è incapace di garantire la moneta che essa oggi si dà, perché essa
     subisce un terribile deficit di sovranità. Nel suo insieme, l¹Europa è un gigante
     economico e un nano politico: questo paragone è stato ripetuto ad oltranza ed a
     giusto titolo. Quanto agli Stati nazionali, anche i due principali Stati del
     sub-continente europeo membri dell¹UE, la Francia e la Germania, non possono
     pretendere di esercitare una sovranità in grado di resistere o di battere la sola
     potenza veramente sovrana del mondo unipolare attuale, vale a dire gli Stati Uniti
     d¹America. Le dimensioni territoriali dopotutto ridotte di questi paesi, il numero
     limitato della loro popolazione, non permettono di elevare imposte sufficienti per
     dotarsi di elementi tecnici, tali da assicurare una tale sovranità. Perché oggi, come
     ieri, è sovrano chi può decidere sullo stato di urgenza e sulla guerra, come ci ha
     insegnato Carl Schmitt. Ma per essere sovrano, c¹è sempre stato bisogno di
     disporre di mezzi tecnici e militari superiori (o almeno eguali) ai propri potenziali
     avversari. Al momento attuale, questi mezzi sono rappresentati da un sistema di
     sorveglianza elettronica planetaria, come la rete ECHELON, nata dagli accordi
     UKUSA (Regno Unito e Stati Uniti) che inglobano anche il Canada, l¹Australia e
     la Nuova Zelanda, antichi dominions britannici. Il dominio dello spazio
     circumterrestre da parte delle potenze navali anglosassoni decolla da una strategia
     lungamente sperimentata: quella che mira a controllare le "res nullius" (i « territori »
     che non appartengono e non possono appartenere a nessuno, perché essi non
     sono tellurici, ma marittimi o spaziali).

     La prima "res nullius" dominata dall¹Impero britannico è stato il mare, dal quale
     furono impietosamente eliminati i Francesi, i Russi, i Tedeschi e i Giapponesi.
     Sotto l¹impulso ideologico dell¹Ammiraglio Mahan e della "Navy League"
     americana, gli Stati Uniti ricevettero la staffetta. Nel 1922, il Trattato di
     Washington consacra la supremazia navale anglosassone e giapponese (il
     Giappone non sarà eliminato che nel 1945), riducendo al nulla la flotta tedesca
     costruita da Tirpitz e ridimensionando le flotte francese e italiana. La Francia
     subisce qui uno schiaffo particolarmente umiliante e scandaloso, nel senso che ha
     sacrificato un milione e mezzo di soldati in una guerra dalla quale le due potenze
     navali anglosassoni vanno a trarre tutti i benefici, con sacrifici in proporzione
     minori. La dominazione del mare, prima res nullius, comporterà il controllo di un
     altro spazio inglobante, cosa che permetterà di soffocare i continenti, secondo la
     "strategia dell'anaconda" (Karl Haushofer). 
     Quest¹altro spazio inglobante,    egualmente una res nullius, è lo spazio 
     circumterrestre, conquistato dalla NASA e ormai pieno di satelliti di
     telecomunicazioni e di osservazione, i quali danno alle potenze che li schierano e li
     pilotano una superiorità in materia di informazione e di indirizzo di tiri balistici. Le
     potenze che non sono né marittime né spaziali sono allora letteralmente soffocate
     e schiacciate dall¹anaconda navale e da quello satellitare. Francesi  e Tedeschi
     hanno sempre mal compresa l¹utilità delle « res nullius » marittima e
     circumterrestre, malgrado gli avvertimenti di un Ratzel, di un Tirpitz o di un
     Castex. I popoli fissi sulla terra, che badano a vivere secondo le regole di un
     diritto ben solido e preciso evitando ogni ambiguità, difficilmente ammettono che
     uno spazio, impalpabile come l¹acqua o come l¹etere atmosferico o stratosferico,
     appartenga a qualcuno. Questa qualità contadina, questa preoccupazione del
     tangibile che è fondamentalmente onesta, retaggi di Roma, si rivelano delle tare
     davanti ad un approccio contrario che privilegia la mobilità incessante, la
     conquista delle linee di comunicazione invisibili e non quantificabili da un geometra
     o da un agrimensore.
     Ecco dunque i tre gruppi di considerazioni che vorrei voi prendeste questa sera in
     considerazione.
 

      Spazio circumterrestre e sovranità militare reale

     Prima di concludere, mi permetto di sottoporvi alcune considerazioni, questa volta
     di ordine storico e monetario. L'Euro ci è stato presentato come la moneta che
     farà concorrenza al dollaro ed eventualmente lo eclisserà. Di fronte a questo
     gioco di concorrenza, l'Euro parte perdente, perché il dollaro americano dispone
     di una copertura militare evidente, come è stato dimostrato dagli ultimi tre conflitti,
     del Golfo, dei Balcani e dell¹Afghanistan. L'incontestabile sovranità militare
     americana si vede consolidata da un apparato diplomatico ben rodato, in cui non
     si tergiversa e non si discute inutilmente e si dispone di un sapere storico ben
     strutturato, di una memoria viva del tempo e dello spazio, contrariamente
     all¹anarchia concettuale che regna in tutti i paesi d¹Europa, vittime di istrioni
     politici scervellati, nella misura in cui non si sentono più di tanto responsabili di una
     continuità storica che sia nazionale-statale o continentale ; questa irresponsabilità
     sfocia in tutte le fantasie di bilancio, in tutte le capitolazioni, in tutte le svendite.
     Atteggiamenti che interdicono lo sbocciare di una sovranità, dunque anche il
     diritto regale di battere moneta. La conquista da parte dell¹America dello spazio
     circumterrestre dà un enorme vantaggio nella corsa all¹intelligence, come vedremo
     tra poco. Ora, dall¹antichità cinese di Sun Tzu, qualsiasi principiante di studi
     strategici, dunque di studi politici, sa che la potenza proviene dall¹abbondanza e
     dalla precisione dell¹informazione: 1) Sun Tzu: "Se tu conosci il nemico e conosci
     te stesso, tu non conoscerai alcun pericolo in cento battaglie". 2) Machiavelli:
     "Quali sono le risorse fisiche e psichiche che io controllo, quali sono quelle che
     controlla il mio concorrente?". 3) Helmuth von Moltke: "Raccogliere in modo
     continuo e sfruttare tutte le informazioni disponibili su tutti gli avversari potenziali".
     4) Liddell-Hart: "Osservare e verificare in maniera durevole, per sapere dove,
     come e quando potrò squilibrare il mio avversario".  Da 2500 anni, il pensiero
     strategico è unanime; le centrali strategiche britanniche e americane ne applicano
     gli assiomi; il personale politico europeo, istrionico, non ne tiene conto. Dunque
     l'Euro resterà debole, fragile davanti ad un dollaro, forse economicamente meno
     forte in assoluto o in linea di pura teoria  economica, ma coperto da un esercito e
     da un sistema di informazioni terribilmente efficace.
     Il solo vantaggio dell'Euro è la quantità di scambi interni dell¹UE: 72%. Magnifica
     performance economica, ma che nega i principi di autarchia o di autosufficienza,
     opta dunque per un tipo di economia « penetrata » (Grjébine) e non protegge il
     mercato con strumenti statali o imperiali efficaci. Tali incoerenze portano al
     fallimento, al declino e alla caduta di una civiltà.
     Altro aspetto della storia monetaria del dollaro: contrariamente ai paesi europei, i
     cui spazi sono ridotti e densamente popolati ed esigono dunque una stretta
     organizzazione razionale che implica una dose più forte di Stato, il territorio
     americano, ancora largamente vergine nel XIX secolo, costituiva in sè, con la sua
     semplice presenza, un capitale fondiario non trascurabile, potenzialmente
     colossale. Quelle terre erano da dissodare e da organizzare: esse formavano
     dunque un capitale potenziale e costituivano un richiamo naturale a degli
     investimenti destinati a diventare redditizi.  Per di più, con l¹afflusso di immigranti e
     di nuove forze-lavoro, le esportazioni americane di tabacco, cotone e cereali non
     cessarono di crescere e consolidare la moneta. Il mondo del XIX secolo non era
     chiuso come quello del XX secolo e a fortiori del XXI, e consentiva del tutto
     naturalmente delle continue crescite esponenziali, senza grossi rischi di riflusso.
     Oggi il mondo chiuso non consente più una simile aspettativa, anche se i prodotti
     europei sono perfettamente vendibili su tutti i mercati del globo. Il patrimonio
     industriale europeo e la produzione che ne deriva sono indubbiamente i vantaggi
     maggiori per l'Euro, ma, contrariamente agli Stati Uniti,  l'Europa soffre di
     un¹assenza di autarchia alimentare (solo la Francia, la Svezia e l¹Ungheria
     beneficiano di una relativa autarchia alimentare). Essa è dunque estremamente
     fragile a questo livello, tanto più che il suo antico « polmone cerealicolo » ucraino
     è stato rovinato dalla gestione disastrosa del comunismo sovietico. Gli Americani
     sono assai consapevoli di questa debolezza e l¹ex ministro Eagleburger constatava
     con la soddisfazione del potente che “le derrate alimentari erano la migliore arma
     dell¹arsenale americano”.
 

