Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 22 août 2020

Le gazoduc Nord Stream 2 et les sanctions des Etats-Unis

csm_17_North-Stream-2-gazprom-com_feaf314101.png

Le gazoduc Nord Stream 2 et les sanctions des Etats-Unis

par Jochen Scholz*

Ex: https://www.zeit-fragen.ch

Dès le début de la construction du gazoduc Nord Stream, les Etats-Unis ont rendu clair qu’ils empêcheraient coûte que coûte la construction d’un deuxième gazoduc menant de la Russie en Allemagne en passant sous la mer. On a d’abord essayé d’influencer par voie diplomatique ou par les médias les membres de la Commission Européenne et du Parlement Européen sous l’emprise aux intérêts des Etats-Unis ainsi que les pays membres de l’Union Européenne qui répandent la chimère d’une Russie menaçante depuis des années. Maintenant, le congrès et le gouvernement américains commencent à serrer les vis. Toujours est-il qu’il faut tolérer cette ingérence dans la souveraineté (des pays respectifs).

De quoi s’agit-il? A la base de l’article 232 du «Countering America’s Adversaries Through Santions Act» (https://congress.gov/bill/115th-congress/house-bill/3364/...les Etats-Unis ont décidé d’imposer des sanctions aux entreprises et aux personnes qui construisent le gazoduc ou sont associées à ce projet. Ces sanctions représentent une violation sans équivoque du droit international parce qu’on applique la loi nationale d’un pays dans un contexte extraterritorial. Comme l’exemple de l’Iran le montre, ce comportement n’a rien de particulier. Les Etats-Unis l’ont souvent appliqué ces dernières années. Mais les sanctions appliquées sont seulement efficaces à cause du rôle du dollar dans le système financier mondial. A vrai dire, il s’agit du chantage.

Certes, le gouvernement allemand a officiellement interdit toute ingérence en ce qui concerne ses activités économiques, mais cela ne dissuadera pas les Etats-Unis d’empêcher l’achèvement du gazoduc Nord Stream 2. Un criminel se trouvant l’arme à la main devant sa victime ne sera pas dissuadé non plus de son attaque par la seule discussion. Ce n’est rien d’autre que le droit international créé par la Charte des Nations Unies après l’an 1945 qui est mis en jeu. Il semble de plus en plus être remplacé par le droit du plus fort qui ne cesse de se propager depuis la fin de l’Union Soviétique.

Donc, quel conseil donner au gouvernement allemand? Il faut surtout éviter de rendre la pareille, c’est-à-dire de menacer les Etats-Unis de sanctions. Ceci accélérait l’érosion du droit international dont le gouvernement allemand se plaint. La Charte des Nations Unies montre le chemin. Jusqu´à la fin de l’année 2020 l’Allemagne sera membre non permanent du Conseil de sécurité et le présidera jusqu’à la fin juillet. Je lui conseille de prendre l’initiative pour appliquer l’article 96 de la Charte:

«Article 96

a. L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique.

b. Tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un moment quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité.

(https://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-xiv/ind...)

Au lieu d’être pour l’instant uniquement discuté en Europe et aux Etats-Unis1, le problème sera ainsi un sujet plus connu, voire mondialement connu, même au cas où les Etats-Unis y opposeraient leur véto au Conseil de sécurité ce qui est probable.

La raison principale de l’opposition des élites se trouvant au pouvoir indépendamment de la présidence états-unienne est de nature géopolitique. Car la collaboration de l’Allemagne et de la Russie dans le domaine de l’énergie représente sans aucun doute un élément constitutif d’un espace économique eurasien en train de naître qui entraînera par conséquent une nouvelle architecture de sécurité. Ceci dit, la lutte anglo-américaine pour contrôler «l´île-monde» qui dure depuis des décennies aurait été vaine. Car d’après Halford Mackinder la domination de l’île-monde est la condition préalable à la domination du monde entier.2 D’autres raisons comme par exemple la vente du gaz de fracturation sous forme liquide à l’UE sont moins importantes et représentent plutôt un sujet de la campagne électorale du président Trump. Le gazoduc par contre est très important pour la Russie en ce qui concerne sa géopolitique et sa structure économique.

Il serait donc à souhaiter que la Russie en tant que membre permanent du Conseil de sécurité réfléchisse à appliquer le paragraphe/article 96 de la charte.•


1Y inclus la Russie
 https://www.lettre.de/beitrag/mccoy-alfred-w_herzland-und-weltinsel https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_du_Heartland


*Jochen Scholz, ancien lieutenant-colonel de l’armée allemande (Bundeswehr) a travaillé pendant plusieurs années à l’OTAN à Bruxelles. Pendant la guerre contre la Yougoslavie, il faisait partie du ministère fédéral de la défense où il apprit que les discours officiels des hommes politiques sur la violation des droits de l’homme par les Serbes ne correspondaient pas à ce qu’en rapportaient les experts sur place. En 1999, il quitta le Parti social-démocrate allemand SPD à cause de ces mensonges.

Les commentaires sont fermés.