« Merkel ! Merkel ! Deutschland ! Deutschland ! », Qui ne les a pas entendus, ces paroles scandées par des milliers de migrants en route vers leur « terre promise », l’Allemagne ? Ils seraient déjà plus de 700’000 à avoir trouvé un accueil outre-Rhin, et d’ici la fin de l’année, ils seraient près d’un million. Mais la politique d’accueil allemande a atteint ses limites.
Le rapport de l’Allemagne face à l’immigration est compliqué. Le poids de l’Histoire rend compliqué voire impossible la critique d’une immigration illimitée sans passer pour un partisan de l’extrême-droite. Des voix comme l’ancien président de la Banque centrale allemande Thilo Sarazin, économiste renommé et membre du parti socialiste, qui ont mis en garde contre les conséquences néfastes d’une immigration massive, ont immédiatement été qualifiés par les médias et les politiciens de « fascisantes », « extrémistes » voire « xénophobes ».
Pourtant, Son livre « L'Allemagne disparaît » (Deutschland schafft sich ab) est le livre politique le plus vendu de la décennie en Allemagne. Il semblerait donc qu’un nombre croissant d’Allemands ne soutienne pas la politique d’ouverture illimitée et inconditionnelle défendue par la chancelière Angela Merkel.
Critiques à gauche…
De plus en plus de voix critiques se lèvent, et celles-ci ne proviennent pas exclusivement de la droite. Ainsi, le magazine politique Compact, dont le rédacteur en chef Jürgen Elsässer est un ancien communiste qui se dit encore et toujours homme de gauche, est l’un des magazines les plus fermes envers la politique migratoire officielle. Elsässer tire à boulet rouges sur la vision multiculturelle prônée par les politiciens et les médias allemands. Il critique et attaque directement la chancelière Angela Merkel (« Mutti Multikulti ») et le président de la république Joachim Gauck (« Onkel Asyl »). Elsässer n’a pas le monopole de la critique de gauche contre une politique migratoire trop attractive. D’autres acteurs critiquent le système allemand qui favorise une immigration de main d’œuvre bon marché. La députée au Bundestag Sara Wagenknecht du parti « Die Linke » (le mouvement politique qui fait la suite du parti unique de la RDA) n’est pas non plus avare en critiques envers un système qui créé un attrait pour les plus démunis.
… à droite…
A droite de l’échiquier politique, Angela Merkel se trouve confrontée à une contestation interne à son propre camp. Horst Seehofer, ministre de la Bavière et membre du CSU (le pendant bavarois de la CDU de Angela Merkel) exige la fermeture définitive des frontières et l’introduction de contrôles systématique aux douanes. De plus, la critique de l’immigration incontrôlée fait partie du programme d’un nouveau parti, l’AfD (« Alternative für Deutschland ») qui fut fondé en 2014 et qui compte déjà des représentants au parlement européen et qui à obtenu plus de 10% des voix dans deux régions allemandes. Une force politique qui peut sérieusement mettre en péril l’avenir de la dominance CDU/CSU. Il est fort probable que ce parti aura encore plus de succès à l’avenir, malgré une récente sécession au sein même du mouvement.
… et au sein de la population
Si 2015 s’avère déjà être l’année de tous les records en matière d’immigration, la fin de l’année 2014 a déjà vu se développer un mouvement de contestation massif dans plusieurs grandes villes allemandes. Le mouvement PEGIDA (acronyme pour patriotes européens contre l’islamisation de l’occident) a pris une ampleur qui a dépassé ses organisateurs, surpris les observateurs et inquiété les politiciens. Et c’est ce mouvement populaire, qui regroupe des personnes de tous les milieux sociaux politiques qui indique le plus clairement un revirement de l’opinion publique allemande.
Rapidement décrié comme extrémiste et xénophobe, PEGIDA a connu une forte affluence fin 2014. Le 5 janvier 2015, environ 40'000 personnes ont manifesté à Dresde. Puis, après les attentats de Charlie Hebdo, et une pression médiatique importante contre ce mouvement, PEGIDA connut un net recul d’affluents, recul qui prit fin en septembre 2015.
Paradoxalement, ce n’est ni l’opinion publique, ni le monde politique et encore moins les médias qui ont remis en question la politique migratoire allemande ; c’est la situation qui devenait tout simplement incontrôlable. Les messages de bienvenue prononcés par Mme. Merkel et M. Gauck ont créé un afflux de migrants tellement important que le système ne parvient plus à le gérer. Des communes de quelques centaines d’habitants se voient attribués plusieurs centaines de réfugiés. La prise en charge dans les centres d’accueil n’est pas satisfaisante. La logistique ne suit plus. A force de trop vouloir d’immigration, le système s’est effondré. Peu de temps après avoir annoncé l’accueil de tout réfugié qui le demandait, Angela Merkel s’est vu contrainte de fermer les frontières de l’Allemagne. Un comble. Mais une leçon importante pour tous les européens.
Car les premiers responsables de l’immigration massive ne sont pas les migrants, ni même les Etats d’où ils fuient. Les premiers responsables sont les politiciens européens qui leur promettent un accueil généreux. Cette attitude provoque un appel d’air qui pousse des millions de personnes (qu’elles soient réellement menacées ou non) à fuir leur misère pour tenter de reconstruire une vie meilleure en Europe. De ce fait, les politiciens européens sont les premiers responsables du développement de l’industrie des passeurs et des tragédies humaines que l’on observe quotidiennement en méditerranée.
Que faire ?
Il est évident que l’on ne peut pas empêcher l’immigration. Mais celle-ci peut néanmoins être directement influencée par la politique européenne. Dans un premier temps, il est important de baisser l’attractivité de l’Europe en réduisant les prestations et en ajustant les conditions d’admission. C’est la seule voie pour réduire l’afflux de migrants. Il est donc nécessaire de distinguer les réfugiés des migrants économiques et de renvoyer systématiquement ces derniers dans leur pays d’origine. Il est possible d’utiliser l’aide au développement comme moyen de pression, en la liant à la collaboration lors de la reprise des migrants non admis. Il est également nécessaire de venir en aide aux réfugiés fuyant la guerre, comme c’est le cas en Syrie. L’Europe doit travailler en coopération étroite avec les pays avoisinant le conflit (Turquie, Liban, Jordanie) afin de les soulager, d’augmenter l’efficacité de l’aide et d’empêcher les abus lors des demandes d’asile.
Si l’Europe n’entreprend rien, l’immigration continuera d’augmenter et les conséquences seront des tensions sociales croissantes. Personne ne veut cela, il est donc grand temps de revenir à la raison et d’écouter un peu plus les craintes justifiées de la population.
Albert Leimgruber, 15 octobre 2015
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