      Le due truffe che hanno « fatto » il dollaro

     Il dollaro, appoggiato su riserve d¹oro provenienti parzialmente dalla corsa del
     1848 verso i filoni della California o dell¹Alaska, si è consolidato per un
     clamoroso imbroglio che non poteva essere commesso che in un mondo dove
     sussistevano degli steccati. Questa truffa ebbe per vittima il Giappone. Verso  la
     metà del XIX secolo, desiderando aumentare le loro riserve d¹oro per avere una
     copertura sufficiente per avviare il processo di investimenti nel territorio
     americano dal Mid-West alla California, da poco sottratti al Messico, gli Stati
     Uniti si accorgono che il Giappone, volontariamente isolato dal resto del mondo,
     pratica un tasso di conversione dei metalli preziosi diverso dal resto del mondo: in
     Giappone, in effetti, si cambia un lingotto d¹oro per tre lingotti d¹argento, mentre
     dappertutto la regola vuole che si cambi un lingotto d¹oro per quindici d¹argento.
     Gli Americani comprano la riserva d¹oro del Giappone pagandola secondo il
     cambio giapponese, cioè un quinto del suo valore! L'Europa non avrà la
     possibilità di commettere una tale truffa per consolidare l¹Euro. Secondo
     imbroglio: la valorizzazione dell’Ovest passa attraverso la creazione di una
     colossale rete ferroviaria, tra cui le famose transcontinentali. In mancanza di
     abbondanti investimenti americani, ci si appella ad investitori europei,
     promettendo loro dei dividendi straordinari. Una volta che le vie e le opere sono
     installate, le compagnie ferroviarie si dichiarano  fallite, senza rimborsare  da quel
     momento né dividendi né capitali. Il collegamento ferroviario Est-Ovest non è
     costato niente all¹America; essa ha rovinato degli ingenui Europei ed ha fatto la
     fortuna di coloro che l¹avrebbero immediatamente utilizzato.
     Gli Stati Uniti hanno sempre mirato al controllo della principale fonte di energia, il
     petrolio, in particolare concludendo ben presto degli accordi con l¹Arabia
     Saudita. La guerra che oggi si svolge in Afghanistan non è che l¹ultimo elemento di
     una guerra che dura da lungo tempo e che ha per oggetto l¹oro nero. Non mi
     dilungherò sulle vicissitudini di questo annoso conflitto, ma mi limiterò a ricordare
     che gli Stati Uniti possiedono sufficienti riserve petrolifere sul proprio territorio e
     che il controllo dell¹Arabia Saudita non serve che a impedire alle altre potenze di
     sfruttare questi giacimenti di idrocarburi. Gli Stati europei e il Giappone non
     possono quasi acquistare petrolio che tramite l¹intermediazione di società
     americane, americano-saudite o saudite. Questo stato di cose indica o dovrebbe
     indicare la necessità assoluta di possedere un¹autonomia energetica, come voleva
     De Gaulle, che scommise sul nucleare (al pari di Guillaume Faye), ma non
     esclusivamente; i progetti gaulliani in materia energetica miravano alla massima
     autarchia della nazione e prevedevano la diversificazione delle fonti di energia,
     puntando anche su quelle eoliche, sulle installazioni maremotrici, sui pannelli solari,
     sulle dighe idroelettriche, etc. Se simili progetti fossero di nuovo elaborati in
     Europa su vasta scala, essi consoliderebbero l¹Euro, che, ipso facto, non sarebbe
     reso fragile da costi energetici troppo elevati.
     Altro vantaggio che favorisce il dollaro: l'esistenza del complesso
     militare-industriale. Immediatamente prima della guerra del 1914, gli Stati Uniti
     erano in debito verso gli Stati europei. Essi fornirono enormi quantità di materiali
     diversi, di conserve alimentari, di camion, di cotone, di munizioni agli alleati
     occidentali e costoro cedettero le loro riserve passando dallo stato di creditori a
     quello di debitori. Era nata l¹industria di guerra americana. Essa dimostrerà la sua
     formidabile efficacia dal 1940 al 1945 armando non solo le proprie truppe, ma
     anche quelle dell¹Impero britannico, dell¹esercito mobilitato da De Gaulle in
     Africa del Nord e dell¹armata sovietica. Le guerre di Corea e del Vietnam furono
     delle nuove « iniezioni di congiuntura » negli anni  50, 60 e 70. La NATO, se non
     è servita a sbarrare la strada all¹ipotetico invasore sovietico, è almeno servita a
     vendere del materiale agli Stati europei vassalli, alla Turchia, all¹Iran e al Pakistan.
     L'industria di guerra europea, senza dubbio in grado di fabbricare materiali in
     teoria concorrenziali, manca di coordinazione e un buon numero di tentativi iniziati
     per collegare gli sforzi europei vengono puramente e semplicemente silurati: io
     ricordo che il "pool" europeo dell¹elicottero, che doveva unire la MBB
     (Germania), la Dassault e la Westland (Regno Unito) è stato sabotato da Lord
     Brittan.
     Nel 1944, la situazione è talmente favorevole agli Stati Uniti, grandi vincitori del
     conflitto, che viene stabilito un tasso fisso di cambio tra il dollaro e l¹oro: 35 $ per
     un¹oncia d¹oro. Nixon metterà fine a questa parità nel 1971, provocando la
     fluttuazione del dollaro, il quale, tra lui e Reagan, varierà da 28 a 70 franchi belgi
     (4,80 e 11,5 franchi francesi al cambio attuale). Ma queste fluttuazioni, che alcuni
     fingevano di avvertire come calamità, hanno sempre servito la politica americana,
     hanno sempre creato delle situazioni favorevoli: il dollaro basso facilitava le
     esportazioni e quello elevato permetteva talvolta di raddoppiare il prezzo delle
     fatture emesse in dollari e di aumentare così i capitali senza colpo ferire. Si può
     dubitare che l'Euro sia in grado di dedicarsi alle stesse pratiche.
     Ritorniamo all¹attualità: nel 1999, all¹inizio dell¹anno tutto sembrava andare nel
     miglior modo per l'Euro. L'inflazione diminuiva negli Stati membri dell¹Unione. I
     deficit di bilancio nazionali si riassorbivano. La congiuntura era buona. Gli Stati
     dell¹Asia annunciavano che si sarebbero serviti dell¹Euro. Con lo scoppio della
     guerra dei Balcani, l'Euro passerà dal cambio di 1 Euro per 1,18 dollari, del 4
     gennaio 1999, a 1 Euro per 1,05 dollari di fine aprile, in piena guerra nei cieli
     serbi, e a 1 Euro per 1,04 dollari di giugno, nel momento in cui cessano i
     bombardamenti sulla Yugoslavia. In tutto, l'Euro avrà perduto l¹11% del suo
     valore (il 18% dicono i più pessimisti), a causa dell¹operazione contro Milosevic,
     demonizzato dalle attenzioni della CNN.
 

    La guerra del Kosovo ha reso pericolosamente fragile l'Euro

     Dopo la guerra del Kosovo, l'Euro, indebolito, acquista la nomea di essere una
     moneta da perdenti. L'Europa diviene un teatro di guerra, cosa che diminuisce la
     fiducia nelle sue istituzioni, specialmente in Asia. Lo stop dei bombardamenti non
     significa la fine delle ostilità nei Balcani e da ciò deriverà una UE impotente a
     mantenere l¹ordine nella propria area geopolitica. L'economista  tedesco Paul J. J.
     Welfens enuncia sei ragioni concrete per spiegare la svalutazione dell¹Euro:

     1. Non ci sarà più ripartenza nel Sud-Est del continente se non dopo lungo
     tempo. Lo spazio balcanico, aggiungerei, è uno ³spazio di sviluppo
     complementare² (Ergänzungsraum) per l'Europa occidentale e centrale, come lo
     era d¹altronde già prima del 1914. Una delle ragioni principali della prima guerra
     mondiale fu quella di impedire lo sviluppo di questa regione, al fine che la potenza
     tedesca e sussidiariamente la potenza russa, non potessero avere « finestre » sul
     Mediterraneo orientale, dove si trova il Canale di Suez, da dove i francesi erano
     stati cacciati nel 1882. Nel 1934, quando Goering, senza tenere conto del
     disinteresse di Hitler, giunge a creare un  modus vivendi attraverso degli accordi
     con i dirigenti ungheresi e rumeni e soprattutto tramite l¹intesa con il brillante
     economista e ministro serbo Stojadinovic, i servizi americani evocano la creazione
     de facto (e non de jure) di un "German Informal Empire" nel Sud-Est europeo,
     cosa che costituisce un "casus belli". Nel 1944, Churchill perviene a frammentare i
     Balcani proteggendo la Grecia, « neutralizzando » la Yugoslavia a beneficio
     dell¹Occidente e lasciando tutti i paesi senza sbocco sul Mediterraneo a Stalin e ai
     Sovietici, che vengono così totalmente messi nel sacco nonostante il ruolo di
     ³grandi spauracchi² loro affibbiato. La fine della Cortina di Ferro avrebbe potuto
     permettere, a termine, di rifare dei Balcani quello « spazio di sviluppo
     complementare » nell¹area europea. Costanti nella loro volontà di balcanizzare
     sempre i Balcani, perché essi non divengano mai l¹appendice della Germania o
     della Russia, gli Americani sono riusciti a congelare ogni sviluppo potenziale nella
     regione per numerosi decenni. L'Europa non beneficerà dunque dello spazio di
     sviluppo sud-orientale. Di conseguenza, questo stato di cose rallenterà la
     congiuntura e le prime vittime della paralisi delle attività nei Balcani sono la
     Germania (guarda caso), l¹Italia, l¹Austria (che aveva triplicato le sue esportazioni
     dal 1989) e la Finlandia. L'Euro ne risentirà.

     2. I "danni collaterali" della guerra aerea hanno provocato dei flussi di rifugiati in
     Europa, cosa che costerà all¹UE 40 miliardi di Euro.

      3. L'Europa sarà costretta a sviluppare un "Piano Marshall" per i Balcani, il che
     rappresenterà un semestre del budget dell'UE!

     4.  Le migrazioni interne, provocate da questa guerra e dal deteriorarsi della
     situazione, specialmente in Macedonia e in una Serbia privata di un buon numero
     delle sue possibilità industriali, porranno un problema sul mercato del lavoro e
     aumenteranno il tasso di disoccupazione nell¹UE, mentre proprio questo tasso
     elevato di disoccupazione costituisce l¹inconveniente maggiore dell¹economia
     dell¹UE.

     4. La guerra permanente nei Balcani mobilita gli spiriti, ricorda Welfens, che non
     meditano più di mettere a punto le riforme strutturali necessarie all¹insieme del
     continente (riforme strutturali che vedono d¹altronde i loro budget potenziali
     considerevolmente tagliati).

     5. La guerra in Europa innescherà una nuova corsa agli armamenti che poterà
     beneficio agli Stati Uniti, detentori del migliore complesso militare-industriale.

     6. Noi vediamo dunque che la solidità di una moneta non dipende tanto da fattori
     economici, come si tenta di farci credere per meglio rimbecillirci, ma dipende
     essenzialmente dalla politica, dalla sovranità reale e non da quella teorica.
     Questa sovranità, come ho già detto all¹inizio di questa esposizione, si
     fonderebbe, se essa esistesse nella testa dell¹Europa, su un sistema per lo meno
     equivalente a quello di ECHELON. Perché ECHELON non serve a guidare i
     missili, come una sorta di super-AWACS, ma serve soprattutto a spiare il settore
     civile. Nell¹indagine che il Parlamento europeo ha recentemente ordinato sulla rete
     di ECHELON, si è potuto constatare decine di casi in cui dei grandi progetti
     tecnologici europei (specialmente presso la Thomson in France o presso un
     centro di ricerche eoliche in Germania) sono stati curiosamente sorpassati dai loro
     concorrenti americani, grazie a ECHELON. L'eliminazione di ditte europee ha
     comportato dei fallimenti, delle perdite occupazionali e dunque un arretramento
     congiunturale. Come può l¹Europa in queste condizioni consolidare la sua
     moneta? Peggio: il vantaggio europeo, questo famoso 72% delle transazioni
     interne alla UE, rischia di essere intaccato se delle ditte americane forniscono
     prodotti di alta tecnologia a prezzo basso (perché esse non ne hanno finanziato la
     ricerca!).

