On a fêté hier en France l'armistice de 1945. Dans l'ancienne Moscovie on commémore cela le 9 mai, en considération de l'entrée victorieuse des troupes staliniennes dans la vieille capitale prussienne. Il existe ainsi, de manière inévitable, plusieurs versions de l'Histoire. Ce qui tient lieu d'occident gagnerait par conséquent à sortir, au moins, de la Mémoire formatée, dans la seconde moitié du XXe siècle par la propagande soviétique.
On pourrait donc commencer par le commencement.
La seconde guerre mondiale a été mise en route le 23 août 1939 à Moscou. Joachim von Ribbentrop et Viatcheslav Molotov, respectivement ministre des Affaires étrangères du Reich et commissaire du peuple de l'Union soviétique paraphèrent ce jour-là deux documents. Le premier, rendu public, se présentait comme un pacte de non-agression entre les deux États. Personne ne s'y trompait. Un second accord le complète sous forme d'un protocole secret délimitant à l'avance les zones d'influence respective en Europe centrale et orientale qui résulteront du conflit immédiatement à venir. Un troisième interviendra le 28 septembre pour le partage des dépouilles.
Les choses s'enchaîneront dès lors irrémédiablement. Hitler attaquera la Pologne une semaine plus tard, le 1er septembre. Son compère Staline le suivra, frappant dans le dos le frère slave, le 17. Un conflit monstrueux allait embraser le monde pour 6 années, provoquant la mort de 50 à 60 millions de victimes. Il ne se terminera qu'en août 1945, avec la conférence de Potsdam. Le dictateur soviétique avait entre-temps changé de camp, le 22 juin 1941. Il le fit involontairement, et sans l'avoir lui-même prévu. Il fera cependant avaliser de manière définitive par ses nouveaux partenaires de l'ouest, ses conquêtes territoriales. En Europe, tous ses agrandissements remontaient à la période de son appartenance au camp adverse entre 1939 et 1941.
Ses interlocuteurs d'alors venaient d'accéder au pouvoir. Ils s'appelaient Harry Truman, ayant succédé en avril à Roosevelt comme président des États-Unis, et Clement Attlee chef du parti travailliste, vainqueur des élections législatives remplaçant Churchill le 26 juillet 1944. À Yalta, l'Amérique et la Grande Bretagne avaient avalisé les bases de cette consolidation des acquis territoriaux. Les deux grands alliés occidentaux avaient en effet cosigné le 11 février 1945 la "déclaration sur l'Europe libérée" considérant qu'en Europe de l'est, "la libération par l'armée rouge crée une situation politique nouvelle".
Guère novatrice pourtant, celle-ci reprenait presque exactement la position redessinée le 28 septembre 1939 par le maître du Kremlin en accord avec Ribbentrop.
Les destructions immenses, les pertes humaines, les bouleversements politiques et sociaux résultant de la déflagration, mirent au second plan les charcutages territoriaux.
Pas d'histoire sans géographie, par de géographie sans cartes, nous enseignait-on pourtant autrefois.
Les Français, absents des deux conférences de Potsdam et de Yalta, libérés par les Américains et peu soucieux de géographie ont longtemps considéré comme points de détails les modifications apportées à la carte de l'Europe orientale. Aux yeux de beaucoup de décideurs nombre de frontières sont tenues pour justes dès lors que, résultant de l'histoire militaire, elles ont été fixées au moment de la signature des armistices.
Observons cependant que ces transferts de souverainetés territoriales, au centre de l'Europe, imposées en 1940 et pérennisées en 1945 répondaient à trois caractéristiques.
Premièrement, aucune d'entre elles ne correspondait ni à la volonté exprimée démocratiquement et pacifiquement par les populations, entre les deux guerres, ni à la plus élémentaire des cartes linguistiques.
Deuxièmement, du nord au sud, de la Carélie finnoise à la Bessarabie roumaine, elles permettaient toutes, aux forces armées soviétiques, de pénétrer directement dans chacun des pays satellisés et incorporés de force dans l'Empire communiste.
Et enfin toutes ces conquêtes, soit 9 territoires totalisant 435 000 km2, soit la superficie de 75 départements français, avaient été opérés pendant la période 1939-1941. (1)
À noter aussi que si 4 de ces 9 pays ont recouvré en 1991 leurs indépendances étatiques, et si 3 d'entre eux appartiennent désormais à l'Otan et à l'Union européenne, aucune frontière n'a fait l'objet ni d'un réexamen, ce qui peut être considéré désormais comme un moindre mal, ni même d'un assouplissement.
On doit donc constater que l'alliance entre Staline et Hitler, n'est pas seulement demeurée impunie. Initiée par le dictateur soviétique (2) elle se traduisit diplomatiquement par trois accords logiquement inséparables.
Le crime dont Katyn est devenu la métaphore sanglante, commis au détriment des victimes polonaises, ne doit être tenu ni pour isolé, ni pour accidentel, ni même pour spécifique au martyre d'une seule nation. Le massacre des élites réputées bourgeoises fut ainsi perpétré par l'occupant rouge. Avec ou sans la complicité de ses alliés du moment, elle laissa des traces profondes dans toute l'Europe de l'est.
Elle aura profité pendant un demi-siècle au partenaire communiste.
Elle a été transférée sans doute, de manière artificielle au second rang de la "mémoire".
Mais elle ne doit pas, elle ne peut pas être oubliée par l'Histoire
JG Malliarakis
Apostilles
- La carte et le tableau de ces territoires figurent dans le livre "L'Alliance Staline Hitler" (chapitre Ier "Cartes sur tables"), dont la parution se trouve reportée de quelques jours. Il parviendra chez les souscripteurs fin mai. Je les prie de bien vouloir m'excuser de ce petit retard et j'en profite pour proposer aux autres de bénéficier encore jusqu'au 25 mai des conditions de souscription, au prix de 20 euros, payables soit par chèque adressé aux Éditions du Trident, 39 rue du Cherche Midi, 75006 Paris tel 06 72 87 31 59, soit par carte bancaire en utilisant la page dédiée du site des Éditions du Trident.
- ce que démontrent les 250 pages de documents publiés dans "L'Alliance Staline Hitler".
"L'Alliance Staline Hitler"
Sous ce titre paraîtra un ouvrage de l'auteur de ces lignes retraçant le contexte de la politique soviétique pendant toute l'entre deux guerres. Il comprend en annexe, et expliquant, plus de 80 documents diplomatiques, caractéristiques de cette alliance. Il sera en vente à partir du 25 mai au prix de 29 euros. Les lecteurs de L'Insolent peuvent y souscrire jusqu'au 25 mai au prix de 20 euros, soit en passant par la page spéciale sur le site des Éditions du Trident, soit en adressant directement un chèque de 20 euros aux Éditions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris. Tel 06 72 87 31 59.
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