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jeudi, 15 novembre 2012

Syrie : Erdogan/Netanyahu, même combat ?

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Syrie : Erdogan/Netanyahu, même combat ?

Louis DENGHIEN
 
 

Lundi, des chars israéliens ont riposté à la chute d’un obus de mortier syrien sur le Golan occupé. Ces tirs israéliens, apparemment les troisièmes en 48 heures, n’auraient fait aucune victime, alors que selon des sources militaires  le précédent incident aurait touché une position d’artillerie syrienne.

Des obus politiques

Quoiqu’il en soit, on a l’impression que Tel-Aviv  marche dans les pas d’Ankara. Il nous semble d’ailleurs que Netanyahu est dans la même démarche qu’Erdogan : ses obus sont politiques, au sens de la politique intérieure. Au moment où la tension repart sur la frontière de Gaza, le tandem Netanyahu/Barak se veut le défenseur intransigeant de la sécurité israélienne, et en ce qui concerne le Golan, le message (les obus) est destiné autant à l’opinion israélienne (sollicitée d’ici deux ou trois mois pour des législatives anticipées) qu’à Bachar al-Assad. Et, tout comme son alter ego (et allié objectif) Erdogan, Netanyahu ne veut pas la guerre, mais sauver ou maintenir la face, diplomatiquement et politiquement. C’est bien pourquoi, comme sur la frontière turque, les obus n’annoncent aucune opération militaire majeure. Le fait est que ni Damas ni Tel-Aviv n’ont intérêt à un embrasement en l’état actuel des choses.

Cette évidence n’empêche pas certains analystes français – tendance idéologie dominante – de parler de provocation et de stratégie de la tension de la part du pouvoir syrien : ce dernier, en mauvaise posture intérieure, tenterait d’effrayer ses voisins par un esquisse ou une menace d’extension du conflit. Ca conforte la thèse mainstream, un peu fatiguée mais irremplaçable pour notre caste médiatique, du caractère dangereux et diabolique du pouvoir syrien. Mais ça ne correspond pas à la réalité.

Soldats syriens dans un quartier d’Alep, photographiés le 12 novembre : ceux-là, et aussi la grande majorité des Syriens, ne sont pas touchés par la propagande de l’OSDH et de l’AFP, qui mouline à vide depuis des mois…

Triple échec militaire, diplomatique et politique de l’opposition

D’abord, le dit pouvoir n’est pas aux abois :

-Militairement, il a contenu partout les soi-disant offensives de la rébellion : à Alep et Maarat al-Numan, par exemple, il continue de regagner du terrain, ce que reconnait d’ailleurs l’article de l’AFP de ce mardi matin ; et, faisant fi des gesticulations d’Erdogan, il poursuit ses opérations dans le secteur frontalier nord-est, bombardant notamment le poste-frontalier de Rass al-Ain.

À Damas, les scribes de l’OSDH et de l’AFP ont bien du mal à entretenir la fiction d’une nouvelle bataille, en transformant des attentats à la bombe, des assassinats ciblés et des incursions et tirs de mortiers sporadiques à Tadamone, à Harasta et dans la périphérie sud de la capitale en une nouvelle offensive décisive de la rébellion. On ne prend pas Damas avec quelques centaines de desperados, quand plusieurs milliers ont échoué en juillet/août dernier.

Il est vrai que le patron de l’OSDH Rami Abdel Rahmane (marchand de jeans à Coventry dans le civil) est plein de ressources, et trouve presque toujours quelque chose pour relancer sa machine propagandiste. Ainsi, voici quelques jours, il annonçait la « prise » de trois nouvelles villes frontalières par les milices kurdes. Tout est dans les mots : d’abord, il faut vraiment beaucoup agrandir une carte satellite de le Syrie pour qu’apparaissent enfin les « villes » en question : Ar Darbasiyah et Amouda sont en fait de petites bourgades effectivement situées sur la frontière turque, à quelques kilomètres à l’ouest de la ville (une vraie ville, elle), de Qamichli, capitale de fait du « Kurdistan syrien« . Ensuite, rien de nouveau sous le soleil : on sait bien que Damas a négocié un retrait de cette région au profit des milices du PYD kurde-syrien, qui s’opposent très concrètement, à Alep et dans plusieurs secteurs frontaliers avec la Turquie, aux opérations de l’ASL et des islamistes. L’armée et l’administration de Damas restant présentes dans les grandes villes d’ar-Raqqah et d’al-Hassake, et continuant à mener des opérations en certains ponts de cette frontière nord-orientale, notamment dans le secteur de Tal al-Abyad, poste-frontière situé à une cinquantaine de kilomètres au nord d’ar-Raqqah, ou encore, on vient de le voir, à Rass al-Aïn.

