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mercredi, 31 décembre 2008

Sarközy dans le collimateur en Allemagne

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Sarközy dans le collimateur en Allemagne

On savait déjà que l’entente n’était pas parfaite entre Angela Merkel et Nicolas Sarközy, coupable aux yeux des Allemands de négliger le binôme Paris/Berlin au profit de relations privilégiées avec la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, voire en annonçant l’avènement d’une « Union Méditerranéenne », englobant les 27 pays de l’UE et noyant, de ce fait même, le cœur germanique et danubien du continent dans un gigantesque magma informel et sans colonne vertébrale, sans trognon mental commun, fort peu susceptible de fonctionner et de générer de l’harmonie et du consensus. Dans un tel magma, rien de constructif ne peut être entrepris avec toute la célérité décisionnaire voulue, vu l’hétérogénéité de ce bricolage racoleur, qui ne produira que des palabres sans suite. La Méditerranée est certes importante et sa maîtrise est vitale pour l’Europe mais l’empreinte qu’elle doit recevoir doit être européenne, doit venir du cœur du continent et non pas du désert arabique. Pierre Vial disait que la Méditerranée, depuis l’effondrement de l’Empire romain, l’échec des Vandales et des tentatives byzantines de reconquête, était un front et non pas un trait d’union. C’est là une évidence historique. La verbosité de Sarközy et ses gesticulations théâtrales n’y changeront rien.   

Dans le n°50/2008 de l’hebdomadaire « Der Spiegel », l’essai, que le magazine publie chaque semaine, était consacré à l’ « Omniprésident » Sarközy et était signé Ullrich Fichtner (dont on n’évoque pas les qualités ou fonctions). Cet « essay » était féroce : il énumérait, sur le ton du sarcasme et du mépris, voire du dégoût, les frasques du président français, accusé de surcroît de trahir les idéaux de Montesquieu quant à la séparation des pouvoirs. Sarközy aurait ainsi fait de l’Etat le « butin » du pouvoir. Et Fichtner de citer quelques exemples d’entorses graves à l’idéal de Montesquieu, dont les mésaventures d’un manifestant, Hervé Eon, qui s’était promené lors d’une visite présidentielle dans sa ville, avec une pancarte au cou, sur laquelle il reproduisait la parole historique du Président, empreinte de tant de délicatesse, « Casse-toi, pauv’ con ! ». Après que pression eût été exercée sur les tribunaux et sur la magistrature couchée et vénale, Hervé Eon a été condamné pour « injure au Président de la République » (sans que les professionnels de l’idéologie et de la pratique des « droits de l’homme » ne s’en soient outrancièrement émus, ni en France ni ailleurs en Europe…) ; ensuite, la brutalité avec laquelle a été traité un journaliste de « Libération », arrêté dès potron-minet et copieusement rossé dans un commissariat de police, parce qu’il avait écrit, il y a deux ans, quelques rosseries sur le candidat président.  

Face à ces dérapages, dignes du Zaïre de feu Mobutu, Ullrich Fichtner constate : en l’an II du mandat de Sarközy, « le pays (la France) est aujourd’hui devenu l’objet de rapports négatifs qui auraient pu provenir de l’Amérique du Sud des années 70 ».  Et d’ajouter que le commissaire européen des droits de l’homme, Thomas Hammarberg, avait décrit, après sa visite des prisons françaises, que la situation y était « inacceptable » et que la politique française de la justice contredisait les « droits fondamentaux de la personne humaine ». Et hop, quelques belles fleurs dans le jardin de Rachida Dati… Et tout cela se passe aujourd’hui dans le pays de la « rrrrrévolution » et des « droits de l’homme »… dont les ténors du journalisme et de la pensée ( ?) aiment tant donner des leçons aux autres… Fichtner : « Avec Sarközy, un style politique est né, en un laps de temps très court, qui nuit à la culture démocratique du pays » ; « nous assistons à une brutalité croissante du discours politique, comme si Sarközy et ses compagnons avaient suivi les leçons de Georges Bush le Jeune » ; « ivre de son pouvoir, Sarközy se sent compétent en tout et le contraire de tout : il tient des discours sur la maladie d’Alzheimer et sur la psychiatrie, sur la construction automobile, le logement et l’urbanisme, il propose des plans pour les économies à la traîne et contre la tragédie des sans-abri ; il exprime ses visions sur l’avenir de l’Afrique, sur les chances du Québec ; il a des idées sur l’énergie éolienne, le Tibet et le rugby ».

Jusqu’ici, rien que de la polémique, des reproches, comme chaque président français en a essuyés. Mais, l’ « essay » se termine par des paragraphes plus consistants : « Ses discours et ses projets ne peuvent contribuer à étayer l’Etat : généralement, Sarközy cherche la sensation car il se pose comme une homme politique éternellement en campagne électorale et, à cause de cela, dans les circonstances inquiétantes d’aujourd’hui, le système politique français manque d’un pôle de repos et de stabilité, d’un étalon fiable, d’une instance neutre ».

« La télévision d’Etat a été réformée de façon telle que l’émetteur public ne pourra plus diffuser de la publicité après 20 heures, à partir de janvier prochain. Sarközy vend cette réforme comme un « saut qualitatif », le téléspectateur est donc content et toute cette politique semble parfaitement raisonnable et rationnelle. Mais cette politique, de manière drastique, ne permet plus le financement des programmes de la télévision publique, qui se montraient aisément critique à l’encontre du pouvoir. On craint partout en France que l’on tentera de récupérer l’argent perdu de la publicité en ne recrutant plus de journalistes sérieux. Cette crainte est fondée car Sarközy a fait bidouiller sa loi de façon telle que ce sera en fin de compte le Président qui nommera personnellement le futur gestionnaire principal de la télévision publique. Quant aux émetteurs privés, à la tête desquels se trouvent les nouveaux amis super-riches de Sarközy, ils bénéficieront à partir de janvier d’entrées financières proportionnellement plus substantielles, ce qui est un effet collatéral parfaitement voulu, bien entendu ».

