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mardi, 12 janvier 2021

Le 6 janvier 2021 à Washington, un autre 6 février 1934 ?

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Le 6 janvier 2021 à Washington, un autre 6 février 1934 ?

par Georges FELTIN-TRACOL

La journée du 6 janvier 2021 marquera durablement la mémoire collective des Étatsuniens. Ce jour-là, une foule bon enfant composée de braves gens se mobilise contre le Système politicien en place. Dans une ambiance bientôt chamailleuse, des manifestants déterminés par leur foi dans leurs croyances, leur patrie et leur travail, protestent contre le gigantesque détournement électoral réalisé par la mafia démocrate et ses comparses républicains. Prenant au mot les médiats dominants d’invasion psychologique qui ne cessent de vanter toutes les transgressions possibles et imaginables, ils violent les conventions ploutocratiques et occupent pendant quelques heures le Capitole, siège du pouvoir législatif.

Au printemps 2020, une scène similaire s’était passée au Michigan. Des anti-masques usèrent de leurs droits civiques pour refuser le harcèlement sanitaire et le confinement autoritaire imposées par Gretchen Whitmer, gouverneur démocrate de l’État. Ils occupèrent quelques minutes le parlement local. L’irruption et l’occupation d’une assemblée furent en France monnaie courante entre 1789 et 1870. Se souvenant de ces moments fâcheux, la majorité conservatrice de l’Assemblée nationale s’installa à Versailles afin de négocier la paix avec Bismarck sans craindre la pression populaire parisienne. En revanche, contrairement à un cliché bien répandu à gauche et chez les modérés, le 6 février 1934 ne fut jamais une tentative de coup d’État nationaliste. Les anciens combattants communistes côtoyaient les ligues patriotiques. L’impréparation de la manifestation, l’absence d’intentions communes et la candeur des organisateurs, eux-mêmes divisés en chapelles rivales, empêchèrent tout coup décisif sérieux.

Les images de la prise du Capitole sont jubilatoires. Il ne faut pas comparer ce sympathique charivari aux troubles inhérentes à l’escroquerie intellectuelle estivale Black Lives Matter. Coiffé d’une belle tête de bison, ce qui scandalise déjà les végans, Jake Angeli occupe le perchoir du Sénat. Un autre brandit le drapeau confédéré dans ce haut-lieu de pourriture politico-financière. Un troisième se prend en photographie assis dans le bureau de la présidente de la Chambre des représentants, le troisième personnage de l’État, l’ineffable démocrate californienne Nancy Pelosi. Toute la caste consanguine de la fange politique et du monde médiatique condamne bien évidemment ce coup de vent frais qui aère un instant l’antre putride des compromissions sordides.

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Les médiats dominants d’occupation mentale enragent devant cette réaction populaire qu’ils diabolisent volontiers. La presse hexagonale se distingue par sa partialité. Le correspondant permanent aux États-Unis d’une radio périphérique ose qualifier le réseau QAnon de « secte complotiste ». Les présentateurs des journaux télévisés répètent en bons petits perroquets les éléments de langage distillés par le gang Biden – Harris. Il ne leur viendrait pas à l’esprit l’hypothèse que la foule ait été manipulé dès le départ par quelques provocateurs professionnels de l’« État profond » yankee. Sinon pourquoi les unités de police affectées à la protection de la colline du Congrès étaient-elles en sous-effectifs ? Joe Biden pourra ensuite prétexter la moindre agitation oppositionnelle pour suspendre certaines libertés publiques et réinterpréter par des ordonnances présidentielles (executive orders) la portée des premier et deuxième amendements de la Constitution de 1787.