Ca ne veut pas dire que la montée en puissance du PYD, allié au PKK, ne pose pas de problème ou de question à l’unité de la Syrie, mais c’est un problème qui doit être négocié après que sera atteint l’objectif prioritaire : l’éradication de la rébellion « atlanto-islamiste ».

Au-delà du « buzz » propagandiste quotidien, on en revint toujours à cette « vérité structurelle » : tout simplement, les distorsions, exagérations et mensonges peuvent fournir à la grande presse française – apparemment la meilleure cliente de l’OSDH – sa ration quotidienne (encore que bien anémiée depuis des semaines) de titres sensationnels et pro-opposition, ils n’en sont pas moins impuissants à transformer la réalité. Et la réalité, c’est que les bandes armes ne peuvent atteindre aucun objectif majeur, ni le conserver quand par hasard ils l’ont atteint ; tout au plus peuvent-ils s’accrocher, au prix de pertes sensibles, à leurs positions : on le voit sur les deux principaux front du moment, à Alep et à Maarat al-Numan, où ils reculent « irrésistiblement » et subissent des saignées.

-Diplomatiquement, la situation du gouvernement syrien n’est pas aussi mauvaise que le disent (et le rêvent) les haut-parleurs – syriens et occidentaux – de l’opposition : la nouvelle Coalition nationale de l’opposition (englobant et maquillant un CNS démonétisé) a sans surprise été reconnue par les divers émirs et roitelets du Golfe, ainsi que par les Américains et leurs principaux suiveurs européens. Mais la Ligue arabe n’a pu, elle, masquer des dissensions à ce sujet : l’Algérie et l’Irak ont exprimé des « réserves » sur la légitimité de cette opposition repeinte à grands frais par le Qatar ; et l’on sait que d’autres pays arabes, comme le Liban, la Mauritanie, voire Oman et le Yémen, sont eux aussi réservés quant à la politique syrienne de la Ligue, quoique plus discrètement. Et que le Qatar et l’Arabie séoudite n’ont pu empêcher Morsi, en Égypte,de se rapprocher de l’Iran.

Et, de toute façon, les gesticulations de Doha n’impressionnent pas la Russie qui a tout de suite demandé à la nouvelle structure de négocier avec Bachar, ce qu’elle a aussitôt refusé.

-Enfin, et on serait tenté de dire surtout, l’opposition radicale a perdu politiquement en Syrie : son radicalisme religieux, sa dimension étrangère, son indifférence nihiliste aux dégâts qu’elle cause partout où elle est en situation de le faire, lui ont aliéné une bonne part de ses  soutiens populaires initiaux. Même des opposants déterminés au régime ont commencé à entrevoir que les bandes armées (la vraie opposition de terrain depuis longtemps) ne sont plus dans une stratégie de révolution, mais de djihad et de terrorisme : sous l’empire des faits, le nihilisme et le fanatisme religieux ont remplacé le projet politique, si tant est qu’il ait jamais fait l’objet d’un consensus entre l’opposition exilée et les différents groupes armés.

Tout cet article pour dire, ou plutôt pour redire, que, en dépit de tout ce qui peut être dit ou écrit par les nomenklaturistes des médias français, l’opposition syrienne manipulée par les émirs et les néoconservateurs transatlantiques est dans une impasse totale. Et qu’elle ne peut que continuer à mener, mécaniquement, qu’une guerre de déclarations, d’annonces et de non événements, en parallèle avec la guerre d’attentats et de coups de mains de ses « troupes » sur le terrain. Les soldats syriens, la majorité du peuple syrien , et bien sûr le gouvernement syrien se moquent des communiqués de l’OSDH, des articles de l’AFP et même des gesticulations diplomatiques de l’Occident.

Louis Denghien sur Infosyrie

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