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mardi, 13 octobre 2015

Le Bien par procuration, summum de la pensée adhérente

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JEAN-LUC NANCY*, LE BIEN PAR PROCURATION

Le summum de la pensée adhérente

Michel Lhomme
Ex: http://metamag.fr

L'affaire Michel Onfray déchaîne les journalistes, c'est normal. Michel Onfray s'est sans doute depuis trop longtemps prêté aux jeux mais qu'elle enrage les métaphysiciens du silence est beaucoup plus surprenant pour ne pas dire proprement indécent. 


000000000000000000000000000000000031o3.jpgL'éloge du « silence des intellectuels » vantés par un des plus bavards - pour ne pas dire le plus baveux - d'entre eux prête à rire. Si Jean-Luc Nancy ne fréquente pas les plateaux de la télévision, il ne s'est en réalité jamais tu. La masse importante de ses publications, sans grande signification d'avenir et qui se vendent d'ailleurs déjà au kilo, en atteste largement. Effectivement, il est peu intervenu dans le débat public mais c'est que si Jean-Luc Nancy s'est tu depuis des années sur les affaires du monde, c'est qu'il a toujours consenti. Il a beau nous la jouer grand intellectuel dans son bureau au-dessus de la mêlée avec le leitmotiv d'Adorno au plafond, "plus de poésie après Auschwitz", il a en réalité toujours trouvé le temps d'écrire pour soutenir les pouvoirs en place.

 
Jean-Luc Nancy n'est pas tout à fait l'ascète ou le vieux sage qu'il voudrait nous faire croire. Mais imbu de son travail pour ne pas dire de sa personne, il se croit occupé à des choses plus sérieuses, en effet il déconstruit, il arrache la tradition et c'est en ce sens là que précisément il n'a cessé de collaborer à ce qui nous arrive, ce désastre que lui-même pressent. Incapable de la moindre analyse géopolitique autre que celle des maîtres - c'est-à-dire en gros le journal de 20 heures ou le 20 minutes de Canal Plus -,  sans courage par carriérisme, il a toujours suivi le courant, il est donc dans le vent compassionnel et il adhère à toutes les manipulations. Jean-Luc Nancy, c'est en quelque sorte le summum de la pensée adhérente, de la pensée qui colle au manche mais qui est fière d'elle-même puisqu'elle a la certitude d'être dans le bien. .Il nous sert donc politiquement un brouet relativiste et cosmopolite, un humanisme de pacotille fondé sur l'émotion directe et la dialectique du fluide ou du nomade. Il joue la pleureuse philosophique, qui a d'ailleurs le toupet de déclarer que les mots, surtout les mots du politique, n'ont plus de sens  intelligible. Justement, les mots conservent leur sens intelligible à mesure que croît le décalage entre ce que les Français voient ou lisent et la réalité qu’ils perçoivent et vivent au quotidien. Il n'empêche selon cette grande âme du Bien par procuration, il s'agit  évidemment d’accueillir avec enthousiasme l’Autre, celui venu d’ailleurs, nimbé de toutes les vertus et paré de toutes les supériorités dont pourraient et même devraient se réjouir des peuples vieillissants et fatigués qu’ils auraient peut-être - mais Nancy n'ose le dire, cela aurait été trop « osé » - pour mission de régénérer. Avouons que le conte philosophique est très mièvre et qu'il ne ferait même pas sourire Voltaire mais il est destiné aux esprits les plus fragiles. Il flatte surtout le Prince qui vous paie. C'est sa fonction première, ce « sens qui fait sens », « cet horizon », cette « ligne de fuite » pour paraphraser les inepties du style post moderniste de la fin de la métaphysique. Avec Nancy, nous n'aurons donc pas un autre son de cloche que celui des « petites chances » Mais encore, il va plus loin. Lui qui déconseillait sûrement à ses élèves de lire Spengler, devient en quelque sorte un décadentiste, un converti néo darwinien à la Jared Diamond, un apocalyptique mais sans Katechon, cédant aux sirènes de la disparition et voyant dans les réfugiés les « messagers de la fin ». 