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En France, toute la coterie politicarde a versé dans une compassion larmoyante. La palme revient néanmoins au garnement de l’Élysée qui, une nouvelle fois, se déconsidère aux yeux du monde entier. Déniant une colère fondée et légitime, le Tartarin présidentiel confirme avec la bannière étoilée derrière lui sa fonction de petit télégraphiste de l’atlantisme, de l’américanisme et de l’occidentalisme. Les trois anciens présidents US ont eux-aussi craché leur venin. Le tueur en série par drone Barry « Barack » Obama poursuit son long travail de sape en faveur du cosmopolitisme avancé. L’expert en stagiaires, Bill Clinton, par ailleurs grand ami de cette haute valeur morale de Jeffrey Epstein, s’indigne des évènements. Le génocideur en chef George W. Bush parle pour sa part de « république bananière ». Il oublie que c’est le cas depuis le temps des « barons – voleurs » de la fin du XIXe siècle. La corruption électorale est même consubstantielle à la vie politique étatsunienne. Dans Alamo, un film de John Wayne sorti en 1960, l’ancien représentant du Tennessee Davy Crockett discute avec un couple de fermiers de cet État réfugiés dans l’ancien monastère texan. La femme avoue que son mari n’a pas voté pour lui, car l’autre candidat lui avait versé un pot-de-vin.

Les médiats rapportent cinq décès parmi lesquels quatre honnêtes manifestants. La première victime est une femme de 35 ans, Ashli Elizabeth Babbitt. Une autre femme de 34 ans, Rosanne Boyland, fait aussi partie des quatre tués. Entendons-nous les habituelles indignations horrifiées alors que les violences policières sont ici incontestables et ces deux « féminicides » bien réels ? Le silence radio et télévisé est assourdissant ! Certaines vies, principalement blanches, ne valent donc moins que d’autres selon les critères du politiquement correct. Les meneurs de l’assaut sont maintenant recherchés par la police politique du Régime yankee. Gageons que les ONG droits-de-l’hommiste ne les défendront pas devant des tribunaux au fonctionnement kafkaïen.

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Les trublions du 6 janvier 2021 ont investi avec brio, courage et audace l’enceinte du Capitole. Malheureusement, leur coup d’éclat ressemble surtout à un coup de tonnerre solitaire. Faute de disposer des moyens médiatiques, financiers et humains satisfaisants, ils se retrouvent vite esseulés. En effet, Donald Trump vient de dévoiler toute son ambiguïté. Il condamne avec raison l’insincérité du scrutin présidentiel, voire des élections sénatoriales en Géorgie, demande à ses partisans de marcher sur le Capitole, puis se ravise et les invite à rentrer chez eux. L’homme d’affaires de New York s’est appuyé sur un Parti républicain qui ne l’a jamais accepté et qui l’a plutôt soutenu comme une corde soutient le pendu. Les responsables de ce parti sont plus que jamais de formidables planches pourries. Mais le 45e président des États-Unis n’a pas non plus fait preuve de persévérance, de cohérence et de prévoyance. Velléitaire et erratique, il n’a pas sorti son pays du carcan belliciste de l’OTAN. Il n’a jamais voulu purger l’appareil du Great Old Party (GOP) de tous les stipendiés de la Silicone Valley et de la nouvelle finance numérique. Il n’a pas anticipé un trucage massif des élections. Plus grave encore, il n’a jamais nommé aux postes-clé des partisans fidèles et dévoués. Il n’a même pas imaginé une structure parallèle secrète (ou clandestine) capable de se substituer immédiatement aux infrastructures légales militaires, politico-administratives et judiciaires. Il a ensuite désavoué ses propres partisans. Son reniement public n’arrête cependant pas les démissions en chaîne da sa propre équipe. Les Étatsuniens peuvent-ils vraiment encore se fier à un tel gars ? Donald Trump incarne ce que le philosophe catholique Thomas Molnar nommait un « faux héros contre-révolutionnaire (ou réactionnaire) ». Et si Trump avait été un alibi, consentant ou non, de l’« État profond » ? Sa candidature a su canaliser une aspiration qui, autrement, se serait cristallisée sur un autre candidat plus perturbateur encore.

