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mercredi, 14 octobre 2009

Ce qui se cache derrière les privatisations

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Ce qui se cache derrière les privatisations

Ex: http://unitepopulaire.org

« Le marché, parce que sa dynamique est tellement contraire à celle de la nature, de l’homme et de la vie sociale, ne peut s’imposer à des citoyens rétifs qu’au prix d’incalculables dislocations et souffrances : faute d’être retenue par l’intervention régulière de l’Etat, la "main invisible" inventée par Adam Smith eût partout abouti à la démolition de la société qu’on observa en Russie pendant l’ère Elstine. […]

 

 

Même si ses partisans enflammés le prétendent aussi naturel que la liberté, même si ses adversaires découragés l’imaginent aussi irrésistible que la géométrie euclidienne, le laisser-faire oblige à ne jamais cesser de faire. Pour parachever la construction de la cathédrale libérale, pour consolider l’ordre marchand, il faut toujours un traité de plus, une protection constitutionnelle de moins, une nouvelle étape dans la foulée de la précédente : en Europe, la convergence des politiques monétaristes a facilité la libération des capitaux, qui a préparé le terrain au traité de Maastricht, qui a imposé l’indépendance des banques centrales, qui a garanti le maintien de politiques sacrifiant l’emploi.

 

Cet étouffement programmé du secteur public s’inscrit bien sûr dans cette perspective. Les entreprises nationalisées ont eu pour vocation de suppléer aux insuffisances du marché, d’être le fer de lance d’une politique économique démocratique, d’assurer des missions de service public, de favoriser l’égalité des citoyens, de jouer un rôle d’aiguillon social. Or aucun de ces objectifs ne constitue plus la priorité des gouvernants, une partie de l’opinion s’est mise à douter qu’ils restaient accessibles, et la vente des entreprises nationales a semblé constituer un gisement financier facilement exploitable. Pourtant, privatiser, c’est oublier ce que soixante ans au moins d’histoire économique ont enseigné.

 

Et d’abord les défaillances de l’entrepreneur privé. Des activités à haut risque, à forte exigence de capital et à cycle long (espoir de profit plus éloigné que l’horizon des marchés financiers) réclament l’intervention de la puissance publique, qui en est souvent le seul ou principal client (nucléaire, spatial, armement), faute de quoi devraient se constituer des monopoles industriels tellement puissants qu’ils deviendraient vite, comme le craignait Charles de Gaulle, "en mesure de faire pression sur l’Etat".

 

La volonté collective d’orienter l’économie, ensuite. Tantôt frileux, tantôt aveuglé par le tropisme du dividende, le capitalisme n’accouche naturellement ni d’une politique industrielle, ni d’une stratégie d’aménagement du territoire, ni d’un équilibre de plein emploi. Sans l’intervention de l’Etat, le Japon se fût enfermé dans des activités à faible valeur ajoutée, la désertification et l’enclavement de régions entières seraient devenues inexorables parce que cumulatives, la neutralité de la dépense publique n’eût pas permis de combattre l’insuffisance de la demande globale. […]

 

Toute avancée du marché exige un travail minutieux de préparation idéologique. Cela est d’autant plus facile que les principaux moyens d’information, eux-mêmes propriété de grands groupes privés (Bouygues, Lagardère, LVMH, etc.) opèrent comme autant de relais de presse sur le patronat : dans ce rôle, les éditorialistes économiques de TF1 ou d’Europe 1 sont seulement plus caricaturaux que les autres. Toutefois, la contrainte financière qui pèse sur un Etat de plus en plus privé de recettes fiscales joue également son rôle : reprenant à son compte une idée maîtresse du reaganisme, Alain Minc n’avait-il pas expliqué : "Le système public ne reculera que pris en tenaille entre des déficits devenus insupportables et des ressources en voie de rétraction" ? Créer une contrainte pour ensuite s’y prétendre soumis est la démarche habituelle qui précède tous les reculs sociaux. »

 

Serge Halimi, "Déréguler à tout prix", Manière de Voir n°102, décembre 2008-janvier 2009

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