     L'Euro è una buona idea. Ma l'UE non è un¹istituzione politica in grado di
     decidere. Il personale politico che la incarna è istrionico, si rivela incapace di dare
     il giusto ordine alle priorità. In tali condizioni, noi corriamo verso la catastrofe.
 
 
 

     12 dicembre  2001

     Synergies Europèennes
     Ufficio di Bruxelles, 3 febbraio 2002
     Tratto dal sito "SYNERGON ON LINE".

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vendredi, 19 octobre 2007

Extraits de l'autobiographie d'A. Mohler

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Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse. Pour fêter ses 80 ans, nous en donnons une toute première version française à nos lec­teurs. Pour les anciens abonnés à Vouloir, cf. Willy Pieters, «Les Allemands, leur histoire et leurs névroses», n°40/42, 1987.

Mes années d'étude: Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque-là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais seize ou dix-sept ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon “originale”, c'est-à-dire de “gauche”. Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la “démocratie du consensus” (ou plus précisément: la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence: le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question: «pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale?». Je pense alors que peu avant la seconde guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit: la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire: elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle; branche principale: histoire de l'art; bran­ches secondaires: philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être “la meilleure Allemagne”. Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler, natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wil­helm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial: faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. A l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le psycho-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la “dialectique” et le “refoulement”, nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des “masses”. Nous, nous savions “vraiment” ce qui se cachait “derrière” les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela “signifiait” quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands “réalistes”, mais nous n'étions que des “réalistes des uni­versaux” (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 34-37).

Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux: le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le psycho-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re: on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de “goût pour la vie” (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de “conservateurs” en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature “patricienne” et/ou catholique. Ces deux fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'é­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de “fascistoïde”.

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que onze ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933. Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la “Révolution Conservatrice” allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la “Révolution conser­va­trice”; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses con­ser­vateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire: des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom: “le Julius Streicher suisse”. Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens. Après le discours du Ma­jor —sur la Suisse “souillée” par les francs-maçons et les juifs— j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam. (Dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple! Leonhardt avait bien chauffé son public: les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux; quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le “drill” helvétique de l'époque était encore très rude: mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu “non merci!” et je suis resté simple fantassin. A ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier: c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche: des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans “effet de machine à é­crire”. (Pour les civils, cela signifie: lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces “enfantillages”.

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des “gens du peuple”. Il n'exis­te que deux institutions où il peut le faire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre: la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. (…) Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978); je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici: «L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci: j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes deux ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident. (Bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages: pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser —ce devait être au début de l'an­née 1941— les deux énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les deux tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 37-41).

 

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jeudi, 18 octobre 2007

José Ortega y Gasset

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José Ortega y Gasset

18 octobre 1955: Mort du grand philosophe espagnol José Ortega y Gasset, qui était né à Madrid le 9 mai 1883. Issu d’une famille de journalistes de grand talent, comme il en existait encore à son époque, José Ortega y Gasset, armé d’une solide formation classique reçue dans une école de Jésuites, est fasciné, dès son plus jeune âge, par les forces vivantes qui agissent dans le monde et génèrent l’histoire. Il étudie ensuite en Allemagne, où il apprend la dialectique hégélienne, où il se frotte au vitalisme de Dilthey et de Nietzsche.

De cette formation germanique, José Ortega y Gasset retient, dans le contexte espagnol, l’idée de rénover le pays spirituellement et intellectuellement. Cette option l’éloigne d’un certain catholicisme institutionnel ibérique et le classe dans la catégorie des auteurs et penseurs libéraux, républicains et démocratiques. Mais, à la différence des professionnels de ces obédiences, Ortega, horrifié par la montée au pouvoir du bolchevisme en Russie, demeure, comme Mosca et Pareto en Italie, un « élitiste » au bon sens du terme. La guerre civile qui éclate en 1936 le contraint à l’exil en France, en Argentine, au Portugal et en Allemagne.

Il revient à Madrid en 1945 et récupère sa chaire universitaire en 1949. Il fonde avec son disciple Julio Marias un « Instituto de Humanides », dont l’objectif est de préparer un après-franquisme reposant sur une monarchie constitutionnelle. L’ouvrage le plus connu d’Ortega est « La révolte des masses », où il pose l’opposition fondamentale, dans la sphère politique, non pas entre possédants et démunis, à la mode marxiste, mais entre « masse » et « élite », où la masse, à laquelle peuvent appartenir un banquier inculte, un industriel ignare, un prolétaire abruti ou un ivrogne du « Lumpenproletariat », est dévoreuse d’énergies mais n’en produit aucune qui soit créative. L’élite ne se mesure pas au compte en banque mais au degré élevé des aspirations culturelles et à la volonté de marquer l’histoire. Un ouvrier cultivé fait partie de l’élite. Un banquier ignare fait partie de la masse. La masse est hédoniste, hisse l’hédonisme au rang d’objectif suprême, et fait appel à la machine administrative de l’Etat pour balayer tous les désagréments de la vie.

Il s’ensuit, comme en Belgique actuellement, une hypertrophie de la machine bureaucratique. Toute opposition, tout appel à la raison et au bon sens émanant de personnalités élitaires, sont dès lors considérés comme « inacceptables », comme la manifestation d’intentions méchantes et perverses de briser la course au bonheur final et total (les « derniers hommes » de Nietzsche, « qui clignent de l’œil »). Pour s’opposer à la raison vitale des êtres d’élite, la masse recourt à la terreur, aux procès d’intention, aux condamnations scélérates, à la violence politique. Au bout du compte, nous assistons, comme aujourd’hui en Belgique sous les Verhofstadt, Di Rupo, Onkelinx et autres sinistres personnages, à la mort, à l’assassinat prémédité de la culture populaire et élitaire et de ses formes structurantes, comme les nommait Ortega.

En perdant Ortega, en cette fin octobre 1955, l’Espagne, et avec elle, l’Allemagne (qui était sa patrie spirituelle) et l’Europe, ont perdu sans nul doute l’un des plus grands esprits du siècle ; de surcroît, un esprit capable de s’exprimer, et d’exprimer les plus hautes idées philosophiques, avec un langage clair, abordable, limpide.

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Charles Quint, Empereur gibelin

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Charles-Quint, Empereur gibelin

Les quelques notes qui suivent ici ne sont que les fragments d'une étude beaucoup plus vaste que nous sommes en train de préparer.

La figure et l'époque de Charles-Quint (1500-1558) ont déjà été étudiées et analysées par divers historiens espagnols, argentins, anglais et américains, dont les optiques étaient é­ga­lement diversifiées (libérale, progressiste, marxiste, révi­sion­nisme argentin, traditionalisme espagnol), cependant, un aspect de son règne a été largement sous-estimé, à nos yeux, traité marginalement ou supplanté par tous les autres. C'est la perspective que nous tenterons personnellement de mettre en exergue: celle de Charles-Quint comme Empereur gibelin. Pendant les 12ième et 13ième siècles, l'Occident chré­tien est secoué par ce que l'historiographie habituelle et su­perficielle appelle la “querelle des investitures”; mais, une bonne analyse de cette querelle nous induit à ne pas la con­sidérer comme une simple lutte politique mais comme une guerre de nature fondamentalement spirituelle. Depuis l'é­poque de Charlemagne, deux pontifes sacrés se parta­geaient la Terre: le Pape et l'Empereur, qui devaient agir de concert. Ce qui revient à dire que Dieu avait institué deux re­présentants et que tous deux étaient sacrés. Non seulement l'Eglise, chapeautée par le Pape, était d'inspiration divine, mais aussi le Saint-Empire Romain, personnifié par l'Em­pereur. Telle était la conception gibeline. Mais à partir du 12ième siècle —avec des antécédents plus tôt dans l'his­toire— se déploie la conception guelfe, où l'Eglise com­men­ce à nier le caractère sacré de l'Empire et prétend assumer seule le monopole des questions spirituelles. En consé­quen­ce, un processus de désacralisation de l'Etat s'amorce qui, par étapes successives, conduira à l'émergence d'Etats na­tio­naux, réduits aux seules dimensions temporelles et étran­gers à toute spiritualité. Ce sont les Etats qui dominent ac­tuellement, totalement laïcisés et séculiers. Quant à l'Eglise, qui perd ipso facto le soutien du Saint-Empire Romain, de­vient exclusivement paulinienne et tombe sous la coupe et le contrôle des monstres qu'elle a elle-même contribué à faire naître.

Quand Charles-Quint entre en scène

Donc l'aspect du règne de Charles-Quint le moins bien traité par les historiens réside dans ses tendances gibelines. Elle se sont manifestées dans le conflit qui l'a opposé au Pape pendant tout son règne d'Empereur du Saint-Empire Romain (1519-1556) et de Roi d'Espagne, dont il hérite de la monar­chie en 1517, sous le nom de Charles I. Charles-Quint, en se présentant à sa première Diète Impériale, fut très clair à ce propos. Il a dit: «Aucune monarchie n'est comparable au Saint-Empire Romain, auquel le Christ en personne à rendu honneur et obéissance, mais aujourd'hui cet Empire vit des heures sombres et n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut, mais avec l'aide des pays et des alliances que Dieu m'a don­nés, j'espère le ramener à son ancienne splendeur». Le jeu­ne Empereur, dès le début de son règne, déclare son option catholique et gibeline et gardera la même position face à l'église que ses prédécesseurs des 12ième et 13ième siècles.

L'ombre des Empereurs Frédéric

Les Papes de l'époque de Charles-Quint ont vu, sans aucun doute, derrière le nouveau Caesar les ombres de Frédéric Barberousse et de Frédéric II de Hohenstaufen. Par tous les moyens, ils essaieront de bloquer la restauration de l'uni­ver­sitas christiana. Pour arriver à leurs fins, ils utiliseront tantôt une diplomatie tordue, sinueuse, intrigante, traîtresse, un double langage, dans le plus pur style de la “raison d'Etat” exposée clairement par un contemporain, Nicolas Machiavel, tantôt des alliances hostiles à l'Empire et la guerre. Les Pa­pes s'allieront avec la France, berceau du monstre étatique mo­derne. Dans la foulée, ils favoriseront les menées de l'Em­pire ottoman, vu que tant le Grand Turc que le Pape é­taient les alliés de la France. Rome s'est opposée à tout ac­tion énergique de Charles-Quint contre les Turcs et les Lu­thé­riens, qui commençaient à se manifester en Allemagne. N'ou­blions pas que le Saint-Empire Romain à l'époque com­pre­nait l'Espagne et les terres du Nouveau Monde, les Flan­dres, la Franche-Comté, l'héritage bourguignon, le Nord de l'Italie, la Sicile, la Sardaigne, Naples, les Allemagnes, l'Au­triche, la Bohème et la Hongrie.