Au moment où cette ignominie de Wikipédia le classe dès à présent parmi les anciens présidents, Donald Trump aurait pu « assécher le marais de Washington »; il aurait même dû passer à l’action ce 6 janvier. Ainsi aurait-il ordonné aux officiers subalternes d’arrêter Biden, Harris, leur équipe pré-gouvernementale, les élus récalcitrants, des généraux, des amiraux, des gouverneurs, des juges, des journalistes et des milliardaires du numérique. Usant de prérogatives exceptionnelles, le chef de l’État aurait dans la foulée proclamé la loi martiale, fédéralisé les gardes nationales et contraint les États où les votes sont les plus litigieux à recommencer le scrutin. Donald J. Trump n’a pas eu le courage de franchir le Rubicon.

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À l’instar de Grover Cleveland, 22e et 24e président des États-Unis (1885 – 1889 et 1893 – 1897), il se prépare déjà à la présidentielle de 2024. Or, outre l’opposition des caciques du Parti républicain qui commencent déjà à séduire Mike Pence, plus malléable et intégré aux jeux délétères du Système (il l’a prouvé en contournant la chaîne de commandement dans la journée du 6), les démocrates feront tout pour éviter une nouvelle candidature de l’ancienne vedette de télé-réalité. Leur victoire malhonnête à la présidentielle et aux sénatoriales géorgiennes les incite à poursuivre, à amplifier et à généraliser la fraude aux élections intermédiaires de 2022 et à l’échéance capitale de 2024. En outre, leurs procureurs piaffent d’impatience à l’idée d’inculper l’ancien président populiste. Le 6 janvier 2021 ne restera donc pas dans l’histoire des États-Unis comme un nouveau 2 décembre 1851 français.

Georges Feltin-Tracol.

Ami - Ennemi, le fondement du politique (Carl Schmitt)

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Ami - Ennemi, le fondement du politique (Carl Schmitt)

Dans cette vidéo, nous verrons un des concepts majeurs du philosophe et juriste Carl Schmitt, à savoir la célèbre antinomie de l'ami et de l'ennemi qui serait le fondement du politique. L'enjeu est ici de clarifier et de distinguer des notions importantes comme politique, Etat, morale, etc. pour mieux penser certains débats contemporains. Livre présenté : La notion de politique (1932).
 
 
Musique du générique : Toccata et fugue en ré mineur BWV 565 de J.S. Bach

La dernière évolution des guerres hybrides: les "nouveaux droits"

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La dernière évolution des guerres hybrides: les "nouveaux droits"

par Emanuel Pietrobon

Source : Inside Over & https://www.ariannaeditrice.it

Les premières décennies des années 2000 apparaissent comme annonçant un siècle de guerres hybrides, sans limites et multidimensionnelles. Des guerres qui se déroulent simultanément et de manière égale dans l'espace virtuel et dans la réalité physique. Tout le monde peut être enrôlé, même inconsciemment, dans l'armée de la dernière génération des guerres : les pirates informatiques, les spéculateurs financiers, les militants politiques, les ONG, les musiciens et les personnes d'influence.

L'objectif des guerres post-clausewitziennes n'est pas la destruction territoriale de l'ennemi, mais sa chute dans un vortex d'instabilité productive qui, en érodant les fondements de la paix sociale, est capable de conduire à des états de tension permanents entre classes, groupes sociaux, communautés ethniques et factions politiques qui, s'ils sont utilisés à bon escient, peuvent ouvrir la voie à des guerres civiles, des révolutions colorées, des coups d'État et des insurrections intermittentes. L'étude de cas de Jacobo Arbenz sur le Guatemala, la guerre hybride ante litteram, est extrêmement utile pour comprendre le phénomène analysé là-bas.

Les architectes de la nouvelle génération des guerres agissent en ayant pleinement conscience de l’adage latin concordia civium murus urbium, de sorte que les hommes d'État - en plus de s'inquiéter des interférences dans les processus électoraux, des attaques cybernétiques et des opérations psychologiques - devraient accorder une attention adéquate à un autre domaine exposé et vulnérable aux pénétrations exacerbées de l'extérieur : les "nouveaux droits".