L’épisode migratoire intensif subi par la France et un certain nombre de nations européennes et son aggravation subite depuis le mois d’août dernier ne doivent évidemment rien au hasard, pas plus que le glissement sémantique de « clandestins » à « réfugiés ». Déjà, nous sommes biens pantois devant un philosophe grand manitou du silence, qui cède sans sourciller, à la novlangue sans avoir l'honnêteté de relever la dérive sémantique du terme « migrants » en « réfugiés » ou de reconnaître au moins qu'il assume ce détournement politique qui n’a rien à voir avec un tic langagier mais qui est imposé par les médias relevant de la propagande.  En fait, Jean-Luc Nancy s'est fait ici le porte-parole de la classe philosophique universitaire et des professeurs de philosophie du secondaire. Ce sont des milieux libéraux particulièrement aliénés qui entonnent en chœur les refrains connus du déficit démographique qu’il convient de combler au plus vite, d’un système social qu’il nous faudrait consolider en accueillant la misère du monde, de la nécessaire solidarité à mettre en œuvre et du grand cœur qu’il convient de porter en bandoulière tout en affichant une exaltation bienveillante devant un fléau de grande ampleur qu’il faudrait feindre de prendre pour une inégalable opportunité. C’est un festival de bons sentiments, de passions désordonnées avec pour fond d'écran la paix universelle de Kant ou un regain de spinozisme anachronique. La philosophie universitaire, fidèle et docile à ses commanditaires aura ici une fois de plus joué son rôle, collaborant, pilonnant sans répit les valeurs, confondant éthique personnelle et éthique politique, serment d'Hippocrate et raison d'Etat sans le moindre sens de la nuance et surtout du bien commun mais aussi encore plus grave sans la moindre parcelle de rationalité. Jean-Luc Nancy qui en bon masochiste aura passé toute sa vie à cracher sur la Raison se mobilise donc pour le lavage de cerveau et le bourrage de crâne avant le grand conflit. On saura le retenir comme le fait que quelles que soient les approximations de Michel Onfray, ce dernier se sera tenu au contraire debout et non couché.  « Accueillez-les », « Le grand défi de l’Europe », les silences bavards de l'intellectuel Nancy sont peut-être les silences de l'attendrissement mais c'est un attendrissement qui, en pleine cavale et inquisition intellectuelle contre Onfray, a choisi son camp. Déjà, cela ne se fait pas entre collègues. 
Quant à soutenir l'accueil inconditionnel des immigrés illégaux, Nancy qui a  travaillé toute sa vie à la mort de la métaphysique finit pourtant en parfait métaphysicien par occulter délibérément la réalité tangible du politique. C'est bien le bon laquais, déférent du cosmopolitisme philosophique et qui ne peut s'empêcher aussi de nous mettre en demeure d’ouvrir grandes les frontières et de profiter de cet horizon indépassable de félicité que représentent la submersion migratoire et la disparition de nos peuples autochtones mais néanmoins dans une vision décadentiste de la fin. L'apôtre du suicide collectif semble ainsi tout émoustillé et ragaillardi par le déferlement massif de la misère du monde aux quatre coins de l’Europe parce qu'il y voit la fin d'un monde. 


On croirait lire du Cioran pour les nuls mais c'est très tristement ce qu'il appelle « penser au présent », sur fond de messagers itinérants qui hélas, ne seront pas des extraterrestres. La pensée a des devoirs et des droits. En tout domaine étudié, la pensée doit se faire l'humble auxiliaire des conditions qu'elle rassemble, pour être libre juge des conséquences qu'elle tire. La pensée fait et défait nos idées. Si les idées exercent l'intelligence, il reste pour chaque vie, à n'être pas intelligent pour rien. 

(*) Philosophe. A paraître: "L'Equivalence des catastrophes. Après Fukushima" (Galilée).

00:05 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, philosophie, jean-luc nancy | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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