Même pendant le règne de Philippe II, son fils, l'Eglise a ten­té de s'allier avec les Ottomans. L'opposition du Pape Clé­ment VII au Saint-Empire était telle que Charles-Quint a dû se résoudre à le prendre prisonnier, après l'occupation mili­tai­re de Rome par les troupes impériales. Cette capture a été suivie d'un arrangement provisoire et, dès la libération du Pape, Charles-Quint s'est fait consacrer Empereur par celui-ci, devenant de la sorte le dernier souverain du Saint-Empire à avoir été oint par l'Eglise. La politique guelfe de faire obs­tac­le à toute restauration de l'Empire catholique a empêché toute action décisive contre les luthériens. L'Eglise était da­van­tage préoccupée par l'éventuelle restauration politique et l'in­tronisation subséquente d'un nouveau César, rival po­ten­tiel du Pape, que par l'unité du monde catholique. Profitant de l'affaiblissement de l'Empire, dû aux intrigues du Pape, les Turcs ont avancé leurs troupes le long des frontières orien­tales de l'Empire et envahi la Hongrie, tandis que les Fran­çais, leurs alliés, ne cessaient de guerroyer contre Char­les-Quint et de soutenir les luthériens, entamant l'Em­pire sur ses marches occidentales.

La responsabilité de l'Eglise

Charles-Quint a donc dû faire la guerre à quatre ennemis aus­si funestes qu'implacables: le Pape, les Turcs, la France et les luthériens. Chacun de ces ennemis de l'Empire était allié à l'autre (la France avec les Turcs et les luthériens, le Pape avec la France, donc, implicitement avec les luthériens et les Turcs, etc.). Cependant, on peut dire que la puissance la plus responsable et la cause première de l'effondrement de l'idée impériale de Charles-Quint a été, sans aucun dou­te, l'Eglise catholique. S'il y avait eu un accord solide et sin­cè­re entre l'Empire et l'Eglise, renforcé par un idéal de spi­ri­tualité et de transcendance, où chacune des parties aurait re­connu le caractère sacré de l'autre, comme le voulait le ca­tholicisme médiéval et gibelin, l'Europe (avec ses posses­sions américaines) aurait pu devenir un Empire catholique. Mais la politique guelfe que Rome a suivie sans discontinuer a empêché l'éclosion d'une Europe bien charpentée par l'in­stitution impériale. Les principes supérieurs ont été sacrifiés aux passions inférieures. De tous ces maux sont issus les E­tats nationaux particularistes, la réforme protestante, la perte de l'unité européenne. Quant à l'Eglise, son influence dimi­nue­ra sans cesse au fil du temps parce qu'elle se sera dé­bar­rassé du bras armé de l'Empire, complément traditionnel et indispensable de la caste sacerdotale.

L'Argentine, partie intégrante du Saint-Empire Romain

Aujourd'hui, pour nous Argentins, il s'agit de récapituler cette histoire de l'idée impériale de Charles-Quint et d'en tirer les leçons pour l'Argentine contemporaine. Nous ne devons pas oublier que l'Argentine s'est incorporée à l'Occident chrétien pendant le règne de l'Empereur Charles-Quint. Notre pays est né comme une partie intégrante du Saint-Empire Ro­main, c'est-à-dire que nous sommes les enfants d'une voca­tion impériale. Rappelons que l'Empire est la forme de politie qui revendique l'universalité, qui est présidée par une idée transcendante et spirituelle, dont l'objectif est de construire une échelle qui va de la Terre au Ciel, ou, en d'autres ter­mes, de jeter un pont entre ce monde et l'autre monde. La vo­cation du Saint-Empire n'a donc rien à voir avec les pro­jets purement matériels des impérialismes modernes, fruits des appétits petits-nationalistes et résultats d'intérêts pure­ment matériels et économiques. Pendant le règne de Char­les-Quint, Solís découvre le Rio de la Plata, Alejo García en­tre­prend ses voyages d'exploration, Magellan et Elcano font le tour du monde (et tous deux passent plusieurs mois en Patagonie), Diego Gaboto explore les terres qui deviendront celles de notre pays et fonde Sanctus Spiritus, Francisco Cé­sar réalise son grand voyage, les Espagnols fondent une première fois Buenos Aires, Irala fonde Asunción, etc. Les ac­tes fondateurs de l'Argentine sont donc posés à l'époque de Charles-Quint. Dans d'autres parties de l'Amérique ibéri­que, les conquistadores conquièrent les Empires aztèque et inca, découvrent la Mer du Sud (le Pacifique).

Le symbolisme de l'or et de l'argent

Nous devons encore attirer l'attention sur quelques autres faits:

La découverte du fleuve qui s'appellera par la suite le Rio de la Plata.

La recherche de la “Cité des Césars” (Ciudad de los Ce­sares), couverte d'or et d'argent.

Les vieilles légendes médiévales relatives à l'héritage des terres du Saint-Graal, également recouvertes d'or.

Charles-Quint était le Grand-Maître de l'Ordre de la Toison d'Or.

Rappelons ici que la Toison d'Or nous amène à une légende mythologique de la Grèce antique, selon laquelle Jason et ses compagnons partent à la recherche d'une toison d'or pour récupérer un royaume. Si nous associons toutes ses ré­férences, nous constatons que notre destin était déjà tra­cé, même avant la naissance de l'Argentine; il était placé sous les signes symboliques de l'or et de l'argent, métaux nobles symbolisant les âges primordiaux: l'Age d'Or et l'Age d'Argent, la noblesse, la supériorité du sacré et du divin. S'il est vrai que si l'on perd le rumb qui nous ramène à nos ori­gi­nes, alors notre voie est de bâtir un Empire. Le nationalisme argentin ne peut servir que de courroie de transmission pour ce projet universel. Vouloir lui donner une autre destination, c'est le condamner au néant, le conduire sur une voie de garage.

Julián Atilio RAMIREZ.

 

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mercredi, 17 octobre 2007

Les 8 questions auxquelles A. de Benoist n'a jamais voulu répondre

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Les huit questions auxquelles Alain de Benoist n’a jamais voulu répondre…

Fin 1990, début 1991, Alain Benoist me convoque et me soumet un projet. Il voulait que je l’interviewe pour Vouloir ou Orientations, afin de mettre en exergue, par le biais d’un tel en­tretien, les nouvelles pistes que la Nou­velle Droite était sur le point d’em­prunter. Alain de Benoist m’explique que la situation politique et intellec­tuelle de la France et les mentalités en général ont considérablement changé depuis la naissance de la Nouvelle Droi­te, plus exactement du GRECE et de la revue Nouvelle école en 1968-69. Dès lors, ajoutait-il, le GRECE ne peut plus véhiculer certains idéolo­gè­mes, devenus obsolètes au fil du temps. En revanche, il s’avère impé­ra­tif d’explorer de nouvelles pistes. Mais cette nouveauté risque de provoquer le désarroi chez d’anciens militants, en­core trop prisonniers de schémas dé­passés, m’a-t-il précisé. Vouloir ou Orientations sont des revues extérieu­res au mouvement, elles sont publiées hors de France : elles sont donc le trem­­plin idéal pour lancer ces nou­vel­les pistes.

Les arguments d’Alain de Benoist me semblaient judicieux et correspon­daient effectivement à mon analyse de­puis 1989, où, en juin de cette an­née, par ma première conférence of­fi­cielle au GRECE depuis mon retour (1), j’avais réclamé (en vain !) une ou­ver­ture aux nouvelles recherches pros­pec­tives et fondamentales de la phi­losophie française. En réclamant cette ouverture, je suivais un conseil d’Ar­min Mohler, engageant les lec­teurs de Criticón à lire les post-mo­der­nes français à travers l’analyse de leurs œuvres que proposait, avec un re­­marquable esprit de synthèse, le pro­­fesseur allemand Wolfgang Welsch, spécialiste incontesté de ces problématiques. Alain de Benoist a souvent écouté Armin Mohler, recopié ce qu’il disait, béatement paraphrasé ce qu’il énonçait dans le contexte alle­mand, sauf en ce qui concerne les post-modernes et les synthèses de Welsch, où il n’a pas été le bon petit é­lève obéissant, mais plutôt le cancre, sourd à tout bon conseil.

J’ai donc, à la demande explicite de de Benoist, composé les questions ci-des­sous que je lui ai faxées cinq jours plus tard. Mon objectif en posant ces questions : pouvoir expliciter les muta­tions idéologiques qui avaient jalonné l’itinéraire intellectuel du GRECE et de son animateur principal. Quand de Be­noist a reçu ces questions, il les a tout de suite contestées en montrant une ner­vosité incompréhensible, il a criti­qué des détails sans importance (le fait d’utiliser le terme « dada » pour dé­signer des engouements philoso­phi­ques), il n’a abordé aucune des thé­matiques de fond, soulevées par mes questions. Lors d’une entrevue quel­ques semaines plus tard, il a ré­i­té­ré ces critiques sans me donner d’ex­plications satisfaisantes. De Be­noist é­tait dans un état de nervosité bizarre, ses paroles étaient ponctuées de drô­les de rictus, ses doigts se cram­pon­naient à ses longues cigaret­tes, dont il as­pirait la fumée à grosses bouffées. Inutile de préciser qu’il n’a JA­MAIS ré­pondu à cette proposition d’en­tretien, qu’il avait lui-même récla­mé ! Pour­tant, une brochure avec des réponses clai­res aurait permis de cla­ri­fier les po­sitions de la Nouvelle Droi­te, d’orienter les militants et les sym­pa­thisants de ce courant de pensée. Je soumets au­jour­d’hui ces questions aux lecteurs de Vouloir. A eux de ju­ger comme il se doit le silence du gou­rou de la Nou­velle Droite. Un silence plus révélateur que tous ses discours et écrits…

HUIT QUESTIONS A ALAIN DE BENOIST

La Nouvelle Droite: histoire, destin, évolution, ruptures

1. Quand vous avez fondé avec quel­ques-uns de vos amis les structures qui allaient donner naissance à Nou­velle Ecole puis au GRECE et à la mou­vance «Nouvelle Droite», vous é­tiez animé par un désir de rupture. Une rupture qui tournait le dos à l'agitation politique groupusculaire pour approfondir les fondements, non seulement des sciences politiques, mais de toutes les disciplines humai­nes. Près de 25 ans après, comment jugez-vous cette rupture qui a décidé de votre destin de «journaliste méta­politique», de «maître-à-penser» d'u­ne génération hostile à bien des com­promissions?