Les ‘’nouveaux droits’’ comme arme

41EpSiTsDoL._AC_UL320_SR212,320_.jpgIl n'y a pas de force plus écrasante et imparable qu'une société qui exige le changement. Gustave Le Bon l'a compris à la fin du 19ème siècle, prévoyant l'avènement de la société des foules. Un siècle plus tard, le philosophe et politologue Gene Sharp élaborera une théorie pour transformer les changements sociaux et générationnels en une arme : les révolutions colorées.

Le souvenir de la division de l'Europe en blocs s'efface, mais celui des ‘’printemps’’ de liberté, qui ont émergé suite aux idées de Sharp, est plus vif que jamais. Le siècle des idéologies étant révolu, et le communisme s'étant effondré, les années 2000 ont vu l'émergence de ce qu'on appelle les ‘’nouveaux droits’’, au nom desquels sont nés des mouvements de protestation, des courants culturels et des révoltes, démontrant leur capacité à faire plier les gouvernements.

L'armement, que constitue la revendication de ‘’nouveaux droits’’, est particulièrement percutant en Occident, et aussi, en marge, en Amérique latine, où des situations d'insurrection intermittente et de troubles civils généralisés se répandent, prospèrent et prolifèrent, se nourrissant de la polarisation croissante des sociétés et réussissant fréquemment à provoquer la chute du gouvernement en place ou à modifier de manière significative son programme politique - de véritables coups d'État en douceur.

L'un des cas les plus récents d’une déstabilisation causée par des revendications de ‘’nouveaux droits’’, cas sur lequel plane l'ombre d'une possible manipulation occulte et extérieure, est celui qui s’attaque au parti au pouvoir en Pologne, « Droit & Justice » (PiS). Les forces qui ont été les moteurs des incidents les plus graves qui ont secoué le pays dans l'ère post-communiste, relèvent du mouvement ‘’arc-en-ciel’’ et du mouvement favorable à l'avortement, les chevaux de bataille d'un réseau d'organisations non gouvernementales et de collectifs - soutenus par des donateurs anonymes et privés - qui, entre août et novembre, ont mis à l'épreuve la résistance du gouvernement en organisant des marches et des affrontements, parfois assez violents.

D'où vient leur potentiel ?

9782296108721r.jpgLes ‘’nouveaux droits’’ sont attrayants aux yeux des gens, surtout des jeunes, car ils dégagent la sensation d’une liberté illimitée et d’un hyper-individualisme. Ils sont l'expression la plus manifeste de la corne d'abondance permissive, le phénomène qui, selon Zbigniew Brzezinski, mettrait à rude épreuve la stabilité des sociétés occidentales au cours du nouveau siècle. Poser l’hypothèse de leur instrumentalisation n'est pas du tout un argument de diétrologie (ndt : l’idéologie dominante donne la définition suivante de la diétrologie, terme forgé en Italie : « Tendance négative à rechercher systématiquement pour le moindre fait ou événement des causes différentes de celles déclarées ou apparentes, biais consistant à voir des complots partout »). L'Union européenne - pour citer un cas récent - a approuvé en août dernier un plan d'action visant à accroître la pression de la base biélorusse sur Alexandre Loukachenko. Ce plan d’action se base sur "un soutien accru au peuple biélorusse, y compris un engagement renforcé et financier au bénéfice de la société civile, et un soutien supplémentaire pour mettre sur pied une information indépendante".

Le soutien déclaré à la dite ‘’société civile’’, à l'opposition et à l' « « information indépendante » a un sens, que nous connaissons désormais trop bien depuis l'époque des révolutions de couleur anticommunistes : il s’agit de conditionner les valeurs, les attitudes et la perception du public du régime que l'on souhaite affaiblir, amener à la table des négociations ou renverser. Par conditionnement, on entend la diffusion et la promotion de systèmes de valeurs et de modes de vie contraires à ceux qui prévalent et qui, une fois enracinés, augmentent la probabilité d'un phénomène révolutionnaire venant d'en bas et apparemment authentique.

