mardi, 12 mai 2009
Drieu la Rochelle ou la révolution conservatrice française
Drieu la Rochelle (1893-1945)
... ou la révolution conservatrice française ...
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En attendant d'en savoir (toujours) plus sur le prétendu « cerveau des Barbares », nous pourrions nous demander ce qu'il en a été au cours du XXe siècle de la « Barbarie sans cerveau ».
Certains voudraient croire que la chute du mur de Berlin en 1989 et l'effondrement du système soviétique en 1991 ont mis un terme au totalitarisme moderne. Hélas, la machine à broyer l'homme a continué ses ravages, comme elle avait survécu à 1945. Et il nous semble aujourd'hui, plus urgent que jamais d'explorer les courants d'idées susceptibles de sauver les individus et les communautés, dans leurs richesses et leurs libertés.
Si l'on admet que le propre de la barbarie sans cerveau c'est d'appliquer le vrai mot d'ordre du nihilisme européen « point de berger, un seul troupeau », il est grand temps de revisiter les courants d'idées qui ont cherché à y répondre, sans accepter les diktats totalitaires.
Ce courant secret a parcouru, en effet, tout au long du XXe siècle les esprits européens. Il porte un nom : c’est la révolution conservatrice. Il a pris des formes et des visages bien différents selon les pays, au point par exemple que son représentant allemand le mieux connu en France, Ernst Jünger aura été finalement moins visible, beaucoup plus discuté dans son propre pays.
La France, comme souvent, fait bande à part.
D’une certaine façon l’école d’Action Française préfigurait, dans sa démarche et dans nombre de ses choix, l’ensemble des courants "révolutionnaires conservateurs" européens. De la sorte, elle a pu s’en tenir à l’écart, évoquant sa propre antériorité, son originalité. Même s’agissant de Nietzsche, dont l’influence « vitaliste » est ici essentielle, un Charles Maurras pourra nier, dans des textes antérieurs à 1914, toute filiation.
Or, de tous les auteurs de la droite radicale française, Drieu la Rochelle fait sur ce point exception. Il se réclamera, ainsi, en 1934, de « Nietzsche contre Marx ». Et, tout au long de son œuvre, il exprime une façon originale de voir le monde, de repenser la modernité, de vouloir réconcilier le corps et l’esprit.
Il se trouve, hélas, que cette partie essentielle de sa pensée demeure la moins connue. On retient un aspect différent, et d'ailleurs mouvant, celui de ses prises de positions politiques, qui permettent de le connoter, de l'exclure, de l'étiquetter et de le stigmatiser. La dernière mauvaise action de ce point de vue fut de prétendre, il y a quelques années, publier un « Journal » qui eût, de toutes manières mérité de demeurer inédit.
Plusieurs essais, plusieurs recueils d’articles et de « Chroniques politiques » ont développé certes ses tentatives de réponse, au quotidien à la décadence. Mais en dehors de son premier livre d’idées « Mesure de la France » qui, dès 1922, en appelle à l’unité des Européens, tous ont été frappés de cet opprobre lié au fait que Drieu la Rochelle, dans l’opposition internationale entre (prétendus) « fascistes » et communistes, apparaît comme l’un des méchants du film. Son ex-ami Aragon eut plus de chance. Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur les approximations ayant conduit Drieu à écrire en 1934 son « Socialisme fasciste », — étant rappelé par exemple qu'il refusa de se rallier en 1938 aux accords de Münich.
Ainsi, pour d'excellentes raisons, il a donc été jugé par les amis et les admirateurs de Drieu la Rochelle eux-mêmes, plus utile à sa mémoire, et plus urgent, jusqu'aux années récentes de faire valoir l’œuvre littéraire considérable du romancier plutôt que la pensée, supposée pestiférée, de l'essayiste. Deux magnifiques romans, « Une Femme à sa fenêtre » et « Le Feu follet » ont été portés à l'écran : le reste demeure encore occulté.
Il est également vrai que les différents essais de Drieu reflètent un parcours de recherche, entre gauche et droite, et au-delà du nationalisme classique.
On doit bien comprendre que, dans la France des années 1930, en dehors de quelques très rares esprits personne ne croit plus ni à l'économie libérale (saluons de ce point de vue la lucidité d'un Jacques Rueff) ni même à ses fondements individualistes.
Ainsi, les « personnalistes chrétiens », contrairement à l’étiquette trompeuse dont ils recouvrent leur pensée, tournent précisément le dos à la valeur sacrée de l’individu pour adhérer successivement à toutes les utopies totalisantes.
Quand Drieu publie donc en 1941 ses « Notes pour comprendre le siècle », il a l’immense mérite de poser le problème de manière doublement courageuse.
Il s’écarte d'abord d’un conformisme officieux dominant. Celui-ci tendait à ne rechercher à la situation dramatique et à l’effondrement de la France que des responsabilités superficielles et strictement institutionnelles.
D'autre part, il se sépare aussi de cet ersatz d’anticonformisme dit « des années 1930 ».
On soulignera aussi, au besoin, que le rapport des « Notes pour comprendre le siècle » au christianisme et au Moyen Âge, pas éloigné de celui d'un Berdiaeff par exemple, l'écarte tout à fait des interprétations abusives.
Le conformisme des uns comme le faux anticonformisme des autres conduisaient et aboutirent effectivement aux dévoiements technocratiques du Front Populaire en 1936, de Vichy en 1941 ou des diverses formules de l’immédiat après-guerre entre 1944 et 1947.
Bien avant les soixante-huitards, et à l’opposé des revanchards, Drieu la Rochelle pose dans ces « Notes pour comprendre le siècle », d’abord, la question culturelle du déclin.
Il ne prétend pas le faire d’une façon péremptoire et définitive : il adopte donc une écriture souple, incitant le lecteur à prolonger lui-même des pistes où chacun retrouve sa propre part d’« Interrogations », et de « Fonds de cantine ».
Oui, « Notes pour comprendre le siècle », ce petit livre discret de Drieu la Rochelle, témoigne d'une grandeur, d'une sérénité et même d'une étonnante fraîcheur. Il nous réconcilierait presque avec un genre aussi discutable que la critique littéraire, à laquelle il donnerait ici des lettres de noblesse, si tant est qu’il lui soit apparenté.
Réconcilier l’âme et le corps : n’est ce pas une voie royale pour découvrir et réhabiliter l’individu ?
JG Malliarakis
©L'Insolent
00:15 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lettres, lettres françaises, littérature française, france, révolution conservatrice, fascisme, années 30, années 40, politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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