2. Il serait peut-être utile aussi que vous nous rappeliez le contexte global de cette époque où vous avez amorcé votre rupture, tant sur le plan philo­so­phique, avec la vogue existentialiste, que sur le plan politique, avec les guer­res de décolonisation et du Viet­nam. En effet, les jeunes gens des années 70 et 80, a fortiori ceux qui seront la génération des années 90, ont baigné dans des atmosphères in­tellectuelles et politiques très diffé­ren­tes et certains d'entre eux m'ont déjà exprimé le souhait de connaître les mo­tivations et les sentiments qui ac­com­pagnaient les premiers balbutie­ments de ce qui allait devenir la «Nou­velle Droite»?

3. Votre «démarche rupturale initiale» est contemporaine de mai '68. Dans l'u­niversité d'alors, sur le terrain po­litique, dans les débats intellectuels, quels ont été les facteurs qui ont dé­terminé vos options, quels sont les cli­vages qui vous semblaient incon­tour­nables et empêchaient tout dialogue avec les «contestataires d'en face». Je pose cette question en sachant très bien qu'il existe aujourd'hui chez beau­coup d'ex-soixante-huitards une volonté très nette de brûler ce qu'ils ont adoré et de dénoncer l'«anti-humanisme» de leur jeunesse. Dans certains de vos écrits récents, vous soulignez, à rebours des « renégats de 68», le grand intérêt intellectuel de certains linéaments philosophiques de cette époque contestataire. Quel ju­ge­ment pose l'Alain de Benoist d'au­jour­d'hui?

4. Vous avez posé un pari faustien et prométhéen au début de votre aven­ture intellectuelle, assorti d'une criti­que de la sinistrose et du mythe du bon sauvage (notamment dans la forme que celui-ci prenait chez Claude Lévi-Strauss) et d'une apologie du «gé­nie européen». De ce fait, vous a­vez été accusé de «racisme» par quel­ques adversaires manichéens, dont les héritiers sévissent encore au­jourd'hui. Vous étiez sur la même lon­gueur d'onde qu'un André Reszler lorsqu'il écrivait L'intellectuel contre l'Europe (PUF, 1976). Par la suite, vo­tre pensée semble avoir connu une sor­te de retournement: la linéarité quantitativiste du matérialisme occi­den­tal, vous avez commencé à la con­sidérer comme un avatar matérialiste de la linéarité judéo-chrétienne. Ipso facto, cette linéarité est devenue en quelque sorte votre «ennemi prin­ci­pal», auquel vous opposez les essen­ces identitaires qu'elles soient euro­péen­nes ou extra-européennes. Mais dans ce cheminement philosophique, qui est le vôtre, on assiste à une mu­ta­tion dans votre définition de l'identité européenne: celle-ci ne serait plus ex­clusivement de nature faustienne/pro­méthéenne mais autre, c'est-à-dire moins vectorielle, moins progressiste, moins marquée par les linéarités du judéo-christianisme et de ces avatars laïcisés. Pouvez-vous nous préciser cette nouvelle définition de l'identité eu­ropéenne?

5. Des auteurs comme Robert Mu­chem­bled (avec sa distinction entre la «culture des élites» et la «culture du peuple») ou Carlo Ginzburg (avec son analyse des propos d'un meunier friou­lan promis au bûcher de l'In­qui­si­tion) ont-ils joué un rôle dans l'é­volution de votre pensée, partie d'un prométhéisme assez techniciste et quantitativiste?

6. Toujours dans la même optique, vous êtes passé d'un dada philo­so­phique à un autre: en l'occurrence de l'empirisme logique anglo-saxon, intro­duit en France par l'un de vos maîtres-à-penser, Louis Rougier, pour aboutir à un discours anti-techniciste très mar­qué par Heidegger. Beaucoup de vos lecteurs n'ont pas compris cette évolution. Généralement, quand ils m'en parlent, je réponds que le «chaî­non manquant» dans cette évolution, est peut-être une réflexion sur la pen­sée de Wittgenstein, qui, au-delà de sa logique rigoureuse, de sa critique des ambiguïtés du langage, n'est pas dépourvue de mysticisme. Réflexion qui, de surcroît, n'a pas été consignée dans un texte majeur de vous-même ou de l'un de vos collaborateurs. Quelle est votre explication? Y a-t-il un lien entre le mysticisme de Witt­gen­stein et votre engouement pour Hei­degger?

7. La «nouvelle droite» est souvent ca­taloguée dans la mouvance d'un néo-paganisme. Votre critique de la li­néarité judéo-chrétienne vous a induit à ouvrir une réflexion sur le temps et l'histoire. En opérant cette réflexion, vous deviez nécessairement aborder les façons non linéaires de saisir temps et histoire notamment les théo­ries cycliques de l'histoire, propres aux cultures traditionnelles. Par ail­leurs, à la suite d'Armin Mohler, vous avez parlé de la sphéricité du temps: en clair, dans cette optique, le temps est une sphère et n'est pas vectoriel mais, en revanche, le cycle qu'il par­court n'est pas répétitif; à tout mo­ment, une direction nouvelle peut être impulsée par la volonté d'un peuple, d'un chef, d'une personnalité charis­ma­tique, d'un génie de la pensée, etc. Aujourd'hui, dans vos écrits les plus ré­cents, on aperçoit une influence crois­sante des auteurs traditionalistes comme Guénon, Evola, Schuon ou Coo­maraswamy. Avez-vous renoncé à la théorie sphérique de l'histoire, abandonné l’amor fati de Nietzsche, pour retrouver le silence immobile de la tradition? Votre approche païenne, approche basée sur une option pour le devenir et non pas pour l'être, s'es­tom­pe-t-elle, passe-t-elle au second plan?

8. Sigrid Hunke, dans son célèbre ou­vrage Europas andere Religion, dont vous avez patronné la traduction fran­çaise aux éditions Le Labyrinthe, a dé­montré que l'essence de la religiosité européenne était l'unité du monde, l'u­nité fondamentale de toutes les cho­ses qui s'exprime la plupart du temps par la mystique. Dans Comment peut-on être païen?, vous embrayé dans ce sens, en critiquant systématiquement les théologies et les pensées de la «cé­sure», des dualismes qui opèrent précisément une césure, en valorisant certaines catégories de choses et de faits et en en rejetant d'autres dans une géhenne d'opprobre, instaurant de la sorte la désacralisation d'une bon­ne partie du monde, notamment de la vie, de la sexualité, des énergies sourdes qui irriguent les cultures de l'hu­manité. A la critique hunkienne du dualisme métaphysique, vous avez quel­ques fois ajouté des éléments très féconds puisés dans la physique non dualiste, dans la logique du tiers-in­clus de Sté­phane Lupasco et de son disciple Basarab Nicolescu. Aujour­d'hui, Jean-Jacques Wunenburger, qui vient de collaborer à votre nouvelle re­vue Kri­sis, a élaboré une « raison contra­­dic­toire». Comment Alain de Be­noist re­lie-t-il aujourd'hui son option païenne anti-dualiste à la logique lu­pascienne du tiers-inclus voire à la «rai­son con­tra­dictoire» de Wunenbur­ger?

◊ ◊ ◊

Huit ans plus tard, nous attendons tou­jours les réponses d’Alain de Be­noist…

Notes :

(1) Je ne compte pas mon intervention fortuite lors du Colloque annuel de l’as­so­ciation en novembre 1986, où j’ai été con­voqué à mon grand étonnement, vraisem­blablement parce qu’on craignait la dé­fec­tion de Faye, qui contestait durement la di­rec­tion du GRECE, à ce moment ; après cet­te intervention au colloque de 86, je n’ai plus eu de contacts avec le GRECE jus­qu’en mai-juin 1989, période où Charles Cham­petier m’a demandé de prononcer cet exposé sur la post-modernité de juin 89, à la tribune du « Cercle Héraclite ». J’avais tou­tefois reçu une lettre de Charles Cham­pe­tier en juin 1988, me demandant une col­lection complète de mes publications pour ses archives personnelles. Champetier n’a­vait pas encore pris contact avec le GRE­CE. Je l’ai rencontré pour la première fois le 31 juillet 1988 en Suisse, lors d’une assem­blée de la Lugnasad, organisée à l’occasion de la fête nationale helvétique. Champetier est ensuite venu à Bruxelles en septembre 88 me demander des conseils sur la voie à suivre. Il a investi la ND, où il n’y avait quasi plus personne, donnant au mouvement d’A­lain de Benoist un souffle nouveau. C’est dans le cadre de ses nouvelles fonctions au GRECE que Champetier m’a invité en juin 1989, ainsi qu’en mars 1990, pour un collo­que sur le futurisme, avec Jean-Marc Viven­za et Omar Vecchio. Alessandra Colla ac­com­pagnait ces exégètes du futurisme. Je n’ai en aucune façon influencé Champetier dans le choix des orateurs. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec la future Prési­dente du Bureau Européen de Synergies Eu­ropéennes et avec J. M. Vivenza, grâce, je tiens encore à le préciser, à l’entremise de Charles Champetier et dans le cadre du GRECE. Mais aussitôt a­près cette ma­nifestation consacrée au futu­risme, derrière le dos de Champetier, une campagne de dé­nigrement systématique a été habilement or­chestrée contre Vivenza (un « fou ») et Ales­sandra Colla (une « dan­gereuse extré­miste ») et, partiellement, con­tre moi-même. Champetier a fini par pren­dre ces ragots pour argent comptant et par perdre son in­dé­pendance d’esprit ; il a ac­quis les réfle­xes sectaires de l’apparatchik et perdu toute originalité intellectuelle. Pire : il a abandon­né ses propres initiatives, le groupe de ré­fle­xion IDEE et, un peu plus tard, sa revue, modeste mais pertinente, Métapo. Char­les Cham­petier ne s’est jamais posé de ques­tions sur les rai­sons pratiques ou psy­chia­tri­ques qui pous­saient son « chef » à colpor­ter des ra­gots infondés contre cer­taines per­sonnes (sur­tout quand elles sont dotées d’un vérita­ble diplôme universitaire ou, mê­me, d’une pe­tite peau d’âne de ba­chelier !). Un tel com­portement empêchait à l’éviden­ce le mou­vement de se développer : un tel sa­bo­tage systématique est-il le résul­tat d’une dé­faillance comportementale ou psy­chique ou bien, plus subtilement, est-ce une tactique dû­ment réfléchie et inspirée par cert­ains ser­vi­ces ? Trop jeune et finale­ment fort naïf, Charles Champetier ne s’est appa­remment ja­mais rendu compte de la si­tua­tion… De mê­me, en ne répondant pas aux questions que je posais (à sa propre de­man­de ! ! !), l’a­ni­mateur principal du GRE­CE maintenait son mouvement dans un « flou artistique », per­mettant toutes les ma­ni­pulations. De plus, alors qu’il annonçait vou­loir rompre avec certains éléments pas­séistes de son grou­pe, on constate, dix ans après, que les mê­mes olibrius encombrants et ridicules (un ridicule qui tue !) continuent leurs pitreries drui­dico-avinées, cucu-nazies et pagano-bur­les­ques en marge des dis­cours doctes de de Benoist et Champetier, qui affirment, avec les trémolos de la vierge effarouchée, qu’ils n’ont rien à voir avec le IIIième Reich (ni avec David Mortimerson).