À l'ère des ‘’nouveaux droits’’ et de la politique identitaire (ndt : au sens BLM ou LGBT du terme), les fondations d'un gouvernement de gauche pourraient être attaquées en faisant appel aux sentiments conservateurs d'une partie de la population, tandis qu'un gouvernement conservateur pourrait être affaibli et/ou amené à une chute précoce en faisant appel aux forces de gauche. La même logique s'applique aux sociétés multiraciales - Black Lives Matter docet - et aux réalités politiques plus sécularisées et plus ‘’avancées’’ du point de vue des droits, où l’on assisterait alors à la radicalisation de mouvements anti-corruption, anti-système, écologistes, féministes et arc-en-ciel.

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Les démocraties libérales sont particulièrement perméables aux guerres hybrides, et à leur perpétuel mouvement évolutif, en raison de leur nature très pluraliste. Les autocraties et les dictatures ne sont cependant pas à l'abri d'un risque de renversement suite à une greffe voulue d'idées subversives : les cas du bloc communiste et des révolutions colorées dans l'espace post-soviétique au début des années 2000 en sont la preuve. Par conséquent, les guerres de la dernière génération ne sont pas seulement des opérations asymétriques et cybernétiques, mais aussi des armes moins visibles, articulées autour de revendications de ‘’droits’’, revendications qui peuvent frapper durement n'importe qui et n'importe où.

Quand viendra l’«anarcho-tyrannie»?

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Quand viendra l’«anarcho-tyrannie»?

par Philippe-Joseph Salazar

Ec: https://www.lesinfluences.fr

Décortiquer une théorie politique forgée par l’écrivain conservateur Samuel Francis dans les années 1990, et devenue coqueluche des suprémacistes.

Dans les flux d’influence intellectuelle, c’est- à-dire dans le trafic vibrionnant de slogans qui naviguent d’un pays à un autre, et puis prennent racine et deviennent des « idées » politiques, dans cette circulation suractivée par la Toile, les slogans français font pauvre figure. L’anglo-saxonnisme est le discours maître. L’expression de « biopolitique », conceptualisée par Michel Foucault, a dû être le dernier exemple d’une invention française qui a pris – quarante ans après, hélas, décanillée comme concept pour devenir une « idée » politique, et donc mis à toutes les sauces depuis la crise sanitaire qui nous afflige.

Mais à être toujours là, à attendre que le dernier mot d’ordre tendance venu des States passe l’Atlantique et refasse surface dans Causeur ou L’Obs, on rate ce qui est encore off shore. Car, depuis quelque temps, circule un terme choc dans les milieux de la droite anglo-saxonne et nordique nationaliste, ou raciale, ou blanche, ou européaniste, ou « suprémaciste » – sur cette casuistique très lacanienne autour du Nom du Père, bref de ce qu’on ne doit pas dire, voir mon Suprémacistes (Plon).

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Ce terme est « anarcho-tyranny », anarcho-tyrannie. Le mot, et la réflexion politique qui le soutient, signale qu’une autre étape a été franchie par l’idéologie en formation du « suprémacisme » international. Ce n’est qu’une question de temps pour que le mot, ou la pensée qui sert de référence au mot, et avec lui toute une rhétorique, c’est-à-dire un système persuasif d’influence, ne se solidifie, et impacte, qui sait, le manège à idées français. « Anarcho-tyrannie » est devenu un instrument de réflexion politique.

Le terme, et la réflexion dont il est le label, date des années 1990. Il est le fruit de l’imagination politique d’un essayiste américain de talent, Samuel (« Sam ») T. Francis (1947-2005), auteur d’un ouvrage plus d’essayiste que de philosophe (ce qu’il n’était pas) sur l’État moderne, Leviathan (2016, posthume). Sam Francis, avec « anarcho-tyranny », connaît depuis récemment un véritable revival dans les milieux « nationalistes blancs », porté par la jeune génération de l’ « alt right », que je décris aussi dans Suprémacistes. Trente ans de travail en tapinois pour une idée brillante. Car les « idées » politiques, qui ne sont pas des concepts mais des montages opportunistes, à la fois inspirés par l’Histoire et aspirés par l’actualité, tributaires d’une ascendance et créant leur propre tribu de partisans, là, maintenant, souvent mettent du temps à sortir du terrier. « Anarcho-tyrannie », inventé donc vers 1990 par Sam Francis, est désormais hors du trou – sauf en France, pour le moment.

