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mercredi, 12 août 2020

Explosion à Beirut : preuve qu’il n’y a ni État ni gouvernement au Liban

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Tibet DIKMEN                                                                                           

Explosion à Beirut : preuve qu’il n’y a ni État ni gouvernement au Liban

Il faut tout d’abord ne pas omettre de signaler le fait que le Liban, malgré sa taille réduite, est l’un des pays les plus compliqués du Moyen-Orient. Le nombre exact de la population de ce pays, contenant 18 différentes confessions et sectes, est toujours inconnu car aucun recensement officiel n’a été effectué depuis 1932. Cette diversité religieuse a donné lieu à maints conflits sectaires, allant de simples guerres limitées entre quartiers résidentiels (voir Conflit Bab el-Tabbaneh – Jabal Mohsen toujours en cours) à des guerres civiles dévastatrices (1975-1990).  Cette hétérogénéité et cette désunion de la population a permis à différents pôles d’influence de s’emparer des régions et des communautés distinctes. Quand nous regardons les choses de manières concrète, le Liban n’est pas un ‘État indépendant et souverain’.

Même si, sur le papier, il existe effectivement une République libanaise dotée d’organes étatiques plus ou moins légitimes, le pays est en réalité profondément  divisé en plusieurs parties, chacune disposant de sa propre structure culturelle et administrative. L’administration du ‘pseudo-état’ est également fortement dépendante de ces pôles d’influence, ce qui crée une situation de véritable guerre froide dans le pays. Mais d’un point de vue général, nous pouvons apercevoir trois grands camps distincts : d’un côté les chiites, majoritairement des descendants des nusayris de Syrie, soutenus par l’Iran et représentés par le Hezbollah. De l’autre côté, les sunnites qui n’arrivent pas à former une union, notamment à cause des pôles d’influence que constituent l’Arabie Saoudite et la Turquie. Et troisièmement, les chrétiens maronites, qui ressentent une forte sympathie pour la France, qui habitent les parties les plus luxueuses de la côte et qui constituent, en quelque sorte, l’élite économique.

Actuellement, nous observons un Liban confronté à des problèmes multidimensionnels et en plein écroulement. Notamment, d’une part, en raison de la crise économique, des efforts de l'Iran, de l'Arabie saoudite et de la France pour avoir leur mot à dire dans le pays, et d'autre part, du grave afflux de réfugiés syriens et des multiples tensions qui en résultent. L’explosion suspicieuse du 4 août fut la goutte qui fait déborder le tout.

Cependant le Liban est si précieux aux yeux de grandes puissances évoquées ci-dessus, car il sert de passerelle et joue un rôle logistique afin de nourrir les différentes organisations terroristes et milices non-officielles soutenues par ces puissances mêmes (en Afrique et au Moyen-Orient). Il pourrait même être considéré comme l’un des derniers bastions de la France en outre-mer, de là s’expliquerait le comportement ‘post-colonial’ de Macron lors de sa visite de ‘soutien’, ce qui a fortement déplu aux médias locaux. En outre, il est connu que le Port de Beyrouth est l’un des endroits principaux où les opérations logistiques des uns et des autres sont concoctées. A cela nous pouvons attribuer, les 2750 tonnes de nitrate d’ammonium attendant leur sort depuis 2014. Car en effet, la Direction des douanes libanaises affirme que depuis 6 ans, elle demande à la juridiction de ne pas stocker cette substance dans l’entrepôt du port : aucun résultat n'a toutefois été obtenu de la justice. Cela signifie qu'il y a de nombreux appareils d'État qui s'affrontent dans le pays, et ceux-ci peuvent même aller jusqu’à engendrer une tragédie détruisant la vie de centaines de civiles ordinaires, telle l’explosion du 4 août.

La reprise des manifestations prouve que le peuple libanais n’a plus aucune confiance envers le ‘pseudo-état’ libanais. Le Premier-ministre Diab a annoncé sa démission lors d'une conférence de presse tenue au Palais du Gouvernement, évaluant l'explosion dans le port de Beyrouth comme "le résultat d'une corruption enracinée dans l'administration de l'Etat". En affirmant qu'ils feront un pas en arrière pour pouvoir participer au ‘mouvement pour le changement côte-à-côte avec le citoyen’, Diab a déclaré: «Nous voulons ouvrir une porte pour sauver le pays».

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Avec tout cela, la démission du gouvernement n'a aucune signification pour les manifestants. L'année dernière, le gouvernement d'unité nationale avait également démissionné, mais un nouveau gouvernement s’était formé sous la direction des mêmes forces politiques. La démission du Premier ministre Hassan Diab était déjà prévisible, le peuple se retourne maintenant contre l’entité étatique elle-même. Il semblerait que les manifestants soient déterminés à continuer leur lutte jusqu’à ce que le président et le parlement soient renversés. Il nous reste à voir les conséquences directes et indirectes sur la région résultant de cette crise multidimensionnelle .

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