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Crise du Yom Kippour

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Crise du Yom Kippour

17 octobre 1973: Début de la crise pétrolière consécutive à la guerre du Yom Kippour, où Egyptiens et Syriens avaient tenté de chasser Israël des territoires occupés depuis juin 1967.

L’OPEP, ce jour-là, décide d’exiger l’évacuation par Israël des territoires nouvellement occupés et décrète un embargo sur les livraisons de pétrole aux Etats-Unis. Ce qui est moins connu, c’est que le Shah d’Iran [Mohammad Reza Shah Pahlavi, photo], considéré comme un allié loyal des Etats-Unis, appuie les décisions de l’OPEP, notamment celle d’augmenter les prix du pétrole. Le Shah, en suivant les pays pétroliers, pour la plupart arabes, entend se doter de fonds nécessaires à la « révolution blanche », reposant essentiellement sur un système scolaire moderne, et à la constitution d’une armée perse capable de faire la décision dans la région du Golfe et ailleurs dans la périphérie. Le Shah envisage déjà le lancement d’une politique énergétique nucléaire civile.

Le Shah modernise ensuite l’aviation et surtout la marine iranienne, qui se montre réellement présente dans le Golfe. Cette modernisation de l’armée iranienne, les Etats-Unis ne peuvent l’accepter, car elle se fait à l’aide de matériaux de provenances diverses, sans contrôle possible de la part de Washington. La principale conséquence de la crise déclenchée par l’OPEP a été le changement de donne en Iran, où les Etats-Unis ont soutenu le fondamentalisme islamique contre le Shah, afin de ruiner le pays et de le plonger dans une sorte de « moyen âge » technologique ; aujourd’hui que le régime des mollahs tente de se doter de nucléaire civil, les Etats-Unis se retournent contre leur créature, leur golem de la fin des années 70.

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mardi, 16 octobre 2007

Sur G. Grass et l'affaire G. Grass

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Sur Günther Grass et l' "Affaire Günther Grass"

16 octobre 1927: Naissance à Danzig de l’écrivain allemand Günther Grass. Il devra sa célébrité à un roman, qui inspirera un film, à connotations anti-nazies, le « Crabe tambour ». Grass deviendra une sorte de conscience morale (autoproclamée) dans l’Allemagne d’après 1945.

L’écrivain sera sans cesse sur la brèche pour dénoncer des résurgences réelles ou imaginaires du mouvement bien défunt d’Adolphe Hitler. Il s’est taillé ainsi une réputation solide de moraliste insoupçonnable. Coup de théâtre à la fin de l’été 2006 : ce moraliste, si prompt à dénoncer la moindre parcelle ou particule de proto- ou de paléo-nazisme en puissance ou en acte, a été engagé dans une unité de Waffen SS, dans les derniers mois de la seconde guerre mondiale. Le scandale, soixante ans après les faits, a été planétaire.

L’historien Joachim Fest, qui avait servi de conseiller scientifique pour le film « La Chute », racontant les derniers jours du nazisme dans le bunker de Berlin en avril 1945, avait clairement manifesté son agacement face à cette nouvelle fabrication « ritournellique » de scandales à la sauce nazie. Notamment dans un article du Spiegel, quelques jours avant de décéder, Fest avait expliqué que les jeunes s’engageaient dans les rangs de la Waffen SS, sans réfléchir outre mesure, et que cet engagement, autre ritournelle de l’époque, n’impliquait nullement une adhésion idéologique au nazisme. A notre sens sa réponse était moins satisfaisante que celle que fit naguère, il y a une dizaine d’années, l’écrivain et germaniste Dieter Wellershoff en rédigeant et publiant ses mémoires.

Celui-ci explique le dilemme qui se posait aux jeunes de plus de 17 ans qui terminaient leurs études secondaires dans les « Gymnasia » allemands. Ou bien ils rejoignaient les rangs de la Wehrmacht, démonétisée depuis le putsch de juillet 1944, et subissaient seulement deux mois d’entraînement avant d’être envoyés au front. Ou bien ils rejoignaient les rangs de la Waffen SS, survalorisée après le putsch des officiers traditionalistes et aristocrates, et subissaient six mois d’entraînement, véritable assurance-vie à la fin du conflit. Dans le cas du jeune Wellershoff, dont la famille, comme celle de Fest, était conservatrice et anti-nazie, le subterfuge à la Waffen SS a été de servir dans la division « Hermann Goering » de la Luftwaffe, qui garantissait également six mois d’instruction et un service en Hollande, protégée par les canaux et les fleuves après le désastre allié d’Arnhem en automne 1944.

L’objectif de Himmler et de Goering, qui ne croyaient plus à la victoire finale du Reich, était de sauver un maximum de jeunes vies pour reconstruire l’Allemagne après le conflit. Servir dans la Waffen SS, après juillet 1944, n’était donc nullement la preuve d’un engagement fanatique au service du régime national socialiste, mais une manière d’échapper à l’ordalie du peuple allemand.

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Das Zeitalter der OLigarchen ist vorbei

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"Das Zeitalter der Oligarchen ist vorbei"

 Russland-Experte Wolfgang Seiffert über die Ära Putin, deren Fortsetzung und den Einfluss der Oligarchen

http://www.zurzeit.at/index.php?id=205

Herr Professor Seiffert, in der vergangenen Woche kam es in Rußland zu einem überraschenden Regierungswechsel. Der bis dahin unbekannte Viktor Subkow wurde neuer Regierungschef. Was hat das im Hinblick auf die Parlamentswahl im Dezember und die Präsidentenwahl im März 2008 zu bedeuten?

Wolfgang Seiffert: So überraschend war der Regierungswechsel nicht, denn er wurde erwartet. Überraschend war aber, daß Subkow zum Regierungschef vorgeschlagen wurde und dann auch von der Duma gewählt worden ist. Ich glaube, er steht für die Fortsetzung des Kurses, den Präsident Putin eingeschlagen hat, und an seinem Regierungsprogramm sehe ich, daß er weiter auf wirtschaftliche Stabilität – auch auf die Stabilität des Rubels – setzt, aber auch weitere neue Akzente setzt, indem er z.B. Fehler der Vergangenheit in der Sozialpolitik und bei der Gesundheitsvorsorge korrigieren will. Da Subkow gleichzeitig gesagt hat, daß personelle Veränderungen in der Regierung stattfinden werden, muß man davon ausgehen, daß das auch auf den Gebieten der Wirtschaft, der Gesundheits- und Sozialpolitik der Fall sein wird. Auch ist überraschend, daß er nicht ausgeschlossen hat, im nächsten Jahr bei den Präsidentenwahlen zu kandidieren. Putin hat das einerseits bestätigt und andererseits gesagt, daß es von Subkows Erfolg als Regierungschef abhänge und daß es fünf Kandidaten gebe, die das Amt ausüben können. Allerdings hat Putin keine Namen genannt.

Welche Chancen hätte Subkow bei der Präsidentenwahl?

Seiffert: Ich glaube, er hat gute Chancen. Denn Subkow ist ein alter Freund aus Putins Petersburger Tagen, und die beiden können schon seit 15 Jahren gut miteinander. Außerdem gibt Subkow, der 66 Jahre alt ist, Putin die Aussicht, in vier Jahren wieder zu kandidieren. Schließlich wäre er dann 70 Jahre alt, sodaß es Zeit für einen „natürlichen Wechsel“ wäre.

Es wird derzeit aber auch spekuliert, daß Subkow, sofern er Präsident wird, nach einer gewissen Zeit aus „gesundheitlichen Gründen“ zurücktreten könnte, um Putin Platz zu machen.

Seiffert: Diese Spekulationen haben keinen Rückhalt, denn Subkow macht mit seinen 66 Jahren einen gesunden Eindruck. Ich glaube, wenn er es schafft, Präsident zu werden, daß er das Amt vier Jahre gut ausüben kann.

Wenn Sie ein Resümee über Putins Amtszeit ziehen: Was würden Sie besonders hervorheben?

Seiffert: Erstens hat er die vielen Unsicherheiten und Instabilitäten im Lande beseitigt. Er hat dafür gesorgt, daß die Löhne, Gehälter und Renten regelmäßig gezahlt werden; er hat dafür gesorgt, daß Rußland wieder zu einer wirtschaftlichen Stabilität findet und daß die Auslandsschulden fast vollständig beglichen sind. Auf wirtschaftlichem Gebiet bezweifelt heute auch der schärfste Kritiker nicht, daß Rußland wieder eine wirtschaftliche Großmacht ist – nicht nur auf dem Gebiet der Bodenschätze, sondern auch im Bereich der Industrie, wo Rußland immer mehr mit dem Westen Schritt halten kann.

Und es ist auch auffallend, daß Rußland unter Putin wieder ein neues außenpolitisches Selbstbewußtsein zeigt.

Seiffert: Das ist richtig. Der frühere Premier Primakow, der jetzt Chef der Industrie- und Handelskammer in Moskau ist, hat gesagt: „Unmittelbar nach dem politischen Wechsel von der kommunistischen Herrschaft zu Demokratie und Rechtsstaat haben wir uns im Schlepptau der USA bewegt. Aber das ist jetzt vorbei, jetzt haben wir wieder unsere eigenen nationalen Interessen, die wir in den internationalen Gremien selbstbewußt vertreten.“ Das wird auch von den führenden Personen in Rußland so gesehen, und die Bevölkerung akzeptiert das. Denn es ist die Meinung weit verbreitet, daß Rußland durch die Entwicklung bis Anfang der 90er Jahre sein Gesicht in der Welt verloren hat, weshalb begrüßt wird, daß dies wieder hergestellt wird.