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L’expression aura peut-être du mal à s’acclimater en France du fait que dans notre magasin d’idées en boîte « anarchie » est marquée extrême gauche, et « tyrannie » extrême droite. Un Américain a moins de scrupules à user de ces mots : les États-Unis n’ont jamais connu d’anarchie, et encore moins de tyrannie. L’Europe, oui, par contre. Car le problème rhétorique est que l’expression ne désigne aucun des extrêmes de notre éventail politique, mais tout à fait autre chose : l’État. Oui, l’État, notre État de droit – libéral, démocratique, républicain, parlementaire, sur toute la gamme des qualificatifs. C’est cet État de droit qui est une anarcho-tyrannie.

Qu’est-ce à dire ? Je traduis Francis :
« Dans un État d’anarcho-tyrannie le gouvernement n’applique pas la loi et ne remplit pas les fonctions que son devoir légitime lui impose d’accomplir ; et en même temps l’État invente des lois et des fonctions qui n’ont pas de raison valide et ne répondent pas à un devoir légitime. Une caractéristique de l’anarcho-tyrannie est cette propension de l’État à criminaliser et à punir des citoyens innocents qui obéissent à la loi, et en même temps de se refuser à punir les délinquants. Une autre est le refus par l’État d’appliquer des lois existantes et de prendre encore plus de lois qui sont sans effet sur la véritable criminalité, mais qui criminalisent encore plus les innocents, ou restreignent leurs libertés civiles ».

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Est-il utile de faire un dessin et d’enfoncer le clou ? La crise endémique des Gilets Jaunes où l’État sans valide raison a puni des citoyens innocents au delà d’un usage légitime de la coercition ; les tergiversations de l’État au regard de la population musulmane en France en rapport avec la lutte armée des djihadistes et la propagande des imams ; l’appareil de censure des opinions et de la liberté d’expression, appuyé souvent par le pouvoir judiciaire, et le laxisme vis-à-vis de rappeurs haineux ; les dissolutions rapides d’organisations et la tolérance prolongée envers d’autres ; la surveillance électronique des citoyens, et l’existence protégée des zones dites de non-droit ; des règles draconiennes pour le confinement, et le laissez-faire des dealers dans les cités … autant d’exemples, si on suit Francis, d’un État d’anarcho-tyrannie.

Nous vivrions donc dans un État qui d’une part opprime de manière mesquine, ou dure, les citoyens qui obéissent aux lois, observent les règlements, remplissent la paperasserie administrative sans broncher, et qui d’autre part et en même temps (c’est cette simultanéité qui est violente) laisse d’autres faire comme ils veulent ; un État qui applique tel règlement et pas tel autre selon que le délinquant est loup ou lapin. Telle est la rhétorique, l’argumentaire qui soutient le slogan de l’anarcho-tyrannie : car il serait aisé, à partir de ces exemples, vrais ou faux – peu importe puisque la politique est toujours affaire de l’efficacité d’une opinion rendue plus persuasive qu’une autre – de bâtir un argumentaire, de lancer un programme politique, de renverser même l’État. Car le slogan est puissant, attirant, convaincant.

Qui aura donc la chutzpah, en France, de crier à l’anarcho-tyrannie de la République ? Les « nationalistes blancs » français d’établissement sont probablement trop intellectuels, trop confits dans ce qu’ils nomment l’action « métapolitique » à longue portée, pour goûter, à l’américaine, à l’anglaise, à la nordique aussi, ce produit tout fait, emballé net, et prêt à la consommation. Prêt à entrer en action, car « eppur si muove », dixit Galilée.