Et in cauda venenum : « Les forces de la désintégration politique corrodent l’Etat plus férocement en France qu’ailleurs dans le monde, car la société française est un mélange bigarré d’ethnies, de religions et, heureusement, de citoyens à l’esprit libre ; il n’empêche que l’édifice, qui les abrite tous, se lézarde. Ce processus n’a pas commencé avec Sarközy mais ce président-là n’a rien entrepris pour l’endiguer, l’apaiser, ni trouvé des nouveaux ciments pour le souder à nouveau ; au contraire : animé par son leitmotiv ‘diviser plutôt que concilier’, il mine encore davantage la cohésion de la nation. L’évolution actuelle de la France est une leçon qui nous enseigne que la démocratie et l’Etat de droit ne sont pas de simples évidences, mais des principes que l’on doit gagner chaque jour, pour lesquels il faut lutter quotidiennement, qu’il faut façonner et surtout remplir de sens, de volonté et de ‘virtù’. L’Allemagne, comme aucun autre pays, a dû apprendre cette leçon dans les peines, les douleurs et la souffrance. La France, qui s’est presque toujours retrouvée du côté ensoleillé de l’histoire doit bigrement faire attention, elle, de ne pas l’oublier ».

L’article de fond de Fichtner est le premier, depuis des décennies, à évoquer, au sein d’un établissement politique allemand pourtant bien soucieux de « rectitude politique », la nature « composite » et artificielle de la France en tant que construction politique. Et laisse sous-entendre que cette nature composite, ce manque d’homogénéité, et notamment d’homogénéité ethnique, est une faiblesse effroyable qui risque, à terme, de provoquer un vaste chaos entre le Rhin et les Alpes, d’une part, et l’Atlantique, d’autre part.

L’article de Fichtner montre en filigrane que son auteur préfère une référence directe à Montesquieu qu’un discours, tout en trémolos, sur les droits de l’homme, qui n’est pas suivi d’une pratique ad hoc. Montesquieu permet effectivement une application sereine, sobre et posée des droits du citoyen d’une république ou du sujet d’une monarchie, sans les excès criminels ou verbeux du discours républicain et révolutionnaire. La pratique européenne du droit doit s’inspirer davantage de Montesquieu que des mauvais modèles révolutionnaires. Voilà donc un axiome que l’on peut facilement tirer de l’article de Fichtner.

L’article de Fichtner révèle aussi toute la teneur de l’ère glaciaire qui règne actuellement dans les relations germano-françaises, une glaciation dont Sarközy est responsable. En plus, Fichtner dénonce la césure existante entre le discours (souvent tonitruant) sur les droits de l’homme en France et la pratique quotidienne, très déficitaire, de cette idéologie, soi-disant fondatrice de la République, inviolable et intangible. Cela, les régionalistes bretons, alsaciens ou autres le savaient depuis toujours. Et les cadavres des Vendéens ou des noyés de la Loire savent qu’immédiatement après la proclamation des droits de l’homme et du citoyen, on a inventé le principe de « dépopulation », soit une pratique en bonne et due forme de l’extermination totale d’une population au nom d’un délire abstrait, et qu’on l’a appliqué sans état d’âme par le truchement de « colonnes infernales ». Cette césure entre ce discours et cette pratique indique précisément que le discours en question est, sur le fonds, et depuis son émergence, pure hypocrisie.

L’article de Fichtner devrait inspirer nos législateurs pour condamner, comme le fit un jour Soljenitsyne, la matrice des totalitarismes exterminateurs, après avoir condamné ces derniers ; ensuite pour assimiler les symboles de cette matrice, dont le sinistre tricolore qu’a sacralisé Sarközy, à ceux des totalitarismes du passé, si bien que leur exhibition ou leur vénération ou toute tentative de les importer chez nous, en toutes circonstances ou sous quelque prétexte que ce soit, soit considérées comme un délit, assimilable à l’ostentation pathologique d’oripeaux ou de « paraphernalia » national-socialistes . Ce qui permettrait, en autres choses, d’écarter le délire du rattachisme en Wallonie. 

Enfin l’article de Fichtner devrait inciter à une vigilance européenne généralisée contre les déviances sarközistes, permettant à terme de libérer les peuples de France d’une idéologique intrinsèquement terroriste dans ces principes, même si elle ne peut actuellement les traduire dans le réel et dans toute leur effroyable pureté, et de pratiques contraires aux principes nord-européens de l’habeas corpus, incarnés chez nous, notamment, par la Charte de Kortenberg. La révolution française, comme les pratiques centralisatrices et absolutistes des derniers rois de la monarchie capétienne, a forcé les peuples des anciennes Gaules à sortir d’une matrice européenne commune où la liberté et l’autonomie sont des valeurs cardinales. Il faut les y accueillir à nouveau.

En résumé, c’est un fort beau costume, un pur alpaga haut de gamme, que le principal hebdomadaire d’information en Europe, le « Spiegel », qui tire au moins à deux millions d’exemplaires, a taillé pour cet hiver au nouveau président français, au sortir de ses six mois d’animateur numéro un de l’UE.

(source : Ullrich FICHTNER, « Der Omnipräsident », in « Der Spiegel », n°50/2008). 

 

 

00:45 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, allemagne, europe, affaires européennes | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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