Die USA haben in den 90er Jahren auch versucht, sich Teile der russischen Einflußsphäre einzuverleiben…

Seiffert: Die USA unter Präsident Bush haben einerseits – und das ist auch auf Putin zurückzuführen – mit Rußland zusammengearbeitet, um etwa die Weiterverbreitung von Atomwaffen zu verhindern. Das wird wohl auch nach dem Wechsel von Putin zu einem anderen Präsidenten – gleiches gilt für die USA, wo Bush 2008 ebenfalls abtritt – so bleiben. Andererseits haben die USA versucht, die ehemaligen Staaten der Sowjetunion, die 1990 ausgeschieden sind – die Ukraine und die Staaten im Kaukasus wie Georgien – auf ihre Seite zu ziehen. Dabei haben sie Kräfte unterstützt, von denen sie ausgehen, daß sie Amerika aufgeschlossen gegenübertreten. Es gab beispielsweise die sogenannte orangene Revolution in der Ukraine, aber dieses Pendel ist schon wieder zurückgeschlagen. Denn in der Ukraine verfolgt Premier Janukowitsch eine andere Politik als Präsident Juschtschenko. Die Hoffnung der USA, Rußland einzukreisen, hat Rückschläge erlitten, aber der Versuch ist noch nicht beendet. Dagegen wenden sich viele im Lande, und Putin mit einer stärkeren Ausrichtung auf die Armee. So hat der neue Premier Subkow versprochen, ab 1. Dezember die Gehälter der Armeeangehörigen zu erhöhen, Rußland hat den Abrüstungsvertrag in Europa auf Eis gelegt, und die Flüge um die Grenzen der Russischen Föderation aufgenommen, die mit dem Ende des Kalten Krieges beendet wurden, und Rußland hat eine neue Vakuumbombe getestet. Das ist keine Bedrohung des Westens, sondern eine Reaktion darauf, daß die NATO mit der Aufnahme ehemaliger Sowjetstaaten immer näher an Rußland herangerückt ist.

Im vergangenen Jahr sorgte ein russisches Gesetz, wonach die Tätigkeit von Nichtregierungsorganisationen eingeschränkt wird, im Westen für Aufregung. Wie stark ist denn der Einfluß der von den USA unterstützten Nichtregierungsorganisationen auf die russische Politik?

Seiffert: Dieser Einfluß ist sehr gering. Was das Gesetz betrifft, so richtet es sich vor allem dagegen zu kontrollieren, wenn nicht zu verhindern, daß vom Ausland finanzielle Mittel an diese Nichtregierungsorganisationen fließen. Denn die russische Regierung – ob zu Recht oder zu Unrecht sei dahingestellt – sieht darin Versuche, in ihrem eigenen Land Gruppen zu schaffen, die, beispielsweise wie in der Ukraine oder in Georgien, im Sinne der USA tätig werden. Wegen des geringen Einflusses dieser Gruppen wurde dieses Gesetz nicht beschlossen, sondern weil Putin glaubt, daß er auf alle Fälle die innere Stabilität sicherstellen muß, weil sonst auch die wirtschaftliche Entwicklung in Rußland gefährdet werden könnte, und weil er befürchtet oder weiß, in welchem Umfang ausländische Geldgeber diese Gruppen unterstützen.

Stimmen eigentlich die Vorwürfe, Putin habe einen autoritären Staat geschaffen?

Seiffert: Es ist ganz offensichtlich, daß Putin einerseits bemüht ist, die seit 1993 geltende Verfassung einzuhalten. Das sieht man jetzt wieder beim Regierungswechsel, der von Artikel 111 der russischen Verfassung gedeckt ist. Andererseits versucht Putin im Rahmen der vorgegebenen Bedingungen, eine stabile Entwicklung sicherzustellen, und diesem Schritt diente auch die neue Regierungsbildung. Westliche Medien haben lange Zeit behauptet, daß Putin mit der absoluten Mehrheit in der Duma versuchen werde, die Verfassung zu ändern, damit er ein drittes Mal als Präsident kandidieren kann – aber das hat er von Anfang an abgelehnt und betont, daß er sich an die Verfassung hält.

Sie sprachen vorhin, davon daß Putin Rußland wirtschaftlich stabilisiert hat. Nun werden aber weiterhin wichtige Zweige der Industrie – Rüstung, Stahl, Energie, aber auch die Medien – von den sogenannten Oligarchen kontrolliert…

Seiffert: Hier muß man unterscheiden: Erstens gibt es in Rußland strategisch wichtige Industrien, die weitgehend in staatlicher Hand sind. Wenn Sie beispielsweise den Energiekonzern Gazprom nehmen, dann ist das eine privatrechtlich organisierte Aktiengesellschaft, aber die Mehrheit der Aktion hält der russische Staat. Und dann gibt es Oligarchen, die – wie der bekannte Michail Chodorkowski – in den Jahren der Amtszeit Jelzins entstanden sind und auf nicht ganz einwandfreie Weise zu Milliardenbeträgen gekommen sind. Gegen diese Oligarchen war in Rußland rechtlich vorgegangen worden: Der Oligarch Chodorkowski verbüßt wegen Steuerhinterziehung und Betrug eine mehrjährige Haftstrafe in Sibirien, und der Oligarch Beresowski ging ins Ausland und betreibt von London aus eine Anti-Putin-Politik, obwohl er sich früher dafür eingesetzt hat, daß Putin Präsident wird. Und die übrigen Oligarchen gibt es nach wie vor, aber sie betreiben keine Politik gegen Putin, sondern sind wirtschaftlich tätig und wollen Geld verdienen. Wie weit sie im Ausland investieren, ist dabei eine andere Frage. Interessant ist – und das ist wohl auch Subkow zuzuschreiben, der Leiter der Finanzaufsichtsbehörde war – daß früher mehr Geld ins Ausland floß als nach Rußland kam. Die russische Zentralbank hat in ihrer Kapitalbilanz mitgeteilt, daß im Jahr 2006 der Kapitalüberschuß 151 Milliarden betragen hat. Die Kapitalflucht, die es eine Zeit lang gegeben hat, konnte also gestoppt werden.

Beim Prozeß gegen Chodorkowski wurde kritisiert, daß rechtsstaatliche Kriterien verletzt worden wären. Trifft dieser Vorwurf zu?

Seiffert: Ich halte es für denkbar, daß beim Prozeß gegen Chodorkowski vom juristischen Standpunkt her handwerkliche Fehler unterlaufen sind. Aber in der Hauptsache wird die Bestrafung zutreffend sein, denn sowohl der Betrug als auch die Steuerhinterziehung sind nachgewiesen und wurden in Rußland von den Instanzen überprüft und bestätigt. Jetzt liegt eine Beschwerde beim Europäischen Gerichtshof für Menschenrechte vor, über die aber bis jetzt noch nicht entschieden wurde.

Wenn sich heute, wie Sie sagten, die Oligarchen im wesentlichen ihren Geschäften widmen, dann ist wohl eine Rückkehr in die 90er Jahre, in die Jelzin-Zeit, wo die Oligarchen und nicht der Präsident die Politik des Landes bestimmt haben, ausgeschlossen?

Seiffert: Diese Zeit ist vorbei, und ich sehe auch keine Möglichkeit zur Rückkehr in diese Verhältnisse. Denn dafür gibt es auch in der Bevölkerung keine Unterstützung.

Und welche Rolle spielt die vom Westen so genannte „liberale Opposition“?

Seiffert: Der Einfluß von Gruppen wie dem „Komitee 2008“ unter dem früheren Ministerpräsidenten Kasjanow und dem früheren Schachweltmeister Kasparow ist in Rußland verschwindend gering. Bei Wahlen haben sie keine Chancen, zumal die Leute sagen, Kasjanow sei nicht besser als die anderen, und bei Kasparow wissen sie genau, daß er zwei Staatsangehörigkeiten – die russische und die amerikanische – besitzt. Putin hat es verstanden, auf die entscheidenden Machtpositionen des Landes Einfluß zu nehmen und sie mit Personen seines Vertrauens zu besetzen. Insofern kann man von einem „System Putin“ sprechen.

Das Gespräch führte Bernhard Tomaschitz.

Prof. Dr. Wolfgang Seiffert:
Bis 1978 Professor für Internationales Wirtschafts- und Völkerrecht in Ost-Berlin. Danach Übersiedelung in die Bundesrepublik, wo er bis 1994 am Institut für Osteuropäisches Recht der Universität Kiel arbeitete. Prof. Seiffert ist Autor mehrerer Bücher, darunter „Wladimir W. Putin – Wiedergeburt einer Weltmacht?“ und „Selbstbestimmt – Ein Leben im Spannungsfeld von geteiltem Deutschland und russischer Politik“

lundi, 15 octobre 2007

Crète, 1912 : Enosis

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1912, Crète: Enosis

15 octobre 1912: Un an, jour pour jour, après que le Parlement de Crète ait voté le rattachement (l’Enosis) de l’île à la mère patrie grecque, les soixante-deux députés crétois entrent triomphalement à la Diète d’Athènes. L’empire ottoman perd ainsi un porte-avions avant la lettre supplémentaire en Méditerranée orientale, après la cession de Chypre à la Grande-Bretagne en 1878, contre le soutien de Londres dans le conflit qui opposait la Sublime Porte à la Russie et à ses alliés bulgares et roumains que les Turcs avaient si cruellement oppressés pendant des siècles.

Londres avait délibérément parié contre l’Europe dans cette guerre qui aurait permis de bouter définitivement le Turc hors d’Europe et de ramener Constantinople dans le giron de notre civilisation. Les Italiens qui ont soutenu les petites puissances balkaniques et viennent de libérer la Libye n’obtiennent pas encore Rhodes, qu’ils recevront après la première guerre mondiale. Les Italiens ont menacé de concentrer leur nouvelle flotte en Egée, bien aguerrie et inaugurant des tactiques audacieuses, de faire le blocus des côtes turques et de menacer les détroits, dès qu’une velléité turque de revenir en Europe, ne fût-ce que sur une centaine de mètres, aurait surgi.

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Rimbaud y la integracion pagana

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Rimbaud y la integración pagana

Abel Posse

Tal vez lo más fascinante del fenómeno Rimbaud haya sido la aparición, en el adolescente provinciano que llega a París creyéndose poeta, de una conciencia cultural sepultada que va resurgiendo como las imágenes de una fotografía en proceso de revelado. En la Francia finisecular y burguesa, en un poeta imberbe que oculta su timidez con guaranguerías de salón, se produce en el término de tres años una extraña reacción cultural: se alza contra el cartesianismo hecho costumbre y deja de lado el gran encuadramiento judeocristiano de la cultura de Occidente. Todo esto no será producto de una crisis de conciencia" o de sartreana "elección", será una urgencia, un llamado irresistible. Tal vez se pueda decir, una inesperada y sanísima explosión ante una decadencia.

Es tan importante este fenómeno que ya resulta difícil tratar a Rimbaud exclusivamente corno personaje del universo literario. Es evidente que su poética no agotó su abismo. Apenas lo sugiere, lo fija fugazmente. Su conflicto, que se inicia en el campo de lo literario, termina como un desafío existencial, como una extraña aventura cultural que sigue teniendo pleno significado. Esta actualidad de su conflicto impide que Rimbaud pueda ser fagocitado y clasificado definitivamente en el prestigioso panteón de las letras francesas. Todavía señala, significa, en la medida que la cultura contra la cual se rebeló sigue en agonía. (Decía Spengler que las culturas nunca mueren, se prolongan infecundas indefinidamente, hasta que son sustituidas sólo por el nacimiento de otra).

Como todo lo vivo y vigente, Rimbaud sigue siendo motivo de confusión y de polémica: una iracunda bibliografía lo sigue persiguiendo. Es evidente que el Rimbaud de la literatura francesa interesa menos que el poeta que desde y con esa literatura emprendió el rescate de una soterrada fibra pagana que el hombre de Occidente creía haber archivado sin nostalgia. El poeta, que jugaba y trabajaba confiado en las palabras apoyadas por su breve experiencia y en las modestas posibilidades ideológicas (incluido el "revolucionarism" de su tiempo), es sorprendido y finalmente arrastrado por una revelación que irrumpe en él con fuerza incontrolable. Esta fuerza será de tal magnitud que en sólo dos años sentirá que lo meramente "literario" será un ejercicio menor, tal vez de valor sólo instrumental. (Cuenta Verlaine en sus notas referidas a Rimbaud que éste desdeñaba aquella primera etapa poética y literaria donde había llegado a demostrar una maestría capaz de sorprender a perfeccionistas como Leconte de Lisle y Teófilo Gautier).

En un pasaje de Saison en Enfer escribe Rimbaud que ya no le interesarían más "las magias, los misticismos, las alquimias, los perfumes falsos, las músicas ingenuas".

El autoiniciado

Comenzaba en él la etapa de mayor tensión espiritual, en la que ingresó necesariamente, sin tener conciencia clara de su aventura. Su extraño, precoz, "natural", distanciamiento frente a la Cultura corno algo muerto se puede entrever en estas frases que escribe a los 17 años: "En Grecia, lo he dicho, versos y liras ritman la Acción. Más tarde músicas y rimas serán juegos, entretenimientos... Se actuaba, se escribían libros.." Y sigue: "Digo que hay que ser vidente, hacerse vidente. El poeta se hace vidente por un largo, inmenso y razonado desarreglo de todos los sentidos".
Estas famosas frases conllevan una de las mayores rebeliones culturales. El adolescente Rimbaud, intuye que el instrumento cognoscitivo sea racional como emocional del creador de cultura de su tiempo está inexorablemente maleado. Toda estética no es más que la repetición de un error anterior. Intuye que desde aquella poética de los griegos (¿pensaba en el Hornero de sus lecturas escolares) en que los versos "ritman la Acción", todo se fue precipitando en una cultura de impotencia. Intuye también que sólo hay una cura, apenas un resquicio para salir hacia Lo Grande, para liberarse de ese profundo hastío que Baudelaire abordaba en su poesía de la decadencia: había que desarreglar todos los sentidos para volver a encontrar ciertas fuerzas primigenias que sobrevivían larvadamente en la cultura del Occidente judeocristiano.

Sintió que era necesario empezar por alterar el orden físico para empezar el combate contra una metafísica que a lo largo de los siglos había terminado por esclavizar a sus creadores. El hombre de su tiempo, el fin siecle, no era más que una sombra de sí mismo. El burgués era el exponente final de esa decadencia. Se había potenciado la razón eficaz al precio de lo que Unamuno llamaría más tarde "la Hombredad". Richard Aldington en su ensayo sobre D.H. Lawrence define a la decadencia cultural judeocristiana como "la lenta muerte del ser humano".

Rimbaud llega a la conclusión de que el hombre (de la cultura de Occidente) "no habita el mundo". Por un camino absolutamente original su descubrimiento coincide con los de Hólderlin, Rilke o Nietzsche; todos ellos buscadores de una fuente perdida, de un retorno a aquella armonización que los griegos privilegiaron. Descubrió con cierta furia de adolescente que la razón era un encuadramiento de espacio y tiempo que terminaba por impedirnos ser en el Ser. ¿Cómo regresar de esas categorías mentales exacerbadas en la Francia del cartesianismo que transforman el existir en mera cotidianidad mesurable y previsible?. El método rimbaldiano del "desarreglo de todos los sentidos" equivale a la ebriedad sagrada; la de los poetas de Hólderlin, los hongos alucinógenos de los chamanes americanos, la danza hipnotizante, el ayuno de los místicos.

Hacerse vidente no tenia, en el caso de Rimbaud, el objetivo de una mera estética ni el del apartamiento místico. Era un imperativo desesperado, un grito de advertencia a una humanidad que marchaba alegremente hacia un invisible abismo: la sociedad de masas, la deshumanización, la cosificación, la ruptura hombre-naturaleza (por algo llegó a decir patéticamente: "El poeta ahora está encargado de toda la humanidad, también de los animales"). Hólderlin hablaría de "habitar el mundo en poeta". Ambas frases obscuras para el tiempo en que fueron dichas, en nuestros días de amenaza ecológica y nuclear, se tornan proféticas.

(Décadas después, Antoniri Artaud iniciará un camino similar con su viaje al país de los Tahuramaras, respondiendo a un llamado parecido: llegar a habitar realmente el mundo venciendo la barrera cultural. Escribe Artaud relatando su experiencia de 1936 de iniciación en los hongos alucinógenos: "Después de veintiocho días de espera todavía no había salido hacia mí". Se sentía corno un secuestrado cultural: el verdadero ser estaba paralizado y la ceremonia del peyotl sería el mecanismo de la liberación, de la salida. Liberado del esquema conceptual separador, su ser podría ser en el mundo y no ante el mundo).

La salvación pagana

Tal vez el aspecto más interesante de la aventura espiritual de Rimbaud haya sido su conciencia de ser protagonista de un choque de culturas. ¿Por cuál razón a los diecisiete arras se prefirió "galo", primitivo, precristiano?. Basta citar algunos pasajes justamente famosos y repetidos: "¡Vuelve la sangre pagana! ¡El Evangelio ya pasó!... Yo abandono Europa. Quiero nadar, cortar hierba, cazar, beber jugos ardientes corno el metal en fusión. Salvado... Jamás fui cristiano, soy de la raza de aquellos que cantaban en el suplicio" sintió que debía regresar al estado primitivo de hijo del Sol"...fugar de los pantanos occidentales". Su método de salvación pasaba por lo corporal: poniendo en valor al instinto, la sensualidad, las fuerzas elementales, para destruir o redimensionar sustancialmente el predominio de una razón endurecida en férreas categorías separadoras que habían hecho del hombre un triste homo sapiens un eficaz sobreviviente. Escribe: "El aire marino quemará mis pulmones, los climas perdidos me broncearán... Volveré con los miembros de hierro, la piel quemada, la mirada furiosa, por mi máscara se me considerará de una raza fuerte..."
Esta noción de "raza" se repite: Rimbaud despreció en sí mismo la presencia de una raza culturalmente decadente cuya caída estaba directamente vinculada a la metafísica judeocristiana. "Jamás me veo reflejado en los consejos del Cristo, ni en el consejo de los Señores, representantes del Cristo"... "La raza inferior todo lo ha cubierto el pueblo, que le dicen, la razón, la nación, la ciencia".
Habla con la iracundia de quien descubrió la trama de una estafa. Desde estas convicciones afirma rotundamente: "No estarnos en el mundo". Una cultura desviada lo dejó sin mundo.
De los dos ritmos fundamentales que encuadran la cultura de Occidente, el pagano grecolatino y el judeocristiano, sintió que el primero estaba traicionado, sepultado, y que él era el protagonista de un retorno a la fibra "bárbara", a la tierra. Se comprende que el título primero de Salson en Enfer haya sido Libro Pagano.

La rebeldía final

Hasta estudios recientes se tomó poco en serio el Rimbaud tardío, el que viaja a Abisinia rompiendo con su "carrera literaria" iniciada con triunfo. Sobre esa etapa se construyó un anecdotario que sepultó la importancia y la verdad de su contenido que estudios recientes pusieron de manifiesto. El último Rimbaud responde a una perfecta y coherente línea de consecuencias y elecciones. El escritor renuncia a su etapa literaria (tal vez intuyéndola agotada o innecesaria) y se decide a "habitar el mundo en poeta". Su moral se sustituirá a una ética pública corrompida y sustancialmente perversa. (Claudel, su opuesto, llegó a respetarlo corno a "un místico privado", un ser superior en el orden moral).

Será en esta etapa final, en África, cuando pagará con su vida lo que había decidido en su poética. Se aleja de "los pantanos occidentales", se transculturaliza, trata de mimetizarse con los primitivos nómades con los que se vincula para un comercio que va desde el café hasta las armas. Caminos resecos, puertos ardientes del Mar Rojo. Jornadas compartidas con camelleros, adivinos, traficantes de esclavos. Se mezcla con seres donde el sexo no es observado, donde las vestiduras europeas carecen de significado. De las cartas a su madre y a algunos amigos de entonces emerge un sentido de misión privada, de necesidad. En esas tierras de misticismo generalizado quedan sepultados los restos de francés racional, de homme de lettres, de cartesianismo.

De esta última etapa de Rimbaud se había preferido la anécdota inconsistente o el juicio interesado, de intención política: se lo había presentado corno un subversivo exótico o corno un gran resentido con final de pirata independiente y desafortunado. Sólo ahora la errada división ha sido superada: la etapa última es perfectamente concordante con la iluminación poética primera.

Su rebeldía final formó parte del esfuerzo constante por rescatarse o rescatarnos a partir de un último pilar de una cultura sumergida. En la tremenda soledad de sus viajes por el desierto abisinio (como Nietzsche en su soledad de las pensiones italianas y del manicomio final) seguramente se creyó definitivamente excluido y marginal, vencido, sin comprender que estaba cerrando una parábola ejemplar: su tragedia se centraba en el esfuerzo de sintetizar las vertientes fundamentales de la cultura de Occidente. Su aventura lo transformaba en uno de los pocos "modernos", de los actuales, de los realmente creadores dentro de un panorama general de decadencia. Porque una cultura que no es capaz de crear o recrear valores es la máscara de una anticultura: se torna necesariamente antihumana. Los aparentes creadores quedan degradados a meros cómplices de un estancamiento, de una renuncia: a la vez que los verdaderos creadores asumen el carácter de conspiradores, de exiliados. (¿Qué parecían si no Rilke, Holderlin, Nietzsche o este Rimbaud de los desiertos últimos?)

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